Tumeur s osseuses et des tissus mous Tuméfaction musculaire brutale : myosite ossifiante circonscrite ou hématome ? Soft tissue mass of sudden onset: when is it myositis ossificans circumscripta or hematoma? ● M. Wybier* CRITÈRES CLINIQUES S’il y a eu un traumatisme certain... ... l’hématome forme une tuméfaction en quelques heures, avec souvent une ecchymose près du point d’impact. La douleur est immédiate, d’emblée maximale, d’intensité variable, et s’atténue en quelques jours. Sa localisation est stéréotypée : en regard du point d’impact dans une masse musculaire (avec plus ou moins de suffusion hémorragique secondaire le long des fascias musculaires) ou dans une jonction muscle-fascia en cas de traumatisme indirect par mouvement forcé (souvent étirement). ... la myosite ossifiante circonscrite (MOC) peut théoriquement prendre le relais d’un hématome. Plus souvent, elle apparaît de novo, souvent plusieurs jours ou semaines après le traumatisme. La tuméfaction siège souvent à la racine d’un membre (muscle brachial antérieur, quadriceps). Sa croissance se fait sur plusieurs jours ou semaines et s’accompagne de douleurs intenses qui durent plusieurs semaines. Une discrète altération de l’état général, une fébricule, une élévation modérée de la vitesse de sédimentation sont possibles de façon éphémère. Environ six semaines après les premiers symptômes, la taille de la tuméfaction se stabilise spontanément et les douleurs s’estompent. S’il n’y a pas eu de traumatisme... ... le diagnostic d’hématome ne doit pas être retenu, à moins qu’il ne s’agisse du saignement d’une lésion préexistante ou d’un problème de coagulation sanguine. Dans le premier cas, la localisation de la tuméfaction est atypique, elle ne correspond pas en particulier à une jonction muscle-fascia. L’enquête doit suivre la piste de la probable lésion préexistante (malformation vasculaire, granulome, métastase, etc.). ... la tuméfaction peut tout à fait correspondre à une MOC, dont le diagnostic se vérifie une fois sur deux en l’absence de traumatisme et dont l’étude anatomopathologique peut montrer l’absence de stigmate microscopique d’un saignement. * Service de radiologie ostéo-articulaire, hôpital Lariboisière, Paris. 20 CRITÈRES RADIOLOGIQUES ✔ L’hématome se présente sous la forme d’une masse arrondie ou oblongue, qui prend une tonalité liquidienne en 24 à 48 heures, à bords lisses ou anfractueux selon le type de traumatisme et la localisation. Sa résorption peut commencer en quelques jours, parfois par le biais d’une organisation fibreuse qui fait coexister des zones solides et des plages liquidiennes résiduelles. Le sang peut diffuser à distance de la poche initiale, le long des fascias musculaires. De rares calcifications, dispersées, plutôt centrales, peuvent accompagner l’organisation du tissu nécrotique. ✔ La MOC s’organise en zones concentriques, la plus remarquable étant la zone périphérique qui se calcifie, puis s’ossifie. La calcification périphérique, d’abord en dépôts sporadiques, puis agencée en couronne, est un critère nécessaire au diagnostic de MOC. Sa différenciation en une ossification en couronne dans un délai de quelques semaines permet de poser avec certitude le diagnostic de MOC, à condition qu’elle s’accompagne bien d’une stabilisation spontanée du volume de la tuméfaction et d’une régression spontanée des symptômes cliniques (si l’une de ces deux conditions manque, il faut envisager la possibilité d’un exceptionnel ostéosarcome très différencié des parties molles). L’importance de la calcification périphérique pour le diagnostic de MOC justifie de suivre le patient “à la trace”, notamment par des radiographies et des scanners itératifs, la contrepartie de ce zèle radiologique étant, à terme, la possibilité de poser sans biopsie un diagnostic de bénignité face à une tuméfaction initialement inquiétante. À maturité, l’ossification peut avoir gagné plus ou moins complètement la partie centrale de la masse. À la différence de l’hématome, la MOC n’a jamais de composante liquidienne. ✔ Sans entrer dans le détail de la sémiologie radiologique, deux points doivent être retenus. L’échographie permet, passées les 48 premières heures où un hématome peut paraître autant, voire plus échogène que le muscle adjacent, de reconnaître la collection liquidienne plus ou moins pure de l’hématome ; l’échographie est également recommandée pour la détection précoce des calcifications périphériques de la MOC. ✔ L’IRM, presque toujours sollicitée de façon précoce devant une tuméfaction récente, est très sensible aux phénomènes œdémateux et produit facilement des images initialement spectaculaires par leur volume et leur tonalité liquidienne. Ces images, outre qu’elles ne permettent pas de distinguer un hématome d’une MOC, font surtout craindre à un examinateur non averti le diagnostic de lésion maligne. ■ La Lettre du Rhumatologue - n° 325 - octobre 2006