DOULEUR
éveloppée dès les années 60 pour traiter les douleurs postopé-
ratoires, l’analgésie contrôlée par le patient (ACP), ou PCA des
Anglo-Saxons (patient controlled analgesia), est une technique
d’administration des morphiniques qui permet au patient d’adapter lui-même
sa consommation à ses besoins. La PCA est plus rarement utilisée dans le
traitement des douleurs chroniques bénignes. Néanmoins, le principe même
de la technique laisse envisager certaines circonstances où la PCA peut aider
à la prise en charge thérapeutique de ces douleurs.
I
ntérêt de l’analgésie contrôlée par
le patient dans les douleurs non cancéreuses
La Lettre du Rhumatologue - n° 252 - mai 1999
relais sont les morphines à libération prolon-
gée administrées par voie orale (Moscontin®,
Skenan®, Kapanol®). En effet, le Durogesic®
(patch transdermique de fentanyl) ne possède
pas encore l’AMM pour le traitement des dou-
leurs chroniques non cancéreuses.
Compte tenu de ces deux remarques, la mor-
phine est le médicament qu’il faut employer en
PCA pour traiter les douleurs chroniques non
cancéreuses. Après l’obtention d’un soulage-
ment complet, une conversion peut être réali-
sée entre la dose administrée par voie parenté-
rale et celle qui sera prescrite par voie orale.
Il conviendra également d’ajouter du dropéri-
dol (Droleptan®) dans la seringue de morphine
pour réduire l’incidence des nausées et vomis-
sements (5). À la dose de 0,05 mg par milli-
gramme de morphine, le dropéridol permet de
réduire la sévérité et l’incidence des effets
secondaires sans induire de somnolence. Cet
aspect de l’utilisation de la PCA est important
à considérer dans la mesure où la survenue de
tels effets indésirables conduit le patient à limi-
ter sa consommation de morphine, donnant
ainsi des renseignements erronés sur ses réels
besoins en antalgiques.
La voie d’administration
La morphine employée selon la technique de
PCA peut être administrée soit par voie intra-
veineuse, soit par voie sous-cutanée. Du fait de
la réabsorption, on peut s’attendre à ce que la
voie sous-cutanée n’offre pas les mêmes avan-
tages que la voie intraveineuse, à savoir un
délai d’action rapide, un contrôle plus rapide
et plus facile de l’efficacité du produit employé.
Il faut donc, chaque fois que cela est possible,
privilégier la voie intraveineuse.
La titration
Que le patient soit hospitalisé ou qu’il soit traité
à domicile, l’initiation du traitement morphi-
nique par voie intraveineuse selon la technique
de PCA nécessite de réaliser une titration.
La titration permet d’établir rapidement, pour
le patient considéré, la concentration plasma-
tique de morphine qui sera efficace. Il suffit
d’injecter, par voie intraveineuse, 3 à 5 mg de
morphine toutes les 10 minutes, jusqu’à obte-
nir soit une somnolence, soit un soulagement
coté en dessous de 4 sur une échelle visuelle
analogique (EVA). Une fois que cette concen-
tration est établie, le patient pourra maintenir
Principe de la PCA
C’est en 1965 que Sechzer (1) conçut cette
technique par laquelle le patient peut contrôler
la dose de morphinique qu’il reçoit. D’un point
de vue pharmacocinétique, la PCA permet au
patient de maintenir la concentration plasma-
tique de morphinique qui est efficace pour lui.
Cela sous-entend que cette concentration plas-
matique efficace (CPE) est d’abord établie
(phase de titration), puis maintenue par le
patient lui même (PCA). Ainsi, dès qu’il ressent
une douleur, le patient appuie sur un bouton
poussoir, relié à un pousse-seringue informa-
tisé, déclenchant l’administration intraveineuse
d’une faible dose de morphinique.
Utilisation de la PCA
Cette technique d’administration a surtout été
développée pour traiter les douleurs postopé-
ratoires. Appliquée à la voie intraveineuse, la
PCA permet de remplacer l’administration
sous-cutanée de morphine d’un manière avan-
tageuse : il a en effet été démontré qu’elle offre
une meilleure qualité d’analgésie et une plus
grande satisfaction des patients que celles
observées lors d’une administration sous-cuta-
née (2).
Concernant le traitement des douleurs chro-
niques, l’emploi de la PCA est plus limité. L’in-
dication la plus fréquente est le traitement des
douleurs chroniques cancéreuses. En effet,
quand le contrôle d’un traitement administré
par voie orale est devenu impossible à réaliser
et/ou s’il existe une incapacité à employer des
patchs transdermiques de fentanyl, le passage
à l’administration parentérale de morphine
selon la technique de PCA représente la solu-
tion thérapeutique.
Le traitement de douleurs chroniques bénignes
fait rarement appel au traitement morphinique.
On est parfois amené à le proposer pour traiter
certaines douleurs échappant aux traitements
conventionnels : c’est le cas, en particulier, des
douleurs neuropathiques et des douleurs d’ori-
gine rhumatologique (3, 4). On peut indivi-
dualiser deux situations où la technique de
PCA peut aider à la réalisation du traitement
antalgique :
lorsqu’il s’agit de traiter un épisode aigu dou-
loureux ayant nécessité une hospitalisation ;
lorsqu’il faut initier avec précision un traite-
ment morphinique, qui sera ensuite administré
par voie orale.
Modalités d’utilisation
Peu d’éléments existent dans la littérature, et
les quelques règles énoncées ici découlent de
la pratique de la PCA dans le traitement des
douleurs postopératoires.
Les morphiniques
Dans le domaine des douleurs aiguës postopé-
ratoires, il a été démontré que l’administration
de morphiniques liposolubles (fentanyl, sufen-
tanil), comparée à celle de la morphine, n’aug-
mente pas la qualité de l’analgésie, ni la satis-
faction des patients. C’est dire que tous les
morphiniques peuvent être employés dans une
PCA.
Concernant les douleurs chroniques bénignes,
les seuls traitements qui pourront assurer le
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cette qualité d’analgésie en appuyant sur son
bouton poussoir, qui délivrera la dose bolus
prescrite.
Les paramètres de la pompe
Le patient gère sa douleur, mais il reste sous le
contrôle du médecin qui a prescrit la PCA. En
effet, celui-ci doit fixer les valeurs de la dose
bolus, de la période d’interdiction et de la dose
limite des 4 heures.
La dose bolus est la dose que reçoit le patient
quand il appuie sur le bouton poussoir. Elle ne
doit pas être trop importante pour éviter l’ap-
parition d’effets secondaires comme la somno-
lence. Elle doit être suffisante pour que le
patient puisse ressentir les bénéfices de l’in-
jection. La dose de 1 mg de morphine permet
d’obtenir un bon niveau de soulagement pour
la majorité des patients (6).
La période d’interdiction est le temps pen-
dant lequel, même si le patient appuie sur son
bouton poussoir, il ne reçoit aucune injection
de morphine. Elle correspond au délai d’ob-
tention du pic d’analgésie du morphinique
employé. Elle ne doit être ni trop prolongée,
pour éviter l’insatisfaction du patient, ni trop
courte, afin d’éviter les surdosages (7).
La dose limite horaire ou des 4 heures per-
met plus de surveiller que de limiter la consom-
mation de morphine dans le temps. Son utili-
sation n’est pas obligatoire, mais c’est un
paramètre de contrôle permettant de renforcer
la sécurité de la technique. Elle peut être fixée
à 5-6 mg/heure, soit 20-24 mg pour 4 heures,
et doit pouvoir être modifiée rapidement.
La durée du traitement par PCA
On peut considérer deux cas de figure :
Le patient est traité pour un épisode aigu de
sa maladie : dans ce cas, on peut laisser la
pompe jusqu’à la fin de cet épisode, si celui-ci
est court. La fin de l’épisode est annoncée par
une diminution de la consommation de mor-
phine. Sinon, on assurera un relais par une prise
orale de morphine.
Le patient a bénéficié d’une PCA pour ini-
tialiser un traitement par voie orale qui durera
plusieurs mois, le but étant de déterminer la
posologie journalière.
Dans les deux cas, dès que le patient est stabi-
lisé, la dose journalière de morphine adminis-
trée par voie orale sera calculée à partir de la
dose journalière injectée par voie intraveineuse,
en la multipliant par 3.
Cette dose orale sera fractionnée en deux prises
si l’on utilise le Skenan®ou le Moscontin®; elle
ne sera pas fractionnée dans le cas du Kapa-
nol®. Si la PCA a jusque-là été utilisée par voie
sous-cutanée, le facteur de conversion est de 2.
Conclusion
L’utilisation de la PCA dans le traitement des
douleurs chroniques bénignes est réduite.
Cependant, les renseignements qu’elle peut
fournir concernant les besoins en morphine des
patients sont précieux, car adaptés à chaque cas.
Il faut penser à recourir à cette technique
chaque fois que le contrôle de la douleur est dif-
ficile à obtenir.
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DOULEUR
La Lettre du Rhumatologue - n° 252 - mai 1999
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LABORATOIRES UPSA : MIEUX COMPRENDRE LA DOULEUR POUR MIEUX AGIR
La mission de ceux qui se consacrent à la lutte contre la douleur est loin d’être achevée.
Les Laboratoires UPSA sont plus que jamais déterminés à participer activement au développement de la connaissance
de la douleur auprès des personnels de santé,à multiplier les actions de sensibilisation destinées au corps médical et au
grand public.
L’engagement des Laboratoires UPSA : mieux soulager la douleur de tous
Aujourd’hui,les Laboratoires UPSA proposent des médicaments adaptés à toutes les douleurs,selon leur intensité :dou-
leurs légères, douleurs intenses et douleurs sévères. Ils sont ainsi présents sur les trois paliers de l’échelle des antal-
giques définie par l’Organisation Mondiale de la Santé.
Pour encourager une meilleure prise en charge de la douleur,les Laboratoires UPSA développent des outils de sensibi-
lisation et d’information destinés aux professionnels de santé et aux patients.
Des actions concrètes pour une meilleure prise en charge de la douleur
“Objectif EVA : Ensemble vers l’Antalgie” : une campagne d’information et de sensibilisation pour l’amélioration de
l’évaluation et du traitement de la douleur est conduite en partenariat avec les établissements hospitaliers. Cette opé-
ration s’appuie sur des outils de formation destinés aux personnels soignants et sur des documents pour les patients,
dont un passeport “contre la douleur après chirurgie” remis aux futurs opérés.
Le soutien au “Rire Médecin”, compagnie de clowns professionnels qui créent des spectacles dans certains hôpitaux
pour améliorer l’environnement des petits patients qui souffrent.
L’association “Action Santé & Sports”,qui participe à la prévention des douleurs ou des accidents liés à la pratique du
sport de loisir ou de compétition, en diffusant des documents à l’attention des professionnels de santé et des patients.
Dr Agnès Langlade,
Centre de la douleur, hôpital Tenon, Paris,
présidente de la Société francophone
d’étude de la douleur (SOFRED)
Références bibliographiques
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