Préserver la qualité relationnelle Cancer

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Cancer
Sommaire
• Les principaux facteurs
de risque :
un pas vers la prévention
• Annonce du diagnostic :
jeter les bases
de la communication
• Les traitements :
de mieux en mieux ciblés
• Dénutrition :
un élément souvent
sous-estimé
• La douleur :
prendre le temps d’écouter
• ASCO :
des axes de recherche
Préserver la qualité
relationnelle
En France, le cancer concerne 700 000 personnes.
Cancer : un mot encore tabou. Cancer : une maladie parfois évitable
et qui, diagnostiquée tôt, a même des chances de guérir.
Cependant, soigner un malade atteint de cancer modifie la façon
d’appréhender le soin, notamment en respectant sa qualité de vie
et en acceptant parfois de soigner sans objectif formel de guérir.
Problème : il y a de plus en plus de cancers et de moins en moins
de cancérologues.
ier maladie mortelle à court terme, le cancer
est aujourd’hui considéré comme une affecH
tion chronique, même si l’adjectif est rejeté par
certains car il dénote un manque d’espoir. Plus
de 60 % des patients atteints d’un cancer profitent d’un bon pronostic. En quelques années, la
durée de survie moyenne a été augmentée de
plus de 5 ans pour 75 % des malades. Le cancer
devient donc une maladie chronique, dont la
prise en charge demande au personnel soignant
de modifier son exercice puisqu’il s’étend désormais sur une durée plus ou moins longue, depuis
l’annonce de la maladie jusque dans le suivi des
éventuelles rechutes et, parfois, celui d’une issue
nécessitant l’accompagnement de soins palliatifs.
Les traitements sont souvent lourds et exigeants.
Et les soignants doivent gérer une autre façon
d’envisager la maladie : soigner sans forcément
guérir. Soigner dans le respect d’un patient qui
demande désormais de vivre mieux, malgré tout
et non en dépit de tout.
Épidémiologie
Chaque année, 250 000 nouveaux cas de cancers
sont diagnostiqués. L’augmentation du taux des
maladies détectées est identique en valeur absolue à la diminution de celui de la mortalité, soit
annuellement environ 1,5 %. Cependant, un décès sur dix est dû au cancer : il est au premier
rang chez l’homme et constitue la première cause
de mortalité avant 65 ans tous sexes confondus,
avec quelques différences selon les atteintes.
Ainsi, le cancer du sein est la première cause de
mortalité chez la femme, avec 22 000 nouveaux
cas détectés chaque année en France. Très rare
avant l’âge de 30 ans, il voit sa fréquence augmenter chez les femmes jusqu’à l’âge de 75 ans
et cause environ 10 000 décès par an. Son taux
est en moyenne de 35 pour 100 000 ; il passe de
10 pour 100 000 entre 35 et 45 ans à 80 pour
100 000 vers 65 ans et 150 pour 100 000 après
80 ans. L’âge est un facteur de variabilité, mais la
géographie également : le gradient est nord-sud,
avec des taux plus élevés dans les pays du Nord
de l’Europe, mais des pourcentages très faibles au
Japon, à Singapour et à Hong Kong.
Au sein même de l’Hexagone, on retrouve le
même gradient, avec une atteinte moins forte au
Sud qu’au Nord, sans différence significative
entre les zones urbaines et rurales.
Sur tous les nouveaux cas annuels de cancer,
65 % sont des cancers du côlon. Rare avant
50 ans (< 6 % des cas), ce dernier devient fréquent après 70 ans, âge moyen de son diagnosProfessions Santé Infirmier Infirmière - No 38 - juin-juillet 2002
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Cancer
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tic. Le taux des décès (15 à 16 000 décès par an)
est resté stable ces vingt dernières années malgré
une incidence en hausse. Son taux de survie à
5 ans est de 41 %, d’où l’importance de sa détection précoce (Hémocult II, coloscopie).
Soixante à 80 % des cancers rectocoliques proviennent de la transformation carcinomateuse
d’un adénome : ils se répartissent à parts égales
entre le côlon gauche et le côlon droit, un tiers
seulement de ceux du côlon droit se “cancérisent”. Après 65 ans, un tiers de la population est
atteinte d’adénomes, dont 10 % atteindront 1 cm
et 2,5 % deviendront malins.
Les adénomes villeux présentent cependant un
risque beaucoup plus important de dégénérescence, 15 % contre 1 à 10 % pour les tubuleux.
En revanche, ce n’est qu’exceptionnellement que
des adénomes de petite taille deviennent carcinomateux, ce qui signifie que l’exérèse coloscopique est un excellent moyen de diminuer l’incidence d’apparition de ce type de cancer et la
mortalité. La récidive à trois ans des polypes de
plus d’un centimètre est de 3 %.
Prédominant chez l’homme, l’incidence annuelle
du cancer du poumon est de 70 pour 100 000 ;
elle est de 10 pour 100 000 chez la femme. Mais
ce dernier taux ne cesse de croître. Rare avant
40 ans, l’âge moyen d’apparition est de 61 ans.
Sa gravité est extrême puisque la mortalité à un
an, toutes formes confondues, avoisine 75 % et
la survie à 5 ans est, elle, inférieure à 10 %. En
1995, ce cancer a été responsable de 23 922 décès, soit un taux brut de 41,2 pour 100 000,
16 % de l’ensemble des décès par tumeurs.
Deuxième cause de décès par cancer chez la
femme, proche de celui du poumon mais derrière celui du sein, le cancer du col de l’utérus
tue encore 2 500 femmes chaque année en
France. La mortalité est en baisse mais inégalement répartie selon les âges.
En résumé, le cancer du sein en termes de nouveaux cas est le premier, suivi par celui de la prostate, du poumon et du côlon. En termes de morbimortalité, l’ordre est le suivant : poumon, puis
côlon, avant le sein et la prostate (AFP 06/2001).
Jacques Bidart
Les principaux facteurs de risque
Un pas vers la prévention
Ces dernières années, on a mieux compris les mécanismes de déclenchement des
cancers. Ce qui a eu pour effet de mieux adapter les traitements et cerner certaines
causes qui, comme le tabac, font l’unanimité.
our certains cancers, on connaît mieux les
facteurs de risques, qu’ils soient d’origine génétique, environnemental, voire alimentaire. En
voici quelques exemples.
P
Le facteur génétique
L’incidence hormonale sur le cancer du sein
semble démontrée, mais essentiellement pour les
hormones endogènes. Il n’en est pas de même
pour les facteurs hormonaux exogènes (que ce
soit un traitement contraceptif oral ou un traitement hormonal substitutif appelé THS).
Parmi les facteurs endogènes interviennent l’âge
de la première grossesse, le nombre de celles-ci,
et l’âge de survenue de la ménopause.
En effet, plus les premières règles sont apparues tôt
(avant 13 ans), plus le risque de cancer est important (deux fois plus). Une première grossesse tardive (après 35 ans) présente également un risque
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Professions Santé Infirmier Infirmière - No 38 - juin-juillet 2002
plus élevé, ainsi qu’une ménopause après 55 ans.
L’allaitement maternel a, lui, un rôle protecteur.
L’importance de “la fenêtre œstrogénique” (période comprise entre les premières règles et la
ménopause) semble confirmer le rôle hormonal
endogène avec une œstrogéno-responsabilité endogène, facteur favorisant de la carcinogenèse.
En revanche, aucune démonstration n’a pu être
faite d’une quelconque responsabilité d’un apport hormonal exogène, qu’il s’agisse d’une
contraception orale, même prolongée au-delà de
10 ans, ou d’un THS (un rôle protecteur est
même possible). Certains cancérologues estiment même qu’un THS ne serait pas une contreindication formelle après un cancer du sein.
Outre les facteurs génétiques, les facteurs environnementaux sont à considérer, même si, en
dehors des radiations ionisantes, aucun n’a pu
être réellement identifié. Ainsi, il est troublant de
Le facteur environnemental
Outre le cancer de la peau, souvent dû à l’exposition solaire ou aux agents agressifs, le cancer
bronchopulmonaire est le prototype du cancer
dû aux facteurs environnementaux.
L’incidence du tabac est formellement démontrée, car, s’il existe une certaine récurrence familiale, 85 % des décès par cancer bronchopulmonaire sont imputables au tabagisme. Ce
risque augmente considérablement avec la dose
mais surtout avec la durée de l’exposition. Ainsi,
une personne ayant fumé 10 cigarettes par jour
pendant 20 ans encourt un risque 10 fois plus
élevé qu’un sujet ayant fumé 20 cigarettes par
jour pendant 10 ans, avec, pourtant, une même
consommation globale, égale à 10 paquets-années. En revanche, 15 ans après l’arrêt du tabac,
la courbe de survie de l’ancien fumeur rejoint
celle du non-fumeur.
On ne doit pas non plus occulter le tabagisme
passif : les conjoints de fumeurs ont en effet un
risque supérieur de 30 % de développer la maladie comparés aux conjoints de non-fumeurs. A
© Dr Amar/Phanie
constater que les femmes japonaises, peu sensibles à cette forme de cancer au Japon, présentent dès la deuxième génération des taux identiques aux femmes des pays dans lesquels elles
ont migré. Un doute persiste sur la prédisposition environnementale contrairement à la prédisposition génétique : le risque ordinaire pour
une femme d’être atteinte par la tumeur au cours
de sa vie est en moyenne d’un sur neuf, mais il
est d’un sur quatre, si sa mère a été atteinte. A ce
jour, deux gènes responsables ont été retrouvés
sur les chromosomes 13 et 17, BRCA 1 et 2 peutêtre même trois : il s’agirait en fait d’une mutation génétique de gènes suppresseurs de tumeurs
à l’état normal. Les mutations, trop nombreuses,
entre 300 et 500, en rendent la détection impossible sur une population générale. Le BRCA
autosomique dominant se transmet en effet
d’une population à l’autre, indifféremment par le
père ou la mère. Une mutation familiale doit être
suspectée s’il existe, au sein d’une même famille,
trois cancers du sein ou de l’ovaire à un âge
précoce, chez des parents de premier ou de
deuxième degré.
côté du tabac, ou plutôt bien loin derrière lui, on
retrouve les polluants professionnels comme l’arsenic, l’amiante, les composés du nickel, les goudrons de houille ou le radon. Ils sont aussi “coupables” de déclencher des cancers, mais leur
fréquence est bien inférieure. La pollution atmosphérique est plus difficile à incriminer. Un seul
fait cependant doit interpeller : la mortalité par
cancer bronchopulmonaire est plus élevée en
zone urbaine qu’à la campagne.
L’origine virale
Pour le cancer du col de l’utérus, le virus Papillomavirus est un “présumé coupable”.
En cas de dysplasie, ce virus à double brin d’ADN
sans enveloppe est très souvent retrouvé. En s’introduisant dans une cellule normale, grâce à
deux zones de codage, il transforme une multiplication cellulaire normale en une prolifération
anarchique : c’est le début du processus de carcinogenèse. Mais, pour que celle-ci se déclenche,
des cofacteurs sont nécessaires tels le tabac ou un
déficit immunitaire, comme peuvent l’être également une insuffisance de surveillance gynécologique, mais aussi un premier rapport sexuel très
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Un gène suspecté de déclencher le cancer de la prostate
Localisé sur le chromosome 1, un gène suspect de causer le cancer de la prostate code une enzyme, la
ribonucléase, avec un effet suppresseur tumoral. Sa mutation ferait cesser cette action de nettoyage, laissant
alors le processus tumoral se développer.
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 38 - juin-juillet 2002
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Cancer
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Le facteur alimentaire
En ce qui concerne le cancer du côlon, quelles
sont les données disponibles sur les relations
entre l’alimentation et les cancers colorectaux ?
Ce sont en premier lieu l’excès calorique et la
sédentarité. Mais il existe aussi une importante
corrélation entre une forte consommation de
graisses et de protéines animales et la mortalité
par cancer colorectal. Corrélation également retrouvée avec une consommation excessive d’alcool et de sucres, mais aussi de tabac.
En revanche, un rôle protecteur de la consommation de fruits et de légumes existe. Ce rôle est également attribué aux fibres, dont la meilleure est le
son de blé, et aux mucilages. Les vitamines, le calcium, les oligo-éléments semblent aussi bénéfiques, mais de manière moins évidente.
jeune et, beaucoup plus infestant, la multiplicité
des partenaires.
L’origine bactérienne
En ce qui concerne le cancer de l’estomac, une
démonstration récente tend à prouver que certaines souches de Helicobacter pylori, une bactérie qui peut infecter jusqu’à 50 % de la population, inocule dans les cellules gastriques un
facteur de virulence Cag A, qui, par interaction
avec une protéine cellulaire SHP-2, peut entraîner une transformation cancéreuse. Helicobacter
pylori, qui provoque gastrites et ulcères gastriques, est encore insuffisamment dépisté par
les médecins, ce qui est dommageable, car un
traitement par inhibiteur de la pompe à protons
et par antibiotiques peut éradiquer la bactérie à
un pourcentage élevé.
J.B.
Annonce du diagnostic
Jeter les bases de la communication
Le traitement des cancers devenant un combat de longue durée, il nécessite donc
de ne pas manquer le départ. A ce stade, et tout au long de la thérapie, l’information
doit être l’élément essentiel de la communication, dévolue, pour une part importante,
à l’infirmière.
lusieurs enquêtes le montrent. Le malade a
besoin d’informations sur sa maladie, son
traitement et l’incidence de ce dernier sur sa
qualité de vie et celle de son entourage, et sur
ses éventuelles chances de guérison. Un des aspects importants du travail infirmier est la transmission de l’information. Cette communication,
pour partir sur des bases saines, ne doit pas faire
l’économie de l’annonce de mauvaises nouvelles
comme peut l’être celle du diagnostic.
Cette nouvelle, donnée à la suite d’une batterie
d’examens porteurs de doutes, modifiera radicalement l’avenir du soigné mais ne doit pas modifier la relation à l’intérieur des soins.
L’adaptation ultérieure du soigné, sa participation aux soins dépendent en grande partie, selon
les psycho-oncologues, de la façon dont le patient vit l’annonce de sa maladie.
Les stress du soignant et du soigné vont alors se
rejoindre dans un moment douloureusement
crucial. Il est souvent préférable que le patient
soit accompagné, car l’adhésion de la famille est
essentielle. Et l’idéal est de préfigurer dès le début,
en équipe, ce que l’on souhaite mettre en place.
Le choc à l’annonce du diagnostic peut provoquer plusieurs types de réactions, qu’il faut
connaître. Soit, paradoxalement, un soulagement, après de longues semaines de doutes
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Professions Santé Infirmier Infirmière - No 38 - juin-juillet 2002
© Burger/Phanie
P
Quelle que soit la réaction à l’annonce, il faut essayer
de positiver, de ne pas laisser s’installer un doute
lié à un vide de communication, d’information.
Il faut immédiatement proposer des solutions à
ce qui ne peut être ressenti que comme un grave
problème : « Nous allons commencer par des médicaments qui vont faire..., puis ensuite... et, dans un
délai de X mois, on fera un point ». Tous ces éléments d’information permettent au patient d’effectuer une mise en perspective et lui offrent un
avenir au moment où tout pourrait s’effondrer.
En informant correctement le patient, en lui faisant comprendre sa maladie, l’infirmière le rassure et l’amène à une collaboration garante des
résultats thérapeutiques.
anxiogènes, soit un sentiment de révolte : « Pourquoi moi, qu’ai-je fait pour mériter cela ? » C’est
aussi, parfois, une sensation de condamnation à
mort, avec une véritable sidération qui fait que
plus aucune information ne pourra passer pendant de longs instants. Dans ce cas, le rôle “d’accompagnement” de l’infirmière est essentiel : elle
pourra, à l’issue de la consultation, proposer au
patient de prendre un café et de discuter un
moment, et elle ne le laissera jamais repartir dans
un tel état.
Une autre forme de réaction est la théâtralisation
de l’annonce avec, très vite : « Dites-moi simplement que je suis foutu ». Là encore, l’écoute est
essentielle afin de dépister une éventuelle tendance suicidaire.
J.B.
Les traitements
De mieux en mieux ciblés
Les progrès thérapeutiques sont constants. La chimiothérapie sera de moins en moins
le seul traitement. Elle est déjà associée à la radiothérapie et la chirurgie, et certains
malades sont traités avec les anticorps mononucléaux, les modificateurs de l’angiogenèse, les traitements anti-sens, etc.
es chimiothérapies orales se développent
de plus en plus, remplaçant les perfusions
Lconsidérées
par les malades comme agressives.
matopoïétiques sont autant de traitements qui
accompagnent celui de la maladie cancéreuse
elle-même. Désormais, le recours à la chirurgie
oncologique est moins systématique et, en tout
cas, moins mutilante, plus conservatrice. Profitant des progrès de l’imagerie médicale, elle s’associe à d’autres thérapeutiques : chimiothérapie,
radiothérapie, radiochimiothérapie (perfusion
de chimiothérapie en continu pendant toute la
durée de la radiothérapie). Ce qui était un traitement adjuvant de l’acte chirurgical occupe dorénavant une place à part entière.
© Voisin/Phanie
Les antiémétiques, les biphosphonates, les protecteurs cardiaques, les facteurs de croissance hé-
La chimiothérapie
Dans les années 80, n’étaient utilisées qu’une
vingtaine de thérapies chimiques, que ce soit la
doxorubicine, le cyclophosphamide, le cisplatine,
la vincristine, le 5-fluoro-uracile (5-FU).
Depuis, de nouvelles molécules sont à disposition comme les taxanes, l’oxaliplatine, la gemcitabine, l’irinotécan et le topotécan. La connaissance de leur mécanisme d’action explique leurs
effets secondaires. En atteignant l’ADN des cellules tumorales, elles agressent la moelle hématopoïétique, surtout les globules blancs neutroProfessions Santé Infirmier Infirmière - No 38 - juin-juillet 2002
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philes. Mais leur atteinte est aussi digestive, avec
stomatite et diarrhée. Pour les nausées et vomissements, le mécanisme d’action d’origine à la
fois centrale et périphérique est plus complexe.
Des neurotoxicités périphériques, des atteintes
cardiaques, voire gonadiques, peuvent être aussi
observées à plus long cours. Les différentes familles de médicaments disponibles sont réparties en alkylants qui agissent sur l’ADN des cellules. Ils peuvent se présenter sous forme de
moutardes azotées ; ils risquent alors d’entraîner
une cystite, voire des cancers secondaires. La
thiotépa et la mitomycine sont susceptibles de
causer une anémie hémolytique et/ou une insuffisance rénale.
Lorsque ce sont des nitroso-urées (carmustine,
fotémustine, streptozocine et témozolomide),
leur risque principal est rénal.
Les organoplatines comprennent le cisplatine
(néphrotoxique, émétisant, neurotoxique pour
l’oreille interne), l’oxaliplatine, la procarbazine et
la dacarbazine.
A côté des alkylants, les intercalants agissent
aussi sur l’ADN. Parmi eux : les inhibiteurs de
la topo-isomérase I, dont l’irinotécan qui provoque une toxicité sanguine (neutropénie) et une
diarrhée. Le topotécan est myélotoxique. Faisant
partie de la même famille, les inhibiteurs de la
topo-isomérase II, les anthracyclines (doxorubicine, épirubicine, daunorubicine, pirarubicine)
sont surtout cardiotoxiques.
Le mitoxantrone et l’étoposide sont, eux, cardiotoxiques et myélotoxiques. Toujours dans la
même famille, l’amsacrine est responsable de
toxicité pulmonaire. Après les alkylants et les
intercalants, les antimétabolites, dont les antipurines et antipyrimidiques, ont une toxicité digestive et rénale. Ces antimétaboliques peuvent
être des analogues pyrimidiques : le 5-FU avec
le risque de syndrome cutané main-pieds, la cytarabine, la gemcitabine avec des perturbations
hépatiques transitoires, mais aussi les analogues
des purines (mercaptopurine, fludarabine, cladribine) entraînant des risques de fièvre et d’infections. Il peut s’agir aussi des analogues de
l’acide folique : le méthotrexate et son risque de
toxicité pulmonaire, le raltitrexed, toxique au
niveau hépatique et hématologique avec, éventuellement, une insuffisance rénale péjorative.
On retrouve aussi les inhibiteurs de la formation
du fuseau mitotique comme les alcaloïdes de la
pervenche : la vincristine, la vindésine, la vinblastine, la vinorelbine. S’ils sont peu myélotoxiques, ils sont en revanche neurotoxiques, et
veinotoxiques pour la vinorelbine (préférer alors
un cathéter veineux central). Comme stabilisaProfessions Santé Infirmier Infirmière - No 38 - juin-juillet 2002
teur du fuseau mitotique, on retrouve le paclitaxel qui n’est pas myélotoxique ; mais il entraîne des myalgies et des arthralgies, et il augmente le risque de cardiopathie quand il est
associé à d’autres médications.
Le docétaxel est, lui, myélotoxique et provoque
un syndrome œdémateux. Enfin, un anticorps
humanisé, au rôle mal élucidé, a été développé
depuis quelques années : le trastuzumab. Utilisé
en monothérapie ou en association, son efficacité
est plus grande chez les patientes dont la tumeur
présente une surexpression de l’oncogène Her2.
Sa toxicité principale est surtout cardiaque, potentiellement aggravée par une association avec
le paclitaxel.
Comment traiter
les effets secondaires ?
Quelle que soit la plainte, l’écoute attentive est le
premier traitement. Un questionnement précis
peut orienter vers des méthodes parfois très pratiques, qui soulagent le patient en dehors des
médicaments ; ces derniers existent mais ils agissent différemment selon l’individu.
Traiter les nausées et les vomissements n’est pas
toujours chose simple : les antiémétiques sont
plus efficaces préventivement que curativement.
Les femmes ayant eu ce genre de problème lors
de leur grossesse, présentant un mal des transports ou un état anxieux chronique, sont plus sujettes à ces troubles. Pour éviter leur survenue,
les cocktails associant un anti-5HT3, un corticoïde et un anxiolytique sont utilisés.
Survenant entre le 7e et le 10e jour suivant la chimiothérapie, la neutropénie est éventuellement
grave si elle est accompagnée de fièvre. Elle devient agranulocytose si elle est inférieure à
0,5 g/l. Le traitement est alors employé à domicile, par injections sous-cutanées, à raison de
5 µg/kg/j. Celles-ci permettent de raccourcir la
durée de la période de neutropénie et de limiter
les complications infectieuses. Le traitement antibiotique ne se justifie pas en cas de granulopénie isolée, sans fièvre ni signe infectieux. Il est essentiel, en période de granulopénie, de respecter
des règles d’hygiène strictes comme un lavage
des mains soigneux de tous les personnels soignants, le port de masque et de gants, et un certain isolement par rapport à des patients potentiellement contaminants.
Des complications peuvent survenir aux points
d’injection des chimiothérapies, comme une
phlébite sur veine périphérique. Celle-ci sera
alors traitée par des anti-inflammatoires locaux et
prévenue par la pose d’un cathéter veineux central. Ce dernier n’est pas non plus exempt de ●●●
Cancer
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risque de complications (thromboses ou infections) qui doivent être détectées à temps, en sachant que le risque est lui-même majoré par l’action thrombogène des cancers. Par ailleurs, la
chimiothérapie facilite les infections nosocomiales. L’anémie survient au décours du traitement chimiothérapique, surtout si celui-ci comprend des sels de platine. Même si son origine est
souvent multifactorielle (inflammatoire, toxique),
il importe de s’assurer de l’absence de carence
martiale chez un patient trop souvent dénutri,
écœuré par l’alimentation. Il ne faut pas hésiter à
vérifier, avec le patient, l’état de son réfrigérateur.
La thrombopénie est souvent la suite de traitements aux sels de platine ou nitroso-urés, en cas
de radiothérapie étendue ou de métastases multiples. Si la thrombopénie est < 25 g/l, des transfusions plaquettaires sont nécessaires.
Incontournable, fréquente et mal acceptée, l’alopécie est prévenue par l’utilisation d’un casque
réfrigérant pendant la perfusion, si le patient le
supporte.
Bloquer la signalisation cellulaire
Jusque récemment, deux grands types de médicaments étaient utilisés pour soigner les cancers. Les
uns interagissaient avec l’ADN, soit directement, en
s’attaquant à lui, soit indirectement, en empêchant
sa synthèse ou sa réplication. Les autres empêchent
le bon déroulement de la division cellulaire en inhibant une protéine essentielle, la tubuline.
Les cellules tumorales étant capables de s’adapter,
donc de résister, l’efficacité de la chimiothérapie se
trouve limitée dans certains cas. De nouvelles méthodes de traitement issues de la recherche en biologie moléculaire et cellulaire ont été mises au
point. Les recherches ont notamment permis de découvrir de nombreux gènes et protéines dont on
connaît mieux le rôle. Des protéines impliquées
dans la signalisation cellulaire ont été identifiées.
L’idée est donc née de contrôler les cancers en bloquant les voies de signalisation cellulaire. Il existe
plusieurs molécules. Le cétuximab (nom de code :
C225) bloque les récepteurs du facteur de croissance EGF (epidermal growth factor) de type R1 (en
association à la chimiothérapie, côlon). L’Herceptin®
(trastuzumab) bloque les récepteurs de l’EGF de
type c-erb B2 (sein). L’Iressa® (ZD1839) bloque la
partie intracellulaire de ces deux types de récepteurs (poumon). Le Glivec® (imatinib mésilate)
bloque les récepteurs du facteur de croissance
PDGF (platelet derived growth factor), il concerne
les leucémies myéloïdes chronique et les sarcomes
du tube digestif.
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Professions Santé Infirmier Infirmière - No 38 - juin-juillet 2002
La diarrhée est un effet secondaire lié aux doses
thérapeutiques utilisées : il suffit parfois de diminuer les doses du produit incriminé, que ce
soit l’irinotécan ou le 5-FU, pour la faire cesser.
Sinon, les antidiarrhéiques classiques peuvent
être utilisés. Associées à des vomissements, de la
fièvre, une neutropénie et une diarrhée peuvent
faire craindre une complication infectieuse, notamment si une diverticulose colique préexiste.
La stomatite est une complication fréquente, aux
causes multiples : infectieuse, mycosique, toxique.
Son traitement repose sur les bains de bouche au
bicarbonate, aux anti-infectieux, aux antimycosiques. Un traitement per os est plus rarement
utile. Ce traitement curatif est souhaitable en préventif et sera administré plusieurs fois par jour.
Une toxicité rénale aiguë est possible avec le cisplatine. Afin de prévenir les effets secondaires
des chimiothérapies, il est possible d’administrer
des chimioprotecteurs.
En ce qui concerne l’angiogenèse, il est possible
d’inhiber la croissance des cellules tumorales en
empêchant la transmission du signal de prolifération par blocage du récepteur membranaire au
VEGF (vascular endothelial growth factor : facteur
de croissance des cellules endothéliales) ou inhibition d’une kinase sous-membranaire.
La radiothérapie
Si la radiothérapie est centenaire, ses progrès
sont surtout marqués depuis quelques années.
Sont essentiellement utilisés les accélérateurs
d’électrons et le télécobalt. Les photons émis par
le cobalt ou l’accélérateur pénètrent en profondeur, irradiant moins les tissus superficiels.
En dehors de la radiothérapie transcutanée, la
curiethérapie implante, sous forme de fils, de
tubes ou d’aiguilles, des corps radioactifs in situ
(iridium ou césium). Les doses d’irradiation sont
mesurées en grays (Gy).
Au début d’une radiothérapie, le fractionnement des doses (nombre de séances) et la durée
totale du traitement doivent être définis. Habituellement, au cours d’une radiothérapie, une
dose de 10 Gy par semaine, en 4 à 5 séances, est
ainsi délivrée. Les progrès sont liés surtout au développement de l’imagerie en trois dimensions et
de l’informatique, rendant possible la mise au
point d’une radiothérapie ciblée ou conformationnelle. Celle-ci permet de déterminer un
champ d’irradiation très proche de la conformation de la tumeur, épargnant mieux les tissus
sains du voisinage.
L’irradiation est produite par plusieurs faisceaux,
souvent concentriques. Les réglages directionnels, en forme comme en dimension, sont choi- ●●●
© P. Garo/Phanie
Cancer
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sis pour optimiser l’irradiation sur la cible tumorale. Cette irradiation fait suite à un repérage
radiologique couplant, si nécessaire, scanographie et résonance magnétique. Le volume tumoral défini détermine les réglages.
Seule une limitation du nombre des appareils
freine cette radiothérapie appelée à remplacer
dans un avenir proche la radiothérapie classique.
La protonthérapie utilise, elle, un faisceau de
protons pour les tumeurs touchant des organes
fragiles (le cyclotron de Nice produit ce type de
protons).
La chimioradiothérapie permet d’améliorer les résultats thérapeutiques, notamment des tumeurs
localement très évoluées (cancers du larynx, des
bronches, de l’œsophage).
Radiothérapie et soins infirmiers
Les complications aiguës de la radiothérapie sont
essentiellement cutanées. Elles apparaissent surtout pour des irradiations supérieures à 30 Gy
par semaine et sont fréquentes au niveau des plis
inguinaux et fessier, du sillon mammaire. Plus le
rayonnement est de haute énergie (cobalt, accélérateur), moins elles sont importantes.
En cours d’irradiation, il faut éviter de porter des
vêtements trop serrés, des sous-vêtements en matière synthétique. On doit aussi éviter l’application
de toute solution alcoolique au niveau de la peau,
que ce soit en lotion (après-rasage) ou en parfum.
Le savon de Marseille est à préférer. Il convient
également d’éviter l’utilisation d’adhésifs sur des
zones irradiées et, cela va de soi, l’exposition solaire. Les pommades et crèmes, qui favorisent la
macération, irritent, et sont donc à bannir.
Plus gênantes, au point de causer un arrêt de la
radiothérapie, les complications muqueuses peuvent provoquer une mucite oropharyngée débutant par une hypersalivation. Elle est vite douloureuse, avec une dysphagie et le développement
d’un érythème avec enduit purulent.
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Professions Santé Infirmier Infirmière - No 38 - juin-juillet 2002
En cas d’irradiation médiastinale, une œsophagite est à craindre contre laquelle sont efficaces
les antisécrétoires, les pansements, voire si besoin, les anesthésiques locaux.
Diarrhée et vomissements sont possibles dans les
minutes mais aussi les heures qui suivent l’irradiation. Dans ce cas, il faut peser le malade pour
apprécier le retentissement du traitement et
conseiller préventivement un régime pauvre en
résidus, en graisses et en laitages. Un ulcère gastrique aigu comme un syndrome occlusif imposant l’arrêt de tout traitement peuvent se déclarer. En cas d’irradiation pelvienne, une cystite ou
une surinfection microbienne vésicale sont à
craindre. De même, une rectite avec ténesmes
fréquents et écoulements glaireux est pénible,
nécessitant des lavements aux corticoïdes et à la
vitamine A. En cas d’irradiation de métastases
osseuses, on peut observer, au début du traitement, une exacerbation des douleurs. Pendant
les huit premiers jours critiques, il est alors nécessaire d’accentuer les doses d’antalgiques. En
fonction du volume irradié, on doit, par une formule sanguine hebdomadaire, détecter une atteinte hématologique toujours possible. En cas
d’irradiation céphalique, un œdème cérébral est
prévenu par la prescription de corticoïdes. Des
complications tardives sont souvent définitives
comme une atteinte du goût, de la salive. Préventivement, un bilan stomatologique préalable
est indispensable avec, si nécessaire, les avulsions
dentaires. Le port de gouttières fluorées est fortement recommandé. Pouvant survenir trois ans
après l’irradiation, la myélite commence par des
troubles sensitifs des extrémités et peut se compléter jusqu’à la paraplégie spasmodique. L’atteinte radique du cristallin est cause de cataracte
(utiliser des caches oculaires en plomb). Une fibrose pulmonaire postradique est possible, de
même qu’une médiastinite, une péricardite ou encore une hypothyroïdie. L’observation et l’écoute
du patient peuvent aider à détecter à temps ces
pathologies douloureuses qui l’affaiblissent.
J.B.
Le ganglion sentinelle
Comme pour les cancers du sein ou le mélanome,
en cas de cancer colique, l’envahissement d’un
ganglion sentinelle (N+) justifie la prescription
d’une chimiothérapie adjuvante.
L’atteinte du premier relais lymphatique entraînera,
pour le sein, un curage ganglionnaire chirurgical.
Cette notion permet d’optimiser la recherche
essentielle de micrométastases.
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