CONFERENCE DES PRESIDENTS DES PARLEMENTS DE L’UNION EUROPEENNE Vendredi 27 février 2009

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CONFERENCE DES PRESIDENTS DES PARLEMENTS
DE L’UNION EUROPEENNE
Vendredi 27 février 2009
L’Europe et la gestion des crises. L’implication des parlements.
Présidence de M. Bernard Accoyer, Président de l’Assemblée nationale
La séance est ouverte à quinze heures cinq.
M. le Président Bernard Accoyer. Je suis heureux de vous souhaiter la
bienvenue dans l’hémicycle du Palais Bourbon qui, depuis bientôt deux cents ans, accueille
les séances publiques de l’Assemblée nationale.
L’année 2008 et les premières semaines de 2009 ont vu se succéder le conflit
russo-géorgien, l’explosion de la violence à Gaza, la crise gazière. La crise financière et
économique s’est approfondie et la crise environnementale, qui met en jeu l’avenir de la
planète, demeure irrésolue. Rarement l’Europe aura dû affronter simultanément d’aussi graves
difficultés. Ce sont autant de défis à relever pour l’Union européenne, mais c’est aussi
l’occasion pour elle d’affirmer son rôle sur la scène mondiale – et rarement a-t-elle démontré
une telle capacité politique à contribuer efficacement à la recherche de solutions à ces crises.
Nous nous félicitons ainsi du rôle de médiation joué par l’Union européenne dans
la crise du gaz de janvier 2009, avec la précieuse initiative de la présidence tchèque. Pour
autant, cette crise a rappelé l’impérieuse nécessité de renforcer notre sécurité énergétique.
L’Union européenne a entendu l’avertissement, et les assemblées parlementaires doivent
participer activement à la réflexion sur la politique énergétique commune, au moment où des
discussions sont en cours sur des mesures de court terme – préparer des plans d’urgence
régionaux pour compléter les plans nationaux déjà mis au point et renforcer les mécanismes
d’alerte – et alors qu’une stratégie de long terme est également en cours d’élaboration,
conformément aux principes arrêtés lors du Conseil « Energie » de la semaine dernière.
Les citoyens européens attendent aussi de leurs Etats qu’ils agissent de manière
coordonnée et efficace pour faire face aux conséquences de la crise financière et économique
et pour remédier aux dysfonctionnements structurels qui ont conduit à cette situation. Par son
ampleur, la crise risque d’affecter toutes les politiques de l’Union en rendant plus difficiles les
prises de décisions, et de mettre à l’épreuve la cohésion sociale des pays européens. Pour
l’affronter, l’Union a engagé, à l’intérieur de ses frontières, des chantiers législatifs importants
qui visent à renforcer le système de régulation financière, et le Conseil européen de décembre
2008 a dessiné les bases d’un plan de relance européen. Les prochains sommets européens
devront poursuivre dans cette voie. Au niveau mondial, l’Union européenne doit maintenant
démontrer qu’elle peut apporter des propositions de solutions et les défendre d’une seule voix,
et user de son influence pour infuser ses valeurs dans le nouveau système financier
international.
Il n’appartient évidemment pas aux Parlements d’agir à la place des
gouvernements. Mais, en ces circonstances, les Parlements nationaux et le Parlement
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européen ont le devoir d’informer les citoyens, de contrôler l’action des gouvernements, et de
formuler des propositions auxquelles leur légitimité démocratique donnera poids et sens.
Nous traiterons en premier lieu de l’implication des parlements dans la gestion des
crises par l’Union européenne. M. Hans-Gert Pöttering, Président du Parlement européen,
ouvrira le débat.
M. Hans-Gert Pöttering, président du Parlement européen. C’est pour moi un
grand honneur de prendre la parole à la tribune de l’Assemblée nationale de la République
française et je vous remercie, Monsieur le président, d’avoir permis que cela se puisse.
Je poursuivrai en allemand. Puisque M. Antonio Tajani, mon ancien collègue à
présent, Vice-Président de la Commission européenne, va traiter des défis économiques et
financiers de l’heure, je me limiterai à souligner ce que je tiens pour nos deux priorités
absolues : maintenir de toutes nos forces le marché intérieur et la stabilité de la monnaie
commune en refusant toute forme de protectionnisme, sous peine d’aggraver la crise ; nous
garder d’oublier que le modèle européen n’est pas le capitalisme – et l’on ne peut donc parler,
pour ce qui nous concerne, de « réformer le capitalisme » – mais l’économie sociale de
marché, comme il est d’ailleurs rappelé dans le traité de Lisbonne.
Je centrerai mon propos sur la politique extérieure et la manière dont le Parlement
européen peut exercer son influence en ce domaine, une influence qui doit tendre à toujours
agir pour faire valoir les principes européens que sont la préservation du droit pour toute
personne de vivre dans la dignité, le respect des droits de l’homme, la paix, la liberté, la
solidarité et le principe de subsidiarité. Cela suppose une vision politique commune propre, en
premier lieu, à éviter les crises. Déjà, trente-six délégations du Parlement européen sont en
relation avec les parlements des pays non membres de l’Union européenne. Le Parlement
européen exerce aussi son influence au sein de l’Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE,
de l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne et de l’Assemblée parlementaire EuropeAmérique latine. Une assemblée parlementaire associant le Parlement européen et les pays de
l’Est de l’Europe non membres sera créée après les élections européennes.
En politique extérieure, le grand défi du moment est la situation au Moyen-Orient.
Le 13 juillet 2008, sous une présidence française particulièrement bien conduite par le
président Sarkozy, nous avons fondé, dans la suite du processus de Barcelone, l’Union pour la
Méditerranée. L'Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne, l’APEM, préexistait, de
même que l'Union parlementaire des pays membres de l'Organisation de la conférence
islamique. Celle-ci, après le déclenchement de la guerre à Gaza, a décidé de geler ses relations
avec l'APEM et avec l’Union pour la Méditerranée. M. Abdel Hadi Al-Majali, président du
Parlement jordanien, et M. Mustapha Mansouri, président du Parlement marocain, qui sont
des personnalités très modérées, ont fait savoir que si une solution conduisant à une paix
durable au Moyen-Orient n’était pas trouvée, les relations entre le monde arabe et l’Occident
deviendraient très difficiles.
En ma qualité de président de l’APEM, j’ai emmené une délégation du Parlement
européen au Moyen-Orient. Nous nous sommes rendus au Caire, à Gaza, à Ramallah et à
Jérusalem, ainsi qu’à Sderot, ville israélienne sur laquelle le Hamas tire régulièrement des
roquettes, et enfin à Amman. Je me suis entretenu avec les responsables israéliens ainsi
qu’avec M. Netanyahu. J’aimerais beaucoup que la Conférence se prononce avec force sur la
situation dans la Bande de Gaza. Les Gazaouis attendent de nous que nous fassions entendre
leur voix, et ils veulent que le processus de paix se poursuive avec le nouveau gouvernement
israélien. Je souhaite que le Quartet pour le Moyen-Orient, qui regroupe, on le sait, des
représentants de l’ONU, de l’Union européenne, de la Russie et des Etats-Unis, s’attache avec
détermination à favoriser la création d’un État palestinien indépendant, démocratique et viable
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cohabitant avec l'État d'Israël dans la paix et la sécurité à l'intérieur des frontières de 1967
reconnues internationalement. Si nous n’y parvenons pas, le risque est que le monde arabe se
tourne de plus en plus vers l’intégrisme et que les gouvernements des pays arabes modérés se
trouvent dans des difficultés grandissantes.
Nous devons faire tout ce que nous pouvons pour relancer le processus de paix et
parvenir à l’instauration de deux Etats viables ; pour que la Bande de Gaza soit accessible à
l’aide internationale ; pour que la conférence sur la reconstruction qui doit se tenir le 2 mars à
Charm El Cheikh aboutisse ; pour que le Hamas ne soit plus fourni en roquettes avec
lesquelles bombarder le territoire israélien.
Je n’aurais jamais pensé m’exprimer un jour en cette enceinte. Au Moyen Orient,
on m’a traité d’idéaliste quand je disais la paix possible. Aux incrédules, j’ai rappelé que la
paix a fini par se faire entre l’Allemagne et la France, qui cultivaient pourtant une inimitié
héréditaire. Pourquoi ce qui a été possible en Europe ne le serait-il pas au Moyen-Orient ?
Nous, Européens, devons favoriser le retour à la paix en mettant notre expérience de la
réconciliation et de la démocratie au service du reste du monde et, pour l’heure, du MoyenOrient. (Vifs applaudissements)
M. Antonio Tajani, vice-président de la Commission européenne. C’est un
honneur pour moi de participer à cette conférence qui réunit les présidents des parlements
nationaux et le président du Parlement européen. Dès 2005, M. José Manuel Barroso avait
engagé le rapprochement, unanimement souhaité, entre la Commission européenne et les
parlements nationaux. En mai 2006, un dialogue politique structuré a été institué. C’est un
succès, à en juger par les 406 avis émanant de trente-et-une assemblées parlementaires de
vingt-quatre pays membres adressés à la Commission à ce jour. Pour la cinquième année
consécutive, un membre de la Commission est invité à prendre la parole devant vous. Je le
ferai avec grand plaisir, suppléant M. Barroso empêché et que je vous prie d’excuser, pour
donner le point de vue de la Commission sur la gestion de la crise économique et financière
qui frappe l’Union de plein fouet.
Je tiens d’abord à souligner l’implication active de la Commission dans la gestion
de cette crise et à souligner que la question, éminemment politique, appelle une attitude
résolue et une action coordonnée de toutes les institutions européennes, les assemblées
parlementaires au premier chef.
Usant de la possibilité qui m’est donnée par l’Assemblée nationale française de
m’exprimer dans ma langue maternelle, dans le respect du multilinguisme qui est notre
richesse commune, je poursuivrai en italien.
Le moins que l’on puisse dire est que la situation économique n’incite pas à un
excès d’optimisme. Pour autant, la frilosité serait une erreur grave ; nous ne saurions répondre
de manière efficace au défi qui nous est posé en restant sur la défensive. Il faut jouer le match
en attaque, non en défense ! Et il est essentiel de faire front commun : le recours au
protectionnisme serait une erreur grave. Ancien parlementaire, je suis convaincu que
l’Assemblée de Strasbourg et les parlements nationaux sont les lieux par excellence du débat
et de la décision ; le traité de Lisbonne, dont j’espère qu’il sera ratifié au plus vite, leur
donnera un rôle accru.
La crise nous impose de mobiliser toutes nos forces pour agir ensemble. A cet
égard, le Conseil européen qui se réunira le 19 mars permettra de définir de nouvelles
mesures. On se félicitera que, entre temps, les chefs d’Etat et de gouvernement des pays
européens membres du G20 réunis à Berlin le 22 février aient su trouver une ligne commune
en vue du sommet prévu à Londres le 2 avril.
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La mondialisation de l’économie impose la définition d’un nouveau modèle de
gouvernance économique internationale ; la Commission européenne considère que le
Parlement européen et les parlements nationaux ont un grand rôle à jouer en cette matière. Ils
en ont apporté la preuve lors de la réunion parlementaire organisée conjointement par le
Parlement européen et par le Parlement tchèque, les 16 et 17 février dernier. Les parlements
de l’Union, réunis à Bruxelles, ont souligné la nécessité d’un leadership européen fort se
traduisant par des actions coordonnées ; ils se sont prononcés contre le protectionnisme et le
nationalisme économique, et en faveur de la sauvegarde de l’euro et d’une Banque centrale
européenne active. La Commission, qui partage ce point de vue, s’emploie déjà à le traduire
dans les faits. En effet, si la crise est un test pour l’Union européenne, c’est aussi l’occasion
pour elle de débattre de sa vision de la société et de l’économie, et de sa propre organisation.
Nous devons revoir les règles économiques internationales en vigueur, leur mode
d’application et de contrôle, et aussi replacer l’humain et le social au cœur de notre système
économique.
On notera que l’Union européenne, en réagissant à la crise avec célérité et
détermination, a permis d’éviter l’effondrement du système financier. Pour que le système
bancaire européen reprenne sa fonction de dispensateur de crédit aux citoyens et aux
entreprises, à des conditions équitables, il faut maintenant délester les établissements
financiers des actifs « toxiques » qu’ils ont accumulés et de leurs avoirs désormais surévalués.
La Commission européenne a adopté à ce sujet, il y a deux jours, des lignes directrices
destinées à garantir que ces mouvements se feront de manière uniforme pour éviter toute
distorsion de concurrence entre les établissements de crédit.
Au-delà, l’objectif de fond est beaucoup plus ambitieux : il s’agit de réformer le
secteur financier pour qu’il retrouve son rôle naturel au service de l’économie réelle et donc
de la croissance et de l’emploi. Après avoir mis en œuvre, en novembre 2008, un plan de
relance de l’économie de 200 milliards (pour tenter d’enrayer le cercle vicieux où destruction
d’emplois et chute de la demande se nourrissent mutuellement), nous avons proposé des
mesures spécifiques pour l’industrie automobile et je ferai à la Commission des propositions
relatives au secteur des transports. Lors du Conseil européen du 19 mars, la Commission
présentera aux chefs d’Etat et de gouvernement des propositions d’initiatives fondées sur les
conclusions du groupe de travail sur la gouvernance économique européenne dont M. Barroso
a confié la présidence à M. de Larosière.
Les solutions ne peuvent être uniformes pour tous les Etats membres car leurs
situations diffèrent mais elles doivent être appliquées de manière coordonnée pour en obtenir
le meilleur effet et pour maintenir la cohérence du marché interne. Nous devrons mobiliser
tous les instruments disponibles – politiques communes, fonds européens, réformes
économiques et politique monétaire – pour atteindre l’objectif visé, qui est, faut-il le rappeler,
de protéger les citoyens européens des conséquences néfastes de la crise. La Commission a
donc accueilli très favorablement l’initiative de la présidence en exercice du Conseil de
convoquer en mai un sommet extraordinaire consacré aux aspects sociaux de la crise. Ce
sommet devra s’intéresser à la sauvegarde de l’emploi par la formation et la requalification
professionnelles, à l’amélioration du fonctionnement du marché du travail et à l’accès des
jeunes à ce marché.
Enfin, il est indispensable d’accélérer le rythme de réforme prévu dans la stratégie
de Lisbonne. A cette fin, un effort d’investissement considérable sera nécessaire, dirigé vers
l’amélioration de l’efficacité énergétique, les infrastructures, l’innovation, les technologies
propres, la recherche et la formation. Nous devrons impérativement miser sur l’innovation
pour garantir une croissance durable et renforcer nos investissements en infrastructures, car ils
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sont porteurs de croissance. Dans ces deux volets, le secteur des transports a un rôle
déterminant à jouer.
Que l’horizon soit très nuageux ne doit pas nous incliner à un excès de
pessimisme. L’Union européenne a montré sa capacité à réagir à la crise vite et avec
détermination. Elle a su proposer des solutions en fixant un cadre d’actions commun
respectant la diversité de la situation des Etats membres, et convaincre ses partenaires du G20
de la nécessité d’une réponse globale à la crise. Je le dis avec une conviction particulière au
Président du parlement européen : pour donner aux citoyens européens des réponses efficaces,
les institutions européennes doivent serrer les rangs et travailler de conserve. Il nous faut
absolument éviter que la crise ait aussi pour effet de délégitimer toute la construction
européenne ; le danger est d’autant plus grand que nous sommes à la veille des élections au
Parlement européen. Mais les parlements nationaux ont, eux aussi, un rôle déterminant à jouer
pour faire que dans le cadre commun chaque pays définisse la voie la mieux adaptée à sa
situation propre.
Je conclurai en réitérant ma confiance en l’Union européenne, et mon optimisme.
Grâce à ses ressources, aux peuples qui la composent et à la force démocratique qu’incarnent
ses Parlements, l’Union est en mesure de surmonter le grand défi qu’il lui faut affronter.
Rappelons-nous le mot de Winston Churchill : « Un pessimiste voit des difficultés dans
chaque opportunité, un optimiste voit une chance à saisir dans chaque difficulté ». Nous avons
donc une grande chance à saisir. (Applaudissements)
M. Miroslav Vlček, président de la Chambre des députés du Parlement de la
République tchèque. Alors que l’assainissement des banques a déjà coûté des milliards de
dollars, la crise financière et économique continue de s’aggraver. La production industrielle
recule, le secteur du bâtiment est très touché, le taux de chômage augmente. Tout cela laisse à
penser que la récession sera la plus longue et la plus profonde que notre génération ait connue.
Mais cet épisode est aussi révélateur d’une crise du politique. Il est apparu que les objectifs
politiques ne sont souvent que de court terme, qu’il s’agit d’enjeux de pouvoirs plutôt que de
répondre aux besoins des citoyens. La crise aura pour conséquence que la pauvreté frappera
de plus nombreuses catégories sociales ; le risque est que cette évolution n’entraîne
l’exacerbation de tendances xénophobes et nationalistes au sein de l’Union européenne, au
péril de la démocratie et de l’économie sociale de marché.
Pour faire front, l’Union européenne doit rester unie et poursuivre son intégration.
C’est dans cette optique que la Chambre des députés du Parlement de la République tchèque a
approuvé la ratification du traité de Lisbonne. Rien ne serait plus dangereux en effet que
d’irresponsables démonstrations d’individualisme. L’Union n’a pas besoin de plus de
régulation mais d’une meilleure régulation. Il lui faut stabiliser ses institutions financières et
encourager la demande, et aucun Etat membre ne peut, seul, faire face à la crise.
Outre que nous devons combattre ensemble, il nous faut renforcer la collaboration
entre le Parlement européen et les Parlements nationaux. Je reviens, à ce sujet, aux
conclusions de deux des groupes de travail constitués lors de la réunion parlementaire
organisée conjointement par le Parlement européen et par le Parlement tchèque les 16 et
17 février. L’un des groupes a traité du renforcement de la compétitivité de l’Union, l’autre
des moyens de réaliser une Europe sociale. Tous deux ont constaté que les exécutifs
européens concentrent leurs efforts sur le secteur bancaire et sur certaines industries clefs,
come l’industrie automobile. Or, il faut soutenir les PME, en facilitant leur accès aux marchés
publics, et aussi au financement par le truchement de la Banque Européenne d’Investissement.
Il faudrait aussi améliorer à cette fin l’efficacité des fonds structurels européens. Mais la crise
que nous connaissons est aussi une crise de confiance et une crise des valeurs que seule une
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complète solidarité européenne nous permettra de la surmonter. Aussi bien, la réunion
interparlementaire mixte a souligné la nécessité de renforcer la solidarité avec les plus
vulnérables. Former la main d’œuvre, développer les compétences, favoriser la formation
continue sont autant de mesures porteuses d’avenir, comme le sont l’investissement massif
dans la recherche, le renforcement de la productivité et l’approfondissement de la stratégie de
Lisbonne par laquelle l’Union s’est dotée d’une politique industrielle.
La crise teste nos capacités de réaction, mais c’est aussi une occasion d’innover.
Tout Etat agissant seul sera faible face à la crise, mais l’Union européenne unie peut
l’affronter avec succès. Nos vingt-sept Etats représentent, ensemble, le groupe de pays le plus
puissant au monde ; sachons utiliser cette force, et saisissons l’occasion donnée aujourd’hui
aux Parlements de formuler des propositions.
Nous sommes aussi confrontés à de nombreuses crises qui peuvent dégénérer en
conflits armés. Ces crises, la diplomatie traditionnelle essaye de les résoudre, mais elle doit
être appuyée par la diplomatie parlementaire, une forme de diplomatie qui peut dire les choses
sans mâcher ses mots, cerner clairement les problèmes et, surtout, négocier avec les ONG
dont certaines représentent souvent d’importantes parties au conflit. De plus, la diplomatie
parlementaire est plus compréhensible par les peuples que la diplomatie classique,
traditionnellement discrète ; elle peut encourager la transformation des trêves en paix durable.
A Gaza, une trêve fragile a été instaurée, qui risque d’être rompue à tout moment
puisque aucun des problèmes en suspens n’a été résolu. La résistance à l’occupation persiste,
comme demeurent la peur du terrorisme et des missiles. La diplomatie parlementaire doit
soutenir activement les efforts conduisant à la relance du processus de paix tendant à la
création d’un Etat palestinien indépendant, démocratique et viable, en paix avec un Etat
d’Israël pleinement sécurisé dans ses frontières de 1967, modifiées, si nécessaire, par des
échanges de territoires. Je me félicite qu’un dialogue à ce sujet ait été établi dans la région par
les députés des parlements nationaux et par les membres du Parlement européen, et
singulièrement par l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne sous la présidence de
M. Hans-Gert Pöttering.
Pour ma part, je vous ai récemment adressé un projet de mémorandum en dix
points. J’y souligne la nécessité d’encourager le dialogue entre les parties au conflit et avec
les autres pays de la région, et celle de favoriser une meilleure coordination entre les
initiatives du Quartet et celles de la Ligue arabe. Mais ce qui doit primer, c’est le dialogue
entre les partis palestiniens. Je me suis entretenu de cette question avec le Président Abbas,
qui m’a redit son souhait de former un gouvernement d’union nationale qui pourrait organiser
des élections législatives. Je suis donc heureux que le Fatah et le Hamas se soient mis
d’accord hier sur ce principe, ce qui crée les conditions propices à une négociation.
M. Mahmoud Abbas a beaucoup apprécié le rôle joué par la diplomatie parlementaire
européenne et il souhaite que le projet de mémorandum soit adopté et suivi d’effet.
Nous, représentants des Parlements européens, devons poursuivre le dialogue avec
les parlements de tous les pays parties au conflit, sans exception. Par l’aide économique et
humanitaire qu’elle fournit, l’Union européenne jouit d’une bonne réputation dans la région ;
elle doit en user pour renforcer son rôle diplomatique et contribuer à une solution politique au
conflit. J’espère que la Conférence approuvera les mesures proposées dans le projet de
mémorandum : l’ouverture des frontières, la levée du siège de Gaza, l’arrêt des attaques
armées contre Israël, la fin de la contrebande d’armes, le déploiement de troupes européennes
au point de contrôle de Rafah. Nous soulignons aussi que la mise en œuvre des résolutions
adoptées par le Conseil de sécurité des Nations Unies le 8 janvier 2009 et par le Parlement
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européen le 15 janvier 2009 créerait un cadre favorable à la discussion des autres problèmes
de la région, dont ceux des colonies de peuplement et de l’accès à l’eau.
Considérant qu’aucun objectif politique ne peut être atteint en usant de violence à
l’encontre de civils sans défense, la présidence tchèque condamne toute forme de terrorisme,
individuel ou d’Etat. Seul le dialogue permet de parvenir à un accord politique à long terme.
J’invite donc la Conférence à faire siennes les propositions contenues dans le projet de
mémorandum. La présidence tchèque propose par ailleurs d’organiser l’envoi dans la région
d’une délégation représentant la Conférence et appelée à œuvrer, en coopération avec
l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne, à l’application des mesures contenues dans
ce texte. (Applaudissements)
M. Per Westerberg, président du Parlement suédois – C’est pour moi un grand
plaisir de m’exprimer dans cette enceinte et je remercie nos hôtes pour la qualité de leur
accueil.
Depuis notre rencontre de Lisbonne, neuf mois se sont écoulés au cours desquels
ont surgi bien des problèmes. La crise financière a provoqué des crises politiques, jusqu’à la
démission de certains gouvernements. De surcroît, chacun a encore à l’esprit la guerre à Gaza,
l’interruption des livraisons de gaz en plein hiver, le conflit armé en Géorgie.
En matière économique, il me semble que l’Union européenne et ses États
membres ont, jusqu’ici, assez bien géré la crise, en stabilisant le crédit et en adoptant des
mesures communes. L’Union a peu de pouvoirs législatifs en la matière, mais elle constitue
un espace de discussion utile. La présidence française a accompli son mandat avec efficacité,
la présidence tchèque prend le relais avec brio, et la Suède, qui lui succèdera, fera de son
mieux pour poursuivre dans cette voie.
En 2009, la crise prendra toute son ampleur : des millions d’emplois sont
menacés, les déficits publics vont s’envoler, le risque de conflits sociaux s’aggraver. Et le pire
est encore à venir. Voilà de quoi mettre sous pression nos systèmes politiques nationaux et
l’Union elle-même. La manière dont nous affrontons la crise donnera le ton de la coopération
européenne pour de nombreuses années.
L’expérience l’a montré, il est coutumier, dans des circonstances exceptionnelles,
de se replier sur soi pour régler ses propres problèmes. Chacun peut comprendre que les
gouvernements et les parlements nationaux, en temps de crise, veillent avant tout à la
protection des intérêts de leur pays et du bien-être de leurs citoyens. Pour autant, l’histoire
nous montre qu’à trop jouer sa carte nationale en matière économique, on prend le risque du
protectionnisme, voire du populisme et du nationalisme. Certes, les politiques unilatérales
sont parfois adaptées, mais gardons-nous de toute mesure qui, prise en dépit des règles du
marché intérieur, n’aurait pour seul résultat que de déplacer le problème d’un pays à un autre.
Comme le développement du libre échange à l’échelle mondiale, le marché
commun – cœur de la coopération européenne – est la condition sine qua non de notre
prospérité depuis cinquante ans. Il contribue à la paix et à la stabilité. Aujourd’hui, d’aucuns
considèrent qu’il est définitivement acquis, mais il est le fruit du travail acharné que plusieurs
générations de responsables politiques ont mené pendant des décennies, eux qui ont su
reléguer au second plan les intérêts nationaux. Ce sont ces principes qui doivent guider notre
action future. Nous en détourner menacerait l’ensemble de l’édifice européen et le plongerait
dans une crise à côté de laquelle la crise actuelle fera pâle figure.
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En Europe, le soutien financier public est sollicité pour plusieurs secteurs
industriels – de telles demandes sont vouées à se multiplier à mesure que la crise économique
s’aggravera. Les gouvernements et les parlements devront relever ce défi. En effet, tout
gouvernement d’un État membre souhaitant soutenir tel ou tel secteur ou entreprise n’est pas
soumis aux seules règles du marché intérieur, mais aux exigences de la mondialisation. Nos
économies sont de plus en plus liées et complexes ; il est difficile de savoir à quoi servent
précisément nos mesures de soutien. Dès lors, que signifie la « responsabilité nationale » ?
Songeons à l’entreprise Saab : propriété de General Motors, elle a établi son siège en Suède
mais sa chaîne de montage est répartie entre la Suède, l’Allemagne et le Mexique. Voilà un
bon exemple de coopération !
Certes, c’est aux gouvernements qu’échoit pour l’essentiel la responsabilité de
gérer la crise. Néanmoins, les parlements doivent jouer un rôle prépondérant et, dans ces
circonstances exceptionnelles, contrôler l’action du pouvoir exécutif. Ils doivent aussi être
capables de prendre dans les meilleurs délais les décisions qui s’imposent. On entend souvent
déplorer la lenteur du travail du Riksdagen, le Parlement suédois, mais nous agissons selon
nos besoins : ainsi, en ce qui concerne le plan de stabilité des marchés financiers, notre
Parlement, tout entier mobilisé, a battu des records de vitesse !
Il va de soi que la vitesse ne fait pas tout. Les parlements doivent également
susciter le soutien public à l’action gouvernementale, particulièrement en temps de crise,
quand s’imposent des mesures difficiles. La transparence et le temps du dialogue sont
essentiels à l’action politique. C’est en impliquant toutes les parties prenantes et en renforçant
la coopération entre gouvernements et parlements que nous parviendrons à gagner le soutien
de l’opinion, à éviter que la crise économique ne devienne crise politique et à prendre des
mesures durables.
Au cours de cette crise financière, les commissions du Parlement suédois ont
auditionné de nombreux ministres, experts et représentants de différents secteurs de
l’économie et les débats, publics, ont souvent été diffusés à la télévision nationale. De même,
au sein du comité des affaires européennes, les ministres des finances présentent lors de
réunions mensuelles les questions qui seront abordées par le conseil Ecofin. À partir du mois
de mars, ils seront entendus par la commission parlementaire des finances avant toute réunion
du conseil Ecofin.
Pour mieux relever les défis communs qui nous attendent, l’échange de nos
expériences respectives est essentiel. Nous devons renforcer le rôle des parlements et la
coopération interparlementaire. En temps de crise, nous devons constituer un front commun et
rester unis, par le biais par exemple des espaces de débat interparlementaire.
S’agissant des propositions de nos collègues tchèques relatives à la crise de Gaza,
je reconnais naturellement qu’il s’agit là d’une crise majeure, mais je suis en désaccord sur un
point : chaque président joue un rôle constitutionnel différent. En Suède, par exemple, le
Parlement que je préside a exploré de nombreuses pistes pour régler la crise de Gaza ; cela
étant, le président du Parlement n’est pas en mesure de citer ou de représenter tout le monde !
(Applaudissements)
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DÉBAT
M. le Président Bernard Accoyer – Je vais à présent ouvrir le débat, pour lequel
dix-huit orateurs sont inscrits. Chaque orateur disposera de deux minutes trente ; je vous
remercie de respecter strictement ce temps de parole afin que chacun d’entre vous ait la
possibilité d’intervenir. Je précise que les orateurs s’exprimeront depuis les micros disposés
dans l’hémicycle.
M. Gianfranco Fini, président de la Chambre des députés d’Italie –
M. Tajani, vice-président de la Commission, et M. Pöttering, président du Parlement
européen, ont, par leurs interventions, apporté une contribution importante à notre débat. Je
tâcherai de ne pas tomber dans le piège de la redondance, et de proposer un éclairage nouveau
sur la valeur ajoutée que peuvent apporter les parlements dans la lutte contre la crise.
Nos assemblées sont diverses par nature ; comme M. Westerberg, je serais bien
incapable de résumer la position de l’ensemble des députés de mon assemblée sur le conflit
israélo-palestinien. Et pour cause : nos assemblées représentent la pluralité de nos sociétés,
même s’il existe une majorité qui confère au gouvernement sa légitimité. Or, comme le dit le
traité de Lisbonne, le rôle des parlements est de fournir une valeur ajoutée démocratique.
Les gouvernements tentent de régler les crises ; les parlements, eux, le font aussi,
mais à leur manière. Ainsi, un gouvernement pourrait considérer que son action apporte à la
crise une réponse suffisante ; c’est alors au parlement, qui rassemble une pluralité d’opinions,
de dire les choses telles qu’elles sont à l’opinion publique. Nous devons dire à nos
concitoyens que nous traversons aujourd’hui la première crise planétaire de l’histoire
humaine. Nous, Européens, avons connu bien des crises, mais c’est la première fois
qu’aucune région du monde n’échappe à la crise. Nous devons dire sans ambages qu’il ne
s’agit pas là d’une crise banale, mais d’une crise sans précédent, dont nul ne connaît l’issue.
Une fois cette crise achevée, rien ne sera plus comme avant.
À crise planétaire, réponse planétaire : chaque pays du monde apportera sa propre
pierre à l’édifice. Dans ces circonstances, le rôle des parlements est de mener une réflexion
aboutie sur l’origine de la crise. M. Pöttering a évoqué l’économie sociale de marché : trop
imbriquée dans la finance, l’économie peut entraîner des conséquences sociales désastreuses.
L’économie, c’est avant tout la satisfaction d’une demande, et non la spéculation, le
placement en bourse, l’enrichissement par le biais de ficelles financières. Voilà le modèle
social européen !
Cette crise économique, qui a des conséquences sociales, est au carrefour de trois
grands problèmes : l’insécurité liée à l’immigration mondiale, le terrorisme et la crise
énergétique. Dès lors, il va de soi qu’aucun parlement national ne peut faire cavalier seul ;
c’est à l’ensemble des cultures européennes qu’il appartient de relever ce défi, en s’accordant
avec nos alliés d’outre-Atlantique. (Applaudissements)
M. Blaz Kavčič, président du Conseil national de Slovénie – La crise, d’abord
financière, est devenue économique puis sociale et même morale. Seules des mesures à long
terme sont de nature à la vaincre.
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Quelle part a la mondialisation dans la genèse de cette crise ? Les économies
développées sont marquées par la diminution du nombre des salariés, et les répercussions ont
frappé bien d’autres pays, comme la Chine, par exemple. La mondialisation économique a un
impact dans les domaines social et environnemental. Dans ce contexte, les dépenses sont
mises à la charge des contributeurs financiers de l’Union – c’est-à-dire les particuliers – alors
que les profits bénéficient à des sociétés multinationales de grande échelle. Dès lors, la
question fondamentale à laquelle nous devons répondre est celle de la juste répartition des
profits de cet ordre mondial. (Applaudissements)
M. Herman De Croo, vice-président de la Chambre des représentants de
Belgique – Deux choses me frappent. Tout d’abord, la crise fut une surprise. Certains
prétendent l’avoir vue venir, mais personne n’en avait clairement anticipé l’ampleur. Ensuite,
cette crise exige notre humilité. L’État, malgré ses limites, s’est attaché à parer au plus pressé
à coup de subventions et de garanties. Les banques, bien sûr, sont l’oxygène de notre
économie ; autre priorité, les secteurs à forte main d’œuvre tels que l’automobile. Ensuite, la
tentation est grande de chercher des boucs émissaires et de multiplier les enquêtes juridiques
ou politiques, quitte à mêler les deux domaines – je suis moi-même rapporteur de la
commission qui s’occupe de la crise des banques.
Au fond, nous ne disposons pas d’une réponse systématique à la crise. Or, ses
conséquences peuvent être déplorables : elle peut susciter le négativisme ou le nationalisme
de l’électeur, mais aussi le protectionnisme et la préférence pour les remèdes à court terme,
alors que les maux sont globaux. L’humilité devant la crise, notre incapacité à y réagir nous
forcent à la solidarité – même si elle est un peu artificielle, parce que nous sommes tous tenus
par nos électorats respectifs. Attachés à justifier notre existence politique, nous avons peine à
accepter que les causes de la crise et les remèdes à y apporter dépassent notre compétence.
Pourtant, prendre conscience de la modestie de nos moyens et de l’humilité de nos efforts est
plus important encore que la compréhension des maux eux-mêmes. (Applaudissements)
M. Javier Rojo, président du Sénat d’Espagne - Confrontés à la grande fracture
économique de la mondialisation, nous devons faire face à une crise financière dont nul ne
sait quand elle s’achèvera. Les dirigeants européens, américains et ceux des pays émergents
sont partis à la rescousse du système financier, pour en garantir la viabilité – et, ce faisant,
garantir l’épargne des citoyens.
Nous avons trop longtemps été exposés au risque suscité par ceux qui ne
respectent pas la volonté populaire. La démocratie a subi la menace de sa propre extinction !
Nous devons la rétablir et la lier aux préoccupations essentielles des citoyens ; afin de garantir
la prospérité, nous devons aussi conférer un rôle nouveau au marché et en adapter les règles
pour davantage de responsabilité. Telle est notre tâche, puisque nous sommes les
représentants de la volonté du peuple.
Les parlements doivent exiger des gouvernements qu’ils ne cessent pas de
répondre aux besoins nationaux tout en renforçant la coopération internationale. Aucun pays
ne saurait faire cavalier seul ! Pour cela, il nous faut travailler dans le cadre d’institutions
supranationales et créer des règles efficaces pour tous, afin que le marché s’épanouisse en
toute transparence, équité et justice. Sinon, les inégalités s’aggraveront, le chômage
augmentera et les conséquences sociales seront terribles – la faim et la dénutrition pourraient
frapper des millions de personnes. C’est à nous de défendre la dignité de la vie de nos
concitoyens !
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La rhétorique ne suffit pas. Disons clairement à nos concitoyens que leurs
représentants sont déterminés à exercer leur esprit d’initiative. Non, les catastrophes à venir
ne sont pas inévitables ! Reconnaissons que, jusqu’à présent, nous n’avons pas donné un bon
exemple. Que fait l’Union européenne, que font ses institutions économiques et politiques ?
Le moment n’est-il pas venu de coopérer dans le cadre de politiques communes, de
revendiquer notre union, notre identité, notre cohésion sociale – en clair, notre état de bienêtre ?
Les citoyens européens se prononceront bientôt pour renouveler le Parlement. Si
nous sommes incapables de proposer une Europe forte et intégrée qui dialogue avec le monde,
nous encouragerons l’euroscepticisme et jetterons le discrédit sur nos institutions. Telle est
notre responsabilité ! (Applaudissements)
M. John O’Donoghue, président de l'Assemblée nationale d’Irlande – Ce
matin, nous avons évoqué la rupture du lien entre l’électorat européen et ses institutions. C’est
un fait : l’Europe doit aujourd’hui relever des défis considérables et multiples, qui affectent la
vie quotidienne de ses citoyens. Ces défis sont une chance à saisir.
Certes, les difficultés financières s’accumulent, tant pour les citoyens que pour les
États, et l’Europe est souvent sollicitée pour régler les problèmes. Il lui est naturellement
impossible de satisfaire à toutes les demandes à l’emporte-pièce, mais elle est capable de
réagir à cette crise. À cet égard, le plan européen de relance économique est pertinent. En
Irlande, paradoxalement, il a suscité une réflexion, une introspection même, sur notre
conception de l’Europe. L’Irlande a adopté l’euro ; elle a connu une croissance économique
durable, et a souvent sollicité l’Europe pour y contribuer. Le peuple irlandais l’a compris, et je
suis confiant quant au résultat du vote qui aura lieu en octobre prochain – sans pour autant me
reposer sur mes lauriers.
Évitons le protectionnisme, et protégeons le marché unique ! Il est essentiel que
l’Europe manifeste sa présence et son action dans les Balkans, au Proche-Orient ou dans toute
autre zone de conflit. Autrefois, à M. Churchill lui déclarant que, chez lui, les choses étaient
sérieuses, mais pas désespérées, M. de Valera fit la réponse suivante : « Chez nous, les choses
sont désespérées, mais certainement pas sérieuses » ! (Rires et applaudissements)
(M. Gérard Larcher, Président du Sénat, remplace M. Bernard ACCOYER au
fauteuil présidentiel)
Présidence de M. Gérard LARCHER
Mme Ene Ergma, présidente du Parlement estonien – La meilleure manière
pour l’Estonie de juguler la crise est d’offrir un environnement favorable aux entreprises, y
compris en matière fiscale, tout en renforçant l’efficacité du secteur public. Le 20 février
dernier, notre Parlement a adopté un budget qui réduit de 10% les dépenses du secteur public.
Notre priorité est l’adoption de l’euro ; les mesures que nous prenons à cet effet, hélas, restent
limitées.
Dans le même temps, nous soutenons les entreprises qui exportent. De même, les
investissements effectués à partir des fonds structurels connaissent une croissance importante.
Les banques estoniennes ont assez bien supporté la crise ; grâce à la capitalisation, leur
situation financière demeure stable. Tout doit être fait pour préserver cette stabilité financière.
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L’Estonie, qui appuie les efforts de la Commission visant à mettre en œuvre les engagements
politiques du G20, a décidé en novembre dernier de n’adopter aucune mesure de
protectionnisme dans les douze mois suivants.
L’Europe est forte lorsqu’elle agit en commun. Le moment est sans doute venu de
concentrer davantage l’action de l’Union sur l’innovation, qui donnera un nouveau souffle à
son économie. (Applaudissements)
Mme Katalin Szili, présidente de l'Assemblée nationale de Hongrie – Je
constate que les interventions s’apparentent davantage à des questions qu’à des déclarations.
Et pour cause : la question de savoir ce qu’il faut faire face à une crise économique et
financière, qui entraîne des conséquences sociales et politiques, est légitime. Nous devons
d’une part nous efforcer d’en minimiser les dégâts, qu’il s’agisse de préserver les emplois ou
de protéger les entreprises qui menacent de s’effondrer. D’autre part, il nous faut empêcher
l’aggravation de la crise sociale – à cet égard, nous évoquerons demain l’horizon 2030.
Dans un tel contexte, le rôle des parlements consiste avant tout en un contrôle de
l’action gouvernementale. Nous devons également témoigner de notre solidarité, tant au plan
national qu’au plan européen. Chacun sait en effet que la crise ne frappe pas tous les pays de
la même manière. Les pays qui ne sont membres de l’Union que depuis cinq ans en souffrent
davantage, car il s’agit là de la deuxième régression économique qu’ils subissent depuis le
changement de régime politique.
La coopération est indispensable, tant avec les banques qu’avec les différents
secteurs de l’économie. En ce domaine, les parlements ont un rôle à jouer. Enfin, nous devons
nous assurer que les décisions sont bien appliquées en pratique, et ne pas nous en tenir à la
théorie. (Applaudissements)
Mme Gerdi Verbeet, présidente de la Chambre des représentants des PaysBas – Cette récession n’est pas la première que nous traversons : il faut remonter aux années
1980 pour retrouver une crise de cette ampleur. À l’époque, j’étais enseignante : chaque
année, en dépit de leurs efforts, je devais dire à mes étudiants que les deux tiers d’entre eux ne
trouveraient pas de travail.
Dans la crise actuelle, nous devons tenir compte des changements politiques et
économiques qui ont eu lieu depuis. Nous vivons dans un monde plus interdépendant. Le rôle
de l’Europe y a changé ; l’élargissement de l’Union et la création de l’euro ont fait de
l’Europe la plus grande économie du monde, et nous placent au deuxième rang des devises
mondiales. Nous partageons des intérêts, mais aussi des responsabilités.
Gardons toujours à l’esprit qu’aucun de nos pays n’est assez grand pour faire
cavalier seul. Même s’il s’agit de protéger ses marchés et ses emplois, il n’est jamais
souhaitable d’ignorer ses voisins. Au contraire, c’est ensemble que nous devons relever les
défis d’aujourd’hui. Ainsi, nous devons réviser la surveillance économique au sein de
l’Union, comme le préconise le rapport Larosière, et instituer un nouveau système de gestion
des flux monétaires, afin de donner un nouvel élan à l’économie européenne dans le cadre du
plan de relance. La Commission et la présidence du Conseil ont déjà examiné de près ces
questions, mais les décisions doivent être prises sans tarder – tout en veillant à empêcher le
moindre déficit démocratique.
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Dans mon pays, le Gouvernement a plusieurs fois décidé du jour au lendemain de
consacrer des sommes considérables à la remise sur pied de grandes institutions financières.
Ces sommes étant puisées dans les deniers du contribuable, nous devons examiner
scrupuleusement les choix qui sont faits en leur nom. C’est le rôle du Parlement ; il doit être
respecté. C’est aux présidents des parlements nationaux qu’échoit la responsabilité de veiller à
ce que ces discussions aient lieu. (Applaudissements)
M. Gundars Daudze, président de la Diète de Lettonie –
siècle sont plus complexes, et ne s’arrêtent plus aux frontières qui
obstacles. La gestion transnationale des crises est essentielle pour
recherchant des solutions communes que nous accroîtrons la confiance
dans le projet européen.
Les crises du XXIe
jadis leur faisaient
l’Union : c’est en
qu’ont les citoyens
La Lettonie a beaucoup souffert de la crise. À la fin de l’année dernière, le
Gouvernement a reconnu que la croissance économique, pourtant rapide pendant plusieurs
années, avait cessé. Des problèmes structurels combinés à la crise mondiale ont poussé la
Lettonie à solliciter ses partenaires étrangers – à cet égard, je remercie tous les États membres
de l’Union qui ont appuyé la proposition de la Commission de nous accorder leur soutien
financier, ainsi que tous ceux qui nous ont aidés dans un cadre bilatéral.
Face à la crise, le Parlement letton a dû enclencher un processus législatif rapide ;
en très peu de temps, nous avons amendé le budget et adopté un programme spécial de
stabilisation de l’économie. Aujourd’hui, nous subissons d’importantes coupes budgétaires,
une forte pression sociale et le mécontentement de la population. Les temps sont durs, surtout
pour nous, responsables politiques, dont le devoir est d’agir.
Si nous apprécions sincèrement la solidarité dont nous avons bénéficié, nous
constatons que la crise a révélé certaines de nos faiblesses : les décisions prises dans un pays
peuvent en affecter un autre. Il nous faut donc privilégier la coordination de nos décisions –
processus dans lequel les parlements nationaux doivent être impliqués.
Chaque crise ouvre de nouvelles pistes et nous force à nous mobiliser pour
corriger nos erreurs et trouver des solutions parfois originales. En temps de crise, une société
se tourne vers ses dirigeants. En matière de paix et de stabilité, l’Union a fait ses preuves. Ce
projet a vu le jour grâce à des responsables visionnaires et courageux ; aujourd’hui, c’est à
nous d’agir, pour que ce projet vive et préserve le bien-être des citoyens !
M. Sauli Niinistö, président du Parlement finlandais. Personne ne peut dire
quand la crise et la récession prendront fin, ni comment y remédier. Essayons toutefois d’être
optimistes : après que l’on a touché le fond, on finit par remonter. Nous assisterons peut-être à
ce que les économistes appellent la « destruction créatrice ». Nos économies sont capables de
se réinventer et de renaître de leurs cendres, tel le Phénix.
Je souhaite revenir sur deux questions.
La première est celle de l’emprunt et de l’endettement. Partout dans le monde, les
gouvernements ont emprunté d’énormes sommes d’argent : 50 milliards d’euros par semaine,
selon les estimations. S’agit-il vraiment d’une stimulation, ou au contraire d’une sorte de
perfusion visant à éviter les « bulles » ? Ne s’éloigne-t-on pas excessivement de l’économie
réelle ? Les budgets des municipalités ne pourront pas suivre. La Finlande a connu, au début
des années 1990, la pire récession des pays de l’OCDE. Il a fallu deux ans pour en sortir, mais
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trois fois plus de temps pour le secteur public, si bien que nous avons dû encore emprunter
pendant toute cette période. Et ce sont 20 % des citoyens finlandais, ceux qui se sont
retrouvés du jour au lendemain au chômage, qui ont souffert pour tous les autres. Il convient
donc de partager les efforts.
Deuxième point : contre l’endettement, il nous faut une autre protection que celle
qui existe sur les marchés financiers. Aux États-Unis, nous dit-on, on augmente la quantité de
dollars en circulation, et en Chine on joue sur les taux de change. Si cela est vrai, cela signifie
que d’autres paient la facture. Quelle solution l’Union européenne est-elle susceptible
d’apporter ? Selon moi, notre coopération devra être forte et vigoureuse de façon à ne pas
faire payer la situation à d’autres. Nous sommes certes des parlements nationaux, mais il nous
faudra faire preuve d’une grande souplesse dans les dix années à venir. (Applaudissements.)
M. Pavol Paška, président du Conseil national slovaque. Mon intervention
portera sur les questions du protectionnisme, qu’il faut rejeter, et de la solidarité, qu’il faut
développer. L’économie de la Slovaquie, totalement ouverte et axée sur la coopération avec
les partenaires européens, est toujours en pleine croissance. C’est pourquoi ces deux notions
sont si essentielles pour nous.
Certains experts préconisent des solutions « géniales » : diviser l’Union
européenne et sauver les États-nations, fermer les économies nationales – de telles idées
proviennent souvent de grandes économies –, voire retourner aux devises nationales. Même
dans l’hypothèse où l’idée serait acceptable du point de vue économique, elle est totalement
inacceptable du point de vue politique. Nous autres, représentants des nouveaux États
membres et anciens pays du bloc communiste, nous nous sommes efforcés tout au long de la
procédure d’intégration de persuader la population de la nécessité de l’Europe, seule voie vers
la prospérité. Il serait inenvisageable de défendre à présent la solution protectionniste devant
les électeurs. « Désolé, devrais-je leur dire, je me suis trompé, c’était juste une expérience !
Oubliez le libre-échange, la libre circulation, Schengen... Nous sommes passés à l’euro il y a
deux mois, eh bien, revenons maintenant à la couronne slovaque ! »
La fermeture des frontières et des économies n’est pas la bonne solution. Cette
conférence doit envoyer un message très clair : seules la solidarité et une coopération
renforcée entre les États membres nous permettront de sortir de la crise et de revenir sur la
voie de la prospérité. (Applaudissements.)
M. Thor Pedersen, Président de l’Assemblée du peuple du Danemark. Dans la
crise économique actuelle, nous devons nous garder de prédire l’avenir. Certes, l’économie a
toujours connu de bonnes périodes et de mauvaises périodes, ces dernières étant la
conséquence de mauvaises décisions. La seule façon de s’en sortir est d’adopter de nouvelles
mesures qui prennent en compte le caractère inédit et mondial de la crise. Aujourd'hui, tout le
monde vend, achète, prête, emprunte à tout le monde. Les pays sont interdépendants. Le
dollar dépend de l’achat par la Chine d’obligations américaines, etc.
Aussi nous faut-il écarter tout protectionnisme. C’est ensemble que nous devrons
résoudre la crise. Au demeurant, celle-ci ne durera qu’autant que nos peuples penseront que la
situation empirera. Le tournant, ce sera le jour où les consommateurs oseront de nouveau
acheter, qui une nouvelle maison, qui une nouvelle voiture…
Au Danemark, tout le monde n’a pas été atteint par la crise. Les fonctionnaires,
par exemple, ont vu leur salaire augmenter alors que, dans le même temps, le coût de la vie a
baissé. Pour autant, les achats n’ont pas repris car les gens pensent que les prix vont encore
baisser. Il est donc de notre responsabilité de faire en sorte que l’argent détenu par les
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ménages revienne sur le marché et d’investir dans des domaines qui produisent des résultats à
terme, comme les infrastructures ou les transports. (Applaudissements.)
M. Armand De Decker, président du Sénat belge. Nous traversons
probablement la première grande crise de la globalisation. Pour le moment, les réponses que
nous y apportons ont un caractère principalement national et visent à sauver l’essentiel dans le
court terme. Nous savons pourtant que la vraie réponse ne pourra être que mondiale – et, pour
ce qui nous concerne, européenne. Face aux grands pays émergents, c’est en termes de
législation et de régulation mondiales que la solution se présentera.
On parle souvent de la situation comme si le pire était déjà derrière nous. Je crains
pour ma part qu’il puisse être encore devant nous. Si tel est le cas, la solidarité que nous
invoquons tous ici devra s’exprimer très rapidement. L’Union européenne a déjà formulé des
propositions, notamment à travers le groupe animé par M. Jacques de La Rosière, pour réguler
davantage le système financier et lui apporter l’éthique qui lui fait défaut. Spéculer avec de
l’argent virtuel, ce n’est pas produire, ce n’est pas participer à une activité économique : c’est
jouer et prendre des risques avec le reste du monde.
Il nous faudra donc mettre beaucoup plus d’énergie dans les efforts européens et
penser également à la réponse mondiale. Certes, le Fonds monétaire international devra
intervenir pour réguler le système financier, mais je vous demande aussi de réfléchir à la
situation du tiers-monde. La Banque mondiale estime à 2 000 milliards de dollars les
investissements nécessaires pour que ces pays puissent participer à la relance économique. Si
nous ne procédons pas à ces investissements, nous serons probablement confrontés à la plus
grande pression migratoire de l’histoire de l’humanité.
Dans cette perspective, je veux insister sur le rôle très spécifique que le Conseil
économique et social de l’ONU pourrait jouer pour trouver les formules permettant d’associer
l’économie des pays du Sud au sauvetage de l’économie mondiale. (Applaudissements)
M. Georgi Pirinski, président de l’Assemblée nationale bulgare. Comme
Mme Szili, je pense que, pour un grand nombre de pays d’Europe centrale et orientale, la crise
est double. La crise due à la transition a eu des effets très semblables à ceux de la crise
actuelle sur les anciens États membres : chômage massif, baisse considérable des revenus,
restructurations très douloureuses, diminution dramatique du niveau de vie. Si l’on a pu
mettre en œuvre les réformes, c’est que les populations comptaient sur des améliorations
ultérieures. Or les voilà victimes de cette nouvelle crise.
Aussi, permettez-moi de plaider auprès de vous, mes chers collègues, pour que
vous recommandiez fermement à vos gouvernements respectifs de relancer les programmes
d’infrastructures que l’on a quelque peu laissés de côté faute de financements. Il est
indispensable que les banques mettent en œuvre ces financements. Je pense notamment au
projet crucial de gazoduc reliant la mer Noire à la Méditerranée via la Bulgarie.
Il faut également que les fonds structurels et les fonds de cohésion soient plus
accessibles et que leur utilisation soit la meilleure possible.
On entend réglementer davantage, intervenir davantage ; certes, mais veillons à
respecter un juste équilibre et à ne pas porter préjudice au marché en général et au marché
unique en particulier. (Applaudissements)
M. Bogdan Borusewicz, président du Sénat polonais. Nous savons quand la
crise a commencé, nous ne savons pas quand elle se terminera. Il est difficile de prévoir quelle
en sera l’issue. Pour autant, nous devons dire la vérité à nos électeurs : la crise touchera tout le
monde et il n’y a pas de remède miracle. Ce n’est pas en augmentant le déficit budgétaire et
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l’endettement public que l’on va la résoudre. Voyez l’Ukraine, où l’on a eu recours à ce type
de mesures. Le conflit du gaz n’est que gelé car ce pays n’a pas l’argent pour payer.
Les événements économiques peuvent avoir des répercussions à d’autres niveaux.
Pour certains, le protectionnisme serait la meilleure réponse à la crise. Beaucoup de nos
électeurs pensent ainsi. Pourtant, nous savons tous que ce n’est pas la bonne solution, bien au
contraire : ce serait extrêmement dangereux pour l’Union européenne. Cela dit, la crise
économique va malheureusement engendrer une crise sociale.
Mais il peut également y avoir des effets bénéfiques. L’Union européenne, et
même l’adoption de l’euro, pourraient connaître un regain de faveur. Aujourd'hui, l’occasion
nous est donnée de répondre à la question que nous posent nos concitoyens : pourquoi avonsnous besoin de l’Union européenne ? Assurément, nous en avons besoin pour agir de manière
solidaire dans des situations difficiles. (Applaudissements)
M. Alan Haselhurst, vice-président de la Chambre des communes du
Royaume-Uni. Ne pas avoir inscrit le thème de la crise à notre ordre du jour aurait été
extraordinaire. Cela étant, nous ne sommes ni le Conseil des ministres des affaires étrangères
ni celui des ministres de finances. Comme l’ont déjà fait remarquer mes collègues suédois et
italien, les présidents de parlement ne sont pas, constitutionnellement, des leaders politiques.
En outre, nous représentons des opinions très différentes, entre lesquelles il peut
exister de véritables fossés. Il nous faut donc être prudents. Discuter est une chose, envisager
d’intervenir en est une autre. Si l’on décide d’une intervention à Gaza, pourquoi ne pas le
faire au Zimbabwe ou en Afghanistan ? Il existe beaucoup de crises dans le monde et nous
nous exposerions aux critiques si nous décidions d’en choisir une seule.
Concernant la crise financière, la solidarité que nous avons exprimée constitue
déjà un message important. En revanche, je ne suis pas certain d’avoir entendu ici proposer
des solutions – si d’ailleurs nous trouvions brusquement la formule pour sortir de la crise,
notre place serait plutôt au ministère des finances ! Tout au plus pourrons-nous dire, en
rentrant chez nous, que notre conférence a envisagé telle ou telle solution qui lui semble
intéressante et qu’elle a mis en exergue le rôle considérable que l’Europe doit jouer.
(Applaudissements)
M. Trajko Veljanovski, président de l’Assemblée de l’ancienne République
yougoslave de Macédoine. C’est un immense privilège, mais aussi une grande responsabilité,
que de prendre la parole ici, dans la patrie des pères fondateurs de l’Europe unie, Robert
Schuman et Jean Monnet. L’Union européenne d’aujourd'hui est en effet la réponse à l’un des
conflits les plus terrifiants de notre continent et de la civilisation tout entière.
En République de Macédoine, bien que la crise ait peu touché le secteur bancaire
et financier, elle a des répercussions importantes sur la vie quotidienne et le Parlement a
participé activement à la recherche de solutions.
Au début de ce siècle, la République de Macédoine a été confrontée à l’une des
plus grandes crises de notre histoire récente, un conflit fondé sur des questions ethniques que
nous avons réussi à dépasser grâce à l’accord-cadre, obtenu avec le soutien de la communauté
internationale mais aussi avec la détermination des citoyens de la République de Macédoine
pour une cohabitation tolérante avec l’autre et le différent. Et c’est justement avec la signature
de cet accord que commencent le rôle et la responsabilité de l’Assemblée de la République de
Macédoine en vue de la mise en œuvre constitutionnelle et de l’application pratique de celuici. Croyez-moi, ce processus n’était pas simple et il est toujours en cours, mais, aujourd'hui,
l’accord-cadre est un modèle fonctionnel pour un État multiethnique, multiculturel,
multiconfessionnel, et avant tout démocratique, comme la République de Macédoine. Les
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principes de cet accord font désormais partie de notre quotidien. Ils sont aussi la preuve de
notre détermination pour les générations futures. Je suis persuadé que cet accord est
également un modèle fonctionnel dont beaucoup d’États devraient s’inspirer en matière de
cohabitation et de démocratie interethniques.
De par ses valeurs, normes et dispositions, l’Union européenne – à laquelle il faut
ajouter l’OTAN – est le second facteur décisif pour renforcer l’homogénéité au sein de la
société macédonienne. Nous sommes conscients des devoirs que nous devons remplir en vue
de l’adhésion. De ce point de vue, le rôle du parlement macédonien est confirmé de façon
quotidienne et transparente, devant l’opinion publique nationale mais aussi devant la
communauté internationale. Nous sommes d’autant plus conscients de notre responsabilité
que notre région est encore fragile. C’est pourquoi notre parlement accorde une attention
particulière à la collaboration régionale.
L’Europe unie ne peut être construite d’un seul coup. Elle sera édifiée au moyen
de réalisations concrètes et, avant tout, par la création d’une solidarité soutenue par des faits :
c’était déjà, en 1950, la pensée qu’exprimait le grand Européen Robert Schuman.
Les citoyens de la République de Macédoine espèrent maintenant la levée du
régime des visas car ils ont réalisé des progrès concrets dans ce domaine. Permettez-moi, à cet
égard, de citer pour conclure un autre grand Européen et notre grand ami, le commissaire
européen Olli Rehn : « Les frontières restrictives contraignent nos cerveaux, limitent nos
actions et diminuent notre influence ; les frontières expansives libèrent nos cerveaux,
stimulent nos actions et renforcent notre influence. » Par ce qu’ils ont accompli, la
République de Macédoine et les citoyens macédoniens méritent cela aujourd'hui.
(Applaudissements)
M. Harald Reisenberger, président du Conseil fédéral autrichien. La crise
économique que connaissent tous nos pays est également une crise de confiance. Du fait de
l’interdépendance des économies, il ne peut y avoir de solution que commune. Aucun pays ne
peut considérer que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes si seule son économie
nationale fonctionne : les économies sont inextricablement liées. Dans un grand groupe
comme Opel, par exemple, les décisions auront des répercussions sur de nombreuses autres
entreprises et sur de nombreux pays.
Il nous faut surveiller tout particulièrement ceux qui essaient encore de profiter de
la crise. C’est un devoir pour nous d’avoir une vision exacte de ce qui se passe.
La question de la responsabilité de la crise ne trouvera pas de réponse. Ce qui est
certain en revanche, c’est que les salariés de nos pays ne sont pas les responsables. Non
seulement il faut les protéger, mais il faut aussi assurer leur promotion. Certains se sont
étonnés que les salaires des fonctionnaires augmentent ; il est pourtant important que les
salariés obtiennent des augmentations est que, malgré la crise, leur travail soit correctement
rémunéré.
Dans le cadre de l’Union européenne, nous devons réfléchir aux critères que nous
nous sommes fixés car la situation est inédite. Le chômage provoque l’insécurité, l’insécurité
provoque la pauvreté, la pauvreté provoque l’instabilité. Notre objectif est inverse : travail
pour tous, sécurité, prospérité, stabilité. (Applaudissements)
M. Arūnas Valinskas, président de la Diète lituanienne. Beaucoup de crises
internationales retiennent notre attention : Gaza, l’Ukraine, la Russie, la Géorgie… On ne
peut cependant se contenter de parler : il faut passer de la parole aux actes et trouver une
solidarité politique.
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Cela étant, je suis d’accord avec mon collègue britannique : si nous détenions la
recette miracle à la crise économique, nous ne serions pas présidents des parlements
nationaux mais ministres des finances. Nous savons où est le point de départ de la crise mais
nous ne savons pas où est la ligne d’arrivée.
Certains pays ont une population plus importante que d’autres mais l’Union
européenne est notre maison commune. Lorsque la maison est en feu, il faut agir vite. Je
pense pour ma part que nous n’avons pas utilisé tous les instruments dont nous disposons.
Pourquoi acheter un nouvel instrument de musique si l’on n’est pas capable de jouer
correctement de l’ancien instrument ? Essayons déjà d’apprendre à jouer de cet instrument
avant de songer à en acquérir un autre !
J’en appelle donc à une solidarité politique. Le protectionnisme est la pire des
menaces car il intervient forcément au détriment des partenaires.
M. le Président Gérard Larcher. Merci à l’ensemble des orateurs.
De vos interventions, je retiens deux idées force : non au protectionnisme ;
importance de la solidarité. Ce n’est qu’ensemble que nous arriverons à surmonter une crise
dont il faut rappeler aussi les conséquences dans les pays émergents et les pays en voie de
développement.
La préparation du volet parlementaire d’une présidence de l’Union européenne.
Rapport présenté par Mme Katalin Szili,
Présidente de l’Assemblée nationale de la République de Hongrie.
M. le Président Gérard Larcher. Je rappelle qu’avant 1989 il n’y avait pas de
réunions des parlements nationaux de l’Union. Vint ensuite la COSAC ; puis se développèrent
les réunions conjointes à Bruxelles, associant le Parlement européen et le parlement du pays
assurant la présidence. Celle de novembre dernier, cher président Pöttering, a permis de
parvenir à une conclusion heureuse sur le « paquet énergie-climat ».
Madame la présidente Szili, je vous donne maintenant la parole pour présenter
votre rapport. Nous serons d’autant plus attentifs à vos propos que la Hongrie assurera la
présidence de l’Union au premier semestre 2011.
Mme Katalin Szili, présidente de l’Assemblée nationale de la République de
Hongrie. Mes chers collègues, le document d’une quarantaine de pages que nous avons
élaboré est à votre disposition. Aussi ma présentation sera-t-elle brève.
Au départ, nous avons adressé à chaque parlement de l’Union un questionnaire
portant sur quatre-vingt-quatre points et divisé en trois parties : premièrement, des questions
relatives au rôle politique des parlements ; deuxièmement, des questions relatives à leur rôle
technique ; enfin, des questions destinées à cerner ce que pourrait être un « étalon » en la
matière.
Nous avons beaucoup parlé aujourd'hui du renforcement du rôle des parlements.
À cet égard, le traité de Lisbonne serait précieux pour nous permettre d’assumer nos
responsabilités.
En tout état de cause, il serait opportun de rédiger une sorte de cahier des charges
des parlements nationaux, tant en ce qui concerne leurs relations avec les gouvernements
qu’en ce qui concerne la coopération interparlementaire. Nos missions de contrôle incluent le
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contrôle de la préparation à la présidence de l’Union européenne. Toutes les réponses que
nous avons reçues – et dont je vous remercie, mes chers collègues – insistent sur le rôle
prépondérant que nous pouvons jouer.
En règle générale, les parlements mettent en place un groupe de quinze à vingt
membres pour préparer la présidence de l’Union. Dans les systèmes bicaméraux, les deux
chambres travaillent en étroite coopération. Je constate avec plaisir que les commissions
acceptent de participer aux réunions de préparation.
Parmi les nombreux problèmes d’ordre pratique, on peut mentionner celui de la
traduction simultanée. Je pense que le régime linguistique adopté par la COSAC pourrait
s’appliquer à la Conférence des présidents des parlements.
Par ailleurs, le travail préparatoire de la Slovénie pour parvenir à un consensus
permettant d’assurer la présidence peut être cité en exemple.
Mes chers collègues, je vous propose d’assurer le suivi de ce rapport en me faisant
parvenir vos remarques et observations. Nous envisageons une diffusion sur le site de l’IPEX,
mais aussi la publication d’un manuel à l’usage des parlements en période de présidence de
l’Union européenne. (Applaudissements)
M. Herman De Croo, vice-président de la Chambre des représentants de
Belgique. Je remercie Mme Szili pour ce rapport auquel tous les parlements ont contribué.
C’est bien là le signe de l’évolution positive de la Conférence des présidents des parlements,
qui doit trouver sa voie entre la COSAC et le Parlement européen.
M. le Président Gérard Larcher. Nous nous associons tous à ces remerciements.
Annonce du Président de la Diète polonaise
M. Bronisław Komorowski, président de la Diète polonaise. Alors que la
Pologne se prépare à assurer la présidence de l’Union européenne au deuxième semestre de
2011, nous ne devons pas oublier un anniversaire important, notamment pour les pays
d’Europe centrale et orientale. En juin 1989, Solidarité remporte les élections législatives en
Pologne. Cet épisode prélude à la chute du mur de Berlin et à la réunification du continent
européen. Je vous invite donc, mes chers collègues, à venir à Varsovie les 1er et 2 juin
prochains pour célébrer cet anniversaire.
M. le Président Gérard Larcher. Merci pour cette invitation, monsieur le
président, et pour le symbole qu’elle constitue.
Nous allons maintenant nous rendre au palais de l’Élysée, où nous serons reçus
par le Président de la République française.
La séance est levée à dix-sept heures vingt-cinq.
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CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
DES PARLEMENTS DE L’UNION EUROPÉENNE
Samedi 28 février 2009
Présidence de M. Bernard Accoyer, président de l’Assemblée nationale,
et de M. Gérard Larcher, président du Sénat
La séance est ouverte à neuf heures.
L’avenir de l’Europe à l’horizon 2030
M. le président Bernard Accoyer. Mesdames, messieurs les présidents et chers
collègues, nous nous retrouvons pour débattre de l’avenir de l’Europe à l’horizon 2020-2030.
Le Conseil européen du 14 décembre 2007 a créé un groupe de réflexion indépendant invité à
identifier les questions fondamentales auxquelles l’Europe est susceptible d’être confrontée
dans les vingt prochaines années et à étudier les réponses à leur apporter. Chargé de
déterminer la meilleure manière d’asseoir la stabilité et la prospérité de l’Europe et de la
région qui l’entoure, sans aborder dans le détail les questions institutionnelles ou financières,
le groupe remettra son rapport au Conseil européen de juin 2010. Je salue l’importance de ses
travaux car, plus que jamais, nous avons besoin de renouer avec un projet collectif pouvant
susciter l’adhésion de nos concitoyens à la construction européenne.
J’encourage les membres du groupe à poser toutes les questions qui engagent
notre avenir : la pérennité du modèle européen de cohésion sociale au XXIe siècle ; l’enjeu
essentiel de l’énergie durable ; la protection contre les menaces diffuses du terrorisme et du
crime organisé ; les besoins démographiques et les défis posés par les zones de conflit aux
marges de l’Union. Les fondements mêmes de l’identité seront ainsi au cœur d’une réflexion
qui, je n’en doute pas, nous apportera beaucoup.
Les Parlements nationaux ont un rôle tout particulier à jouer dans ce cadre :
d’abord, bien sûr, selon la lettre des traités, puisque le traité de Lisbonne nous confie la
mission de participer aux conventions qui seraient désormais chargées de préparer la révision
des traités, mais aussi selon l’esprit de notre nouvelle mission, qui fait de nous de précieux
relais de proximité entre les peuples de l’Europe. C’est pourquoi nous vous proposons, mes
chers collègues, d’échanger dès à présent sur ce thème essentiel.
M. Bruno Le Maire, secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
Mesdames, messieurs les présidents, monsieur le président du groupe de réflexion sur l’avenir
de l’Europe, c’est avec beaucoup de plaisir que je vous retrouve pour débattre de l’avenir de
l’Europe à l’horizon 2030.
La France a beaucoup œuvré en 2007, à l’initiative du Président de la République,
pour la constitution du groupe de travail, désormais appelé « groupe Gonzalez », qui a la
responsabilité de réfléchir sur l’avenir de l’Union. Dans des temps aussi incertains, une telle
initiative est particulièrement opportune et nos attentes à l’égard de ce groupe sont d’autant
plus élevées.
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Ma conviction profonde est que l’Union européenne est en train de vivre, avec la
crise économique et financière, une étape décisive de son histoire. Quand chaque jour apporte
son lot d’annonces nouvelles et de nouvelles révolutions, il faut une boussole fiable, un cap
clair, et une idée précise de la route à suivre. C’est ce défi que le groupe de réflexion doit nous
aider à relever.
Nous avons ainsi besoin le plus rapidement possible des institutions définies dans
le traité de Lisbonne. Sans traité de Lisbonne, pas d’institutions stables, et sans institutions
stables pas d’avenir pour l’Europe ! À cet égard, le vote récent du Parlement de la République
tchèque a adressé un signal très positif dont nous nous sommes tous réjouis.
Pour revenir à la crise, je dirai que les choix que nos nations feront seront décisifs
pour l’Europe, qui hésite aujourd'hui entre le chacun-pour-soi et la solidarité dans un destin
commun. La tentation est grande du repli sur soi et du protectionnisme. Mais ces réflexes sont
dangereux et ils doivent être combattus par les institutions européennes, les gouvernements et
les Parlements des États membres. Critiquer les comportements des uns et des autres est
inutile en temps de crise : le dialogue doit prendre le pas sur la stigmatisation.
Pour rassurer et convaincre nos concitoyens, nous devons proposer une nouvelle
orientation à l’Europe et admettre qu’un cycle de la construction européenne s’achève, un
cycle de prospérité partagée durant lequel la concurrence et l’émulation entre États membres
étaient mises en avant. Après la crise, le monde ne sera plus comme avant.
L’Union a la légitimité et le courage de proposer un modèle pour l’avenir. Il lui
reste à s’en donner les moyens en se dotant de nouveaux instruments. Pour montrer qu’elle est
la seule recette efficace face à la crise, l’Europe doit avoir clairement à l’esprit le modèle
économique, le modèle de société et les valeurs qu’elle entend défendre dans les prochaines
décennies.
J’ai à ce sujet trois convictions.
Premièrement, après les errements passés, une régulation et un contrôle efficaces
de l’ensemble des acteurs financiers sont absolument essentiels. Les résultats encourageants
de la rencontre du 22 février à Berlin marquent la volonté des Européens de peser lors du
sommet du G20 de Londres. L’alternative est simple : soit nous arrivons unis, avec des
positions fortes sur les hedge funds, la supervision, les paradis fiscaux, et nous pourrons nous
faire entendre ; soit nous arrivons divisés, et nous ne pèserons pas face aux États-Unis, ni face
aux autres grandes puissances mondiales. Nous avons, reconnaissons-le, des intérêts propres
qui ne se confondent pas nécessairement avec ceux de nos amis américains. L’Union
européenne doit être aux avant-postes de la lutte contre les paradis fiscaux, pour
l’encadrement des hedge funds, l’évaluation des agences de notation, la limitation des
rémunérations dans le secteur financier et le renforcement des instances de supervision.
Telles sont les attentes de nos concitoyens, et nous devons être à la hauteur.
La France et l’Allemagne ont joué un rôle décisif pour atteindre ces premiers
résultats. Et c’est un combat qu’elles sont décidées à poursuivre sans relâche avec l’ensemble
de leurs partenaires. Il ne s’agit pas de discussions techniques, l’enjeu n’étant rien de moins
que la définition du système économique européen que nous voulons : un capitalisme
d’entrepreneurs régulé, durable, responsable, au service d’une économie dynamique et
innovante.
Deuxièmement, la politique industrielle doit devenir une grande ambition pour
l’Union. La crise a montré la limite de la seule logique de concurrence. La stratégie de
Lisbonne a été utile, mais elle est désormais dépassée. Des coopérations étroites, des
2
investissements communs entre États membres, des stratégies collectives sont nécessaires
pour permettre à l’industrie européenne de sortir renforcée de la crise. Aucune industrie
nationale ne réussira seule.
Pour gagner en compétitivité, nous avons un avantage décisif par rapport à
d’autres régions : le marché intérieur. Nous avons une force : notre capacité d’innovation. Et
un atout décisif : la qualité de nos salariés. Sachons ensemble mieux les utiliser ! Une
politique industrielle européenne coopérative et durable est la promesse d’une nouvelle
croissance. Ce sera la seule stratégie efficace pour maîtriser l’endettement public.
Pour sortir de la crise, nous avons fait le seul choix possible, celui de la relance
par la dépense publique, mais au prix d’un endettement massif de tous les pays européens. À
l’échéance de quelques années, le problème que nous aurons à résoudre sera celui de la
diminution de l’endettement public. Or, pour ce faire, il n’y aura pas d’autre possibilité que
l’innovation, la recherche et une politique industrielle collective pour retrouver des taux de
croissance importants.
Troisièmement, la solidarité doit revenir au cœur de la construction européenne.
La crise aiguise les égoïsmes. Pourtant, nous avons besoin de solidarité : à l’égard des États
membres, notamment d’Europe centrale et orientale, qui souffrent aujourd’hui de la crise
financière et bancaire ; au sein des États membres eux-mêmes, à l’intérieur des nations pour
lutter contre toutes les formes de pauvreté et réduire les inégalités. La réduction des inégalités
est une des valeurs fondatrices de l’Europe, à laquelle nous devons rester fondamentalement
attachés. Sur ce sujet difficile, la présidence française a initié une démarche commune en
proposant de fixer des objectifs quantifiés nationaux de réduction de la pauvreté. C’est en
apportant des réponses collectives à ce défi de la cohésion sociale que nous resterons fidèles à
une conception commune à tous les Européens de ce qu’est la vie en commun en Europe.
Mesdames, messieurs les présidents, la crise nous oblige à réfléchir à l’avenir de
l’Europe avec des idées neuves. Nous avons un devoir d’imagination et de réflexion. Vos
institutions parlementaires, le groupe de réflexion doivent jouer un rôle majeur dans cet
exercice en apportant la sensibilité propre à chaque État membre. Aucun État ne détient à lui
seul la vérité. L’avenir de l’Europe dépend des échanges entre chacun des États qui la
constituent. Elle sortira renforcée des épreuves qu’elle est en train de traverser à condition que
tous les membres de la famille européenne que vous représentez se rassemblent pour porter
une ambition commune. (Applaudissements.)
M. Felipe González, président du groupe de réflexion sur l’avenir de
l’Europe. Je remercie tout d’abord le président de l’Assemblée nationale de son invitation.
Je commencerai mon propos par une série de mises en garde.
Comme le groupe de réflexion vient de commencer ses travaux, je ne pourrai
m’exprimer qu’en mon nom propre. J’ai toujours été un Européen convaincu et, avec la crise,
je le suis encore davantage. Si l’Union européenne n’existait pas, nous devrions l’inventer. La
crise que nous vivons est globale, mais les instruments que nous utilisons pour lutter contre
elle sont locaux. Même les États-Unis admettent qu’ils ne peuvent régler la crise
internationale en faisant cavalier seul : la donne a changé.
Juste après la signature du traité de Lisbonne, nous avons décidé de créer un
groupe de réflexion sur l’avenir de l’Europe. Mais, depuis lors, les mauvaises nouvelles se
sont succédées. La première, c’est que, pour obtenir des résultats, nous aurions dû commencer
3
avant-hier de profondes réformes de structure. Il faut fixer un cap et supprimer les goulets
d’étranglement qui nous empêchent d’avancer.
Le traité de Lisbonne a connu bien des vicissitudes, mais, comme le groupe de
réflexion n’a pas vocation à s’intéresser aux problèmes institutionnels, supposons donc que ce
traité aboutisse.
Entre les Conseils européens de 2007 et de 2008, la crise s’est révélée être d’une
ampleur sans précédent et ses effets sont dévastateurs sur l’économie interne. La crise
institutionnelle se double d’une crise économique et financière.
Les menaces qui planent sur la sécurité européenne proviennent d’autres sources
que du terrorisme international et du crime organisé – la crise géorgienne et le déploiement
du bouclier antimissile, sans parler de la rupture dans l’approvisionnement en gaz de certains
pays européens, l’ont montré. La sécurité apparaît donc comme un concept intégré vis-à-vis
duquel celui de frontière est inopérant. C’est la raison pour laquelle nous devons apporter des
réponses communes.
La crise que nous vivons est systémique, mais il n’existe pas d’alternative au
système capitaliste. Plus personne ne croit au communisme, et les utopies font plutôt régresser
qu’avancer. Globale, la crise met en évidence la contradiction entre le cadre encore local et
national de la démocratie et de la souveraineté d’un côté, et une économie de plus en plus
internationalisée et interdépendante de l’autre. Il y a dix ans déjà, je signalais dans un rapport
que, compte tenu des caractéristiques du système financier, toute épidémie apparue ici ou là
se transformerait inexorablement en pandémie : en 1998, la crise asiatique s’est propagée à la
Turquie, à la Russie et au Brésil avant d’atteindre les marchés centraux avec l’éclatement de
la bulle Internet. M. Le Maire a raison : nous n’avons pas d’autre solution que de trouver une
gouvernance globale pour un système financier globalisé.
Pour donner corps au concept d’Union européenne, être unis ne suffit pas : il faut
aussi se mettre d’accord avec d’autres. Alors que le Président Obama met fin à
l’unilatéralisme américain, nous ne pourrons pas de notre côté plus agir sans les États-Unis :
personne n’est en mesure d’endiguer seul la crise.
Les pertes provisoires sont évaluées à 60 000 milliards de dollars, soit quatre fois
le PIB des États-Unis, mais nous n’avons pas pris la mesure de certains phénomènes. Alors
que l’économie mondiale croissait au rythme très satisfaisant de 4,5 % par an, les
mouvements financiers progressaient, quant à eux, de 60 %. Pourquoi un tel écart ? Et
pourquoi ne nous en sommes-nous pas préoccupés ? Les fonds qui auraient dû financer les
projets d’avenir ont servi à créer des instruments financiers vides. Des produits dérivés ou
structurés, on ignore tout des sous-jacents faute de contrôle et de comptabilité.
Je suis membre d’une tribu de gauche face à laquelle se faire l’avocat de
l’économie de marché n’a pas été une sinécure. J’ai ensuite défendu l’idée que le marché ne
suffisait pas et qu’il fallait garder la faculté d’intervenir dans l’économie. Pourtant, après la
chute du mur de Berlin, les politiques ont cru à la main invisible du marché et l’ampleur du
choc de 2008 les a pris de court. Maintenant, les marchés nous demandent de faire face. Mais
c’est comme au football : nous manquons d’entraînement. Il faut aussi éviter à tout prix
l’hyper-réglementation qui ne résoudra pas tous les problèmes des institutions financières
internationales. Je suis tel Don Quichotte qui, il y a cinq cents ans, conseillait à Sancho Panza,
devenu gouverneur, d’être pragmatique. Plutôt que d’édicter des règles tous azimuts, il faut
que celles qui sont adoptées soient respectées. C’est surtout de cohérence que le système a
besoin : il ne peut pas y avoir une régulation américaine, une régulation asiatique et une
4
régulation européenne. Le G20 doit garantir la transparence des mouvements de capitaux pour
mieux les prévoir.
La situation est grave. Au printemps dernier, nous avons été surpris par la flambée
des cours du pétrole – les 147 dollars le baril ont été atteints. Dans le même temps, des
capitaux se sont reportés sur les marchés à terme où les achats sont passés en deux mois et
demi de 70 milliards à 280 milliards de dollars. Interdire ces opérations entraverait la liberté
et le dynamisme des acteurs économiques, mais il est irresponsable de se contenter de dépôts
de garantie de 5 %. Ceux qui achètent du riz ou de l’énergie devraient verser 60 % du montant
de la transaction – à ce niveau, les institutions financières ne courraient pas de risque compte
tenu de l’ampleur des variations de cours – pour endiguer la spéculation qui est la cause de
l’inflation.
Venons-en maintenant aux priorités de l’Europe pour l’horizon 2020-2030. Elles
n’ont pas changé, mais la crise, dont nous n’avons pas encore pris l’exacte mesure, va nous
obliger à mener des réformes de structure qui ne paraissaient pas indispensables pour
renforcer une coordination nécessaire. Les initiatives nationales ne peuvent pas tirer parti de
la synergie que procure la collaboration entre vingt-sept pays. À cet égard, la crise peut aussi
être une chance.
Le groupe de réflexion a un avantage sur les autres organes de l’Union : il a une
plus grande liberté de parole puisqu’il ne sollicite aucun vote. Ainsi, les Européens vantent
leur modèle comme le meilleur du monde en termes de cohésion sociale. C’est juste, et l’on
nous dit qu’il faut, pour ce faire, revoir l’agenda de Lisbonne. Pourtant, il n’a pas fonctionné.
L’objectif de Lisbonne n’était-il pas de faire de l’Union européenne à l’horizon 2000-2010 la
première puissance économique et technologique du monde ? Or, loin d’avoir progressé, nous
avons reculé, et avant 2007. Le fossé avec les États-Unis s’est creusé, sans parler de notre
position vis-à-vis de la Chine et de l’Inde. Si nous faisons de la cohésion sociale une affaire
de civilisation, posons-nous la question de savoir comment la financer avec une économie qui
ne crée pas de valeur par l’innovation et qui perd en compétitivité globale !
La cohésion sociale est aussi en crise à cause de l’évolution de notre démographie.
La pyramide des âges s’est inversée avec un rétrécissement des classes actives. Les flux
migratoires ont permis de contrecarrer certains problèmes et de préserver la cohésion sociale.
On ne peut pas dissocier le social de l’économique, surtout avec la crise exogène qui nous
frappe. On ne pourra jamais rivaliser avec les pays à bas coût de main-d’œuvre. La valeur
ajoutée que nous dégageons doit nous servir à nous assurer un avantage de compétitivité. Les
objectifs de Lisbonne doivent être revus car, si le diagnostic était correct, le traitement était-il
adapté ? Il est prioritaire de régler ce problème de compétitivité globale pour garantir la
cohésion sociale, d’autant que les lacunes du système telles que le chômage ne pourront guère
être comblées si nous perdons de la compétitivité. Et ce sera difficile dans les contextes
nationaux actuels.
En conclusion, je définirai trois priorités.
D’abord, nous avons besoin d’un nouveau pacte social pour le XXIe siècle, comme
celui qu’avaient conclu les signataires du Traité de Rome. Il s’agissait là d’un modèle
vertueux parce que nous étions alors en mesure de donner du travail à tous, d’exporter et de
financer la solidarité, mais il fait partie du passé.
Deuxième priorité : l’énergie et le changement climatique. La suspension des
livraisons de gaz russe à l’Ukraine, qui a provoqué une rupture de l’approvisionnement de
plusieurs pays européens, est inquiétante. En effet, si l’Europe ne tremble pas de froid quand
5
deux ou trois de ses membres, aussi petits soient-ils, grelottent, alors il n’y a pas d’Europe.
L’Union européenne doit agir en tant que telle.
L’Union soviétique était néfaste mais ses gérontes n’auraient jamais imaginé de
ne pas respecter un contrat. Les dirigeants de la Russie actuelle sont imprévisibles – ce n’est
d’ailleurs pas la première fois qu’ils « coupent les vannes » – et l’Europe ne peut pas accepter
d’être à leur merci.
De même, avec la chute du pétrole, la tentation est forte de faire marche arrière
dans la recherche d’énergies alternatives et de remettre à plus tard le « 3 fois 20 ». Or ce serait
une grossière erreur car, dès que l’économie mondiale aura retrouvé un taux de croissance de
3 %, la crise énergétique reprendra.
Pourquoi ne pas débattre de l’énergie nucléaire, que l’on soit pour ou contre ?
Certains pays refusent pendant que d’autres s’équipent. L’Union ne pourra pas continuer à
faire comme si la question ne se posait pas dans un contexte hypothéqué par notre insuffisante
autonomie énergétique et les tensions environnementales. Il est donc important de débattre !
Certains risquent de profiter du silence de l’Union pour retarder de vingt-cinq ans leur
programme de lutte contre le réchauffement. Même si nous devons appliquer strictement le
principe de subsidiarité, il est indispensable que l’Europe s’achemine vers une politique
énergétique commune. Faute de savoir tirer profit de la synergie que procure le marché
intérieur, de la révolution technologique et d’une interconnexion des réseaux énergétiques,
l’Union européenne n’atteindra pas les objectifs qu’elle s’est fixés ni ne respectera les
engagements qu’elle a pris.
Troisième priorité : les flux migratoires. L’immigration est perçue à la fois comme
un besoin et une menace. Avec l’espace Schengen, il n’est pas possible d’avoir des politiques
nationales en raisonnant par rapport à ses propres frontières et en s’engageant dans une
politique bilatérale avec les États d’émigration, sauf pour ce qui est des processus
d’intégration des migrants. Sans politique globale, nous ne parviendrons pas à réguler les flux.
Il n’est pas possible de faire coexister des législations différentes à l’intérieur d’un espace
commun.
Le crime organisé et le terrorisme international qui nous menacent ne connaissent
pas de frontières. Pour s’en protéger, il faut des instruments juridiques et policiers
transnationaux. Or les réponses que nous organisons manquent totalement de coordination.
Certains projettent de donner plus de pouvoir au centre, mais la bureaucratie n’est pas une
solution !
Dans tous ces domaines, nous devons envisager les choses autrement.
Tout cela nous conduit à poser la question suivante : de quelle politique étrangère
avons-nous besoin ?
L’intégration de la France dans la structure militaire de l’OTAN a donné lieu à un
débat qui n’est pas rationnel car elle ne nuira ni au fonctionnement de l’OTAN, ni à celui de
la politique étrangère et de défense, dont nous avons besoin. Il n’y a pas de contradiction entre
les deux car, de fait, la France et la Grande-Bretagne ont des politiques de défense cohérentes
entre elles. L’Europe compte plus de 1,5 million de soldats, dont 90 % relèvent de la défense
territoriale, qui est dépassée. Il faudrait que 100 000 d’entre eux au moins soient prêts à
intervenir ailleurs. Tous les pays n’ont pas forcément vocation à alimenter une telle force.
Mais si l’on veut une politique de sécurité et une politique extérieure dignes de ce nom, il faut
éviter que chaque demande d’intervention au Liban ou en Afrique ne donne lieu à une
surenchère. Il serait préférable d’avoir une unité militaire et une force policière –
conformément à ce qui nous est demandé en Afghanistan ou au Liban – capables de se
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déployer rapidement. Les États-Unis vont à nouveau demander l’aide de l’Europe, qui devra
répondre pour jouer son rôle de partenaire. Nous avons besoin d’une politique extérieure et de
sécurité pour accompagner nos objectifs prioritaires, notamment quand il s’agit d’énergie ou
d’immigration.
Sous la présidence française a éclaté une crise imprévue : le conflit russogéorgien. Je ne souscris ni à l’initiative géorgienne, ni à la riposte surdimensionnée de la
Russie, ni même au bouclier antimissile qui nous protégerait prétendument de l’Iran. Les
Russes savent bien que ce sont eux qui sont visés. Il faut aussi se demander comment intégrer
la Russie dans le concept de sécurité européenne. La Russie n’est plus le grand ennemi
traditionnel, même si ce n’est pas facile de négocier avec elle. La sécurité de l’Europe ne peut
pas se construire contre elle et le discours sur le bouclier antimissile n’est pas crédible.
Dans ces conditions, comment s’étonner que les citoyens européens soient
eurosceptiques ? Comment voulez-vous qu’ils nous croient ?
Dans les documents de préparation du G20, l’Union propose avec les États-Unis
et l’Amérique latine de réglementer les paradis fiscaux dans des termes typiques de notre
langue de bois. Tout le monde comprend de quoi il s’agit, mais personne ne comprend
pourquoi on utilise un tel langage.
Comment améliorer la communication avec les citoyens ? En parlant clairement !
Et je continuerai à m’exprimer ainsi, la mélancolie dût-elle en être le prix.
(Applaudissements.)
(M. Gérard Larcher succède à M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)
M. Přemysl Sobokta, président du Sénat de la République tchèque. Il existe
plusieurs voies pour débattre de l’avenir de l’Europe à l’horizon 2030. Mais la pire d’entre
elles serait de tomber dans le piège des slogans optimistes – qui annoncent la vie en rose – et
d’élaborer des plans quinquennaux. Nous, pays ex-communistes, avons connu la
centralisation économique, le dirigisme de l’État, la bureaucratie sclérosée : dans l’intérêt
même de l’Europe, nous devons refuser fermement ces tentations – auxquelles certains de nos
collègues d’Europe occidentale sont sensibles, pour des raisons qui nous échappent.
Les experts doivent nous fournir des prévisions sérieuses en matière
démographique, en matière économique, en matière d’énergie ou de sécurité. Mais puisque
nous sommes réunis ici en tant que parlementaires européens, discutons de l’avenir des
pratiques institutionnelles.
N’ayons pas peur d’écouter les pays moins grands, ou nouveaux membres de
l’Union européenne.
Václav Havel, ancien président de la République tchèque, a proposé l’instauration
d’un Sénat européen. Je partage cette idée, qui permettrait d’éviter certaines erreurs commises
par le Parlement européen. Ma longue expérience parlementaire m’a appris qu’un Sénat prend
plus de distance et sait se pencher sur les problèmes de fond ; il ne cherche pas à déterminer la
taille des bananes ou des concombres.
Cette proposition a été accueillie dans un grand silence. Ce ne fut pas le cas des
propos critiques sur les risques de l’intégration tenus par M. Václav Klaus, qui ont fait hurler.
Si j’ai cité ces deux exemples, c’était pour que personne ici ne croie que les
hommes politiques tchèques sont indifférents à la politique européenne !
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Lançons donc un débat concret sur une seconde chambre européenne, sur sa
composition, sur ses pouvoirs. N’ayons pas peur d’un débat fort sur les risques qui menacent
la démocratie européenne, et remplaçons les éclats médiatiques par une réflexion. Ainsi, je
pense qu’une représentation paritaire au Sénat européen serait une garantie d’égalité et
permettrait un renforcement de la démocratie sans discrimination.
N’oublions pas les Parlements nationaux, qui sont proches des citoyens et qui
nous protègent de la bureaucratie. Je suis convaincu qu’en 2030, ce rôle leur incombera plus
que jamais. Sinon, une Europe grise, morne, économiquement faible, ne pourra affronter les
défis de l’avenir.
Les idées de subsidiarité et de proportionnalité sont de précieux éléments de la
voie européenne. Ne les abandonnons pas !
Le débat sur l’Europe est précieux, non seulement pour les experts, mais aussi
pour les parlementaires nationaux. Je nous souhaite à tous de vivre assez longtemps pour
connaître l’année 2030, et j’espère surtout que nos efforts permettront à nos enfants de vivre
heureux en 2030 dans chacun de nos pays. (Applaudissements.)
M. le président Gérard Larcher. Je me permets de rappeler que l’idée d’un
Sénat européen a été d’abord avancée par M. Alain Poher, l’un de mes prédécesseurs à la
présidence du Sénat français, et qui fut d’ailleurs l’un des compagnons de Jean Monnet.
M. Javier Rojo, président du Sénat d’Espagne. Une bonne gestion des
politiques publiques est nécessaire pour que nos démocraties continuent à progresser. Mais,
pour que nos citoyens adhèrent à l’idée européenne, il faut un avenir partagé, il faut offrir un
espoir. Aujourd’hui, les incertitudes sont nombreuses, notamment en matière de sécurité.
Un leadership fort sera nécessaire pour répondre aux grands défis de demain :
cohésion sociale, changement climatique, flux migratoires. Comme l’a rappelé Felipe
González, dans une démocratie, ce n’est pas la bureaucratie qui prend en charge ces
problèmes : il y va du modèle européen.
Il y a un problème institutionnel européen : le traité constitutionnel a échoué et il
faut attendre pour juger de la réussite de celui de Lisbonne. Mais nous n’avons plus beaucoup
de temps pour mettre en place une Europe qui fonctionne. Nous devons pourtant être capables
de définir le rôle de l’Europe. Il faut le faire avec assurance, car les hésitations ont des
conséquences dangereuses, et elles font naître scepticisme et xénophobie.
Nous devons réfléchir et agir, mais sans abandonner les légitimes intérêts de
chaque nation. Comme l’a dit Felipe González, chacun doit réfléchir à un projet commun pour
renforcer l’Union européenne, qui doit être un acteur politique et économique de premier
ordre. Et je ne parle pas ici seulement des acteurs politiques, mais aussi des acteurs
économiques et des citoyens, qui, au quotidien, ont parfois l’impression qu’ils sont les oubliés
d’un projet bureaucratique.
Je suis un Européen convaincu, et je crois que nous devons déployer tous nos
efforts pour que l’Europe soit forte. La contribution de personnes comme Felipe González
nous aidera à construire l’Europe que nous voulons, à nous rapprocher des aspirations des
citoyens, et à rapprocher les institutions des citoyens.
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M. Pavel Gantar, président de l’Assemblée nationale de Slovénie. Je crois
qu’aucun de ceux qui ont conçu notre rencontre n’avait imaginé les effets de la crise
économique sur l’Europe d’aujourd’hui. Mais, si nous ne voulons plus des scénarios du passé,
alors il faut agir.
L’Europe d’aujourd’hui n’est plus celle d’il y a quinze ans ; nous avons su
répondre aux problèmes de l’intégration économique et mener à bien la transition dans les
pays d’Europe centrale. Nous avons construit l’euro et les nouveaux pays se sont intégrés à la
maison européenne. L’Union européenne en est sortie renforcée.
Aujourd’hui, de nouveaux défis se présentent : mondialisation, flux
démographiques, changement climatique, problèmes de sécurité. Les conceptions
économiques, mais aussi les institutions, sont ainsi mises à l’épreuve. Agissent-elles assez
rapidement ? Leur légitimité démocratique est-elle suffisante ? Des réponses ont déjà été
apportées au niveau international, et j’espère que nous irons plus loin encore dans cette voie.
Il faut être rapide et juste – car la crise est grave –, écarter le chacun-pour-soi et
rester optimiste.
Nous ne savons pas ce que sera l’Europe à l’horizon 2030. Il serait peut-être plus
facile de l’imaginer si nous savions ce qu’elle sera dans quelques années.
M. Alan Haselhurst, vice-président de la Chambre des Communes du
Royaume-Uni. L’exercice auquel s’est livré Felipe González, avec son groupe de réflexion,
est un exercice audacieux s’il en est : il est bien difficile de savoir à quoi ressemblera le
monde en 2030, quand nous ne savons pas même à quoi ressemblera le monde en 2010. Bien
peu avaient prévu en 2008 la situation que nous vivons en 2009 : la crise est arrivée trop vite
pour que les esprits les plus brillants puissent la prévoir.
L’Europe doit faire preuve de solidarité et regarder vers l’avant. Mais elle ne peut
pas se complaire dans l’insularité : le monde change autour de nous. Un nouvel ordre mondial
émerge et les équilibres se modifient – pensons au nouveau rôle des pays de l’Est. L’Afrique
sera-t-elle un acteur de premier plan sur la scène mondiale en 2030 ? Les querelles du ProcheOrient seront-elles réglées, ou feront-elles naître une guerre nucléaire ? Qu’en sera-t-il du
Moyen-Orient, dont dépendent nos approvisionnements énergétiques ? Qu’en sera-t-il du
changement climatique et des évolutions démographiques ? Comment nourrirons-nous la
planète – je pense aux organismes génétiquement modifiés ? Comment évoluera la question
de l’énergie – je pense à l’énergie nucléaire ? Qu’en sera-t-il des médicaments et de leur
trafic ? La monnaie unique européenne nous aidera-t-elle à surmonter la crise ? Réussironsnous à résister au protectionnisme ? Quelle sera l’espérance de vie ?
Il faut surtout nous intéresser aux meilleurs moyens d’utiliser le savoir : si nous
voulons rester dans la course, il faut utiliser les talents de notre continent et aller bien au-delà
de ce que nous faisons aujourd’hui en matière d’éducation. Alors, et alors seulement nous
ferons naître un espoir.
M. Arunas Valinskas, président de la Diète de Lituanie. L’Europe
d’aujourd’hui est bien différente de celle d’hier. Mais l’idée d’une Europe unie est née grâce à
nos pouvoirs d’imagination. L’Union européenne a su créer un institut européen de la
technologie : recherche et innovation doivent être les moteurs des solutions que nous
apporterons aux problèmes que nous rencontrons. Grâce à la réflexion et à l’imagination, ces
solutions sortiront des sentiers battus.
9
Je rejoindrai certains orateurs, notamment M. Haselhurst, en rappelant que les
pères fondateurs ont imaginé l’Europe pour assurer la sécurité par la solidarité et la croissance
économique, et que le protectionnisme et la protection des intérêts nationaux sont des
obstacles à la solidarité. Ainsi, des décisions courageuses doivent être prises sur un marché
commun de l’approvisionnement en énergie, sur l’introduction de l’euro, sur l’évolution à
venir des liens transatlantiques, sur les questions d’immigration.
Je suis optimiste : l’époque actuelle me paraît meilleure que celle de Brejnev.
D’ici à 2030, notre modèle économique devra prendre en compte le
développement durable, tout en respectant le principe de libre concurrence. C’est alors que le
chômage et l’exclusion sociale appartiendront, nous l’espérons, au passé.
L’Europe dépend de nos décisions. Mais saurons-nous agir ou nous contenteronsnous d’écouter ceux qui parlent le plus fort ? (Applaudissements.)
M. Vannino Chiti, vice-président du Sénat d’Italie. J’ai beaucoup apprécié
l’intervention de M. Felipe González : il a tracé des perspectives longues, tout en soulignant
l’importance de l’action concrète. Il n’était pas évident de tenir les deux bouts de la chaîne.
Le Président de la République française, M. Nicolas Sarkozy, nous l’a dit hier :
l’Union européenne doit, pour relever les défis du XXIe siècle, avoir une identité forte, mais
elle doit aussi savoir protéger ses intérêts propres. Cette identité européenne, celle d’une
patrie supranationale, n’abolit pas les identités nationales : celles-ci demeurent, mais ne
peuvent résoudre les problèmes actuels. M. Pöttering, président du Parlement européen, nous
a parlé hier de la dignité de la personne humaine, de la liberté et de la démocratie, de la
promotion – non pas agressive, mais intransigeante – des droits humains, et de la justice
sociale, fondée sur la solidarité.
Après cette crise, rien ne sera plus jamais comme avant. L’Union européenne est
indispensable pour la surmonter. Le traité de Lisbonne, comme l’a dit M. Bruno Le Maire,
mais aussi d’autres décisions courageuses, nous y aideront : il nous faut un nouveau pacte
social pour le XXIe siècle. Il convient de revoir l’agenda de Lisbonne et de promouvoir la
cohésion sociale, grâce à la réglementation, tout en aidant l’innovation. Il importe aussi de
regrouper des moyens aujourd’hui émiettés.
J’exprime mon accord avec ce qui a été dit sur l’autonomie énergétique et
l’immigration.
Les relations internationales sont essentielles : l’Union européenne doit savoir
jouer son rôle, le plus souvent la main dans la main avec les États-Unis, mais aussi en
assumant ses responsabilités propres dans des régions cruciales, comme la Méditerranée et
l’Est de l’Europe. Il faudra savoir intégrer la Russie dans les politiques de sécurité.
Je conclurai sur un thème qui, s’il n’est pas au cœur des travaux du groupe de
M. Felipe González, est au cœur du débat politique : la Turquie et ses rapports avec l’Union
européenne. Les pays qui veulent rejoindre l’Union européenne doivent bien sûr en respecter
les principes, et satisfaire à certains critères. Mais je crois que la majorité des forces politiques
italiennes considèrent que la Turquie doit pouvoir faire partie de l’Union européenne, afin que
l’Europe soit une maison commune de peuples défendant les mêmes valeurs et les mêmes
objectifs, respectant les mêmes règles démocratiques et partageant la conception d’une
Europe qui agit en matière de sécurité et d’approvisionnement énergétique.
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Il faut éviter le choc des civilisations ! C’est l’un des premiers objectifs du projet
européen. (Applaudissements.)
Mme Barbara Prammer, présidente du Conseil national d’Autriche. Il me
paraît très important que les Parlements nationaux, comme le Parlement européen, débattent
des conclusions du groupe de réflexion dirigé par M. Felipe González, et y apportent leur
contribution.
Nous devons mener à bien des tâches formelles, notamment liées au traité de
Lisbonne, mais les Parlements nationaux, plus proches des citoyens, doivent aussi aider à
définir une perspective pour l’Europe.
L’ère de l’unilatéralisme est terminée depuis longtemps – M. Felipe González l’a
également souligné. Il faut redéfinir l’Europe sans savoir à quoi ressemblera 2030 ; mais il est
sûr que l’Europe ne sera forte que si les citoyens sont avec nous, si nous savons faire
comprendre aux Autrichiens, aux Français, aux Espagnols et à tous les autres qu’ils sont avant
tout des Européennes et des Européens. Et cela ne sera possible que si nous donnons un sens à
l’idée européenne.
Le modèle social européen est au centre de nos préoccupations. En ces temps de
crise, nous devons éviter les tensions sociales. Il faut donc relever le défi économique aussi
vite que possible.
Le modèle européen est celui d’une communauté où la démocratie vit et où la
dignité de l’homme est au centre des préoccupations. S’agissant des Roms, je souligne que ce
qui s’est passé en Hongrie il y a quelques jours est arrivé en Autriche il y a douze ans. La
façon dont nous traitons les minorités est un bon indicateur de la santé des valeurs
démocratiques.
Je souscris à ce qu’a dit mon collègue britannique sur l’éducation : elle seule peut
garantir que l’évolution démocratique de l’Europe se poursuivra.
S’agissant de la sécurité, j’approuve le discours de M. De Decker. Il nous faut
encore débattre d’une stratégie d’organisation du contrôle parlementaire de la politique
étrangère et de sécurité commune.
Quant à l’énergie nucléaire, l’Autriche y reste fermement opposée, je suis
convaincue que tous ceux qui ont chez eux des centrales nucléaires veulent notamment éviter
les attentats. Nous espérons convaincre qu’il existe des alternatives à l’énergie nucléaire.
M. Louis Galea, président de la Chambre des représentants de Malte. La
longue intervention de M. Felipe González a posé la question de la communication de
l’Europe avec ses citoyens. Malheureusement, il n’y a pas répondu.
M. Felipe González a évoqué de nombreux dossiers. Je voudrais me concentrer
sur les technologies de l’information et de la communication – question intimement liée à
celle de la cohésion sociale.
La fracture numérique est un phénomène nouveau, et elle doit être réduite si l’on
veut éviter de nouvelles ruptures sociales. Il faut donc mener une réflexion spécifique pour
tirer le meilleur profit de ces technologies et les modifications dans les médias vont changer
entièrement la façon dont les autorités communiquent avec les citoyens. Pensons à la
campagne électorale, puis à la présidence, de Barack Obama : la communication directe avec
les citoyens des États-Unis est une véritable révolution !
11
Comme présidents des Parlements nationaux de nos pays respectifs, nous devons
de toute urgence régler cette question : le grand public crée ses propres sites internet, échange
des expériences et des informations. Dans le cadre de notre réflexion sur l’avenir, il est crucial
de comprendre comment nos populations peuvent acquérir les compétences nécessaires pour
utiliser à bon escient les technologies de l’information et de la communication car celles-ci
seront à l’avenir au cœur de nos sociétés. (Applaudissements.)
M. Georgi Pirinski, président de l’Assemblée nationale de Bulgarie. Si je ne
me trompe, c’est en 2007, lors de la signature du traité de Lisbonne, que le Président Nicolas
Sarkozy avait proposé que ce groupe de réflexion soit mis en place : il s’agissait de tracer des
perspectives pour plusieurs décennies. La crise rend un tel travail plus nécessaire encore, car
il faut trouver des solutions et construire un projet politique commun.
Presque vingt ans se sont écoulés depuis les changements de 1989 : à l’époque,
nul parmi nous n’aurait imaginé le monde tel qu’il est à présent. Avec le recul, nous
comprenons que l’économie libre de marché n’a pas réponse à tout. Il nous faut donc une
stratégie, à l’exemple du plan Monnet.
Je propose que M. Felipe González soit invité à tous les Conseils européens pour
débattre avec les participants. Les membres de la commission constitutionnelle du Parlement
européen lui ont conseillé de parler avec les citoyens : je crois qu’ils ont eu raison.
(Applaudissements.)
Mme Katalin Szili, présidente de l’Assemblée nationale de Hongrie. Ce débat,
ainsi que l’intervention passionnante de M. Felipe González, montrent que l’avenir est en
train de se construire. Comme représentants nationaux, nous portons une grande
responsabilité dans cette construction : nous n’avons pas le droit de prendre prétexte des
incertitudes pour refuser d’élaborer une vision de l’Europe en 2030. Il nous faut répondre à la
crise.
Comme l’a souligné M. Felipe González, les problèmes sociaux ou
environnementaux, notamment, ne peuvent se régler indépendamment les uns des autres :
nous devons faire de notre mieux pour imaginer des solutions globales. Il faut contribuer à la
réflexion à l’échelle européenne, mais il importe aussi de penser « local », en se préoccupant
de ce que pensent les citoyens. Tout cela me semble devoir être discuté par les Parlements
nationaux.
Pour finir, je citerai un proverbe : si le capitaine ne sait pas où mener son navire,
c’est le vent qui tient le gouvernail. (Applaudissements.)
M. Luka Bebić, président du Parlement de Croatie. Je vous remercie de
m’inviter à vous faire part, une fois de plus, de mes réflexions de représentant d’un pays
candidat.
M. Felipe González a évoqué un certain nombre de questions essentielles pour
l’avenir de l’Europe et du monde. On peut, me semble-t-il, résumer son propos en un
principe : nous devons prendre nos responsabilités et créer des fondements solides pour
l’avenir.
Le monde moderne est en permanente mutation. Mais il connaît des problèmes,
comme ceux issus de la crise financière ou du changement climatique. Ces problèmes se
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posent au monde tout entier, mais les mêmes recettes ne sont pas forcément valables sur le
plan national et sur le plan international.
L’Union européenne est aujourd’hui le modèle multilatéral d’intégration le plus
abouti. Il trouve son origine dans une vision de la coopération régionale, et l’Europe a changé
grâce aux perspectives qu’ont su tracer ses fondateurs. À l’avenir, l’Europe doit être un
protagoniste sur la scène internationale. Elle dispose d’instruments économiques et politiques,
voire militaires, et ses institutions sont le meilleur moyen de surmonter les crises auxquelles
nous sommes confrontés, et qui iront en s’intensifiant.
En 2030, l’Europe comptera dans ses rangs l’ensemble des pays du Sud-Est de
l’Europe ; elle s’étendra peut-être jusqu’à l’Ukraine et à la Turquie. Il est par conséquent bien
difficile de savoir comment il faudra procéder pour assurer un avenir prospère.
Les Européens doivent parler d’une seule voix et répondre ensemble aux défis
communs. L’importance de l’énergie est de plus en plus grande et l’Europe devra investir
toujours davantage pour assurer son approvisionnement. Ces efforts sont étroitement liés aux
politiques d’immigration et aux problèmes posés, notamment par l’immigration clandestine,
qui peut représenter une menace pour la sécurité intérieure.
M. José Manuel Barroso nous a dit que l’Europe doit être ouverte au changement,
au dialogue et à l’échange d’idées. L’ouverture assurera la promotion de cette vision de
l’Europe que j’ai évoquée : cette Europe puissante, qui parlera d’une seule voix, saura jouer
son rôle pour le bien de tous sur la scène internationale. (Applaudissements.)
M. le président Gérard Larcher. Merci à tous.
Je retiens que les défis d’aujourd’hui peuvent utilement éclairer l’avenir et nous
permettre de relever les défis économiques, sociaux et écologiques de demain. N’oublions pas
de penser « local » et de bien définir les valeurs européennes : rien ne pourra se construire
sans la compréhension des citoyens européens.
(La séance, suspendue à onze heures quinze, est reprise à onze heures trente.)
M. Miloslav Vlček, président de la Chambre des députés de la République
tchèque. Mesdames, messieurs, je laisserai à chacun le soin de tirer des conclusions de ce
débat. Je souhaite seulement vous informer que M. Hans-Gert Pöttering, président de
l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne, et moi-même avons souhaité qu’une
délégation européenne se rende à Gaza et en Israël, dans le cadre de la présidence tchèque.
Cette délégation, que je conduirai, sera composée de représentants de l’Assemblée
parlementaire.
J’invite toutes les délégations des Parlements nationaux qui seraient intéressées à
me contacter. Les dates de la mission et la composition de la délégation seront déterminées
ultérieurement.
Je suis convaincu que nous pourrons, ensemble, faire progresser le processus de
paix dans la région.
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Débat sur le projet de conclusions de la Présidence
M. le président Gérard Larcher. Certains d’entre vous nous ont fait part de
demandes de modifications du texte du projet de conclusions de la Présidence.
Nous avons fait distribuer une version modifiée de ces conclusions tenant compte
de vos demandes et établissant une synthèse des différents souhaits exprimés. Une nouvelle
version, intégrant les propositions qui viennent d’être faites, est disponible en français et le
sera en anglais dans quelques instants.
Je vous rappelle que notre objectif est d’adopter par consensus ce qu’il est
convenu d’appeler les « conclusions de la Présidence ». Il s’agit dès lors d’aboutir à un accord
général sur des conclusions reflétant de la manière la plus fidèle possible les débats très riches
que nous avons eus entre nous, même si chacun aurait sans doute souhaité une rédaction
quelque peu différente. Mais nous devons tenir compte de toutes les sensibilités et nous
assurer que les conclusions ne posent de problème de fond à aucun d’entre nous.
C’est ce que nous nous sommes efforcés de faire en essayant de dégager un
équilibre entre les modifications suggérées par différentes délégations à partir du texte qui
vous a été présenté hier en début de soirée.
Je vous propose de passer successivement en revue les paragraphes du projet de
conclusions.
Remarques préliminaires
M. le président Gérard Larcher. Je vous propose tout d’abord de vous
prononcer sur les six paragraphes des « Remarques préliminaires ».
(Les paragraphes 1 à 6 des « Remarques préliminaires » sont adoptés.)
Conclusions de la Présidence
M. le président Gérard Larcher. Nous en venons maintenant aux « Conclusions
de la Présidence » proprement dites.
Dispositions « Concernant l’avenir institutionnel de l’Union et la mise en œuvre des
dispositions du Traité de Lisbonne par les Parlements nationaux »
Mme Barbara Prammer, présidente du Conseil national d’Autriche. Si nous
sommes tous d’accord sur le fait que le Conseil européen des 11 et 12 décembre 2008 a tracé
14
la voie, pourquoi ne pas nous en « féliciter », dans le paragraphe1, au lieu de nous contenter
de l’« observer » ? Je crois que nous donnerions de la sorte un signal plus positif.
M. Georgi Pirinski, président de l’Assemblée nationale de Bulgarie. La
formule« un cadre institutionnel rénové propre à rapprocher l’Europe de ces citoyens »
gagnerait à être modifiée.
M. Alan Haselhurst, vice-président de la Chambre des Communes du
Royaume-Uni. Je recevrais une volée de bois vert à la Chambre des Communes si je
souscrivais à la proposition de notre collègue autrichienne, car tous nos collègues britanniques
ne se « félicitent » pas que le Conseil européen ait tracé cette voie-là.
Il me semble, en outre, que conserver le mot « observent » serait plus respectueux
vis-à-vis des pays où le processus de ratification du Traité de Lisbonne se poursuit.
M. le président Gérard Larcher. Nous sommes très attentifs à ce processus et
nous souhaitons en particulier que le peuple irlandais puisse accompagner le Traité de
Lisbonne.
M. John O’Donoghue, président de l’Assemblée nationale d’Irlande. La
dernière phrase du paragraphe souligne que le Conseil européen a apporté une réponse aux
préoccupations des Irlandais. Pour autant, on ne saurait anticiper le résultat du référendum,
même si j’espère qu’il apportera une bonne nouvelle à l’Europe, un récent sondage montrant
que l’opinion soutient de plus en plus la ratification.
M. le président Gérard Larcher. Je vous propose d’adopter le paragraphe 1 dans
la rédaction suivante :
« Les présidents observent la poursuite du processus de ratification du Traité de
Lisbonne, qui dote l’Union d’un cadre institutionnel rénové propre à rapprocher l’Europe de
ses citoyens, en particulier grâce au renforcement des prérogatives des Parlements, qu’il
s’agisse des Parlements nationaux ou du Parlement européen. Ils observent que le Conseil
européen des 11 et 12 décembre 2008 a tracé la voie pour rendre possible l’entrée en vigueur
du Traité d’ici à la fin de l’année 2009 en s’engageant à apporter des garanties juridiques
visant à répondre aux préoccupations exprimées par le peuple irlandais. »
(Le paragraphe 1, ainsi modifié, est adopté.)
(Le paragraphe 2 est adopté, de même que les paragraphes 3 à 8.)
Dispositions « Concernant l’implication des Parlements dans la gestion des crises »
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(Le paragraphe 9 est adopté, de même que le paragraphe 10.)
M. Arunas Valinskas, président de la Diète de Lituanie. La solidarité est une
valeur constante de l’Union. Insister sur le fait qu’elle est nécessaire « en temps de crise » me
paraît donc réducteur et je propose par conséquent de supprimer ces mots à la fin du
paragraphe 11.
M. le président Gérard Larcher. Qu’en pensent les représentants de la Pologne
et du Danemark, qui sont à l’origine de cette rédaction du paragraphe ? (Assentiment.)
(Le paragraphe 11, ainsi modifié, est adopté.)
M. Alan Haselhurst, vice-président de la Chambre des Communes du
Royaume-Uni. S’il est nécessaire que l’Europe s’exprime d’une seule voix face à la crise, il
me semble excessif d’utiliser à trois reprises, au paragraphe 12, le verbe « souhaiter ».
M. Gianfranco Fini, président de la Chambre des députés d’Italie. Je
comprends les réticences de notre collègue, même si l’idée d’une vision commune fonde
précisément l’Union européenne.
M. Alan Haselhurst, vice-président de la Chambre des Communes du
Royaume-Uni. Nous pourrions vous proposer avant la fin de la discussion une rédaction apte
à satisfaire les uns et les autres.
M. le président Gérard Larcher. Le paragraphe 12 est réservé jusqu’après la fin
de l’examen des autres paragraphes.
(M. Bernard Accoyer reprend place au fauteuil présidentiel.)
M. le président Bernard Accoyer. Nous poursuivons l’examen des paragraphes
du projet de conclusions.
Nous en arrivons au paragraphe 13.
M. John Roper, vice-président de la Chambre des Lords du Royaume-Uni.
Le paragraphe 13 ne traite pas uniquement de la gestion des crises, mais aussi des échanges
interparlementaires au sens large. Je suggère donc que l’on place avant ce paragraphe le soustitre « Concernant les pratiques des Parlements pendant les présidences européennes »,
actuellement placé avant le paragraphe 14.
(Il en est ainsi décidé.)
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Dispositions « Concernant les pratiques des Parlements
pendant les présidences européennes »
(Le paragraphe 13 est adopté, de même que le paragraphe 14.)
Dispositions « Concernant l’avenir de l’Europe à l’horizon 2030 »
(Le paragraphe 15 est adopté, de même que les paragraphes 16 et 17.)
Mme Barbara Prammer, présidente du Conseil national d’Autriche. Il me
semble imprudent d’écrire, au paragraphe 18, que le cadre institutionnel sera un élément
déterminant pour l’avenir de l’Union alors que les décisions en la matière n’ont pas encore
commencé à être appliquées. Cela pourrait poser problème dans plusieurs Parlements
nationaux, en particulier en Autriche. Il a déjà été suffisamment difficile de s’engager dans la
voie du Traité de Lisbonne pour que nous n’anticipions pas les conclusions du groupe de
travail sur la coopération interinstitutionnelle.
Je propose donc la suppression de ce paragraphe.
(Le paragraphe 18 est supprimé.)
M. le président Bernard Accoyer. Nous en revenons au paragraphe 12,
précédemment réservé.
Je vous donne lecture de la rédaction proposée par nos collègues britanniques :
« Les Présidents attendent de l’Union européenne qu’elle s’exprime d’une seule
voix afin de jouer pleinement son rôle dans la réforme du système financier international, de
renforcer la coordination des plans de relance nationaux et d’enclencher une dynamique
coopérative dans l’intérêt commun », le reste sans changement.
(Le paragraphe 12, ainsi modifié, est adopté.)
M. Alan Haselhurst, vice-président de la Chambre des Communes du
Royaume-Uni. Nous nous réjouissons que nos collègues aient accepté les modifications que
nous avons proposées.
M. Gianfranco Fini, président de la Chambre des députés d’Italie. Je vous
prie de m’excuser de revenir au paragraphe 4 : pourquoi y faire référence à d’autres langues
que le français et l’anglais ? La publication dans la langue de chaque État est du ressort des
Parlements nationaux.
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M. le président Bernard Accoyer. Je propose que nous nous en tenions à la
rédaction adoptée, à la demande de plusieurs collègues, lors de notre précédente conférence.
Merci à tous d’avoir participé à ce débat sur les conclusions de la présidence.
Chacun a fait preuve de bonne volonté afin que nous parvenions à un accord. La version
définitive de ces conclusions, intégrant vos dernières propositions, vous sera envoyée dès
lundi.
Clôture de la Conférence
M. le président Bernard Accoyer. Nous voici arrivés à la fin de nos travaux. Je
remercie tous les présidents et vice-présidents de Parlement d’être venus à Paris pour notre
Conférence annuelle. Sachez que, pour ma part – mais je crois aussi m’exprimer au nom de
Gérard Larcher –, je conserverai le meilleur souvenir de notre réunion.
Sur chacun des thèmes que nous avons abordés, les échanges ont été
particulièrement riches et ont permis d’avancer des idées prometteuses pour l’avenir.
Ainsi, un large accord s’est dessiné pour renforcer la coopération
interparlementaire et franchir une étape nouvelle dans la mise en œuvre de nos pouvoirs
élargis. Les présidents d’Assemblée ont évidemment un rôle éminent à jouer dans ce domaine.
De même, les débats sur l’Europe et la gestion des crises ont montré que les
Parlements pouvaient s’impliquer davantage et contribuer à rechercher des solutions
communes, excluant clairement la voie dangereuse du protectionnisme.
Enfin, les échanges que nous avons eus ce matin sur l’avenir de l’Europe ont
souligné, au-delà des différences naturelles entre les sensibilités nationales, notre
préoccupation commune de doter l’Europe d’un projet qui puisse recueillir une large adhésion
de nos concitoyens.
M. Per Westerberg, président du Parlement suédois, souhaite maintenant nous dire
quelques mots.
M. Per Westerberg, président du Parlement de Suède. Monsieur le président,
je vous félicite pour l’excellente organisation de cette conférence et vous remercie de votre
hospitalité.
Je serai heureux, au nom du Parlement suédois, de vous accueillir à Stockholm,
les 14 et 15 mai 2010, pour notre prochaine conférence. (Vifs applaudissements.)
M. le président Bernard Accoyer. Merci beaucoup pour cette invitation. Nous
n’avons aucun doute quant à la qualité de l’accueil qui nous sera réservé en Suède.
Nous allons maintenant conclure la réunion par un déjeuner-croisière sur la Seine.
J’exprime aux interprètes notre gratitude à tous pour la qualité de leur travail et
leur dévouement.
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Mes chers collègues, je vous remercie très chaleureusement pour votre présence,
pour votre participation active, pour votre volonté sans faille de faire progresser ensemble les
grandes causes de l’Europe : la paix, la démocratie et le droit. (Vifs applaudissements.)
La séance est levée à douze heures cinq.
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