D o s s i e r : ... Le traitement pharmacologique L

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Dossier : obésité
Le traitement pharmacologique
des obésités : données actuelles
et perspectives
O. Ziegler*, M. Floriot*, P. Böhme*, D. Quilliot*
✎ Les recommandations françaises
pour le traitement de l’obésité situent
le traitement médicamenteux au sein
d’une combinaison de mesures thérapeutiques portant sur la diététique,
l’activité physique et l’adaptation du
comportement.
✎ Si le médicament est habituellement utilisé pour favoriser l’amaigrissement, l’objectif principal est de
maintenir la perte de poids à long
terme. Il est donc proposé de prescrire le traitement pendant plusieurs
mois chez les “patients répondeurs”.
✎ Dans les études en double aveugle
qui ont duré au moins un an, la proportion de patients qui ont perdu
10 % de leur poids initial est d’environ 30 %. Le médicament permet
d’obtenir 2 à 3 fois plus de bons
résultats que le placebo.
✎ Le traitement médicamenteux ne
peut être envisagé qu’après l’échec
des mesures hygiéno-diététiques proposées pendant au moins 3 à 6 mois.
Les indications ne concernent que les
patients obèses (indice de masse corporelle [IMC] supérieur à 30 kg/m 2)
ou les patients ayant un surpoids
(IMC supérieur à 25 kg/m 2) et des
comorbidités telles que le diabète de
type 2, les dyslipidémies ou l’hypertension artérielle.
✎ Le traitement ne doit être maintenu
au-delà de 3 mois que chez les
patients répondeurs, qui ont perdu
plus de 5 % de leur poids initial.
✎ La durée optimale de celui-ci n’est
pas encore clairement établie, mais
elle ne peut dépasser 2 ans dans
l’état actuel des connaissances sur le
rapport bénéfices/risques des médicaments de l’obésité.
✎ Il est essentiel qu’un projet thérapeutique soit défini, précisant les
objectifs recherchés et la chronologie
de la prise en charge. La prévention
de la rechute à l’arrêt du médicament en est un des éléments capitaux. Le médecin traitant joue ici un
rôle essentiel.
✎ En France, seuls deux médicaments sont disponibles et utilisables
pendant plus de 3 mois : l’orlistat et
la sibutramine. Leur efficacité semble
comparable.
* Service de diabétologie, maladies métaboliques, nutrition, hôpital Jeanne-d’Arc, CHU de Nancy,
Toul.
traitement médicamenteux n’a pas
Lpriseeencore
trouvé sa véritable place dans la
en charge de l’obésité, car les médicaments de l’obésité ont longtemps souffert de
la mauvaise réputation des amphétamines et
de leurs dérivés. De plus, jusqu’à une période
récente, peu de molécules étaient disponibles.
L’Organisation mondiale de la santé a réuni
un groupe de travail, l’International Obesity
Task Force (IOTF) (1) qui a publié en 1998 un
guide de bonnes pratiques cliniques.
Parallèlement, de nombreux groupes d’experts ont proposé des recommandations. Les
premières publiées ont été celles des Écossais,
d’autres ont suivi en France, au RoyaumeUni et aux États-Unis. Le but de cette revue
générale n’est pas de présenter dans le détail
les médicaments de l’obésité, mais plutôt de
proposer un schéma thérapeutique cohérent,
en plein accord avec les recommandations
françaises, récemment validées par l’ANAES
(Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé) (2).
Les grands principes
Une aide thérapeutique
Le traitement médicamenteux “ne guérit” pas
l’obésité, qui est une maladie chronique à la
physiopathologie si complexe qu’on en parle
volontiers au pluriel pour mettre en exergue
cette caractéristique. La prise en charge ne peut
donc se résumer à la prescription d’une “pilule
miracle” (3). En revanche, les médicaments de
l’obésité sont utiles pour aider le patient à
adhérer plus facilement aux mesures thérapeutiques de base (diététique et exercice physique) et à modifier durablement ses conduites
alimentaires (4).
Perte de poids et stabilisation
pondérale
Il est essentiel d’expliquer au sujet obèse que
la prise en charge de sa maladie comporte schématiquement une phase d’amaigrissement et
une phase de stabilisation pondérale. Que le
traitement soit diététique, médicamenteux ou
même chirurgical, la perte de poids diminue
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Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume VI, n° 2, mars-avril 2002
Dossier : obésité
générale selon l’IOTF est d’envisager une perte
de poids de 5 à 15 % par rapport au poids initial (1). On ne parle plus de “poids idéal” ou
de “poids normal”, mais plutôt de poids “raisonnable”, c’est-à-dire d’un objectif que l’on
peut atteindre au prix de contraintes acceptables et qui a suffisamment d’effets bénéfiques
sur la santé. Une diminution supérieure à 10 %
est souvent difficile à obtenir. Elle est pourtant
considérée comme très insuffisante par de
nombreux patients, qui espèrent en moyenne
une baisse de 20 % (données personnelles) !
En réalité, maintenir le poids à sa valeur
actuelle, c’est-à-dire éviter l’aggravation de
l’obésité, est déjà un objectif d’un intérêt certain pour de nombreux patients, dont l’obésité
est en phase dynamique.
POIDS
(kg)
160
140
120
PLATEAU PONDÉRAL
100
80
A
D
C
B
60
40
20
DURÉE DU TRAITEMENT
La notion de “patients répondeurs”
Les bons répondeurs à un traitement médicamenteux de l’obésité sont, par consensus, les
sujets qui perdent à terme (c’est-à-dire avec un
recul d’un an au moins ) 5 à 10 % de leur poids
initial. Curieusement, il n’a jamais été possible
de prévoir la réponse thérapeutique a priori,
quels que soient les critères utilisés. En
revanche, plusieurs études suggèrent que la
perte de poids au cours des premiers mois a
une bonne valeur prédictive. Un délai de 1 à 3
0
-3
0
[3-6]
9
12
TEMPS (mois)
Figure 1. Interprétation de l’effet d’un médicament de l’obésité. A : le médicament facilite la perte de poids
qui est d’autant plus rapide que le déficit énergétique est plus important (poids ou glycémie) ; B : la phase de
plateau, un nouvel équilibre est atteint mais le poids n’est habituellement pas dans la zone normale ; C : le
plateau se prolonge tant que le médicament est pris ; D : échappement à l’arrêt du traitement.
avec le temps (figure 1, partie A). La courbe
pondérale se stabilise en plateau quand un nouvel état d’équilibre du bilan énergétique est
atteint (figure 1, partie B).
Le médicament est habituellement prescrit
pour obtenir une certaine perte de poids en
quelques semaines. Mais l’expérience montre
que son principal intérêt est de faciliter la stabilité pondérale après cette phase initiale (58). En effet, spontanément, la plupart des
patients reprennent du poids, plus ou moins
rapidement. Il faut bien constater que c’est
l’évolution naturelle de la maladie ! De nombreux mécanismes biologiques ou psychologiques tendent à ramener le poids (ou la masse
grasse) à sa “valeur de consigne” selon la théorie du pondérostat. “Ne pas regrossir” est un
objectif difficile, qui implique la mise en place
de stratégies thérapeutiques multiples.
L’objectif pondéral
Aborder avec le patient le problème de l’objectif pondéral du traitement est souvent déli-
cat ! L’opinion du soignant et celle du soigné
sont habituellement très différentes. La règle
TRAITEMENT PHARMACOLOGIQUE DE L'OBÉSITÉ
Au maximum 2 ans
MESURES HYGIÉNODIÉTÉTIQUES SEULES
3 à 6 mois
Succès :
perte de poids
>5%
Indication ?
Poursuite
du traitement
Si reprise
de poids
prise en
charge
Échec :
perte de poids
< 5-10 %
Médicament
de
l'obésité
Évaluation
du rapport
bénéfices/
risques
Échec :
perte de poids
<5%
Arrêt du
traitement
Sélection des répondeurs
12 semaines
Figure 2. Traitement pharmacologique de l’obésité : proposition d’arbre décisionnel. La perte de poids est
évaluée à partir du poids initial mesuré au début de la prise en charge.
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Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume VI, n° 2, mars-avril 2002
Dossier : obésité
mois semble raisonnable pour reconnaître les
répondeurs. Quel seuil pondéral faut-il choisir ?
Scheen et Lefebvre (9) proposent une diminution de 2 kg au bout de 4 à 8 semaines. Il faut
cependant tenir compte de la spécificité de
chaque médicament : le critère “perte de 2 kg
le premier mois” a une bonne sensibilité et une
bonne spécificité dans les études sur la sibutramine ; il en va de même pour le critère “perte
de 5 kg pendant les trois premiers mois” lorsqu’il s’agit de l’orlistat.
En pratique, nous considérons qu’un amaigrissement de plus de 5 % au cours des 3 à
6 premiers mois, période diététique initiale
incluse, permet d’envisager la poursuite du
traitement médicamenteux (figure 2). Si les
résultats sont insuffisants, il faut interrompre
la prescription, car le rapport bénéfices/risques
peut devenir défavorable, le patient pouvant
souffrir des effets indésirables du médicament
sans en avoir les avantages.
La reprise de poids à l’arrêt du
médicament
Une reprise de poids est habituellement constatée à l’arrêt du traitement pharmacologique
(figure 1, parties C et D). Ce fait ne doit pas
être interprété comme un échec thérapeutique
mais, au contraire, comme une preuve d’efficacité ; selon l’adage bien connu, “un médicament n’est efficace que si le patient le prend”.
En conséquence, il faut préparer le sujet à cette
éventualité en l’aidant à modifier durablement
son comportement alimentaire, son activité
physique et, plus généralement, son mode de
vie. C’est là le but essentiel d’un suivi médical régulier lors de la phase de stabilisation.
L’utilisation au long cours
Envisager un traitement de longue durée,
comme pour le diabète ou l’hypertension artérielle est parfaitement logique, car l’obésité est
une maladie chronique, faut-il le rappeler ? Il
n’a pas été constaté d’échappement sous traitement, pour la dexfenfluramine, l’orlistat et la
sibutramine, comme cela a pu être le cas pour
la fluoxétine. Mais, habituellement, le recul ne
dépasse pas un an. De rares études dont la
durée est plus longue (de 2 ans ou plus) sem-
blent le confirmer. Il existe toutefois une petite
tendance à la reprise pondérale dans l’étude
multicentrique européenne sur l’orlistat (5) et
dans l’étude STORM sur la sibutramine (8),
qui s’explique probablement par une certaine
lassitude des patients et par une diminution de
leur adhésion aux mesures diététiques. La
durée optimale du traitement médicamenteux
n’est donc pas encore clairement établie. Par
prudence, on est amené à ne pas dépasser deux
ans dans l’état actuel des connaissances sur le
rapport bénéfices/risques des médicaments de
l’obésité. Mais ce principe de précaution estil appliqué aux autres médicaments ?
La durée minimale n’est pas plus facile à déterminer ! Un traitement d’un an a l’avantage de
permettre de confronter le sujet aux difficultés
posées par les multiples événements de la vie
familiale et sociale : fêtes de fin d’année, anniversaires, voyages, vacances… Les traitements
de courte durée n’ont que peu d’intérêt, sauf
cas particulier, la reprise de poids étant rapide
et quasi inéluctable à l’arrêt du traitement.
Que faire en cas de rechute, lorsque la courbe
pondérale est à nouveau ascendante ? Les
experts britanniques recommandent d’interrompre le traitement pharmacologique si le
poids du sujet augmente de plus de 3 kg, car
ils considèrent que le rapport bénéfices/risques
n’est plus favorable (10).
La question d’un traitement intermittent mérite
d’être posée. Prescrire un médicament de l’obésité pendant quelques mois, puis proposer une
fenêtre thérapeutique et la reprise du médicament en cas d’évolution pondérale défavorable
est une stratégie thérapeutique qui peut paraître
intéressante. Elle a été testée sans beaucoup de
succès par Weintraub et al. (11) : la majorité
des sujets reprennent du poids dans les 3 mois
qui suivent l’arrêt du médicament. Cette option
thérapeutique favorise probablement la survenue d’oscillations pondérales (“syndrome du
yoyo”). Il semble donc préférable d’être prudent vis-à-vis de cette stratégie, même si une
étude récente semble plus convaincante (12).
Classes thérapeutiques
L’IOTF classe les médicaments de l’obésité en
deux catégories en fonction de leur action périphérique ou centrale. Le choix thérapeutique
est réduit en France car seuls l’orlistat et la
sibutramine sont disponibles actuellement, les
fenfluramines ayant été retirées de la vente en
1997.
Orlistat
L’orlistat ou tétrahydrolipstatine (Xenical®) a
un effet inhibiteur puissant sur les lipases gastriques et pancréatiques en se fixant sur un
résidu sérine du site actif de ces enzymes (13).
La molécule agit dans la lumière du tube digestif en diminuant l’hydrolyse des triglycérides
alimentaires. Il en résulte une malabsorption
des lipides qui est dose-dépendante. Des travaux ont montré que l’orlistat pouvait entraîner une baisse de l’absorption des lipides de
30 % et une stéatorrhée de 20 à 30 g/j (avec un
maximum de 50 g/j) (13). Dans les conditions
d’utilisation habituelle, le médicament crée
donc un déficit énergétique d’environ 200 à
300 kcal/j par rapport au régime seul. L’orlistat est peu absorbé par la muqueuse intestinale et son élimination est essentiellement
fécale.
◗ Modalités de prescription
La dose optimale est de 120 mg trois fois par
jour. La gélule peut être prise avant ou pendant
le repas et jusqu’à 2 heures après. Il est recommandé de suivre un régime hypocalorique et
hypolipidique apportant moins de 30 % des
calories sous forme de lipides, pour assurer un
déficit énergétique suffisant et pour augmenter la compliance. En effet, les effets indésirables sont dominés par la stéatorrhée et dépendent directement de la dose du produit et de la
quantité de lipides ingérés. Ces effets gastrointestinaux (inconfort digestif, selles grasses,
selles impérieuses, incontinence fécale, diarrhée, douleurs abdominales, etc.) sont en général transitoires et sont rarement à l’origine d’un
arrêt du traitement. Cela prouve que les sujets
sont, la plupart du temps, capables d’adapter
leur régime alimentaire. En cela, l’orlistat a un
effet régulateur favorable sur le comportement
alimentaire. Certains ont parlé d’“effet antabuse” ou de “rééducation diététique”.
L’orlistat est susceptible de provoquer une
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Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume VI, n° 2, mars-avril 2002
Dossier : obésité
malabsorption des vitamines liposolubles
(vitamines A, D, E et K) et des caroténoïdes.
Leur taux plasmatique peut diminuer, notamment en ce qui concerne la vitamine D et la
vitamine E dans certaines études (5, 14), tout
en restant dans les limites de la normale. Il faut
donc veiller à ce que les apports alimentaires
de ces vitamines soient suffisants, sous la
forme de fruits, de légumes et d’huiles végétales.
tramine est contre-indiquée en cas d’hypertension artérielle mal contrôlée, d’antécédent
d’accident vasculaire cérébral ou d’insuffisance coronaire avérée et, par conséquent, chez
les sujets à haut risque vasculaire.
Sibutramine
La sibutramine (Sibutral®) est un anorexigène,
dérivé de la phényléthylamine, qui a à la fois
une action noradrénergique et sérotoninergique
(15). En effet, elle diminue la “recapture” de
la sérotonine et de la noradrénaline au niveau
des terminaisons nerveuses, sans affecter la
libération de ces neurotransmetteurs. Chez les
rongeurs, la sibutramine inhibe la prise alimentaire en augmentant la satiété et stimule la
thermogenèse (15). Il s’agit d’une activation
centrale du système sympathique dont les efférences stimulent les récepteurs bêta 3-adrénergiques du tissu adipeux brun. Chez
l’homme, l’action anorexigène semble prédominante, même si une petite augmentation de
la thermogenèse a été décrite.
La sibutramine est bien absorbée par voie orale.
Elle est métabolisée lors du premier passage
hépatique. Ses deux dérivés M1 et M2, qui ont
une action pharmacologique, ont une demi-vie
d’élimination de 14 à 16 heures et sont éliminés
par voie hépatique. Les autres métabolites,
inactifs, sont excrétés principalement par le rein.
Perte de poids
Les traitements diététiques sont souvent décevants à moyen et, plus encore, à long terme, il
faut bien en convenir ! On admet que 30 à 60 %
des sujets reprennent du poids au cours de la
première année et que ce taux atteint 95 % au
bout de 5 ans. Dans le groupe placebo des
grandes études pharmacologiques, la perte de
poids est en moyenne de 4 à 5 kg au bout d’un
an (1,8 à 8 kg selon les moyens mis en œuvre).
Les patients traités par un médicament de
l’obésité perdent en moyenne 0,20 à 0,25 kg
de plus par semaine que les patients traités par
le placebo au cours des 6 premiers mois du
suivi (16). Mais seules les études en double
aveugle, d’une durée minimale d’un an sont
Effets bénéfiques du traitement
pharmacologique
Pourcentage de patients
◗ Modalités de prescription
Le médicament peut être donné en une prise.
L’effet est dose-dépendant de 5 à 30 mg/j. La
dose optimale est de 10 à 15 mg/j. La tolérance
clinique est bonne (15). Les effets secondaires
centraux sont relativement banaux : sécheresse
de la bouche, nausées, constipation, fatigue,
sensations vertigineuses, insomnie, etc. En
revanche, il faut bien connaître les effets cardiovasculaires de type adrénergique. La tension artérielle augmente en moyenne de 1 à 3
mmHg et la fréquence cardiaque de 3 à 6 battements par minute. Il est donc nécessaire de
mesurer régulièrement ces paramètres. La sibu-
véritablement intéressantes. La perte de poids
est en moyenne de 9 à 10 kg (4,8 à 10,9 kg)
sous dexfenfluramine, sibutramine ou orlistat,
pour des sujets dont le poids de départ est de
90 à 100 kg (contre 6 kg environ pour les sujets
sous placebo) (9). Le pourcentage de patients
dont la perte de poids dépasse 10 % du poids
initial est le critère de succès thérapeutique le
plus pertinent. Toutes les études sont concordantes sur ce point (figure 3) : les médicaments
de l’obésité sont deux à trois fois plus efficaces
que le placebo dans les analyses en intention
de traiter, soit environ 30 % de bons résultats
(20 à 39 %), contre 15 % sous placebo (7 à
18 %) (9).
Effets sur les comorbidités
La perte de poids a un effet bénéfique significatif sur les comorbidités de l’obésité. Des
études à court ou moyen terme ont montré
qu’une perte pondérale de 10 % entraîne une
baisse de 10 mmHg de la pression artérielle
systolique, de 20 mmHg de la pression artérielle diastolique, de 10 % du cholestérol total
plasmatique, de 15 % du cholestérol-LDL, de
30 % des triglycérides et une augmentation de
8 % du cholestérol-HDL. De plus, certains
Placebo
Placebo
Placebo
50
Dexfenfluramine
Orlistat
Sibutramine
40
30 mg
360 mg
35
30
360 mg
360 mg
28
29
34
10 mg
20
17
17
17
15 mg
39
20
18
10
7
0
n=
418 404
114 114
224 668
340 343
163 161 161
Figure 3. Évaluation de l’efficacité de la dexfenfluramine, de l’orlistat et de la sibutramine selon Scheen et
Lefebvre (9). Le critère retenu est le pourcentage de patients obèses ayant perdu plus de 10 % de leur poids
initial dans une étude en double aveugle ayant duré un an. L’analyse est en “intention de traiter”, pour tenir
compte des sorties d’étude. Le nombre de patients étudiés dans chaque groupe et la posologie du médicament
sont indiqués dans la figure.
65
Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume VI, n° 2, mars-avril 2002
Dossier : obésité
médicaments de l’obésité pourraient avoir une
action antidiabétique ou hypolipémiante, indépendante de leur effet sur le poids. À l’évidence, il s’agit là d’un avantage supplémentaire pour justifier leur prescription au long
cours. Ainsi, l’orlistat diminue le cholestérolLDL de 5 à 10 % (5, 13).
Qualité de vie
Améliorer la qualité de vie est désormais un
objectif prioritaire du traitement de l’obésité.
Seule la chirurgie de réduction gastrique a fait
réellement la preuve de son efficacité dans ce
domaine, car elle peut entraîner une perte de
poids de 20 à 40 kg chez des sujets atteints
d’obésité massive. L’effet d’un amaigrissement
plus modeste sur la qualité de vie est actuellement à l’étude, les premiers résultats sont
encourageants (17).
Effet sur la mortalité
L’effet du traitement pharmacologique de
l’obésité sur le risque de mortalité n’a pas été
étudié. Un tel essai thérapeutique serait difficile à réaliser pour des raisons à la fois financières et méthodologiques.
La prescription
Indications
Le traitement médicamenteux ne peut être
envisagé que pour les patients véritablement
obèses (IMC 30 kg/m2) pour lesquels le traitement hygiéno-diététique a donné des résultats insuffisants au bout de 3 à 6 mois (2).
Il peut être également indiqué pour des patients
en surpoids (IMC 25 kg/m2) ayant un risque
élevé de morbi-mortalité lié à des pathologies
comme le diabète de type 2, les dyslipidémies,
l’hypertension artérielle ou le syndrome des
apnées du sommeil, pour lesquelles l’obésité
joue un rôle pathogénique déterminant (2).
L’appréciation du seuil de risque varie selon
les pays ; les autorités américaines ont choisi
un IMC 27 kg/m2 et les experts français un
IMC 25 kg/m2. Il est amusant de constater
que, dans cette situation, l’orlistat a une AMM
lorsque l’IMC est 28 kg/m2 et la sibutramine
pour un IMC de 27 kg/m2.
Le syndrome X d’insulino-résistance, ou syndrome métabolique, qui associe intolérance au
glucose, dyslipidémie, hypertension artérielle
et obésité androïde, pourrait être une bonne
indication, car la perte de poids en constitue le
traitement le plus logique. La prévention du
diabète de type 2 serait également une cible de
choix (18).
Seules les indications médicales peuvent être
retenues, ce qui exclut l’usage de ces médicaments chez des sujets sans excès de poids, à
des fins uniquement esthétiques. L’utilisation
des médicaments n’est pas recommandée chez
l’enfant car les données sont insuffisantes
quant à leurs effets pendant la croissance et la
puberté, ou quant à leur action à long terme sur
le comportement alimentaire. Mais des études
sont en cours dans les formes sévères.
Choix du médicament
Le choix thérapeutique repose sur de multiples
critères, dont les principaux sont la disponibilité (en France, l’AMM), le coût financier, l’efficacité, les effets secondaires, mais surtout
l’expérience du prescripteur, car il n’existe pas
de consensus international à ce sujet. Certains
proposent de choisir un médicament d’action
centrale, comme la sibutramine, chez les
patients qui reconnaissent avoir du mal à
contrôler leurs apports alimentaires ; l’orlistat
peut sembler plus intéressant chez les patients
forts consommateurs de lipides que chez ceux
suivant déjà un régime hypolipidique sévère.
Mais ces arguments sont relatifs, si l’on considère la difficulté habituelle à estimer les
apports alimentaires des personnes obèses.
L’absence de réponse à une classe thérapeutique peut amener à proposer une molécule
d’une autre classe. L’association d’un médicament d’action centrale à un deuxième d’action
périphérique est logique en théorie, mais non
recommandée en pratique, faute de données. Il
faut rappeler dans ce domaine que l’association de deux anorexigènes est interdite en
France.
Cadre thérapeutique
Le traitement médicamenteux ne constitue
qu’un moyen thérapeutique parmi d’autres,
dans une stratégie de prise en charge à long
terme, adaptée à chaque patient. Il fait donc
partie d’un projet thérapeutique qui doit clairement définir les objectifs recherchés et le
“calendrier” de la perte de poids. Ce projet est
ajusté à chaque consultation, en fonction des
résultats obtenus, des attentes du patient, de ses
propres conceptions vis-à-vis de sa santé
(croyances de santé), des “efforts” qu’il est
capable de faire, ainsi que de l’expérience du
médecin. Le carnet de santé pourrait en être le
support. Il importe, en effet, que l’évolution du
poids et celle des facteurs de risque vasculaire
soient relevées de même que les difficultés du
patient. Si un médecin spécialiste est à l’origine de la première prescription médicamenteuse, des informations précises devraient être
transmises au médecin traitant sur les effets
attendus, les complications éventuelles, les
paramètres à surveiller, etc. Une fois l’objectif atteint, il est indispensable qu’un programme de soutien soit mis en place pour éviter la “rechute”. Il comporte des mesures
simples : pesée régulière du patient au cabinet
médical par le médecin traitant (tous les 3 mois
par exemple), un entretien diététique plusieurs
fois par an, des conseils pour augmenter l’activité physique dans la vie quotidienne, une
analyse du comportement alimentaire dans les
situations de stress, etc.
Évaluation du rapport
bénéfices/risques
La réalisation d’études de longue durée reste
indispensable, afin de mieux évaluer, d’une
part, l’efficacité sur le poids et les comorbidités et, d’autre part, les risques des médicaments
de l’obésité, l’évaluation de ce rapport bénéfices/risques étant une préoccupation constante
(16). Pour les molécules utilisées en France
(orlistat et sibutramine), ce rapport est considéré comme bon. Mais les effets de la sibutramine sur la fréquence cardiaque et la tension
artérielle méritent d’être soigneusement évalués, en particulier chez les patients à risque
cardiovasculaire avéré. En ce qui concerne
l’orlistat, il est important de surveiller à long
terme le statut vitaminique, compte tenu des
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Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume VI, n° 2, mars-avril 2002
Dossier : obésité
multiples fonctions cellulaires des vitamines
liposolubles et des caroténoïdes en particulier.
Perspectives
De nouvelles molécules seront disponibles
pour le clinicien dans les années à venir, car
les connaissances scientifiques ont beaucoup
évolué au cours des années 1990 dans les
domaines de la neurobiologie du comportement alimentaire, du métabolisme de l’adipocyte ou du métabolisme énergétique (19). Il
sera alors possible de choisir pour chaque
patient le médicament le plus adapté en fonction de son profil d’action sur la prise alimentaire (faim, satiété, rassasiement, impulsivité,
dépendance, etc.), le métabolisme (absorption
intestinale, stockage des nutriments, etc.) et sur
les dépenses énergétiques (oxydation des
acides gras, rendement métabolique, etc.).
Nous prendrons deux exemples. Augmenter les
dépenses énergétiques en “brûlant” les acides
gras au niveau des muscles (via la protéine
découplante UCP 3 ?) ou créer un petit gaspillage dans certaines voies métaboliques permettrait d’équilibrer plus facilement le bilan
énergétique. Modifier les signaux d’adiposité
(hormones ou neuromédiateurs qui renseignent
le centre sur les réserves de la périphérie,
comme par exemple l’insuline ou la leptine)
ou leurs actions sur le cerveau donnerait la possibilité de régler le pondérostat à une valeur
plus basse et d’éviter les rechutes.
Conclusion
L’obésité est désormais reconnue comme une
maladie, le fait mérite d’être souligné, car elle
peut mettre en cause le bien-être, au sens large,
des patients. Il est donc normal que le traitement pharmacologique de l’obésité soit considéré comme un traitement comme les autres,
par les médecins et par les malades.
Les “bonnes pratiques cliniques” ont été définies au plan international et adaptées à la situation française en 1998. La prescription médi-
camenteuse s’intègre dans un projet thérapeutique qui prend en compte l’ensemble des problèmes, qu’ils soient somatiques, psychologiques ou sociaux. Cette démarche n’est pas
facile pour le médecin qui doit analyser et comprendre le comportement de son patient et le
contexte dans lequel il vit. Elle est difficile
aussi pour le patient, qui est amené à remettre
en cause son mode de vie.
Le coût financier, qui est totalement à la charge
du patient, reste malheureusement en France
un problème majeur. Bien des patients en surpoids qui pourraient bénéficier d’un tel traitement – car ils sont diabétiques ou hypertendus – ne peuvent manifestement pas supporter
longtemps cette charge financière. Il y a là une
réelle injustice…
Références
1. WHO. Obesity : preventing and managing
the global epidemic. Report of a WHO consultation on Obesity. Geneva 3-5 June 1997.
Geneva : World Health Organization, 1998.
2. ALFEDIAM, AFERO, SNDLF. Recommandations pour le diagnostic, la prévention et le
traitement de l’obésité. Diabete Metab 1998 ;
24 : 3-9.
3. Ziegler O, Debry G. Traitement des obésités
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