D o s s i e r : ... Le traitement pharmacologique L

Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume VI, n° 2, mars-avril 2002
L
e traitement médicamenteux n’a pas
encore trouvé sa véritable place dans la
prise en charge de l’obésité, car les médica-
ments de l’obésité ont longtemps souffert de
la mauvaise réputation des amphétamines et
de leurs dérivés. De plus, jusqu’à une période
récente, peu de molécules étaient disponibles.
L’Organisation mondiale de la santé a réuni
un groupe de travail, l’International Obesity
Task Force (IOTF) (1) qui a publié en 1998 un
guide de bonnes pratiques cliniques.
Parallèlement, de nombreux groupes d’ex-
perts ont proposé des recommandations. Les
premières publiées ont été celles des Écossais,
d’autres ont suivi en France, au Royaume-
Uni et aux États-Unis. Le but de cette revue
générale n’est pas de présenter dans le détail
les médicaments de l’obésité, mais plutôt de
proposer un schéma thérapeutique cohérent,
en plein accord avec les recommandations
françaises, récemment validées par l’ANAES
(Agence nationale d’accréditation et d’éva-
luation en santé) (2).
Les grands principes
Une aide thérapeutique
Le traitement médicamenteux “ne guérit” pas
l’obésité, qui est une maladie chronique à la
physiopathologie si complexe qu’on en parle
volontiers au pluriel pour mettre en exergue
cette caractéristique. La prise en charge ne peut
donc se résumer à la prescription d’une “pilule
miracle”(3). En revanche, les médicaments de
l’obésité sont utiles pour aider le patient à
adhérer plus facilement aux mesures théra-
peutiques de base (diététique et exercice phy-
sique) et à modifier durablement ses conduites
alimentaires (4).
Perte de poids et stabilisation
pondérale
Il est essentiel d’expliquer au sujet obèse que
la prise en charge de sa maladie comporte sché-
matiquement une phase d’amaigrissement et
une phase de stabilisation pondérale. Que le
traitement soit diététique, médicamenteux ou
même chirurgical, la perte de poids diminue
62
Dossier : obésité
Le traitement pharmacologique
des obésités : données actuelles
et perspectives
O. Ziegler*, M. Floriot*, P. Böhme*, D. Quilliot*
Les recommandations françaises
pour le traitement de l’obésité situent
le traitement médicamenteux au sein
d’une combinaison de mesures théra-
peutiques portant sur la diététique,
l’activité physique et l’adaptation du
comportement.
Si le médicament est habituelle-
ment utilisé pour favoriser l’amai-
grissement, l’objectif principal est de
maintenir la perte de poids à long
terme. Il est donc proposé de prescri-
re le traitement pendant plusieurs
mois chez les “patients répondeurs”.
Dans les études en double aveugle
qui ont duré au moins un an, la pro-
portion de patients qui ont perdu
10 % de leur poids initial est d’envi-
ron 30 %. Le médicament permet
d’obtenir 2 à 3 fois plus de bons
résultats que le placebo.
Le traitement médicamenteux ne
peut être envisagé qu’après l’échec
des mesures hygiéno-diététiques pro-
posées pendant au moins 3 à 6 mois.
Les indications ne concernent que les
patients obèses (indice de masse cor-
porelle [IMC] supérieur à 30 kg/m2)
ou les patients ayant un surpoids
(IMC supérieur à 25 kg/m2) et des
comorbidités telles que le diabète de
type 2, les dyslipidémies ou l’hyper-
tension artérielle.
Le traitement ne doit être maintenu
au-delà de 3 mois que chez les
patients répondeurs, qui ont perdu
plus de 5 % de leur poids initial.
La durée optimale de celui-ci n’est
pas encore clairement établie, mais
elle ne peut dépasser 2 ans dans
l’état actuel des connaissances sur le
rapport bénéfices/risques des médi-
caments de l’obésité.
Il est essentiel qu’un projet théra-
peutique soit défini, précisant les
objectifs recherchés et la chronologie
de la prise en charge. La prévention
de la rechute à l’arrêt du médica-
ment en est un des éléments capi-
taux. Le médecin traitant joue ici un
rôle essentiel.
En France, seuls deux médica-
ments sont disponibles et utilisables
pendant plus de 3 mois : l’orlistat et
la sibutramine. Leur efficacité semble
comparable.
* Service de diabétologie, maladies métaboliques, nutrition, hôpital Jeanne-d’Arc, CHU de Nancy,
Toul.
Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume VI, n° 2, mars-avril 2002
avec le temps (figure 1, partie A).La courbe
pondérale se stabilise en plateau quand un nou-
vel état d’équilibre du bilan énergétique est
atteint (figure 1, partie B).
Le médicament est habituellement prescrit
pour obtenir une certaine perte de poids en
quelques semaines. Mais l’expérience montre
que son principal intérêt est de faciliter la sta-
bilité pondérale après cette phase initiale (5-
8). En effet, spontanément, la plupart des
patients reprennent du poids, plus ou moins
rapidement. Il faut bien constater que c’est
l’évolution naturelle de la maladie ! De nom-
breux mécanismes biologiques ou psycholo-
giques tendent à ramener le poids (ou la masse
grasse) à sa “valeur de consigne” selon la théo-
rie du pondérostat. “Ne pas regrossir” est un
objectif difficile, qui implique la mise en place
de stratégies thérapeutiques multiples.
L’objectif pondéral
Aborder avec le patient le problème de l’ob-
jectif pondéral du traitement est souvent déli-
cat ! L’opinion du soignant et celle du soigné
sont habituellement très différentes. La règle
générale selon l’IOTF est d’envisager une perte
de poids de 5 à 15 % par rapport au poids ini-
tial (1). On ne parle plus de “poids idéal” ou
de “poids normal”, mais plutôt de poids “rai-
sonnable”, c’est-à-dire d’un objectif que l’on
peut atteindre au prix de contraintes accep-
tables et qui a suffisamment d’effets bénéfiques
sur la santé. Une diminution supérieure à 10 %
est souvent difficile à obtenir. Elle est pourtant
considérée comme très insuffisante par de
nombreux patients, qui espèrent en moyenne
une baisse de 20 % (données personnelles) !
En réalité, maintenir le poids à sa valeur
actuelle, c’est-à-dire éviter l’aggravation de
l’obésité, est déjà un objectif d’un intérêt cer-
tain pour de nombreux patients, dont l’obésité
est en phase dynamique.
La notion de “patients répondeurs”
Les bons répondeurs à un traitement médica-
menteux de l’obésité sont, par consensus, les
sujets qui perdent à terme (c’est-à-dire avec un
recul d’un an au moins ) 5 à 10 % de leur poids
initial. Curieusement, il n’a jamais été possible
de prévoir la réponse thérapeutique a priori,
quels que soient les critères utilisés. En
revanche, plusieurs études suggèrent que la
perte de poids au cours des premiers mois a
une bonne valeur prédictive. Un délai de 1 à 3
63
Dossier : obésité
POIDS
(kg)
160
140
120
100
80
60
40
20
0
- 3 0[3-6] 912
TEMPS (mois)
PLATEAU PONDÉRAL
ABCD
DURÉE DU TRAITEMENT
Figure 1. Interprétation de l’effet d’un médicament de l’obésité. A : le médicament facilite la perte de poids
qui est d’autant plus rapide que le déficit énergétique est plus important (poids ou glycémie) ; B:la phase de
plateau, un nouvel équilibre est atteint mais le poids n’est habituellement pas dans la zone normale ; C : le
plateau se prolonge tant que le médicament est pris ; D : échappement à l’arrêt du traitement.
MESURES HYGIÉNODIÉTÉTIQUES SEULES
3 à 6 mois
prise en
charge
Échec :
perte de poids
< 5-10 %
Indication ?
Médicament
de
l'obésité
Échec :
perte de poids
< 5 %
Succès :
perte de poids
> 5 % Si reprise
de poids
Poursuite
du traitement
Évaluation
du rapport
bénéfices/
risques
Arrêt du
traitement
TRAITEMENT PHARMACOLOGIQUE DE L'OBÉSITÉ
Au maximum 2 ans
Sélection des répondeurs
12 semaines
Figure 2. Traitement pharmacologique de l’obésité : proposition d’arbre décisionnel. La perte de poids est
évaluée à partir du poids initial mesuré au début de la prise en charge.
Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume VI, n° 2, mars-avril 2002
mois semble raisonnable pour reconnaître les
répondeurs. Quel seuil pondéral faut-il choisir ?
Scheen et Lefebvre (9) proposent une diminu-
tion de 2 kg au bout de 4 à 8 semaines. Il faut
cependant tenir compte de la spécificité de
chaque médicament : le critère “perte de 2 kg
le premier mois” a une bonne sensibilité et une
bonne spécificité dans les études sur la sibu-
tramine ; il en va de même pour le critère “perte
de 5 kg pendant les trois premiers mois” lors-
qu’il s’agit de l’orlistat.
En pratique, nous considérons qu’un amai-
grissement de plus de 5 % au cours des 3 à
6premiers mois, période diététique initiale
incluse, permet d’envisager la poursuite du
traitement médicamenteux (figure 2).Si les
résultats sont insuffisants, il faut interrompre
la prescription, car le rapport bénéfices/risques
peut devenir défavorable, le patient pouvant
souffrir des effets indésirables du médicament
sans en avoir les avantages.
La reprise de poids à l’arrêt du
médicament
Une reprise de poids est habituellement consta-
tée à l’arrêt du traitement pharmacologique
(figure 1, parties C et D).Ce fait ne doit pas
être interprété comme un échec thérapeutique
mais, au contraire, comme une preuve d’effi-
cacité ; selon l’adage bien connu, “un médica-
ment n’est efficace que si le patient le prend”.
En conséquence, il faut préparer le sujet à cette
éventualité en l’aidant à modifier durablement
son comportement alimentaire, son activité
physique et, plus généralement, son mode de
vie. C’est là le but essentiel d’un suivi médi-
cal régulier lors de la phase de stabilisation.
L’utilisation au long cours
Envisager un traitement de longue durée,
comme pour le diabète ou l’hypertension arté-
rielle est parfaitement logique, car l’obésité est
une maladie chronique, faut-il le rappeler ? Il
n’a pas été constaté d’échappement sous trai-
tement, pour la dexfenfluramine, l’orlistat et la
sibutramine, comme cela a pu être le cas pour
la fluoxétine. Mais, habituellement, le recul ne
dépasse pas un an. De rares études dont la
durée est plus longue (de 2 ans ou plus) sem-
blent le confirmer. Il existe toutefois une petite
tendance à la reprise pondérale dans l’étude
multicentrique européenne sur l’orlistat (5) et
dans l’étude STORM sur la sibutramine (8),
qui s’explique probablement par une certaine
lassitude des patients et par une diminution de
leur adhésion aux mesures diététiques. La
durée optimale du traitement médicamenteux
n’est donc pas encore clairement établie. Par
prudence, on est amené à ne pas dépasser deux
ans dans l’état actuel des connaissances sur le
rapport bénéfices/risques des médicaments de
l’obésité. Mais ce principe de précaution est-
il appliqué aux autres médicaments ?
La durée minimale n’est pas plus facile à déter-
miner ! Un traitement d’un an a l’avantage de
permettre de confronter le sujet aux difficultés
posées par les multiples événements de la vie
familiale et sociale : fêtes de fin d’année, anni-
versaires, voyages, vacances… Les traitements
de courte durée n’ont que peu d’intérêt, sauf
cas particulier, la reprise de poids étant rapide
et quasi inéluctable à l’arrêt du traitement.
Que faire en cas de rechute,lorsque la courbe
pondérale est à nouveau ascendante ? Les
experts britanniques recommandent d’inter-
rompre le traitement pharmacologique si le
poids du sujet augmente de plus de 3 kg, car
ils considèrent que le rapport bénéfices/risques
n’est plus favorable (10).
La question d’un traitement intermittent mérite
d’être posée. Prescrire un médicament de l’obé-
sité pendant quelques mois, puis proposer une
fenêtre thérapeutique et la reprise du médica-
ment en cas d’évolution pondérale défavorable
est une stratégie thérapeutique qui peut paraître
intéressante. Elle a été testée sans beaucoup de
succès par Weintraub et al. (11) : la majorité
des sujets reprennent du poids dans les 3 mois
qui suivent l’arrêt du médicament. Cette option
thérapeutique favorise probablement la surve-
nue d’oscillations pondérales (“syndrome du
yoyo”). Il semble donc préférable d’être pru-
dent vis-à-vis de cette stratégie, même si une
étude récente semble plus convaincante (12).
Classes thérapeutiques
L’IOTF classe les médicaments de l’obésité en
deux catégories en fonction de leur action péri-
phérique ou centrale. Le choix thérapeutique
est réduit en France car seuls l’orlistat et la
sibutramine sont disponibles actuellement, les
fenfluramines ayant été retirées de la vente en
1997.
Orlistat
L’orlistat ou tétrahydrolipstatine (Xenical®) a
un effet inhibiteur puissant sur les lipases gas-
triques et pancréatiques en se fixant sur un
résidu sérine du site actif de ces enzymes (13).
La molécule agit dans la lumière du tube diges-
tif en diminuant l’hydrolyse des triglycérides
alimentaires. Il en résulte une malabsorption
des lipides qui est dose-dépendante. Des tra-
vaux ont montré que l’orlistat pouvait entraî-
ner une baisse de l’absorption des lipides de
30 % et une stéatorrhée de 20 à 30 g/j (avec un
maximum de 50 g/j) (13). Dans les conditions
d’utilisation habituelle, le médicament crée
donc un déficit énergétique d’environ 200 à
300 kcal/j par rapport au régime seul. L’orli-
stat est peu absorbé par la muqueuse intesti-
nale et son élimination est essentiellement
fécale.
Modalités de prescription
La dose optimale est de 120 mg trois fois par
jour. La gélule peut être prise avant ou pendant
le repas et jusqu’à 2 heures après. Il est recom-
mandé de suivre un régime hypocalorique et
hypolipidique apportant moins de 30 % des
calories sous forme de lipides, pour assurer un
déficit énergétique suffisant et pour augmen-
ter la compliance. En effet, les effets indési-
rables sont dominés par la stéatorrhée et dépen-
dent directement de la dose du produit et de la
quantité de lipides ingérés. Ces effets gastro-
intestinaux (inconfort digestif, selles grasses,
selles impérieuses, incontinence fécale, diar-
rhée, douleurs abdominales, etc.) sont en géné-
ral transitoires et sont rarement à l’origine d’un
arrêt du traitement. Cela prouve que les sujets
sont, la plupart du temps, capables d’adapter
leur régime alimentaire. En cela, l’orlistat a un
effet régulateur favorable sur le comportement
alimentaire. Certains ont parlé d’“effet anta-
buse” ou de “rééducation diététique”.
L’orlistat est susceptible de provoquer une
64
Dossier : obésité
Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume VI, n° 2, mars-avril 2002
malabsorption des vitamines liposolubles
(vitamines A, D, E et K) et des caroténoïdes.
Leur taux plasmatique peut diminuer, notam-
ment en ce qui concerne la vitamine D et la
vitamine E dans certaines études (5, 14), tout
en restant dans les limites de la normale. Il faut
donc veiller à ce que les apports alimentaires
de ces vitamines soient suffisants, sous la
forme de fruits, de légumes et d’huiles végé-
tales.
Sibutramine
La sibutramine (Sibutral®) est un anorexigène,
dérivé de la phényléthylamine, qui a à la fois
une action noradrénergique et sérotoninergique
(15). En effet, elle diminue la “recapture” de
la sérotonine et de la noradrénaline au niveau
des terminaisons nerveuses, sans affecter la
libération de ces neurotransmetteurs. Chez les
rongeurs, la sibutramine inhibe la prise ali-
mentaire en augmentant la satiété et stimule la
thermogenèse (15). Il s’agit d’une activation
centrale du système sympathique dont les effé-
rences stimulent les récepteurs bêta 3-adr-
énergiques du tissu adipeux brun. Chez
l’homme, l’action anorexigène semble prédo-
minante, même si une petite augmentation de
la thermogenèse a été décrite.
La sibutramine est bien absorbée par voie orale.
Elle est métabolisée lors du premier passage
hépatique. Ses deux dérivés M1 et M2, qui ont
une action pharmacologique, ont une demi-vie
d’élimination de 14 à 16 heures et sont éliminés
par voie hépatique. Les autres métabolites,
inactifs, sont excrétés principalement par le rein.
Modalités de prescription
Le médicament peut être donné en une prise.
L’effet est dose-dépendant de 5 à 30 mg/j. La
dose optimale est de 10 à 15 mg/j. La tolérance
clinique est bonne (15). Les effets secondaires
centraux sont relativement banaux : sécheresse
de la bouche, nausées, constipation, fatigue,
sensations vertigineuses, insomnie, etc. En
revanche, il faut bien connaître les effets car-
diovasculaires de type adrénergique. La ten-
sion artérielle augmente en moyenne de 1 à 3
mmHg et la fréquence cardiaque de 3 à 6 bat-
tements par minute. Il est donc nécessaire de
mesurer régulièrement ces paramètres. La sibu-
tramine est contre-indiquée en cas d’hyper-
tension artérielle mal contrôlée, d’antécédent
d’accident vasculaire cérébral ou d’insuffi-
sance coronaire avérée et, par conséquent, chez
les sujets à haut risque vasculaire.
Effets bénéfiques du traitement
pharmacologique
Perte de poids
Les traitements diététiques sont souvent déce-
vants à moyen et, plus encore, à long terme, il
faut bien en convenir ! On admet que 30 à 60 %
des sujets reprennent du poids au cours de la
première année et que ce taux atteint 95 % au
bout de 5 ans. Dans le groupe placebo des
grandes études pharmacologiques, la perte de
poids est en moyenne de 4 à 5 kg au bout d’un
an (1,8 à 8 kg selon les moyens mis en œuvre).
Les patients traités par un médicament de
l’obésité perdent en moyenne 0,20 à 0,25 kg
de plus par semaine que les patients traités par
le placebo au cours des 6 premiers mois du
suivi (16). Mais seules les études en double
aveugle, d’une durée minimale d’un an sont
véritablement intéressantes. La perte de poids
est en moyenne de 9 à 10 kg (4,8 à 10,9 kg)
sous dexfenfluramine, sibutramine ou orlistat,
pour des sujets dont le poids de départ est de
90 à 100 kg (contre 6 kg environ pour les sujets
sous placebo) (9). Le pourcentage de patients
dont la perte de poids dépasse 10 % du poids
initial est le critère de succès thérapeutique le
plus pertinent. Toutes les études sont concor-
dantes sur ce point (figure 3) :les médicaments
de l’obésité sont deux à trois fois plus efficaces
que le placebo dans les analyses en intention
de traiter, soit environ 30 % de bons résultats
(20 à 39 %), contre 15 % sous placebo (7 à
18 %) (9).
Effets sur les comorbidités
La perte de poids a un effet bénéfique signifi-
catif sur les comorbidités de l’obésité. Des
études à court ou moyen terme ont montré
qu’une perte pondérale de 10 % entraîne une
baisse de 10 mmHg de la pression artérielle
systolique, de 20 mmHg de la pression arté-
rielle diastolique, de 10 % du cholestérol total
plasmatique, de 15 % du cholestérol-LDL, de
30 % des triglycérides et une augmentation de
8% du cholestérol-HDL. De plus, certains
65
Dossier : obésité
Placebo Placebo
Dexfenfluramine Orlistat
Placebo
Sibutramine
15 mg
10 mg
360 mg
360 mg
360 mg
30 mg
Pourcentage de patients
50
40
30
20
10
0
n = 418 404 114 114 224 668 340 343
17 17 17 18
35
7
28 29
39
20
34
163 161 161
Figure 3. Évaluation de l’efficacité de la dexfenfluramine, de l’orlistat et de la sibutramine selon Scheen et
Lefebvre (9).Le critère retenu est le pourcentage de patients obèses ayant perdu plus de 10 % de leur poids
initial dans une étude en double aveugle ayant duré un an. L’analyse est en “intention de traiter”, pour tenir
compte des sorties d’étude. Le nombre de patients étudiés dans chaque groupe et la posologie du médicament
sont indiqués dans la figure.
Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume VI, n° 2, mars-avril 2002
médicaments de l’obésité pourraient avoir une
action antidiabétique ou hypolipémiante, indé-
pendante de leur effet sur le poids. À l’évi-
dence, il s’agit là d’un avantage supplémen-
taire pour justifier leur prescription au long
cours. Ainsi, l’orlistat diminue le cholestérol-
LDL de 5 à 10 % (5, 13).
Qualité de vie
Améliorer la qualité de vie est désormais un
objectif prioritaire du traitement de l’obésité.
Seule la chirurgie de réduction gastrique a fait
réellement la preuve de son efficacité dans ce
domaine, car elle peut entraîner une perte de
poids de 20 à 40 kg chez des sujets atteints
d’obésité massive. L’effet d’un amaigrissement
plus modeste sur la qualité de vie est actuelle-
ment à l’étude, les premiers résultats sont
encourageants (17).
Effet sur la mortalité
L’effet du traitement pharmacologique de
l’obésité sur le risque de mortalité n’a pas été
étudié. Un tel essai thérapeutique serait diffi-
cile à réaliser pour des raisons à la fois finan-
cières et méthodologiques.
La prescription
Indications
Le traitement médicamenteux ne peut être
envisagé que pour les patients véritablement
obèses (IMC 30 kg/m2) pour lesquels le trai-
tement hygiéno-diététique a donné des résul-
tats insuffisants au bout de 3 à 6 mois (2).
Il peut être également indiqué pour des patients
en surpoids (IMC 25 kg/m2) ayant un risque
élevé de morbi-mortalité lié à des pathologies
comme le diabète de type 2, les dyslipidémies,
l’hypertension artérielle ou le syndrome des
apnées du sommeil, pour lesquelles l’obésité
joue un rôle pathogénique déterminant (2).
L’appréciation du seuil de risque varie selon
les pays ; les autorités américaines ont choisi
un IMC 27 kg/m2et les experts français un
IMC 25 kg/m2. Il est amusant de constater
que, dans cette situation, l’orlistat a une AMM
lorsque l’IMC est 28 kg/m2et la sibutramine
pour un IMC de 27 kg/m2.
Le syndrome X d’insulino-résistance, ou syn-
drome métabolique, qui associe intolérance au
glucose, dyslipidémie, hypertension artérielle
et obésité androïde, pourrait être une bonne
indication, car la perte de poids en constitue le
traitement le plus logique. La prévention du
diabète de type 2 serait également une cible de
choix (18).
Seules les indications médicales peuvent être
retenues, ce qui exclut l’usage de ces médica-
ments chez des sujets sans excès de poids, à
des fins uniquement esthétiques. L’utilisation
des médicaments n’est pas recommandée chez
l’enfant car les données sont insuffisantes
quant à leurs effets pendant la croissance et la
puberté, ou quant à leur action à long terme sur
le comportement alimentaire. Mais des études
sont en cours dans les formes sévères.
Choix du médicament
Le choix thérapeutique repose sur de multiples
critères, dont les principaux sont la disponibi-
lité (en France, l’AMM), le coût financier, l’ef-
ficacité, les effets secondaires, mais surtout
l’expérience du prescripteur, car il n’existe pas
de consensus international à ce sujet. Certains
proposent de choisir un médicament d’action
centrale, comme la sibutramine, chez les
patients qui reconnaissent avoir du mal à
contrôler leurs apports alimentaires ; l’orlistat
peut sembler plus intéressant chez les patients
forts consommateurs de lipides que chez ceux
suivant déjà un régime hypolipidique sévère.
Mais ces arguments sont relatifs, si l’on consi-
dère la difficulté habituelle à estimer les
apports alimentaires des personnes obèses.
L’absence de réponse à une classe thérapeu-
tique peut amener à proposer une molécule
d’une autre classe. L’association d’un médica-
ment d’action centrale à un deuxième d’action
périphérique est logique en théorie, mais non
recommandée en pratique, faute de données. Il
faut rappeler dans ce domaine que l’associa-
tion de deux anorexigènes est interdite en
France.
Cadre thérapeutique
Le traitement médicamenteux ne constitue
qu’un moyen thérapeutique parmi d’autres,
dans une stratégie de prise en charge à long
terme, adaptée à chaque patient. Il fait donc
partie d’un projet thérapeutique qui doit clai-
rement définir les objectifs recherchés et le
“calendrier” de la perte de poids. Ce projet est
ajusté à chaque consultation, en fonction des
résultats obtenus, des attentes du patient, de ses
propres conceptions vis-à-vis de sa santé
(croyances de santé), des “efforts” qu’il est
capable de faire, ainsi que de l’expérience du
médecin. Le carnet de santé pourrait en être le
support. Il importe, en effet, que l’évolution du
poids et celle des facteurs de risque vasculaire
soient relevées de même que les difficultés du
patient. Si un médecin spécialiste est à l’ori-
gine de la première prescription médicamen-
teuse, des informations précises devraient être
transmises au médecin traitant sur les effets
attendus, les complications éventuelles, les
paramètres à surveiller, etc. Une fois l’objec-
tif atteint, il est indispensable qu’un pro-
gramme de soutien soit mis en place pour évi-
ter la “rechute”. Il comporte des mesures
simples : pesée régulière du patient au cabinet
médical par le médecin traitant (tous les 3 mois
par exemple), un entretien diététique plusieurs
fois par an, des conseils pour augmenter l’ac-
tivité physique dans la vie quotidienne, une
analyse du comportement alimentaire dans les
situations de stress, etc.
Évaluation du rapport
bénéfices/risques
La réalisation d’études de longue durée reste
indispensable, afin de mieux évaluer, d’une
part, l’efficacité sur le poids et les comorbidi-
tés et, d’autre part, les risques des médicaments
de l’obésité, l’évaluation de ce rapport béné-
fices/risques étant une préoccupation constante
(16). Pour les molécules utilisées en France
(orlistat et sibutramine), ce rapport est consi-
déré comme bon. Mais les effets de la sibutra-
mine sur la fréquence cardiaque et la tension
artérielle méritent d’être soigneusement éva-
lués, en particulier chez les patients à risque
cardiovasculaire avéré. En ce qui concerne
l’orlistat, il est important de surveiller à long
terme le statut vitaminique, compte tenu des
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Dossier : obésité
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