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Mise au point/point de vue
Mise au point/point de vue
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (19) n° 5, mai 2002
coïncidant généralement avec une
diminution importante du besoin de
sommeil, une augmentation du degré
d’activité et un redressement de l’humeur.
Le traitement de la bipolarité
dépressive
Si la dépression unipolaire bénéficie
de stratégies thérapeutiques à peu près
codifiées, y compris dans le cas de
résistance au traitement (augmenta-
tion des posologies, changement de
classe d’antidépresseurs, association
d’antidépresseurs, emploi du lithium,
des hormones thyroïdiennes, sismo-
thérapie, etc.), les stratégies en
matière de dépression entrant dans le
cadre de la bipolarité ne font pas
encore l’objet d’un large consensus.
On énoncera ici quelques points dans
le but d’éclairer la décision thérapeu-
tique lors d’un état dépressif bipolaire.
Bipolaire I
L’utilisation d’antidépresseurs se
justifie pleinement. Ils seront associés
le plus rapidement possible en
première intention au lithium, en l’ab-
sence de contre-indication et avec l’as-
surance d’une compliance de bonne
qualité. Si besoin, d’autres thymoré-
gulateurs, tels que les anticonvulsi-
vants, pourront être préférés. Si
l’efficacité optimale d’une lithiothé-
rapie se situe entre 0,7 et 1 mEq/l, des
études peu nombreuses ont préconisé
la recherche de lithiémies plus élevées
pour le traitement des états
maniaques.
Le choix de l’antidépresseur se fera
préférentiellement vers les molécules
sérotoninergiques (ISRS) réputées
pour induire moins d’effets secon-
daires.
Un grand nombre d’entre elles sont à
la disposition des prescripteurs depuis
maintenant environ dix ans.
Cependant, devant l’acuité de certains
épisodes, les psychiatres hospitaliers
semblent préférer encore les antidé-
presseurs tricycliques et, de façon plus
récente, des molécules à potentialité
mixte, bien qu’aucune étude, à notre
connaissance, n’ait montré une effica-
cité plus spécifique dans la dépression
bipolaire.
Les sismothérapies complètent l’ar-
senal thérapeutique en cas de résis-
tance, lors de l’imminence d’un
passage à l’acte suicidaire ou lorsque
le pronostic vital est en jeu.
Bipolaire II
La dépression dans ce cadre clinique
ne bénéficie pas encore à l’heure
actuelle, en matière de traitement, de
données scientifiques suffisantes pour
étayer une véritable stratégie formelle.
Cependant, quelques éléments perti-
nents dans de nombreuses études
méritent d’être retenus.
Si le traitement idéal paraît être celui
de la thymorégulation d’emblée, la
pratique clinique devant la souffrance
morale aiguë impose de traiter ces
patients par des antidépresseurs.
Ces derniers seront choisis préféren-
tiellement dans le groupe des ISRS du
fait du moindre risque switcheur
(inversion de l’humeur), bien que non
encore prouvé, évoqué pour ses molé-
cules.
De nombreuses données ont en effet
suggéré l’hypothèse d’une iatrogénie
des antidépresseurs tricycliques qui
seraient responsables de l’accélération
du rythme des cycles, transformant les
patients, à terme, en bipolaires à
cycles rapides (> 4 cycles par an).
Si le lithium conserve dans la bipola-
rité de type I une efficience certaine et
reconnue, il apparaît à la lumière de la
littérature que les thymorégulateurs
anticonvulsivants ont, dans la bipola-
rité de type II comme dans les manies
dysphoriques et les cycles rapides, une
efficacité au moins égale ou supé-
rieure.
Les choix actuels semblent se porter
sur l’acide valproïque, présentant
moins d’effets secondaires et de toxi-
cité que la carbamazépine (inducteur
enzymatique) qui n’en conserve pas
moins d’excellentes propriétés thymo-
régulatrices.
D’autres thymorégulateurs anticon-
vulsivants, tels que la lamotrigine, la
gabapentine, le topiramate, etc., font
l’objet actuellement d’études d’effica-
cité, notamment dans la manie aiguë.
Leur efficacité dans la dépression ou
dans la prévention des rechutes reste
hypothétique et en cours d’évaluation.
Les premières données dans la manie
sont a priori encourageantes.
Il n’existe pas encore à notre connais-
sance de données sur les antidépres-
seurs à polarité mixte récents.
Les antipsychotiques récemment émis
sur le marché paraissent, pour certains
d’entre eux, posséder des propriétés
psychostimulantes et également anti-
maniaques et peut-être thymorégula-
trices.
D’ores et déjà, de multiples études
sont en cours avec la rispéridone,
l’olanzapine, la zyprasidone, la quiéta-
pine, etc., afin de déterminer la perti-
nence scientifique de ces propriétés.
Si le caractère saisonnier – déjà
évoqué – de la dépression paraît mani-
feste, les patients pourront bénéficier
d’un adjuvant à leur thérapie antidé-
pressive sous la forme de séances de
luminothérapie. Cette association
paraît supérieure à la prescription
d’antidépresseurs seuls.
Dans le cadre d’un trouble bipolaire II,
il faudra savoir adapter le traitement
au caractère saisonnier des troubles,
en utilisant, si possible, moins d’anti-
dépresseurs au printemps et en été et
davantage en automne et en hiver.
Par ailleurs, last but not least, les stra-
tégies thérapeutiques pour une patho-
logie à caractère chronique et
récurrent sur toute une vie ne peuvent
s’élaborer sans le présupposé de la
prise en charge psychologique des
patients.
L’instabilité émotionnelle interépiso-
dique et l’hyperréactivité aux stres-
seurs externes qui sont souvent de
mise justifieront pleinement les prises
en charge à vocation psychothérapeu-
tique structurées au long cours,
auxquelles nous pensons qu’il faut
ajouter :
– l’éducation des patients sur la nature