MAI INT 03/07/02 10:13 Page 118 Dépression bipolaire : éléments de diagnostic et hypothèses thérapeutiques J.A. Meynard*, C. Charpin**, N. Jaufari*** Nombre de travaux sur les dépressions, qu’elles soient dites réactionnelles, névrotiques, récurrentes ou résistantes, ont, par cette nouvelle lecture appuyée sur l’épidémiologie, trouvé des pistes de réflexion clinique vers la bipolarité atténuée, traduite en hypothèses diagnostiques et en orientations thérapeutiques différentes. Notre propos est de déterminer si, dans l’ensemble des signes qui autorisent à porter un diagnostic de dépression, quelques particularités cliniques peuvent évoquer une définition plus large et inscrire cette pathologie dépressive dans le cadre particulier des dépressions bipolaires. Si le trouble dépressif, dans sa description princeps, correspond à un trouble de l’humeur strictement unipolaire, c’est-à-dire caractérisé par l’apparition, voire même la succession sur toute une vie d’épisodes exclusivement dépressifs, l’enseignement apporté par les données de l’épidémiologie clinique ainsi que par la qualité des réponses aux traitements fait émerger l’intérêt que l’on doit porter à l’évolution et aux antécédents personnels et familiaux des patients qui présentent ces troubles. Nous rappellerons en premier lieu les caractéristiques cliniques du spectre élargi des troubles affectifs. * Chef de Service CHS de La Rochelle. ** PH, service du Dr J.A. Meynard, CHS de La Rochelle. *** Interne, service du Dr J.A. Meynard, CHS de La Rochelle. ◗ Bipolaire I : alternance d’accès maniaques francs et purs avec des épisodes dépressifs majeurs. ◗ Bipolaire II : forme clinique constituée d’épisodes dépressifs majeurs récurrents, associés dans leur évolution à la présence d’épisodes hypomaniaques, ou forme clinique constituée d’une cyclothymie, associée à des épisodes dépressifs majeurs récurrents. ◗ Cyclothymie : forme atténuée de bipolarité II caractérisée par la succession d’épisodes d’hypomanie et d’épisodes de dépression légère. C’est un trouble chronique dont la prévalence serait de 3 à 7 % environ dans la population générale, avec une majorité de femmes atteintes. Le caractère atténué de la symptomatologie fait souvent situer cette pathologie au niveau d’un trouble de la personnalité évoluant de l’irritabilité au comportement antisocial. La plupart des personnes atteintes de troubles cyclothymiques ont des vies marquées par l’empreinte de la pathologie. Les variations brusques et fréquentes de leur humeur les rendent hypersensibles au stress avec mauvaise adaptation de leur réaction. Les mauvaises fortunes affectives et professionnelles, les difficultés conjugales et relationnelles, surtout en phase d’hypomanie, sont légion, exacerbées encore par l’abus d’alcool et d’autres substances consommées à visée d’automédication (plus de 10 % des cyclothymiques ont une dépendance à une substance illicite). ◗ Bipolaire III : forme clinique constituée d’épisodes dépressifs majeurs récurrents (pseudo-unipolaires) sans hypomanie spontanée, survenant sur Act. Méd. Int. - Psychiatrie (19) n° 5, mai 2002 L es deux dernières décennies se sont traduites, sur le plan des troubles bipolaires, par un élargissement considérable de leur spectre de définition, qui s’étend désormais de la dépression jusqu’aux psychoses schizophréniformes, avec lesquelles il délimite des frontières encore assez floues. un tempérament hyperthymique et/ou une histoire familiale de bipolarité. Ce sous-groupe serait caractérisé par la fréquence de manies ou d’hypomanies induites par des traitements à visée antidépressive. ◗ État maniaque (DSM-IV) : il s’agit d’un état expansif ou irritable de l’humeur qui dure depuis une semaine au moins et dans lequel le sujet présente une toute-puissance, des idées de grandeur, une fuite des idées, une insomnie, une logorrhée et une hyperactivité confinant à l’agitation psychomotrice dont il ne mesure pas toujours les conséquences dommageables au niveau tant social que professionnel. L’enthousiasme est constant, l’euphorie fréquente, laissant alternativement place à l’irritabilité et à la causticité. Le patient a généralement une présentation caractéristique faite d’un faciès enjoué et hypermimique, d’un verbe haut, rapide, se voulant humoristique, distrait par la moindre stimulation jusqu’à la totale absence de cohésion dans son discours et ses actes. Cette incohérence non perçue quant à ses conséquences, issue d’une confiance en soi totale, peut entraîner le sujet dans des actes à forte potentialité dangereuse pour lui-même ou pour autrui, justifiant le plus souvent son hospitalisation en milieu spécialisé. ◗ État hypomaniaque : cet état est difficile à différencier des variations hyperexpressives normales de l’humeur. On peut cependant retenir quelques traits caractéristiques : – un virage ou une modification brutale de l’humeur vers l’euphorie ; – une élation de l’humeur, globalement à polarité joyeuse et optimiste ; 118 Mise au point/point de vue Mise au point/point de vue MAI INT 03/07/02 10:13 Page 119 – une disproportion des affects par rapport à un événement déclenchant ; – l’existence d’une hostilité à type de colère ou d’irritabilité ; – une perturbation du jugement social ; – des conséquences relationnelles ou financières ; – la prévisibilité, parfois périodique, des variations et, surtout, l’inquiétude de l’entourage qui note ces aspects hyperexpressifs. La dépression dans le cadre de la bipolarité Dans le trouble bipolaire I L’épisode dépressif se présente de manière classique et il est généralement décrit comme l’association : – d’une humeur dépressive, qui est un vécu pessimiste de soi et du monde avec sentiments d’infériorité, d’autodévalorisation, d’abandon, d’échec, d’inutilité, voire de culpabilité ou d’indignité ; – d’une anhédonie, c’est-à-dire d’une incapacité à éprouver du plaisir, avec perte d’intérêt pour les activités jusqu’alors investies, anesthésie affective culpabilisée et douloureusement vécue par le patient ; – d’un ralentissement psychomoteur, avec asthénie, difficultés de concentration et d’attention, troubles mnésiques, appauvrissement de la pensée pouvant confiner au monoidéisme exprimé d’une voix monocorde. Parfois, l’agitation anxieuse peut remplacer le ralentissement psychomoteur protecteur ; – de symptômes somatiques tels qu’anorexie, troubles du sommeil, troubles sexuels, céphalées, rachialgies, lombalgies, etc., auxquels s’ajoutent des sensations de striction thoracique et des pesanteurs abdominales ; – d’un désir de mort, qui complète souvent le vécu dépressif, avec risque de passage à l’acte accru par une anxiété associée. La mélancolie, au sens français du terme, est l’association au syndrome dépressif d’idées délirantes de culpabilité et de ruine trouvant leur résolution naturelle dans l’imminence du passage à l’acte suicidaire. Dans le trouble bipolaire I, l’épisode dépressif ne possède pas de caractéristiques cliniques franches qui pourraient le faire qualifier d’emblée par le clinicien de pathognomonique. Cet état ne semble toutefois pas poser, a priori, de problème de reconnaissance, tant la souffrance est le plus souvent évidente, le diagnostic de bipolarité I se faisant sur la connaissance par le praticien d’épisodes maniaques chez les patients et aussi des antécédents personnels et familiaux de troubles thymiques. Peu d’éléments sémiologiques, en effet, permettent de différencier une dépression unipolaire simple d’une dépression bipolaire type I. Quelques éléments, comme l’intensité des troubles ou l’immixtion de traits psychotiques, se retrouvent dans les deux pathologies, même si ces derniers peuvent laisser soupçonner une évolution plus lente et surtout plus cyclique. Le seul problème réside alors dans l’accès inaugural de la pathologie, pour lequel il faudra toujours rechercher des antécédents familiaux de bipolarité. Dans le trouble bipolaire type II À l’opposé, l’épisode dépressif semble se caractériser par quelques données cliniques qui, à notre avis, devraient permettre aux cliniciens d’en évoquer le diagnostic, bien qu’il soit plus difficile a priori. En effet, les états hypomaniaques sont soit méconnus, soit minimisés, voire même niés par le patient, car considérés comme une adaptation et un vécu de guérison par rapport à leur état antérieur. La symptomatologie dépressive permettrait peut-être à elle seule de faire l’hypothèse d’un trouble bipolaire II sur les arguments suivants : – les patients, lors de cet épisode dépressif, se montrent globalement plus hypersomniaques et plus hyperphagiques ; – les épisodes dépressifs se manifesteraient dans la vie du patient de façon plus précoce et de manière plus récurrente ; – entre les épisodes dépressifs persisterait une instabilité émotionnelle donnant un aspect caractériel à la personnalité des patients qui sont alors étiquetés hystériques, états limites, psychopathes, etc. ; – les patients auraient une biographie plus orageuse, avec ruptures conjugales nombreuses et instabilité socioprofessionnelle ; – il existerait des troubles cognitifs intercrises témoignant d’une persistance d’éléments dépressifs dans leur perception et leur vécu du monde. Cela relativise la notion d’intervalle libre classiquement décrit dans la bipolarité ; – les patients auraient, de plus, une propension à abuser de diverses substances psychoactives dans une proportion pouvant atteindre 50 % des cas ; – il existerait également, et de manière quasi pathognomonique, une large gamme de symptômes comorbides à type d’attaques de panique, de troubles obsessionnels compulsifs et de migraines ; – à cette comorbidité anxieuse invalidante, nettement supérieure à celle des troubles bipolaires I, s’ajoute un risque de tentative de suicide et de décès par suicide plus important ; – la question de la dépression bipolaire se pose également, à notre avis, pour un type d’états dépressifs qui apparaissent influencés par les variations saisonnières. Ces états surviendraient classiquement en automne, le plus souvent chez des personnes de sexe féminin et qui, à l’opposé de leur ordinaire plutôt dynamique, développeraient régulièrement une pathologie se manifestant essentiellement par une hypersomnie, une aboulie, un certain degré de douleur morale pendant les mois d’hiver, l’arrivée du printemps 119 Mise au point/point de vue Mise au point/point de vue MAI INT 03/07/02 10:13 Page 120 coïncidant généralement avec une diminution importante du besoin de sommeil, une augmentation du degré d’activité et un redressement de l’humeur. Le traitement de la bipolarité dépressive Si la dépression unipolaire bénéficie de stratégies thérapeutiques à peu près codifiées, y compris dans le cas de résistance au traitement (augmentation des posologies, changement de classe d’antidépresseurs, association d’antidépresseurs, emploi du lithium, des hormones thyroïdiennes, sismothérapie, etc.), les stratégies en matière de dépression entrant dans le cadre de la bipolarité ne font pas encore l’objet d’un large consensus. On énoncera ici quelques points dans le but d’éclairer la décision thérapeutique lors d’un état dépressif bipolaire. Bipolaire I L’utilisation d’antidépresseurs se justifie pleinement. Ils seront associés le plus rapidement possible en première intention au lithium, en l’absence de contre-indication et avec l’assurance d’une compliance de bonne qualité. Si besoin, d’autres thymorégulateurs, tels que les anticonvulsivants, pourront être préférés. Si l’efficacité optimale d’une lithiothérapie se situe entre 0,7 et 1 mEq/l, des études peu nombreuses ont préconisé la recherche de lithiémies plus élevées pour le traitement des états maniaques. Le choix de l’antidépresseur se fera préférentiellement vers les molécules sérotoninergiques (ISRS) réputées pour induire moins d’effets secondaires. Un grand nombre d’entre elles sont à la disposition des prescripteurs depuis maintenant environ dix ans. Cependant, devant l’acuité de certains épisodes, les psychiatres hospitaliers semblent préférer encore les antidépresseurs tricycliques et, de façon plus récente, des molécules à potentialité mixte, bien qu’aucune étude, à notre connaissance, n’ait montré une efficacité plus spécifique dans la dépression bipolaire. Les sismothérapies complètent l’arsenal thérapeutique en cas de résistance, lors de l’imminence d’un passage à l’acte suicidaire ou lorsque le pronostic vital est en jeu. Bipolaire II La dépression dans ce cadre clinique ne bénéficie pas encore à l’heure actuelle, en matière de traitement, de données scientifiques suffisantes pour étayer une véritable stratégie formelle. Cependant, quelques éléments pertinents dans de nombreuses études méritent d’être retenus. Si le traitement idéal paraît être celui de la thymorégulation d’emblée, la pratique clinique devant la souffrance morale aiguë impose de traiter ces patients par des antidépresseurs. Ces derniers seront choisis préférentiellement dans le groupe des ISRS du fait du moindre risque switcheur (inversion de l’humeur), bien que non encore prouvé, évoqué pour ses molécules. De nombreuses données ont en effet suggéré l’hypothèse d’une iatrogénie des antidépresseurs tricycliques qui seraient responsables de l’accélération du rythme des cycles, transformant les patients, à terme, en bipolaires à cycles rapides (> 4 cycles par an). Si le lithium conserve dans la bipolarité de type I une efficience certaine et reconnue, il apparaît à la lumière de la littérature que les thymorégulateurs anticonvulsivants ont, dans la bipolarité de type II comme dans les manies dysphoriques et les cycles rapides, une efficacité au moins égale ou supérieure. Les choix actuels semblent se porter sur l’acide valproïque, présentant moins d’effets secondaires et de toxicité que la carbamazépine (inducteur enzymatique) qui n’en conserve pas moins d’excellentes propriétés thymorégulatrices. Act. Méd. Int. - Psychiatrie (19) n° 5, mai 2002 D’autres thymorégulateurs anticonvulsivants, tels que la lamotrigine, la gabapentine, le topiramate, etc., font l’objet actuellement d’études d’efficacité, notamment dans la manie aiguë. Leur efficacité dans la dépression ou dans la prévention des rechutes reste hypothétique et en cours d’évaluation. Les premières données dans la manie sont a priori encourageantes. Il n’existe pas encore à notre connaissance de données sur les antidépresseurs à polarité mixte récents. Les antipsychotiques récemment émis sur le marché paraissent, pour certains d’entre eux, posséder des propriétés psychostimulantes et également antimaniaques et peut-être thymorégulatrices. D’ores et déjà, de multiples études sont en cours avec la rispéridone, l’olanzapine, la zyprasidone, la quiétapine, etc., afin de déterminer la pertinence scientifique de ces propriétés. Si le caractère saisonnier – déjà évoqué – de la dépression paraît manifeste, les patients pourront bénéficier d’un adjuvant à leur thérapie antidépressive sous la forme de séances de luminothérapie. Cette association paraît supérieure à la prescription d’antidépresseurs seuls. Dans le cadre d’un trouble bipolaire II, il faudra savoir adapter le traitement au caractère saisonnier des troubles, en utilisant, si possible, moins d’antidépresseurs au printemps et en été et davantage en automne et en hiver. Par ailleurs, last but not least, les stratégies thérapeutiques pour une pathologie à caractère chronique et récurrent sur toute une vie ne peuvent s’élaborer sans le présupposé de la prise en charge psychologique des patients. L’instabilité émotionnelle interépisodique et l’hyperréactivité aux stresseurs externes qui sont souvent de mise justifieront pleinement les prises en charge à vocation psychothérapeutique structurées au long cours, auxquelles nous pensons qu’il faut ajouter : – l’éducation des patients sur la nature 120 Mise au point/point de vue Mise au point/point de vue MAI INT 03/07/02 10:13 Page 121 spectre des troubles thymiques, puisqu’ils participent également de la normalité. Les tempéraments en cours d’étude et de validation depuis quelques années permettent de donner à l’ensemble des troubles bipolaires une cohérence théorique. Leur prévalence dans la population générale, leur évolution au cours de la vie et leur relation avec les différentes pathologies du spectre sont autant de voies de recherche actuelle. de leur maladie, son évolution et ses conséquences, et notamment l’insistance cognitive sur leur comportement addictif en matière d’alcool et de substances psychoactives. Des associations de patients bipolaires sont, dans ce contexte, d’un apport essentiel ; – des conseils en matière de relations sociales, affectives et professionnelles du fait de leur nature impulsive qui risque, dans les états aigus, de provoquer des dommages irréversibles (divorce, instabilité professionnelle, errance sexuelle et ses risques inhérents). Les tempéraments Conclusion L’élargissement du spectre des troubles bipolaires à des formes de dépression, perçues antérieurement comme unipolaires, mais également à des troubles jusqu’alors considérés soit comme des troubles de la personnalité, soit comme de simples dépressions réactionnelles, y compris récurrentes, paraît être une avancée considérable des vingt dernières années. Le regroupement de ces symptomatologies derrière la bannière de la bipolarité est loin de répondre à un souci uniquement nosographique. En effet, cette expansion du concept s’accompagne au contraire d’un positionnement en matière thérapeutique propre à pouvoir faire bénéficier directement le patient de stratégies nouvelles de thymorégulation. Ces dernières, encore en évaluation, sont désormais d’une grande importance. L’impact de ces stratégies peut en effet modifier sur le long terme l’évolution connue comme catastrophique des dépressions récurrentes et de leur corollaire suicidaire. Par ailleurs, il nous semble que ces stratégies ont une influence quasi fondamentale sur la qualité de vie des patients et, par extension, sur celle de leur famille. Nous conclurons ce propos sur la dépression bipolaire en évoquant la notion de tempéraments affectifs qui constituent vraisemblablement la limite extrême de l’extension du Au niveau affectif, Kraepelin avait déjà considéré la légitimité des tempéraments, s’interrogeant sur leur relation probable avec les troubles thymiques ultérieurs. H. Akiskal, au décours des années 1980, a réactualisé cette notion en l’intégrant dans le spectre élargi des troubles bipolaires. Il distingue quatre types de tempéraments : le tempérament hyperactif, le tempérament dépressif, le tempérament cyclothymique, le tempérament irritable. Ils peuvent être hypothétiquement interprétés comme soit une forme atténuée de la maladie, soit un début de la pathologie soit une cicatrice de l’état morbide. Le tempérament affectif constitue vraisemblablement la partie la plus biologique, la plus génétique et donc la plus héritable de la vulnérabilité bipolaire. Il se situe en deçà du caractère, qui représente schématiquement la rencontre de cette vulnérabilité avec l’environnement et les interactions inhérentes à toute vie. La personnalité, dans ce cas de figure, serait la résultante des compositions multiples entre la vulnérabilité du tempérament et le caractère. L’intérêt d’évoquer une telle notion est tout d’abord d’intégrer dans les maladies thymiques des états subsyndromiques, voire même asymptomatiques, dans une logique de compréhension de la dépression perçue comme une maladie couvrant toute la vie d’un patient. Par ailleurs, la validation en cours de ces tempéraments, loin d’être simplement académique, permettra, au-delà d’une incitation à des études épidémiologiques structurées, une lecture plus explicite des patients bipolaires atténués, mais également des dépressions récurrentes pour lesquelles les cliniciens manquaient souvent d’outils conceptuels. Nous les rappellerons pour mémoire… Tempérament cyclothymique ◗ Début précoce (< 21 ans). ◗ Cycles courts intermittents avec euthymie peu fréquente. ◗ Troubles biphasiques caractérisés par des oscillations brutales d’une phase à l’autre avec manifestations subjectives et comportementales. ◗ Manifestations subjectives : – léthargie alternant avec eutonie ; – pessimisme et ruminations alternant avec optimisme et attitudes insouciantes ; – obtusion mentale alternant avec une pensée aiguë et créative ; – estime de soi incertaine oscillant entre une faible confiance en soi et une confiance excessive, mégalomaniaque. ◗ Manifestations comportementales (de meilleure valeur diagnostique) : – hypersomnie alternant avec besoin réduit de sommeil ; – repli introversif alternant avec une recherche sociale désinhibée ; – restriction de la production verbale alternant avec logorrhée ; – pleurs inexpliqués alternant avec des plaisanteries et facéties excessives ; – irrégularité qualitative et quantitative marquée dans la productivité associée à des horaires inhabituellement élevés de travail. Tempérament hyperthymique ◗ Début précoce indéterminé (< 21 ans). ◗ Traits hypomaniaques “subsyndro- miques” intermittents avec euthymie rare. ◗ Courts dormeurs habituels (< 6 heures même les week-ends). 121 Mise au point/point de vue Mise au point/point de vue MAI INT 03/07/02 10:13 Page 122 ◗ Dénégation excessive. ◗ Traits de personnalité hypoma- niaque : – irritable, gai, trop optimiste ou exubérant ; – naïf, trop confiant, assuré, vantard, emphatique ou mégalomaniaque ; – vigoureux, entreprenant, imprévoyant, prodigue, impulsif ; – bavard ; – chaleureux, avide de contact, extraverti ; – intrusif, se mêlant de tout ; – désinhibé, avide de sensations, avec promiscuité. Tempérament dysthymique subaffectif ◗ Début précoce indéterminé (< 21 ans). ◗ Dépression intermittente de faible intensité, non secondaire à une pathologie non affective. ◗ Hypersomnolence inhabituelle (> 9 heures par jour). ◗ Tendance à broyer du noir, anhédonie, inertie psychomotrice, pire le matin. ◗ Traits de personnalité dépressive : – sombre, pessimiste, sans humour, incapable de s’amuser ; – calme, silencieux, passif et indécis ; – sceptique, hypercritique et plaintif ; – préoccupations et ruminations ; – consciencieux et discipliné ; – autocritiques, reproches et péjorations sur soi-même ; – préoccupations pour son inadéquation, les échecs et les événements négatifs jusqu’à la jubilation morbide de ses propres échecs. Tempérament irritable ◗ Début précoce indéterminé (< 21 ans). ◗ Habituellement d’humeur changeante, irritable et colérique avec euthymie peu fréquente. ◗ Tendance à ruminer, à broyer du noir. ◗ Hypercritique et plaintif. ◗ Mauvaises plaisanteries. ◗ Obstructionnisme. ◗ Agitation dysphorique. ◗ Impulsivité. ◗ Ne remplit pas les critères de personnalité antisociale, de troubles déficitaires de l’attention résiduelle ou de troubles épileptiques. L’évolution théorique de cette nouvelle compréhension des troubles Act. Méd. Int. - Psychiatrie (19) n° 5, mai 2002 bipolaires a conduit H. Akiskal à proposer récemment une dernière grille de lecture qui synthétise les différentes compositions autorisées par la multitude des formes cliniques de la dépression bipolaire. Nous conclurons donc notre propos sur cette grille toujours évolutive : " BP 0,5 : trouble schizobipolaire " BP 1 : trouble bipolaire classique avec manie " BP 1,5 : hypomanie réfractaire " BP 2 : trouble bipolaire avec hypomanie " BP 2,5 : dépression cyclothymique " BP 3 : dépression sur tempérament hyperthymique et histoire familiale de BP " BP 3,5 : bipolarité par utilisation d’alcool et/ou psychostimulant " BP 4 : dépression hyperthymique Etc., ad litteram. 122 Mise au point/point de vue Mise au point/point de vue