Dyslexie Un problème encore trop méconnu La dyslexie touche environ 2 millions de personnes en France. L’indifférence, l’incompréhension, le manque de savoir-faire et de méthode de l’entourage face à ce problème provoquent bien souvent mésententes, conflits et tensions, menant les enfants à l’échec scolaire dans de nombreux cas. L es enfants dyslexiques éprouvent d’énormes difficultés à lire et à écrire. Leur effort au travail n’est pas récompensé. Ce phénomène touche certains enfants, quels que soient leur pays, leur langue, leur culture, leur milieu social. Le rôle de l’école Vers 7 ans, la majorité des enfants apprennent à reconnaître des centaines de mots écrits, à les prononcer et à en comprendre le sens. Pour une minorité, ce sera une étape insupportable où de grosses difficultés apparaîtront. La scolarité est tellement difficile pour eux, qu’ils doivent travailler deux fois plus que les autres enfants pour obtenir la moitié des résultats. Cette situation se transformera pour certains en défi positif, pour d’autres, malheureusement, en déprime, allant jusqu’à l’illettrisme et l’exclusion. Faute de diagnostic, des enfants découragés, dans l’impossibilité d’exprimer leur handicap, peuvent être orientés vers des instituts médico-éducatifs. Ces erreurs d’orientation ont parfois des conséquences dramatiques. Un directeur d’école disait : “ne parlons pas d’échec scolaire, c’est notre échec à nous, en tant que professionnels. Il faudrait renverser le problème et dire : cet enfant n’est pas responsable, on lui enseigne mal”. Or, la reconnaissance du degré intellectuel se sanctionne par la réussite aux examens et/ou aux concours. La dyslexie étant considérée comme un handicap que l’on cache, les personnes atteintes trichent avec les mots, se fâchent avec les lettres et les sons. Leurs efforts de concentration leur fait perdre le temps d’inscrire les majuscules et la ponctuation. Elles se concentrent tellement sur ce qu’elles sont en train de lire qu’elles en ou- blient le sens. Il faudrait leur laisser le temps de relire plusieurs fois le texte afin d’en assimiler les informations, et ainsi de le comprendre. Ces adaptations seraient une méthode permettant de les remettre à flot. Que sait-on de la dyslexie ? La dyslexie est un phénomène biologique lié à un état constitutionnel du système nerveux. C’est principalement un trouble de l’écrit, c’est la confusion des sons et aussi l’inversion de lettres et de syllabes. Les erreurs les plus importantes et les plus durables sont celles concernant les lettres se prononçant différemment selon les contextes (par exemple : le G, le S, le C). Les anomalies se situent dans le déchiffrage. Autres déficiences : la confusion auditive ou phonétique (a/an, s/ch, u/ou), la confusion visuelle (p/q, d/b), les inversions (or/ro, cri/cir), les omissions (bar/ba, arbre/arbe), les groupes de consonnes (TR, CR, ou P, B, F, V, G, C, CH, J), les groupes complexes (CH, EAU, OEU...). Ces sons proches sont mal différenciés et posent problème pour la correspondance lettre/son. Les personnes dyslexiques ont une lecture lente, hésitante et saccadée, avec un débit syllabique et des difficultés à saisir le découpage des mots en syllabes. Ils ignorent la ponctuation. Ainsi, elles n’ont pas un problème de lecture pure, mais une discrimination sonore des mots par adjonction (paquet/parquet, odeur/ordeur), substitution (chauffeur/faucheur), contamination (dorures/rorure). Ces personnes n’aiment pas lire et rejettent souvent les matières ou activités qui font appel à l’écrit. Toutes ces fautes sont reconnues chez l’enfant comme des fautes “normales”, mais leur persistance doit être relevée et faire suspecter ●●● une dyslexie. 43 LIBÉRALE Selon l’OMS, la dyslexie concerne deux types de population : • les enfants qui, malgré une intelligence normale (mesurée par le coefficient intellectuel) et un environnement scolaire adéquat, développent des capacités de lecture significativement inférieures à la moyenne des sujets du même âge ; • les adultes qui, touchés par ces problèmes durant leur jeunesse, gardent des performances orthographiques inférieures à la moyenne des autres adultes, même quand ils sont rééduqués. Le dyslexique ne présente aucune autre difficulté intellectuelle. Les capacités de raisonnement sont tout à fait normales ainsi que les aptitudes sensorielles. Ces personnes ne sont pas plus fragiles psychologiquement que les autres. Cependant, certains troubles psychocomportementaux peuvent apparaître : troubles psychologiques, affectifs et sociorelationnels. Il peut s’agir de troubles du caractère et du comportement se manifestant sur le mode “actif” (opposition, agitation, indiscipline, agressivité...) ou, au contraire, sur le mode passif (repli sur soi, timidité, inhibition, désintérêt). Ces enfants sont souvent considérés à tort, au vu de leurs mauvais résultats, comme paresseux, distraits et de mauvaise volonté. Quand les difficultés rencontrées leur fournissent le motif de leur “défi”, les problèmes de l’apprentissage de la lecture et de l’écriture sont souvent compensés par des talents ou des aptitudes remarquables dans certains domaines. Les manifestations psychologiques du jeune enfant dépendent des réactions du milieu scolaire, du regard des enseignants et des camarades face à ses difficultés, mais aussi de l’attitude de son milieu familial. Un facteur héréditaire ? Dans 50 % des cas, on retrouve dans la famille proche du dyslexique, une personne qui, dans sa jeunesse, a souffert du même trouble. Dans ces mêmes familles, on rencontre gauchers ou ambidextres. L’intelligence n’entre pas en ligne de compte. Il y a environ 15 ans, la dyslexie était reconnue comme une difficulté d’apprentissage engendrée par un contexte psychologique et familial favorisant ainsi des troubles de l’intelligence. Aujourd’hui, on pense que cette anomalie se produirait dans le développement cérébral ou dans les circuits nerveux au stade fœtal, au sixième mois de la grossesse, moment 44 de la formation cérébrale. La dyslexie serait donc liée au développement cérébral, à l’organisation hémisphérique du cerveau, au sexe (3 garçons pour 1 fille), à une fragilité particulière avec l’hormone mâle (testostérone), à la sensibilité cérébrale aux infections précoces. Dans certains cas, des troubles perceptifs se rencontrent dans la vision ou l’audition. Cependant, aujourd’hui, il n’est pas possible de dire lequel des deux mécanismes est responsable du trouble de la lecture, mais il est probable que les deux mécanismes sont associés. Cependant, l’organisation bien spécifique du cerveau dyslexique n’a pas que des inconvénients. Celui-ci présenterait également certains avantages : les personnes dyslexiques auraient des aptitudes de perception et d’attention spatiale supérieures. Actuellement, on considère qu’il n’y aurait pas de gène spécifique de la dyslexie, mais des liens pourraient être établis entre la dyslexie et certains chromosomes. Les études de jumeaux montrent une corrélation pour la dyslexie de l’ordre de 80 % chez les vrais jumeaux, contre 50 % chez les faux jumeaux. Certaines anomalies génétiques peuvent aussi provoquer des dysfonctionnements neuropsychologiques, entraînant secondairement une dyslexie. Cependant, il est à noter que les enfants prématurés ou dysmatures et les enfants atteints de maladies infectieuses pendant la vie fœtale, ou les enfants ayant souffert de pathologies périnatales, ont un grand risque de présenter des troubles du langage oral et écrit, ainsi que des troubles d’apprentissage et d’acquisitions scolaires. Ces enfants nécessitent une réelle prise en charge globale : à la fois médicale, sociale et éducative. Le dépistage précoce des troubles d’apprentissage est d’une importance capitale. Il est directement lié à l’intérêt de l’enfant, mais également à celui des enseignants, car leur travail pourrait en être facilité. Ignorer ou mal rééduquer un enfant dyslexique constitue le premier chaînon d’une entrave au savoir. Il est donc indispensable de fournir à ces enfants des motivations suffisantes pour affronter les efforts nécessaires afin d’assumer leur rééducation orthophonique et ce, durant plusieurs années, dans un environnement socioculturel et familial attentif. Carole Cariller Cadre supérieur infirmier