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Le secret médical, mythe ou réalité ?
● Alain Proust*
ême si historiquement il n’en est rien, le secret
médical reste, pour le médecin, un des mythes
fondateur de son art, véritable conscience de sa
profession remontant à Hippocrate, alors que la notion même
de “secret médical” n’apparaît dans un texte législatif qu’en
1810, à travers l’article 378 du code pénal : “Les médecins,
chirurgiens, et autres officiers de santé, ainsi que les pharmaciens, les sages-femmes, et toutes autres personnes dépositaires par état ou par profession ou par fonctions temporaires
ou permanentes de secrets qu’on leur confie, qui, hors le cas
où les lois les obligent ou les autorisent à se porter dénonciateurs, auront révélé ces secrets seront punis...”.
Il ne deviendra un devoir déontologique que lors de la première
rédaction du code de déontologie médicale en 1941 pour être à
chaque fois réaffirmé lors des éditions ultérieures (1) et finalement exprimé dans l’article 4 du code actuel : “Le secret professionnel, institué dans l’intérêt des patients, s’impose à tout
médecin dans les conditions établies par la loi ; le secret couvre
tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été
confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris” (2).
La loi du 4 mars 2002 sur le droit des malades modifie sensiblement la perception que nous devons avoir du secret médical
mis au rang d’un des “droits de la personne” comme l’affirme
l’article L. 1110-4.
“Toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie
privée et du secret des informations la concernant” (3).
Le non-respect de ce droit expose “de facto” le médecin à des
sanctions pénales et disciplinaires.
Pour la première fois, comme le fait remarquer Dominique
Thouvenin (4), la loi semble consacrer la primauté de l’information médicale et de sa transmission : “La vraie nouveauté de cette
loi réside dans ce qu’elle fixe, pour la première fois, des règles
d’accès et de circulation de l’information relative au patient.
Jusqu’à présent, c’était toujours de manière négative que le
secret médical était évoqué, afin d’empêcher l’obtention des
informations connues du médecin. Désormais, il existe des
règles positives définissant les catégories de personnes qui peuvent accéder légitimement à ces informations…”
Même si cette interprétation de la loi doit être discutée, elle permet de nous interroger sur le contenu du secret médical, la nécessité du respect de la règle, la transmission de l’information audelà de la personne soignée et sur les dérogations prévues.
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LE CONTENU DU SECRET MÉDICAL
Le médecin peut s’appuyer sur la loi pour définir le champ
d’application du secret médical :
“Excepté dans les cas de dérogation, expressément prévus par
la loi, ce secret couvre l’ensemble des informations concernant
la personne venues à la connaissance du professionnel de
santé, de tout membre du personnel de ces établissements ou
organismes et de toute autre personne en relation, de par ses
activités, avec ces établissements ou organismes. Il s’impose à
tout professionnel de santé, ainsi qu’à tous les professionnels
intervenant dans le système de santé” (5).
L’évolution historique parle d’elle-même : de la nécessité par
la loi au XIXe siècle de ne pas révéler les “secrets qu’on leur
confie”, les médecins se voient maintenant détenteurs d’informations dont ils sont souvent seuls à décider de ce qu’ils vont
en faire.
La part de l’interprétation personnelle reste entière ce qui fait
dire au conseil de l’ordre des médecins dans son commentaire
de la loi en 2003 que : “Le secret professionnel est la pierre
angulaire de la morale médicale.”
La particularité de l’exercice médical est, par nature, non seulement le recueil des confidences (6) du patient, mais aussi le
producteur d’informations, tant diagnostiques que thérapeutiques, dont la révélation au patient ou à un tiers doit délimiter
aussi le champ d’application du secret médical : quelles informations révéler ? à qui ? dans quel ordre ? quand ? comment ?
Autant de questions auxquelles le colloque singulier ne permet
pas toujours de trouver une réponse immédiate.
C’est donc bien à un véritable traitement de l’information en
fonction des règles déontologiques et légales que le médecin
va devoir se soumettre ; il sera jugé non sur son aptitude à le
faire mais bien à son refus de communiquer ou pas.
Le problème du secret médical semble donc être non pas ce
qu’en pense le médecin, mais ce que dit la loi ou la jurisprudence sur la possibilité d’accès à l’information détenue par le
médecin ou sa transmission : en un mot, ce qui est important
n’est pas tant le contenu que le respect des règles et la transparence en matière d’accès.
LA TRANSMISSION DE L’INFORMATION MÉDICALE
* Hôpital privé d’Antony, département de gynécologie obstétrique, maternité
les Vallées, 1, rue Velpeau 92160 Antony.
La Lettre du Gynécologue - n° 289 - février 2004
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Au patient
Même si le secret médical n’est pas opposable au patient luimême, le médecin peut, en conscience dans certaines situations, apprécier le degré d’information qui doit être révélé (7).
À des tiers
En vertu de l’intérêt thérapeutique, les professionnels de santé
qui participent à la prise en charge d’un même patient partagent tout naturellement le secret médical et, par extension, le
secret professionnel. Chacun d’entre eux devient responsable
de la transmission ou non des informations qu’il détient.
Dans le souci d’aider la personne malade, la loi autorise désormais l’information de la famille, des proches de la personne
malade ou d’une personne de confiance :
“En cas de diagnostic ou de pronostic grave, le secret médical
ne s’oppose pas à ce que la famille, les proches de la personne
malade ou la personne de confiance définie par l’article L.
1111-6 reçoivent les informations nécessaires destinées à leur
permettre d’apporter un soutien direct à celle-ci, sauf opposition de sa part” (8).
Les ayants droit s’il leur est nécessaire de connaître les causes
de la mort, de défendre la mémoire ou de faire valoir leurs
droits.
En revanche, le secret médical reste opposable à toute
demande non prévue par la loi et, en particulier, à des
demandes directes des médecins des assurances ou autres
médecins conseils d’administration.
Enfin, le secret médical s’impose devant le juge : seule la saisie judiciaire des dossiers médicaux, sur commission rogatoire,
permet au magistrat de disposer des renseignements indispensables à la justice.
Cette “nouvelle” donne des règles de circulation des données
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médicales concernant un ou une patiente ont une incidence
directe sur la distinction entre communication de l’information
médicale secrète à des tiers autorisés à la recevoir qui devient
non sanctionnable et l’information à caractère secret divulguée
à un tiers quelconque qui représente alors une faute avec préjudice.
La principale conséquence de cette nouvelle appréhension
concernant les caractères mêmes de l’information médicale et
de sa transmission a été consacrée dans la loi par les nouvelles
règles de la transmission du dossier médical.
LES DÉROGATIONS AU SECRET MÉDICAL
Les dérogations existaient bien avant la loi du 4 mars 2002
(tableau I) qui a consacré l’accès aux données médicales à des
fins d’évaluations ou de contrôles : praticiens conseils du
contrôle médical, les médecins experts de l’agence…
DEUX CAS PARTICULIERS
Secret médical et HIV
Le médecin ne peut être délié du secret professionnel par le
malade lui-même ce qui interdit à un médecin de révéler luimême à un tiers la séropositivité de son patient même si celuici le lui demande. Tout au plus peut-il l’aider à le faire en sa
présence.
Le médecin ne peut non plus, et c’est là le paradoxe, obliger
un patient à révéler sa séropositivité à son ou ses partenaires.
Cette analyse faisait dire à Roger Henrion :
“Les médecins doivent savoir analyser les risques de contamination, les confronter au risque médico-légal, négocier la révélation de la séropositivité au partenaire avec l’aide de psycho-
Tableau I. Dérogations (9).
DÉROGATIONS LÉGALES
JURISPRUDENCE
Déclarations obligatoires
Permissions de la loi
Naissance
Décès
Maladies contagieuses
Maladies vénériennes
Internement : hospitalisation sur demande
d'un tiers, hospitalisation d'office
Alcooliques présumés dangereux
Incapables majeurs
Accident du travail et maladies professionnelles
Pension militaire d'invalidité
Pension civile et militaire de retraite
Indemnisation de personnes contaminées
par le VIH par transfusion
Dopage
Risques pour la santé humaine
Mauvais traitements infligés
à un mineur de 15 ans ou à une personne
incapable de se protéger
Sévices permettant de présumer
de violences sexuelles
Recherches dans le domaine de la santé
Évaluation d'activité dans les établissements de santé
Dangerosité d'un patient détenteur d'une arme à feu
La Lettre du Gynécologue - n° 289 - février 2004
Rente viagère
Testament
Assurance-vie
Réquisition
Expertise
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logues et d’assistantes sociales, voire menacer” (10).
Secret médical et mineur
La loi du 4 mars 2002 a consacré le principe déjà annoncé
dans la loi de juillet 2001 sur la contraception et l’IVG : tout
mineur peut accéder aux soins et s’opposer à la transmission
des informations à sa famille.
Il lui suffit d’être accompagné d’un tiers, majeur, pour que
l’interruption de grossesse puisse être effectuée.
La loi protège également le mineur dans son accès à une
contraception gratuite et, en particulier, à la contraception du
lendemain (11).
CONCLUSION
L’évolution du droit à l’information sur les données médicales
et leur transmission a fait évoluer la notion même du secret
médical.
Le médecin se doit de garantir au patient l’accès à toutes les
informations le concernant, ce dernier en devient le légitime
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tomes)
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Cet ouvrage s’adresse plus particulièrement aux acteurs de la périnatalité : obstétriciens, pédiatres, sages-
détenteur : “Il aura à se défendre contre tous ceux qui ont intérêt à connaître son état de santé… Autre époque, autres combats” (12).
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B I B L I O G R A P H I Q U E S
1. 1947, 1955, 1979 et 1995.
2. Code de déontologie : www.conseil-national.medecin.fr.
3. Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002.
4. Thouvenin D. Dictionnaire de la pensée médicale. Paris : PUF, 2004 : 1025.
5. Loi du 4 mars 2002, Art. L. 1110-4, alinéa 2.
6. Le dogme de la confidence destiné à garantir le respect de la vie privée et de
l’ordre social conformément à l’article 12 de la Déclaration universelle des
droits de l’homme et à l’article 9 du code civil.
7. Code de déontologie, art. 35.
8. Art. L. 1110-4, alinéa 6.
9. http://www.conseil-national.medecin.fr/CNOM/Deontologie.nsf/V_
CAC/ARTICLE+4.
10. Secret médical et HIV. Journée éthique, religion, droit et procréation, 2002.
11. Décret du 9 janvier 2002.
12. Thouvenin D. Dictionnaire de la pensée médicale. Paris : PUF, 2004 :
1027.
femmes, puéricultrices pour compléter leurs connaissances du crâne
osseux et ses influences neurologiques, aux orthopédistes et kinésithérapeutes pédiatriques pour
l’implication des déformations crâniennes et leurs corollaires sur le
tonus dans les pathologies orthopédiques infantiles, enfin, aux ostéo-
pathes, médecins et non-médecins,
pour élargir leur champ de connaissance des dysmorphismes crâniens
chez le nouveau-né, enfant, adulte.
Cet abord pluridisciplinaire peut
optimiser la prise en charge de certaines pathologies néonatales et leurs
conséquences chez l’adulte.
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Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction par tous procédés réservés pour tous pays.
EDIMARK SAS © janvier 1984
Imprimé en France - Differdange S.A. - 95110 Sannois - Dépôt légal à parution.
Un encart 8 pages est inséré au centre de la revue.
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La Lettre du Gynécologue - n° 289 - février 2004
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