R E V U E D E P R E S S E ● O. Dupuis*, C. Poncelet**, Y. Ansquer** • Comparaison des incisions de Pfannenstiel et de l’incision transrectale en cas de césarienne : étude prospective contrôlée randomisée Giacalone PL et al. Pfannenstiel versus Maylard incision for cesarean delivery : a randomised controlled trial. Obstet Gynecol 2002 ; 99 : 745-50. Résumé L’objectif des auteurs est de comparer les incisions de Pfannenstiel et l’incision transrectale en cas de césarienne en comparant les suites opératoires de ces deux interventions et, en particulier, en comparant les douleurs postopératoires et en étudiant trois mois après l’intervention et de manière objective la force musculaire de la paroi abdominale. Après contrôle des critères d’exclusion, les patientes étaient randomisées en deux groupes : soit incision de Pfannenstiel, soit incision transrectale. Cinquante-quatre femmes ont eu une incision de Pfannenstiel et quarante-trois une incision transrectale. Des questionnaires ont été adressés aux patientes un et deux mois après l’intervention et elles ont été conviées à un examen de la paroi abdominale par un kinésithérapeute trois mois après la chirurgie. Le taux de complications postopératoires et l’intensité de la douleur n’étaient pas significativement différents dans les deux groupes. La force musculaire de la paroi abdominale mesurée par un dynamomètre n’était pas significativement différente dans les deux groupes. Les auteurs concluent qu’au cours d’une césarienne, la section des muscles grands droits n’entraîne pas de diminution objective significative de la force musculaire. Commentaire Il faut saluer la rigueur scientifique de cette étude menée par l’équipe du service de gynécologie obstétrique de Montpellier. L’objectif de cette étude était de comparer deux types d’incisions en cas de césarienne : la classique incision transversale de Pfannenstiel (1) et l’incision transrectale de Maylard (2). * Fédération femme, mère, nouveau-né des Prs Dargent, Mellier et Thoulon, hôpital Édouard-Herriot, 5, place d’Arsonval, 69437 Lyon Cedex 03. ** Service de gynécologie-obstétrique, hôpital Bichat-Claude Bernard, 75018 Paris. 6 Dans la première, les muscles grands droits de l’abdomen sont séparés, tandis qu’ils sont sectionnés dans la seconde. Dans cette étude, la force musculaire était évaluée de manière objective par l’utilisation d’un dynamomètre et de manière subjective par la palpation de la paroi abdominale lors d’efforts abdominaux. Cent vingt patientes ont été randomisées et, parmi elles, 97 ont répondu aux questionnaires qui leur ont été envoyés un et trois mois après l’intervention. Enfin, 54 des 120 patientes se sont présentées à l’examen du kinésithérapeute trois mois après l’intervention et ont eu une évaluation objective de la force musculaire. L’analyse des résultats montre que les deux groupes ont des caractéristiques démographiques comparables. De même, la durée opératoire, la durée de l’hospitalisation, le taux de complications pariétales et l’intensité de la douleur ne sont pas significativement différents. L’analyse subjective de la force musculaire ne montre pas de différence notable, mais l’analyse objective montre une tendance vers la diminution de la force musculaire dans le groupe des incisions transrectales. La méthodologie de cette étude est rigoureuse ; en revanche, le nombre de patientes perdues de vue est important : ainsi, sur les 120 patientes randomisées, seules 54 ont eu une évaluation objective de la force musculaire. Enfin, on notera que même si la différence n’est pas significative, les résultats de cette étude montrent une diminution de la force musculaire dans le groupe des incisions transrectales par rapport aux groupes Pfannenstiel. On peut donc regretter que cette étude n’ait pas un effectif plus important. En obstétrique, de nombreux praticiens ont adopté la technique de Stark (3), comprenant une incision de type Cohen (voir “Événément de l’année 2001”, page 171) qui réduit la durée opératoire et permet une cicatrisation plus physiologique des péritoines viscéraux et pariétaux. Cependant, il nous paraît important de conserver l’apprentissage de l’incision de Pfannenstiel et de l’incision transrectale, toutes deux largement utilisées en chirurgie gynécologique. On remarquera seulement qu’une exposition suffisante est souvent obtenue avec une section partielle des muscles grands droits, qui a l’avantage de protéger les pédicules épigastriques lors de l’extraction du nouveau-né et qui permettrait de conserver une force musculaire de qualité. On pourrait donc constituer non pas deux, mais trois groupes de patientes : Pfannenstiel, section partielle des grands droits, section totale des grands droits. Cette randomisation permettrait d’observer s’il existe ou non une corrélation entre l’ampleur de la section musculaire et la force dynamométrique observée. Conclusion. On retiendra que, trois mois après l’intervention, la section de la totalité des muscles grands droits de l’abdomen n’entraîne pas de diminution importante de la force musculaire. La Lettre du Gynécologue - n° 276 - novembre 2002 R Néanmoins, compte tenu de la diminution de la force observée, il est souhaitable de poursuivre ce travail avec un nombre plus important de patientes. En attendant ces études, il nous paraît logique de privilégier les incisions de Pfannenstiel ou la technique de Stark à chaque fois que la patiente pratique un sport à haut niveau. O. Dupuis R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Pfannenstiel J et al. On the advantages of a transverse cut of the fascia above the symphysis for gynecological laparotomies, and advice on surgical methods and indications. Samml Klin Votr Gynäkol 1897 ; 68 : 98. 2. Maylard AE et al. Direction of abdominal incision. Br Med J 1907 ; 2 : 895-901. 3. Stark M et al. Technique of caesarean section : the Misgav Ladach method. Proceedings of the fourteenth world congress on gynecology and obstetrics. Montreal, 1994. London 81-5. • Césarienne en urgence : un délai de 30 minutes entre la décision de césarienne et l’extraction fœtale est-il un objectif réaliste ? Giacalone PL et al. Pfannenstiel versus Maylard incision for cesarean delivery : a randomised controlled trial. Obstet Gynecol 2002 ; 99 : 745-50. Résumé L’ objectif de cette étude est d’évaluer si un délai de 30 minutes entre la décision de césarienne et l’extraction est réaliste en cas de césarienne en urgence. Cette étude s’est déroulée dans une maternité qui effectue 2 300 accouchements par an. L’ensemble des dossiers des césariennes réalisées en urgence a été collecté. Ils ont ensuite été stratifiés en cinq périodes et, en particulier, avant et après introduction d’une “feuille de route” mise en place trois mois après le début de l’étude. Sur cette feuille, les heures de décision, d’appel et d’arrivée des différents intervenants étaient recueillies. Avant l’introduction de la “feuille de route”, le délai était supérieur à 30 minutes dans 64 % des cas. Les deux causes de retard étaient le temps de transfert vers le bloc opératoire et le temps nécessaire à la réalisation de l’anesthésie. Après introduction de cette fiche, le délai était supérieur à 30 minutes dans 29 % des cas. Conclusion. L’utilisation en salle de travail d’une feuille de route a permis l’amélioration des performances de l’équipe obstétricale. Cependant, un taux de 100 % d’extraction en moins de 30 minutes semble difficile à atteindre. La Lettre du Gynécologue - n° 276 - novembre 2002 E V U E D E P R E S S E Commentaire Entre 1970 et 1988, le taux de césariennes des maternités est passé de 5 à 25%. Cet accroissement va de pair avec une augmentation du nombre de césariennes effectuées “en urgence”. Dans cette maternité, les dossiers des patientes ayant eu une césarienne en urgence ont été étudiés. Dans les trois mois précédant l’introduction de la feuille de route, 73césariennes ont été effectuées en urgence, et le délai de 30minutes n’a été respecté que dans 36% des cas. En fait, la lecture attentive des dossiers a montré que parmi les 47césariennes pour lesquelles le délai a été supérieur à 30 minutes, 21 n’étaient pas des cas urgents. Après introduction de la feuille de route, l’amélioration a été notable, avec des taux passant de 44 à 71% de césariennes en moins de 30minutes. Cette étude appelle plusieurs remarques : ✔ La définition d’un délai unique de 30 minutes entre la décision de césarienne et l’extraction de l’enfant nous paraît réductrice. En effet, un délai de 40 minutes nous semble raisonnable en cas de césarienne pour une toxémie sévère avec HELLP syndrome à terme, alors qu’il est inadmissible pour une suspicion de rupture utérine en cours de travail… ✔ On rappellera les résultats de deux études : – L’étude canadienne de Bujold, parue récemment dans l’American Journal, dans laquelle trois enfants qui sont nés 23,16 et 15 minutes après le début d’une bradycardie ont développé une encéphalopathie ischémique (1). – L’étude de Faro, qui a démontré en 1969 que, chez le singe rhésus, toute anoxie de 10 minutes ou plus entraînait une altération neurologique (2). Dans les cas de suspicion de souffrance fœtale, un délai de 30 minutes nous paraît donc excessif. ✔ Les auteurs ont démontré d’une part la qualité médiocre des annotations des dossiers médicaux et, d’autre part, l’amélioration des performances de l’équipe par la simple introduction d’une feuille de route. La qualité médiocre des annotations de l’équipe obstétricale est un argument de plus pour la promotion en salle de travail de documents types que les équipes n’ont plus qu’à remplir... ✔ Les auteurs ont également démontré que les deux causes le plus souvent à l’origine du retard à l’extraction sont le délai lié au temps de transfert des patientes entre la salle de travail et le bloc obstétrical et le temps nécessaire à la réalisation de l’anesthésie. Cette observation appelle deux réflexions : – La première porte sur l’équipement des maternités. En effet, dans de très nombreuses maternités, le bloc opératoire n’est pas au même étage que les salles d’accouchement, allongeant d’autant le temps des transferts. L’équipement des maternités devrait donc comporter deux blocs obstétricaux attenants aux salles de travail, dont l’un serait réservé aux urgences. – La deuxième réflexion porte sur l’organisation du travail en équipe. Les protocoles d’intervention obstétricaux devraient, à notre sens, être toujours validés par l’ensemble des périnatologues, à savoir obstétriciens, anesthésistes, pédiatres, sages-femmes... En effet, le délai qui existe entre la décision de césarienne portée par l’obstétricien et l’extraction nécessite l’intervention et l’entière collaboration de l’ensemble de ces acteurs. 7 R E V U E D E P R E S S E La démarche d’audit effectuée par les auteurs de cette étude devrait être complétée par un travail d’amélioration de la séquence des gestes qui sont réalisés entre la décision de césarienne et l’extraction. Conclusion. Nous partageons le souci d’évaluation prôné par les auteurs et la nécessité de diffusion de documents types pour la salle de travail ; en revanche, le délai de 30 minutes qui est recommandé nous semble devoir être modulé selon les indications : il est trop long pour certaines indications et trop court pour d’autres. Une réflexion sur la séquence de gestes réalisés lors d’une intervention urgente devrait être menée dans le but d’optimiser un temps précieux pour le seul intervenant que l’on n’entend pas, mais qui doit bénéficier de toute notre attention… le fœtus bien sûr. O. Dupuis R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Bujold E et al. Neonatal morbidity associated with uterine rupture : what are the risk factors ? Am J Obstet Gynecol 2002 ; 186 : 311-4. 2. Faro MD et al. Transneuronal degeneration in brains of monkeys asphyxiated at birth. Exp Neurol 1969 ; 24 : 38-53. • Taux de grossesse après déstérilisation tubaire par néosalpingostomie chez des patientes ayant eu une fimbriectomie : une analyse rétrospective de 10 ans Tourgeman D, Bhaumik M, Cooke G, Najmabadi S, Paulson R, Jain JK. Pregnancy rates following fimbriectomy reversal via neosalpingostomy : a 10 year retrospective analysis. Fertil Steril 2001 ; 76 : 1041-4. Résumé L’objectif de cette série rétrospective était d’analyser les paramètres associés à la réussite de la déstérilisation tubaire par néosalpingostomie après fimbriectomie, et d’établir le taux de fécondabilité mensuel et le taux cumulé de grossesse. Quarante et une patientes avec des paramètres ovulatoires, utérins et des paramètres masculins satisfaisants ont bénéficié d’une déstérilisation tubaire par néosalpingostomie par cœlioscopie ou par laparotomie. La durée moyenne de stérilisation était de 11,5 ans et l’âge moyen des patientes de 33,8 ans. Six patientes (14,6 %) ont commencé une grossesse au moins une fois. Seize interventions ont été réalisées par laparotomie ; elles ont permis d’obtenir quatre grossesses (25 %), alors que de 25 interventions cœlioscopiques ont résulté deux grossesses (8 %). La différence n’était pas significative entre les deux voies d’abord. Huit néosalpingostomies étaient unilatérales et 33 bilatérales donnant respectivement 1 (12,5 %) et 5 (15,2 %) grossesses. Utilisant la technique de Bruhat, une patiente sur 11 (9 %) a conçu, et après sutures, 5 patientes sur 30 (16,7 %) ont commencé une grossesse. La différence entre les deux techniques n’était pas significative. La longueur tubaire moyenne des patientes ayant eu une grossesse était de 8 cm, contre 6,7 cm chez les 35 patientes n’ayant pas conçu (p < 0,05). Après l’intervention, sur 26 patientes ayant bénéficié d’une induction de l’ovulation, une a commencé une grossesse (3,8 %), alors que 5 (33,3 %) grossesses sont survenues chez les 15 patientes ovulant spontanément. Le taux mensuel de fécondabilité était de 0,0097 et le taux cumulé de grossesse à 5 ans était de 31,2 %. La néosalpingostomie, en tant que technique de déstérilisation après fimbriectomie, est une technique valable pour restaurer la fertilité. Les meilleures candidates sont les patientes ovulant spontanément et ayant une longueur tubaire d’au moins 7 cm. Commentaire Les franges pavillonnaires ont une fonction capitale dans la captation ovocytaire après ovulation. La fimbriectomie, en tant que technique de stérilisation tubaire, est une méthode simple, peu risquée et efficace. La restauration de la fonction tubaire après fimbriectomie est réputée des plus difficiles. Peu d’études sont disponibles afin d’évaluer les chances de succès de déstérilisation tubaire après fimbriectomie. En se basant sur les études publiées, le taux moyen cumulé de grossesse à 5 ans est aux alentours de 40 %, avec un taux de grossesse extra-utérine très faible (< 1 %). Cette série contient un grand nombre de patientes par rapport à celles rapportées dans la littérature ; cependant, ce nombre reste trop faible pour conclure définitivement à l’absence de différences entre les voies d’abord utilisées et les techniques employées. D’autre part, des biais induits par l’analyse rétrospective des données ne sont pas exclus. Dans cette étude, le jeune âge des patientes au moment de la procédure de déstérilisation et la longue période de stérilisation imposent de se questionner sur le bien-fondé d’un geste chirurgical considéré comme définitif chez des patientes n’ayant pas de contre-indication pour une grossesse avant 30 ans. Ces deux paramètres justifient pleinement d’utiliser d’autres moyens contraceptifs et d’attendre. Le taux de fécondabilité d’environ 1 %, déterminé dans cette étude, est très faible en comparaison avec celui observé après fécondation in vitro (FIV). Toutefois, la FIV implique une prise en charge plus lourde, avec des procédures invasives, un risque de grossesses multiples et des coûts élevés. Ainsi, pour les patientes ayant une longueur tubaire supérieure à 7 cm et une ovulation spontanée, la néosalpingostomie pourrait être une alternative intéressante. Pour les autres patientes, peut-être ne faut-il pas opposer la chirurgie de déstérilisation tubaire et la FIV, mais plutôt les associer afin d’obtenir les meilleures chances de grossesse. C. Poncelet …/… 8 La Lettre du Gynécologue - n° 276 - novembre 2002 R E V U E D E P R E S S E …/… • L’ovariectomie prophylactique pour les femmes porteuses d’une mutation BRCA1 ou BRCA2 Rebbeck TR et al. Prophylactic oophorectomy in carriers of BRCA1 or BRCA2 mutations. N Engl J Med 2002 ; 346 : 1616-22. Résumé ✔ Introduction. Le but de cette étude était d’évaluer l’intérêt de l’ovariectomie prophylactique dans la prévention du risque de cancer de l’ovaire et du sein chez des patientes porteuses d’une mutation d’un gène BRCA1 ou BRCA2. ✔ Méthode. L’étude concernait 551 patientes porteuses d’une telle mutation et identifiées à partir de registres. L’incidence du cancer de l’ovaire était étudiée dans une population de 259 femmes ayant eu une ovariectomie bilatérale prophylactique appariées avec 292 femmes témoins n’ayant pas eu d’ovariectomie prophylactique. L’incidence du cancer du sein était étudiée dans un sous-groupe de patientes (n = 241) n’ayant pas d’histoire personnelle de cancer du sein ni de mastectomie prophylactique. Parmi ces 241 femmes, 99 avaient subi une ovariectomie prophylactique et étaient appariées à 142 femmes témoins n’ayant pas eu d’ovariectomie prophylactique. Le suivi postopératoire était au minimum de 8 ans. ✔ Résultats. Parmi les 259 femmes ayant eu une ovariectomie prophylactique, 6 (2,3%) avaient un cancer de l’ovaire au stade I méconnu avant la chirurgie. Deux patientes (0,8 %) ont développé une tumeur papillaire séreuse péritonéale 3,8 et 8,6ans après l’ovariectomie prophylactique. Parmi les contrôles, 58 patientes (19,9 %) ont développé un cancer de l’ovaire après un suivi moyen de 8,8 ans. En excluant les 6 patientes pour lesquelles le diagnostic de cancer de l’ovaire a été porté au moment de la chirurgie, l’ovariectomie prophylactique diminue significativement le risque de cancer épithélial de l’ovaire (hazard-ratio 0,04 ; IC95 : 0,01-0,16). Concernant le risque de cancer du sein, 21 (21,2 %) des 99 femmes ayant eu une ovariectomie prophylactique ont développé un cancer du sein versus 60 (42,3%) parmi les 142 contrôles (hazard-ratio 0,47, IC95 : 0,29-0,77). ✔ Conclusion. Chez les femmes porteuses d’une mutation constitutionnelle du gène BRCA1 ou BRCA2, l’ovariectomie prophylactique diminue significativement le risque de cancer épithélial de l’ovaire et de cancer du sein. Commentaire Une mutation constitutionnelle du gène BRCA1 ou BRCA2 augmente de façon considérable le risque pour une femme de développer au cours de sa vie un cancer du sein ou de l’ovaire. Ainsi, une femme porteuse d’une mutation des BRCA1 a 50 à 85 % de risques de développer un cancer du sein au cours de sa vie et 20 à 40 % de risques de développer un cancer de l’ovaire. Pour BRCA2, le risque de cancer du sein est équivalent à celui de BRCA1, et le risque de cancer de l’ovaire est de 10 à 20 % (1). Lorsqu’une patiente consulte, pour un cancer du La Lettre du Gynécologue - n° 276 - novembre 2002 sein le plus souvent, ou plus rarement de l’ovaire, c’est l’accumulation de plusieurs cas familiaux ou le jeune âge au moment du diagnostic du cancer qui doivent faire évoquer une possible prédisposition génétique. Si une mutation est identifiée, se pose alors la question d’une chirurgie prophylactique, pour la patiente, mais également pour ses apparentées si elles sont porteuses de la même mutation (2). Les résultats rapportés par Rebbeck confirment le bénéfice majeur de l’ovariectomie prophylactique dans cette population à haut risque. Plusieurs remarques doivent être faites : ✔ La première concerne les six cas de cancer de l’ovaire au stade I diagnostiqués au moment de la chirurgie. Cela nous rappelle l’inefficacité actuelle de nos techniques de dépistage du cancer de l’ovaire à un stade curable. Elle indique également la nécessité de réaliser cette chirurgie prophylactique dès lors que les projets de grossesse sont réalisés, car si l’âge moyen au diagnostic du cancer dans la population globale était de 50,8 ans, la plus jeune patiente était âgée de 30 ans. ✔ Une seconde remarque est que l’ovariectomie prophylactique ne supprime pas le risque de tumeur primitive du péritoine (liée aux dérivés mülleriens) dont le comportement est identique à celui des cancers de l’ovaire. Les patientes doivent être prévenues de cette éventualité, heureusement très rare. Enfin, dans certains cas, la question de persistance de reliquats ovariens à l’origine d’un cancer de l’ovaire après ovariectomie prophylactique a été évoquée. L’ovariectomie prophylactique diminue non seulement le risque de cancer de l’ovaire, mais également celui de cancer du sein. Cette diminution de risque est observée, alors même que 75,8 % des patientes ovariectomisées ont utilisé un traitement substitutif de la ménopause. Ce résultat est fondamental, car une castration sans substitution chez des patientes jeunes pourrait faire perdre sur le plan de l’ostéoporose, des maladies cardiovasculaires et des fonctions cognitives ce que l’on aurait voulu gagner sur le risque carcinologique. Chez les femmes porteuses d’une mutation de BRCA1 ou de BRCA2, la mastectomie prophylactique a également montré son efficacité dans la diminution du risque de cancer du sein (3). La question est donc de savoir jusqu’où il faut pousser les gestes de chirurgie prophylactique. Les problèmes se posent un peu différemment pour le sein et pour l’ovaire, parce que le retentissement sur l’image corporelle est plus important dans le cadre de la chirurgie mammaire, et parce qu’un diagnostic précoce de cancer du sein est possible. Le rôle du praticien doit être de délivrer les informations les plus précises possible permettant à chaque patiente de choisir par elle-même. Mais cette tâche est loin d’être simple. Y. Ansquer R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Ford D, Easton DF, Stratton M et al. Genetic heterogeneity and penetrance analysis of the BRCA1 and BRCA2 genes in breast cancer families. Am J Hum Genet 1998 ; 62 : 676-89. 2. Burke W, Daly M, Garber J et al. Recommendations for follow-up care of individuals with an inherited predisposition to cancer. II. BRCA1 and BRCA2. JAMA 1998 ; 277 : 997-1003. 3. Meijers-Heijboer H, Van Geel B, van Putten WLJ et al. Breast cancer after prophylactic mastectomy in women with a BRCA1 or a BRCA2 mutation. N Engl J Med 2001 ; 345 : 159-64. 11