RAPPORT
DE
M. JOZEF ZYCH, MARECHAL DU SEJM
DE LA REPUBLIQUE DE POLOGNE
A LA CONFERENCE DES SPEAKERS ET DES PRESIDENTS DES
ASSEMBLEES PARLEMENTAIRES DE L'EUROPE
BUDAPEST, 7 - 9 JUIN 1996
Le rôle des parlements dans le renforcement de l'économie du marché
et de la démocratie ainsi que dans le contrôle des crises sociales et économiques
Le rôle des parlements dans le développement des institutions de l'économie
du marché et leur acceptation par rapport à d'autres institutions
Les attentes de l'Europe Centrale et Orientale concernant la coopération
avec les pays de l'Europe Occidentale
Le temps qui s'est écoulé depuis 1989, année qui marqué le début des transformations
systémiques en Europe Centrale et Orientale, nous autorise à une réflexion sur ces changements
et sur les circonstances les conditionnant. Bien que les réformes entamées il y a sept ans n'aient
pas encore abouti à la réalisation de tous les objectifs, économiques et politiques fixés, les effets
positifs incontestables de ces réformes sont évidents. Un rôle crucial dans ce processus historique
de démocratisation de la vie sociale et de renforcement de l’économie de marché a été et continue
a être joué par les parlements des pays de cette partie de l'Europe. L'expérience du Sejm fournit
une bonne illustration du rôle des parlements dans ce processus.
En 1989, à la suite des élections, les représentants de « Solidarność » sont entrés au
parlement, à côté des députés du parti au pouvoir et des partis coalisés. Au début, peu d’éléments
laissaient supposer que ce parlement, appelé « Sejm contractuel », allait entreprendre des travaux
législatifs aussi importants et fondamentaux. Nous ne pensions pas non plus que ce Sejm allait
définir, aussi rapidement que cela a eu lieu, lés nouvelles fonctions du parlement : celui de
réformateur du système économique et de médiateur dans le règlement des conflits politiques et
sociaux, ce qui joue un rôle essentiel pour la réussite des réformes.
La période entre la fin de l'année .1989 et le début de l'année 1990 s'est avérée décisive
dans la définition de l'orientation qu'allaient prendre les travaux législatifs du parlement polonais.
Les travaux législatifs entrepris dans cette période ont pris deux directions principales : les
changements institutionnels du système politique de l'Etat et la transformation de l'économie
polonaise. Pendant la courte législature de ce Sejm, son plus grand succès a consisté dans
l'adoption de 248 lois dont la majorité ont été des actes législatifs posant les fondements du
nouveau système économique. Parmi les actes essentiels, ce parlement a voté les lois
fondamentales sur la privatisation, y compris la privatisation de masse.
A la fin du mois de décembre 1989, le Sejm a initié la transformation de l'économie
polonaise, en adoptant les règlements législatifs connus sous le nom de « réformes de
Balcerowicz ». Il a voté l'amendement des lois suivantes : loi sur les finances des entreprises
d'Etat, loi sur les banques, lui sur la Banque Nationale de: Pologne, loi sur les devises, loi sur les
douanes. Le Sejm a également adopté la loi sur le règlement des rapports de crédit et celle sur
l'emploi. La loi sur la privatisation des entreprises d'État, du 13 juillet 1990, est d'une importance
quasiment révolutionnaire.
Le changement de la politique économique, notamment la privatisation des entreprises
d'Etat, a résulté dans l'apparition d'un nombre important de sociétés de droit commercial. Ce
phénomène a engendré la nécessité d'amender le code commercial datant d'avant la guerre et
réglant l'activité des sociétés. La participation des capitaux étrangers dans les joint ventures a été
réglée dans la loi sur les sociétés avec la participation de capitaux étrangers, votée par le Sejm. Le
passage vers l'économie du marché a posé la nécessité de la création d'une bourse des valeurs et
l'établissement des principes de leur circulation : ceci a été rendu possible grâce à l'adoption par
le Sejm de la Loi pur la circulation publique des valeurs et sur les fonds fiduciaires.
Pour ce qui concerne le droit financier, on a changé l'administration des finances (loi sur
l'amendement des lois sur le Ministre des Finances et sur les offices et chambres fiscaux), on a
réglé les questions relatives au contrôle fiscal, on a adopté la loi sur l'examen et la publication des
rapports financiers. Tous ces actes du parlement polonais ont conduit l'économie sur une voie
nouvelle, en facilitant la création de l'économie du marché.
Le Sejm de la législature suivante - appelé le premier, ceci pour souligner qu'il s'agit du
premier Sejm désigné par voie d'élection libre - a dû se consacrer au renforcement ou à la
création des institutions constituant les cadres d'une société des citoyens. De nouvelles bases ont
été données à l'activité des partis politiques, des associations, des fondations et des organes
représentatifs (aussi bien au niveau central que local), des lois électorales démocratiques ont été
adoptées, de nouveaux organes de contrôle ont été créés, des lois ont été votées réglant l'activité
de la télévision publique et privée, de la presse et des radios indépendantes.
Le parlement polonais a joué un rôle essentiel également dans la création de conditions
favorables au renforcement de l'indépendance des institutions et entreprises, à ce qu'elles
puissent, dans la plus large mesure possible, porter la responsabilité de leurs décisions politiques
et économiques. Une telle situation est évidemment beaucoup plus probable dans le cadre de
l'économie du marché où l'Etat se porte garant et exécuteur des règles de conclusions des accords,
du droit de propriété et des principes de fonctionnement du marché. A cet égard, le parlement a
conçu les bases législatives nécessaires pour la création des institutions de l'économie du marché
telles que la bourse, l'Office anti-monopole, les banques commerciales, et des mécanismes tels
que crédits, prix, système fiscal. En outre, le parlement a voté les principaux actes législatifs, 11éce
aires et importants pour l'économie du marché, réglant l'adaptation de l'économie polonaise à la
coopération avec l'Union européenne, et concernant les questions telles que les principes de
concurrence, la circulation des marchandises, la circulation monétaire, les standards et normes
techniques, les droits de douane.
Cette tendance s'est également .exprimée dans la mission primordiale du parlement, à
savoir les travaux relatifs à l'octroi de la loi fondamentale, c'est-à-dire de la constitution,
établissant les cadres de la vie politique, économique et sociale. Chaque pays de l'Europe
Centrale et - Orientale a accumulé sa propre expérience dans ce domaine, selon ses propres
traditions historiques et son héritage culturel national.
Les changements systémiques, qui se reflètent t dans la loi fondamentale, peuvent être
effectués selon un rythme et des principes différents. Sur ce point, la République de Pologne a
choisi la voie de l'évolution, en adoptant une loi provisoire, couramment appelée la « Petite
Constitution », tout en laissant la Commission Constitutionnelle de l'Assemblée Nationale
poursuivre des travaux approfondis sur la nouvelle constitution de la République de Pologne.
Dans une certaine mesure, cette Solution a été rendue possible grâce à la tradition du
constitutionnalisme en Pologne, datant de la Constitution de Mai votée en 1791, et la conviction
qu'un tel acte législatif doit être élaboré d'une façon particulièrement saignée. A présent, la
nouvelle constitution, qui est un acte législatif entièrement nouveau, construit depuis les
fondements, est l'étape d'élaboration finale poursuivie par la Commission Constitutionnelle.
Les lois fondamentales entrant en vigueur après la chute des régimes communistes
doivent satisfaire à des exigences particulières. En dehors de leur nouveau contenu positif, elles
doivent présenter une opposition aux concepts et habitudes qui étaient en vigueur jusqu'à très
récemment dans le domaine des méthodes de l'exercice du pouvoir. Ceci concerne, en premier
lieu, deux questions : l'adoption des standards des états démocratiques de droit et l'élaboration
d'un tel modèle des rapports entre le pouvoir représentatif et le pouvoir exécutif qui permette
d'éviter les tensions structurelles. Dans la pratique, nous nous sommes rendu compte que la tâche
n'était pas aussi facile, comme le prouve l'expérience polonaise de l'application de la Petite
Constitution. Nous pouvons citer comme exemple la riche jurisprudence du Tribunal
Constitutionnel polonais en ce qui concerne la signification du principe de l'Etat de droit, tel qu'il
a été adopté dans la constitution. Souvent, les jugements de ce Tribunal rappellent les canons
fondamentaux de la science du droit. Il s'avère cependant que le didactisme de ces actions est
aujourd'hui indispensable, même s'il semble parfois excessif, car son objectif consiste à inculquer
l'idée de l'Etat de droit aux fonctionnaires de l'administration et aux citoyens.
Cette idée a été la prémisse décisive sur la façon de procéder par le Bureau du Sejm avec
le projet gouvernemental concernant l'amendement de la loi sur les impôts sur le revenu des
personnes physiques après le début de l'année fiscale. Le gouvernement tenant compte des
pratiques de l'année 1995 et évaluant d'une façon négative la trop grande marge des possibilités
de déduction des donations sur le revenu a déposé un projet visant à la limitation de cette
possibilité par l'exclusion des donations accomplies pour le bien des personnes physiques. Vu les
opinions différentes des experts quant à l'admission de l'amendement de la loi sur les impôts
durant l’année fiscale le Bureau du Sejm conformément aux droits lui appartenant sur la base du
règlement du Sejm, a transmis le projet gouvernemental à la Commission législative, afin qu'elle
puisse exprimer son opinion sur la conformité du projet avec la constitution et les principes de
législation. Après une profonde analyse du problème, la Commission Législative a reconnu
inadmissible la manière d'introduction des amendements proposés. Le principal argument de cette
opinion a été le principe de l'état démocratique de droit formulé dans l'article 1 des lois
constitutionnelles.
Un autre problème est la répartition des compétences des autorités d'Etat dans le cadre d'un
système basé sur la séparation des pouvoirs : les interprétations divergentes des compétences
constitutionnelles sont la source de tensions politiques. Dans le cas de la Pologne, de telles
tensions ont eu lieu entre le Sejm et le Président, et elles n’ont pas rendu service aux réformes en
cours.
Par ailleurs, il semble que le rôle responsable du parlement résulte de la transformation
pacifique du système depuis 1989 et de l'acceptation générale du peuple du principe selon lequel
le passage vers la démocratie et vers l'économie du marché doit être basé sur le pluralisme, à
l'opposé du régime du parti unique et de l'idéologie unique qui étaient jusqu'alors en vigueur.
C'est au parlement qu'il revient également d'attribuer aux pouvoirs exécutif et judiciaire leurs
nouvelles fonctions et places dans un système durablement basé sur la séparation des pouvoirs.
Comme nous l'avons déjà indiqué, avant que ces rapports ne soient pleinement définis et
stabilis, il peut y avoir des conflits résultant surtout du caractère indéfini ou d'une définition
peu précise des fonctions de divers organes du pouvoir. D'après l'expérience polonaise, lorsque
de tels conflits ont lieu, le parlement doit jouer le rôle d'élément stabilisant, incitant à chercher les
voies de solution de 1a crise. Le parlement utilise ici ses fonctions législatives mais aussi ses
fonctions de médiateur qui ne sont pas définies d'une façon explicite dans la constitution.
A la suite des attentes sociales, la fonction autonome du Sejm, dans le cadre d'un système
basé sur la séparation des pouvoirs, s'est transformée en une sorte de suprématie du pouvoir
législatif : non bas dans le sens hiérarchique mais en tant qu'autorité jouant un rôle essentiel dans
la création des bases du système politique et économique et, élément extrêmement important, en
tant que médiateur dans les conflits qui sont inévitables pendant les périodes de transformation.
Dans ce dernier cas, une place particulière revient à certains organes du Sejm. , notamment au
Président du Sejm. Le Président du Sejm a souvent servi de médiateur entre les grévistes
représentant divers groupes sociaux et le gouvernement, en essayant de concilier les points de vue
complexes des deux partis. Le fait que le parlement ait pris la fonction d'acteur dans la vie
politique, jouant le rôle de créateur et de médiateur, était partiellement dû à la faiblesse des autres
sujets de la vie politique, notamment des organes de l'administration d'Etat et des partis
politiques.
Le facteur important de la stabilisation de la démocratie est la légitimisation par la société
du système politique et économique ainsi que de son institution. Cela a une signification
particulière aux moments de crises sociales. Dans de telles situations le Sejm, à maintes reprises a
effectué la fonction d'organe de confiance publique, résolvant les crises politiques. Il en fut de
même, au cours de la dernière crise, concernant les reproches adresses à Jozef Oleksy, premier
ministre alors en fonction. Le rôle signifiant dans la solution de cette crise a joué la constitution
immédiate d'une Commission Spéciale des Députés et ses travaux, ayant pour but d'établir, si
dans cette affaire les organes respectifs du Ministère des Affaires de l'intérieur ont agi
conformément au droit et s'ils n'ont pas dépassé leur compétence. La Commission et les résultats
de ses travaux jouissent d'une pleine confiance de la société.
Le parlement est donc perçu plus comme une institution de la vie publique que comme un
forum de confrontation des partis politiques. Par ailleurs, il est parfois rendu responsable des
difficultés auxquelles se heurtent les gens pendant la période de transformation, surtout à la suite
de l'introduction de l'économie du marché. C'est de là que viennent parfois les avis sur le
parlement exprimés dans les sondages d'opinion, qui sont moins favorables en comparaison à
d'autres institutions, qui ne fonctionnent pas le rideau levé. Ces avis résultent également du fait
que l'opinion publique m'approuve pas vraiment les débats et les désaccords politiques auxquels
les citoyens ne sont pas habitués, mais aussi d'une certaine incapacité des députés de mener ce
genre de débats. Selon les opinions courantes, le parlement est donc parfois perçu comme une
institution agitée par les querelles, voire inefficace. Il convient de signaler au passage que le
développement du parlementarisme est particulièrement menacé par ceux des hommes politiques
qui expriment ce genre d'opinions dans les mass média. Néanmoins, la démocratie a besoin de
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