
La Lettre du Pharmacologue - vol. 22 - n° 3 - juillet-août-septembre 2008
Dossier médicaments anticancéreux
Dossier médicaments anticancéreux
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En outre, les médicaments concernés par les PTT sont ceux 
d’une liste dite “des médicaments hors GHS” qui comporte 
environ 100 médicaments et qui est constituée de plus de 50 % 
de médicaments à visée cancérologique. Comme les PTT, l’ATU 
est fréquemment utilisée en cancérologie. Elle comporte un suivi 
de pharmacovigilance codifi é et organisé par le laboratoire, et 
le recueil des événements indésirables est très proche de ce qui 
se fait dans les essais thérapeutiques.
Cependant, le suivi dans le domaine de la sécurité des PTT reste 
encore à défi nir. Le PTT peut toutefois intéresser le laboratoire, 
qui peut y voir un nouveau champ de développement ayant 
comme objectif fi nal le dépôt d’une AMM. Dans ce cas, on 
comprend aisément que, sollicité par les autorités réglementaires 
pour assurer le suivi de sécurité du PTT, le laboratoire aura tout 
intérêt à colliger les observations de façon à préciser le profi l 
de risque du produit. Ce travail eff ectué dans le cadre du PTT, 
viendra compléter les données qui soutiendront l’AMM. En eff et, 
lors de l’examen du dossier AMM, l’analyse porte principalement 
sur les essais thérapeutiques, mais des analyses complémentaires 
sont réalisées sur les données des ATU ou sur les données de 
prescription hors AMM, comme c’est le cas dans les PTT. Le 
problème sera très diff érent si le laboratoire n’a pas d’intérêt 
pour le PTT proposé dans le cadre des référentiels par les trois 
institutions que sont l’INCa, l’Afssaps et l’HAS. Devant cette 
situation, il semble évident qu’il faudra que se dégage, au sein des 
autorités, une procédure permettant de recueillir et d’analyser 
les événements indésirables observés lors de l’utilisation du 
produit dans le cadre du PTT. En eff et, ces protocoles tempo-
raires doivent être périodiquement revus et il faudra bien sûr, 
lors de ces révisions, procéder à un examen de sécurité à partir 
des données collectées. 
La mise en place des Observatoires des médicaments, des dispo-
sitifs et de l’innovation thérapeutique (OMEDIT), dans le cadre 
du décret CBU, devrait contribuer à ce travail, en association 
avec les centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV), mais 
tout cela reste encore à préciser. Il s’agit là d’un objectif qu’il 
faudra remplir à court terme, car un certain nombre de PTT en 
cancérologie ont déjà été publiés, ou sont sur le point de l’être 
dans les domaines du digestif, du poumon, du sein, des cancers 
de l’enfant, etc. Il y a là un point particulièrement important 
pour la survie du système.
PHARMACOVIGILANCE EN POSTCOMMERCIALISATION
La pharmacovigilance postcommercialisation est longtemps 
restée relativement pauvre. Trois événements dans la littéra-
ture ont mis en évidence des problèmes de pharmacovigilance 
susceptibles d’avoir entraîné une modifi cation de l’attitude de 
la communauté cancérologique vis-à-vis de la détection des 
eff ets indésirables.
Le premier concerne l’évolution d’enfants traités au Bicnu
®
 
pour des tumeurs cérébrales (7-9). Le pronostic à moyen et long 
termes s’est trouvé particulièrement compromis par la survenue 
de fi broses pulmonaires qui ont conduit soit au décès, soit à la 
greff e cardio-pulmonaire. Les séries d’enfants sont petites dans 
la littérature et la gravité des tumeurs traitées est telle que cela 
est resté plus ou moins événementiel et n’a pas eu de grandes 
conséquences dans la pensée collective.
Un autre exemple est celui des insuffi  sances cardiaques observées 
chez l’enfant à moyen et long termes, après des traitements par 
anthracyclines dans le cadre de leucémies (10). Ces insuffi  sances 
cardiaques, qui ont parfois entraîné des tentatives de greff e 
cardiaque, ont aussi constitué un événement fondamental qui 
a participé à l’ébauche d’une réfl exion. Celle-ci s’est concrétisée 
par la survenue de leucémies secondaires observées à la suite 
des traitements de cancer du sein par mitoxantrone. Il s’agissait, 
d’une part, de populations plus importantes, et d’autre part, 
d’une pathologie très médiatisée. La survenue de ces incidents 
a abouti à la prise de conscience qu’au-delà du profi l iatrogène 
connu du produit, observé dans l’utilisation immédiate, il pouvait 
exister des événements indésirables non connus, de survenue 
plus ou moins tardive. Ces incidents peuvent compromettre de 
façon gravissime la stabilisation de la maladie, voire, dans un 
certain nombre de cas, le potentiel de guérison.
Le paysage s’est également compliqué avec l’apparition des 
nouvelles thérapeutiques qui rendent la iatrogénie moins 
systématique et permettent la défi nition d’événements plus 
rares, graves, pouvant parfois mettre en jeu la vie du patient, 
comme les insuffi  sances cardiaques sous Herceptin
®
 ou les 
colites ischémiques sous Avastin
®
.
Ces modifi cations de l’arsenal thérapeutique et du pronostic 
amènent donc à réfléchir différemment le suivi des événe-
ments indésirables lors des traitements anticancéreux. En ce 
qui concerne l’ensemble des chimiothérapies, classiques et non 
classiques, la notion d’événement indésirable immédiat reste 
toujours présente, mais elle se complexifi e avec une toxicité à 
moyen terme, voire à long terme, ce qui est un réel souci pour 
les années à venir. Il est nécessaire d’y penser aujourd’hui pour 
constituer les cohortes de malades, qui devront être suivis avec 
des techniques adaptées à la pharmacovigilance. En eff et, on 
comprend bien que la notifi cation spontanée, dans ce type d’ob-
servations, est relativement ineffi  cace. C’est un sujet de réfl exion 
important qui permettra d’éviter une incompréhension des 
générations futures et de répondre à toutes les préoccupations 
de sécurité de notre monde contemporain.
Le deuxième point important qui se dégage de ces évolutions 
est la nécessité pour les cancérologues d’apprendre à gérer le 
risque en fonction de la thérapeutique. Il est important de savoir 
faire la diff érence entre un événement iatrogène courant et un 
événement sentinelle, surtout quand le degré de gravité est 
faible. Il peut s’agir d’un signal sur la possibilité de survenue 
d’événement indésirable non systématique, pouvant rester très 
acceptable chez certains patients, mais pouvant atteindre un 
seuil de gravité important et n’apparaissant ou n’atteignant 
cette gravité que dans une sous-population à risque. Cette 
nouvelle attitude est compliquée, parce non habituelle, et la 
réfl exion sur les traitements cancérologiques est fondée sur 
celle des chimiothérapies cytotoxiques, s’accompagnant donc 
d’une masse d’événements toxiques importants. Il faut, dans ce