Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume VI, n° 2, mars-avril 2002
mois semble raisonnable pour reconnaître les
répondeurs. Quel seuil pondéral faut-il choisir ?
Scheen et Lefebvre (9) proposent une diminu-
tion de 2 kg au bout de 4 à 8 semaines. Il faut
cependant tenir compte de la spécificité de
chaque médicament : le critère “perte de 2 kg
le premier mois” a une bonne sensibilité et une
bonne spécificité dans les études sur la sibu-
tramine ; il en va de même pour le critère “perte
de 5 kg pendant les trois premiers mois” lors-
qu’il s’agit de l’orlistat.
En pratique, nous considérons qu’un amai-
grissement de plus de 5 % au cours des 3 à
6premiers mois, période diététique initiale
incluse, permet d’envisager la poursuite du
traitement médicamenteux (figure 2).Si les
résultats sont insuffisants, il faut interrompre
la prescription, car le rapport bénéfices/risques
peut devenir défavorable, le patient pouvant
souffrir des effets indésirables du médicament
sans en avoir les avantages.
La reprise de poids à l’arrêt du
médicament
Une reprise de poids est habituellement consta-
tée à l’arrêt du traitement pharmacologique
(figure 1, parties C et D).Ce fait ne doit pas
être interprété comme un échec thérapeutique
mais, au contraire, comme une preuve d’effi-
cacité ; selon l’adage bien connu, “un médica-
ment n’est efficace que si le patient le prend”.
En conséquence, il faut préparer le sujet à cette
éventualité en l’aidant à modifier durablement
son comportement alimentaire, son activité
physique et, plus généralement, son mode de
vie. C’est là le but essentiel d’un suivi médi-
cal régulier lors de la phase de stabilisation.
L’utilisation au long cours
Envisager un traitement de longue durée,
comme pour le diabète ou l’hypertension arté-
rielle est parfaitement logique, car l’obésité est
une maladie chronique, faut-il le rappeler ? Il
n’a pas été constaté d’échappement sous trai-
tement, pour la dexfenfluramine, l’orlistat et la
sibutramine, comme cela a pu être le cas pour
la fluoxétine. Mais, habituellement, le recul ne
dépasse pas un an. De rares études dont la
durée est plus longue (de 2 ans ou plus) sem-
blent le confirmer. Il existe toutefois une petite
tendance à la reprise pondérale dans l’étude
multicentrique européenne sur l’orlistat (5) et
dans l’étude STORM sur la sibutramine (8),
qui s’explique probablement par une certaine
lassitude des patients et par une diminution de
leur adhésion aux mesures diététiques. La
durée optimale du traitement médicamenteux
n’est donc pas encore clairement établie. Par
prudence, on est amené à ne pas dépasser deux
ans dans l’état actuel des connaissances sur le
rapport bénéfices/risques des médicaments de
l’obésité. Mais ce principe de précaution est-
il appliqué aux autres médicaments ?
La durée minimale n’est pas plus facile à déter-
miner ! Un traitement d’un an a l’avantage de
permettre de confronter le sujet aux difficultés
posées par les multiples événements de la vie
familiale et sociale : fêtes de fin d’année, anni-
versaires, voyages, vacances… Les traitements
de courte durée n’ont que peu d’intérêt, sauf
cas particulier, la reprise de poids étant rapide
et quasi inéluctable à l’arrêt du traitement.
Que faire en cas de rechute,lorsque la courbe
pondérale est à nouveau ascendante ? Les
experts britanniques recommandent d’inter-
rompre le traitement pharmacologique si le
poids du sujet augmente de plus de 3 kg, car
ils considèrent que le rapport bénéfices/risques
n’est plus favorable (10).
La question d’un traitement intermittent mérite
d’être posée. Prescrire un médicament de l’obé-
sité pendant quelques mois, puis proposer une
fenêtre thérapeutique et la reprise du médica-
ment en cas d’évolution pondérale défavorable
est une stratégie thérapeutique qui peut paraître
intéressante. Elle a été testée sans beaucoup de
succès par Weintraub et al. (11) : la majorité
des sujets reprennent du poids dans les 3 mois
qui suivent l’arrêt du médicament. Cette option
thérapeutique favorise probablement la surve-
nue d’oscillations pondérales (“syndrome du
yoyo”). Il semble donc préférable d’être pru-
dent vis-à-vis de cette stratégie, même si une
étude récente semble plus convaincante (12).
Classes thérapeutiques
L’IOTF classe les médicaments de l’obésité en
deux catégories en fonction de leur action péri-
phérique ou centrale. Le choix thérapeutique
est réduit en France car seuls l’orlistat et la
sibutramine sont disponibles actuellement, les
fenfluramines ayant été retirées de la vente en
1997.
Orlistat
L’orlistat ou tétrahydrolipstatine (Xenical®) a
un effet inhibiteur puissant sur les lipases gas-
triques et pancréatiques en se fixant sur un
résidu sérine du site actif de ces enzymes (13).
La molécule agit dans la lumière du tube diges-
tif en diminuant l’hydrolyse des triglycérides
alimentaires. Il en résulte une malabsorption
des lipides qui est dose-dépendante. Des tra-
vaux ont montré que l’orlistat pouvait entraî-
ner une baisse de l’absorption des lipides de
30 % et une stéatorrhée de 20 à 30 g/j (avec un
maximum de 50 g/j) (13). Dans les conditions
d’utilisation habituelle, le médicament crée
donc un déficit énergétique d’environ 200 à
300 kcal/j par rapport au régime seul. L’orli-
stat est peu absorbé par la muqueuse intesti-
nale et son élimination est essentiellement
fécale.
◗
◗Modalités de prescription
La dose optimale est de 120 mg trois fois par
jour. La gélule peut être prise avant ou pendant
le repas et jusqu’à 2 heures après. Il est recom-
mandé de suivre un régime hypocalorique et
hypolipidique apportant moins de 30 % des
calories sous forme de lipides, pour assurer un
déficit énergétique suffisant et pour augmen-
ter la compliance. En effet, les effets indési-
rables sont dominés par la stéatorrhée et dépen-
dent directement de la dose du produit et de la
quantité de lipides ingérés. Ces effets gastro-
intestinaux (inconfort digestif, selles grasses,
selles impérieuses, incontinence fécale, diar-
rhée, douleurs abdominales, etc.) sont en géné-
ral transitoires et sont rarement à l’origine d’un
arrêt du traitement. Cela prouve que les sujets
sont, la plupart du temps, capables d’adapter
leur régime alimentaire. En cela, l’orlistat a un
effet régulateur favorable sur le comportement
alimentaire. Certains ont parlé d’“effet anta-
buse” ou de “rééducation diététique”.
L’orlistat est susceptible de provoquer une
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Dossier : obésité