étude morphologique du processus falciforme du ligament sacro

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UNIVERSITE DE NANTES
FACULTE DE MEDECINE
MAITRISE EN SCIENCES BIOLOGIQUES ET MEDICALES
M.S.B.M
MEMOIRE POUR LE CERTIFICAT D’ANATOMIE, D’IMAGERIE ET DE MORPHOGENESE
2002-2003
UNIVERSITE DE NANTES
ÉTUDE MORPHOLOGIQUE DU PROCESSUS
FALCIFORME DU LIGAMENT SACRO-TUBÉRAL
Par
Brice FRESNEAU
LABORATOIRE D’ANATOMIE DE LA FACULTE DE MEDECINE DE
NANTES
Président du jury :
Pr. J. LEBORGNE
Vice-Président :
Pr. J.M. ROGEZ
Enseignants :
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
Pr. O. ARMSTRONG
Pr. P. COSTIOU
Pr. D. CROCHET
Pr. A. DE KERSAINT-GILLY
Pr. B. DUPAS
Pr. Y. HELOURY
Pr. J.P. MOISAN
Pr. N. PASSUTI
Pr. R. ROBERT
Pr. O. RODAT
Ceran :
Mlle M. GARCON – Assistant Ingénieur
Laboratoire :
S. LAGIER et Y. BLIN - Collaboration Technique
UNIVERSITE DE NANTES
FACULTE DE MEDECINE
MAITRISE EN SCIENCES BIOLOGIQUES ET MEDICALES
M.S.B.M
MEMOIRE POUR LE CERTIFICAT D’ANATOMIE, D’IMAGERIE ET DE MORPHOGENESE
2002-2003
UNIVERSITE DE NANTES
ÉTUDE MORPHOLOGIQUE DU PROCESSUS
FALCIFORME DU LIGAMENT SACRO-TUBÉRAL
Par
Brice FRESNEAU
LABORATOIRE D’ANATOMIE DE LA FACULTE DE MEDECINE DE
NANTES
Président du jury :
Pr. J. LEBORGNE
Vice-Président :
Pr. J.M. ROGEZ
Enseignants :
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Pr. O. ARMSTRONG
Pr. P. COSTIOU
Pr. D. CROCHET
Pr. A. DE KERSAINT-GILLY
Pr. B. DUPAS
Pr. Y. HELOURY
Pr. J.P. MOISAN
Pr. N. PASSUTI
Pr. R. ROBERT
Pr. O. RODAT
Ceran :
Mlle M. GARCON – Assistant Ingénieur
Laboratoire :
S. LAGIER et Y. BLIN - Collaboration Technique
REMERCIEMENTS
A Monsieur le Professeur Robert,
Qui, par ses conseils et ses encouragements,
A rendu possible la réalisation de ce mémoire.
A Stéphane LAGIER et Yvan BLIN,
Pour leur gentillesse et leur disponibilité.
A tous mes collègues du MSBM d’Anatomie.
SOMMAIRE
INTRODUCTION
MATERIEL ET METHODES
1- Matériel de dissection
2- Méthodes de dissection
21. Abord endopelvien médial
22. Abord transglutéal
23. Méthodes spécifiques
3- Méthodes pour l’étude statistique
RESULTATS
1. Rappels anatomiques
11. Le pelvis (figure3)
12. La région glutéale
13. Le périnée
2. Le processus falciforme du ligament sacro-tubéral
21. Description
211. Morphologie
212. Rapports
1- Premier segment
2- Deuxième segment
3- Troisième segment
213. Conclusion
22. Etude morphométrique comparative
221. S’agit-il d’une structure constante ?
222. Est-il soumis à des variations ?
223. Statistique descriptive
224. Conclusion
DISCUSSION
1. Les névralgies du nerf pudendal
11. Diagnostic
12. Physiopathologie
121. Les conflits anatomiques
122. Rôle du polymorphisme
13. Thérapeutique
2. Perspectives
CONCLUSION
REFERENCES
INTRODUCTION
En 1915, Zuelzer, pour expliquer l’existence de douleurs périnéales chez des cyclistes,
émit l’hypothèse d’un syndrome du nerf pudendal (anciennement appelé nerf honteux
interne). En guise de traitement, il proposa la section de ce nerf, ce qui certes supprima de
façon immédiate les algies périnéales, mais qui fut suivie quelques mois plus tard par
l’apparition de nouvelles douleurs, dites de déafférentation. L’échec thérapeutique conduisit à
la remise en question de la théorie du syndrome du nerf pudendal, puis à son oubli.
Ce n’est qu’en 1984 que l’origine neurologique des douleurs périnéales dites
essentielles fut à nouveau
reconsidérer. Amarenco fit ainsi la première description du
« syndrome du canal d’Alcock » , qu’il définit comme une « souffrance aiguë du nerf honteux
interne dans le canal ostéo-musculo-aponévrotique que forment l’ischion et le muscle
obturateur interne (fossette ischio-rectale ou canal d’Alcock) » [1;2]. En 1988, les travaux du
Professeur Robert et de ses collaborateurs [7] ont aboutit grâce à une confrontation anatomoclinique à la caractérisation précise des névralgies pudendales. De l’étude anatomique, il
ressort que la souffrance du nerf pudendal peut être imputée à l’existence de deux zones de
conflit critiques :
-
la première, postérieure, correspondant à la pince ligamentaire formée par les
ligaments sacro-épineux et sacro-tubéral ;
-
la seconde , antérieure, liée au chevauchement du processus falciforme du
ligament sacro-tubéral par le nerf pudendal.
Ainsi le processus falciforme du ligament sacro-tubéral est un élément clé de la
physiopathologie des névralgies du nerf pudendal. Et c’est dans l’optique d’une meilleure
compréhension des algies périnéales que s’inscrit le travail ici exposé, travail qui consiste en
une étude morphométrique du processus falciforme et de ses rapports étroits avec le nerf
pudendal.
MATERIEL ET METHODES
1- Matériel de dissection
▪ L’étude a porté sur 9 sujets différents, dont :
- deux frais, un homme et une femme ;
- sept formolés, 2 hommes et 5 femmes.
Cependant, seuls 13 hémi-bassins ont été exploités pour les mesures statistiques.
Il a été également utilisé une pièce de TP du laboratoire d’anatomie : le bassin ostéoligamentaire.
▪ Les outils de dissections utilisés sont :
- un bistouri n°4 et une série de lames n°23 ;
- un bistouri n°3 et une série de lames n°15 ;
- des pinces à disséquer avec et sans griffes ;
- des paires de ciseaux à pointes courbe et droite ;
- des pinces à clamper, fils et porte-aiguilles ;
- une scie et un billot ;
- une curette ;
- un double-décimètre ;
- un pied à coulisse d’une précision de l’ordre du dixième de millimètre.
2- Méthodes de dissection
21. Abord endopelvien médial
Dans un premier temps le bassin a été isolé du reste de l’économie. Pour cela la paroi
abdominale antérieure est incisée d’une épine iliaque antéro-supérieure à l’autre en suivant les
ligaments inguinaux, puis une incision est menée du pubis jusqu’à l’appendice xiphoïde. Les
incisions sont réalisées jusqu’au péritoine. La paroi abdominale antérieure peut dès lors être
relevée laissant ainsi apparaître la cavité abdoinale. Le péritoine est alors incisé. Le rectum est
ensuite ligaturé puis sectionné ; dès lors, l’intestin peut être refoulé crânialement. Enfin le
basin est isolé de l’abdomen grâce à une coupe du rachis et des parties molles menée en L4.
Les deux membres inférieurs ont été également séparés.
Le bassin ainsi isolé est alors éviscéré.
→ Pour ce faire, le rectum est libéré de ses adhérences sacrées. Puis le péritoine est incisé
latéralement par rapport au bloc recto-vésical du sacrum jusqu’au pubis. Dés lors l’espace
pelvi-sous-péritonéal est rendu accessible et il est possible de continuer la libération du
rectum de ses adhérences pelviennes, jusqu’au diaphragme pelvien, constitué par les muscles
élévateur de l’anus et coccygien, qui sont alors incisés en suivant les parois rectales postérolatérales et vésicales antéro-latérales (figure1). Le bloc recto-vésical (plus l’utérus s’il s’agit
d’une femme) est ainsi totalement libéré de ses attaches pelviennes.
→ Pour le libérer de ses attaches périnéales, il faut réaliser un abord inférieur, consistant en
une incision transversale postérieure passant en arrière de l’anus, et permettant la section du
ligament ano-coccygien, et une antérieure, qui chez la femme passe en avant de la vulve et
chez l’homme en avant du pénis, permettant ainsi la section du ligament suspenseur. Enfin les
incisions latérales sont menées de part et d’autre des organes génitaux externes (figure2).
Ainsi, les différents plans périnéaux peuvent être incisés successivement :
-
d’abord l’espace superficiel du périnée, avec ses muscles ischio-caverneux et
bulbo-spongieux (-caverneux chez la femme) et le muscle transverse
superficiel, inconstant ;
-
ensuite l’espace profond du périnée comprenant le diaphragme uro-génital.
Dès lors le bloc recto-vésical peut être retiré du bassin.
Il ne reste plus qu’à réaliser une coupe sagittale médiane permettant la séparation des
deux hémi-basins. Le processus falciforme et le nerf pudendal pourront ainsi être abordés par
voie médiale.
22. Abord transglutéal
Il a été réalisé sur un sujet, en plus de l’abord médial décrit ci-dessus, une voie
postérieure, glutéale. Il a été ainsi récliné latéralement le muscle grand fessier (gluteus
maximus) après sa désinsertion du ligament sacro-tubéral, de façon à faire apparaître la course
du nerf pudendal et des vaisseaux iliaques internes dans la région glutéale, qui vont ensuite
passer en arrière du ligament sacro-épineux, avant de pénétrer dans le périnée, sous le muscle
élévateur de l’anus (levator anii). Cette dissection a donc été réalisée pour visualiser le
ligament sacro-tubéral dans son entier, mais aussi pour mieux appréhender le trajet du nerf
pudendal dans la région glutéale, et donc dans la pince ligamentaire formée par les ligaments
sacro-épineux et sacro-tubéral.
23. Méthodes spécifiques
A deux reprises, des bassins préalablement congelés et coupés sagittalement ont été
utilisés. Sur un des deux avait été réalisée une injection des artères iliaques internes. Dans les
deux cas, l’abord alors utilisé a été un abord endopelvien médial identique à celui exposé cidessus.
Ligne d’incision
péritonéale
Figure 1 : libération du bloc recto-vésical de ses attaches pelviennes
Incision revêtement péritonéal
(Modifié, d’après [11])
Incision périnéale transverse
antérieure
Incision périnéale longitudinale
Incision périnéale transverse
antérieure
Figure 2 : libération du bloc recto-vésical de ses attaches périnéales
Incisions (modifié d’après [11])
3. Méthodes pour l’étude statistique
Il a été réalisé une étude morphométrique comparative du processus falciforme. Pour
cela, un échantillon de 14 hémi-bassins a été retenu, dont 7 droits et 7 gauches. Pour 5 sujets
l’analyse a été bilatérale ; les quatre autres hémi-bassins sont issus de quatre suets différents,
dont un correspond au bassin ostéo-ligamentaire utilisé en TP.
L’analyse de chaque pièce se voulant être reproductible, la voie d’abord utilisée ainsi
que les mesures réalisées ont été fixées à l’avance et conservées sans modification tout au
long de l’étude :
-
la voie d’abord utilisée est une voie médiale, endopelvienne, après coupe sagittale,
telle qu’elle a été définie ci-dessus ; seule la pièce de TP n’a pas été coupée
sagittalement, mais utilisée telle quelle ;
-
les mesures réalisées sont les suivantes :
▪ longueur du ligament sacro-tubéral, mesurée sur sa face antérieure entre la tubérosité
ischiatique et la vertèbre sacrée S4, en suivant l’axe du processus falciforme ;
▪ longueur du processus falciforme depuis son origine sur la face antérieure (ou supérieure) du
ligament sacro-tubéral, jusqu’à sa terminaison sur la branche ischio-pubienne ;
▪ largeur du processus falciforme, mesurée dans sa portion adhérente au ligament sacrotubéral ;
▪ hauteur du processus falciforme, mesurée au niveau de la pince ligamentaire formée par les
ligaments sacro-épineux et sacro-tubéral et au niveau de l’ischion, sous le pédicule rectal
inférieur ;
▪ espace séparant le processus falciforme de l’épine ischiatique, après projection orthogonale
de ces deux structures sur un plan horizontal.
Les mesures ont été ensuite analysées grâce à des paramètres de tendance centrale et
de dispersion :
▪ la moyenne,
quotient de la somme des n valeurs observées pour la variable X, par l’effectif n ;
▪ la médiane,
valeur de la variable telle que l’on ait autant d’éléments ayant une valeur supérieure ou
égale à la médiane que d’éléments ayant une valeur inférieure ou égale ;
▪ l’intervalle interquartile,
différence entre le troisième et le premier quartile (les quartiles, au nombre de 3,
partagent en 4 l’ensemble étudié) ;
▪ la variance,
moyenne des carrés des écarts à la moyenne ;
▪ l’écart-type,
racine carrée de la variance.
RESULTATS
Le processus falciforme du ligament sacro-tubéral est une structure profonde, située
dans l’espace ischio-rectal, sous le muscle levator anii, donc dans le périnée. Avant de
procéder à l’étude spécifique de cette structure, il me semble nécessaire de faire quelques
rappels anatomiques sur le pelvis et le périnée ; pour ce faire, il peut être intéressant de suivre
comme fil d’Ariane le nerf pudendal. Celui-ci comporte en effet trois segments situés dans
trois régions anatomiques différentes : le pelvis, la région glutéale et le périnée.
1. Rappels anatomiques
11. Le pelvis (figure3)
Grâce à un abord médial tel qu’il a été décrit dans les méthodes ci-dessus, il est
possible de réaliser une dissection complète des structures vasculo-nerveuses pelviennes.
Ainsi, en suivant l’artère iliaque interne, et donc la veine, dans son trajet intra-pelvien, tout en
disséquant au fur et à mesure chacune de ses branches (seules leurs origines peuvent être ici
disséquées dans la mesure où il a été procédé préalablement à une éviscération pelvienne),
nous arrivons à hauteur des racines sacrées. Apparaît alors le nerf pudendal naissant de la
racine sacrée S3, mais recevant aussi des fibres nerveuses de S2 et S4. Aussitôt constitué, il se
dirige latéralement et sort du pelvis par la grande ouverture sciatique, sous le muscle
piriforme (ex-pyramidal du bassin). Il est alors accompagné des vaisseaux iliaques internes.
Ensemble, ils pénètrent dans la région glutéale.
12. La région glutéale (figure 4)
Pour suivre le nerf pudendal et les vaisseaux iliaques internes dans la région glutéale,
il a été réalisé un abord postérieur, tel qu’il a été défini dans les méthodes ci-dessus. Il
apparaît ainsi que le nerf pudendal, médialement par rapport à l’artère, rétrocroise le ligament
sacro-épineux et se retrouve ainsi pris dans une pince ligamentaire formée par les ligaments
sacro-épineux et sacro-tubéral. Il contourne ainsi l’épine ischiatique pour ensuite pénétrer
dans la région périnéale, sous le muscle levator anii. Dans son trajet glutéal, le nerf pudendal
est en rapport notamment avec le nerf cutané postérieur de la cuisse et le nerf sciatique, qui lui
sont latéraux, ainsi que le paquet vasculo-nerveux glutéal inférieur, en position crâniale et
latérale.
13. Le périnée (figure 5)
Une fois l’épine ischiatique contournée, le nerf pudendal vient se placer en position
inférieure par rapport aux vaisseaux qui l’accompagnent. Ensemble, ils pénètrent dans un
dédoublement de l’aponévrose du muscle obturateur interne, ce qui constitue le classique
canal pudendal ou canal d’Alcock, véritable espace de glissement pour le nerf et ses vaisseaux
satellites. Dans sa partie postérieure, ce canal est en contact direct médialement avec la
graisse de l’espace ischio-rectal, recouverte du levator anii, qui marque la limite entre le
pelvis, au-dessus, et le périnée, en dessous. La dissection de cet espace ischio-rectal permet
d’isoler un paquet vasculo-nerveux engainé par une membrane fibreuse, et se dirigeant vers le
sphincter externe de l’anus et la peau péri-anale. Il s’agit du nerf rectal inférieur et de ses
vaisseaux satellites qui ont perforé l’aponévrose de l’obturateur interne pour sortir du canal
d’Alcock. Le niveau de sortie est variable d’une dissection à l’autre.
La dissection se continue vers l’avant et permet d’isoler cette fois le pédicule vasculonerveux périnéal, qui lui-même se divise en deux contingents superficiel et profond, destinés
au périnée uro-génital superficiel et profond. Enfin, au niveau de la branche ischio-pubienne,
sortant du canal pudendal selon un axe postéro-antérieur, est découvert le nerf dorsal de la
verge (ou du clitoris).
Enfin, la dissection de l’espace périnéal profond se termine par l’incision du canal
d’Alcock. Dans le dédoublement de l’aponévrose de l’obturateur interne, sont retrouvés le
nerf pudendal, divisé en ses différentes branches terminales et surmonté des artères et veines
qui l’accompagnent. Il est alors en rapport étroit avec la portion distale du ligament sacrotubéral et son extension ligamentaire, le processus falciforme, qui suit la branche ischiopubienne et que l’on atteint en suivant l’aponévrose de l’obturateur interne.
Haut
Avant
Artère iliaque commune
Vertèbre L5
Artère iliaque externe
Veine iliaque interne
Artère iliaque interne
Veine glutéale
supérieure
Paquet vasculo-nerveux
obturateur
Plexus pudendal
Muscle levator anii
Racine sacrée S3
Ligament sacroépineux
Figure 3 : le pelvis
Hémi-bassin gauche en vue médiale, endopelvienne
Haut
Dedans
Muscle gluteus
maximus
Sacrum
Muscle piriforme
Artère iliaque interne
devenant pudendale
Ligament sacrotubéral
Rameaux nerveux
glutéaux inférieurs
Nerf sciatique
Muscle obturateur
interne
Nerf cutané postérieur
de la cuisse
Processus falciforme
Tubérosité ischiatique
Figure 4 : la région glutéale
Hémi-bassin gauche en vue postérieure
Haut
Avant
Pubis
Artère glutéale inf.
Muscle obturateur
interne
Racine sacrée S3
A. et n. dorsaux
de la verge
Plexus pudendal
Epine ischiatique
Nerfs périnéaux
Processus falciforme
Artère bulbaire
Ligament sacroépineux récliné
Artère périnéale
A. et n. rectaux
inférieurs
Coccyx
A. et n. pudendal
Sphincter anal
Figure 5 : la région périnéale
Hémi-bassin en vue médiale, endopelvienne
Après injection de l’artère iliaque interne
2. Le processus falciforme du ligament sacro-tubéral
L’étude du processus falciforme ici présentée comporte deux parties. En effet, dans un
premier temps, les dissection que j’ai réalisées m’ont permis d’étudier la morphologie globale
(forme, couleur, trajet) du processus falciforme, ainsi que ses rapports. Le deuxième temps de
l’étude a consisté en une approche statistique, dont les objectifs étaient les suivants :
-
s’agit-il d’une structure constante ?
-
est-elle soumise à des variations de forme, de longueur, de hauteur ?
-
peut-on déterminer des valeurs moyennes à partir des mesures réalisées ?
Ces résultats seront discutés dans la partie suivante.
21. Description
211. Morphologie (figures 6 et 7)
Le processus falciforme se présente comme une extension ligamentaire du ligament
sacro-tubéral dirigée vers la branche ischio-pubienne sur laquelle il s’insère.
Il naît de la face supérieure du ligament sacro-tubéral, au milieu de sa largeur, et en
dessous du ligament sacro-épineux, sur lequel ce dernier s’appuie avant de se diriger vers
l’épine ischiatique. Son origine peut être assimilée à un repli ligamentaire se constituant de la
même façon qu’un simple pli de drap. Il se dirige ensuite selon l’axe du ligament sacrotubéral vers la tubérosité ischiatique, sur lequel le ligament vient s’insérer. Le processus
falciforme se situe alors sur le bord médial du ligament. Au niveau de l’ischion, il abandonne
le ligament sacro-tubéral et se poursuit seul. Décrivant une courbe à concavité supérieure, il
remonte alors le long de la branche ishio-pubienne, à laquelle il adhère en permanence par sa
face médiale. Il va finalement s’épuiser le long de cette branche après en avoir parcouru les
deux tiers. Néanmoins, son extrémité distale reste difficile à préciser, les dernières fibres étant
intimement liées à l’os, intimité dont il faut rechercher la cause dans l’embryologie (rappelons
que os, ligaments, muscles et tendons sont issus d’un tissu mésenchymateux commun, qui
sous l’action combinée de la différenciation et de l’apoptose a permis l’élaboration des
structures définitives).
Le processus falciforme adopte donc, comme son nom l’indique, une forme de faux, à
concavité supérieure, et à trajet postéro-antérieur. Son bord supérieur présente la
caractéristique d’être tranchant, ce qui permet son identification et sa délimitation précise. En
effet comme nous le verrons plus tard, l’aponévrose du muscle obturateur interne s’insère sur
le bord supérieur du processus falciforme, par conséquent, pour marquer la limite entre les
deux, il faut un repère, et ce repère est la variation très nette de consistance entre le processus
falciforme, solide, rigide et tranchant, et l’aponévrose, plus souple. Ainsi, tant que
l’aponévrose n’a pas été désinsérée, on palpe le processus falciforme plus qu’on ne le voit.
Enfin, notons qu’il est de couleur ivoirine, comme le ligament à partir duquel il se
forme.
Arrière
Droite
Aile iliaque
promontoire
Ligament sacroépineux
Sacrum
Ligament sacrotubéral
Processus
falciforme
Symphyse pubienne
Figure 6 : Situation du processus falciforme
Bassin ostéoligamentaire en vue supérieure(pièce de TP)
Haut
Avant
Ligament sacro-tubéral
droit
Sacrum
Pubis
Tubérosité ischiatique
droite
Ligament sacrotubéral
gauche
Foramen obturé
Processus falciforme
gauche
Branche ischio-pubienne
Tubérosité ischiatique
gauche
Figure7 : processus falciforme gauche
Bassin ostéoligamentaire en vue inféro-médiale (pièce de TP)
212. Rapports
Le trajet du processus falciforme peut être décomposé en trois segments :
- le premier, va de la naissance du processus falciforme de la face supérieure du ligament
sacro-tubéral, jusqu’à son émergence de sous le ligament sacro-épineux.
- le deuxième suit le ligament sacro-tubéral jusqu’à la tubérosité ischiatique.
- le troisième, indépendant du ligament sacro-tubéral, suit un trajet ascendant le long de la
branche ischio-pubienne.
Les rapports de ces segments étant différents, nous en ferons une analyse séparée.
1- Premier segment (figure8)
▪ Rapport inférieur : la face supérieure du ligament sacro-tubéral. Celui-ci naît des
épines iliaques postérieures et du bord latéral du sacrum et des vertèbres coccygiennes pour se
diriger en bas, en dehors et en avant vers la tubérosité ischiatique. Sa largeur diminue
progressivement sur les deux tiers de sa longueur puis raugmente jusqu’à l’ichion, lui
conférant ainsi une forme en double triangle opposés par le sommet.
▪ Rapport supérieur : la face inférieure du ligament sacro-épineux. De forme
triangulaire, à base médiale insérée sur le bord latéral des vertèbres sacrales S4 et S5 et des
vertèbres coccygiennes, il se dirige latéralement en haut et en dehors vers l’épine ischiatique
après avoir pris appui sur le processus falciforme. Ce dernier joue donc le rôle d’un tremplin
permettant au ligament sacro-épineux de se détacher du sacro-tubéral auquel il était accolé
dans sa partie initiale.
▪ Rapports médiaux : les ligaments sacro-épineux et sacro-tubéral ainsi que leurs
insertions sacro-coccygiennes.
▪ Rapports latéraux :
le pédicule vasculo-nerveux pudendal. En effet, le nerf
pudendal, accompagné de son artère et de sa veine satellites, contourne l’épine ischiatique par
en arrière en passant dans la pince ligamentaire formée par les ligaments sacro-tubéral et
sacro-épineux pour gagner le périnée et donc le canal d’Alcock. Cette pince est en fait un
véritable couloir délimité en avant par l’épine ischiatique, en avant et en dedans par le sacro-
épineux, en dedans par le processus falciforme et en arrière par le sacro-tubéral. Cette zone
constitue une source de conflit possible entre le nerf pudendal et les structures ligamentaires.
2. Deuxième segment
▪ Rapports inférieurs (figure 9): à partir de son émergence de sous le ligament sacroépineux, le processus falciforme constitue le rebord médial proéminent et tranchant du
ligament sacro-tubéral. Il est ainsi en rapport latéralement avec le ligament sacro-tubéral
jusqu’à son insertion sur la tubérosité ischiatique. Médialement, il se trouve en rapport avec la
graisse iscio-rectale et donc avec le canal anal et le sphincter de l’anus. L’exérèse de cette
graisse ischio-rectale, segmentée en lobules par des extensions aponévrotiques, conduit au
pédicule vasculo-nerveux anal (ex-rectal inférieur), qui se dirige en bas, en dedans et en avant
vers le sphincter de l’anus et la peau péri-anale.
▪ Rapports médiaux : il s’agit de l’ abondante graisse de l’espace ischio-rectal qui le
sépare du canal anal ; un autre rapport médial est le pédicule vasculo-nerveux anal, ainsi que
le nerf perforant cutané (figure 9), inconstant, qui naît du plexus pudendal, et qui gagne la
fosse ischio-rectale sans passer par le canal pudendal, à destinée cutanée péri-anale
postérieure.
▪ Rapports supérieurs : sur toute sa longueur, depuis l’émergence de sous le ligament
sacro-épineux, jusqu’à sa terminaison sur la branche ischio-pubienne, le processus falciforme
sert d’insertion à l’aponévrose du muscle obturateur interne. Il se trouve par cet intermédiaire
en rapport étroit avec le canal d’Alcock, dédoublement de l’aponévrose de l’obturateur interne
contenant le nerf pudendal et ses branches terminales. Ces éléments nerveux sont en position
inférieure par rapport aux artères et aux veines. A remarquer que dès son entrée dans le canal
d’Alcock, le nerf pudendal se divise en trois branches :
-
le nerf anal, en position inférieure, et qui sort le premier du canal d’Alcock
en perforant l’aponévrose du muscle obturateur interne, pour ensuite
enjamber le processus falciforme et gagner la région péri-anale ;
-
le nerf périnéal, qui lui-même se divise en deux branches, superficielles et
profondes. Il se situe en position supérieure par rapport au nerf anal, et sort
du canal pudendal plus distalement, au niveau de l’ischion ou de la branche
ischio-pubienne.
-
le nerf dorsal de la verge ou du clitoris, en position très supérieure dans le
canal d’Alcock, qu’il parcoure sur toute sa longueur, avant de gagner les
organes génitaux externes.
Il faut donc ici noter la promiscuité entre ces deux structures que sont le processus falciforme
et le nerf pudendal et ses branches, notamment le nerf rectal inférieur.
Au-dessus du canal d’Alcock, existe un épaississement de l’aponévrose de l’obturateur
interne, l’arcus tendineus, tendu du bord antérieur du trou obturé à l’épine ischiatique, et sur
lequel s’insère le muscle élévateur de l’anus.
Ces différents éléments peuvent être apprécier sur les figures 10, 11 et 12, qui correspondent
aux trois temps clés de la dissection de ce troisième segment. La figure 10 montre les rapports
étroits entre le canal d’Alcock et le processus falciforme. Le canal est ensuite incisé dans le
sens de sa longueur et son contenu est disséqué (figure 11). Enfin, le paquet vasculo-nerveux
pudendal est libéré du canal d’Alcock dont la face médiale est à son tour incisée. Puis
l’aponévrose est décollée du muscle obturateur interne. En vue supérieure, on s’aperçoit alors
que l’aponévrose ne s’insère pas directement sur l’ischion et la branche ischio-pubienne, mais
sur une structure plus médiale, le processus falciforme (figure 12). La dissection de cet hémibassin se termine par l’exérèse de toutes les structures vasculo-nerveuses périnéales, pour ne
conserver que le processus falciforme (figure 13).
▪ Rapports latéraux : ils comprennent le ligament sacro-tubéral ainsi que le muscle
obturateur interne qui se réfléchit au niveau de la petite incisure ischiatique avant de se diriger
vers le grand trochanter.
3. Troisième segment
▪ Rapport latéral : à partir de l’ischion, le processus falciforme amorce une courbe à
concavité supérieure lui permettant de remonter le long de la branche ischio-pubienne, à
laquelle il adhère tout du long par sa face latérale. Son rapport latéral dans ce troisième
segment est donc la branche ischio-pubienne.
▪ Rapports inférieurs et médiaux : il s’agit du périnée uro-génital constitué par
l’urètre (et le vagin chez la femme) et par les muscles ischio-caverneux recouvrant les corps
caverneux, caractérisés par un système de trabécules séparant des sinus caverneux ; ils sont
donc remplis de sang, ce qui les rend parfaitement reconnaissables lors de la dissection.
▪ Rapports supérieurs : l’aponévrose du muscle obturateur interne, et donc par cet
intermédiaire la fin du canal d’Alcock, dans le prolongement duquel sort le nerf dorsal de la
verge (ou du clitoris) et ses vaisseaux satellites. Les nerfs périnéaux et leurs vaisseaux
satellites sont aussi des rapports supérieurs du processus falciforme dans son troisième
segment. (cf. figures 5 et 11)
213. Conclusion
Cette étude descriptive a donc permis de mettre en évidence les rapports étroits
qu’entretient le processus falciforme avec
-
le canal d’Alcock, à la fois spatialement et structurellement, via l’aponévrose
du muscle obturateur interne qui s’insère dessus ;
-
les branches terminales du nerf pudendal ( le nerf anal, ex-rectal inférieur,
les nerfs périnéaux superficiel et profond, et le nerf dorsal de la verge/du
clitoris) qui sortent successivement du canal d’Alcock, en enjambant le
processus falciforme.
Haut
Avant
Artère iliaque interne
Racine S2
Plexus pudendal
Racine S3
Tronc commun a. rectale
moyenne - a. vésicale inf.
Sacrum
Epine ischiatique
Ligament sacro-épineux
sectionné
Ligament sacro-tubéral
Nerf pudendal
Processus falciforme
Nerf dorsal du clitoris
Artère et veine pudendale
Pédicule vasculo-nerveux
rectal inférieur
Nerf périnéal
Figure 8 : origine du processus falciforme
Hémi-bassin droit en vuemédiale, endopelvienne
Haut
Avant
Sacrum
Ligament sacro-épineux
Epine ischiatique
Ligament sacro-tubéral
Muscle obturateur
Processus falciforme
Pédicule vasculonerveux rectal inf.
Nerf perforant cutané
Nerf dorsal du clitoris
a. et v. pudendales
Nerf périnéal
Sphincter externe de l’anus
Canal anal
Figure 9 : rapports du processus falciforme dans son deuxième segment
Hémi-bassin en vue médiale, endopelvienne
Haut
Avant
Muscle levator anii
pubis
Ligament sacroépineux
Aponévrose du muscle
obturateur interne
Sacrum
Canal d’Alcock
Processus falciforme
Pédicule vasculonerveux rectal inf.
Nerf périnéal
superficiel
Nerf périnéal profond
Figure 10 : processus falciforme et canal d’Alcock
Hémi-bassin droit féminin en vue médiale, endopelvienne
Haut
Avant
Pubis
Muscle levator anii
Aponévrose du muscle
obturateur interne
Artère et veine
pudendales
Canal d’Alcock incisé
Ligament sacroépineux
Nerf dorsal du clitoris
Nerfs périnéaux
superficiels et
profonds
Processus falciforme
Coccyx
Pédicule vasculonerveux rectal
inférieur
Figure 11 : Processus falciforme et nerf pudendal
Hémi-bassin droit féminin en vue médiale, endopelvienne
(canal d’Alcock incisé)
Haut
Avant
Muscle levator anii
Processus falciforme,
reconnaissable à sa
couleur ivoirine
Muscle obturateur
interne
Insertion du sacroépineux sur l’épine
ischiatique
Pubis
Nerf pudendal et ses
vaisseaux satellites
réclinés
Aponévrose de
l’obturateur interne
Sacrum
Figure 12 : aponévrose de l’obturateur interne
Hémi-bassindroit féminin en vue endopelvienne, supéro-médiale
Haut
Avant
Epine ischiatique
Muscle levator anii
Insertion du ligament
sacro-épineux
(sectionné) sur le
processus falciforme
Pubis
Muscle obturateur
interne
Coccyx
Processus falciforme
Extrémité distale du
processus falciforme
sur la branche
ischio-pubienne
Tubérosité ischiatique
Figure 13 : processus falciforme isolé
Hémi-bassin droit féminin en vue médiale, endopelvienne
22. Etude morphométrique comparative
Il a été mené dans un deuxième temps une étude morphométrique comparative du
processus falciforme ayant pour but d’apprécier l’éventuelle variabilité de cette structure.
221. S’agit-il d’une structure constante ?
L’étude menée sur 14 hémi-bassins a retrouvé à chaque fois un processus falciforme.
On peut donc en conclure que sur l’échantillon étudié le processus falciforme est une structure
constante, naissant sous le ligament sacro-épineux de la face supérieure du ligament sacrotubéral et se terminant le long de la branche ischio-pubienne après avoir effectué une courbe à
concavité supérieure. Elle donne systématiquement insertion à l’aponévrose du muscle
obturateur interne, et est dans tous les cas en rapport avec le nerf pudendal et ses branches
terminales.
222. Est-il soumis à des variations ?
Pour répondre à cette question, il a été réalisé un ensemble de mesures, dont les
résultats ont été reportés dans le tableau 1.
La première est la mesure de la longueur du processus falciforme. Il apparaît qu’elle
est soumise à d’importantes variations ; cependant, si l’on prend une longueur de référence
telle que celle du ligament sacro-tubéral, on s’aperçoit que cette dernière varie aussi. Par
conséquent, de façon à mieux comparer ces résultats, il peut être intéressant d’utiliser le
rapport entre la longueur du processus falciforme et celle du ligament sacro-tubéral dont il
dépend (tableau 2). Ce rapport est aussi soumis à d’importantes fluctuations, ce qui confirme
que le processus falciforme est une structure particulièrement variable.
Si l’on s’intéresse maintenant aux variations intra-individuelles, gauche/droite, du
rapport calculé ci-dessus, il apparaît que celui-ci varie peu 3 fois sur 5 (5 sujets ont été étudies
de façon bilatérale). Il est difficile de généraliser de tels résultats, cependant, on peut supposer
que le processus falciforme est soumis à des variations non seulement inter-individuelles,
mais aussi intra-individuelles.
Cette hypothèse est corrélée par les résultats des autres mesures (largeur et hauteur)
dont les variations sont également significatives.
Enfin, la dernière mesure réalisée consistait à apprécier l’espace séparant l’épine
ischiatique du processus falciforme, non pas en mesure directe, mais à l’aplomb. En effet,
dans cet espace passe le paquet vasculo-nerveux pudendal à destinée périnéale. Ainsi, plus cet
espace est limité, plus le risque de conflit avec le nerf pudendal au niveau de la pince
ligamentaire pourrait être important. Cette mesure pourrait donc être considérée comme un
marqueur du risque de conflit dans cette pince ligamentaire. Cependant, si cette hypothèse
était vraie, 3 des 9 sujets étudiés possèderaient un risque élevé de conflit (espace de 0 à 2mm).
Ce qui est peu vraisemblable, la probabilité a priori d’un tel conflit étant faible.
223. Statistique descriptive (tableau 3)
Il est possible de résumer la distribution observée par des paramètres de tendance
centrale et par des paramètres de dispersion.
Deux paramètres de tendance centrale de la distribution, la moyenne (µ) et la médiane,
ont été utilisés pour chacune des cinq mesures réalisées. La moyenne est une notion intuitive
connue de tous, mais elle présente l’inconvénient d’être sensible aux valeurs extrêmes, c’est
pourquoi on utilise aussi la médiane, valeur séparant la distribution en deux moitiés égales :
50% des valeurs sont au-dessus de la médiane et 50% en dessous. Ainsi, pour la hauteur du
processus falciforme au niveau de l’ischion, au niveau du nerf rectal inférieur, la moyenne est
de 6.57mm et la médiane de 6mm.
Il existe également des paramètres de dispersion, utilisés pour étudier la distribution
des données autour de la médiane ou de la moyenne. Ainsi, peut être calculé l’intervalle
interquartile qui contient 50% des observations. Mais les paramètres de dispersion les plus
intéressants sont la variance, ou moyenne des carrés des écarts à la moyenne, et sa racine
carrée, l’écart-type (σ). L’intérêt de l’écart-type réside dans le fait que quelle que soit la
distribution étudiée, au moins 75% des observations sont comprises entre (µ-2σ) et (µ+2σ).
Ainsi, pour la hauteur du processus falciforme au niveau de l’ischion, l’intervalle interquartile
est de 1mm, la variance de 1.81, et donc l’écart-type de 1.34. A remarquer que le calcul du
coefficient de variation (σ/µ) est très intéressant pour la mesure de l’espace séparant l’épine
ischiatique du processus falciforme, puisqu’il vaut 1.98 ; autrement dit l’écart-type représente
198% de la moyenne, ce qui confirme le peu d’intérêt de cette mesure : elle n’est pas
représentative d’une population, car soumise à trop de variations aléatoires.
Ainsi, grâce à différents paramètres de statistique descriptive, il est possible d’analyser
la distribution des observations réalisées dans un échantillon donné, et si cet échantillon est
représentatif de les extrapoler à la population générale. Appliqués à l’étude morphologique du
processus falciforme, ils permettent d’avoir une idée de l’importance de la variation de cette
structure, tout en autorisant le calcul de moyennes et médianes pour l’attribution de valeurs de
référence.
224. Conclusion
Au total, l’étude de ces différents paramètres a permis de confirmer l’existence
d’importantes variations de taille du processus falciforme à la fois intra- et inter-individuelles,
dont la distribution dans la population a pu être analysée statistiquement, aboutissant ainsi au
calcul de valeurs de référence.
Il faut remarquer que si les variations ici observées sont physiologiques, il est facile
d’imaginer des modifications pathologiques beaucoup plus importantes à l’origine de réels
conflits entre le processus falciforme et le nerf pudendal ou ses branches. Par exemple,
comme nous l’avons vu dans l’étude descriptive auparavant, le processus falciforme est en
rapport étroit avec le nerf anal, qui, sortant précocement du canal d’Alcock, enjambe le
processus pour se diriger en bas, en dedans et en avant vers le sphincter de l’anus. Si sa
hauteur est anormalement importante, le processus falciforme peut donc venir au contact de
ce nerf constituant ainsi un conflit à l’origine d’une souffrance de celui-ci.
106 mm
96
125
125
95
110
110
130
115
110
102
90
100
110
2 – droit
3 – gauche
4 – droit
5 - gauche
6 – droit
7 – gauche
8 – droit
9 – gauche
10 – droit
11 – gauche
12 – droit
13 – gauche
14 – droit
Longueur du liament
sacro-tubéral
1 – gauche
Hémi-bassin
Mesures
105
110
90
87
95
85
120
90
95
86
85
80
102
106 mm
Longueur du processus
falciforme
Tableau 1 : mesures
4
1
1
1.5
1
1
1
2
1
3
1
3
2
1.5 mm
Largeur du processus
falciforme
4
2
1
2
2
1
4
3
1
4
3
2
4
3 mm
Hauteur du processus
falciforme au niveau
de la pince
ligamentaire
SEST
6
6
6
6
6
4
8
6
7
7
6
6
10
8 mm
Hauteur du processus
falciforme au niveau
de l’ischion
11
0
11
10
6
0
9
9
2
8
12
9
10
9 mm
Espace séparant le
processus falciforme
de l’épine ischiatique
Hémibassin
Rapport
1
1.00
2
3
1.06 0.64
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
0.68
0.90
0.86
0.82
0.92
0.74
0.86
0.85
1.00
1.10
0.95
Tableau 2 : rapport longueur du processus falciforme sur
longueur du sacro-tubéral
Statistiques
Longueur du
processus
falciforme
Largeur du
processus
falciforme
Hauteur du
processus
falciforme au
niveau de la pince
ligamentaire SE-S
T
Hauteur du
processus
falciforme au
niveau de
l’ischion
Espace séparant
le processus
falciforme de
l’épine
ischiatique
95.4 mm
1.7 mm
2.6 mm
6.6 mm
7.6 mm
92.5 mm
1.5 mm
2.5 mm
6 mm
9 mm
19 mm
1 mm
2 mm
1 mm
2 mm
124.10
0.65
1.25
1.81
211.64
11.14
0.80
1.12
1.34
15.11
Moyennes
Médianes
Intervalle
interquartile
Variances
Ecart-types
Tableau 3 : paramètres statistiques de tendance centrale et
de dispersion
DISCUSSION
1. Les névralgies du nerf pudendal
Les névralgies du nerf pudendal ont été étudiées par le Professeur Robert et ses
collaborateurs [3;4 ;7;8]. Leur travail a permis la caractérisation sémiologique et
neurophysiologique de ce syndrome, ainsi que la proposition de solutions thérapeutiques
conformes aux mécanismes physiopathologiques.
11. Diagnostic
Les névralgies du nerf pudendal se manifestent par des douleurs chroniques
positionnelles, déclenchées par la position assise (« syndrome du cycliste »), soulagées par la
position debout et disparaissant au décubitus. Il s’agit de douleurs, systématisées au territoire
du nerf pudendal, soit anales, soit uro-génitales, soit mixtes, uni- ou bilatérales, avec parfois
des irradiations dans le pelvis, le pli inguinal ou la cuisse. Elles sont à type de brûlure, de
pesanteur ou de corps étrangers. Aucune douleur n’est déclenchée à la position assise sur le
siège des w.c. Le caractère chronique de la douleur, ainsi que le handicap qu’elle occasionne
dans la vie quotidienne, amènent souvent les patients dans un état de dépression réactionnelle,
d’autant plus que le diagnostic est bien souvent méconnu.
Les patients sont majoritairement des femmes. L’âge de survenue est variable. Les
douleurs peuvent apparaître après une chirurgie pelvienne gynécologique, urologique ou
viscérale, ou après un traumatisme de la région ischiatique, mais le plus souvent aucune
étiologie n’est retrouvée.
L’examen clinique est normal, sans déficit sensitif ou moteur. Néanmoins, une douleur
peut être retrouvée à la palpation trans-rectale de l’épine ischiatique.
Pour confirmer le diagnostic, diverses explorations électrophysiologiques ont été
testées, mais seule la mesure de la latence distale semble suffisamment précise. Elle consiste
en une stimulation trans-rectale du nerf pudendal en regard de l’épine ischiatique. La réponse
motrice est enregistrée dans le sphincter strié péri-urétral ou péri-anal, ou dans le muscle
bulbo-spongieux (ou caverneux), sous forme d’un potentiel d’unité motrice. La latence distale
est alors calculée. Elle peut être considérée comme pathologique [8] quand elle est supérieure:
-
à 5 msec, si le signal est recueilli dans les muscles bulbo-spongieux (ou
caverneux ) ;
-
à 2.5 msec, s’il est recueilli dans le sphincter strié péri-anal.
12. Physiopathologie
121. Les conflits anatomiques
Les études anatomiques menées sur le nerf pudendal et sur le processus falciforme ont
montré deux zones de conflit majeur pouvant être à l’origine d’une souffrance chronique de
ce nerf (ou d’une souffrance aiguë comme par exemple après un traumatisme, une chute):
- la pince ligamentaire formée par les ligaments sacro-épineux et sacro-tubéral dans
laquelle passe le nerf pudendal pour gagner le périnée et le canal d’Alcock. Si ces ligaments
sont épaissis, le nerf peut y être comprimé. Or, il s’agit d’un nerf somatique sensitivo-moteur
à destinée périnéale, par conséquent la compression et donc la stimulation directe,
nociceptive, du tronc nerveux seront cause d’une douleur périnéale uro-génitale et anale.
- le canal d’Alcock peut aussi être source de conflit, soit par épaississement de
l’aponévrose du muscle obturateur interne, soit par augmentation de la taille du processus
falciforme. En effet, ce dernier est en rapport étroit dans son deuxième et troisième segment
avec le canal pudendal, mais aussi avec les pédicules vasculo-nerveux rectal inférieur et
périnéaux qui le surcroisent pour fournir vascularisation et innervation au périnée. Or, à la
position assise, la graisse de l’espace ischio-rectal ascensionne, exerçant ainsi une force de
poussée verticale sur l’extrémité distale du ligament sacro-tubéral et donc sur le processus
falciforme qui ascensionne à son tour. Par conséquent, en cas d’hypertrophie, le processus
falciforme peut venir directement au contact :
- du canal et y stimuler ainsi les branches du nerf pudendal, notamment anales et périnéales ;
- ou d’un des pédicules vasculo-nerveux qui en sortent et qui sont en rapport direct par leur
bord inférieur avec le bord supérieur du processus. Cette stimulation élective d’une branche
nerveuse sensitivo-motrice expliquerait le caractère localisé de certaines algies périnéales.
122. Rôle du polymorphisme
Au cours de cette étude ont été observées d’importantes variations, a priori physiologiques, de la taille du processus falciforme, ce qui témoigne d’un polymorphisme majeur,
reflet d’un risque variable selon les individus de développer une névralgie du nerf pudendal.
Cependant, il ne s’agit que d’un risque, autrement dit, pour qu’une névralgie apparaisse, il
faut que le processus falciforme soit remanié, par exemple par des calcifications le rendant
plus haut et plus contendant. Ainsi, le processus falciforme, qui n’était jusqu’ici qu’une
potentielle source de conflit, devient un élément directement menaçant pour le nerf pudendal.
13. Thérapeutique
Les algies périnéales chroniques, liées à une névralgie du nerf pudendal, sont
résistantes aux antalgiques simples ainsi qu’aux morphiniques. Les meilleurs résultats sont
obtenus avec les antidépresseurs et surtout les anti-comitiaux. Mais leur efficacité n’est
souvent que transitoire, d’où la nécessité de mettre au point d’autres stratégies thérapeutiques.
Des infiltrations peuvent être réalisées au niveau des zones de conflit potentiel, c’est-àdire au niveau de la pince ligamentaire (par voie transglutéale) et en cas d’échec dans le canal
d’Alcock (infiltration scanno-guidée par voie antérieure).
En cas d’échec des traitements précédents, mais à la condition que le bloc
anesthésique soit positif, il peut être proposé une chirurgie de décompression du nerf
pudendal, par voie transglutéale, consistant en une section des ligaments sacro-tubéral puis
sacro-épineux, permettant ainsi la libération du nerf et sa transposition en avant du sacroépineux. Elle est complétée par une section de l’aponévrose du muscle obturateur interne en
dedans de l’ischion et par une résection du processus falciforme si celui-ci est menaçant.
2. Perspectives
Le nerf pudendal peut être responsable de douleurs périnéales atroces, au
retentissement majeur sur la qualité de vie. Il est donc important de bien connaître cette
pathologie pour pouvoir la diagnostiquer et proposer des traitements adéquats.
Cependant, il existe un aléa qu’il faut préciser : en l’état actuel des connaissances, il
n’est pas possible de localiser l’atteinte du nerf. Le conflit siège-t-il au niveau de la pince
ligamentaire ou au niveau du canal d’Alcock ? Il est donc important de continuer les
recherches et de trouver un moyen d’investigation plus discriminatif que la latence distale
pour être en mesure de déterminer qui du processus falciforme ou de la pince ligamentaire est
à l’origine de la compression du nerf, l’idée étant d’adapter le traitement à la source du
conflit.
CONCLUSION
L’étude anatomique du processus falciforme s’inscrit dans la recherche sur les
névralgies du nerf pudendal. Elle visait à comprendre en quoi cette structure, jusqu’alors peu
étudiée, pouvait être impliquée dans cette pathologie.
Au total, il apparaît que le processus falciforme du ligament sacro-tubéral, de par sa
situation anatomique et son important polymorphisme, constitue un risque de conflit avec le
nerf pudendal, conflit qui peut survenir en cas d’hypertrophie, de calcifications…
Cependant, il existe une autre zone de conflit, la pince ligamentaire formée par les
ligaments sacro-tubéral et sacro-épineux. Or, à l’heure actuelle, il est impossible de
déterminer, cliniquement ou par des explorations électrophysiologiques, où le nerf est
comprimé. Par conséquent, des recherches complémentaires sont nécessaires pour affiner le
pouvoir discriminatif des techniques d’exploration.
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