65
Médecine vasculaire plus
Le traitement médicamenteux n’a pas encore trouvé
sa véritable place dans la prise en charge de l’obésité,
car les médicaments de l’obésité ont longtemps souf-
fert de la mauvaise réputation des amphétamines et de
leurs dérivés. De plus, jusqu’à une période récente,
peu de molécules étaient disponibles. L’Organisation
mondiale de la santé a réuni un groupe de travail,
l’International Obesity Task Force (IOTF) (1) qui a
publié en 1998 un guide de bonnes pratiques cli-
niques. Parallèlement, de nombreux groupes d’experts
ont proposé des recommandations. Les premières
publiées ont été celles des Écossais, d’autres ont suivi
en France, au Royaume-Uni et aux États-Unis. Le but
de cette revue générale n’est pas de présenter dans le
détail les médicaments de l’obésité, mais plutôt de
proposer un schéma thérapeutique cohérent, en plein
accord avec les recommandations françaises, récem-
ment validées par l’ANAES (Agence nationale d’ac-
créditation et d’évaluation en santé) (2).
Les grands principes
Une aide thérapeutique
Le traitement médicamenteux “ne guérit” pas
l’obésité, qui est une maladie chronique à la phy-
siopathologie si complexe qu’on en parle volontiers
au pluriel pour mettre en exergue cette caractéris-
tique. La prise en charge ne peut donc se résumer à
la prescription d’une “pilule miracle” (3). En
revanche, les médicaments de l’obésité sont utiles
pour aider le patient à adhérer plus facilement aux
mesures thérapeutiques de base (diététique et exer-
cice physique) et à modifier durablement ses
conduites alimentaires (4).
Perte de poids et stabilisation pondérale
Il est essentiel d’expliquer au sujet obèse que la prise
en charge de sa maladie comporte schématiquement
une phase d’amaigrissement et une phase de stabilisa-
tion pondérale. Que le traitement soit diététique, médi-
camenteux ou même chirurgical, la perte de poids
diminue avec le temps (figure 1, partie A). La courbe
pondérale se stabilise en plateau quand un nouvel état
d’équilibre du bilan énergétique est atteint (figure 1,
partie B).
Le médicament est habituellement prescrit pour obte-
nir une certaine perte de poids en quelques semaines.
Mais l’expérience montre que son principal intérêt est
de faciliter la
stabilité pon-
dérale après
cette phase
initiale (5-8).
En effet, spon-
tanément, la
plupart des pa-
tients repren-
nent du poids,
plus ou moins
rapidement. Il
faut bien cons-
tater que c’est
l’évolution
naturelle de la
maladie ! De
nombreux
mécanismes
biologiques ou
psycholo-
giques tendent à ramener le poids (ou la masse grasse)
à sa “valeur de consigne” selon la théorie du pondéro-
stat. “Ne pas regrossir” est un objectif difficile, qui
implique la mise en place de stratégies thérapeutiques
multiples.
L’objectif pondéral
Aborder avec le patient le problème de l’objectif pon-
déral du traitement est souvent délicat ! L’opinion du
soignant et celle du soigné sont habituellement très dif-
férentes. La règle générale selon l’IOTF est d’envisa-
ger une perte de poids de 5 à 15 % par rapport au poids
initial (1). On ne parle plus de “poids idéal” ou de
“poids normal”, mais plutôt de poids “raisonnable”,
c’est-à-dire d’un objectif que l’on peut atteindre au prix
de contraintes acceptables et qui a suffisamment d’ef-
fets bénéfiques sur la santé. Une diminution supérieu-
re à 10 % est souvent difficile à obtenir. Elle est pour-
tant considérée comme très insuffisante par de nom-
breux patients, qui espèrent en moyenne une baisse de
20 % (données personnelles) ! En réalité, maintenir le
poids à sa valeur actuelle, c’est-à-dire éviter l’aggrava-
tion de l’obésité, est déjà un objectif d’un intérêt cer-
tain pour de nombreux patients, dont l’obésité est
en phase dynamique.
La notion de “patients répondeurs”
Les bons répondeurs à un traitement médicamenteux
Le Courrier de Médecine Vasculaire (2), n° 1, janvier, février, mars 2002
* Service de diabétolo-
gie, maladies métabo-
liques, nutrition, hôpital
Jeanne-d’Arc, CHU de
Nancy, Toul.
Médecine vasculaire plus
Le traitement pharmacologique des obésités :
données actuelles et perspectives
O. Ziegler*, M. Floriot*, P. Böhme*, D. Quilliot*
POIDS
(kg)
160
140
120
100
80
60
40
20
0
- 3 0[3-6] 912
TEMPS (mois)
PLATEAU PONDÉRAL
ABCD
DURÉE DU TRAITEMENT
Figure 1. Interprétation de l’effet d’un médicament de l’obésité. A : le
médicament facilite la perte de poids qui est d’autant plus rapide que le
déficit énergétique est plus important (poids ou glycémie) ; B : la phase
de plateau, un nouvel équilibre est atteint mais le poids n’est habituelle-
ment pas dans la zone normale ; C : le plateau se prolonge tant que le
médicament est pris ; D : échappement à l’arrêt du traitement.
Article paru dans Métabolismes-Hormones-Nutrition vol. VI, n°2, mars-avril 2002
66
Le Courrier de Médecine Vasculaire (2), n° 2, avril/mai/juin 2002
Médecine vasculaire plus
Médecine vasculaire plus
de l’obésité sont, par consensus, les sujets qui perdent
à terme (c’est-à-dire avec un recul d’un an au moins) 5
à 10 % de leur poids initial. Curieusement, il n’a jamais
été possible de prévoir la réponse thérapeutique a prio-
ri, quels que soient les critères utilisés. En revanche,
plusieurs études suggèrent que la perte de poids au
cours des premiers mois a une bonne valeur prédictive.
Un délai de 1 à 3 mois semble raisonnable pour recon-
naître les répondeurs. Quel seuil pondéral faut-il choi-
sir ? Scheen et Lefebvre (9) proposent une diminution
de 2 kg au bout de 4 à 8 semaines. Il faut cependant
tenir compte de la spécificité de chaque médicament :
le critère “perte de 2 kg le premier mois” a une bonne
sensibilité et une bonne spécificité dans les études sur
la sibutramine ; il en va de même pour le critère “perte
de 5 kg pendant les trois premiers mois” lorsqu’il s’agit
de l’orlistat.
En pratique, nous considérons qu’un amaigrisse-
ment de plus de 5 % au cours des 3 à 6 premiers
mois, période diététique initiale incluse, permet
d’envisager la poursuite du traitement médicamen-
teux (figure 2). Si les résultats sont insuffisants, il
faut interrompre la prescription, car le rapport
bénéfices/risques peut devenir défavorable, le
patient pouvant souffrir des effets indésirables du
médicament sans en avoir les avantages.
La reprise de poids à l’arrêt du médicament
Une reprise de poids est habituellement constatée à l’ar-
rêt du traitement pharmacologique (figure 1, parties C
et D). Ce fait ne doit pas être interprété comme un échec
thérapeutique mais, au contraire, comme une preuve
d’efficacité ; selon l’adage bien connu, “un médicament
n’est efficace que si le patient le prend”. En conséquen-
ce, il faut préparer le sujet à cette éventualité en l’aidant
à modifier durablement son comportement alimentaire,
son activité physique et, plus généralement, son mode
de vie. C’est là le but essentiel d’un suivi médical régu-
lier lors de la phase de stabilisation.
L’utilisation au long cours
Envisager un traitement de longue durée, comme pour
le diabète ou l’hypertension artérielle est parfaitement
logique, car l’obésité est une maladie chronique, faut-
il le rappeler ? Il n’a pas été constaté d’échappement
sous traitement, pour la dexfenfluramine, l’orlistat et la
sibutramine, comme cela a pu être le cas pour la
fluoxétine. Mais, habituellement, le recul ne dépasse
pas un an. De rares études dont la durée est plus longue
(de 2 ans ou plus) semblent le confirmer. Il existe tou-
tefois une petite tendance à la reprise pondérale dans
l’étude multicentrique européenne sur l’orlistat (5) et
dans l’étude STORM sur la sibutramine (8), qui s’ex-
plique probablement par une certaine lassitude des
patients et par une diminution de leur adhésion aux
mesures diététiques. La durée optimale du traitement
médicamenteux n’est donc pas encore clairement éta-
blie. Par prudence, on est amené à ne pas dépasser
deux ans dans l’état actuel des connaissances sur le
rapport bénéfices/ risques des médicaments de l’obési-
té. Mais ce principe de précaution est-il appliqué aux
autres médicaments ?
La durée minimale n’est pas plus facile à déterminer !
Un traitement d’un an a l’avantage de permettre de
confronter le sujet aux difficultés posées par les mul-
tiples événements de la vie familiale et sociale : fêtes
de fin d’année, anniversaires, voyages, vacances… Les
traitements de courte durée n’ont que peu d’intérêt,
sauf cas particulier, la reprise de poids étant rapide et
quasi inéluctable à l’arrêt du traitement.
Que faire en cas de rechute, lorsque la courbe pondé-
rale est à nouveau ascendante ? Les experts britan-
niques recommandent d’interrompre le traitement
pharmacologique si le poids du sujet augmente de plus
de 3 kg, car ils considèrent que le rapport béné-
fices/risques n’est plus favorable (10).
La question d’un traitement intermittent mérite d’être
posée. Prescrire un médicament de l’obésité pendant
quelques mois, puis proposer une fenêtre thérapeutique
et la reprise du médicament en cas d’évolution pondé-
rale défavorable est une stratégie thérapeutique qui
peut paraître intéressante. Elle a été testée sans beau-
coup de succès par Weintraub et al. (11) : la majorité
des sujets reprennent du poids dans les 3 mois qui sui-
vent l’arrêt du médicament. Cette option thérapeutique
favorise probablement la survenue d’oscillations pon-
dérales (“syndrome du yoyo”). Il semble donc préfé-
rable d’être prudent vis-à-vis de cette stratégie, même
si une étude récente semble plus convaincante (12).
Classes thérapeutiques
L’IOTF classe les médicaments de l’obésité en deux
catégories en fonction de leur action périphérique ou
centrale. Le choix thérapeutique est réduit en France
car seuls l’orlistat et la sibutramine sont disponibles
MESURES HYGIÉNODIÉTÉTIQUES SEULES
3 à 6 mois
prise en
charge
Échec :
perte de poids
< 5-10 %
Indication ?
Médicament
de
l'obésité
Échec :
perte de poids
< 5 %
Succès :
perte de poids
> 5 % Si reprise
de poids
Poursuite
du traitement
Évaluation
du rapport
bénéfices/
risques
Arrêt du
traitement
TRAITEMENT PHARMACOLOGIQUE DE L'OBÉSITÉ
Au maximum 2 ans
Sélection des répondeurs
12 semaines
Figure 2. Traitement pharmacologique de l’obésité : proposition d’arbre décision-
nel. La perte de poids est évaluée à partir du poids initial mesuré au début de la prise
en charge.
67
actuellement, les fenfluramines ayant été retirées de la
vente en 1997.
Orlistat
L’orlistat ou tétrahydrolipstatine (Xenical®) a un effet
inhibiteur puissant sur les lipases gastriques et pancréa-
tiques en se fixant sur un résidu sérine du site actif de
ces enzymes (13). La molécule agit dans la lumière du
tube digestif en diminuant l’hydrolyse des triglycérides
alimentaires. Il en résulte une malabsorption des lipides
qui est dose-dépendante. Des travaux ont montré que
l’orlistat pouvait entraîner une baisse de l’absorption
des lipides de 30 % et une stéatorrhée de 20 à 30 g/j
(avec un maximum de 50 g/j) (13). Dans les conditions
d’utilisation habituelle, le médicament crée donc un
déficit énergétique d’environ 200 à 300 kcal/j par rap-
port au régime seul. L’orlistat est peu absorbé par la
muqueuse intestinale et son élimination est essentielle-
ment fécale.
Modalités de prescription
La dose optimale est de 120 mg trois fois par jour. La
gélule peut être prise avant ou pendant le repas et jus-
qu’à 2 heures après. Il est recommandé de suivre un
régime hypocalorique et hypolipidique apportant
moins de 30 % des calories sous forme de lipides, pour
assurer un déficit énergétique suffisant et pour aug-
menter la compliance. En effet, les effets indésirables
sont dominés par la stéatorrhée et dépendent directe-
ment de la dose du produit et de la quantité de lipides
ingérés. Ces effets gastro-intestinaux (inconfort diges-
tif, selles grasses, selles impérieuses, incontinence
fécale, diarrhée, douleurs abdominales, etc.) sont en
général transitoires et sont rarement à l’origine d’un
arrêt du traitement. Cela prouve que les sujets sont, la
plupart du temps, capables d’adapter leur régime ali-
mentaire. En cela, l’orlistat a un effet régulateur favo-
rable sur le comportement alimentaire. Certains ont
parlé d’“effet antabuse” ou de “rééducation diété-
tique”.
L’orlistat est susceptible de provoquer une malabsorp-
tion des vitamines liposolubles (vitamines A, D, E et
K) et des caroténoïdes. Leur taux plasmatique peut
diminuer, notamment en ce qui concerne la vitamine D
et la vitamine E dans certaines études (5, 14), tout en
restant dans les limites de la normale. Il faut donc
veiller à ce que les apports alimentaires de ces vita-
mines soient suffisants, sous la forme de fruits, de
légumes et d’huiles végétales.
Sibutramine
La sibutramine (Sibutral®) est un anorexigène, dérivé
de la phényléthylamine, qui a à la fois une action nora-
drénergique et sérotoninergique (15). En effet, elle
diminue la “recapture” de la sérotonine et de la nora-
drénaline au niveau des terminaisons nerveuses, sans
affecter la libération de ces neurotransmetteurs. Chez
les rongeurs, la sibutramine inhibe la prise alimentaire
en augmentant la satiété et stimule la thermogenèse
(15). Il s’agit d’une activation centrale du système
sympathique dont les efférences stimulent les récep-
teurs bêta 3-adrénergiques du tissu adipeux brun. Chez
l’homme, l’action anorexigène semble prédominante,
même si une petite augmentation de la thermogenèse a
été décrite.
La sibutramine est bien absorbée par voie orale. Elle
est métabolisée lors du premier passage hépatique. Ses
deux dérivés M1 et M2, qui ont une action pharmaco-
logique, ont une demi-vie d’élimination de 14 à 16
heures et sont éliminés par voie hépatique. Les autres
métabolites, inactifs, sont excrétés principalement par
le rein.
Modalités de prescription
Le médicament peut être donné en une prise. L’effet est
dose-dépendant de 5 à 30 mg/j. La dose optimale est de
10 à 15 mg/j. La tolérance clinique est bonne (15). Les
effets secondaires centraux sont relativement banaux :
sécheresse de la bouche, nausées, constipation, fatigue,
sensations vertigineuses, insomnie, etc. En revanche, il
faut bien connaître les effets cardiovasculaires de type
adrénergique. La tension artérielle augmente en
moyenne de 1 à 3 mmHg et la fréquence cardiaque de
3 à 6 battements par minute. Il est donc nécessaire de
mesurer régulièrement ces paramètres. La sibutramine
est contre-indiquée en cas d’hypertension artérielle
mal contrôlée, d’antécédent d’accident vasculaire
cérébral ou d’insuffisance coronaire avérée et, par
conséquent, chez les sujets à haut risque vasculaire.
Effets bénéfiques du traitement
pharmacologique
Perte de poids
Les traitements diététiques sont souvent décevants à
moyen et, plus encore, à long terme, il faut bien en
convenir ! On admet que 30 à 60 % des sujets repren-
nent du poids au cours de la première année et que ce
taux atteint 95 % au bout de 5 ans. Dans le groupe pla-
cebo des grandes études pharmacologiques, la perte de
poids est en moyenne de 4 à 5 kg au bout d’un an (1,8
à 8 kg selon les moyens mis en œuvre). Les patients
traités par un médicament de l’obésité perdent en
moyenne 0,20 à 0,25 kg de plus par semaine que les
patients traités par le placebo au cours des 6 premiers
mois du suivi (16). Mais seules les études en double
aveugle, d’une durée minimale d’un an sont véritable-
ment intéressantes. La perte de poids est en moyenne
de 9 à 10 kg (4,8 à 10,9 kg) sous dexfenfluramine,
sibutramine ou orlistat, pour des sujets dont le poids de
départ est de 90 à 100 kg (contre 6 kg environ pour
Médecine vasculaire plus
Médecine vasculaire plus
les sujets sous placebo) (9). Le pourcentage de
patients dont la perte de poids dépasse 10 % du
poids initial est le critère de succès thérapeutique le
plus pertinent. Toutes les études sont concordantes
sur ce point (figure 3) : les médicaments de l’obé-
sité sont deux à trois fois plus efficaces que le pla-
cebo dans les analyses en intention de traiter, soit
environ 30 % de bons résultats (20 à 39 %), contre
15 % sous placebo (7 à 18 %) (9).
Effets sur les comorbidités
La perte de poids a un effet bénéfique significatif sur
les comorbidités de l’obésité. Des études à court ou
moyen terme ont montré qu’une perte pondérale de 10
% entraîne une baisse de 10 mmHg de la pression arté-
rielle systolique, de 20 mmHg de la pression artérielle
diastolique, de 10 % du cholestérol total plasmatique,
de 15 % du cholestérol-LDL, de 30 % des triglycérides
et une augmentation de 8 % du cholestérol-HDL. De
plus, certains médicaments de l’obésité pourraient
avoir une action antidiabétique ou hypolipémiante,
indépendante de leur effet sur le poids. À l’évidence, il
s’agit là d’un avantage supplémentaire pour justifier
leur prescription au long cours. Ainsi, l’orlistat dimi-
nue le cholestérol-LDL de 5 à 10 % (5, 13).
Qualité de vie
Améliorer la qualité de vie est désormais un objectif
prioritaire du traitement de l’obésité. Seule la chirurgie
de réduction gastrique a fait réellement la preuve de
son efficacité dans ce domaine, car elle peut entraîner
une perte de poids de 20 à 40 kg chez des sujets atteints
d’obésité massive. L’effet d’un amaigrissement plus
modeste sur la qualité de vie est actuellement à l’étude,
les premiers résultats sont encourageants (17).
Effet sur la mortalité
L’effet du traitement pharmacologique de l’obésité sur
le risque de mortalité n’a pas été étudié. Un tel essai
thérapeutique serait difficile à réaliser pour des raisons
à la fois financières et méthodologiques.
La prescription
Indications
Le traitement médicamenteux ne peut être envisagé que
pour les patients véritablement obèses (IMC 30 kg/m2)
pour lesquels le traitement hygiéno-diététique a donné
des résultats insuffisants au bout de 3 à 6 mois (2).
Il peut être également indiqué pour des patients en sur-
poids (IMC 25 kg/m2) ayant un risque élevé de
morbi-mortalité lié à des pathologies comme le diabè-
te de type 2, les dyslipidémies, l’hypertension artériel-
le ou le syndrome des apnées du sommeil, pour les-
quelles l’obésité joue un rôle pathogénique détermi-
nant (2). L’appréciation du seuil de risque varie selon
les pays ; les autorités américaines ont choisi un
IMC 27 kg/m2et les experts français un IMC
25 kg/m2. Il est amusant de constater que, dans cette
situation, l’orlistat a une AMM lorsque l’IMC est
28 kg/m2et la sibutramine pour un IMC de 27 kg/m2.
Le syndrome X d’insulino-résistance, ou syndrome
métabolique, qui associe intolérance au glucose, dysli-
pidémie, hypertension artérielle et obésité androïde,
pourrait être une bonne indication, car la perte de poids
en constitue le traitement le plus logique. La préven-
tion du diabète de type 2 serait également une cible de
choix (18).
Seules les indications médicales peuvent être retenues,
ce qui exclut l’usage de ces médicaments chez des
sujets sans excès de poids, à des fins uniquement esthé-
tiques. L’utilisation des médicaments n’est pas recom-
mandée chez l’enfant car les données sont insuffi-
santes quant à leurs effets pendant la croissance et la
puberté, ou quant à leur action à long terme sur le com-
portement alimentaire. Mais des études sont en cours
dans les formes sévères.
Choix du médicament
Le choix thérapeutique repose sur de multiples cri-
tères, dont les principaux sont la disponibilité (en
France, l’AMM), le coût financier, l’efficacité, les
effets secondaires, mais surtout l’expérience du
prescripteur, car il n’existe pas de consensus inter-
national à ce sujet. Certains proposent de choisir un
médicament d’action centrale, comme la sibutrami-
ne, chez les patients qui reconnaissent avoir du mal
à contrôler leurs apports alimentaires ; l’orlistat
peut sembler plus intéressant chez les patients forts
consommateurs de lipides que chez ceux suivant
déjà un régime hypolipidique sévère. Mais ces
arguments sont relatifs, si l’on considère la diffi-
culté habituelle à estimer les apports alimentaires
des personnes obèses.
68
Médecine vasculaire plus
Médecine vasculaire plus
Le Courrier de Médecine Vasculaire (2), n° 2, avril/mai/juin 2002
Placebo Placebo
Dexfenfluramine Orlistat
Placebo
Sibutramine
15 mg
10 mg
360 mg
360 mg
360 mg
30 mg
Pourcentage de patients
50
40
30
20
10
0
n = 418 404 114 114 224 668 340 343
17 17 17 18
35
7
28 29
39
20
34
163 161 161
Figure 2. Évaluation de l’efficacité de la dexfenfluramine, de l’orlistat et de la sibu-
tramine selon Scheen et Lefebvre (9). Le critère retenu est le pourcentage de patients
obèses ayant perdu plus de 10 % de leur poids initial dans une étude en double
aveugle ayant duré un an. L’analyse est en “intention de traiter”, pour tenir compte
des sorties d’étude. Le nombre de patients étudiés dans chaque groupe et la posolo-
gie du médicament sont indiqués dans la figure.
69
L’absence de réponse à une classe thérapeutique peut
amener à proposer une molécule d’une autre classe.
L’association d’un médicament d’action centrale à un
deuxième d’action périphérique est logique en théorie,
mais non recommandée en pratique, faute de données.
Il faut rappeler dans ce domaine que l’association de
deux anorexigènes est interdite en France.
Cadre thérapeutique
Le traitement médicamenteux ne constitue qu’un
moyen thérapeutique parmi d’autres, dans une stratégie
de prise en charge à long terme, adaptée à chaque
patient. Il fait donc partie d’un projet thérapeutique qui
doit clairement définir les objectifs recherchés et le
“calendrier” de la perte de poids. Ce projet est ajusté à
chaque consultation, en fonction des résultats obtenus,
des attentes du patient, de ses propres conceptions vis-
à-vis de sa santé (croyances de santé), des “efforts”
qu’il est capable de faire, ainsi que de l’expérience du
médecin. Le carnet de santé pourrait en être le support.
Il importe, en effet, que l’évolution du poids et celle
des facteurs de risque vasculaire soient relevées de
même que les difficultés du patient. Si un médecin spé-
cialiste est à l’origine de la première prescription médi-
camenteuse, des informations précises devraient être
transmises au médecin traitant sur les effets attendus,
les complications éventuelles, les paramètres à sur-
veiller, etc. Une fois l’objectif atteint, il est indispen-
sable qu’un programme de soutien soit mis en place
pour éviter la “rechute”. Il comporte des mesures
simples : pesée régulière du patient au cabinet médical
par le médecin traitant (tous les 3 mois par exemple),
un entretien diététique plusieurs fois par an, des
conseils pour augmenter l’activité physique dans la vie
quotidienne, une analyse du comportement alimentai-
re dans les situations de stress, etc.
Évaluation du rapport bénéfices/risques
La réalisation d’études de longue durée reste indispen-
sable, afin de mieux évaluer, d’une part, l’efficacité sur
le poids et les comorbidités et, d’autre part, les risques
des médicaments de l’obésité, l’évaluation de ce rap-
port bénéfices/risques étant une préoccupation
constante (16). Pour les molécules utilisées en France
(orlistat et sibutramine), ce rapport est considéré
comme bon. Mais les effets de la sibutramine sur la fré-
quence cardiaque et la tension artérielle méritent d’être
soigneusement évalués, en particulier chez les patients
à risque cardiovasculaire avéré. En ce qui concerne
l’orlistat, il est important de surveiller à long terme le
statut vitaminique, compte tenu des multiples fonc-
tions cellulaires des vitamines liposolubles et des caro-
ténoïdes en particulier.
Perspectives
De nouvelles molécules seront disponibles pour le cli-
nicien dans les années à venir, car les connaissances
scientifiques ont beaucoup évolué au cours des années
1990 dans les domaines de la neurobiologie du com-
portement alimentaire, du métabolisme de l’adipocyte
ou du métabolisme énergétique (19). Il sera alors pos-
sible de choisir pour chaque patient le médicament le
plus adapté en fonction de son profil d’action sur la
prise alimentaire (faim, satiété, rassasiement, impulsi-
vité, dépendance, etc.), le métabolisme (absorption
intestinale, stockage des nutriments, etc.) et sur les
dépenses énergétiques (oxydation des acides gras, ren-
dement métabolique, etc.).
Nous prendrons deux exemples. Augmenter les
dépenses énergétiques en “brûlant” les acides gras au
niveau des muscles (via la protéine découplante UCP
3) ou créer un petit gaspillage dans certaines voies
métaboliques permettrait d’équilibrer plus facilement
le bilan énergétique. Modifier les signaux d’adiposité
(hormones ou neuromédiateurs qui renseignent le
centre sur les réserves de la périphérie, comme par
exemple l’insuline ou la leptine) ou leurs actions sur le
cerveau donnerait la possibilité de régler le pondérostat
à une valeur plus basse et d’éviter les rechutes.
Conclusion
L’obésité est désormais reconnue comme une maladie,
le fait mérite d’être souligné, car elle peut mettre en
cause le bien-être, au sens large, des patients. Il est
donc normal que le traitement pharmacologique de
l’obésité soit considéré comme un traitement comme
les autres, par les médecins et par les malades.
Les “bonnes pratiques cliniques” ont été définies au
plan international et adaptées à la situation française en
1998. La prescription médicamenteuse s’intègre dans
un projet thérapeutique qui prend en compte l’en-
semble des problèmes, qu’ils soient somatiques, psy-
chologiques ou sociaux. Cette démarche n’est pas faci-
le pour le médecin qui doit analyser et comprendre le
comportement de son patient et le contexte dans lequel
il vit. Elle est difficile aussi pour le patient, qui est
amené à remettre en cause son mode de vie.
Le coût financier, qui est totalement à la charge du
patient, reste malheureusement en France un problème
majeur. Bien des patients en surpoids qui pourraient
bénéficier d’un tel traitement – car ils sont diabétiques
ou hypertendus – ne peuvent manifestement pas sup-
porter longtemps cette charge financière. Il y a là
une réelle injustice…
Médecine vasculaire plus
Médecine vasculaire plus
Les références sont disponibles auprès de la rédaction de la revue :
DaTeBe, Brigitte Hulin, 62-64, rue Jean-Jaurès, 92800 Puteaux.
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