Pneumologie pédiatrique : guide pratique
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Chapitre 3
Nicole Beydon
Asthme de l’enfant
L’asthme est une maladie connue depuis l’Anti-
quité, et dont le nom vient du latin asthma qui signifie
oppression, difficultés à respirer, lui-même issu du
terme grec σθμα, qui signifie respiration, du
verbe souffler, respirer. C’est aussi une maladie
fréquente et les célébrités, y compris sportives de
haut niveau, qui souffrent ou ont souffert d’asthme
sont nombreuses, permettant de démontrer faci-
lement aux patients que l’on peut être asthmati-
que et avoir une vie extraordinaire et, à défaut,
normale.
Ce chapitre traite de l’asthme de l’enfant de plus
de 3 ans, l’asthme du nourrisson étant traité au
chapitre 2 de cet ouvrage.
Définition
La définition de l’asthme est composite, mais c’est
l’inflammation des voies aériennes qui est au cen-
tre de la physiopathologie, et l’obstruction bron-
chique réversible qui rend compte des symptômes.
L’asthme se définit ainsi dans trois dimensions :
•histologique:ils’agitd’uneinflammationdans
laquelle prédominent classiquement lympho-
cytes T, mastocytes, polynucléaires éosinophi-
les, macrophages et parfois polynucléaires
neutrophiles ;
•clinique:lessifflementsrespiratoiresetladysp-
née sont les maîtres symptômes ; s’y associent
très fréquemment une toux, un essoufflement,
une sensation d’oppression thoracique. Ces
symptômes sont d’apparition spontanée ou
déclenchés par diverses circonstances, en parti-
culier l’effort, l’émotion, l’exposition allergéni-
que ou à des polluants, et ils disparaissent
spontanément ou sous l’effet de traitements
antiasthmatiques ;
•fonctionnelle:letroubleventilatoireobstructif
réversible définit le profil fonctionnel de
l’asthme chez l’enfant. Parfois, l’exploration
fonctionnelle respiratoire (EFR) avec test au
bronchodilatateur est normale, mais le test de
provocation bronchique révèle une hyperréacti-
vité bronchique.
Épidémiologie
Après l’augmentation de la prévalence de l’asthme
de la fin du XXe siècle, il semblerait qu’une période
de stabilité ait débuté avec le nouveau siècle.
Récemment, une enquête en milieu scolaire de
Delmas et al. reprise sur le site de l’Institut natio-
nal de veille sanitaire (InVS) a montré une préva-
lence de l’asthme de l’ordre de 9 % en fin de
primaire et en fin de collège (tableau 3.1). Cette
tendance à la stabilisation n’est pas uniquement
nationale ; elle concerne la plupart des pays pour
lesquels des données épidémiologiques récentes
sont disponibles.
Par ailleurs, si l’asthme est une maladie potentiel-
lement mortelle en cas de traitement inadapté du
fait d’un sous-diagnostic ou d’une observance
faillante, son taux de mortalité n’a cesde baisser
en France, d’abord chez l’homme dès les années
1990, ensuite chez la femme depuis les années
2000, comme le montrent les statistiques mise
à disposition par l’InVS (fig. 3.1). La mortalité a
toujours été faible à l’âge pédiatrique.
α
30 Pneumologie pédiatrique : guide pratique
Le taux annuel d’hospitalisation pour asthme
diminue chez l’adulte ces dernières années, alors
qu’il reste plus élevé (3 à 5 fois le taux des adultes)
et stable chez l’enfant. Il est à noter qu’un quart
des hospitalisations pédiatriques pour asthme aigu
grave est le fait de crises inaugurales de la maladie,
donc difficiles à prévenir. Les garçons sont plus
hospitalisés que les filles (fig. 3.2), contrairement
à la tendance adulte dans laquelle ce sont les fem-
mes qui sont plus hospitalisées que les hommes.
Cette différence reflète fidèlement le fait que
l’asthme touche deux tiers de garçons à l’âge
pédiatrique alors qu’il n’y a plus de sex ratio à
l’âge adulte. La stabilité du taux d’hospitalisation,
voire sa décroissance dans certains pays, montre
que l’augmentation de la prévalence de l’asthme
détectée à partir des années 1970–1980 a été le
fait d’une augmentation du nombre de diagnostic
d’asthmes légers ou modérés sans augmentation
des formes sévères de la maladie.
Diagnostic
Le diagnostic est fait à l’occasion de symptômes :
•typiques : crise d’asthme, sifflements et/ou
gêne respiratoire survenant dans certaines cir-
constances (souvent identiques pour un même
enfant), et spontanément réversibles ou soula-
gés par les bronchodilatateurs ;
Tableau 3-1
Prévalence de l’asthme et des symptômes évocateurs d’asthme chez l’enfant*.
Symptômes 12 derniers mois Enquête décennale n = 1675 Classe de CM2 n = 7104 Classe de troisième n = 7284
Sifflements 8,3 % 8,5 % 10,1 %
Sifflements à l’effort 9,7 % 9,9 % 10,0 %
Toux sèche nocturne 17,0 % 14,8 % 10,5 %
Asthme
Asthme vie 12,7 % 12,3 % 13,4 %
Traitement 12 derniers mois1 8,0 % 7,7 %
Asthme actuel2 8,7 % 8,6 %
* Enquête décennale santé 2003 (1675 enfants âgés de 11–14 ans, France métropolitaine) et enquêtes 2004–2005 (7104 élèves de classe de CM2) et 2003–2004
(7284 élèves de classe de troisième) du cycle triennal en milieu scolaire (France métropolitaine et DOM).
1 Traitement pour crise de sifflements ou d’asthme dans les 12 derniers mois.
2 Sifflements dans les 12 derniers mois chez un enfant ayant déjà eu des crises d’asthme, ou traitement pour crise de sifflements ou d’asthme au cours des
12 derniers mois.
Source : Institut de veille sanitaire (InVs).
Taux/100 000
3,5
3,0
2,5
2,0
1,5
1,0
0,5
0,0
Hommes Femmes
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
Fig. 3-1. Taux annuels standardisés de mortalité par asthme en France métropolitaine, 1990–2006.
Source : Institut national de veille sanitaire (InVS).
Chapitre 3. Asthme de l’enfant 31
•ou atypiques : foyers pulmonaires récidivants,
toux chronique ou bronchites récidivantes, gêne
respiratoire isolée à l’effort.
Tous ces symptômes reflètent l’obstruction bron-
chique causée par les mécanismes suivants :
•contractiondumusclelissebronchique;
•œdème de la paroi bronchique secondaire à
l’inflammation ;
•épaississement de la paroi bronchique, aussi
appelé « remodelage » ; il est la conséquence des
modifications de la structure même de la bron-
che, et peut devenir permanent (non réversible) ;
•sécrétionsintrabronchiques.
Symptômes typiques
et crise d’asthme
Symptômes cliniques
Les symptômes classiques de la crise d’asthme sont
la toux sèche, les sibilants, la dyspnée, l’oppression
thoracique. Ces symptômes peuvent s’associer dif-
féremment entre eux ou même rester isolés au
cours d’une crise. Lorsque ces symptômes sont
légers et brefs, les patients et leur entourage ne
donnent généralement pas le nom de crise à ces
épisodes respiratoires, alors que ni la sévérité des
symptômes ni leur longue durée ne sont nécessai-
res au diagnostic de crise.
La crise est souvent précédée de prodromes :
rhinorrhée, toux, parfois poussée d’eczéma. Ces
prodromes sont volontiers stéréotypés pour cha-
que enfant, qui peut (ainsi que son entourage) les
repérer. La crise peut aussi être rapportée à des
événements déclenchants évidents : effort, excita-
tion, infection respiratoire, exposition allergéni-
que, climatique ou toxique (tabagisme). Lorsque
la crise perdure plus de 24 h et nécessite un recours
auxsoinsenurgenceet/ouuntraitementauxcor-
ticoïdes par voie générale, il s’agit d’une exacerba-
tion. Lorsque les symptômes sont très sévères
d’emblée ou sévères et ne s’amendant pas avec un
traitement bien conduit, l’enfant est hospitalisé et
on parle d’asthme aigu grave, pouvant parfois
aboutir à une insuffisance respiratoire aiguë néces-
sitant une hospitalisation en unité de soins
intensifs.
En dehors de la crise d’asthme, les symptômes
typiques d’asthme sont les sifflements, la gêne
respiratoire ou l’oppression thoracique, et la
toux. Ces symptômes peuvent être de survenue
inopinée, mais ils sont souvent déclenchés ou
aggravés par l’exposition allergénique (unité de
lieu et de temps), les infections virales, l’effort,
l’émotion, l’exposition à un irritant extérieur
Taux/10 000
Enfants (âge < 15 ans)
40
35
30
25
20
15
10
5
0
1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007
Hommes Femmes
Fig. 3-2. Taux annuels standardisés d’hospitalisation pour asthme chez les enfants en France métropolitaine, Programme
de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) 1998–2007.
Source : Institut national de veille sanitaire (InVS).
32 Pneumologie pédiatrique : guide pratique
(tabac). Ces symptômes sont améliorés par les
bronchodilatateurs.
Particularités sémiologiques
de la crise d’asthme en pédiatrie
•Iln’existepasdebruitsauscultatoiresanormaux
(ni non plus de murmure vésiculaire) lorsque la
distension pulmonaire est majeure. Dans ce cas,
ce n’est qu’après l’administration de bronchodi-
latateur que les sibilants apparaissent. Encore
faut-il penser au diagnostic et administrer des
bronchodilatateurs lorsqu’il s’agit de la pre-
mière crise. Le terrain (atopie, antécédents
d’asthme du nourrisson ou familiaux) et les
symptômes d’accompagnement (toux, dyspnée)
orientent le diagnostic.
•Les formes d’emblée sécrétantes sont plutôt
l’apanage du jeune enfant, particulièrement sujet
aux infections respiratoires. Il n’est pas toujours
aisé de faire la part de ce qui revient à l’encombre-
ment bronchique ou au bronchospasme dans le
bruit expiratoire perçu. L’administration de bron-
chodilatateur peut aider à éclaircir la sémiologie.
•Lapolypnéeestd’autantplusimportante que
l’enfant est jeune, et ce contrairement à ce que l’on
retrouve chez l’adolescent dont la crise se rap-
proche de celle de l’adulte, avec la bradypnée
expiratoire.
•Letirageestvolontiersàlafoisbassitué(sous-
costal, intercostal) et haut situé (sus-sternal et
sus-claviculaire) du fait de la compliance élevée
de la cage thoracique de l’enfant jeune compara-
tivement à celle du grand enfant et de l’adoles-
cent. Le tirage haut n’est pas synonyme
d’obstacle extrarespiratoire, bien qu’une authen-
tique laryngite aiguë puisse s’accompagner d’une
crise d’asthme ; mais dans ce cas, généralement,
la laryngite précède la crise d’asthme.
Le tableau 3.2 donne les informations anamnesti-
ques de sévérité de la crise d’asthme.
Le tableau 3.3 reprend les paramètres cliniques à
rechercher devant une crise d’asthme de l’enfant
pour en évaluer la sévérité.
La crise très sévère se traduit par un enfant assis,
pâle ou cyanosé, qui ne peut pas parler ni boire. Il
y a un silence auscultatoire et un balancement tho-
racoabdominal qui peut diminuer avec la fatigue
extrême, un battement des ailes du nez, un creu-
sement sus-sternal. Les pauses respiratoires ainsi
que la bradycardie font craindre un arrêt cardio-
respiratoire imminent. Il faut appeler un service
d’urgences mobiles médicalisées en même temps
que débuter le traitement.
Examens complémentaires
En ambulatoire, il est rare d’avoir recours à des
examens complémentaires du fait de symptômes
aigus d’asthme.
La radiographie de thorax n’est pas indispensable
à chaque récidive de la symptomatologie asthma-
tique. Elle est cependant indiquée :
•lorsdelapremièrecrised’asthmeoulorsdesymp-
tômes respiratoires atypiques chez un enfant sans
antécédent, pour éliminer un diagnostic autre ;
•encasd’asymétrieauscultatoirefrancheet/oude
douleur latéralisée ou rétrosternale majorée par
les mouvements respiratoires faisant suspecter un
pneumothoraxet/ouunpneumomédiastinqui
imposeraient une hospitalisation (fig. 3.3) ;
•en cas de perception d’un emphysème sous-
cutané, en général axillaire, sus-claviculaire
et/ou cervical antérieur, qui peut accompagner
un épanchement aérique intrathoracique. Dans
tous les cas, la présence d’un emphysème sous-
cutané impose l’hospitalisation pour surveillance ;
Tableau 3-2
Critères anamnestiques de sévérité d’une crise d’asthme chez l’enfant.
Traitement
de fond
prescrit et
correctement
pris
Crise sévère
antérieure
Mauvaise
perception,
obstruction,
difficultés
psychosociales
Nombreuses
décompensations
récentes, augmentation
consommation
β-mimétiques
Crise
actuelle
< 24 h
Traitement
entrepris
efficace
Pas de facteurs de sévérité Oui Non Non Non Oui Oui
Facteurs de sévérité Non Oui (récente,
en réanimation)
Oui Oui Non Non
Chapitre 3. Asthme de l’enfant 33
•de symptômes faisant suspecter une infection
pulmonaire : fièvre élevée persistante, foyer aus-
cultatoire, herpès labial ;
•de symptômes d’asthme récidivants inhabi-
tuels chez un enfant asthmatique connu bien
équilibré jusqu’alors. Un enfant asthmati-
que peut développer une autre pathologie
(fig. 3.4), ou inhaler un corps étranger, et ce
d’autant plus que les enfants asthmatiques
toussent souvent, y compris lorsqu’ils ont
quelque chose en bouche, favorisant ainsi la
pénétration bronchique du contenu buccal
(fig. 3.5) ;
•decrisesévèrenécessitantunehospitalisation.
En l’absence de complications, on peut voir la dis-
tension thoracique avec aplatissement des côtes et
du diaphragme, de courbure parfois même inver-
sée, l’augmentation du nombre d’arcs costaux
Tableau 3-3
Critères cliniques de sévérité d’une crise d’asthme chez l’enfant.
Crise Légère Modérée Sévère
Comportement Normal Ne court pas, se fatigue à la marche.
Peut dire des phrases
Fatigué, reste assis, ne veut pas s’allonger.
Ne peut dire que des mots. Ne mange pas
Dyspnée Pas de dyspnée
au repos
Dyspnée modérée, accentuée
par le moindre effort
Dyspnée de repos intense. Toux entravée
par la dyspnée
Tirage Aucun ou minime
après effort
Au repos, s’accentuant au moindre effort Au repos, intense. Parfois cyanose
Fréquence respiratoire Normale Augmentée
> 40/min si 2–5 ans ; > 30/min si > 5 ans
Sibilants Discrets, en fin
d’expiration
Francs, durant toute l’expiration Au deux temps de la respiration, diminués
voire absents
Fréquence cardiaque Normale > 130/min si 2–5 ans ; > 120/min si > 5 ans
Débit expiratoire de pointe > 80 % du meilleur
connu
50–80 % du meilleur connu < 50 % meilleur connu, impossibilité
à réaliser
SpO2≥ 95 % 91–94 % < 91 %
Gazométrie Inutile PaO2 < 60 mmHg
PaCO2 > 45 mmHg
Réponse aux β-mimétiques Bonne, prolongée Bonne, brève Partielle
a
b
Fig. 3-3. Pneumomédiastin au cours d’une crise d’asthme.
a. Épanchement aérique bordant le cœur et les gros vaisseaux,
se prolongeant dans le cou. b. Scanner thoracique injecté, coupe
en dessous de la bifurcation trachéale. Noter la présence d’air
autour des bronches, en avant des gros vaisseaux, et derrière le
sternum.
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