Article paru dans Métabolismes-Hormones-Nutrition vol. VI, n°2, mars-avril 2002 Le traitement pharmacologique des obésités : données actuelles et perspectives O. Ziegler*, M. Floriot*, P. Böhme*, D. Quilliot* Le traitement médicamenteux n’a pas encore trouvé sa véritable place dans la prise en charge de l’obésité, car les médicaments de l’obésité ont longtemps souffert de la mauvaise réputation des amphétamines et de leurs dérivés. De plus, jusqu’à une période récente, peu de molécules étaient disponibles. L’Organisation mondiale de la santé a réuni un groupe de travail, l’International Obesity Task Force (IOTF) (1) qui a publié en 1998 un guide de bonnes pratiques cliniques. Parallèlement, de nombreux groupes d’experts ont proposé des recommandations. Les premières publiées ont été celles des Écossais, d’autres ont suivi en France, au Royaume-Uni et aux États-Unis. Le but de cette revue générale n’est pas de présenter dans le détail les médicaments de l’obésité, mais plutôt de proposer un schéma thérapeutique cohérent, en plein accord avec les recommandations françaises, récemment validées par l’ANAES (Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé) (2). Les grands principes Une aide thérapeutique Le traitement médicamenteux “ne guérit” pas l’obésité, qui est une maladie chronique à la physiopathologie si complexe qu’on en parle volontiers au pluriel pour mettre en exergue cette caractéristique. La prise en charge ne peut donc se résumer à la prescription d’une “pilule miracle” (3). En revanche, les médicaments de l’obésité sont utiles pour aider le patient à adhérer plus facilement aux mesures thérapeutiques de base (diététique et exercice physique) et à modifier durablement ses conduites alimentaires (4). Perte de poids et stabilisation pondérale Il est essentiel d’expliquer au sujet obèse que la prise en charge de sa maladie comporte schématiquement une phase d’amaigrissement et une phase de stabilisation pondérale. Que le traitement soit diététique, médicamenteux ou même chirurgical, la perte de poids diminue avec le temps (figure 1, partie A). La courbe pondérale se stabilise en plateau quand un nouvel état d’équilibre du bilan énergétique est atteint (figure 1, partie B). Le médicament est habituellement prescrit pour obtenir une certaine perte de poids en quelques semaines. Mais l’expérience montre que son principal intérêt est POIDS de faciliter la stabilité pon- 160 (kg) dérale après 140 cette phase 120 initiale (5-8). PLATEAU PONDÉRAL En effet, spon100 tanément, la 80 plupart des paD C A B 60 tients repren40 nent du poids, plus ou moins 20 DURÉE DU TRAITEMENT rapidement. Il 0 faut bien cons12 0 -3 9 [3-6] tater que c’est TEMPS (mois) l’évolution naturelle de la Figure 1. Interprétation de l’effet d’un médicament de l’obésité. A : le maladie ! De médicament facilite la perte de poids qui est d’autant plus rapide que le déficit énergétique est plus important (poids ou glycémie) ; B : la phase n o m b r e u x de plateau, un nouvel équilibre est atteint mais le poids n’est habituellemécanismes ment pas dans la zone normale ; C : le plateau se prolonge tant que le biologiques ou médicament est pris ; D : échappement à l’arrêt du traitement. psychologiques tendent à ramener le poids (ou la masse grasse) à sa “valeur de consigne” selon la théorie du pondérostat. “Ne pas regrossir” est un objectif difficile, qui implique la mise en place de stratégies thérapeutiques multiples. Médecine vasculaire plus Médecine vasculaire plus L’objectif pondéral Aborder avec le patient le problème de l’objectif pondéral du traitement est souvent délicat ! L’opinion du soignant et celle du soigné sont habituellement très différentes. La règle générale selon l’IOTF est d’envisager une perte de poids de 5 à 15 % par rapport au poids initial (1). On ne parle plus de “poids idéal” ou de “poids normal”, mais plutôt de poids “raisonnable”, c’est-à-dire d’un objectif que l’on peut atteindre au prix de contraintes acceptables et qui a suffisamment d’effets bénéfiques sur la santé. Une diminution supérieure à 10 % est souvent difficile à obtenir. Elle est pourtant considérée comme très insuffisante par de nombreux patients, qui espèrent en moyenne une baisse de 20 % (données personnelles) ! En réalité, maintenir le poids à sa valeur actuelle, c’est-à-dire éviter l’aggravation de l’obésité, est déjà un objectif d’un intérêt certain pour de nombreux patients, dont l’obésité est en phase dynamique. La notion de “patients répondeurs” Les bons répondeurs à un traitement médicamenteux Le Courrier de Médecine Vasculaire (2), n° 1, janvier, février, mars 2002 * Service de diabétologie, maladies métaboliques, nutrition, hôpital Jeanne-d’Arc, CHU de Nancy, Toul. 65 Médecine vasculaire plus Médecine vasculaire plus de l’obésité sont, par consensus, les sujets qui perdent à terme (c’est-à-dire avec un recul d’un an au moins) 5 à 10 % de leur poids initial. Curieusement, il n’a jamais été possible de prévoir la réponse thérapeutique a priori, quels que soient les critères utilisés. En revanche, plusieurs études suggèrent que la perte de poids au cours des premiers mois a une bonne valeur prédictive. Un délai de 1 à 3 mois semble raisonnable pour reconnaître les répondeurs. Quel seuil pondéral faut-il choisir ? Scheen et Lefebvre (9) proposent une diminution de 2 kg au bout de 4 à 8 semaines. Il faut cependant tenir compte de la spécificité de chaque médicament : le critère “perte de 2 kg le premier mois” a une bonne sensibilité et une bonne spécificité dans les études sur la sibutramine ; il en va de même pour le critère “perte de 5 kg pendant les trois premiers mois” lorsqu’il s’agit de l’orlistat. En pratique, nous considérons qu’un amaigrissement de plus de 5 % au cours des 3 à 6 premiers mois, période diététique initiale incluse, permet d’envisager la poursuite du traitement médicamenteux (figure 2). Si les résultats sont insuffisants, il faut interrompre la prescription, car le rapport bénéfices/risques peut devenir défavorable, le patient pouvant souffrir des effets indésirables du médicament sans en avoir les avantages. La reprise de poids à l’arrêt du médicament Une reprise de poids est habituellement constatée à l’arrêt du traitement pharmacologique (figure 1, parties C et D). Ce fait ne doit pas être interprété comme un échec thérapeutique mais, au contraire, comme une preuve d’efficacité ; selon l’adage bien connu, “un médicament n’est efficace que si le patient le prend”. En conséquence, il faut préparer le sujet à cette éventualité en l’aidant à modifier durablement son comportement alimentaire, son activité physique et, plus généralement, son mode de vie. C’est là le but essentiel d’un suivi médical régulier lors de la phase de stabilisation. TRAITEMENT PHARMACOLOGIQUE DE L'OBÉSITÉ Au maximum 2 ans MESURES HYGIÉNODIÉTÉTIQUES SEULES 3 à 6 mois Succès : perte de poids >5% Indication ? Poursuite du traitement Si reprise de poids prise en charge Échec : perte de poids < 5-10 % Médicament de l'obésité Évaluation du rapport bénéfices/ risques Échec : perte de poids <5% L’utilisation au long cours Envisager un traitement de longue durée, comme pour le diabète ou l’hypertension artérielle est parfaitement logique, car l’obésité est une maladie chronique, fautil le rappeler ? Il n’a pas été constaté d’échappement sous traitement, pour la dexfenfluramine, l’orlistat et la sibutramine, comme cela a pu être le cas pour la fluoxétine. Mais, habituellement, le recul ne dépasse pas un an. De rares études dont la durée est plus longue (de 2 ans ou plus) semblent le confirmer. Il existe toutefois une petite tendance à la reprise pondérale dans l’étude multicentrique européenne sur l’orlistat (5) et dans l’étude STORM sur la sibutramine (8), qui s’explique probablement par une certaine lassitude des patients et par une diminution de leur adhésion aux mesures diététiques. La durée optimale du traitement médicamenteux n’est donc pas encore clairement établie. Par prudence, on est amené à ne pas dépasser deux ans dans l’état actuel des connaissances sur le rapport bénéfices/ risques des médicaments de l’obésité. Mais ce principe de précaution est-il appliqué aux autres médicaments ? La durée minimale n’est pas plus facile à déterminer ! Un traitement d’un an a l’avantage de permettre de confronter le sujet aux difficultés posées par les multiples événements de la vie familiale et sociale : fêtes de fin d’année, anniversaires, voyages, vacances… Les traitements de courte durée n’ont que peu d’intérêt, sauf cas particulier, la reprise de poids étant rapide et quasi inéluctable à l’arrêt du traitement. Que faire en cas de rechute, lorsque la courbe pondérale est à nouveau ascendante ? Les experts britanniques recommandent d’interrompre le traitement pharmacologique si le poids du sujet augmente de plus de 3 kg, car ils considèrent que le rapport bénéfices/risques n’est plus favorable (10). La question d’un traitement intermittent mérite d’être posée. Prescrire un médicament de l’obésité pendant quelques mois, puis proposer une fenêtre thérapeutique et la reprise du médicament en cas d’évolution pondérale défavorable est une stratégie thérapeutique qui peut paraître intéressante. Elle a été testée sans beaucoup de succès par Weintraub et al. (11) : la majorité des sujets reprennent du poids dans les 3 mois qui suivent l’arrêt du médicament. Cette option thérapeutique favorise probablement la survenue d’oscillations pondérales (“syndrome du yoyo”). Il semble donc préférable d’être prudent vis-à-vis de cette stratégie, même si une étude récente semble plus convaincante (12). Arrêt du traitement Classes thérapeutiques Sélection des répondeurs 12 semaines Figure 2. Traitement pharmacologique de l’obésité : proposition d’arbre décisionnel. La perte de poids est évaluée à partir du poids initial mesuré au début de la prise en charge. 66 Le Courrier de Médecine Vasculaire (2), n° 2, avril/mai/juin 2002 L’IOTF classe les médicaments de l’obésité en deux catégories en fonction de leur action périphérique ou centrale. Le choix thérapeutique est réduit en France car seuls l’orlistat et la sibutramine sont disponibles Médecine vasculaire plusM Orlistat L’orlistat ou tétrahydrolipstatine (Xenical®) a un effet inhibiteur puissant sur les lipases gastriques et pancréatiques en se fixant sur un résidu sérine du site actif de ces enzymes (13). La molécule agit dans la lumière du tube digestif en diminuant l’hydrolyse des triglycérides alimentaires. Il en résulte une malabsorption des lipides qui est dose-dépendante. Des travaux ont montré que l’orlistat pouvait entraîner une baisse de l’absorption des lipides de 30 % et une stéatorrhée de 20 à 30 g/j (avec un maximum de 50 g/j) (13). Dans les conditions d’utilisation habituelle, le médicament crée donc un déficit énergétique d’environ 200 à 300 kcal/j par rapport au régime seul. L’orlistat est peu absorbé par la muqueuse intestinale et son élimination est essentiellement fécale. ◗ Modalités de prescription La dose optimale est de 120 mg trois fois par jour. La gélule peut être prise avant ou pendant le repas et jusqu’à 2 heures après. Il est recommandé de suivre un régime hypocalorique et hypolipidique apportant moins de 30 % des calories sous forme de lipides, pour assurer un déficit énergétique suffisant et pour augmenter la compliance. En effet, les effets indésirables sont dominés par la stéatorrhée et dépendent directement de la dose du produit et de la quantité de lipides ingérés. Ces effets gastro-intestinaux (inconfort digestif, selles grasses, selles impérieuses, incontinence fécale, diarrhée, douleurs abdominales, etc.) sont en général transitoires et sont rarement à l’origine d’un arrêt du traitement. Cela prouve que les sujets sont, la plupart du temps, capables d’adapter leur régime alimentaire. En cela, l’orlistat a un effet régulateur favorable sur le comportement alimentaire. Certains ont parlé d’“effet antabuse” ou de “rééducation diététique”. L’orlistat est susceptible de provoquer une malabsorption des vitamines liposolubles (vitamines A, D, E et K) et des caroténoïdes. Leur taux plasmatique peut diminuer, notamment en ce qui concerne la vitamine D et la vitamine E dans certaines études (5, 14), tout en restant dans les limites de la normale. Il faut donc veiller à ce que les apports alimentaires de ces vitamines soient suffisants, sous la forme de fruits, de légumes et d’huiles végétales. Sibutramine La sibutramine (Sibutral®) est un anorexigène, dérivé de la phényléthylamine, qui a à la fois une action noradrénergique et sérotoninergique (15). En effet, elle diminue la “recapture” de la sérotonine et de la noradrénaline au niveau des terminaisons nerveuses, sans affecter la libération de ces neurotransmetteurs. Chez les rongeurs, la sibutramine inhibe la prise alimentaire en augmentant la satiété et stimule la thermogenèse (15). Il s’agit d’une activation centrale du système sympathique dont les efférences stimulent les récepteurs bêta 3-adrénergiques du tissu adipeux brun. Chez l’homme, l’action anorexigène semble prédominante, même si une petite augmentation de la thermogenèse a été décrite. La sibutramine est bien absorbée par voie orale. Elle est métabolisée lors du premier passage hépatique. Ses deux dérivés M1 et M2, qui ont une action pharmacologique, ont une demi-vie d’élimination de 14 à 16 heures et sont éliminés par voie hépatique. Les autres métabolites, inactifs, sont excrétés principalement par le rein. édecine vasculaire plus actuellement, les fenfluramines ayant été retirées de la vente en 1997. ◗ Modalités de prescription Le médicament peut être donné en une prise. L’effet est dose-dépendant de 5 à 30 mg/j. La dose optimale est de 10 à 15 mg/j. La tolérance clinique est bonne (15). Les effets secondaires centraux sont relativement banaux : sécheresse de la bouche, nausées, constipation, fatigue, sensations vertigineuses, insomnie, etc. En revanche, il faut bien connaître les effets cardiovasculaires de type adrénergique. La tension artérielle augmente en moyenne de 1 à 3 mmHg et la fréquence cardiaque de 3 à 6 battements par minute. Il est donc nécessaire de mesurer régulièrement ces paramètres. La sibutramine est contre-indiquée en cas d’hypertension artérielle mal contrôlée, d’antécédent d’accident vasculaire cérébral ou d’insuffisance coronaire avérée et, par conséquent, chez les sujets à haut risque vasculaire. Effets bénéfiques du traitement pharmacologique Perte de poids Les traitements diététiques sont souvent décevants à moyen et, plus encore, à long terme, il faut bien en convenir ! On admet que 30 à 60 % des sujets reprennent du poids au cours de la première année et que ce taux atteint 95 % au bout de 5 ans. Dans le groupe placebo des grandes études pharmacologiques, la perte de poids est en moyenne de 4 à 5 kg au bout d’un an (1,8 à 8 kg selon les moyens mis en œuvre). Les patients traités par un médicament de l’obésité perdent en moyenne 0,20 à 0,25 kg de plus par semaine que les patients traités par le placebo au cours des 6 premiers mois du suivi (16). Mais seules les études en double aveugle, d’une durée minimale d’un an sont véritablement intéressantes. La perte de poids est en moyenne de 9 à 10 kg (4,8 à 10,9 kg) sous dexfenfluramine, sibutramine ou orlistat, pour des sujets dont le poids de départ est de 90 à 100 kg (contre 6 kg environ pour 67 Médecine vasculaire plus Médecine vasculaire plus les sujets sous placebo) (9). Le pourcentage de patients dont la perte de poids dépasse 10 % du poids initial est le critère de succès thérapeutique le plus pertinent. Toutes les études sont concordantes sur ce point (figure 3) : les médicaments de l’obésité sont deux à trois fois plus efficaces que le placebo dans les analyses en intention de traiter, soit environ 30 % de bons résultats (20 à 39 %), contre 15 % sous placebo (7 à 18 %) (9). Effets sur les comorbidités La perte de poids a un effet bénéfique significatif sur les comorbidités de l’obésité. Des études à court ou moyen terme ont montré qu’une perte pondérale de 10 % entraîne une baisse de 10 mmHg de la pression artérielle systolique, de 20 mmHg de la pression artérielle diastolique, de 10 % du cholestérol total plasmatique, de 15 % du cholestérol-LDL, de 30 % des triglycérides et une augmentation de 8 % du cholestérol-HDL. De plus, certains médicaments de l’obésité pourraient avoir une action antidiabétique ou hypolipémiante, indépendante de leur effet sur le poids. À l’évidence, il s’agit là d’un avantage supplémentaire pour justifier leur prescription au long cours. Ainsi, l’orlistat diminue le cholestérol-LDL de 5 à 10 % (5, 13). Qualité de vie Améliorer la qualité de vie est désormais un objectif prioritaire du traitement de l’obésité. Seule la chirurgie de réduction gastrique a fait réellement la preuve de son efficacité dans ce domaine, car elle peut entraîner une perte de poids de 20 à 40 kg chez des sujets atteints d’obésité massive. L’effet d’un amaigrissement plus modeste sur la qualité de vie est actuellement à l’étude, les premiers résultats sont encourageants (17). Effet sur la mortalité L’effet du traitement pharmacologique de l’obésité sur Pourcentage de patients 50 Placebo Placebo Placebo Dexfenfluramine Orlistat Sibutramine 360 mg 40 30 mg 35 30 360 mg 360 mg 28 29 15 mg 39 34 10 mg 20 17 17 17 20 18 10 7 0 n= 418 404 114 114 224 668 340 343 163 161 161 Figure 2. Évaluation de l’efficacité de la dexfenfluramine, de l’orlistat et de la sibutramine selon Scheen et Lefebvre (9). Le critère retenu est le pourcentage de patients obèses ayant perdu plus de 10 % de leur poids initial dans une étude en double aveugle ayant duré un an. L’analyse est en “intention de traiter”, pour tenir compte des sorties d’étude. Le nombre de patients étudiés dans chaque groupe et la posologie du médicament sont indiqués dans la figure. 68 Le Courrier de Médecine Vasculaire (2), n° 2, avril/mai/juin 2002 le risque de mortalité n’a pas été étudié. Un tel essai thérapeutique serait difficile à réaliser pour des raisons à la fois financières et méthodologiques. La prescription Indications Le traitement médicamenteux ne peut être envisagé que pour les patients véritablement obèses (IMC ≥ 30 kg/m2) pour lesquels le traitement hygiéno-diététique a donné des résultats insuffisants au bout de 3 à 6 mois (2). Il peut être également indiqué pour des patients en surpoids (IMC ≥ 25 kg/m2) ayant un risque élevé de morbi-mortalité lié à des pathologies comme le diabète de type 2, les dyslipidémies, l’hypertension artérielle ou le syndrome des apnées du sommeil, pour lesquelles l’obésité joue un rôle pathogénique déterminant (2). L’appréciation du seuil de risque varie selon les pays ; les autorités américaines ont choisi un IMC ≥ 27 kg/m2 et les experts français un IMC ≥ 25 kg/m2. Il est amusant de constater que, dans cette situation, l’orlistat a une AMM lorsque l’IMC est ≥ 28 kg/m2 et la sibutramine pour un IMC de 27 kg/m2. Le syndrome X d’insulino-résistance, ou syndrome métabolique, qui associe intolérance au glucose, dyslipidémie, hypertension artérielle et obésité androïde, pourrait être une bonne indication, car la perte de poids en constitue le traitement le plus logique. La prévention du diabète de type 2 serait également une cible de choix (18). Seules les indications médicales peuvent être retenues, ce qui exclut l’usage de ces médicaments chez des sujets sans excès de poids, à des fins uniquement esthétiques. L’utilisation des médicaments n’est pas recommandée chez l’enfant car les données sont insuffisantes quant à leurs effets pendant la croissance et la puberté, ou quant à leur action à long terme sur le comportement alimentaire. Mais des études sont en cours dans les formes sévères. Choix du médicament Le choix thérapeutique repose sur de multiples critères, dont les principaux sont la disponibilité (en France, l’AMM), le coût financier, l’efficacité, les effets secondaires, mais surtout l’expérience du prescripteur, car il n’existe pas de consensus international à ce sujet. Certains proposent de choisir un médicament d’action centrale, comme la sibutramine, chez les patients qui reconnaissent avoir du mal à contrôler leurs apports alimentaires ; l’orlistat peut sembler plus intéressant chez les patients forts consommateurs de lipides que chez ceux suivant déjà un régime hypolipidique sévère. Mais ces arguments sont relatifs, si l’on considère la difficulté habituelle à estimer les apports alimentaires des personnes obèses. Médecine vasculaire plusM Cadre thérapeutique Le traitement médicamenteux ne constitue qu’un moyen thérapeutique parmi d’autres, dans une stratégie de prise en charge à long terme, adaptée à chaque patient. Il fait donc partie d’un projet thérapeutique qui doit clairement définir les objectifs recherchés et le “calendrier” de la perte de poids. Ce projet est ajusté à chaque consultation, en fonction des résultats obtenus, des attentes du patient, de ses propres conceptions visà-vis de sa santé (croyances de santé), des “efforts” qu’il est capable de faire, ainsi que de l’expérience du médecin. Le carnet de santé pourrait en être le support. Il importe, en effet, que l’évolution du poids et celle des facteurs de risque vasculaire soient relevées de même que les difficultés du patient. Si un médecin spécialiste est à l’origine de la première prescription médicamenteuse, des informations précises devraient être transmises au médecin traitant sur les effets attendus, les complications éventuelles, les paramètres à surveiller, etc. Une fois l’objectif atteint, il est indispensable qu’un programme de soutien soit mis en place pour éviter la “rechute”. Il comporte des mesures simples : pesée régulière du patient au cabinet médical par le médecin traitant (tous les 3 mois par exemple), un entretien diététique plusieurs fois par an, des conseils pour augmenter l’activité physique dans la vie quotidienne, une analyse du comportement alimentaire dans les situations de stress, etc. Évaluation du rapport bénéfices/risques La réalisation d’études de longue durée reste indispensable, afin de mieux évaluer, d’une part, l’efficacité sur le poids et les comorbidités et, d’autre part, les risques des médicaments de l’obésité, l’évaluation de ce rapport bénéfices/risques étant une préoccupation constante (16). Pour les molécules utilisées en France (orlistat et sibutramine), ce rapport est considéré comme bon. Mais les effets de la sibutramine sur la fréquence cardiaque et la tension artérielle méritent d’être soigneusement évalués, en particulier chez les patients à risque cardiovasculaire avéré. En ce qui concerne l’orlistat, il est important de surveiller à long terme le statut vitaminique, compte tenu des multiples fonctions cellulaires des vitamines liposolubles et des caroténoïdes en particulier. Perspectives De nouvelles molécules seront disponibles pour le clinicien dans les années à venir, car les connaissances scientifiques ont beaucoup évolué au cours des années 1990 dans les domaines de la neurobiologie du comportement alimentaire, du métabolisme de l’adipocyte ou du métabolisme énergétique (19). Il sera alors possible de choisir pour chaque patient le médicament le plus adapté en fonction de son profil d’action sur la prise alimentaire (faim, satiété, rassasiement, impulsivité, dépendance, etc.), le métabolisme (absorption intestinale, stockage des nutriments, etc.) et sur les dépenses énergétiques (oxydation des acides gras, rendement métabolique, etc.). Nous prendrons deux exemples. Augmenter les dépenses énergétiques en “brûlant” les acides gras au niveau des muscles (via la protéine découplante UCP 3) ou créer un petit gaspillage dans certaines voies métaboliques permettrait d’équilibrer plus facilement le bilan énergétique. Modifier les signaux d’adiposité (hormones ou neuromédiateurs qui renseignent le centre sur les réserves de la périphérie, comme par exemple l’insuline ou la leptine) ou leurs actions sur le cerveau donnerait la possibilité de régler le pondérostat à une valeur plus basse et d’éviter les rechutes. édecine vasculaire plus L’absence de réponse à une classe thérapeutique peut amener à proposer une molécule d’une autre classe. L’association d’un médicament d’action centrale à un deuxième d’action périphérique est logique en théorie, mais non recommandée en pratique, faute de données. Il faut rappeler dans ce domaine que l’association de deux anorexigènes est interdite en France. Conclusion L’obésité est désormais reconnue comme une maladie, le fait mérite d’être souligné, car elle peut mettre en cause le bien-être, au sens large, des patients. Il est donc normal que le traitement pharmacologique de l’obésité soit considéré comme un traitement comme les autres, par les médecins et par les malades. Les “bonnes pratiques cliniques” ont été définies au plan international et adaptées à la situation française en 1998. La prescription médicamenteuse s’intègre dans un projet thérapeutique qui prend en compte l’ensemble des problèmes, qu’ils soient somatiques, psychologiques ou sociaux. Cette démarche n’est pas facile pour le médecin qui doit analyser et comprendre le comportement de son patient et le contexte dans lequel il vit. Elle est difficile aussi pour le patient, qui est amené à remettre en cause son mode de vie. Le coût financier, qui est totalement à la charge du patient, reste malheureusement en France un problème majeur. Bien des patients en surpoids qui pourraient bénéficier d’un tel traitement – car ils sont diabétiques ou hypertendus – ne peuvent manifestement pas supporter longtemps cette charge financière. Il y a là une réelle injustice… Les références sont disponibles auprès de la rédaction de la revue : DaTeBe, Brigitte Hulin, 62-64, rue Jean-Jaurès, 92800 Puteaux. 69