6
La Lettre du Gynécologue - n° 289 - février 2004
GYNÉCOLOGIE ET SOCIÉTÉ
ême si historiquement il n’en est rien, le secret
médical reste, pour le médecin, un des mythes
fondateur de son art, véritable conscience de sa
profession remontant à Hippocrate, alors que la notion même
de “secret médical” n’apparaît dans un texte législatif qu’en
1810, à travers l’article 378 du code pénal : “Les médecins,
chirurgiens, et autres officiers de santé, ainsi que les pharma-
ciens, les sages-femmes, et toutes autres personnes déposi-
taires par état ou par profession ou par fonctions temporaires
ou permanentes de secrets qu’on leur confie, qui, hors le cas
où les lois les obligent ou les autorisent à se porter dénoncia-
teurs, auront révélé ces secrets seront punis...”.
Il ne deviendra un devoir déontologique que lors de la première
rédaction du code de déontologie médicale en 1941 pour être à
chaque fois réaffirmé lors des éditions ultérieures (1) et finale-
ment exprimé dans l’article 4 du code actuel : “Le secret profes-
sionnel, institué dans l’intérêt des patients, s’impose à tout
médecin dans les conditions établies par la loi ; le secret couvre
tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exer-
cice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été
confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris” (2).
La loi du 4 mars 2002 sur le droit des malades modifie sensi-
blement la perception que nous devons avoir du secret médical
mis au rang d’un des “droits de la personne” comme l’affirme
l’article L. 1110-4.
“Toute personne prise en charge par un professionnel, un éta-
blissement, un réseau de santé ou tout autre organisme partici-
pant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie
privée et du secret des informations la concernant” (3).
Le non-respect de ce droit expose “de facto” le médecin à des
sanctions pénales et disciplinaires.
Pour la première fois, comme le fait remarquer Dominique
Thouvenin (4), la loi semble consacrer la primauté de l’informa-
tion médicale et de sa transmission : “La vraie nouveauté de cette
loi réside dans ce qu’elle fixe, pour la première fois, des règles
d’accès et de circulation de l’information relative au patient.
Jusqu’à présent, c’était toujours de manière négative que le
secret médical était évoqué, afin d’empêcher l’obtention des
informations connues du médecin. Désormais, il existe des
règles positives définissant les catégories de personnes qui peu-
vent accéder légitimement à ces informations…”
Même si cette interprétation de la loi doit être discutée, elle per-
met de nous interroger sur le contenu du secret médical, la néces-
sité du respect de la règle, la transmission de l’information au-
delà de la personne soignée et sur les dérogations prévues.
LE CONTENU DU SECRET MÉDICAL
Le médecin peut s’appuyer sur la loi pour définir le champ
d’application du secret médical :
“Excepté dans les cas de dérogation, expressément prévus par
la loi, ce secret couvre l’ensemble des informations concernant
la personne venues à la connaissance du professionnel de
santé, de tout membre du personnel de ces établissements ou
organismes et de toute autre personne en relation, de par ses
activités, avec ces établissements ou organismes. Il s’impose à
tout professionnel de santé, ainsi qu’à tous les professionnels
intervenant dans le système de santé” (5).
L’évolution historique parle d’elle-même : de la nécessité par
la loi au XIXesiècle de ne pas révéler les “secrets qu’on leur
confie”, les médecins se voient maintenant détenteurs d’infor-
mations dont ils sont souvent seuls à décider de ce qu’ils vont
en faire.
La part de l’interprétation personnelle reste entière ce qui fait
dire au conseil de l’ordre des médecins dans son commentaire
de la loi en 2003 que : “Le secret professionnel est la pierre
angulaire de la morale médicale.”
La particularité de l’exercice médical est, par nature, non seu-
lement le recueil des confidences (6) du patient, mais aussi le
producteur d’informations, tant diagnostiques que thérapeu-
tiques, dont la révélation au patient ou à un tiers doit délimiter
aussi le champ d’application du secret médical : quelles infor-
mations révéler ? à qui ? dans quel ordre ? quand ? comment ?
Autant de questions auxquelles le colloque singulier ne permet
pas toujours de trouver une réponse immédiate.
C’est donc bien à un véritable traitement de l’information en
fonction des règles déontologiques et légales que le médecin
va devoir se soumettre ; il sera jugé non sur son aptitude à le
faire mais bien à son refus de communiquer ou pas.
Le problème du secret médical semble donc être non pas ce
qu’en pense le médecin, mais ce que dit la loi ou la jurispru-
dence sur la possibilité d’accès à l’information détenue par le
médecin ou sa transmission : en un mot, ce qui est important
n’est pas tant le contenu que le respect des règles et la transpa-
rence en matière d’accès.
LA TRANSMISSION DE L’INFORMATION MÉDICALE
Le secret médical, mythe ou réalité ?
M
●
Alain Proust*
* Hôpital privé d’Antony, département de gynécologie obstétrique, maternité
les Vallées, 1, rue Velpeau 92160 Antony.