L’ WWC 2006  Présentation des résultats  de l’étude épidémiologique 

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É C H O
D E S
C O N G R È S
WWC 2006 Présentation des résultats
de l’étude épidémiologique
STOP
❒ J.P. Madiou*
L’
étude épidémiologique STOP (Smoking :
The Opinion of Physicians), menée à l’initiative du laboratoire Pfizer, est l’étude la
plus importante jamais réalisée auprès des médecins de famille sur le thème de leur perception
du tabagisme et du sevrage tabagique. Au total,
2 836 médecins ont été interviewés dans 16 pays
d’Europe, d’Amérique du Nord, d’Amérique latine
et d’Asie. Les résultats de cette étude, présentée
pour la première fois à l’ESC 2006, sont riches
d’enseignements. Ils montrent que les médecins
estiment, dans leur très grande majorité, que la
prise en charge des patients fumeurs et l’accompagnement vers le sevrage et l’arrêt du tabac
demeurent difficiles, qu’ils sont insuffisamment
formés et que les moyens thérapeutiques à leur
disposition ne sont pas assez efficaces. Enfin, des
différences sensibles se font jour selon que les
médecins sont fumeurs ou non, et des disparités
géographiques sont également à signaler. Ces
résultats sont d’autant plus importants à prendre
en considération que l’on sait que le pourcentage
de réussite d’un fumeur qui décide de s’arrêter
sans aide extérieure est faible (moins de 5 % à
un an).
Méthodologie de l’étude STOP
L’étude STOP a été réalisée sur une période de
4 semaines (mai-juin 2006) auprès de médecins
de famille (excepté au Japon où il s’agissait de
spécialistes en médecine interne). Seize pays
sont concernés par l’étude STOP : Canada, France,
Allemagne, Grèce, Italie, Japon, Corée du Sud,
Mexique, Pays-Bas, Pologne, Espagne, Suède,
Suisse, Turquie, Royaume-Uni et États-Unis.
Dans chaque pays, jusqu’à 200 médecins ont été
interrogés en essayant d’inclure également des
➤
* Centre Saint-Victor, Paris.
98
médecins eux-mêmes fumeurs (autorisés jusqu’à
50 % de l’effectif total) afin de déterminer avec le
plus de précision possible leur capacité à aider
leurs patients au sevrage tabagique. Au total,
1 632 médecins non fumeurs et 1 204 médecins
eux-mêmes fumeurs ont été interviewés.
Plusieurs questionnaires ont été complétés
par les médecins ; ils concernaient la perception
générale du tabagisme, le dialogue avec les
patients en vue du sevrage, la perception des
différents moyens d’aide au sevrage tabagique,
les obstacles rencontrés par les patients désireux
de s’arrêter de fumer, etc.
➤
L’aide au sevrage tabagique
demeure difficile pour les médecins
Si la grande majorité des médecins interrogés
(81 %) considère le tabagisme comme une véritable maladie chronique avec un risque de rechute
important, la moitié de l’échantillon estime ne
pas avoir suffisamment de temps pour aider ses
patients fumeurs à arrêter et 38 % considèrent
ne pas avoir reçu une formation adéquate. Enfin,
46 % déclarent avoir d’autres priorités à prendre
en charge avant l’aide au sevrage tabagique. La
majorité des praticiens estime que le tabagisme
est une véritable addiction et une pathologie difficile à traiter, à égalité avec les problèmes d’obésité, et bien plus que la prise en charge d’une
hypertension artérielle ou d’une hypercholestérolémie. Ici, la motivation du patient est un élément
incontournable du succès thérapeutique.
➤
“Cette étude souligne les difficultés pratiques
rencontrées quotidiennement par les praticiens lors
de l’aide au sevrage tabagique de leurs patients”,
➤
Correspondances en Risque CardioVasculaire - Vol. V - n° 3 - juillet-août-septembre 2007
a déclaré le Pr Robert West (Cancer Research,
Royaume-Uni), qui ajoute : “Alors que les risques
considérables encourus par les fumeurs sont désormais relativement bien connus, il est indispensable
que les patients fumeurs puissent recevoir de leur
médecin de famille une information complète et
des éléments d’aide au sevrage tabagique”. Il est
également intéressant de remarquer que des
différences sensibles existent entre l’avis des
médecins non fumeurs et celui de ceux qui fument
(tableau I) : seuls 57 % des médecins fumeurs
Tableau I. Perception des médecins vis-à-vis du tabagisme.
Les points clés
Les différences
69 % estiment que fumer est l’activité la plus
nocive pour leurs patients (contre 42 % pour
le manque d’exercice, 36 % pour les mauvaises
habitudes alimentaires, 30 % pour la consommation
­d’alcool…)
57 % des médecins fumeurs versus 73 % pour les
non fumeurs
33 % mettent la lutte contre le tabac devant la prise
en charge de l’hypertension artérielle, de l’hypercholestérolémie ou de l’obésité
54 % des médecins nord-américains versus 29 % en
Europe, 31 % en Asie et 14 % en Amérique latine
81 % sont d’accord pour considérer le tabagisme
comme une maladie
93 % en Amérique latine et 90 % en Amérique du
Nord versus 79 % en Asie et 77 % en Europe
97 % estiment que le tabagisme est une addiction
Pas de différences significatives entre les médecins
92 % estiment que la décision d’arrêter de fumer
est une décision individuelle
Pas de différences significatives entre les médecins
90 % pensent que la prise en charge d’un patient
fumeur est plus difficile que celle d’un hypertendu
ou d’un hypercholestérolémique
Pas de différences significatives entre les médecins
Tableau II. À propos du dialogue médecin-patient.
estiment que le fait de fumer est hautement
préjudiciable pour l’état de santé de leur patient
contre 73 % pour les médecins non fumeurs, ce
qui suggère fort logiquement une sous-estimation
du risque par certains.
À propos du dialogue médecin-patient
Si un pourcentage important de médecins
déclare parler du tabac avec leurs patients
fumeurs, que ce soit à chaque visite ou occasionnellement, les discussions se font généralement
autour des messages classiques de prévention et
d’information plutôt que sur le thème de l’accompagnement à la prise de décision d’arrêt du tabac.
Seuls 47 % des médecins interrogés déclarent
aider leur patient dans ce sens, 39 % recommandent un substitut disponible sans ordonnance et
29 % font une ordonnance de prescription. À ce
sujet, les médecins nord-américains semblent
plus proactifs puisque 76 % déclarent élaborer
avec leur patient un programme d’aide au sevrage
tabagique et 57 % établir une ordonnance de prescription (versus respectivement 43 et 21 % pour
leurs confrères européens).
➤
De nouveau, il existe des différences sensibles
entre les médecins fumeurs et les non fumeurs
(tableau II) : 43 % de ces derniers engagent le
dialogue avec leurs patients fumeurs à chaque
visite versus seulement 33 % pour les praticiens
fumeurs. Des disparités géographiques existent
également : 68 % en Amérique du Nord (médecins
fumeurs ou non) versus seulement 14 % en Asie.
“Si l’on veut lutter efficacement contre les décès
occasionnés chaque année par le tabac, il est important que l’ensemble des acteurs – médecins ou
non – se mobilise”, a déclaré le Pr Serena Tonstad
(Ulleval, Norvège) : “Fumer n’est pas une faiblesse
de caractère mais bien une maladie chronique
causée par la dépendance au tabac. Un traitement
médical est nécessaire pour de nombreux patients,
car la dépendance à la nicotine est forte. On estime
que cette addiction est globalement responsable
du décès prématuré d’un fumeur sur deux.”
➤
Les points clés
Les différences
83 % engagent la discussion sur le sujet à chaque
visite (41 %) ou occasionnellement (42 %)
33 % des médecins fumeurs versus 43 % pour les
non fumeurs
69 % des médecins nord-américains versus 38 % en
Europe, 48 % en Amérique latine et 14 % en Asie
89 % recommandent à leurs patients d’arrêter de
fumer
83 % des médecins fumeurs versus 91 % pour les
non fumeurs
99 % des médecins nord-américains et 95 % des
médecins en Asie versus 86 % en Europe et 79 %
en Amérique latine
83 % s’enquièrent de la consommation exacte de
cigarettes
74 % des médecins fumeurs versus 86 % pour les
non fumeurs
84 % discutent avec leurs patients des risques liés
au tabagisme
78 % des médecins fumeurs versus 86 % pour les
non fumeurs
Sevrage tabagique :
47 % élaborent avec leurs patients un plan d’aide
au sevrage tabagique
37 % des médecins fumeurs versus 50 % pour les
non fumeurs
76 % des médecins nord-américains versus 43 % en
Europe, 35 % en Amérique latine et 31 % en Asie
➤
Correspondances en Risque CardioVasculaire - Vol. V - n° 3 - juillet-août-septembre 2007
les moyens à disposition
Une majorité de médecins estiment que le
fumeur est le mieux placé pour prendre lui-même
la décision d’arrêter, mais cela est peut-être en
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rapport avec leur perception des traitements à
disposition, qu’ils pensent moins efficaces que
des antihypertenseurs ou des hypocholestérolémiants (seuls 6 % de médecins se déclarant
très satisfaits des substituts disponibles sans
ordonnance). Ils sous-estiment également le pourcentage de patients fumeurs de leur clientèle
qui essayent d’arrêter de fumer. Dans l’étude
STOP, les praticiens interrogés pensent que seuls
18 % de leurs patients fumeurs ont essayé au
moins une fois d’arrêter de fumer dans l’année
qui précède, alors que ce pourcentage est en
réalité d’environ un tiers.
Quelles sont les attentes des médecins visà-vis de l’aide au sevrage tabagique pour leurs
patients ? Ils sont 81 % à déclarer vouloir disposer
de médicaments plus efficaces et 77 % en attente
d’une formation leur permettant de mieux appréhender le dialogue avec leurs patients fumeurs
C O N G R È S
et d’aider ceux-ci à accomplir la démarche vers le
sevrage et l’arrêt du tabac. “La situation actuelle
est un véritable cercle vicieux”, a commenté le
Pr Robert West : “Si les médecins sont conscients,
dans leur très grande majorité, des problèmes liés
au tabac, ils sous-estiment le nombre réel de leurs
patients s’engageant dans la démarche de sevrage
et pensent que les moyens actuellement à disposition sont inefficaces. Le résultat en est qu’ils prennent une grande part de la responsabilité de l’échec
de leurs patients, puisque l’on sait que moins de
5 % des patients ayant décidé d’arrêter de fumer
sans aucune aide extérieure ne recommencent pas
à fumer dans l’année qui suit” (1).
■
➤
100
référence
1. World Health Organization. Policy recommendations for
smoking cessation and treatment of tobacco dependence.
2003.
Correspondances en Risque CardioVasculaire - Vol. V - n° 3 - juillet-août-septembre 2007
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