his

publicité
Chapitre
1
it
Lecture historique du patrimoine
d’une ville
e
s
s
� MANUEL, PAGES 22-57
◗ Présentation de la question
champ du patrimoine. Le patrimoine matériel
englobe monuments historiques, œuvres d’art,
mais aussi témoignages des systèmes productifs
industriels et agricoles. Le patrimoine immatériel
est l’ensemble des traditions, célébrations, fêtes,
traditions orales et culinaires qui définissent les
identités d’un lieu. Tous les patrimoines étudiés dans ce chapitre sont donc devenus tels au
terme d’un processus qui, comme celui lié aux
mémoires, a conduit à donner une valeur particulière à certains éléments. Les patrimoines sont
ainsi liés à la question de l’identité des différents
lieux et des sociétés qui les habitent.
• Faire une lecture historique du patrimoine
d’une ville ne se résume pas à illustrer chaque
période de l’histoire par des exemples d’œuvres
et de monuments. Il ne s’agit pas non plus de
réaliser un inventaire des éléments marquants
du patrimoine. Il s’agit de proposer à l’élève des
clés pour comprendre, à partir de ses connaissances historiques, combien un lieu peut être
porteur de sens, d’identités complexes. Chacune
des trois villes proposées à l’étude par le programme permet d’explorer tout le champ des
notions qui viennent d’être explicitées.
• Jérusalem est la ville sainte des trois monothéismes qui s’y rencontrent et qui s’y sont
affrontés. Elle est le lieu de l’Alliance pour le
judaïsme, de la résurrection du Christ pour
les chrétiens, de la chevauchée nocturne de
Mahomet pour les musulmans. Le mur occidental, l’église du Saint-Sépulcre, le Dôme du
Rocher en témoignent encore. Destruction du
Temple par les Romains, croisades, conflits du
XXe siècle : le patrimoine de Jérusalem est un
résumé de la géopolitique complexe du ProcheOrient. Ce sont les patrimoines de la ville qui
font son intérêt géopolitique. Cependant, la
proximité géographique, voire la superposition
des lieux saints de chacune des religions donne
un sens profondément unifié aux héritages de la
cité.
o
B
it
e
s
s
o
B
• La notion de patrimoine s’est construite,
affirmée et précisée depuis plusieurs siècles.
Une double page lui est consacrée (pp. 18-19)
au début de la première partie, pour permettre
aux élèves d’en saisir les enjeux avant d’étudier
l’une des trois villes.
• Le mot est né au XIIe siècle pour désigner un
héritage qu’il convenait de préserver pour pouvoir le transmettre à son tour. Dans son acception actuelle, le concept date du XVIIIe siècle.
Dans leur étude fondamentale sur la question,
La notion de patrimoine, Jean-Pierre Babelon
et André Chastel ont montré comment, au
XVIIIe siècle, cette notion s’élargit. Elle recouvre
désormais tous les « monuments », c’est-à-dire
les éléments transmis par les siècles passés à une
société donnée (en latin, le terme monumentum
signifie « ce qui rappelle » et désigne un édifice
commémoratif). Ces « monuments » peuvent
être des édifices, mais aussi des éléments d’archives ou des œuvres d’art. Avec la Révolution,
le patrimoine devient un enjeu lié à la mémoire
nationale. La nation souveraine doit faire un
choix sur les œuvres à préserver et sur le sens à
leur donner. Par ailleurs, de nouveaux lieux patrimoniaux apparaissent. Des musées sont créés
pour abriter les œuvres, et des orateurs comme
l’abbé Grégoire justifient leur conservation.
Cette approche française du patrimoine s’est
diffusée en Europe aux XIXe et XXe siècles, à
mesure que des États-nations s’y créaient. Le
patrimoine est donc intimement lié à la notion
de mémoire. Des études fondamentales comme
celles de Pierre Nora ou Jean-Michel Leniaud
ont récemment permis de préciser ces enjeux et
d’ouvrir de nouvelles perspectives.
• Le patrimoine évolue sans cesse, il reflète les
dynamiques collectives mais aussi les récupérations identitaires et les manipulations politiques.
Le processus de patrimonialisation a élargi le
• 14
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
• Le centre historique de Rome montre comment
la ville a su garder, de l’Antiquité à nos jours, une
place spécifique. L’héritage de la capitale impériale a constitué un patrimoine archéologique et
monumental tout à fait unique au cœur d’une
grande métropole, avec les forums, le Palatin, le
Capitole. Ce patrimoine a également entretenu
le mythe de la Rome antique après l’Antiquité, à
travers le regard des peintres et des écrivains. Par
ailleurs, la ville a gardé un rayonnement important grâce à son statut de siège de la papauté.
La Rome chrétienne et sa mise en scène architecturale et artistique ont permis la transmission
d’une partie de l’héritage antique, mais elles lui
ont donné un nouveau sens. Les grandes places,
comme la place Navone ou la place d’Espagne
en témoignent. Enfin, la ville est aussi devenue
en 1871 la capitale de l’Italie unifiée et son patrimoine reflète les grandes étapes de la vie de la
nation, notamment sous le régime fasciste, qui
utilisa le mythe de la grandeur romaine et réalisa
la voie des Forums impériaux.
• Paris est la ville où la problématique du patrimoine est plus difficile à poser. Le patrimoine
de Paris se prête à une double lecture historique.
La première montre le rapport entre ville et pouvoir depuis le choix de Paris comme capitale :
l’espace urbain a été façonné par les différents
régimes pour servir de cadre à l’exaltation de la
monarchie puis de la république (places royales,
lieux de la Révolution, statuaire républicaine,
grands chantiers présidentiels, etc.). La seconde
lecture montre comment s’est construite l’identité de la ville, à travers un patrimoine matériel
et immatériel. L’innovation artistique, le souci de
définir des styles qui signent l’identité de la ville
furent une constante du Moyen Âge à nos jours :
Paris fut l’un des berceaux de l’art gothique, de
l’art classique, des grandes innovations du XIXe
et du XXe siècle. L’identité parisienne doit beaucoup au XIXe siècle, avec l’haussmannisation et
la tour Eiffel.
it
C. Boito, Conserver ou restaurer. Les dilemmes
du patrimoine, Les éditions de l’imprimeur,
2000.
A. Chastel, Architecture et patrimoine, Inventaire
général, 1994.
F. Choay, L’Allégorie du patrimoine, Éditions du
Seuil, 1992.
F. Furet, Patrimoine, temps, espace. Patrimoine
en place, patrimoine déplacé, Fayard, 1997.
G. Giovannoni, L’Urbanisme face aux villes anciennes, Éditions du Seuil, 1995.
J. Le Goff (dir.), Patrimoines et passions identitaires, Fayard, 1998.
J.-M. Léniaud, Chroniques patrimoniales,
Norma, 2001.
J.-M. Léniaud, Les Archipels du passé, Fayard,
2002.
J. Limouzin et F. Icher (dir.), Regards sur le patrimoine, SCÉRÈN, 2009.
P. Nora (dir.), Science et conscience du patrimoine, Fayard, 1994.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
◗ Bibliographie
Ouvrages généraux
J.-P. Babelon, La Notion de patrimoine, Liana
Lévi, 1994.
F. Bercé, Des monuments historiques au patrimoine, du XVIIIe siècle à nos jours, ou les « égarements du cœur et de l’esprit », Flammarion, 2000.
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
Ouvrages sur Jérusalem
F. Encel, Géopolitique de Jérusalem,
Flammarion, coll. Champs, 2008.
J.-Y. Leloup, Dictionnaire amoureux de
Jérusalem, Plon, 2010.
Ouvrages sur Rome
F. Coarelli, Guide archéologique de Rome,
Hachette, 1994.
P. Grimal, Nous partons pour Rome, PUF, 1983.
P. Grimal, Églises de Rome, Imprimerie nationale, 1997.
Ouvrages sur Paris
Y. Carbonnier, Paris, une géohistoire, Doc.
Photo n° 8068, mars-avril 2009.
A. Fierro, Histoire et dictionnaire de Paris,
Robert Laffont, 1996.
M.-F. Hoffbauer, Paris à travers les âges.
Éditions Inter-Livres, Tours 1995 (1re éd. 1872).
B. Rouleau, Paris, histoire d’un espace, Éditions
du Seuil, 1997.
D. Chadych et D. Leborgne, Atlas de Paris,
Parigramme, 1999.
P. Pinon, Atlas du Paris haussmannien,
Parigramme, 2002.
E. Mullaly, Guide de Paris au Moyen Âge, Biro
& Cohen / Éditions du patrimoine, 2011.
15 •
G. Jollivet, M.-C. Bouaré-des Déserts et
I. Cardot, Paris dans l’histoire de France, Sudel,
2004.
Sitographie
http://whc.unesco.org/fr/list/
http://www.european-heritage.net/sdx/herein/
national_heritage/select_country.xsp
www.icomos.org
http://www.towerofdavid.org.il/English/
General/french
http://www.unicaen.fr/cireve/rome/index.php
http://www.paris.fr/loisirs/paris-loisirs/
histoire-et-patrimoine/p8495
http://www.culture.gouv.fr/culture/inventai/
patrimoine/
it
Arts étudie le Dôme du Rocher, œuvre fondamentale de l’art islamique qui s’inscrit dans le
patrimoine de la ville.
Le deuxième cours montre que le patrimoine
antique de Rome est resté un enjeu essentiel
jusqu’à aujourd’hui. Avec le troisième cours on
voit comment la papauté a mis en scène l’espace
urbain, notamment au moyen de l’art baroque.
Une étude est ensuite consacrée à un phénomène
très frappant à Rome et qui permet aux élèves de
comprendre comment le patrimoine se renouvelle sans cesse : la réutilisation des monuments
antiques. Une double page Histoire des Arts est
consacrée à un tableau d’Hubert Robert, ce qui
conduit à montrer que le patrimoine de Rome vit
aussi à travers la méditation des peintres (ou des
écrivains) sur les ruines antiques.
Le quatrième cours montre comment Paris,
capitale de la France, a été façonnée par les
différents pouvoirs. Puis le cinquième cours
analyse la constitution progressive de l’identité
parisienne, du paysage urbain. Une étude est ensuite consacrée au Louvre : cet édifice né comme
palais royal et devenu musée permet en effet une
lecture historique complète des rapports entre
patrimoine et pouvoir. Enfin, une dernière étude,
consacrée à la tour Eiffel, révèle comment un
édifice controversé et éphémère accède au statut
de patrimoine emblématique de la ville.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
◗ Plan du chapitre
Le chapitre présente successivement les trois
villes. Pour chacune d’elles, on commence par
une double page Repères comprenant : le plan
actuel de la ville avec les grands éléments de son
patrimoine, une petite carte de situation et des
photographies de monuments emblématiques.
Le premier cours présente Jérusalem, structure autour de son triple héritage juif, chrétien
et musulman. Une étude est ensuite consacrée
au mont du Temple, un des lieux clés du patrimoine de Jérusalem, sacré à la fois pour les juifs
et les musulmans. Une double page Histoire des
Commentaire des documents et réponses aux questions
◗ Ouverture de chapitre
� MANUEL PAGES 22-23
Doc. 1. Jérusalem : la ville sainte de trois
religions
Sur cette photographie prise depuis l’est, on peut
voir l’ensemble de la partie centrale de la vieille
ville. L’héritage des trois monothéismes apparaît
d’emblée. Au premier plan, on voit le soubas­
sement de l’esplanade du Temple. Sur l’espla• 16
nade s’élève le Dôme du Rocher, monument
emblématique de l’islam. Plus loin, on remarque
les deux coupoles de l’église du Saint-Sépulcre.
On notera la cohérence du bâti de la vieille ville,
qui contraste fortement avec la ville moderne
s’élèvant à l’arrière-plan. La sainteté de la ville
a permis sa patrimonialisation.
Doc. 2. Rome : la « Ville éternelle »
Cette vue de Rome explicite le surnom de « ville
éternelle » donné à Rome, avec la superposi© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
tion spectaculaire des différentes strates de son
patrimoine. La photographie est centrée sur
l’espace des forums impériaux. La colonne de
Trajan, que l’on distingue à gauche, apparaît
comme noyée dans la ville moderne et rappelle
l’emplacement du cœur de la cité antique. À
l’arrière-plan, sur la colline de l’Esquilin, la
basilique Sainte-Marie-Majeure témoigne de la
christianisation de la ville à la fin de l’Antiquité.
Surplombant les marchés de Trajan, la tour du
Grillo symbolise la Rome médiévale, contrôlée par les seigneurs. La multitude des dômes
baroques montre la façon dont le paysage de
Rome fut remanié par les papes, à l’époque de la
Réforme catholique. À droite de l’image, sur le
flanc de la colline du Capitole, la masse blanche
du « Vittoriano » montre comment lors de l’unité
italienne, achevée en 1871, l’Italie contemporaine souhaita raviver le mythe de la grandeur de
la Rome antique.
it
1. Jérusalem, ville trois fois sainte
e
s
s
� MANUEL, PAGES 26-27
Doc. 1. Le Saint-Sépulcre
• Question. Avec la basilique du Saint-Sépulcre,
on constate que le patrimoine peut diviser les
chrétiens. Le lieu même où se trouve le tombeau
vide, qui aurait abrité le corps du Christ avant
sa résurrection, est un facteur de tensions entre
les différentes confessions chrétiennes. En effet,
presque toutes les familles du christianisme
catholique et orthodoxe possèdent un espace réservé au sein de la basilique du Saint-Sépulcre.
Cependant, cette partition du monument montre
que la cohabitation entre ces chrétiens est difficile. Il n’a pas été possible de définir de nombreux espaces communs à ces communautés qui
se sont longtemps considérées réciproquement
comme schismatiques et hérétiques, à l’exception des espaces de circulation. Le fait que les
clés aient été confiées à des musulmans montre
qu’un arbitrage extérieur à la communauté chrétienne a été nécessaire pour éviter des incidents,
même si ceux-ci se produisent régulièrement
jusqu’à nos jours.
o
B
it
e
s
s
o
B
Doc. 3. Paris : capitale de la France à travers
tous les régimes
Cette image montre combien le patrimoine de
Paris permet de lire les continuités dans l’histoire de la ville. Au centre, la Seine apparaît
comme l’axe structurant le long duquel est née la
ville. À droite, sur l’île de la Cité, la cathédrale
Notre-Dame témoigne de la vitalité de la ville à
l’époque médiévale et de l’importance de l’art
gothique, né en Île-de-France au XIIe siècle. À
gauche de l’image, les quartiers de la rive gauche
montrent que la juxtaposition de différents éléments patrimoniaux n’empêche pas la constitution d’un paysage urbain typique de la capitale.
Le bâti a conservé une cohérence car des règlements ont empêché la construction d’immeubles
de grande hauteur. Les monuments rappellent
les moments clés de l’histoire de la ville. On
voit les clochers médiévaux de Saint-Séverin et
Saint-Germain-des-Prés, le dôme classique des
Invalides, réalisation emblématique dans le Paris
de Louis XIV et la tour Eiffel, qui marque l’emplacement du Champ-de-Mars. Ce lieu emblématique de la Révolution française, où eut lieu la
fête de la Fédération en 1790, fut choisi en 1889
pour voir s’élever la tour qui était alors la plus
haute du monde.
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
Doc. 2. Les murailles de Jérusalem
Les murailles de Jérusalem ont été réalisées à
partir de 1520, sous la période ottomane. Elles
définissent les limites de la vieille ville. Leur
construction incorpore des éléments clés de la
cité antique comme la tour de David, qui a servi
d’élément central pour la construction de la nouvelle citadelle. Le sultan Soliman le Magnifique
souhaitait ainsi honorer la ville sainte en réunissant les lieux saints des trois monothéismes.
L’islam a en effet incorporé certains héritages
du judaïsme et du christianisme, comme les figures de Moïse ou de Jésus. Ainsi, une légende
populaire raconte que Soliman aurait fait pendre
l’architecte chargé de la construction des remparts parce que celui-ci avait laissé en dehors de
l’enceinte de la ville le tombeau de David et le
lieu supposé du cénacle, où Jésus aurait célébré
son dernier repas.
Doc. 3. Le retour des juifs à Jérusalem
• Question. Pour les sionistes, comme Jacob
de Haas, Jérusalem représente le lieu central de
l’identité juive, le point de départ de son histoire. À plusieurs reprises dans leur histoire, les
17 •
juifs ont perdu cette ville : en 587 avant notre
ère, lorsqu’ils sont déportés à Babylone, d’où
la citation biblique qui conclut le texte, puis en
135 (ligne 9), lorsque les Romains répriment la
révolte des juifs. Selon l’auteur, le peuple juif
doit aspirer à retrouver Jérusalem. Outre l’identité religieuse du peuple juif, qui a pu se perpétuer dans le cadre de la diaspora, c’est bien une
identité nationale que mentionne Jacob de Haas
(lignes 9 à 12). Ces aspirations contribuent au
développement d’une immigration juive venue
d’Europe en Palestine (alors dominée par l’Empire ottoman), où ils deviennent progressivement
plus nombreux que les communautés juives déjà
présentes dans ce territoire. Le sionisme, selon
l’auteur, permet aux juifs de revenir d’où ils sont
partis, « comme un boomerang lancé par les
mains de l’histoire ».
it
Le mur n’est pas un monument à proprement
parler, mais une partie – rendue accessible par
le déblaiement, à l’époque contemporaine, des
édifices qui y étaient adossés – du mur de soubassement sur lequel se trouvait le parvis du
temple. Dans son dernier état, il date de l’époque
d’Hérode (Ier siècle avant notre ère). Sur l’esplanade elle-même, on trouve le Dôme du Rocher,
qui occupe l’emplacement de l’ancien temple de
Salomon, reconstruit lui aussi par Hérode et détruit par les Romains en 135. Construit en 691, il
occupe l’emplacement de la pierre de fondation
du Temple, qui serait, d’après les traditions musulmanes, aussi le lieu du sacrifice d’Abraham
et de l’élévation au ciel de Mahomet durant sa
chevauchée nocturne. La mosquée Al Aqsa est,
quant à elle, la plus ancienne mosquée construite
à Jérusalem, à la fin du VIIe siècle.
Leur proximité pose le problème de la cohabitation de lieux saints musulmans et juifs dans
le contexte du statut de territoire occupé de
la vieille ville depuis 1967 (voir chapitre 9).
L’accès à ces lieux de culte est donc réglementé.
Les Israéliens interdisent l’accès de l’esplanade des moquées aux musulmans de moins de
50 ans, pour limiter le risque de manifestations
violentes et les musulmans interdisent l’entrée
du lieu aux non-musulmans.
2. On voit sur la photographie la portion de
mur occidental (Kotel) rendue accessible aux
pèlerins juifs par le déblaiement des édifices qui
s’y étaient adossés au Moyen Âge. La foule se
presse en avant du mur pour effectuer des prières
faisant partie du pèlerinage juif à Jérusalem.
Certaines prières sont ensuite rédigées sur des
papiers glissés dans les fentes entre les pierres
du mur. L’appellation même du mur pose problème. Le terme de « mur des Lamentations »
a été forgé par les Britanniques et n’est pas employé par les juifs et les musulmans. Ces derniers
lui donnent le nom de El-Bourak, nom du cheval
de Mahomet lors du voyage nocturne. Pour les
juifs, ce mur représente la mémoire de l’ancien
temple et il est pour eux le lieu accessible le
plus proche du lieu où se trouvait le « Saint des
saints », partie du temple où était conservée
l’arche d’alliance, là où se trouve actuellement
le Dôme du Rocher.
3. L’archéologie est hautement conflictuelle
tout d’abord par la localisation des lieux qu’elle
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
Doc. 4. Jérusalem, patrimoine mondial
• Question 1. Le classement de Jérusalem au titre
du patrimoine mondial est justifié par l’ancienneté et la richesse du centre historique, qui abrite
des témoignages sur des civilisations disparues et
des monuments essentiels pour les trois grandes
religions monothéistes. Deux monuments majeurs sont cités : l’église du Saint-Sépulcre et le
Dôme du Rocher. La première a servi de modèle
à de nombreuses églises à plan centré, notamment celles édifiées par les templiers en Europe.
Le second s’est inspiré de la première, et est l’un
des premiers monuments de l’islam. Son décor a
exercé une influence majeure sur l’art islamique,
notamment sur la grande mosquée de Damas.
• Question 2. Ce classement n’est pas lié seulement aux aspects artistiques, puisque Jérusalem
est avant tout la ville des trois monothéismes et
que les croyants sont attirés dans cette ville non
seulement par ses monuments, mais aussi par
son patrimoine « immatériel », c’est-à-dire par
tout ce qu’elle représente dans leur religion.
◗ Étude
Le mont du Temple : un lieu saint disputé
� MANUEL, PAGES 28-29
RÉPONSES AUX QUESTIONS
1. Les principaux monuments présents sur le
mont du Temple sont le mur occidental (le Kotel),
le Dôme du Rocher et la mosquée Al Aqsa.
• 18
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
fouille. Il s’agit en effet de la zone du temple,
lieu saint à la fois pour les juifs et pour les
musulmans et qui engendre de nombreuses tensions. La poursuite des fouilles nécessiterait de
creuser sous les édifices musulmans (lignes 3132). Or, dans l’islam, le sol placé sous un lieu
de culte est considéré comme « waqf », sacré et
inviolable. C’est pour éviter cela que les autorités musulmanes font, d’après l’auteur de l’article, détruire les vestiges archéologiques qui s’y
trouvent (lignes 21-22). L’archéologie pourrait
par ailleurs permettre de prouver l’ancienneté
de l’occupation juive de Jérusalem, qui pourrait
être utilisée pour appuyer des revendications
israéliennes sur les lieux saints. C’est ce qu’on
appelle « la guerre du passé ».
4. Le tunnel hasmonéen crée des tensions, car il
constitue un passage emprunté par les visiteurs
se rendant vers le mur occidental ; et ce tunnel
passe à proximité des lieux saints de l’islam.
D’un côté, on invoque la légitimité de l’ouverture au public d’un vestige archéologique, de
it
l’autre une provocation visant à restreindre l’espace réservé au culte musulman. Ces tensions se
sont exacerbées en 1996 avec le percement d’un
nouvel accès au tunnel, très proche des lieux
saints de l’esplanade des mosquées.
5. Le mont du Temple est un patrimoine complexe, car il est fortement lié à des identités religieuses rendues très conflictuelles par le contexte
politique. Pour les juifs, la lecture historique
consiste à affirmer une présence juive ancienne
de la ville, un héritage qu’il convient de réaffirmer avec le retour des juifs en Palestine depuis
la fin du XIXe siècle, la création de l’État d’Israël en 1948 et l’occupation de la vieille ville en
1967. Pour les musulmans, il s’agit de montrer
au contraire que l’islam a intégré la ville dans
une nouvelle civilisation, qui doit être considérée comme l’aboutissement de son histoire.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
◗ Histoire des Arts
Le Dôme du Rocher
� MANUEL, PAGES 30-31
Analyse de l’œuvre
Observer
1. Les formes géométriques utilisées sont le cercle
et l’octogone, dérivé du carré. La partie centrale de
l’édifice est circulaire, et ses deux déambulatoires
sont de plan octogonal. Il en résulte un plan centré
parfaitement composé.
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
Interpréter
Ce plan a été choisi pour plusieurs raisons. La
première consiste à vouloir rivaliser avec l’église du
Saint-Sépulcre, elle aussi construite sur un plan centré, mais entièrement circulaire, en rotonde. Le calife
Abd el-Malik souhaitait en effet construire dans la
ville un édifice témoignant du triomphe de l’islam
sur les autres religions. Il s’agit de récupérer un héritage patrimonial pour le dépasser. Ses formes constitutives ont également une grande force symbolique.
Le cercle évoque la figure du ciel, le carré – d’où
dérive l’octogone – celle de la Terre. Ceci correspond
parfaitement à un édifice souhaitant commémorer la
montée au ciel de Mahomet ou encore l’intervention
de Dieu sur la terre lors du sacrifice d’Abraham. Cet
édifice montre de la part de ses constructeurs une très
bonne maîtrise de la géométrie, tant l’articulation
de la partie circulaire et de la partie octogonale est
bien composée. Il en va de même pour la mise en
œuvre de l’édifice qui montre une très bonne maîtrise
technique. Il est fort probable que le calife a employé
des architectes et des bâtisseurs locaux, chrétiens ou
récemment convertis à l’islam, formés à l’architecture dans le cadre de l’Empire byzantin.
19 •
it
2. Pour le décor extérieur, les matériaux employés
sont le marbre dans la partie basse, en placages ou
bien pour les colonnes. Il s’agit de remplois provenant d’édifices antiques ou byzantins. La partie haute
du soubassement et le tambour du dôme sont décorés
de céramiques polychromes à dominante bleue. Il
s’agit d’un apport ottoman du XVIe siècle. La coupole est, quant à elle, dorée à la feuille.
L’effet produit par ces matériaux est celui d’une
abondance décorative doublée d’une richesse chromatique. Les forts contrastes entre le blanc, le bleu
et l’or contribuent à mettre en évidence le monument
dans le paysage urbain.
3. Le décor intérieur frappe par sa grande richesse,
par ses contrastes chromatiques et par l’omniprésence de dorures. On constate la présence de colonnes de marbre à chapiteaux dérivés du corinthien,
des arcs brisés composés d’une alternance de pierre
noire et de marbre blanc. Au-dessus, les mosaïques
dorées dominent. On peut y voir des motifs végétaux
sous la forme de rinceaux stylisés. Au-dessus de
l’étage des fenêtres en plein-cintre, la coupole est
très ouvragée et couverte d’or. Sur un bandeau noir
court une inscription calligraphiée.
Les artistes, sans doute là encore des Byzantins ou
des convertis de fraîche date, se sont adaptés aux
prescriptions de l’islam en excluant toute représentation figurée des êtres vivants. Même les formes
végétales sont utilisées de façon stylisée et presque
abstraite. L’écriture calligraphiée devient elle-même
une œuvre d’art, la force spirituelle de son contenu
s’associant à sa beauté esthétique. La contrainte
a ainsi permis l’apparition d’un nouvel art, où
l’abstraction, les formes géométriques et stylisées,
associées à une grande richesse des couleurs, donne
du sens aux œuvres même si elles ne figurent aucun
être vivant.
2. Rome : les enjeux
du patrimoine antique
o
B
it
e
s
s
o
B
� MANUEL, PAGES 34-35
Doc 1. Le Forum romain
(Photographie du Forum romain depuis le Capitole.)
Cette vue du Forum romain, prise depuis le
Capitole, permet de comprendre la superposition de la ville antique et de la ville actuelle. Le
niveau du sol antique se situe en effet 5 mètres
en dessous de celui de la ville actuelle. Cette
place a été le centre de la vie publique romaine
sous la royauté et la république. Sous l’empire,
la construction des vastes forums impériaux,
plus au nord, en fait surtout un espace commémoratif et sacré, où se trouve toujours la curie
où se réunit le Sénat. Le Forum est le terme de
la Via Sacra, parcourue par le cortège des généraux victorieux. Au Moyen Âge, les monuments
antiques laissés pour la plupart sans usage,
tombent en ruines, leurs matériaux étant souvent
récupérés pour la construction des premières
basiliques chrétiennes. Certains sont réutilisés
comme églises et profondément transformés.
Progressivement remblayée, la place devient
le Campo vaccino, c’est-à-dire un marché aux
bestiaux. À partir du XVIIIe siècle, l’image
de ce Forum est largement diffusée par les
peintres appelés « védutistes » et les graveurs.
• 20
e
s
s
Parallèlement, ils représentent des vues idéalisées du Forum dans son premier état, tel qu’ils
se l’imaginaient alors. Aux XIXe et XXe siècles,
des campagnes archéologiques sont entreprises
qui dégagent le sol primitif et font du Forum un
espace dédié à l’archéologie.
• Question. On trouve aujourd’hui sur le Forum
plusieurs types d’édifices. Parmi les édifices antiques, on distingue des édifices publics, comme
la basilique de Maxence, des édifices dédiés au
culte, avec le temple des Dioscures (Castor et
Pollux divinisés), le temple de Vesta où brûle
le feu sacré de la ville, entretenu pas le collège
des vestales, ou encore, le temple d’Antonin et
Faustine, dédié à un empereur divinisé et à son
épouse. Viennent ensuite des monuments commémoratifs comme l’arc de Titus, rappelant la prise
de Jérusalem par les Romains en 70, ou encore
les colonnes commémoratives visibles au premier
plan. À l’arrière-plan, on distingue le Colisée,
nom populaire donné à l’amphithéâtre flavien. Par
ailleurs, on voit également des églises chrétiennes
fondées à la fin de l’Antiquité sur ou dans des
monuments antiques et qui ont été préservées lors
du dégagement de l’espace archéologique aux
XIXe et XXe siècles, en raison de leur intérêt historique ou de leur rôle dans la Rome chrétienne.
Elles sont ainsi restées les seuls témoignages postérieurs à l’Antiquité dans cet espace.
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
it
Parmi les monuments antiques remployés comme
églises, on peut citer l’église San Lorenzo in
Miranda. L’église s’est installée dans la cella du
temple dédié à Antonin et Faustine. Le pronaos
du temple a ainsi été conservé comme porche
de l’église, à l’arrière duquel s’élève une façade
baroque érigée au XVIIe siècle.
l’avenue et les maisons des quartiers médiévaux
qui s’étaient installés sur les ruines de forums
sont impitoyablement démolies par le Duce luimême, comme des témoins gênants de l’époque
d’une prétendue décadence, où l’empire que
Mussolini rêvait de recréer avait disparu.
Doc. 2. Auguste et Rome
3. La Rome des papes
• Question. Auguste mena une politique d’évergétisme, afin de laisser une trace mémorielle
durable de sa politique, à la fois en construisant
de nouveaux édifices et en préservant la ville
par des travaux d’urbanisme. La construction du
Forum d’Auguste permit d’agrandir l’espace public. À côté du vieux Forum romain, hérité de la
royauté et de la république, César avait déjà édifié un nouveau Forum. Auguste en bâtit un autre
encore plus vaste, organisé autour d’un temple et
bordé de portiques. Des basiliques, où se déroulaient les procès, suppléaient celles des forums
plus anciens, devenus insuffisants. Pour isoler
ce Forum du quartier mal famé de Subure, tout
proche, Auguste fit construire un très haut mur
séparant ces deux espaces. Il suscita également
un mouvement d’émulation dans son entourage
pour que les membres des familles les plus notables contribuent à ce renouvellement urbain et
patrimonial. On peut citer l’action de Mécène,
dont le nom substantivé par la suite montre l’importance. Par ailleurs, pour préserver la ville,
Auguste agit contre les deux fléaux menaçant
son patrimoine : les incendies récurrents et les
crues du Tibre, sans vraiment réussir à empêcher
qu’ils se produisent à nouveau.
Doc. 3. Fascisme et patrimoine
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
(Une de La Domenica del Corriere, 3 mars 1935.)
• Question. Dans cette image, le patrimoine de
Rome est traité de façon politique. Mussolini
apparaît comme celui qui, par son geste, symbolise le retour à un passé romain exalté et réutilisé dans un but de propagande. Les monuments
romains antiques – colonne de Trajan, ruines des
forums impériaux – et modernes – le Vittoriano
exaltant l’unité retrouvée de la nation italienne
– sont utilisés pour border un axe triomphal nouvellement créé : l’avenue des Forums impériaux.
Cette lecture du patrimoine s’oppose à une
approche respectueuse de la diversité des héritages : une partie des forums est recouverte par
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
� MANUEL, PAGES 36-37
Doc. 1. La basilique Sainte-Marie-Majeure
• Question. Les éléments de décor qui rappellent
l’Antiquité sont d’une part l’emploi de colonnes
monolithes en granite surmontées de chapiteaux
d’ordre ionique. L’entablement qu’elles portent
reprend les portiques de l’architecture impériale.
D’autre part, l’emploi de mosaïques est aussi
une permanence, cette technique ayant été employée dans des monuments romains à fonction
résidentielle ou destinés à l’usage public.
L’usage chrétien de la basilique apparaît principalement avec la présence d’un autel situé à
la jonction entre la nef et le transept. Il est surmonté d’un baldaquin réalisé au XVIIe siècle
afin de rendre plus visible la présence de l’autel.
L’abside, qui en forme l’arrière-plan, est l’élément le plus décoré, avec des mosaïques sur
fond d’or.
Doc. 3. La basilique et la place Saint-Pierre
• Question. La place possède une forme qui
témoigne de l’inventivité et de la maîtrise de la
géométrie de son concepteur, le Bernin. Elle met
en valeur la basilique en formant deux bras de
colonnades venant comme enserrer les fidèles en
avant de sa façade. Elle se compose tout d’abord
d’un espace elliptique centré sur l’obélisque
et les fontaines. Le jeu des axes de perception
donne l’illusion d’un espace en expansion. Il en
va de même pour la seconde partie de la place,
en avant de la basilique, qui donne l’impression d’une longueur accrue, car elle n’est pas
rectangulaire mais ses côtés sont légèrement
fuyants. Ainsi, l’ouverture du monument sur la
ville procède d’une volonté de théâtralisation du
monument.
Doc. 4. La fontaine de Trevi
• Question. Le choix fait par Federico Fellini est
celui d’utiliser la ville comme un décor. Il le fit
21 •
dans La Dolce Vita en 1960, puis dans Fellini
Roma en 1972. Le cinéaste, qui tourna la plupart
de ses films en studio, sut utiliser Rome comme
un cadre visant à multiplier les effets. La grande
fontaine baroque, un des lieux les plus célèbres
de Rome, sert ici à montrer comment la beauté
plastique de l’actrice et celle de la sculpture baroque peuvent entrer en symbiose et se renforcer
l’une l’autre, le patrimoine de la ville mettant en
valeur le caractère érotique de la situation. Audelà de sa signification au XVIIe siècle, le sens
du décor baroque de la ville évolue en fonction
de son emploi par les artistes postérieurs.
◗ Étude
� MANUEL, PAGES 38-39
1. Le Panthéon se prêtait à une réutilisation
comme église, d’abord pour des raisons pratiques. En effet, à la différence de nombreux
autres temples, il possédait une cella très vaste,
qui permettait d’abriter un nombre important de
fidèles. Les temples grecs ou romains n’étaient
pas des lieux de culte, l’autel se situait à l’extérieur ; alors que les églises chrétiennes, qui
abritent l’autel, doivent être plus vastes, pour
accueillir les fidèles. Des raisons symboliques
peuvent également être évoquées. La forme
circulaire de l’édifice symbolise la perfection
divine. Enfin, la coupole, considérée dès la fin
de l’Antiquité comme une prouesse technique, a
pu inciter à préserver l’édifice en lui donnant une
nouvelle destination. C’est désormais au service
du christianisme qu’est voué un des monuments
• 22
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
Un patrimoine en renouvellement constant
Réponses aux questions
it
majeurs de la ville : malgré le changement de
religion, l’héritage culturel de Rome demeure.
2. Dans l’espace romain, le stade de Domitien a
survécu de façon particulière. Il ne reste aucun
vestige visible en élévation. Cependant, la forme
du stade est demeurée en négatif dans la trame
urbaine de la ville médiévale puis baroque.
À l’extérieur des gradins, une rue marque les
limites extérieures de l’ancien édifice. À l’intérieur, dans la piste, une vaste place a été aménagée. Elle a pris son aspect baroque lors des
travaux effectués au XVIIe siècle. Le Bernin
y réalisa la fontaine des Quatre Fleuves et
Borromini l’église Sant’Agnese in Agone.
3. Le théâtre de Marcellus (doc. 3) servait bien
sûr à des représentations théâtrales. Sa construction s’inscrit dans le cadre des grands travaux
entrepris par Auguste (voir doc. 2 p. 35). Il en
reste aujourd’hui les deux premiers niveaux
d’arcades superposées. Le château Saint-Ange
(doc. 4) était à l’origine un tombeau construit
par Hadrien à partir de 123 et destiné à abriter
les urnes funéraires des empereurs. Il en reste un
vaste cylindre en pierre, à l’origine recouvert de
marbre, qui formait sa partie basse.
4. Au-dessus des deux étages d’arcades du
théâtre de Marcellus (doc. 3) a été construite au
Moyen Âge la résidence d’une famille noble,
les Savelli, transformée en palais de style
Renaissance au XVIe siècle. La partie supérieure
du mausolée d’Hadrien (doc. 4), qui était constituée par un grand cône de terre arborée surmonté
d’un temple, a été remplacée par un ensemble
fortifié au Moyen Âge, dans lequel une résidence
a été à son tour aménagée à l’époque baroque.
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
5.
Monuments
Date de
construction
Usage au
moment de la
construction
e
s
s
Période de
transformation
Transformations
esthétiques
Presque aucune,
installation d’un
mobilier chrétien.
it
Nouvel usage
Doc. 1 : Le
Panthéon
118-125
Temple dédié à
tous les dieux
609
Doc. 2 : La
place Navone
81-96
Stade
Moyen Âge puis
époque baroque,
vers 1645
Disparition
du monument
d’origine.
Installation de
trois fontaines
monumentales et
d’un obélisque,
reconstruction
de l’église
Sainte-Agnès par
Borromini, avec
une coupole.
Place
monumentale
Doc. 3 :
Le théâtre
de Marcellus
13 av. J.-C.
Théâtre
Moyen Âge
puis XVIe siècle
Adjonction de
deux étages
destinés à
l’habitation.
Palais
Doc. 4 :
Le château
Saint-Ange
123
Mausolée
impérial
Moyen Âge puis
époque baroque
Adjonction
de structures
fortifiées puis
d’une résidence.
Forteresse
destinée à la
protection du
pape
Église
catholique
o
B
it
e
s
s
o
B
6. En s’inspirant du tableau ci-dessus, on peut
montrer comment les monuments de la Rome
antique ont été paradoxalement conservés en
prenant d’autres fonctions.
7. La basilique Sainte-Marie-des-Anges est installée dans une ancienne salle des plus vastes
thermes de Rome, les thermes de Dioclétien.
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
Laissée sans usage, mais relativement préservée,
elle fut transformée en église par Michel-Ange
en 1562 pour le pape Pie IV. Elle constitue la
seule salle thermale conservée dans son intégralité à Rome et un des seuls monuments où un
artiste de la Renaissance a ainsi travaillé dans un
authentique édifice antique.
23 •
◗ Histoire des Arts
e
s
s
Ruines romaines avec le Colisée de Hubert Robert (1798)
it
� MANUEL, PAGES 40-41
Analyse de l’œuvre
Observer
Interpréter
1. Les éléments visibles sur le tableau sont bien des
monuments de la Rome antique se trouvant sur le
Forum ou à proximité : on reconnaît ainsi le Colisée,
les trois colonnes du temple des Dioscures et le
pronaos du temple d’Antonin et Faustine. Mais ils
ne sont pas disposés de la même façon que dans la
réalité. La statue d’Hercule, qui ressemble à celle
dite l’Hercule Farnèse, ne s’est jamais trouvée sur le
Forum, de même que les éléments lapidaires présents
en bas à gauche.
Hubert Robert ne cherche pas à représenter la
réalité des ruines du Forum, mais à évoquer l’effet
produit par celles-ci sur le visiteur. Il s’agit d’une
idéalisation des ruines antiques.
2. On trouve dans le tableau deux personnages dans
le pronaos du temple d’Antonin et Faustine, un dans
l’ombre de la statue d’Hercule, et trois autres près
de la vasque de la fontaine. Les personnages portent
des costumes du XVIIIe siècle. Les costumes aux
couleurs vives sont ceux de personnes d’origine
populaire, alors que l’homme dans l’ombre de la
statue est habillé de noir, évoquant l’amateur d’art.
Ces personnages semblent relever d’une échelle
réduite par rapport à celle des ruines. La statue
d’Hercule donne un point de comparaison (sur son
piédestal, on voit la signature du peintre) : le décor
est de proportions colossales, comparé à l’échelle
humaine.
Les hommes semblent, dans ces ruines, confrontés
aux restes d’une civilisation dont les valeurs
dépassent leur finitude. Ils sont inscrits dans une
temporalité, à la différence du cadre qui les abrite.
Ces personnages errants semblent en quête de sens.
Le patrimoine leur donne des repères, indique d’où
vient leur identité, mais le personnage en noir, dans
l’ombre, symbolisant l’artiste, est le seul à être
conscient du fossé séparant le temps présent de la
grandeur antique.
3. Tout comme Hubert Robert, Chateaubriand
propose une vision personnelle du patrimoine
romain. Dans les deux cas, il ne s’agit pas d’un
inventaire visant l’exactitude, mais d’une réflexion
sur un ressenti devant le spectacle des ruines
antiques. En revanche, Chateaubriand évoque
également la Rome chrétienne (le chemin de croix,
le son des cloches) et sa rencontre avec les héritages
antiques (le Colisée), tous deux absents du tableau de
Robert.
Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit d’une
vision poétique, où les émotions sont mises en
valeur. La mélancolie des ruines antiques chez
Robert est montrée par la présence de la végétation.
Les jeux de clair-obscur du tableau renvoient à
l’évocation du soleil couchant chez Chateaubriand.
Le recours aux sens est également important : outre
la vue, le bruit de l’eau est suggéré chez Robert par
la fontaine et peut être rapproché du son de la cloche
chez Chateaubriand : tous deux prennent du sens
pour le spectateur. Ces deux œuvres sont ainsi des
témoignages sur l’image de Rome dans le cadre de
la naissance du romantisme. Les œuvres littéraires et
picturales diffusent ainsi en Europe non seulement
une vision exacte de la Rome antique, mais aussi
une vision profondément affective. Ces œuvres
enrichissent le patrimoine lié à Rome tout comme
elles en diffusent une image mythique, correspondant
au climat artistique de leur temps.
o
B
it
e
s
s
o
B
• 24
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
4. Paris : patrimoine et pouvoir
� MANUEL, PAGES 44-45
Doc. 1. La Sainte-Chapelle, église royale
• Question. La Sainte-Chapelle est à la fois un
patrimoine religieux et politique, car ces deux
aspects sont profondément liés au Moyen Âge
et peuvent difficilement être dissociés. Le programme de ses vitraux est en partie consacré
aux rois d’Israël. Les rois de France se considèrent eux aussi comme des rois régnant par la
volonté de Dieu, comme le montre la cérémonie du sacre. Cependant, les rois de l’Ancien
Testament, comme David, sont aussi considérés
par les chrétiens comme des ancêtres du Christ,
ce qui convient à une église qui a été bâtie pour
abriter les reliques de la Passion acquises par
Saint Louis.
Doc. 2. Place de la République
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
(Présentation de la Constitution de la V République par
de Gaulle, place de la République, 4 septembre 1958.)
e
it
pour la sépulture des « grands hommes ». Les
régimes politiques se revendiquant des principes
de la Révolution valorisèrent cet usage, comme
la monarchie de Juillet (doc. 3c). En revanche,
les régimes cherchant à s’appuyer sur la religion
catholique ou à chercher un compromis avec
elle, rendirent l’édifice au culte. Ce fut le cas de
l’Empire (doc. 3b). Les derniers changements
de destination du Panthéon intervinrent sous le
Second Empire, où il redevint église, puis sous
la IIIe République, où il devint définitivement
Panthéon.
• Question. La place de la République est un
élément important du patrimoine parisien. Son
nom lui a été donné sous la IIIe République.
Cette grande place, tracée lors des grands travaux d’Haussmann, est la plus vaste de l’est de
Paris, là où l’ancrage républicain était le plus
marqué au XIXe siècle. Le grand monument
réalisé par Léopold et Charles Morice en 1883
est une allégorie de la République fondée sur le
suffrage universel. Le général de Gaulle présente
donc ici la Constitution de la Ve République, non
seulement à cause du nom de la place, mais aussi
pour montrer qu’il souhaite rassembler tous les
Français. La statue est placée au centre du décor,
surmontant la tribune d’où s’exprime le chef de
l’État.
Doc. 3. De l’église Sainte-Geneviève
au Panthéon
• Question. Le Panthéon a été commencé en
1755. À cette époque, il devait être la nouvelle
église Sainte-Geneviève, destinée à abriter les reliques de la sainte patronne de Paris. L’architecte
Soufflot projeta un édifice alors très novateur,
un des premiers édifiés en style néoclassique.
Cet édifice a cependant plusieurs fois changé de
destination. Lors de la Révolution (doc. 3a), la
sacralité catholique est remplacée par la sacralité nationale : l’édifice devient un panthéon
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
5. La constitution de l’identité
parisienne
� MANUEL, PAGES 46-47
Doc. 1. Le paysage haussmannien
(Avenue de l’Opéra, soleil, matinée d’hiver, huile sur
toile de Camille Pissaro, 1898.)
• Question. Ce tableau de Camille Pissarro met
en évidence plusieurs aspects du Paris haussmannien. Le premier est la présence de nouvelles
voies rectilignes et larges. Celles-ci permettent la
création de perspectives urbaines polarisées sur
des monuments importants, comme ici l’Opéra.
Dans ces nouvelles voies, la circulation, malgré son intensité, peut s’opérer facilement. Le
peintre a ainsi porté une attention toute particulière à la représentation des voitures à cheval et
des piétons. L’aspect esthétique de la ville haussmannienne est aussi mis en valeur, avec le choix
d’immeubles de même hauteur et répondant tous
à un même schéma directeur quant à leur élévation. Enfin, un mobilier urbain est mis en place,
avec fontaines mais aussi réverbères à gaz, une
des innovations qui confirma à Paris son nom de
« ville lumière ».
Doc. 2. Haussmann défend ses travaux
• Question 1. On distingue une première approche du patrimoine, qui s’oppose à celle
d’Haussmann et qui considère qu’il faut préserver l’intégralité du tissu urbain ancien de Paris,
indépendamment de son état de conservation
ou de son adaptation aux nécessités du temps.
L’approche d’Haussmann consiste à utiliser le
patrimoine comme un des éléments d’une ville,
qui doit être modernisée selon des impératifs
comme la circulation, la salubrité, l’aération.
25 •
Cela nécessite dans les faits une sélection entre
les éléments anciens « digne(s) d’intérêt » et
d’autres qui peuvent être démolis.
• Question 2. Haussmann compte mettre en
valeur les édifices anciens en les isolant par la
démolition des immeubles qui les enserraient,
puis en les plaçant au terme des grandes perspectives urbaines qu’il crée en ouvrant de nouvelles voies.
Doc. 3. Un projet très audacieux
• Question. Le « plan Voisin » est fondé sur une
approche radicale du traitement du patrimoine
au centre de Paris. Il s’agissait de ne conserver que les monuments historiques classés du
centre-ville, pour faire place à une ville adaptée aux contraintes du XXe siècle : circulation
automobile, avec la création de voies larges et
rectilignes, et logement collectif de grande hauteur. La création d’un patrimoine nouveau passe
pour Le Corbusier par une sélection stricte des
éléments anciens à sauvegarder. La comparaison
de cette maquette avec le plan de Paris peut faire
prendre conscience aux élèves de la radicalité de
ce projet, en plein cœur du centre historique.
Le Louvre : du palais royal au musée national
� MANUEL, PAGES 48-49
Doc. 1. Le musée le plus visité au monde
(Photographie aérienne du Louvre, vu de l’ouest.)
Cette photographie aérienne du Louvre montre
un palais d’une remarquable homogénéité architecturale. Pourtant, le palais a mis plus de cinq
siècles à être achevé. Il se compose de la cour
carrée, la plus ancienne, et de la vaste cour du
Carrousel, laissée ouverte par la démolition du
palais des Tuileries après la Commune. La pyramide atteste la poursuite des travaux au Louvre
jusqu’à la fin du XXe siècle.
Doc. 2. Un palais bâti durant des siècles
Le plan phasé de l’édifice permet de suivre les
différentes étapes de cette construction, qui a
pour matrice le Louvre médiéval, entrepris sous
Philippe II Auguste.
Réponses aux questions
1. Le Louvre, au XVe siècle, tel qu’il apparaît
sur l’illustration des Très riches heures du duc
• 26
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
(Le Corbusier, maquette du « plan Voisin », 1925.)
◗ Étude
it
de Berry est un château hybride. Il a conservé
le plan carré avec tours d’angles et portes fortifiées, ainsi que le donjon, la « grosse tour »,
symbole du pouvoir féodal du roi, de la forteresse de Philippe Auguste. Sa transformation en
résidence sous Charles V est visible par la présence de toitures ornées de cheminées et d’épis
de faîtage dorés, ainsi que par l’ouverture d’assez larges fenêtres sur les courtines.
2. Le palais du Louvre résulte de plusieurs
phases de construction. De la Renaissance, il
demeure l’idée de reconstruire la cour carrée.
Cette décision est prise en 1546, à l’extrême fin
du règne de François Ier. Sous les derniers Valois,
Catherine de Médicis fait construire non loin du
Louvre, mais en dehors de l’enceinte de Paris, le
palais des Tuileries, qu’on entreprend de relier
au Louvre. C’est seulement sous Henri IV que
fut achevée cette « galerie du bord de l’eau ».
Cette première phase de la construction fut
suivie d’une seconde, œuvre de Louis XIII et
Louis XIV. Il s’agit alors de quadrupler la surface de la cour carrée. En 1665, la façade orientale est construite suivant le projet de Claude
Perrault : c’est la fameuse colonnade du Louvre.
La phase suivante du chantier a consisté, au
XIXe siècle, à relier le Louvre aux Tuileries par
une galerie parallèle à celle du bord de l’eau,
au nord. Napoléon Ier entreprit cette extension,
qui fut achevée sous Napoléon III. Peu de temps
après, en 1871, le palais des Tuileries est incendié pendant la Commune. Avec la dernière phase
de construction, achevée en 1989, le palais
s’ouvre à l’architecture contemporaine avec le
« Grand Louvre » et sa pyramide.
3. Deux éléments majeurs du palais ont disparu.
Le premier est le Louvre médiéval, dont seuls
demeurent des éléments archéologiques visibles
en sous-sol. Le second est le palais des Tuileries
(voir question 2).
4. La vocation du Louvre comme musée est
antérieure à 1793 car, depuis le XVIIe siècle, le
palais était déjà largement dévolu aux arts. Les
Bourbons, qui délaissèrent le palais comme résidence royale, choisirent par étapes successives
d’en faire le centre d’une véritable politique
culturelle à leur gloire, au cœur de la capitale.
Depuis 1608, des artistes y sont logés dans des
appartements qui leur sont réservés. Les collections royales de statues antiques y sont présen© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
tées. Sous Louis XIV, les académies y étant logées, la peinture, la sculpture et la littérature ont
au Louvre leur institution la plus prestigieuse.
Parmi les expositions organisées, la plus célèbre
est, depuis le XVIIIe siècle, celle qui se tient
dans le salon du palais. Le terme de « salon »
naît de cette tradition. Par ailleurs, les collections royales sont accessibles à tous les amateurs
motivés. L’ouverture au public en 1793 est donc
le couronnement d’une longue tradition où le
pouvoir destine le Louvre aux arts.
5. Les grandes étapes de l’aménagement du
musée sont tout d’abord sa création pendant la
Révolution française, avec le décret de création
du Muséum, prise le 16 septembre 1792. Le
12 août de l’année suivante, le muséum ouvre
ses portes, installé dans le palais du Louvre. Au
XIXe siècle, le musée approfondit sa vocation
et enrichit ses collections. Le nom de musée du
Louvre l’emporte sur celui de Muséum en 1848
et le Louvre devient musée national en 1882. À
cela s’ajoute la dernière étape : l’inauguration
du « Grand Louvre » en 1989, après les travaux
impulsés par François Mitterrand.
6. La réponse peut s’articuler en deux temps : la
politique de mécénat des rois, qui fait du palais
un centre artistique ; la création du musée proprement dit par la Révolution et son organisation
progressive.
◗ Étude
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
La tour Eiffel : naissance d’un patrimoine
� MANUEL, PAGES 50-51
Réponses aux questions
it
ne saurait former un ensemble harmonieux avec
les édifices hérités des siècles précédents.
3. Gustave Eiffel répond à ses détracteurs que la
Tour sera authentiquement belle, car le principe
d’une belle architecture est d’être parfaitement
adaptée à sa fonction. De là procèdent des lignes
qui ont un caractère résolument esthétique : la
courbe élégante de la construction lui donne un
caractère élancé. Ceci étant – et Eiffel ne le dit
pas –, les ingénieurs chargés par Eiffel de dessiner la Tour n’avaient pas prévu cette courbe,
c’est un architecte qui suggéra cette forme dans
un but essentiellement esthétique.
4. Le débat sur la tour Eiffel est représentatif
de deux approches différentes de la notion de
patrimoine. La première (doc. 1) considère que
le patrimoine est mis en valeur par une homogénéité d’échelle et une unité de style. La seconde
approche (doc. 4) considère que l’innovation
technique et stylistique permet de réaliser des
édifices radicalement nouveaux, mais qui sont
appelés à leur tour à marquer le patrimoine.
5. Delaunay peint la tour Eiffel parce qu’elle illustre la modernité architecturale, tout comme luimême est l’un des peintres les plus novateurs de
son époque. Il souhaite mettre en valeur l’aspect à
la fois géométrique et élancé de la Tour. Le choix
de couleurs vives permet à l’artiste de donner une
interprétation personnelle de cet édifice, qui apparaît ainsi comme rayonnant et irradiant le ciel.
6. La réponse peut s’articuler en trois temps :
d’abord la construction de la tour Eiffel dans le
cadre de l’exposition universelle et les critiques
dont elle fait l’objet ; ensuite la défense de l’architecture moderne par Eiffel ; enfin, la « patrimonialisation » du monument, illustrée ici par le
fait qu’elle devienne un objet d’inspiration des
peintres.
1. La tour Eiffel est un monument d’un genre nouveau par son matériau. Le fer était depuis longtemps utilisé dans la construction. Cependant,
l’idée de construire avec ce matériau une tour entière et qui plus est la plus haute du monde était une
innovation radicale. La rapidité de sa construction
(doc. 3) est également une nouveauté.
2. Les arguments des détracteurs de la Tour sont
tout d’abord d’ordre esthétique. Son matériau
même, le métal laissé apparent, exclurait toute
possibilité d’accéder à la beauté. D’autre part, on
souligne son défaut de proportions. Enfin, son intégration dans le paysage parisien serait problématique, car la Tour rompt avec l’échelle des autres
monuments. Par son style et son gigantisme, elle
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
◗ BAC
Étude critique de document
Étudier un texte de manière critique
� MANUEL, PAGES 54-55
RÉPONSES AUX QUESTIONS des encadrés
Sujet : Le patrimoine du centre historique
de Paris.
1. Car c’est sous Louis XIV qu’est construit
le Louvre classique qui répond aux canons de
beauté retenus par Voltaire.
27 •
2. Voltaire fait référence aux quartiers centraux
de Paris, qui conservent en grande partie leur
aspect médiéval.
3. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, on cherche à
dégager des espaces au sein de la ville, et des
places royales à la gloire des monarques sont
créées.
4. Les éléments cités sont construits après le
XVe siècle.
5. Voltaire a aussi un souci d’urbanisme, voire
hygiéniste. Il est en cela un précurseur.
6. C’est Haussmann qui va mettre en œuvre ce
programme proposé par Voltaire.
7. La Rome moderne est celle de la Renaissance.
La basilique Saint-Pierre est érigée à partir de
1506.
◗ BAC
• Composition
Analyser un sujet
it
• Composition
Sujet 1 : L’historien face au patrimoine de la
veille ville de Jérusalem.
e
s
s
En quoi le patrimoine de Jérusalem est-il pour
l’historien une des clés de compréhension des
problèmes contemporains de la région ?
Proposition de plan :
I. La capitale du judaïsme.
II. Le lieu saint du christianisme.
III. La troisième ville sainte de l’islam.
o
B
it
e
s
s
o
B
� MANUEL, PAGES 56-57
Sujet : Lecture historique du patrimoine de la
ville de Rome.
Ce sujet correspond très exactement à l’intitulé
du programme.
Proposition de plan :
I. Le patrimoine d’une capitale politique majeure pendant l’Antiquité.
II. La signification spirituelle du patrimoine de
la capitale du catholicisme.
III. Les usages politiques contemporains du patrimoine au XXe siècle.
• 28
BAC BLANC
Sujet 2 : Pouvoir et patrimoine à Paris.
Ce sujet invite à étudier de quelle manière le
pouvoir a façonné le patrimoine parisien.
Proposition de plan :
I. La capitale royale depuis l’époque mérovingienne.
II. Pouvoir et patrimoine parisien de la
Révolution française à 1871.
III. Paris capitale de la République depuis 1871.
• Étude critique de documents
Sujet : Le patrimoine de la vieille ville
de Jérusalem.
La miniature du document 1 rappelle que le
but premier des croisades est la prise de la ville
sainte du christianisme, lieu de la Passion du
Christ. Le document 2, qui lui, présente un point
de vue arabe sur les croisades, montre que la
reprise de la même ville moins d’un siècle plus
tard a aussi un objectif qui religieux. En effet, le
premier geste de Saladin est de faire « remettre
les édifices dans leur état ancien », c’est-à-dire
d’en ôter les symboles chrétiens, considérés
comme des « souillures ». Ces deux documents
montrent donc à quel point le patrimoine spirituel de Jérusalem est un enjeu important pour les
communautés qui s’y succèdent et y cohabitent.
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
Chapitre
2
it
Les historiens et les mémoires
de la Seconde Guerre mondiale
e
s
s
� MANUEL, PAGES 58-79
◗ Présentation de la question
été parfois douloureux et polémique, au point
d’engager les plus hauts responsables de l’État à
s’exprimer officiellement sur des épisodes vieux
de plus d’un demi-siècle.
• La France n’a pas été le seul pays à devoir
affronter certains épisodes sombres de son histoire. Italiens et Allemands ont dû s’interroger
sur les responsabilités de leurs compatriotes
dans la montée du fascisme et du nazisme. Les
Soviétiques ont longtemps refusé de reconnaître les crimes perpétrés par Staline dès 1939,
notamment en Pologne (Katyn). Les États-Unis
n’ont que tardivement reconnu les injustices
commises à l’encontre des Nippo-américains.
En France, le souvenir conflictuel de la Seconde
Guerre mondiale est essentiellement lié à l’existence du régime de Vichy, et par conséquent au
maintien, sous l’occupation allemande, d’un
État qui s’est placé au service de l’occupant pour
faire la chasse aux résistants et déporter les juifs.
C’est en ce sens qu’il y a bien un « syndrome de
Vichy ».
• L’enjeu majeur de la question est ainsi de faire
comprendre aux élèves pourquoi, jusqu’à ces
dernières années, la Seconde Guerre mondiale
n’a pas pu faire l’objet de la même commémoration unitaire que la Première. Il conviendra donc
de repérer, au cours de la période, l’expression
de différentes mémoires de la guerre, concurrentes et parfois conflictuelles :
– Les mémoires de groupe sont portées par les
acteurs et les victimes de la guerre. Elles militent chacune à leur manière contre l’oubli, d’où
l’importance qu’elles accordent au témoignage ;
mais elles sont par définition sélectives dans leur
commémoration du passé. Ici se place, comme
l’a bien souligné Robert Frank, la spécificité de
la mémoire de la Seconde Guerre mondiale : « La
France éclatée de l’époque a vu se multiplier les
groupes d’acteurs, et aucun d’entre eux n’a véritablement réussi à faire prévaloir sa mémoire
o
B
it
e
s
s
o
B
• Depuis 1984, le programme de terminale prend
en compte l’importance croissante qu’occupe
désormais l’histoire de la mémoire dans l’historiographie. Il répond également à une forte
demande sociale, exprimée tant par les associations de résistants et de victimes de la guerre que
par les pouvoirs publics ; elle a donné lieu ces
dernières années à une multiplication des actes
de commémoration et des lieux de mémoire
consacrés au souvenir de la Seconde Guerre
mondiale.
• Le programme comprend deux dimensions
principales : on étudiera, d’une part, l’évolution
de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale
depuis l’époque de la Libération, et, d’autre part,
la contribution propre des historiens à la transmission de cette mémoire. S’il faut choisir entre
la Seconde Guerre mondiale et la guerre d’Algérie, certains recoupements pourront être fructueux, lorsqu’il s’agira d’évoquer, par exemple,
le procès Papon, le rôle des « indigènes » dans la
libération de la France ou le débat sur les « lois
mémorielles ».
• Comment aborder l’histoire de la mémoire ?
Henry Rousso propose de la définir comme
« l’étude de l’évolution des représentations du
passé, entendues comme des faits politiques,
culturels ou sociaux ». Comme le suggère Pierre
Nora dans Les Lieux de mémoire, on étudie « non
pas les événements pour eux-mêmes, mais leur
construction dans le temps, l’effacement et la
résurgence de leurs significations ; non le passé
tel qu’il s’est passé, mais ses réemplois successifs ». On ne reviendra donc pas ici sur l’histoire
de la Seconde Guerre mondiale en tant que telle :
l’histoire de la mémoire de la Seconde Guerre
mondiale ne se confond pas avec l’histoire de
la guerre. Il s’agira de montrer comment certains faits ont pu être occultés ou réinterprétés,
d’expliquer pourquoi ce retour sur le passé a
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
29 •
auprès de la collectivité ». Robert Frank évoque
ainsi la « mémoire repliée » des prisonniers de
guerre ; la « mémoire motrice » des résistants, qui
a longtemps occupé la plus grande part de l’espace commémoratif ; la « mémoire blessée » des
déportés, au sein de laquelle une mémoire spécifiquement juive de la guerre ne s’est que tardivement manifestée ; enfin la « mémoire défensive »
de groupes qui, pour des raisons très différentes,
mènent depuis la guerre une véritable « bataille
de la mémoire » : « déportés du travail », « malgré-nous » alsaciens et lorrains, homosexuels,
mais aussi défenseurs de la mémoire du maréchal Pétain. Le film Indigènes a fait beaucoup
pour raviver le souvenir longtemps occulté de la
participation des troupes coloniales aux combats
de la Libération.
– La mémoire officielle, prise en charge par
l’État, s’exprime par des discours et des commémorations. Les pouvoirs publics se sont
efforcés d’instituer une commémoration aussi
consensuelle que possible de la guerre, au prix
souvent d’une édulcoration de ses aspects les
plus controversés. Le mythe d’une France unanimement résistante, propagé par le pouvoir gaulliste, a eu ainsi un effet inverse à celui qui était
recherché, puisqu’il a réactivé les manifestations
du syndrome de Vichy à la fin des années 1960.
– Une mémoire plus diffuse de la guerre se transmet dans les familles et dans la société, avec là
encore ses blessures et ses tabous, comme par
exemple au sujet des 50 000 enfants nés de l’union
de femmes françaises et de soldats allemands, ou
des femmes tondues à la Libération. Les manifestations de cette mémoire diffuse, plus difficiles à
saisir, peuvent être analysées notamment à partir d’œuvres de fiction littéraires, cinématographiques, voire musicales (la chanson de Gérard
Lenorman, Warum mein Vater, Pourquoi mon
père ?, évoque la liaison de sa mère avec un soldat allemand). Les sondages d’opinion sont également très révélateurs de l’évolution de la perception rétrospective de la guerre par les Français.
– On distingue enfin une mémoire savante de
la guerre, qui est principalement l’œuvre des
historiens : si ces derniers ont tenu à préserver
leur autonomie par rapport aux témoins et aux
acteurs de la guerre, ils n’en sont pas moins pleinement impliqués dans le processus d’élaboration de la mémoire collective, du fait de la place
it
accordée à l’enseignement de l’histoire de la
Seconde Guerre mondiale au collège et au lycée.
• Jusqu’aux années 1960, l’histoire savante s’est
montrée fort « peu contestataire » (O. Wieviorka)
par rapport à la politique mémorielle suivie par les
gouvernements de la IVe et de la Ve République.
L’histoire scientifique du conflit a été confiée à
un organisme public, le Comité d’histoire de la
Seconde Guerre mondiale, issu en 1951 de la fusion entre la Commission d’histoire de l’Occupation et de la Libération et le Comité d’histoire de
la guerre, fondés en 1944-45. Sous l’impulsion
du résistant et historien Henri Michel, le Comité
privilégie l’histoire proprement militaire de la
guerre et celle de la Résistance. La Résistance
constitue alors un « mythe si puissant », explique
O. Wieviorka, que les historiens se gardent bien
de l’écorner. Les manuels scolaires ne sont pas
en reste. La Seconde Guerre mondiale est inscrite pour la première fois au programme de
terminale en 1962-1963. Mais les manuels distinguent un Vichy-Pétain et un Vichy-Laval, jugé
seul responsable de la collaboration : une version
popularisée avec succès par Robert Aron dans
son Histoire de Vichy (1954). La politique antisémite de l’État français, engagée dès 1940, est
passée sous silence. Le Concours national de la
Résistance, institué en 1961, placé sous l’égide
de l’Éducation nationale en étroite concertation
avec les associations de résistants, contribue
également à entretenir le mythe officiel d’une
France très largement résistante.
• L’ouvrage de l’historien américain Robert
Paxton, publié aux éditions du Seuil en 1973,
opère de ce point de vue un renversement complet, d’où l’écho qu’il rencontre tant dans l’opinion qu’au sein de la communauté des historiens. Le titre de l’ouvrage lui-même, La France
de Vichy, pouvait alors paraître provocateur :
Vichy n’est plus seulement associé à un régime
nul et non avenu, mais à une certaine France,
ce qui brise la représentation unitaire qu’avait
voulu en donner le général de Gaulle. R. Paxton
montre clairement que la Révolution nationale
et la politique de collaboration ont été des initiatives françaises, assumées par Pétain comme
par Laval. Paxton n’innovait pourtant pas entièrement : dans La France dans l’Europe de Hitler,
publié quelques années auparavant, l’historien
allemand Ebehard Jäckel avait ouvert la voie
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
• 30
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
à une réécriture de l’histoire de l’Occupation,
en s’appuyant, comme Paxton ensuite, sur des
archives allemandes (les archives françaises restant à cette époque inaccessibles). Mais le livre
de Jäckel était passé complètement inaperçu ;
le succès de celui de l’historien américain, en
revanche, témoigne de la sensibilité nouvelle
de l’opinion sur ce sujet, un an après le déclenchement de l’affaire Touvier. Certes, avec près
de 25 000 exemplaires vendus de 1973 à 1985,
l’ouvrage de Paxton s’est bien moins vendu
que celui de Robert Aron entre 1954 et 1981
(53 000 exemplaires), mais ses thèses ont été
largement relayées dans la presse. Elles ont par
ailleurs imposé une réécriture des manuels scolaires qui, à partir de 1980, consacrent désormais
de larges développements au régime de Vichy et
à sa politique antisémite.
• Sur l’ensemble de la période, estime cependant O. Wieviorka, « le travail des historiens n’a
que partiellement pesé dans les configurations
mémorielles ». Comme pour les associations de
résistants ou de déportés, « les historiens n’influencèrent la mémoire que lorsque l’opinion
se montra réceptive ». La mémoire savante des
historiens a généralement suivi l’évolution de la
mémoire collective des Français, plus qu’elle ne
l’a précédée. C’est ainsi que la « mythologie résistante » ne s’est effondrée que lorsque la « magie
gaulliste » a cessé d’opérer. L’intérêt de l’opinion
pour le passé vichyste de François Mitterrand ne
s’est manifesté qu’avec les déceptions enregistrées sous son second mandat, d’où l’écho rencontré par le livre du journaliste Pierre Péan (Une
jeunesse française), qui ne disait pourtant pas
grand-chose de plus que ce qu’on savait déjà.
• Quel est, en définitive, le rôle des historiens
dans la transmission du souvenir de la Seconde
Guerre mondiale ? Il convient de bien dégager
le rôle spécifique de la mémoire et de l’histoire.
Au « devoir de mémoire » revendiqué par les
associations de victimes et institutionnalisé par
de nombreuses commémorations, les historiens
ont opposé la notion de « devoir d’histoire ». La
mémoire veut abolir la distance entre le passé
et le présent, elle s’exprime principalement au
travers de témoignages et de commémorations,
qui visent à susciter l’émotion de ceux qui se
souviennent. Comme l’écrit Paul Ricœur, le
devoir de mémoire est « le devoir de rendre jus-
it
tice, par le souvenir, à un autre que soi ». Toute
mémoire, même la plus légitime, est sélective et
procède, comme l’écrit Henry Rousso, d’« une
organisation de l’oubli ». Le métier d’historien
répond à d’autres exigences : il implique une
mise à distance du passé afin de replacer les faits
historiques dans le contexte qui leur donne sens.
L’historien se place sur le terrain de la connaissance, et non pas sur celui de la morale ou de
la justice (d’où les réserves émises par certains
historiens sur les enjeux du procès Papon).
Confondre l’histoire et la mémoire exposerait
au double danger de la sacralisation et de la banalisation du passé : comme le montre Tzvetan
Todorov, le passé, s’il est sacralisé, « ne nous
rappelle rien d’autre que lui-même » ; le passé
banalisé « nous fait penser à tout et à n’importe
quoi ». L’autonomie revendiquée par les historiens par rapport aux témoins et aux acteurs de la
guerre ne signifient pas qu’ils soient « neutres » :
c’est en intégrant le témoignage à la connaissance historique que l’historien en démultiplie
la portée, en contribuant de la sorte à ce que la
parole des témoins, restée longtemps inaudible
après la guerre, puisse être non seulement transmise, mais comprise par les générations futures.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
◗ Bibliographie
Pour une première approche de la question
P. Burrin, « Vichy », in P. Nora (dir.), Les Lieux
de mémoire, T. 2, Gallimard, 1997.
J.-P. Azéma, « Vichy et la mémoire savante », in
J.-P. Azéma et F. Bédarida (dir.), Le Régime de
Vichy et les Français, Fayard, 1992.
R. Frank, « La mémoire empoisonnée », in
J.-P. Azéma et F. Bédarida (dir.), La France des
années noires : de l’Occupation à la Libération,
vol. 2, Éditions du Seuil, coll. Points Histoire,
2000.
H. Rousso, Le Syndrome de Vichy de 1944 à nos
jours, Éditions du Seuil, 1990.
O. Wieviorka, La Mémoire désunie : le souvenir
politique des années sombres, de la Libération à
nos jours, Éditions du Seuil, 2010.
Ouvrages complémentaires
S. Barcellini et A. Wieviorka, Passant, souvienstoi. Lieux du souvenir de la Seconde Guerre
mondiale en France, Plon, 1995.
31 •
F. Cochet, Les Exclus de la victoire : histoire des
prisonniers de guerre, déportés et STO (19451985), SPM, 1992.
É. Conan et H. Rousso, Vichy, un passé qui ne
passe pas, Gallimard, coll. Folio Histoire, 1996.
A. Finkielkraut, L’Avenir d’une négation : réflexions sur la question du génocide, Éditions du
Seuil, 1982.
J.-N. Jeanneney, Le Passé dans le prétoire :
l’historien, le juge et le journaliste, Éditions du
Seuil, 1998.
P. Lagrou, Mémoires patriotiques et Occupation
nazie, Complexe, 2003.
O. Lalieu, « L’invention du “devoir de mémoire” », Vingtième siècle. Revue d’histoire,
n° 69, janvier-mars 2001.
S. Lindeperg, Les Écrans de l’ombre : la Seconde
Guerre mondiale dans le cinéma français (19441969), CNRS Éditions, 1998.
P. Nora et F. Chandernagor, Liberté pour l’histoire, CNRS Éditions, 2008.
P. Ricœur, La Mémoire, l’histoire et l’oubli,
Éditions du Seuil, 2000.
J.-P. Rioux (dir.), Nos embarras de mémoire : la
France en souffrance, Lavauzelle, 2008.
H. Rousso, La Hantise du passé, Textuel, 1998.
P. Vidal-Naquet, Les Assassins de la mémoire,
La Découverte, 1991.
A. Wieviorka, Déportation et génocide : entre la
mémoire et l’oubli, Plon, 1992.
A. Wieviorka, L’ère du témoin, Plon, 1998.
« La mémoire, entre histoire et politique », Les
Cahiers français n° 303, La Documentation
française, juillet-août 2001.
CD Rom
it
R. Antelme, L’Espèce humaine, Gallimard, 1996.
C. Bourdet, L’Aventure incertaine : de la
Résistance à la restauration, Le Félin, 1998.
C. Delbo, Une connaissance inutile, Les
Éditions de Minuit, 1995.
D. Rousset, L’Univers concentrationnaire,
Pluriel, 2011 (rééd.).
J. Semprun, L’Écriture ou la vie, Gallimard, coll.
Folio, 1996.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
J.-P. Husson, Histoire et mémoire des deux
guerres mondiales, CRDP ChampagneArdenne, 2002.
Mémoires de la déportation, Fondation pour la
Mémoire de la Déportation, 1998.
• 32
Témoignages
Filmographie
René Clément, La Bataille du rail, 1946.
Alain Resnais, Nuit et Brouillard, 1956.
Gérard Oury, La Grande Vadrouille, 1966.
Marcel Ophüls, Le Chagrin et la pitié, 1969.
Jean-Pierre Melville, L’Armée des ombres, 1969.
Louis Malle, Lacombe Lucien, 1974.
Jean-Marie Poiré, Papy fait de la résistance,
1983.
Claude Lanzmann, Shoah, 1985.
Rachid Bouchareb, Indigènes, 2006.
◗ Plan du chapitre
On peut distinguer trois grandes périodes dans
l’évolution de la mémoire collective et des
politiques mémorielles : de 1945 à 1958, la
mémoire résistante s’impose, mais la Seconde
Guerre mondiale ne donne pas lieu, à la différence de la Première, à une commémoration unitaire. De 1958 à 1980, le mythe gaullien d’une
France unanimement résistante se désagrège, les
mémoires occultées de la guerre se réveillent.
Depuis 1981, les conflits de mémoire liés au
souvenir de Vichy n’ont pas disparu, mais se
sont apaisés. Trois études complètent le cours,
sur la mémoire de la Résistance, la mémoire de
la Shoah en France et le rôle des historiens dans
la transmission de la mémoire.
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
it
Commentaire des documents et réponses aux questions
1. Une mémoire désunie (1945-1958)
� MANUEL, PAGES 62-63
Doc. 1. Les tentatives de réhabilitation
du maréchal Pétain
(Brochure diffusée par la revue d’extrême droite
Aspects de la France après la mort du maréchal Pétain,
1951.)
e
s
s
germanophobe, qui s’appuie sur le rôle majeur
que les communistes ont joué dans la Résistance.
L’affiche évoque les trois guerres qui ont conduit
à l’occupation de la France par l’Allemagne, en
1870-1871, en 1914-1918 et en 1940-1945. On
y voit un soldat allemand menaçant un village
français en ruine et peint aux couleurs tricolores : allusion au massacre des habitants du village d’Oradour-sur-Glane, en juin 1944, par les
soldats de la division SS Das Reich. En incrustation sur son casque, d’autres soldats allemands
sont dessinés, portant l’uniforme des dernières
guerres, notamment le fameux casque à pointe
des armées prussiennes. La CED est dénoncée
comme une nouvelle menace du « militarisme »
allemand. Le PCF cherche ainsi à mobiliser,
au-delà de sa propre audience électorale, tous
les « patriotes » qui continuent de voir dans
l’Allemagne un danger pour la France. C’est
au contraire au nom de la réconciliation francoallemande, nécessaire à la cohésion de l’Europe
occidentale, que les « pères de l’Europe » militent à cette époque en faveur de l’unification
européenne.
o
B
it
e
s
s
o
B
• Question. Cette affiche de propagande destinée à réhabiliter la mémoire du maréchal Pétain
a été publiée dans l’organe officiel de l’Action
française Aspects de la France, autorisé à reparaître depuis 1947. Quelques mois après la mort
du maréchal, en 1951, l’un de ses défenseurs,
Jacques Isorni, fonde l’Association pour défendre la mémoire du maréchal Pétain. L’affiche
emprunte à la tradition des images d’Épinal pour
héroïser les grands moments de la vie du maréchal, accompagnés de légendes hagiographiques
et falsificatrices. Pétain est ainsi représenté : en
1916, en vainqueur de Verdun au milieu des
poilus ; en 1940, faisant « don de sa personne à
la France » en plein désastre (représentation de
l’exode de juin 1940 en arrière plan) ; en 1945,
seul dans sa prison, en victime expiatoire ; en
1951, à l’annonce de sa mort, ses partisans lui
rendent hommage sur la tombe du soldat inconnu et le texte demande le transfert de ses cendres
à l’Ossuaire de Douaumont. Le mythe du vainqueur de Verdun, se sacrifiant pour la patrie en
1940, occulte les lourdes responsabilités de celui
qui fut aussi le chef d’un régime dictatorial, raciste et collaborationniste de 1940 à 1944.
Doc. 2. Le souvenir de la guerre à l’heure
de la guerre froide
(Affiche du Parti communiste contre la CED, 1953.)
• Question. En 1953, le PCF mène une campagne contre la ratification des accords de Bonn
et de Paris qui instituent une Communauté européenne de défense. Cette dernière prévoit en
effet le réarmement de la RFA dans le cadre
d’une armée européenne, afin de renforcer la
défense de l’Europe occidentale face à l’URSS.
Les communistes, alors complètement alignés
sur la politique extérieure soviétique, s’opposent
fermement à l’atlantisme. Mais la propagande
communiste puise dans un registre patriotique et
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
Doc. 3. Vichy et les persécutions antisémites
(Photogramme de Nuit et Brouillard d’Alain Resnais,
1956.)
• Question. Dans les années 1950, les responsabilités propres du régime de Vichy dans la
déportation des juifs de France sont occultées. Il
apparaît donc choquant de découvrir dans le film
d’Alain Resnais l’image d’un gendarme français
gardant, en 1941, le camp de Pithiviers, l’un des
lieux où les juifs avaient été internés en application des mesures antisémites de l’État français,
et ce, avant même que l’Allemagne nazie ne
décide de les déporter pour les exterminer. La
Commission de contrôle, chargée de la censure
des films de cinéma, a cherché à obtenir le retrait
de la photographie ; elle a été finalement maintenue, mais censurée par un gros trait noir, afin de
masquer le képi du gendarme.
Le film Nuit et Brouillard est le premier film
français consacré à l’évocation du génocide des
juifs. Contrairement au cinéma polonais, allemand ou tchèque, le cinéma français ne s’était
pratiquement pas intéressé au sujet jusque là.
33 •
Ce documentaire, mis en image par le cinéaste
Alain Resnais sur un texte écrit par un ancien
déporté, Jean Cayrol, est une commande du
très officiel Comité d’histoire de la Seconde
Guerre mondiale, qui faisait suite à l’exposition
« Résistance-Libération-Déportation » organisée
à l’occasion du 10e anniversaire de la Libération.
L’univers concentrationnaire y est évoqué à la
fois par des images d’archives et par des prises
de vue contemporaines, tournées en couleur sur
les lieux de l’extermination. Nuit et Brouillard
reçut le prix Jean Vigo et fut sélectionné pour
représenter la France au Festival de Cannes en
1956. À la demande de la République fédérale d’Allemagne, le film fut projeté seulement
hors compétition, le privant d’une fort probable
palme d’or. Il n’en connut pas moins une diffusion exceptionnelle pour un court-métrage documentaire, en salle puis dans les ciné-clubs. Le
film se verra reprocher, dans les années 1980,
d’occulter le sort spécifique des victimes juives
de la Shoah en l’amalgamant avec celui de l’ensemble des déportés (le décret Nacht und Nebel
n’a aucun rapport avec la « solution finale » et
le mot « juif » n’est prononcé qu’une fois dans
le film). Le reproche était injuste car jusqu’à
nos jours, l’œuvre d’Alain Resnais est bel et
bien associée au génocide des juifs. À l’initiative de la LICRA, le film fut ainsi projeté sur
toutes les chaînes de télévision le 14 mai 1990,
au lendemain de la profanation du cimetière juif
de Carpentras. En 1992, le ministère de l’Éducation nationale demanda également à tous les professeurs d’histoire de projeter le film en classe,
après le verdict de non-lieu obtenu dans un premier temps par l’ancien milicien Paul Touvier.
it
On relève au bas de l’affiche le nom des quatre
grandes associations qui se sont entendues pour
organiser ensemble les Journées nationales du
souvenir à Compiègne en août 1946. L’initiative
en revient au ministre communiste des Anciens
combattants et victimes de guerre de l’époque,
Laurent Casanova. Le prétexte en est fourni par le
retour en France, dans la clairière de Rethondes,
près de Compiègne, de la stèle qui commémorait la signature de l’armistice du 11 novembre
1918 dans un wagon. Lors de leur retraite, les
Allemands avaient emporté avec eux à Berlin, et
la stèle, et le wagon, ce dernier ayant été détruit
peu après. Ces Journées du souvenir visent ainsi
à célébrer la solidarité entre toutes les catégories
de combattants et de victimes de guerre.
Cet œcuménisme associatif n’a pas duré. Le discours prononcé par le ministre Laurent Casanova
en l’honneur des « déportés du travail » heurta de
nombreux résistants, s’indignant qu’on puisse
accorder le titre de déportés aux requis du STO.
En 1950, les requis du STO obtinrent un droit
à l’indemnisation, au même titre que les autres
catégories de déportés, mais pas le droit de porter le titre de « déportés du travail ». La longue
bataille engagée en justice par leur Fédération
dura jusqu’en 1992, date à laquelle la Cour
de Cassation la débouta définitivement de ses
prétentions.
De leur côté, ni les prisonniers de guerre, ni les
anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale ne purent occuper, dans l’espace mémoriel,
la place qui avait été celle des poilus survivants
après 1918. Leurs Fédérations respectives se
replièrent sur des revendications catégorielles, à
défaut de pouvoir inspirer la politique du souvenir, monopolisée par les résistants.
Enfin, dès 1948, l’Assemblée nationale adopta
deux statuts distincts, l’un sur les « déportés et
internés de la résistance », l’autre sur les « internés et déportés politiques » : on établissait ainsi
un distinguo entre les résistants et les « politiques », euphémisme de l’époque pour désigner
avant tout les déportés juifs.
Les logiques corporatistes, doublées des divisions politiques (entre communistes et non communistes surtout), empêchèrent les associations
de présenter « une vision sinon commune, du
moins universelle de la Seconde Guerre mondiale » (O. Wieviorka).
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
Doc. 4. Une mémoire solidaire ?
(Affiche pour les Journées nationales du souvenir,
1946.)
• Question. Les quatre personnages de l’affiche
représentent, de gauche à droite, un déporté dans
son uniforme rayé, un ancien combattant dans sa
tenue militaire, un « déporté du travail » coiffé
de la casquette emblématique de l’ouvrier et un
prisonnier de guerre avec sa vareuse. Résistants,
anciens combattants et victimes de la guerre se
sont en effet regroupés, dès la Libération, dans
des associations, en vue d’obtenir la reconnaissance d’un statut et une indemnisation matérielle
à la mesure du préjudice subi.
• 34
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
2. Le réveil des mémoires (1958-1980)
� MANUEL, PAGES 64-65
Doc. 1. Jean Moulin au Panthéon
• Question. Ministre d’État chargé des Affaires
culturelles depuis 1959, André Malraux fut chargé de prononcer le discours officiel d’hommage
à Jean Moulin à l’occasion du transfert de ses
cendres au Panthéon en 1964. À cette époque, le
grand écrivain, qui s’était engagé aux côtés des
républicains espagnols en 1936 et avait participé
activement à la Résistance à partir d’avril 1944,
est devenu le chantre officiel du gaullisme. À
travers Jean Moulin, qui n’était pas encore devenu une figure légendaire de la Résistance, c’est
en effet le rôle historique de l’homme du 18 juin
que Malraux entend magnifier. Jean Moulin,
c’est l’homme qui a unifié la Résistance sous
l’autorité du général de Gaulle. La Résistance,
avec la majuscule, devient un tout supérieur à
la somme de ses parties, les divers mouvements
de résistance (« ils voulaient cesser d’être des
Français résistants, et devenir la Résistance
française »). « Le général de Gaulle seul pouvait
appeler les mouvements de Résistance à l’union
entre eux ». La mémoire gaulliste de la guerre
évacue ici ce qui faisait la diversité politique et
idéologique de la Résistance (ce que les résistants eux-mêmes n’ont pas toujours apprécié).
Pour Malraux, la Résistance a un caractère essentiellement militaire. C’est le sens du parallèle
esquissé entre le héros de la 2e DB, le général
Leclerc (enterré aux Invalides en 1947, maréchal de France à titre posthume en 1952) et Jean
Moulin, héros-martyr d’une armée de l’ombre :
au même titre que les Forces françaises libres,
la Résistance intérieure a combattu une puissance occupante pour « la survie de la France ».
La mémoire gaulliste de la guerre s’attache à
commémorer une France victorieuse et à effacer
le souvenir des affrontements qui ont opposé la
France résistante à l’autre France, restée à Vichy.
Les « affreuses files de Nuit et Brouillard »
n’évoquent pas ici le génocide des juifs, mais la
répression qui s’est abattue sur ceux qui, à l’instar de Jean Moulin, sont morts en combattant
l’occupant allemand (le décret Nacht und Nebel
de décembre 1941 ordonne la déportation et la
mise au secret de tous les « ennemis du Reich »).
it
Doc. 2. Les mutations du « paysage mémoriel » dans les années 1970
e
s
s
• Question. L’historien Olivier Wieviorka met
bien en évidence le retournement qui s’opère
dans l’opinion après 1969, date de la démission
du général de Gaulle. Le « mythe résistancialiste » (Henry Rousso) s’effondre, et avec lui
une mémoire sélective de la guerre, héroïsant
la Résistance, réduisant l’œuvre de Vichy à une
poignée de traîtres et niant la spécificité de la
Shoah. L’opinion ne se satisfait plus de la vision
rétrospective et rassurante d’une France unanimement résistante. C’est aussi qu’on assiste à
cette époque à l’affirmation d’autres mémoires
de la guerre, refoulées ou ravalées au second
plan jusque là : c’est le cas, en particulier, de la
mémoire juive de la déportation.
O. Wieviorka relève ici deux conséquences majeures de cette évolution :
– La figure du héros tend à s’effacer devant celle
de la victime dans la mémoire collective et dans
les commémorations du souvenir de la Seconde
Guerre mondiale.
– La célébration de la France combattante perd
sa faculté à rassembler les Français autour d’une
mémoire commune ; elle laisse place à l’affirmation de mémoires distinctes, voire concurrentes
de la guerre.
o
B
it
e
s
s
o
B
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
Doc. 3. Vers une autre histoire de l’Occupation : la France de Vichy
• Question. À la Libération, priorité a été donnée à la reconstruction de l’unité nationale. La
« parenthèse » de Vichy doit donc être refermée
au plus vite, une fois ses principaux responsables
condamnés. Comme le dira plus tard le président
Pompidou, « il convient d’oublier ces temps où
les Français ne s’aimaient pas ». À l’occultation
de l’État français correspond l’exaltation de la
France résistante. La responsabilité de la collaboration est attribuée à Laval, et non au maréchal Pétain, considéré à tort comme une potiche
manipulée par une poignée de traîtres. Le rôle de
Vichy dans la déportation des juifs est passé sous
silence. L’accès aux archives demeure fermé
aux historiens ; c’est l’exploitation des archives
allemandes qui permet à E. Jäckel puis à Robert
Paxton de renouveler l’histoire du régime de
Vichy. La politique mémorielle des pouvoirs publics entretient le souvenir d’une France unanimement résistante : c’est sous l’aiguillon d’une
35 •
opinion moins friande de légende et plus soucieuse de vérité que les historiens ont été incités
à reconsidérer l’histoire de l’Occupation.
Doc. 4. La « déshéroïsation » de la guerre
au cinéma
(Lacombe Lucien de Louis Malle, 1974 et Le Chagrin et
la pitié de Marcel Ophüls, 1969.)
• Question. Deux grands événements cinématographiques traduisent la rupture qui s’opère
à partir du début des années 1970 : Le Chagrin
et la pitié de Marcel Ophüls, tourné en 1969 et
sorti en salle en 1971, et Lacombe Lucien, de
Louis Malle en 1974. Ces deux films ont en
commun d’avoir des auteurs qui appartiennent à
la génération d’après-guerre, contemporaine de
celle de mai 1968 : la vision de l’Occupation qui
s’en dégage se démarque de celle que le pouvoir
gaullien s’était attaché à diffuser par les commémorations organisées en l’honneur de la France
combattante.
Le Chagrin et la pitié innove d’abord par sa
forme : un documentaire composé non plus principalement d’images d’archives, mais de récits
de témoins, célèbres (comme Pierre Mendès
France) ou anonymes, qui ont passé une partie
de la guerre dans la région de Clermont-Ferrand.
Le style se démarque ainsi de celui des œuvres
de la période précédente, épiques (La Bataille du
rail) ou démonstratives (Nuit et Brouillard). Sur
le fond, le film offre une présentation de l’Occupation très différente de celle qui avait encore
cours à cette époque. Il se présente comme une
chronique d’une ville française sous l’Occupation, Clermont-Ferrand, qui était alors située en
zone « libre » jusqu’en 1942 : l’occupant allemand est ainsi relégué à l’arrière-plan. Le film
fait une large place à l’antisémitisme français,
alors que l’antisémitisme était essentiellement
mis au compte des persécutions nazies jusque là.
Le témoignage filmé d’anciens collaborateurs,
comme Christian de la Mazière, renvoie une
autre image du « collabo », en montrant que la
collaboration a pu relever non seulement de l’intérêt ou de la vengeance de traîtres sans scrupule,
mais aussi d’un choix idéologique faisant primer
la lutte contre le communisme. Enfin, et ce fut
à l’époque l’aspect le plus provocateur du film,
la Résistance y apparaît comme un engagement
somme toute minoritaire et ses deux principales
composantes, la gaulliste et la communiste, en
it
sont évacuées. Rétrospectivement, le film tombe
d’un excès dans l’autre : à l’image d’une France
unanimement résistante se substitue celle d’une
France quasi-unanime dans l’indifférence ou la
lâcheté. Le film a été pour cette raison censuré
à la télévision pendant dix ans : Simone Veil
elle-même, alors membre du conseil d’administration de l’ORTF en 1971, s’est opposée à sa
diffusion. Le film avait été pourtant salué par la
critique, y compris dans L’Humanité.
Le scénario de Lacombe Lucien a été écrit par
Patrick Modiano, qui, dès ses premiers romans,
avait affiché une prédilection toute particulière
pour la période de l’Occupation (c’est alors la
mode rétro), campant des personnages ambigus,
au comportement transcendant la frontière du
bien et du mal. Le film de Louis Malle prend
à l’époque un aspect provocateur, parce qu’il
donne le premier rôle non plus à un héros positif, le résistant, mais à un jeune voyou qui finit
par s’engager dans la Milice. Par ailleurs, le film
choisit sciemment d’évacuer toute la dimension
politique et idéologique de la guerre : Lacombe
Lucien devient collabo par hasard, le personnage
se situe en deçà de toute conscience morale ou
politique. Cette représentation désidéologisée,
apolitique de la guerre brisait par elle-même un
tabou.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
• 36
3. Une mémoire apaisée (depuis 1981) ?
� MANUEL, PAGES 66-67
Doc. 1. Shoah et le « devoir de mémoire »
(Affiche de Shoah de Claude Lanzmann, 1985.)
• Question. Depuis les années 1960, on a assisté,
en France comme dans tous les pays occidentaux, à l’affirmation d’une mémoire juive, qui
a cherché à ce que la singularité de la Shoah
soit mieux reconnue. Deux événements représentent un tournant de ce point de vue : le procès Eichmann (1961), parce qu’il donne pour la
première fois la parole aux témoins, et la guerre
des Six-Jours (1967), qui a fait planer la menace
d’une destruction de l’État d’Israël. En France,
les associations juives, comme celle des époux
Klarsfeld, se sont également battues, afin de
briser le silence entretenu sur la politique antisémite de Vichy. Ce réveil de la mémoire juive
est intervenu au moment où, le mythe résistancialiste s’étant effondré, l’opinion publique s’est
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
montrée plus réceptive au drame vécu par les
juifs de France sous l’Occupation.
Le film de Claude Lanzmann témoigne de la
position centrale qu’occupe désormais la Shoah
dans la mémoire de la guerre. Après bien des
difficultés, il parvient à mener à terme la réalisation d’un film de plus de neuf heures entièrement consacré à la Shoah. C’est ce film qui a
contribué à répandre l’usage de ce mot hébreu
pour désigner le génocide des juifs, préféré au
mot « holocauste », qui reste employé dans les
pays anglo-saxons.
Shoah est un film sur la mémoire de la Shoah,
bien plus que sur la Shoah elle-même. Ses personnages principaux sont les témoins de la tragédie, ce sont eux qui, par leur récit, font remonter le passé à la surface et éveillent l’émotion
du spectateur, parfois jusqu’à l’insoutenable.
La distance entre le passé et le présent est abolie : Claude Lanzmann a écarté les documents
d’archives, les personnages sont filmés sur les
lieux actuels. L’affiche de Shoah représente le
conducteur polonais, interviewé dans le film, qui
acheminait les wagons de déportés de la gare de
Treblinka (à droite sur l’affiche) jusqu’au camp
de mise à mort.
Ce primat accordé à la Shoah a parfois été
mal perçu par les autres acteurs de la guerre
(résistants ou prisonniers de guerre), au point
d’entretenir parfois une sorte de concurrence
mémorielle. Mais « parle-t-on trop de la Shoah »
aujourd’hui, se demande O. Wieviorka dans
La Mémoire désunie. Il rappelle que « pendant
de nombreuses décennies, la destruction des
juifs d’Europe avait été non seulement oubliée,
mais dans une certaine mesure euphémisée par
l’État ». Les morts n’avaient pas reçu de sépulture, leur nombre même n’était pas connu avec
certitude, de même que leur nom, et ce, avant
que Serge Klarsfeld n’entreprenne, avec des
moyens dérisoires, la publication du Mémorial
de la déportation des juifs de France (1978).
Jusqu’en 1970, les déportés juifs perçoivent
encore des pensions très inférieures à celles qui
sont versées aux déportés résistants. Ainsi s’explique l’« activisme » des associations juives :
« face à l’ampleur du traumatisme subi, face,
également, aux silences, voire aux dénégations
de la puissance publique, une action énergique
s’imposait », conclut O. Wieviorka, pour qui
it
« l’excédent mémoriel » ou la repentance excessive déplorés par certains n’ont fait que combler
le vide, jusqu’aux années récentes, de la politique mémorielle de l’État.
e
s
s
Doc. 2. Les responsabilités de la SNCF
• Question. Six ans après que le président de
la République Jacques Chirac a reconnu le rôle
de l’État et de l’administration française, et non
plus du seul régime de Vichy, dans la déportation des juifs de France, Guillaume Pépy choisit à son tour d’assumer le passé de la SNCF.
Certaines organisations juives américaines ont,
par ailleurs, fait pression sur l’entreprise en ce
sens, alors qu’elle négociait des contrats aux
États-Unis.
Le président de la SNCF rappelle donc que ce
sont bien des trains français qui ont déporté les
juifs. Mais il ajoute aussitôt que c’est sous la
contrainte de l’occupant et du régime collaborateur de Vichy que la SNCF a dû s’exécuter pour
acheminer les trains « jusqu’à la frontière », et
non jusqu’à l’entrée des camps de la mort. Tout
en s’inclinant devant la mémoire des victimes, le
président de la SNCF a également voulu rendre
hommage à la résistance très active des cheminots, immortalisée dès les lendemains de la
guerre dans le film de René Clément, La Bataille
du rail (1946).
o
B
it
e
s
s
o
B
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
Doc. 3. Se souvenir sans se repentir
• Question. Le candidat à la présidence Nicolas
Sarkozy s’oppose à ce qu’il appelle la « mode
de la repentance » pour deux raisons principales.
– Elle ouvre la voie à la concurrence des mémoires. Sur ce point, N. Sarkozy pense probablement surtout aux mémoires concurrentes
et encore conflictuelles de la guerre d’Algérie
(entre Français d’Algérie, harkis et Algériens
vivant en France). Mais l’appel à la repentance
pour les crimes commis à l’encontre des juifs
a pu aussi irriter certains acteurs de la guerre,
résistants ou militants gaullistes de la première
heure, qui ont toujours considéré Vichy comme
nul et non avenu.
– Pour N. Sarkozy surtout, la repentance donne
aux Français une mauvaise image de l’histoire
de leur pays. Le souvenir de 1940 ne doit pas
recouvrir celui de 1789, la France demeure
avant tout la « Grande Nation » qui a « inventé »
les droits de l’homme (une invention que les
37 •
Britanniques et les Américains contesteraient
volontiers au futur chef de l’État !) et qui a le
plus combattu pour la libération des peuples (ici
encore, certains partenaires de la France ne partageraient pas forcément cette vision rétrospective des guerres livrées par la France en Europe
ou en Afrique).
N. Sarkozy tient donc à rappeler que la France
n’est pas l’Allemagne et que tous les Français,
en dépit des circonstances (la défaite et l’Occupation), n’ont pas démérité, puisqu’il y a eu les
héros de la Résistance pour libérer la France et
les Justes des Nations pour sauver des juifs. On
relève que, de manière significative, le parallèle
opéré par N. Sarkozy occulte le fait que Vichy
ait édicté de sa propre autorité une législation
antisémite dès 1940, sans que l’immense popularité dont jouissait à cette époque le maréchal
Pétain ait été encore entamée, y compris dans
certains milieux de la Résistance.
En des termes certes moins nuancés, N. Sarkozy
rejoint en partie son prédécesseur : dans son discours de 1995 (voir p. 71), Jacques Chirac avait
lui aussi évoqué « la France des Lumières et des
droits de l’homme », les Justes et les Français
libres, agissant au nom d’une certaine idée de
la France qui n’a « jamais été à Vichy ». Mais
Jacques Chirac avait parlé de « faute collective », une formule de repentance par rapport
à laquelle N. Sarkozy a voulu se démarquer.
Nicolas Sarkozy a inauguré son mandat par des
gestes appuyés en faveur de la mémoire résistante, par exemple en faisant lire dans tous les
établissement scolaires la lettre du jeune militant
communiste Guy Môquet, fusillé en 1941 (qui
n’était sûrement pas le meilleur symbole de la
Résistance d’un strict point de vue historique.)
(Voir p. 79).
Plus fondamentalement, N. Sarkozy fait sienne
la fonction traditionnelle assignée à l’histoire
de France depuis la IIIe République : comme
chez Ernest Lavisse naguère, elle doit entretenir l’amour que les Français doivent ressentir
pour leur pays. L’histoire de France participe
de la mission intégratrice dévolue à l’école de la
République. Cette conception transcende largement les clivages politiques. Jean-Pierre Rioux
estime ainsi « inconcevable de laisser mettre en
“mémoire“ chez [certains élèves] une représentation négative de la France, sous peine de les voir
it
intérioriser la “haine“ de ce qu’ils sont au spectacle d’une telle avalanche de crimes imputés à
la patrie qui s’offre à eux. Comment pourraientils alors se reconnaître dans cette marâtre ? Leur
intégration serait alors compromise, bien loin
des objectifs de l’école dont la finalité, on le sait,
est l’émancipation personnelle de chaque élève
et son intégration civique ». Au-delà des polémiques sur le terme de « repentance », l’enjeu est
ici de s’interroger sur le rôle qui doit être celui
de l’histoire dans la transmission de la mémoire
nationale et la formation du citoyen.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
• 38
Doc. 4. Une reconnaissance tardive :
les « indigènes » de la République
(Affiche du film Indigènes de Rachid Bouchareb,
2006.)
• Question. Sorti en salle en 2006, le film
Indigènes est venu rappeler la participation des
troupes coloniales aux campagnes d’Italie, de
France et d’Allemagne, afin de réparer l’oubli
dont elle avait fait l’objet jusqu’aux années
récentes. Le succès du film, également dû à la
popularité et au talent des acteurs, a ainsi permis
de réintégrer les « indigènes de la République »
dans la mémoire nationale.
Le film visait aussi à dénoncer l’ingratitude de
la France envers ses soldats des colonies, qui ne
percevaient jusque-là qu’une pension ridicule,
très inférieure à celle versée aux anciens combattants français. Depuis 1960, l’État français
avait en effet décidé de bloquer l’augmentation
des pensions, à charge pour les anciennes colonies parvenues à l’indépendance de prendre le
relais : ce qu’on appelle la « cristallisation des
pensions ». Au terme d’une longue procédure,
le Conseil d’État a supprimé la cristallisation,
mais en vertu du principe d’équité, les anciens
combattants ne percevaient que l’équivalent
dans leur pays du pouvoir d’achat garanti aux
Français. Ainsi, pour 100 € versé à un Français,
un Marocain percevait 12 € et un Algérien 15 €.
Devant l’émotion suscitée par le film, Jacques
Chirac s’est engagé à accélérer le processus en
cours de décristallisation, dont 27 000 anciens
combattants ont pu bénéficier. Après 2007,
un Marocain percevait désormais une pension de 495 €, contre seulement 60 € avant la
décristallisation.
Cette reconnaissance tardive n’a toutefois guère
rencontré d’écho dans les anciennes colonies
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
françaises, en particulier en Algérie, où la participation des « Indigènes » reste considérée
comme une manifestation de la domination coloniale. On est donc encore loin de l’instauration
d’une « mémoire partagée » de la guerre sur les
deux rives de la Méditerranée.
◗ Étude
La mémoire de la Résistance
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
� MANUEL, PAGES 68-69
Réponses aux questions
it
brûle une flamme permanente. Sous la croix
s’ouvrent deux portes en bronze : l’une débouche sur l’escalier qui mène au parcours du
souvenir, l’autre donne accès à la crypte funéraire, où les cercueils des seize combattants ont
été transférés.
2. Par l’hommage rendu aux fusillés de
Châteaubriant, le PCF entretient la mémoire
des nombreux militants communistes qui se
sont engagés dans la Résistance et qui ont donné leur vie pour libérer la France de l’occupation nazie. C’est à la suite de l’attentat perpétré contre le lieutenant-colonel Hotz, chef de
la Feldkommandantur de Nantes, le 20 octobre
1941, que les Allemands ont décidé de fusiller
50 otages. 48 furent exécutés, dont 27 dans la
carrière de la Sablière, près de Châteaubriant
(Loire-Atlantique) : des militants communistes
pour la plupart (le PCF occulta la présence de
deux trotskystes parmi les victimes), comme le
député Charles Michels, le syndicaliste JeanPierre Timbaud et Guy Môquet. Un monument
provisoire y est inauguré dès la Libération, en
octobre 1944, lors d’une cérémonie œcuménique à laquelle ont participé les communistes
Fernand Grenier et Henri Rol-Tanguy, le démocrate-chrétien et gaulliste Maurice Schumann et
le commissaire de la République Michel Debré.
Au lendemain de la guerre, le PCF se présente
comme le « parti des 75 000 fusillés », chiffre
assurément très exagéré puisque le nombre des
fusillés pour faits de résistance n’excède pas
30 000, mais qui témoigne bien du rôle majeur
qui a été le sien dans la Résistance. À travers la
Résistance, le PCF s’enracine dans la tradition
patriotique et jacobine de la gauche française,
celle des sans-culottes de l’an II et des communards de 1871. C’est devant une carte de France
peinte aux trois couleurs du drapeau que s’effondre le corps du fusillé.
Cette commémoration a aussi longtemps permis
au PCF d’occulter sa part d’ombre : son approbation du pacte germano-soviétique d’août 1939
et le caractère tardif de son engagement dans
la Résistance en juin 1941, même si bon
nombre de ses militants ne l’avaient pas attendu pour le faire. Le plus célèbre des fusillés de
Châteaubriant, le jeune Guy Môquet, n’a pas été
arrêté en octobre 1940 pour acte de résistance,
mais parce qu’il était le fils d’un député com-
1. La croix de Lorraine, sculptée à l’entrée du
mémorial du mont Valérien, a été l’emblème
de la France libre, puis de tous les mouvements
politiques gaullistes par la suite. Le choix de la
croix de Lorraine aurait été suggéré au général
de Gaulle par le vice-amiral Muselier, premier
officier général à avoir rejoint la France libre.
L’emblème fut d’abord apposé sur les navires de
la France libre, puis adopté par l’ensemble des
Forces françaises libres. Il fut repris par l’Ordre
de la Libération.
Le mont Valérien est en effet l’un des principaux
lieux de mémoire gaullistes. Le Gouvernement
provisoire décida d’ériger un monument commémoratif de la Seconde Guerre mondiale sur
le site du fort du mont Valérien, sur la colline
de Suresnes, où de nombreux otages avaient
été fusillés. Quinze combattants morts pour la
France y furent inhumés le 11 novembre 1945,
dont neuf soldats tombés sous uniforme (trois
durant la campagne de 1940, un en 1942, cinq
en Italie et en France en 1944) et trois résistants.
Un prisonnier de guerre a été sélectionné, mais
pour avoir été fusillé pour rébellion. N’y figurent
aucun déporté juif ni aucun ancien combattant
alsacien-lorrain. Un seizième corps fut ajouté en
1952, un Français résistant d’Indochine exécuté
par les Japonais. Une cérémonie y est organisée
chaque 18 juin sous l’égide de la chancellerie de
l’Ordre de la Libération, lui aussi créé en 1945,
sur le modèle de la Légion d’honneur. Le général
de Gaulle y inaugura un Mémorial de la France
combattante en 1960. Érigé près de la clairière
des Fusillés, il se compose de seize hauts-reliefs en bronze, œuvres de sculpteurs différents,
qui rappellent, par des allégories, l’héroïsme
des combattants. Au centre, figure une croix de
Lorraine de 12 mètres de haut devant laquelle
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
39 •
muniste, arrêté en octobre 1939, à une date où
le Parti communiste avait été dissous pour avoir
soutenu le pacte germano-soviétique. Le 22 octobre 1941 toutefois, le PCF a bien jeté toutes
ses forces dans la Résistance et ses militants ont
sans doute payé le plus lourd tribut à la lutte intérieure contre l’occupant et le régime de Vichy.
L’hommage rendu aux fusillés de Châteaubriant
a perdu son caractère rassembleur dans le climat anticommuniste de la guerre froide. En
1950, le monument définitif fut inauguré sans
la participation du préfet. En 1955, les fusillés
de Châteaubriant reçurent le statut d’internés
politiques, et non d’internés résistants. Sur intervention de Tanguy-Prigent, Guy Môquet se vit
néanmoins attribuer la qualité d’interné résistant
en 1956.
3. Qu’elle soit gaulliste ou communiste, la mémoire de la Résistance prend appui sur le culte
des héros qui ont sacrifié leur vie pour libérer le
pays dans la France libre ou la résistance intérieure. Elle a ainsi une forte dimension patriotique, mais aussi politique, puisqu’elle entretient
la très large audience dont ces deux courants
politiques bénéficient alors auprès de l’opinion.
4. Pour des raisons différentes, gaullistes et communistes ont contribué à forger le mythe d’une
France unanimement résistante, qui a relégué le
souvenir de Vichy dans l’ombre. Pour les gaullistes, le général de Gaulle a incarné durant la
guerre la seule France légitime, celle qui a continué le combat en 1940. Pour les communistes,
la Résistance est présentée comme une vaste
insurrection populaire, héritière des jacobins de
l’an II et des communards de 1871, dont le PCF
revendique l’héritage. Dans les deux cas, l’audience recueillie par la Résistance française dans
l’opinion est majorée, tandis que celle du régime
de Vichy est minorée, en dépit de la grande popularité qui avait été celle du maréchal Pétain.
Or, les travaux des historiens ont bien montré
depuis que si la très grande majorité de l’opinion
a souhaité la victoire de l’Angleterre, puis des
Alliés, dès 1941, elle n’a pas pour autant basculé
tout entière du côté de la Résistance.
La mémoire résistante tend par ailleurs à marginaliser les autres mémoires de la guerre :
aussi bien les mémoires combattantes (anciens
combattants de 1940 et prisonniers de guerre,
« malgré-nous » enrôlés de force dans l’armée
it
allemande, troupes coloniales, mais aussi résistants ni gaullistes ni communistes) que les mémoires non combattantes (requis du STO, déportés juifs).
5. À l’instar de Lucie Aubrac, bon nombre
d’hommes et de femmes de la Résistance ont
cherché, non plus seulement à en commémorer
le souvenir par des cérémonies officielles, mais
à témoigner en personne de leur combat et des
valeurs au nom desquelles ils l’ont mené. Pour
Lucie Aubrac, le témoignage parle davantage
aux jeunes générations que les commémorations.
Jusqu’à sa mort, elle a elle-même beaucoup donné de sa personne par ses multiples interventions
dans les établissements scolaires. Lucie Aubrac
considère de ce point de vue le procès Barbie
comme un tournant. On pourrait dire que ce
procès a eu, en France, un effet similaire à celui
d’Eichmann 25 ans plus tôt en Israël : c’était en
effet la première fois depuis la guerre, en France,
qu’un procès offrait l’occasion de donner la parole aux témoins, venus déposés contre l’ancien
« boucher de Lyon ». Certes, l’ancien chef de la
Gestapo de Lyon n’était plus accusé, en 1987,
que de crimes contre l’humanité (en particulier
pour la déportation des enfants juifs d’Izieu),
mais les résistants, dont Lucie Aubrac, furent
également appelés à témoigner contre lui.
Ce sont aussi les valeurs de la Résistance que
certaines de ses grandes figures, fortement
engagées à gauche, ont voulu réactualiser,
dans un appel aux jeunes générations lancé en
2004. Parmi les signataires : les époux Aubrac,
Marie-José Chombart de Lauwe, présidente de
la Fondation pour la mémoire de la déportation, Daniel Cordier, secrétaire de Jean Moulin,
Georges Séguy, ancien secrétaire général de la
CGT ou Stéphane Hessel, auteur en 2010 du
célèbre manifeste Indignez-vous ! Dans une
Europe en crise, les auteurs s’insurgent devant la
remise en cause des grandes conquêtes sociales
de la Libération et s’inquiètent de la poussée des
mouvements d’extrême droite, notamment au
sein de la jeunesse. Ils saisissent l’occasion du
soixantième anniversaire du programme adopté
par le Conseil national de la Résistance, adopté
en 1944, pour énoncer les mesures de démocraties économiques et sociales qui ont contribué à
refonder une société plus juste, plus libre et plus
solidaire au lendemain de la Seconde Guerre
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
• 40
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
mondiale. Pour les signataires de ce manifeste,
la mémoire de la Résistance ne doit pas seulement prendre appui sur l’hommage rendu aux
héros et aux victimes de la barbarie nazie, mais
sur la transmission et la défense des valeurs pour
lesquelles les résistants ont donné leur vie.
6. La mémoire résistante domine l’espace mémoriel jusqu’aux années 1960. Au-delà de leurs
divergences politiques, gaullistes et communistes enracinent le culte d’une France massivement résistante. Cette mémoire tend à la fois
à refouler le souvenir du régime de Vichy et à
marginaliser les autres mémoires, combattantes
ou non combattantes, de la guerre. Depuis la
fin des années 1960, la mémoire résistante a dû
en partie céder la place à d’autres mémoires de
l’Occupation, et en particulier à celle des victimes juives de la déportation, livrées à l’Allemagne par les autorités légales de l’État français. Dans l’opinion, l’hommage aux victimes
a tendu à prendre le pas sur la vénération des
héros. Toutefois, la voix de la Résistance parle
toujours par la bouche ou la plume de ses grands
témoins : les nombreux témoignages qu’ils ont
livrés continueront de parler pour eux après leur
disparition. La mémoire de la Résistance reste
également très présente dans l’espace public, à
travers de nombreuses commémorations, lieux
de mémoire ou musées, ainsi que dans les programmes scolaires.
◗ Étude
La mémoire de la Shoah en France
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
� MANUEL, PAGES 70-71
Réponses aux questions
it
Simone Veil, rencontre l’incrédulité. En évoquant les « regards fuyants qui nous rendaient
transparents », Simone Veil suggère également
le malaise que bon nombre de Français pouvaient ressentir devant l’évocation du génocide
des juifs, dans un pays où l’antisémitisme s’était
largement diffusé depuis la fin du XIXe siècle
et qui, même s’il faut tenir compte du traumatisme de la défaite de 1940, avait accueilli dans
l’indifférence le statut des Juifs promulgué par le
régime de Vichy. À cela s’ajoutent les difficultés
de la vie quotidienne, qui font qu’à la Libération,
les Français ont bien d’autres préoccupations.
Par ailleurs, l’opinion ne fait pas encore la différence entre le sort des déportés politiques et
celui des personnes déportées, enfants et vieillards compris, en raison de leur origine juive.
Au procès de Nuremberg, c’est une déportée
résistante, Marie-Claude Vaillant-Couturier, que
la partie française cite à comparaître afin qu’elle
livre son témoignage sur le camp d’Auschwitz.
2. L’historienne Annette Wieviorka a bien montré dans sa thèse sur la mémoire de la Shoah en
France que, contrairement à ce que l’on a souvent affirmé, les survivants ont été nombreux,
dès les années d’après-guerre, à vouloir témoigner de l’horreur du génocide, mais ce n’est
que bien plus tard que l’opinion s’est montrée
réceptive à l’évocation de cette tragédie. À la
Libération en effet, tous les Français estiment
avoir souffert de la guerre à un titre ou à un
autre. La souffrance des juifs n’apparaît pas
spécifique. Les survivants eux-mêmes n’ont pas
immédiatement voulu dissocier leur sort de celui
des autres déportés.
Selon Annette Wieviorka, c’est le procès
Eichmann, en 1961, qui a marqué le réveil de la
mémoire juive, en France comme dans d’autres
pays. Pour la première fois, un procès est entièrement consacré au génocide, ce qui n’avait pas
été le cas lors du procès de Nuremberg ; il est
d’emblée conçu comme une leçon d’histoire
décernée à la postérité. Les audiences sont enregistrées et surtout, les témoins sont appelés nombreux à la barre. Le procès Eichmann consacre
l’avènement du témoin. En France, il faut attendre les années 1980 pour que les premiers
procès pour crimes contre l’humanité, déclarés
imprescriptibles, soient organisés, contre le SS
Klaus Barbie (1987), le milicien Paul Touvier
1. Ce texte, extrait des mémoires récemment
publiés de Simone Veil, revient sur les difficultés
éprouvées par les survivants de la Shoah, dans
les années qui ont suivi la guerre, pour faire
connaître le sort réservé aux juifs par les nazis.
Parmi les déportés revenus de l’enfer concentrationnaire, les juifs sont très minoritaires (2 500,
sur environ 40 000). Beaucoup d’entre eux
doivent surmonter le sentiment de culpabilité
d’avoir survécu, alors que leurs proches ont été
exterminés dès leur arrivée dans les chambres
à gaz d’Auschwitz. Les souffrances qu’ils ont
endurées paraissent tellement inouïes que le
récit de leur détention, comme en témoigne
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
41 •
(1994) et le haut fonctionnaire de Vichy Maurice
Papon (1998). Donnant la parole aux témoins,
ces procès ont été très largement médiatisés. Les
historiens se sont toutefois montrés sceptiques
sur leur impact pédagogique.
Au lendemain de la guerre, souligne Annette
Wieviorka, les rescapés de la Shoah n’étaient
pas encore en mesure de donner à leur expérience individuelle la signification universelle
que l’évocation de leur souffrance a prise par la
suite.
3. Depuis les années 1960, et en particulier depuis le procès Eichmann en Israël, les témoins
ont pris la parole et ont joué un rôle essentiel dans la transmission de la mémoire de la
Shoah. Le film de Claude Lanzmann (manuel
p. 67), Shoah, est entièrement construit sur le
témoignage de survivants ou de certains de leurs
bourreaux.
Par ailleurs, en France comme en Europe et aux
États-Unis, de nombreux lieux de mémoire ont
été inaugurés récemment en hommage aux victimes juives du génocide, comme le Mémorial
de la Shoah à Paris. Ce Mémorial a été inauguré en 2005 sur le site du Mémorial du martyr juif inconnu, édifié en 1956 à l’initiative
d’Isaac Schneersohn. Ce dernier avait fondé
dès avril 1943 à Grenoble le Centre de documentation juive contemporaine, afin de réunir
les preuves de la persécution des juifs devant la
justice après la guerre. La documentation réunie
par le CDJC fut ainsi utilisée pour préparer le
procès de Nuremberg. À partir de 1950, Isaac
Schneersohn milita pour ériger un tombeau-mémorial consacré aux victimes de la Shoah. Le
projet suscita les réserves d’une partie de la communauté juive, qui redoutait à l’époque de dissocier les victimes juives des autres victimes de la
guerre. Le Mémorial du martyr juif inconnu fut
inauguré le 30 octobre 1956 en présence de 50
délégations venues du monde entier, avant que
l’État d’Israël ne fasse édifier un autre Mémorial
à Jérusalem (Yad Vashem). Le Mémorial est
constitué d’un parvis et d’une crypte où ont été
déposées les cendres en provenance des camps
d’extermination et du ghetto de Varsovie. Classé
monument historique en 1991, il a été récemment rénové, avec notamment l’érection du
Mur des noms ici représenté (doc. 5). La liste
des noms des victimes françaises de la Shoah
it
a pu être reconstituée grâce à l’énorme travail
accompli par l’avocat Serge Klarsfeld, fondateur
de l’Association des fils et filles des déportés
juifs de France, qui en publie une première version dans le Mémorial de la déportation des juifs
de France (1978). L’appel des noms des défunts
revêt dans de nombreuses religions une dimension rituelle. C’est le cas dans la religion juive,
comme l’indique ce verset d’Isaïe (56, 5) : « Et je
leur donnerai dans ma maison et dans mes murs
un mémorial (Yad) et un nom (Shem) qui ne seront pas effacés » (d’où le nom de Yad Vashem
donné au Mémorial de la Shoah à Jérusalem).
4. Pour François Mitterrand, la France, c’est
la République, et Vichy, qui a sabordé la
République en 1940, n’est donc pas la France.
C’était déjà la raison pour laquelle le général de
Gaulle avait refusé de proclamer solennellement
le rétablissement de la République à l’Hôtel de
Ville lors de la Libération de Paris, la République
n’ayant pour lui jamais cessé d’être. Quelles que
soient les révélations qui ont été faites sur la
jeunesse de François Mitterrand à Vichy avant
qu’il ne s’engage dans la Résistance – un itinéraire qui n’a d’ailleurs rien d’exceptionnel chez
d’authentiques résistants –, sa condamnation de
l’État français est sans équivoque. Mais en tant
que président de la République, il se refuse à
reconnaître la responsabilité de la France dans
les déportations juives ordonnées par Vichy.
Reconnaître cette responsabilité impliquerait
précisément d’officialiser rétrospectivement un
régime considéré comme illégal et illégitime par
tous les gouvernements français qui se sont succédés depuis la fin de la guerre.
Or, cette position officielle, qui avait été celle
des autorités françaises depuis la Libération, a
été de plus en plus fragilisée par les travaux historiques qui se sont multipliés sur cette période
et qui ont contribué à faire évoluer la mémoire
de la guerre dans l’opinion. C’est bien, en effet,
à l’issue d’un vote de l’Assemblée nationale que
les députés et les sénateurs présents à Vichy en
juillet 1940 conférèrent les pleins pouvoirs au
maréchal Pétain, même si les actes instituant
le régime de Vichy ne furent ensuite jamais
ratifiés par le Parlement. Pour la grande majorité des Français, y compris ceux qui, comme
François Mitterrand, purent ensuite s’engager
dans la Résistance, l’État français représentait
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
• 42
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
donc bien l’autorité légale en France et c’est à ce
titre que les agents de l’administration française,
jusqu’aux grands corps de l’État, ont continué
de le servir, à quelques exceptions près. La
République avait certes été abattue, mais l’État,
lui, avait bel et bien survécu à la « débâcle ».
Comprendre que des fonctionnaires, des policiers et des gendarmes aient pu continuer à obéir
aux ordres d’un État qui a accepté de livrer des
juifs aux autorités allemandes, et reconnaître
officiellement que ces actes engagent la responsabilité de la France, impose donc au préalable
d’admettre l’idée que Vichy n’a pas été qu’une
simple parenthèse dans l’histoire de France,
qu’il y eut bien une « France de Vichy », même
si cette dernière fut érigée sur les ruines de la
France républicaine et combattue par la France
résistante.
5. Dans son allocution prononcée en 1995 (doc.
4), Jacques Chirac tranche avec l’attitude de ses
prédécesseurs. Alors que ces derniers avaient
constamment cherché à évacuer le souvenir
d’un temps où « les Français ne s’aimaient pas »,
Jacques Chirac choisit au contraire d’assumer
ces « moments qui blessent la mémoire, et l’idée
que l’on se fait de son pays ». C’est bien « par
des Français, par l’État français » que les juifs
ont été arrêtés pour être déportés, même si le
crime en incombe d’abord, rappelle Jacques
Chirac, à « la folie criminelle de l’occupant ».
L’expression « État français » ne renvoie plus
seulement à Vichy, puisqu’un peu plus loin, le
président déclare « reconnaître les fautes du passé, et les fautes commises par l’État ». Jacques
Chirac choisit donc de reconnaître, au nom de
la continuité de l’État, les fautes commises par
l’administration française sous l’autorité du gouvernement de Vichy (« sous l’autorité de leurs
chefs »). Le président Chirac va jusqu’à parler
de « faute collective », expression qui a été et
reste fort débattue, car peut-on faire reporter sur
l’ensemble de la collectivité nationale la responsabilité des actes accomplis sous l’autorité d’un
régime dont l’existence n’a jamais été soumise
au suffrage populaire ? Pour autant, il refuse,
comme ses prédécesseurs, d’identifier la France
au régime de Vichy. S’il y eut effectivement une
« France de Vichy », la vraie France était incarnée par le général de Gaulle (« une certaine idée
de la France », revendiquée par le chef de la
it
France libre à la première page de ses Mémoires
de guerre), ainsi que par ces nombreux anonymes qui risquèrent leur vie pour sauver les
juifs de France.
Cette reconnaissance officielle, parfois abusivement qualifiée de « repentance » car elle relève
de considérations historiques et politiques et
non de motivations religieuses, a aussi permis
de rendre un hommage plus appuyé que par
le passé aux nombreux Français qui ont sauvé
des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.
Une plaque a été apposée à cette fin dans la
crypte du Panthéon et le souvenir des Justes de
France est désormais associé (depuis 2000) à la
mémoire des « victimes des crimes racistes et
antisémites de l’État français », célébrée chaque
année le 16 juillet, date anniversaire de la rafle
du Vel’d’Hiv.
6. Au retour des rares survivants de la Shoah,
la société française découvre l’horreur des
camps d’extermination nazis. Toutefois, les
premiers témoignages sur le génocide des juifs
ne rencontrent encore qu’un écho restreint dans
l’opinion. Les victimes juives de la guerre sont
confondues avec les autres victimes de la déportation. La complicité des autorités de Vichy est
largement occultée. C’est à partir des années
1960 que s’affirme une mémoire spécifiquement
juive de la Shoah. Témoins, commémorations,
lieux de mémoire en assurent la transmission.
L’opinion est davantage sensibilisée au rôle joué
par le régime de Vichy et par l’administration
française dans la mise en œuvre des déportations. En reconnaissant progressivement « les
fautes commises par l’État », les plus hauts dirigeants de l’État ont encouragé un travail de mémoire dont l’objet est non seulement de rendre
hommage aux victimes, mais de transmettre aux
générations futures les valeurs fondatrices de la
démocratie et de la nation françaises.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
◗ Étude
Les historiens et la transmission de la mémoire
� MANUEL, PAGES 72-73
Réponses aux questions
1. Ces extraits de deux manuels d’histoire de
l’enseignement primaire (doc. 1) mettent bien
en évidence les effets de la « révolution paxtonienne » sur la manière d’aborder la période
43 •
de l’Occupation à l’école. Le manuel de 1964
évoque, certes, la mise en place du régime de
Vichy après la défaite de 1940, mais rien n’est
dit de sa politique et de l’aide qu’il a apportée
à l’occupant. La torture, la déportation et les
exécutions des résistants sont mises au seul
compte des Allemands. La résistance passive
(« la majorité des Français refusaient d’obéir
aux Allemands ») et active (« beaucoup de patriotes décidèrent de leur résister ») est présentée comme une attitude très largement répandue. Les victimes civiles ne sont évoquées qu’à
propos du massacre d’Oradour. La déportation
des juifs n’est pas mentionnée, mais seulement
celle des résistants dans les camps de Dachau et
d’Auschwitz.
Comme le manuel de 1964, celui de 1997
évoque à son tour les privations dont ont souffert les Français durant l’Occupation, mais c’est
pour affirmer que « la plus grande partie de la
population cherche avant tout à survivre », et non
plus à résister. La déportation et l’extermination
des juifs dans les camps de concentration est
désormais clairement mentionnée ; la politique
de collaboration du régime de Vichy également,
et le texte précise bien qu’elle est conduite par
le maréchal Pétain. « Certains » collaborent,
« d’autres » résistent : collaboration et résistance
sont présentées comme deux formes d’engagement minoritaires, et d’une ampleur égale en
somme (une simplification d’ailleurs contestable, surtout si l’on se place en 1943-1944).
R. Frank (doc. 3) relève que la mémoire savante
des historiens a donc bien un impact direct sur
la mémoire collective des Français : les plus
jeunes générations ont une perception « moins
mythique » et plus « réaliste » de la période de
l’Occupation. Un sondage effectué en 1990 l’illustre parfaitement. Il compare les réponses d’un
échantillon de 600 personnes représentatives de
la population française de 18 à 44 ans et celles de
40 étudiants et lycéens des classes de première et
de terminale, par conséquent plus jeunes et plus
instruits que les précédents. À la question de
savoir quelle a été la préoccupation principale de
la majorité des Français pendant l’Occupation,
50 % des premiers considèrent qu’elle a été de
résister à l’occupant, contre seulement 26 % des
seconds. 63 % des jeunes répondent que l’attitude majoritaire a été « de ne pas s’engager »,
it
contre seulement 33 % des 18-44 ans. 63 % des
étudiants et lycéens savaient par ailleurs que la
rafle du Vel’d’Hiv a été conduite par des policiers français, contre 44 % pour les 18-44 ans.
Les jeunes étaient également plus nombreux à
juger « nuisible » le rôle de Pétain (67 %) que la
moyenne des Français (55 %).
2. Dominique Borne met en garde contre la
tentation de jouer sur l’émotion pour enseigner l’histoire de la Shoah. Deux effets pervers
peuvent en effet en résulter.
– À force de vouloir susciter la compassion, on
risque de nourrir un sentiment de culpabilité que
les élèves chercheront à refouler, par l’oubli ou
le rejet.
– L’approche purement émotionnelle, « spectaculaire », si l’on peut oser ce terme, de la Shoah,
ne permet pas de comprendre comment l’extermination de 6 millions de personnes a été rendue
possible dans une société qui, même dans une
Allemagne en guerre, n’était pas si différente
de la nôtre ; une société où, comme le suggère
D. Borne, les citoyens les plus ordinaires ont pu
se muer en bourreaux.
L’enseignement de la Shoah doit certes viser à
dégager la « singularité » de l’événement. Cette
singularité ne tient pas toutefois seulement
dans le caractère monstrueux des méthodes employées pour exterminer les juifs (dont certaines
n’étaient d’ailleurs en rien nouvelles, y compris
l’assassinat par le gaz), mais dans le processus
de désignation des victimes, jugées indignes de
vivre par le seul fait d’être nées. C’est en cela
que la Shoah peut être enseignée, comme l’écrit
Elie Wiesel, comme une « tragédie juive unique
aux dimensions universelles ».
3. Depuis l’ouvrage pionnier de Robert Paxton,
le rôle des dirigeants du régime de Vichy et du
maréchal Pétain a été réévalué en profondeur. Il
est bien établi désormais que le régime de Vichy
a pu disposer, jusqu’en 1942, d’une marge de
manœuvre non négligeable, exceptionnelle,
même dans l’Europe occupée. Ses dirigeants ont
pu croire qu’ils pouvaient amorcer le redressement de la France avant même que la guerre ne
soit terminée. La Révolution nationale (y compris dans son volet antisémite, avec le statut des
Juifs que les Allemands n’avaient pas demandé)
et la collaboration sont des initiatives françaises.
En voulant amener l’Allemagne à traiter la
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
• 44
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
France en partenaire, et non plus en vaincue, les
dirigeants de Vichy ont même pu aller jusqu’à
en devancer les exigences. On ne peut plus
distinguer, comme le faisait Robert Aron dans
les années 1950, un Vichy-Pétain et un VichyLaval : entre Pétain et Laval, les différends ont
porté sur les modalités, non sur le bien-fondé de
la collaboration. Le maréchal Pétain n’a jamais
joué double jeu dans l’attente de la libération
de la France, qui ne pouvait conduire selon lui
qu’à une subversion communiste. Enfin, Robert
Paxton a ruiné la thèse d’un Vichy-bouclier : les
Français ne doivent pas à Vichy d’avoir été plus
épargnés que les autres peuples européens, au
contraire, la France a été le pays le plus exploité
au service de la machine de guerre nazie.
Mais les historiens ont également remis en cause
le mythe résistancialiste. Comme a pu l’écrire
l’historien Philippe Burrin dans La France à
l’heure allemande, l’occupation allemande n’a
pas commencé avec Oradour-sur-Glane. Tout
en souhaitant la victoire des Alliés dès 1941, la
majeure partie de l’opinion s’est cantonnée dans
une posture attentiste, en cherchant à « s’accommoder » de la présence de l’occupant allemand.
La mémoire savante des historiens a pu ainsi
contribuer, rappelle R. Frank, à modifier la vision rétrospective des « années noires » dans les
jeunes générations scolarisées après les années
1980. Il faut toutefois ajouter que la « démythification » entreprise par les historiens répond aussi
aux attentes d’une opinion qui, depuis la fin des
années 1960, avait déjà commencé à prendre ses
distances par rapport au « mythe gaullien ».
4. Dans la préface de son livre, l’historien Pierre
Vidal-Naquet explique pourquoi, en dépit de
ses réticences initiales, il a finalement décidé
d’enquêter sur le négationnisme. Il ne s’agit
pas, explique-t-il, de répondre aux négationnistes comme on le ferait avec de vrais historiens
dans une controverse scientifique. Pierre VidalNaquet entend au contraire démonter la prétention des négationnistes à « réviser » l’histoire, à
user d’un discours pseudo-scientifique pour nier
l’existence des chambres à gaz, et au-delà, la
réalité du génocide perpétré contre les juifs par
l’Allemagne nazie. Face au délire antisémite des
négationnistes, qui poursuivent sur le terrain de
la mémoire des victimes l’œuvre d’extermination
des nazis, on ne discute pas une thèse, on com-
it
bat un mensonge. Et ce, en montrant comment
les négationnistes manipulent les sources pour
émettre de faux doutes sur la Shoah. L’enquête
a également pour objet de tenter de comprendre
pourquoi les élucubrations sans fondement de
quelques antisémites continuent de trouver malgré tout un certain écho dans le monde actuel.
5. La publication du manuel franco-allemand
d’histoire consacre le processus de réconciliation engagé dès les années 1950 entre les deux
pays. Les historiens y ont pris une part active :
l’Association des professeurs d’histoire géographie côté français, l’Institut de recherche sur les
manuels scolaires, fondé par Georg Eckert, côté
allemand. Il s’agissait au départ d’expurger des
manuels scolaires les stéréotypes nationalistes
qui, au XIXe siècle, avaient fait de la France et
de l’Allemagne des « ennemis héréditaires ». Le
manuel franco-allemand prolonge ces initiatives
en proposant un regard croisé sur l’histoire de
l’Europe et du monde. Son élaboration a montré
qu’il n’y avait aujourd’hui aucune divergence
entre Allemands et Français sur l’enseignement
de la Seconde Guerre mondiale. Et si débats il
peut y avoir sur telle ou telle question, ils n’ont
rien de spécifiquement franco-allemands.
Plus généralement, la publication du manuel
franco-allemand participe de la diffusion d’une
« mémoire partagée » de la Seconde Guerre
mondiale : d’où la dimension internationale de
certaines commémorations, comme celle du débarquement de Normandie, à laquelle un chancelier allemand, Gerhard Schröder, a été invité
pour la première fois en 2004.
6. Voir p. 29 la présentation de la question.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
◗ BAC
Étude critique de documents
Confronter deux textes
� MANUEL, PAGES 76-77
Réponses aux questions des encadrés
Sujet : « Lois mémorielles » et histoire
de la Seconde Guerre mondiale.
1. L’extrait qui s’oppose au point de vue de
Klarsfeld : « des lois successives […] ont restreint la liberté de l’historien, lui ont dit, sous
peine de sanctions, ce qu’il doit chercher et ce
qu’il doit trouver, lui ont prescrit des méthodes
et posé des limites. »
45 •
2. L’auteur fait référence aux thèses négationnistes qui ont commencé à émerger dans les
années 1980.
3. Les textes s’accordent sur le fait que l’histoire
est une science qui établit des faits. Klarsfeld
cherche à prouver la rigueur de sa démarche
d’historien en montrant qu’il a été capable de
revoir à la baisse le bilan des déportés raciaux
de France. Il veut montrer que l’analyse des lois
mémorielles n’est pas seulement celle d’un fils
de déporté.
4. Pour l’association « Liberté pour l’histoire »,
le seul fait que le Parlement ait légiféré sur
l’histoire est liberticide. Pour Klarsfeld, il s’agit
seulement de « poser des bornes de morale politique », au même titre que le choix de commémorer des jours fériés.
BAC BLANC
Sujet : La mémoire communiste
de la Résistance.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
Ce document permet de mettre en valeur que,
s’il existe bien une mémoire de la Résistance dès
les lendemains de la Libération, celle-ci n’est
pas unanime. Le PCF élabore une mémoire officielle de la Résistance et célèbre ses héros, ses
martyrs. L’objectif est politique : le parti « veut
être et sera le grand parti de la Renaissance française ». La France, en pleine période d’épuration et gouvernée par le GPRF, se cherche des
institutions. Le PCF est à l’époque le premier
parti national, fort de 380 000 adhérents en janvier 1945 et plus de 800 000 à la fin de 1946.
Dans L’Humanité du 11 octobre 1944 apparaît
pour la première fois le thème du « Parti des
75 000 fusillés ». Si ce chiffre est resté dans la
mémoire collective, c’est que les adversaires politiques du PCF l’ont utilisé en raison de son caractère outrancier pour dénoncer les erreurs historiques du PCF. Le PCF lui-même l’emploie de
manière inégale. Le chiffre n’est pas précisé sur
cette affiche mais sera répété de nombreuses fois
lors de la campagne électorale de 1946. Parler
de « dizaines de milliers » reste cependant excessif : on estime à 30 000 le total des civils fusillés
par les Allemands, et à 20 000 les résistants tombés au combat, communistes inclus. D’ailleurs,
le PCF ne fait pas de distinction entre fusillés,
déportés, ou ceux qui ont succombé au combat
ou sous la torture. Les croix qui occupent le haut
• 46
it
de l’affiche et évoquent un cimetière militaire
les assimilent tous à des soldats, morts au champ
d’honneur. S’il est certain que le PCF a payé un
très lourd tribut pendant la guerre, il rejoint la
Résistance tardivement et doit donc faire oublier
la période 1939-1941 qui précède l’entrée en
guerre de l’URSS au côté des alliés.
Enfin, l’affiche précise que « le parti des fusillés »
est l’expression d’un écrivain de la Résistance.
C’est Elsa Triolet qui semble à l’origine de la
formule qu’elle fait prononcer à un des personnages d’une nouvelle parue clandestinement en
1943.
◗ BAC
• Composition
Formuler une problématique
� MANUEL, PAGES 78-79
Sujet : Les mémoires de la Seconde Guerre
mondiale en France depuis 1945.
Proposition de plan :
I. Les troubles de la mémoire collective jusqu’à
la fin des années 1960.
II. Le réveil de la mémoire des années 1970 à
nos jours.
BAC BLANC
• Composition
Sujet 1 : La mémoire de la Shoah en France
depuis 1945.
Proposition de plan :
I. Une société relativement indifférente aux
témoignages des survivants du génocide (1945années 1960).
II. Une mémoire juive qui s’affirme (des années
1960 aux années 1980).
III. Une mémoire plus consensuelle qui rencontre aujourd’hui un large écho dans la société
(depuis les années 1990).
Sujet 2 : L’État, la mémoire et l’histoire de la
Seconde Guerre mondiale en France.
Proposition de plan :
I. Un État qui organise l’amnistie et l’amnésie
(de 1945 aux années 1950).
II. L’État face au lent réveil d’une mémoire qui
reste sélective (années 1960 et 1970).
III. Une relative acceptation par l’État du rôle de
la France dans la guerre à partir des années 1980.
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
• Étude critique de documents
Sujet : La mémoire de la Résistance.
L’intérêt de la confrontation de ces documents
réside dans l’utilisation conjointe qui est faite
de Guy Môquet, présenté comme un héros de la
Seconde Guerre mondiale par le gouvernement
de Nicolas Sarkozy et le PCF.
Les consignes envoyées par le ministre de
l’Éducation nationale Xavier Darcos afin de
commémorer le souvenir de Guy Môquet dans
les lycées font suite à une annonce faite par le
candidat Sarkozy lors de la campagne électorale
de 2007. La présentation des activités résistantes
de Guy Môquet sont très partiales. Sans minimiser le courage du jeune homme, son engagement
« pour la liberté au point de sacrifier sa propre
vie » célébré par le gouvernement UMP est en
fait plutôt politique. Il est arrêté pour son activité
de militant communiste à une époque où le PC
est interdit et son combat est avant tout social
it
plus qu’anti-allemand. À l’époque, l’URSS et
l’Allemagne sont toujours liées par un pacte de
non-agression. Guy Môquet est en revanche bien
fusillé en représailles d’un acte de Résistance.
L’affiche du PCF, elle, met l’accent sur le combat du jeune homme, sans préciser de quoi il
relève, mais le montage de photographies militantes qui crée le visage de Guy Môquet incite
à penser que le PCF insiste sur son engagement
communiste. On notera une faute : il s’agit de
Châteaubriant et non Châteaubriand.
Cette décision de Nicolas Sarkozy a fait polémique. Une partie de la classe politique avait dénoncé une volonté de récupération politique. Les
partis de gauche dénonçaient l’occultation de
l’engagement politique de Guy Môquet et une
« instrumentalisation de l’histoire ». Dès 2008, la
lecture de la lettre s’est faite plus discrète et a été
intégrée à la Semaine de l’Europe à l’école.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
47 •
Chapitre
3
L’historien et les mémoires
de la guerre d’Algérie
e
s
s
it
� MANUEL, PAGES 80-103
◗ Présentation de la question
– Faire comprendre aux élèves la différence
entre la mémoire et l’histoire et ainsi leur expliquer pourquoi les mémoires (nécessairement
plurielles) entrent fréquemment en conflit avec
l’histoire (qui prétend parvenir à un récit univoque et consensuel).
– Insister sur le rôle à la fois central, nécessaire
et contesté de l’État dans l’élaboration tant de
l’histoire que de la mémoire, qui explique bien
souvent la confusion qui tend à se faire entre ces
deux registres de rapport au passé.
– Montrer enfin comment la mémoire constitue un objet d’histoire à part entière, en ce que
l’historien peut en étudier les évolutions dans les
temps et tenter d’y apporter des explications.
• Il convient de mettre en lumière la différence
fondamentale entre ces deux types de rapport au
passé, l’histoire et la mémoire, mais sans pousser à outrance leur séparation. Il faut montrer
comment la distinction entre les deux, théoriquement radicale, est souvent concrètement plus
complexe à mettre en œuvre. On ne peut donc se
contenter de présenter l’historien comme un acteur purement objectif et insensible, qui se situerait dans une sorte de juste milieu surplombant.
Il faut au contraire montrer que l’historien ne
peut pas ne pas tenir compte du contexte mémoriel dans lequel il évolue et dont il ne peut totalement s’abstraire. La manière dont la demande
sociale influence la production éditoriale suffit à
le démontrer. Le rapport biographique souvent
direct des historiens avec le sujet qu’ils traitent
en est une autre preuve. De même, le nombre
d’historiens de la guerre et de ses mémoires
qui interviennent avec régularité dans le débat
public (par voie de pétition, d’entretiens à la
presse, etc.) contredit le cliché de l’historien
protégé des soubresauts de la société par la tour
d’ivoire dans laquelle il serait confiné.
• Concernant le rôle de l’État, il est remarquable
en ce qu’il est à la fois le principal commandi-
o
B
it
e
s
s
o
B
• Dans le cadre d’une question sur les rapports
entre histoire et mémoire, elle-même inscrite
dans un thème plus général sur le rapport des
sociétés à leur passé, le professeur est invité à
choisir entre une étude sur les mémoires de la
Seconde Guerre mondiale et une autre sur celles
de la guerre d’Algérie.
• L’intérêt de l’étude des mémoires du conflit algérien par rapport à celles de la Seconde Guerre
mondiale tient à deux spécificités de la question. D’abord, elle est transnationale, alors que
le programme limite l’étude des mémoires de
la Seconde Guerre mondiale à la France. Cette
plus large extension permet de voir comment les
mémoires cheminent séparément, mais interagissent aussi fréquemment, de part et d’autre de
la Méditerranée. De plus, la guerre d’Algérie est
un sujet encore brûlant et fortement clivant, ce
qui est de moins en moins le cas des mémoires
françaises de la Seconde Guerre mondiale, devenues plus apaisées. Aussi les élèves ont-ils à
propos de la guerre d’Algérie et de ses mémoires
beaucoup plus de préjugés qu’ils ne peuvent en
avoir à propos de la Seconde Guerre mondiale.
Il est salutaire de déconstruire ceux-ci, en montrant la complexité d’un sujet auquel les propos
péremptoires et les jugements de valeurs manichéens ne conviennent guère.
• Le sujet est ample et nécessite le rappel de
certains aspects du conflit en lui-même, mais il
est tout à fait traitable dans le temps imparti par
le programme, à condition de bien en respecter
l’esprit. Il ne s’agit en effet pas de dresser un
tableau exhaustif des différentes mémoires de la
guerre et de retracer l’intégralité de leur évolution, mais de se demander en quoi l’existence,
l’évolution et la confrontation de ces différentes
mémoires a un impact sur le travail des historiens. Dans cette optique, trois grandes problématiques doivent être abordées :
• 48
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
it
taire de la recherche historique, à tout le moins
en France, et l’un des plus puissants producteurs
de mémoire. Par la commémoration, l’enseignement ou la loi, il ne cesse de produire de la
mémoire. Ce faisant, il ne fait pas que la perpétuer, mais la renouvelle. Toutefois, là encore, il
faut se garder de représenter l’État comme un
acteur mémoriel souverain et indépendant. Les
faits montrent au contraire qu’il ne fait la plupart du temps qu’agir sous la pression contradictoire de groupes porteurs de mémoires souvent
divergentes.
C. Liauzu, Colonisations, migrations, racismes,
Syllepses, 2009.
B. Stora, La Gangrène et l’oubli, la mémoire de
la guerre d’Algérie, La Découverte, 1991.
B. Stora, Le Transfert d’une mémoire. De
l’Algérie française au racisme anti-arabe, La
Découverte, 1999.
B. Stora, Les Guerres sans fin, Stock, 2008.
P. Vermeren, Misère de l’historiographie
du « Maghreb » postcolonial (1961-2012),
Publications de la Sorbonne, 2012.
◗ Bibliographie
◗ Plan du chapitre
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
R. Bertrand, Mémoires d’empire : la controverse
autour du « fait colonial », Éditions du Croquant,
2006.
P. Blanchard et N. Bancel (dir.), Culture postcoloniale 1961-2006, traces et mémoires coloniales en France, Autrement, 2006.
F. Besnaci-Lancou, B. Falaize et G. Manceron
(dir.), Les Harkis. Histoire, mémoire et transmission, Éditions de l’Atelier, 2010.
C. Bonafoux, L. de Cock-Pierrepont et B. Falaize,
Mémoire et histoire à l’école de la République,
quels enjeux ?, Armand Colin, 2007.
Collectif, La France et l’Algérie : leçons d’histoire. De l’école en situation coloniale à l’enseignement du fait colonial, INRP, 2008.
Collectif, « La France et l’Algérie : mémoire de
la guerre et guerre des mémoires », dossier de
la revue Maghreb-Macherck n° 197, Éditions
Choiseul, 2008.
Collectif, « Algérie-France, une communauté
de destin », dossier de la revue Hommes et
Migrations n° 1295, CNHI éditions, 2012.
C. Coquery-Vidrovitch, Enjeux politiques de
l’histoire coloniale, Agone, 2009.
J.-J. Jordi, Un silence d’État, les disparus civils
européens de la guerre d’Algérie, Soteca, 2011.
D. Lefeuvre, Pour en finir avec la repentance
coloniale, Flammarion, 2006.
G. Manceron et H. Remaoun, D’une rive à
l’autre. La guerre d’Algérie de la mémoire à
l’histoire, Syros, 1993.
E. Savarese (dir.), L’Algérie dépassionnée. Audelà du tumulte des mémoires, Syllepses, 2008.
E. Savarese, Algérie, la guerre des mémoires,
Éditions Non Lieu, 2007.
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
Comme tous les chapitres du manuel, on débute par une double page d’ouverture qui, par
la confrontation de deux images, permet de
poser les grandes problématiques du cours, en
l’occurrence le caractère encore polémique des
mémoires de la guerre, et le rôle crucial des États
et des groupes de pression mémoriels dans la
construction de celles-ci. Suit une double page
Retour sur… présentant les grandes étapes et
les principaux enjeux de la guerre d’Algérie, et
qui a pour objectif de permettre un rapide rappel
des principales connaissances acquises par les
élèves en première et qui sont indispensables à
la compréhension du chapitre de terminale.
Deux doubles pages de cours suivent, consacrées respectivement aux mémoires de la guerre
en Algérie et en France. Viennent ensuite deux
études consacrées à deux des acteurs les plus
influents dans l’élaboration des mémoires de la
guerre : les pieds-noirs d’une part, et les combattants de l’autre, qu’ils soient français ou algériens, militaires de carrière, appelés ou maquisards. Une double page est ensuite consacrée
à la manière dont les monuments, en France et
en Algérie, mettent en mémoire la guerre et en
perpétuent certains clivages. Vient enfin une
dernière étude qui s’inscrit dans une logique
conclusive par rapport aux précédentes : cellesci étudiaient les différentes mémoires en présence, celle-là montre en quoi elles compliquent
le travail des historiens du conflit, tant en France
qu’en Algérie. Une double page d’Histoire des
Arts se penche sur la manière dont la guerre a
influencé la chanson française depuis les années
1960 jusqu’à nos jours.
49 •
it
Commentaire des documents et réponses aux questions
◗ Ouverture de chapitre
� MANUEL, PAGES 80-81
Doc. 1. Une mémoire qui s’apaise peu à peu
entre les États…
(Photographie des présidents Chirac et Bouteflika
au milieu de la foule à Oran en mars 2003, à l’occasion d’une visite du président français.)
e
s
s
mots clés et les chiffres qui sont nécessaires à
une bonne intelligence des enjeux mémoriaux
entourant ce conflit.
1. Les mémoires de la guerre en Algérie
� MANUEL, PAGES 84-85
o
B
it
e
s
s
o
B
Cette photographie, ainsi mise en exergue,
peut laisser penser que la guerre d’Algérie fait
l’objet d’une mémoire apaisée et consensuelle
en France comme en Algérie ainsi qu’entre les
deux pays. On y voit en effet les présidents des
deux pays respectifs, qui ont tous deux participé
à la guerre dans des camps rivaux, tout sourire
au milieu d’une foule joyeuse. Drapeaux français et algériens se côtoient en signe d’amitié.
Doc. 2. … Mais qui demeure conflictuelle
dans la société française
(Photographie d’une manifestation de rapatriés
d’Algérie à Marseille le 13 mai 2008.)
Par contraste avec le document 1, cette photographie montre que non seulement la guerre d’Algérie est loin d’être un passé désormais apaisé et
consensuel, mais qu’elle est à la source de fortes
tensions au sein même de la société française.
Elle permet d’emblée de faire comprendre aux
élèves que retracer l’histoire des mémoires du
conflit algérien, ce n’est pas simplement opposer une mémoire française à une mémoire algérienne, mais bien étudier des mémoires conflictuelles dans chacun des deux pays.
◗ Retour sur…
La guerre d’Algérie
� MANUEL, PAGES 82-83
Cette double page n’a pas vocation à retracer
l’histoire de la guerre d’Algérie, mais de permettre aux élèves, qui l’ont étudiée en première,
de s’en remémorer les événements importants,
qui sont au cœur des conflits mémoriaux actuels,
et les acteurs qui perpétuent souvent la guerre en
se constituant par la suite en groupes de pression
mémoriels. Elle a donc été conçue comme une
boîte à outil, dans laquelle les élèves pourront
rapidement se remémorer les faits, les dates, les
• 50
Doc. 1. La guerre enseignée
(Extrait du manuel unique de 4e publié par le ministère algérien de l’Éducation nationale, 2006.)
Cette page est extraite de l’unique manuel scolaire algérien de 4e, rédigé sous étroit contrôle
étatique. Elle insiste dans sa présentation du
conflit sur les exactions dont l’armée française
s’est rendue coupable au cours de la guerre d’Algérie et sur la contradiction entre celles-ci et les
idéaux prétendument défendus par la France.
Elle passe en revanche sous silence les exactions
similaires dont le FLN s’est rendu coupable et
les divisions du camp algérien.
• Question. Un manuel d’histoire n’est pas nécessairement objectif. D’abord parce qu’il est
astreint au respect des programmes scolaires qui
sont fixés par l’État. Ensuite parce que, dans certains pays comme l’Algérie, il n’est pas rédigé
par des auteurs et publié par des éditeurs indépendants, mais entièrement réalisé sous contrôle
de l’État qui y diffuse donc la vision du passé
qu’il souhaite transmettre à sa jeunesse.
Doc. 2. La mémoire officielle
(Timbres algériens célébrant en 1999 le « déclenchement de la Révolution », et en 1997 l’indépendance.)
Ces timbres algériens ont été émis en 1997 et en
1999. Des timbres de ce type sont régulièrement
émis par la Poste algérienne, et l’évolution de
leur contenu constitue un reflet de celle du rapport entretenu par l’État et la société algérienne
à l’égard de la guerre d’indépendance.
• Question. Ces timbres présentent une image de
la guerre fidèle au récit porté par le FLN depuis
sa prise du pouvoir en 1962, mais fort éloignée
de la réalité historique. Les deux timbres du
haut montrent le combat inégal entre la force de
frappe d’une armée riche et moderne, ici dotée de
moyens aériens, et les combattants de l’ALN (en
tenue militaire) soutenus par des civils en armes.
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
Ceux-ci viennent finalement à bout de l’hélicoptère français. Le FLN se pose ainsi en vainqueur
des opérations militaires, ce qui est contraire à
la réalité : si le FLN a gagné la guerre, c’est sur
le terrain politique, mais il a été militairement
défait par l’armée française. Le timbre du bas
insiste quant à lui sur la joie unanime du peuple
algérien à l’annonce de l’obtention de son indépendance. Il passe sous silence le fait que tous
les Algériens n’ont pas milité pour celle-ci, et
surtout l’existence de sanglantes rivalités entre
les différents groupes indépendantistes algériens
et au sein même du FLN, rivalités qui ont précisément donné lieu au moment de l’indépendance
à de violentes luttes pour le pouvoir.
it
les difficultés propres à l’étude de la guerre
d’Algérie.
• Question. Parce qu’il concerne un épisode
dont les mémoires demeurent conflictuelles et
dont nombre des acteurs sont toujours en vie, le
travail des historiens sur la guerre d’Algérie est
particulièrement sensible. C’est ce qu’illustrent
les menaces de mort dont, parmi tant d’autres,
l’historien Benjamin Stora fut l’objet, le contraignant à s’exiler en Asie pendant plusieurs années. Le fait que les origines possibles de ces
menaces soient nombreuses montre la multiplicité des groupes mémoriels liés à ce conflit, et
la difficulté pour l’historien de faire entendre
sereinement sa voix au milieu de ces tirs croisés. La position de Benjamin Stora est d’autant
plus compliquée qu’en plus d’être un historien,
il est un acteur des événements puisqu’il a quitté
l’Algérie à la fin du conflit. Il peut donc être assimilé par les uns ou par les autres à un membre
d’un des groupes de mémoire issus du conflit
(pieds-noirs, juifs) ou au contraire être accusé de
trahison à leur égard.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
Doc. 3. Reconnaître les crimes du passé
Dans cette tribune publiée dans le quotidien algérien francophone El Watan en 2009, le romancier Anouar Benmalek, né en 1956 au Maroc et
qui possède la double nationalité algérienne et
française, exprime ses reproches à l’égard de la
politique mémorielle du FLN.
• Question 1. Pour Anouar Benmalek, il existe un
lien entre la guerre d’indépendance et la guerre
civile algérienne. Les non-dits relatifs aux excès
auxquels donna lieu la première auraient selon lui
permis la répétition de ceux-ci au cours de la seconde. En refusant de reconnaître et de condamner les pratiques inhumaines qui ont pu être les
siennes durant certains épisodes de la guerre
d’indépendance, le FLN entacherait son action
pourtant juste. Surtout, il laisserait entendre que
la juste cause (l’indépendance) permet tous les
excès de violence, argument qui peut ensuite être
repris à leur compte par les islamistes dans leur
lutte contre le même FLN. Celui-ci est bien en
peine pour condamner les massacres commis
par les islamistes puisqu’il n’a jamais renié ceux
commis par certains des siens durant la guerre.
• Question 2. Au travers de ce rapprochement
entre les deux guerres d’Algérie, on mesure en
quoi il est essentiel de regarder le passé avec
lucidité. En effet, le passé sert souvent d’inspiration aux acteurs du présent. En glorifiant tel
ou tel personnage, on le donne en modèle. Il
convient donc de ne pas le faire à la légère.
Doc. 4. Les difficultés de l’historien
Cet extrait d’un livre de l’historien français
Benjamin Stora, né en Algérie en 1950, illustre
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
2. Les mémoires de la guerre en France
� MANUEL, PAGES 86-87
Doc. 1. Le mécontentement des harkis
(Manifestation de harkis, Perpignan, 1976.)
Cette photographie d’une manifestation de harkis a été prise à Perpignan en 1976. À l’époque,
de nombreux harkis rapatriés vivent encore dans
des camps situés pour la plupart dans le SudOuest de la France. L’un des plus célèbres et des
plus grands d’entre eux est précisément situé à
Rivesaltes, en périphérie de Perpignan.
• Question. Ces harkis manifestent contre l’État
français qui, depuis quatorze ans, les maintient
dans des camps à l’écart de la société française.
Cette situation est d’autant plus vécue comme
une injustice que ces hommes se sont battus pour
la France ; ils estiment donc que celle-ci leur est
redevable.
Doc. 2. Le travail de mémoire de l’État français
Nicolas Sarkozy, né en 1955, est le premier président de la Ve République à n’avoir pas vécu
à l’âge adulte la guerre d’Algérie, à l’égard de
laquelle il peut donc prendre plus de recul que
ses prédécesseurs qui y furent d’une manière
51 •
ou d’une autre mêlés. Il est aussi l’un des présidents de la Ve République qui a le plus joué
des références historiques pour légitimer son action. Apôtre du « roman national », il s’est à plusieurs reprises exprimé contre la « repentance »
de la France à l’égard de son passé colonial. Il
a pourtant également prononcé plusieurs discours condamnant fermement le colonialisme, à
l’image de celui-ci prononcé à l’occasion d’une
visite à Constantine, en 2007.
• Question 1. Nicolas Sarkozy condamne sans
appel la présence française en Algérie, qu’il qualifie d’« entreprise d’asservissement et d’exploitation » génératrice de « douleurs » et de « souffrances ». Il prend cependant soin de distinguer
le système colonial français des Français venus
en Algérie qui « n’avaient l’intention d’asservir
ni d’exploiter personne ».
• Question 2. Les « douleurs » et les « souffrances » causées par la colonisation française
ne l’ont, d’après Nicolas Sarkozy, pas été par
les Français d’Algérie. Parmi les populations de
l’Algérie coloniale, il n’oppose pas des bourreaux à des victimes, mais met sur le même plan
toutes les catégories de populations, qui sans
exception furent selon lui victimes du système
colonial. Ainsi, il a un mot de compréhension
à l’égard des différentes communautés concernées par le conflit : les pieds-noirs qui « étaient
de bonne volonté et de bonne foi », les nationalistes algériens qui « sont tombés les armes à la
main pour que le peuple algérien soit de nouveau
un peuple libre » ou les harkis « qui ont dû tout
abandonner ».
it
aux enseignants une vérité historique officielle,
ce qui entre en contradiction avec le fondement
même de leur travail, qui est de porter un regard
critique et sans cesse renouvelé sur le passé.
• Question 2. Selon les historiens signataires de
la pétition, l’écriture de l’histoire de la colonisation doit d’abord s’abstraire du souci qui est
celui de la loi de 2005 de juger de ce qui est
« positif » ou « négatif ». Selon eux, il faut plus
modestement encourager la multiplication des
recherches en France comme en Algérie, pour
tenter de dégager une perception plus fine du
conflit, vision nécessairement plus complexe
que les jugements de valeurs manichéens portés
par les initiateurs de la loi. Enfin ils insistent sur
l’importance de l’enseignement, afin de relayer
et de diffuser les résultats de la recherche auprès
de la société.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
Doc. 3. La mobilisation des historiens
Cette pétition, initiée par l’historien de la colonisation Claude Liauzu, fait suite à la loi du
23 février 2005 dont un alinéa demandait aux
enseignants de souligner le « rôle positif de la
présence française outre-mer, notamment en
Afrique du Nord ». L’alinéa en question a finalement été abrogé à la demande du président
Chirac.
• Question 1. Ces historiens s’opposent à cette
loi pour deux raisons : d’abord parce qu’elle est
mensongère et non conforme à la réalité historique, passant sous silence les nombreuses exactions provoquées par la colonisation. Ensuite
parce qu’elle tente d’imposer aux historiens et
• 52
Doc. 4. Le réveil des mémoires
(Une du quotidien Le Monde du jeudi 3 mai 2001.)
• Question 1. Presque quarante ans après la fin
de la guerre d’Algérie, la question de la torture fait la une d’un grand quotidien national.
Cela peut sembler étonnant dans la mesure où
l’existence de la torture est connue et dénoncée
depuis l’époque du conflit lui-même. C’est la
publication d’un livre de mémoires du général
Paul Aussaresses, dans lequel il reconnaît avoir
commandité des actes de torture, qui explique
ce retour sur le devant de la scène médiatique.
Celui-ci s’explique aussi par l’absence d’une
reconnaissance et d’une condamnation claire de
l’État dans ce dossier, ce qui entretient la polémique qui rebondit ainsi d’année en année.
• Question 2. Le travail des historiens sur la
question de la torture est particulièrement difficile pour plusieurs raisons. D’abord parce que
c’est un sujet qui met en cause l’État et l’armée
française et qui suscite l’émotion de l’opinion
publique. Ensuite parce qu’il y a une distorsion entre le temps de la recherche et celui des
médias. Alors que les historiens s’attachent à
établir des faits, qui pour beaucoup sont connus
de longue date, les médias sont en quête de
« scoops » et tendent fréquemment à présenter
comme des révélations des faits déjà connus.
On a par ailleurs ici un bel exemple de la différence de statut accordé au témoignage : celui
du général Aussaresses est livré par le journal
comme une vérité indubitable sans guère plus de
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
recul, alors que le réflexe premier de l’historien
aurait été de le soumettre à une analyse critique,
qui passe notamment par la confrontation avec
d’autres sources.
◗ Étude
Les pieds-noirs et la mémoire de la guerre
d’Algérie
� MANUEL, PAGES 88-89
réponses aux questions
it
4. Il n’existe pas une communauté pied-noire
unanime, mais certains pieds-noirs ont su très
tôt se regrouper au sein de groupes de pression
particulièrement puissants. Ils sont capables de
mobiliser régulièrement leurs militants pour participer à des manifestations et faire entendre leur
voix. C’est par exemple le cas du Comité national
d’action des rapatriés qui, par cet autocollant de
1973, incite ses partisans à rester unis pour obtenir une « réparation » de l’État, notamment en faisant pression sur les élus. La communauté piednoire a en effet pour particularité d’être fortement
concentrée dans le sud-est de la France, où elle
constitue donc un électorat que les élus locaux
mais aussi nationaux ne peuvent pas négliger.
5. Ce pied-noir s’étonne du fait que de nombreux Algériens, une fois devenus indépendants, aient décidé de venir s’installer en France,
voire de devenir français, alors qu’ils venaient
d’obtenir ce pour quoi ils avaient tant lutté. Il
estime que l’immigration algérienne en France
atteint un niveau excessif, laissant entendre qu’il
trouve regrettable que les mêmes Algériens qui
ont poussé les pieds-noirs à l’exil viennent aujourd’hui s’installer en France.
6. Cette manifestante brandit une pancarte sur
laquelle on voit, sous une casquette militaire
symbolisant le général de Gaulle, une citation
de celui-ci affirmant que de son vivant, « jamais
le drapeau FLN ne flottera sur Alger ». Elle dénonce donc la trahison dont elle s’estime victime
de la part du général de Gaulle et plus généralement de l’État français dont il était alors le chef.
7. Dès leur arrivée en métropole, où ils furent le
plus souvent mal accueillis, certains pieds-noirs
ont développé des réseaux communautaires destinés d’une part à faire jouer la solidarité entre
rapatriés pour faciliter leur insertion dans leur
nouvelle vie, et d’autre part à faire pression sur
les pouvoirs publics pour faire entendre leurs
revendications. Très tôt, des associations se sont
constituées, qui publient des bulletins d’information, organisent des rassemblements festifs
ou revendicatifs, et se posent en interlocuteurs
des pouvoirs publics. L’un des principaux outils
dont usent les groupes de pression pieds-noirs
est le poids électoral qu’ils constituent dans certaines parties du sud de la France.
8. L’historien n’a pas à se positionner par rapport aux revendications des pieds-noirs, même
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
1. La mémoire des pieds-noirs, qui est loin d’être
monolithique, trouve sa source dans trois événements fondateurs :
– La guerre elle-même, avec son cortège de violences, qui marque profondément les esprits de
ceux qui l’ont vécue (doc. 2).
– Les incompréhensions et les tensions auxquelles la guerre a donné lieu entre les piedsnoirs et l’État français, accusé par certains de les
avoir abandonnés (doc. 5).
– L’expérience douloureuse de l’exil et les difficultés de l’adaptation à leur nouveau cadre de
vie à partir de 1962 (doc. 1).
2. Le témoin ne bénéficie pas du recul de l’historien par rapport aux faits qu’il a vécus. Il est
capable de donner des détails très précis sur ce
qu’il a vu et ressenti, mais faute de pouvoir comparer avec ce qu’ont vu et ressenti les autres acteurs du même événement, il ne peut en produire
une synthèse complète et équilibrée. Par ailleurs,
le témoin peut être tenté, plus ou moins consciemment, de se mettre en valeur en s’attribuant des
faits héroïques ou au contraire en cachant certains
détails peu à son avantage. Enfin le témoignage
comporte nécessairement une forte dose d’affectif, alors que le récit de l’historien cherche avant
tout à décrire, expliquer et comprendre.
3. Les pieds-noirs revendiquent avant tout la
reconnaissance du préjudice subi du fait de
l’exil de la majeure partie d’entre eux. En conséquence, ils attendent de l’État, jugé responsable
de leur sort, qu’il les indemnise des biens qu’ils
ont dû laisser derrière eux, et les aide à se loger
et à retrouver un travail dans leur nouveau pays.
Par ailleurs, dès 1963, on voit que la question
des disparus, c’est-à-dire des pieds-noirs enlevés
et le plus souvent tués, notamment après le cessez-le-feu, est un élément central de la mémoire
pied-noire.
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
53 •
s’il peut lui arriver d’être pris pour cible par certains de ceux-ci qui l’accusent de ne pas relayer
dans ses écrits leur vision du conflit algérien.
Pour l’historien, la mémoire des pieds-noirs
n’est intéressante que lorsqu’elle constitue une
source qu’il peut confronter à d’autres pour
construire son analyse, et que si elle constitue un
objet d’histoire à part entière dont il peut retracer
les évolutions.
◗ Étude
� MANUEL, PAGES 90-91
1. Houria Hicham porte un regard désabusé sur
la guerre d’indépendance à laquelle sa famille a
pris part. Elle constate que la victoire si chèrement acquise « d’un pays colonisé qui avait de
faibles moyens contre une nation extrêmement
puissante » n’a pas permis de concrétiser les espoirs portés par les combattants. L’indépendance
n’a en effet pas été synonyme de liberté, bon
nombre de combattants ayant été victimes des
luttes intestines qui ont divisé le camp nationaliste durant tout le conflit et qui n’ont fait que
s’accroître une fois la victoire acquise. Citant sa
mère, elle parle d’un « écœurement » à l’égard
de ce qu’est devenue l’Algérie indépendante.
2. La guerre d’Algérie a constitué un événement marquant pour des centaines de milliers
de jeunes Français qui ont été contraints d’y
prendre part. La première cause en est le déracinement que représente le passage de la métropole à l’Algérie, où, loin de leurs proches, ils
découvrent un environnement (des odeurs, des
paysages des bruits) qui leur était jusqu’alors
inconnu. La seconde cause, plus traumatisante,
est la découverte de la guerre, une guerre particulièrement brutale. Nombre d’appelés ont vu
des camarades mourir en Algérie, souvent dans
des conditions atroces, et certains ont également
donné la mort, parfois de manière cruelle.
3. Dès la fin de la guerre, les anciens appelés
d’Algérie constituent des associations dont la
principale est la Fédération nationale des anciens
combattants d’Algérie (FNACA). Par des manifestations, ils réclament le statut d’anciens combattants (qui leur donnerait droit à une pension
de retraite). Or ce statut ne leur est pas reconnu,
• 54
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
Des vies marquées par la guerre : la mémoire
des combattants
réponses aux questions
it
puisque l’État français n’admet pas alors l’existence d’une guerre en Algérie. Ce n’est qu’en
1974 que le statut d’ancien combattant est accordé aux appelés d’Algérie, décision confirmée
par la reconnaissance parlementaire, en 1999, de
l’existence d’une « guerre d’Algérie ».
4. La question de la torture est particulièrement
sensible, car elle a divisé la société française
dès l’époque de la guerre d’Algérie. Certains
militaires, engagés ou appelés, s’y sont opposés, d’autres l’ont pratiquée avec conviction ou
à contrecœur. Les officiers signataires du manifeste de 2000 en minimisent l’ampleur et surtout
en justifient l’usage. Ils insistent sur le fait que
la torture, qualifiée de « dérive […] marginale »
n’aurait été qu’une réponse à la terreur exercée
par le FLN et était destinée à y mettre un terme.
Les exactions commises par le FLN à l’égard de
populations civiles innocentes auraient été plus
graves que les tortures qu’ont pu commettre des
militaires français à l’égard de membres du FLN.
5. De nombreux combattants de la guerre d’Algérie éprouvent, des années après les faits, le besoin de livrer leur récit. Cela s’explique d’abord
par le fait qu’ils ont été marqués par la guerre
et qu’ils veulent parler, se libérer de ce poids.
L’âge venant, ils estiment aussi qu’il leur faut
laisser un témoignage afin que leur mémoire ne
disparaisse pas avec eux. Enfin, ils réagissent
souvent aux déclarations d’autres anciens combattants, d’historiens ou de journalistes, estimant
qu’ayant participé à la guerre, ils savent mieux
que quiconque comment celle-ci s’est déroulée, et qu’il est donc de leur devoir de corriger
ce qu’ils estiment être des erreurs ou des mensonges dans les discours sur la guerre.
6. Une guerre est un événement marquant pour
tous ceux qui y ont pris part. Elle l’est d’autant
plus dans le cas de la guerre d’Algérie que la
plupart de ceux qui y ont participé n’étaient pas
des militaires de métier et sont retournés à la
vie civile une fois celle-ci terminée. La guerre
conserve pour ces combattants, qu’ils soient
français ou algériens, une dimension fondatrice.
Elle a constitué une expérience marquant le passage à l’âge adulte pour les appelés, de la soumission à l’indépendance pour les indépendantistes.
7. Face à un ancien combattant de la guerre
d’Algérie, la première chose à faire est de lui
demander quand et où il y a exactement pris part.
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
On peut ensuite lui demander dans quel cadre
il y a pris part (était-il dans le camp français
ou algérien ? engagé ou appelé ?) et quel était
alors son avis sur le conflit. On peut ensuite lui
demander de raconter quelques épisodes marquants du conflit. Ce témoignage constitue l’illustration de ce qu’est une mémoire de la guerre
d’Algérie, mais il ne faut pas oublier qu’il en
existe plusieurs, souvent contradictoires. Il est
donc nécessaire de confronter ces réponses à
nos connaissances historiques pour en évaluer
l’exacte portée et les limites.
◗ Étude
Commémorer la guerre d’Algérie
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
� MANUEL, PAGES 92-93
réponses aux questions
it
tues perpétuent le mythe entretenu par le FLN
d’un soulèvement spontané des masses rurales
algériennes et d’une victoire militaire de l’ALN,
mythe qui légitime le pouvoir du parti unique.
4. Les monuments de Perpignan et de Marignane,
contrairement à ceux de Paris et d’Alger, n’ont
pas été érigés par des États, mais par des associations privées, en l’occurrence des associations de pieds-noirs. Elles sont d’ailleurs toutes
deux situées dans le sud de la France, où réside
une forte communauté rapatriée. Elles rendent
toutes deux hommages à une partie seulement
des victimes de la guerre : les civils disparus
(Perpignan) et les partisans de l’Algérie française (Marignane).
5. La commémoration est destinée à entretenir la mémoire d’une cause, à la fois en créant
un lieu de rassemblement pour ceux qui s’en
considèrent comme les porteurs, et en inscrivant
celle-ci dans l’espace public. Il s’agit de rendre
hommage à des acteurs de l’histoire considérés
comme dignes de mémoire, ce qui suppose une
sélection : on rend hommage à certains et pas à
d’autres. Au contraire, l’historien s’intéresse à
l’ensemble des acteurs concernés par le conflit
en n’en négligeant aucun. Il n’a pas pour objectif
de rendre hommage aux uns ou de dénoncer les
autres, mais d’expliquer les ressorts des agissements qui furent ceux des uns et des autres.
6. Loin de concourir à l’apaisement des conflits
mémoriels, les monuments sont souvent à l’origine de tensions entre groupes porteurs de mémoires rivales. Ainsi la stèle de Marignane a-telle été retirée sur décision de justice. Plutôt que
de se réunir autour d’un monument commun permettant de commémorer ensemble les victimes
de la guerre, françaises et algériennes, civiles et
militaires, chacun des groupes concernés préfère
construire son propre monument qui est autant
un hommage aux « siens » qu’une condamnation
des « autres ».
1. Le Mémorial du martyr d’Alger a été inauguré en 1982, pour la célébration des vingt ans
de l’indépendance du pays. Deux ans après le
« printemps berbère », il constitue un symbole
du rassemblement national voulu par le FLN. Le
Mémorial national parisien a lui été inauguré en
2002, à l’occasion des quarante ans de la fin de
la guerre.
2. L’érection d’un tel monument pose à l’État français de nombreux problèmes. D’abord, il s’agit de
commémorer une défaite, ce qui est a priori plus
compliqué qu’une victoire. Le choix du lieu est
particulièrement symbolique, et peut faire l’objet
de multiples contestations : faut-il le construire à
Paris, la capitale, ou dans le sud de la France, où
vivent de nombreux acteurs du conflit ? Surtout,
c’est la forme (ici volontairement assez dépouillée) et le contenu du monument qui peuvent faire
l’objet de débats : faut-il y inscrire le nom des
seuls militaires tués en Algérie ou de tous ceux qui
y ont combattu ? Des engagés ou des appelés ? Des
harkis ? Des victimes civiles ?
3. Les trois statues qui ornent le Mémorial d’Alger représentent une certaine vision de la guerre.
On y voit d’abord un paysan algérien en tenue
traditionnelle, muni d’un maigre fusil de chasse,
qui semble se rebeller. On le voit dans un deuxième temps dans une tenue militaire, lourdement armé et sûr de sa force. Enfin, on le voit
triomphant dans un bel uniforme, délaissant son
arme de la main droite et tendant une flamme
de la main gauche, symbole de liberté. Ces sta© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
◗ Étude
Écrire l’histoire de la guerre d’Algérie
� MANUEL, PAGES 94-95
réponses aux questions
1. Les premières études historiques sur la guerre
d’Algérie sont le fruit de recherches menées par
des historiens anglo-saxons. Cela s’explique par
55 •
le fait que ces pays n’ayant pas été impliqués directement dans le conflit, il était plus facile pour
leurs historiens de s’y consacrer, car ils n’étaient
pas soupçonnés d’être partisans des uns ou des
autres. L’éloignement géographique leur donnait
en quelque sorte le recul qu’il était plus compliqué pour les historiens français d’avoir quelques
années seulement après le conflit. On retrouve
ici un phénomène classique : qu’on songe au rôle
fondateur des travaux de l’Américain Robert
Paxton dans la connaissance du régime de Vichy.
2. En France comme en Algérie, les historiens de
la guerre sont confrontés à de nombreuses difficultés. D’abord, l’accès aux archives du conflit
n’est que partiel. Ensuite, l’État, qui est le principal pourvoyeur de fonds pour la recherche historique, les dissuade par divers procédés de se
pencher sur cette question. Enfin les nombreux
groupes de pression mémoriels, tant en France
qu’en Algérie, créent un climat d’intimidation
propre à détourner les historiens de ce terrain
brûlant où il y a plus de coups à prendre que de
reconnaissance institutionnelle à espérer.
3. Les historiens de la guerre d’Algérie entretiennent des rapports ambigus à l’égard des
pouvoirs politiques. D’une part, ils sont attachés
à leur indépendance et n’entendent pas laisser l’État leur dicter ce qu’ils ont à faire. D’un
autre côté, ils sont souvent des fonctionnaires et
sont donc dépendants de l’État. Par ailleurs, ils
interpellent fréquemment les pouvoirs publics
pour leur demander d’ouvrir l’accès à certaines
archives ou de reconnaître officiellement tel ou
tel événement passé. Nombre d’historiens de
la guerre d’Algérie sont des intellectuels engagés qui n’hésitent pas à prendre position dans
le débat public de leur pays respectif, comme
ici Benjamin Stora qui s’affiche aux côtés
it
d’hommes politiques de gauche lors d’une commémoration du 17 octobre 1961.
4. Les historiens entretiennent des rapports complexes avec les acteurs de la guerre. Certains
d’entre eux, comme Mohamed Harbi (doc. 3),
ont d’ailleurs été acteurs avant d’être historiens,
ce qui suppose la capacité d’adopter un recul critique vis-à-vis de sa propre action. Car pour les
historiens, la parole des acteurs, qui sont d’abord
des témoins, est une source essentielle de leur travail. Mais il leur faut toujours porter un regard
critique sur ces témoignages en les confrontant
à d’autres sources. Comme le souligne Daho
Djerbal, ce sont souvent les non-dits qui sont les
plus parlants. Mais l’objectivité dont se réclame
l’historien n’est pas synonyme d’indifférence :
Benjamin Stora rend ainsi publiquement hommage aux victimes de la répression d’octobre
1961.
5. Les historiens français et algériens entretiennent de bonnes et étroites relations. La plupart des historiens algériens fréquentent d’ailleurs régulièrement les universités et centres
d’archives français. De nombreux colloques et
publications collectifs témoignent de la vigueur
et de l’efficacité de cette coopération qui fait fi
des « nationalismes d’État » et cherche à élaborer un récit commun des événements.
6. Le travail des historiens est un préalable indispensable à l’élaboration d’une mémoire commune de la guerre d’Algérie. Tant que des récits
violemment contradictoires du conflit continuent
de prospérer, une réconciliation des mémoires
est impossible. Le rôle des historiens est donc de
produire un récit précis, juste et dépassionné de
cet épisode, puis d’en diffuser le contenu dans la
société, afin de préparer le terrain à l’émergence
d’une mémoire apaisée.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
◗ Histoire des Arts
Les mémoires de la guerre d’Algérie dans la chanson française
� MANUEL, PAGES 96-97
Analyse des œuvres
Observer
Interpréter
1. Le narrateur de la chanson d’Enrico Macias quitte
son pays du fait de cette peur du vide qui a poussé près
de 800 000 pieds-noirs à fuir l’Algérie en 1962. Les
causes de son départ ne sont cependant pas explicitées
L’histoire coloniale et migratoire a créé des liens
complexes entre les deux rives de la Méditerranée. On
trouve de part et d’autre des populations d’origines et
de religions diverses, et ceci sur plusieurs générations.
• 56
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
dans le texte, ce qui explique que cette chanson, écrite
par un juif algérien, a pu être reprise à leur compte par
des pieds-noirs, des harkis ou des immigrés algériens.
Le narrateur de la chanson de Médine quitte son pays
en guerre pour fuir les violences et trouver un travail au
« pays des employeurs ».
e
s
s
2. Le narrateur de la chanson d’Enrico Macias se dirige
vers la France car il en possède la nationalité et qu’il
y bénéficie du statut de rapatrié. Celui de la chanson
de Médine choisit la France, car il est lui aussi citoyen
français (en 1961) et qu’il peut compter sur la solidarité
d’une importante communauté algérienne déjà installée en métropole. Il pense pouvoir y trouver un emploi
pour sortir de la « misère du Maghreb ».
it
o
B
it
e
s
s
o
B
3. Bien qu’ils quittent l’Algérie pour des raisons très
différentes, les narrateurs des deux chansons éprouvent
un même sentiment de déchirement et de regret. Dans
les deux chansons, il est question de pleurs, d’« adieu »,
de « pincement dans le cœur ». Tous deux auraient préféré rester en Algérie si les circonstances le leur avaient
permis.
4. Chacun des deux narrateurs considère l’Algérie
comme son pays qu’il quitte pour une terre étrangère. Mais alors que la chanson d’Enrico Macias fait
référence à « mon pays », celle de Médine parle de
l’« Algérie française », manière d’insister sur la dépossession de la souveraineté nationale des Algériens à ce
moment.
5. La chanson de Médine fait référence au massacre du
17 octobre 1961 au cours duquel des manifestants algériens partisans du FLN ont été violentés par les forces
de l’ordre françaises à Paris. Les lois discriminatoires
dont il est question font référence au couvre-feu imposé en région parisienne aux seules personnes d’origine
nord-africaine.
Chacun des deux narrateurs se considère comme un
Algérien, et pourtant, tous deux quittent ce pays sans
doute définitivement. Leurs parcours témoignent de la
difficulté à définir l’identité algérienne : doit-elle intégrer les juifs ? Les pieds-noirs ? Les Kabyles ? Le FLN
victorieux tentera de régler cette question en imposant
une définition de l’identité nationale centrée sur l’islam
et l’arabité, qui provoquera en retour le soulèvement
berbère de 1980.
La mémoire de la guerre d’Algérie demeure très forte
en France car y vivent encore de nombreuses personnes
qui ont connu la guerre dans des camps différents. Qui
plus est, ces mémoires concurrentes sont relayées
d’une génération à l’autre.
Synthèse
6. La chanson d’Enrico Macias donne de la guerre l’image d’un vaste gâchis qui a renversé une société à l’identité
pluriséculaire, contraignant une partie de son peuple à l’exil. La chanson de Médine est un réquisitoire contre les
exactions commises par les autorités françaises à l’occasion de la guerre d’Algérie. Elle insiste également sur les
difficultés rencontrées par les immigrés algériens en France, ce qui l’inscrit dans les problématiques de la génération « beure » dont est issu Médine.
7. La chanson, surtout lorsqu’elle a connu un succès important, est une source utile pour l’historien, car elle traduit les sentiments qui à un moment donné ont été partagés par un groupe de personnes, par une génération. Elle
permet de se replonger dans l’atmosphère d’une époque, de saisir « l’air du temps ».
8. Prises isolément, ces chansons ne permettent pas d’écrire une histoire de la guerre d’Algérie. Elles expriment les
sentiments d’acteurs du conflit, mais n’expliquent pas les causes et le déroulement de celui-ci. Ce sont en revanche
des sources de premier ordre pour l’historien des mémoires du conflit, car elles témoignent de la façon dont, dans
différentes communautés et à différentes époques, a été perçu le conflit.
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
57 •
◗ BAC
◗ BAC BLANC
Étude critique de document
Étudier un discours politique
� MANUEL, PAGES 100-101
RÉPONSES AUX QUESTIONS DES ENCADRÉS
Sujet : L’État français et la mémoire de la
guerre d’Algérie.
1. En 1999, Jacques Chirac reconnaît pour la
1re fois officiellement que la France a mené une
guerre en Algérie.
2. Les harkis sont membres des forces supplétives musulmanes engagées au côté de l’armée
française. Ils sont à peu près 200 000. 50 000
gagnent la France à la fin de la guerre et sont
regroupés dans des camps. Parmi ceux restés en
Algérie, 60 000 à 70 000 sont massacrés par le
FLN.
3. Chirac fait allusion aux enfants issus de l’immigration, cette « génération beur » stigmatisée
par le Front national à partir des années 1980.
4. Chirac évoque la guerre d’Algérie, déchirement entre Français et Algériens mais aussi
double guerre civile.
5. Ces ombres font écho aux méthodes employées de part et d’autre et notamment à l’usage
de la torture.
6. Il s’agit ici d’honorer à la fois les soldats français (armée de métier, appelés et rappelés du
contingent) mais aussi les harkis.
7. Non, voir réponse 1.
BAC BLANC
• Composition
Sujet 1 : Les États français et algérien face à la
mémoire de la guerre d’Algérie.
Il semble pertinent de traiter ici séparément
l’usage qui est fait de la guerre d’Algérie par
l’État algérien dans une première partie, puis
dans une deuxième partie de l’attitude de l’État
français et de son évolution vis-à-vis du conflit.
o
B
it
e
s
s
o
B
Sujet : La mémoire de la guerre d’Algérie.
Ce discours de Bouteflika est représentatif de
la manière dont le FLN a instrumentalisé l’histoire de la guerre d’Algérie. Il n’est question ici
que de la gloire de l’ALN et du FLN. Aucune
mention n’est faite du GPRA et des groupes
nationalistes rivaux du FLN comme le MNA de
Messali Hadj. Le discours glorifie une lutte du
« peuple dans son ensemble », en niant l’existence des Algériens qui avaient fait le choix de la
France. Enfin, lorsque Bouteflika explique que le
FLN « imposa à la France des négociations à ses
conditions », c’est oublier que la France obtient
des avantages substantiels notamment dans les
clauses annexes, comme le droit de rester au
Sahara cinq années de plus pour terminer ses
essais nucléaires.
• 58
e
s
s
it
� MANUEL, PAGE 103
Sujet 2 : Guerre d’Algérie, guerre des mémoires ?
Ici, on peut envisager un plan à plusieurs
échelles, en étudiant d’abord la guerre des mémoires entre la France et l’Algérie, puis l’affrontement au sein de chaque pays de mémoires
communautaires contradictoires.
• Étude critique de documents
Sujet : La guerre d’Algérie et les Français au
début du XXIe siècle.
Ces documents montrent avec force la présence
encore très importante de la guerre d’Algérie
dans les mémoires françaises. Un an après la
reconnaissance officielle de la guerre par le président Chirac, l’appel des « 12 intellectuels » demande à ce que l’État reconnaisse l’usage de la
torture par l’armée française, dont Henri Alleg,
un des signataires, a d’ailleurs été victime, ce
qu’il relate dans son livre La Question. Un de
leurs arguments est qu’en Algérie « se dessine
la mise en cause de pratiques condamnables ».
Cependant il ne faut pas exagérer le mea culpa
d’un régime qui cherche l’apaisement au cœur
d’une guerre civile sanglante (1992-2002) et
qui ne remet en aucun cas en cause l’action du
FLN pendant la guerre. Aujourd’hui, ce mea
culpa n’a pas encore eu lieu de l’autre côté de la
Méditerranée. En France, le sondage effectué en
2003 montre que la guerre d’Algérie évoque de
nombreux souvenirs douloureux et qu’un sentiment de culpabilité domine en ce qui concerne le
sort fait aux harkis et aux pieds-noirs, de même
que l’usage de la torture par exemple. Il est
aussi particulièrement intéressant de constater
que pour 60 % des Français, la guerre pèse sur
l’intégration des jeunes issus de l’immigration
algérienne. Signe d’un passé qui ne passe pas.
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
Chapitre
4
it
Socialisme, communisme
et syndicalisme en Allemagne
depuis 1875
� MANUEL, PAGES 106-131
◗ Présentation de la question
e
s
s
découper la période allant de 1875 à nos jours en
quatre grands moments, lesquels correspondent
chacun à une certaine configuration entre socialisme, communisme et mouvement syndical.
1. L’essor de la social-démocratie et du mouvement ouvrier dans le contexte de l’industrialisation de l’Allemagne unifiée, de 1875 à 1918.
Entravé par l’absence d’un État unifié jusqu’en
1871, le mouvement ouvrier prend véritablement
son essor à partir du dernier tiers du XIXe siècle :
en 1871 se constituent les premiers syndicats
libres, en 1875 lors du congrès de Gotha naît le
premier parti d’Allemagne qui prend le nom de
SPD (Sozialdemokratische Partei Deutschlands,
parti social-démocrate d’Allemagne) en 1891. Il
est soutenu par les syndicats qui se structurent en
une puissante centrale en 1892. Dès cette époque,
le SPD associe un ancrage marxiste, une stratégie
révolutionnaire et des propositions réformistes.
Durant cette période, les socialistes font face à
une farouche opposition de la part de Bismarck,
dont ils sortent vainqueurs. Avec les syndicats
et, souvent au terme de grèves importantes, ils
obtiennent d’importantes avancées : conventions
collectives, baisse du temps de travail, augmentation des salaires. Le SPD devient à la veille de
la Première Guerre mondiale la première formation politique d’Allemagne. En 1914, bien que
divisé sur la question, il participe à l’Union sacrée, ce qui provoque une scission et la création
de l’USPD (Unabhängige sozialistische Partei
Deutschlands, parti socialiste indépendant d’Allemagne) en 1917 ; réformisme et pragmatisme
d’un côté représentés par Eduard Bernstein,
révolution et idéalisme de l’autre incarnés par
Rosa Luxemburg, divisent la famille socialiste.
2. De la fin de la Première Guerre mondiale à
l’interdiction, 1918-1933.
Il s’agit d’une période de très fortes divisions.
En 1919, le KPD (Kommunistische Partei
Deutschlands, parti communiste d’Allemagne)
o
B
it
e
s
s
o
B
La question à traiter porte sur « Socialisme et
mouvement ouvrier » à travers l’exemple du
« Socialisme, communisme et syndicalisme en
Allemagne depuis 1875 ».
• Maîtriser l’histoire des représentations, des
croyances religieuses, des idéologies est nécessaire à la compréhension des sociétés. Le
deuxième thème général du programme qui
s’intitule « Idéologies, opinions et croyances en
Europe et aux États-Unis de la fin du XIXe siècle
à nos jours » vise à donner aux élèves de terminale L et ES un certain nombre d’outils à cette
fin.
• La présente question invite à aborder l’histoire
du mouvement ouvrier selon deux dimensions
majeures : l’idéologie socialiste et l’action ouvrière, portée par les syndicats et les partis qui
s’en réclament. Le cadre de l’Allemagne est particulièrement pertinent. En effet, elle a été à la fois
la terre de naissance de Marx, une grande puissance industrialisée qui a vu l’essor des premiers
mouvements ouvriers, le cadre d’un affrontement
entre un socialisme démocratique et un communisme aligné sur Moscou, et enfin le pays où s’est
élaborée récemment la tentative d’un « socialisme
libéral » divisant le mouvement ouvrier lui-même.
De façon générale, l’Allemagne est le pays d’Europe occidentale dans lequel l’affrontement entre
socialisme réformiste et révolutionnaire est le
plus ancien et le plus fort.
• Ce chapitre sur « socialisme, communisme et
syndicalisme en Allemagne depuis 1875 » doit
permettre de dégager les caractéristiques majeures
du mouvement ouvrier en Europe, tout en soulignant les spécificités allemandes. Plus largement,
l’étude de la tension au sein des gauches entre réforme et révolution, propre à la plupart des démocraties européennes actuelles, doit être riche d’enseignements pour les futurs bacheliers français.
• Pour aborder ces questions, il est commode de
• 60
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
issu de l’USPD est né, dans le contexte d’une
vague révolutionnaire dont le soulèvement spartakiste est le moment le plus violent. Alors même
que d’importantes lois sociales sont obtenues
(journée des 8 heures, comités d’entreprises) et
que le SPD devient le parti pivot de la nouvelle
république de Weimar, la lutte entre les deux
gauches amène à une division du mouvement
ouvrier. Tandis que le KPD se bolchévise et
adopte en 1928, sous l’influence du Komintern,
la tactique « classe contre classe » qui assimile
les sociaux-démocrates à « l’avant-garde du fascisme », le SPD peine à endiguer la montée de la
droite nationaliste. Cette division irrémédiable
entre socialistes et communistes, qui est européenne à l’époque, a de graves répercussions
en Allemagne en rendant impossible un front
des gauches face à Hitler. En 1933, en quelques
mois, SPD, KPD et syndicats sont interdits.
C’est le début d’une parenthèse de 12 ans pour
le mouvement ouvrier allemand.
3. L’époque des deux Allemagnes et des deux
socialismes : social-démocratie à l’Ouest, communisme à l’Est (1945-1989).
C’est l’une des grandes singularités allemandes :
les deux pôles du socialisme, l’un socialdémocrate et réformiste, l’autre communiste
et révolutionnaire, se sont développés séparément dans le contexte de la guerre froide et de
la division de l’Allemagne. En RFA, le SPD
confirme son adhésion à la voie réformiste en
abandonnant officiellement toute référence au
marxisme lors du congrès de Bad-Godesberg en
1959 ; les syndicats ouest-allemands le suivent
dans ce mouvement. Cette nouvelle orientation
débouche sur son arrivée au pouvoir de 1969 à
1982 – avec Willy Brandt de 1969 à 1974 puis
Helmut Schmidt de 1974 à 1982. En RDA, sous
le nom de SED (Sozialistische Einheitspartei
Deutschlands, parti socialiste unifié d’Allemagne), c’est bien un pouvoir communiste,
aligné sur Moscou, qui s’impose. Bien que le
multipartisme demeure officiellement, le SED
dispose de la réalité du pouvoir, les syndicats lui
sont inféodés, la grève interdite, les manifestations matées, comme celle de juin 1953.
4. Le mouvement social allemand dans l’Allemagne réunifiée (de 1990 à nos jours).
Avec la réunification, les forces de gauche se
sont recomposées et les lignes de force au sein du
it
mouvement social se sont déplacées. D’anciens
partisans du SED, aidés de militants déçus de
l’évolution du SPD, donnent naissance à un
influent pôle à gauche des sociaux-démocrates,
die Linke (« la gauche »). Quant au SPD, il a
accédé au pouvoir de 1998 à 2005 avec le chancelier Gerhard Schröder. Ce dernier a procédé à
des réformes sociales impopulaires qui visaient
à rendre le marché de l’emploi plus flexible afin
de redonner à l’Allemagne de la compétitivité.
Cette politique a heurté les syndicats, braqué
une parti des militants sociaux-démocrates et a
conduit à une déroute électorale. La chancelière
conservatrice Angela Merkel a d’ailleurs rendu
hommage à la politique de son prédécesseur
social-démocrate. Si le communisme est mort,
l’opposition entre deux polarités au sein du
mouvement social – l’une pragmatique, l’autre
radicale – subsiste en se renouvelant. Commune
à l’ensemble des partis et des syndicats européens, cette tension adopte une forme d’autant
plus singulière que l’Allemagne est le pilier
économique d’une UE qui peine aujourd’hui à
trouver un modèle économique, entre politiques
libérales et politiques sociales.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
◗ Bibliographie
Ouvrages généraux sur l’Allemagne
H.-A. Winkler et O. Demange, Histoire de l’Allemagne, XIXe-XXe siècle : le long chemin vers
l’Occident, Fayard, 2005.
J. Rovan, Histoire de l’Allemagne des origines à
nos jours, Éditions du Seuil, 1999 (rééd.).
A. Wahl, L’Allemagne de 1945 à nos jours,
Armand Colin, 2009.
Manuels franco-allemands sous la direction de
P. Geiss, D. Henri et G. Le Quintrec : « L’Europe
et le monde du congrès de Vienne à 1945 »
(Première) et « L’Europe et le monde depuis
1945 » (Terminale), Nathan, 2006 et 2009.
Ouvrages spécifiques
J.-P. Gougeon, La Social-démocratie allemande
(1830-1996) : de la révolution au réformisme,
Aubier, 1996.
D. Herbet, Actes du colloque, Culture ouvrière,
mutations d’une réalité complexe en Allemagne
du XIXe au XXIe siècle, Septentrion, collection
« mondes germaniques », 2011.
S. Kott, A. Lattard et M.-B. Vincent, Histoire de la
61 •
société allemande au XXe siècle, La Découverte,
2011. T. 1 : « Le premier XXe siècle », T. 2 : « La
RFA, 1949-1989 », T. 3 : « La RDA, 1949-1989 ».
A. Wahl, Les forces politiques en Allemagne,
XIXe-XXe siècles, Armand Colin, 1999.
Filmographie
La question peut facilement être abordée à partir
d’un certain nombre de films dont notamment :
• Metropolis (1927) sur la société industrielle.
• Good Bye Lenin (2003) sur la transition entre
RDA et RFA.
• The Edukators (2004) sur la permanence des
idées socialistes radicales.
• La vie des autres (2006) sur la société
est-allemande.
◗ Plan du chapitre
it
tion, essor de la classe ouvrière et des premiers
partis socialistes, unité allemande) et les notions fondamentales (socialisme, communisme,
social-démocratie, syndicats), nécessaires à la
compréhension du chapitre.
Le premier cours couvre la période allant
de 1875 à 1918 et traite de la naissance et l’affirmation du socialisme. Le deuxième cours
aborde la question du socialisme et du communisme d’une guerre à l’autre (1918-1945). Il est
complété par une étude sur le moment clé de
1918-1919 et par une double page d’Histoire
des Arts consacrée à Grosz et à sa peinture de
critique sociale.
Le troisième cours traite des deux Allemagnes
et des deux socialismes, de 1945 à 1989. Il est
suivi d’une étude sur la place des femmes dans
le mouvement ouvrier. Le dernier cours envisage les questions du socialisme, du syndicalisme et de la réforme sociale depuis 1990 dans
le contexte de la mondialisation. Une dernière
étude est consacrée à la semaine de travail au
cœur des luttes sociales (de 1919 à aujourd’hui).
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
Le plan du chapitre suit un plan chronologique,
fondé sur les quatre moments évoqués plus haut
dans la présentation de la question. Au préalable,
la double page Retour sur… met en place les
grands repères chronologiques (industrialisa-
Commentaire des documents et réponses aux questions
◗ Ouverture de chapitre
� MANUEL PAGES 106-107
Doc. 1. Marx, père du communisme et père
spirituel de l’Allemagne de l’Est
(Rassemblement des Jeunesses communistes de RDA
devant le Karl Marx Monument à Karl Marx Stadt,
octobre 1971.)
Cette photographie présente toute l’ambiguïté
entre la figure fondatrice du socialisme allemand,
dont le SED se réclame en Allemagne de l’Est
(la photo a été prise à Chemnitz qui s’appelait
en 1971 Karl Marx Stadt, littéralement la « ville
Karl Marx ») et la pratique du « socialisme réel »
comme on l’appelait en RDA, un régime autoritaire et inféodé à Moscou. Le monument érigé
• 62
devant l’université de la ville fige dans la pierre
une pensée complexe, érigée en dogme officiel
et au nom duquel, les droits des travailleurs étant
théoriquement acquis, la grève est interdite.
Doc. 2. La social-démocratie entre centre
et gauche
(Affiche électorale du SPD pour les élections législatives du 22 septembre 2002.
Couverture du Spiegel, 18 novembre 2002 : « Camarade Schröder. Du nouveau centre au chancelier des
syndicats. »)
Le chancelier social-démocrate Gerhard Schröder,
élu en 1998, a infléchi sa politique vers un social-libéralisme qu’il a assumé lors des élections
législatives de 2002 en se proclament le « chancelier du centre ». Au même moment, l’hebdo© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
madaire de gauche Der Spiegel (« le miroir »)
rappelait à Schröder ses origines populaires (il
est né en 1944, n’a jamais connu son père mort
durant la guerre, et a suivi des cours du soir
pour obtenir ses diplômes de droit) et l’ancrage
de son parti à gauche. Le sous-titre du journal incite le chancelier réélu à s’éloigner « du
nouveau centre » pour (re)devenir « le chancelier
des syndicats ». Vœu pieux, puisque durant les
années qui suivent, son gouvernement adopte
les très impopulaires « réformes Hartz » qui
libéralisent le marché de l’emploi et suscitent
la vive opposition des syndicats et de nombreux
partisans du SPD.
À partir de l’analyse des trois documents, il
est possible de poser les questions proposées
page 106 en insistant sur la tension permanente
au sein de la famille socialiste entre théorie et
pratique, radicalisme et réformisme, idéalisme
et pragmatisme.
1. Naissance et affirmation
du socialisme (1875-1918)
it
(1891) et les syndicats ont a nouveau droit de
cité : leur action rencontre alors un indéniable
succès. La première décennie du XXe siècle qui
voit triompher les idées socialistes (le SPD devient la première formation politique allemande
en 1912) est celle des grandes victoires syndicales, notamment celles de grèves de la Ruhr
de 1905 où le nombre de grévistes a dépassé
350 000 et où la grève a été la plus dure (plus
de 5 millions de journées de travail perdues sur
l’année). Il peut être intéressant de corréler ce
document avec le document 4 qui illustre précisément le mouvement de 1905.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
� MANUEL, PAGES 110-111
Doc. 1. Bismarck contre le socialisme
(Caricature du journal britannique Punch, 1878.)
• Question. Ce dessin humoristique, publié
dans le journal conservateur britannique Punch,
évoque la loi dite « antisocialiste » adoptée par le
« chancelier de fer » en 1878. Bismarck a interdit
partis, syndicats et manifestations afin d’étouffer
le mouvement social naissant. Le dessin assimile
le socialisme à la fois à une tentation infantile
mais aussi à un danger (la figure du jeu pour
enfants a tous les traits d’un épouvantail que
Bismarck s’efforce de maîtriser).
Doc. 2. Luttes syndicales et grèves
en Allemagne
• Question. Ce document illustre par une série de
relevés l’évolution du nombre de mouvements
de grèves et leur réussite de la fin du XIXe siècle
(1890) jusqu’à l’entrée en guerre (1915). Selon
les ouvriers, la lutte syndicale a été de plus en
plus efficace, puisque la grève est considérée
comme un succès par un pourcentage croissant
(moins de 30 % en 1890 ; 75 % en 1915). À partir du moment où Bismarck quitte le pouvoir,
en 1890, le parti socialiste reconstitué en SPD
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
Doc. 3. Pas de réformes sans révolution !
Le SPD depuis ses origines comporte deux ailes,
tout en se réclamant d’un même marxisme. Selon
Eduard Bernstein, le SPD doit rechercher le pouvoir pour instaurer la réforme par des lois, en
reconnaissant de fait le suffrage universel et la démocratie bourgeoise. Selon les partisans de l’aile
gauche du parti, les futurs spartakistes de 1919
comme Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg,
l’ordre social bourgeois, jugé injuste, ne peut être
transformé que par la révolution.
• Question. Dans ce texte rédigé en 1898, Rosa
Luxemburg cherche donc à articuler les deux
notions qui travaillent le parti. Elle y développe
l’idée que réforme et révolution sont indissociables, parce que pour elle la réforme est un
moyen qui permet d’atteindre le but : la révolution sociale qui renversera l’ordre inégalitaire
bourgeois. Elle reproche à Bernstein d’oublier la
révolution au profit d’un programme réformiste
qui améliorerait le sort des travailleurs sans
changer de régime.
Ce document fait apparaître les profondes divisions qui parcourent déjà le SPD. Il permet de
mieux comprendre la scission de 1917 par laquelle s’est créé l’USPD, duquel est issu le mouvement spartakiste dont Rosa Luxemburg et Karl
Liebknecht étaient les leaders en 1919. À cette
date précisément, la rupture entre réformistes –
incarnés par le président SPD de la république
de Weimar, Friedrich Ebert – et révolutionnaires
est passée du terrain idéologique au terrain politique de l’affrontement.
Doc. 4. Les mineurs de la Ruhr
(Couverture de l’hebdomadaire Der Wahre Jacob,
21 février 1905.)
63 •
Ce document fait écho au document 2, puisqu’il
illustre les grandes grèves de 1905, les plus
importantes d’Allemagne de l’avant-guerre. La
Ruhr est une région située à l’ouest du pays.
Foyer de la révolution industrielle, elle était riche
en charbon. Elle est le fief de quelques grandes
dynasties patronales allemandes dont les Krupp
et les Thyssen.
• Question. L’hebdomadaire social-démocrate
Der Wahre Jacob illustre la grève de façon
spectaculaire : la mort sur son cheval fouette les
mineurs réduits en esclavage et tirent un char
en or dans lequel siègent deux grands patrons
de l’époque, Hugo Stinnes et August Thyssen.
À l’arrière-plan, les usines sidérurgiques de la
Ruhr tournent à plein, comme l’indiquent leurs
cheminées, d’où s’échappent les vapeurs des
hauts fourneaux. Cette mise en scène illustre
parfaitement les idées de Marx : ce sont les détenteurs du capital, les patrons, qui exploitent
la force de travail du prolétariat, pour en tirer
leurs profits – figurés ici par des sacs d’or entreposés dans le char. La mort symbolise le thème
de « l’appauvrissement du prolétariat » : selon
Marx, les capitalistes sont amenés à payer toujours moins leurs ouvriers pour conserver leurs
profits dans un contexte de concurrence accrue.
2. Socialisme et communisme
� MANUEL, PAGES 112-113
L’accord Stinnes-Legien a été obtenu dans le
contexte singulier de la défaite de 1918. Le
grand patron Hugo Stinnes, craignant une vague
révolutionnaire dans le pays un an après la révolution bolchévique en Russie et en pleine agitation spartakiste, se rapproche du chef de la puissante ADGB, Carl Legien. Les deux hommes
signent un accord historique : contre d’importantes concessions faites aux syndicats, Legien
s’engage à modérer les ouvriers et à chercher à
les détourner de la révolution.
• Question. Les principaux acquis de l’accord
pour les ouvriers sont : la reconnaissance des
syndicats, de leurs représentants et leur libre
exercice (articles 1 et 2), l’ouverture de négociations visant à déboucher sur des conventions
collectives par secteur (article 6), la fixation de
• 64
e
s
s
Doc. 2. Le coup de poignard dans le dos
(Affiche électorale du DNVP, 1924.)
Les années 1920 sont marquées par une montée du nationalisme représenté notamment par le
DNVP, le Parti national du peuple allemand, qui
conteste la république de Weimar et l’ordre issu
du traité du Versailles.
• Question 1. L’affiche représente deux personnages ; en rouge, un ouvrier masqué poignarde
dans le dos un soldat allemand portant le drapeau
de l’empire. Ce dessin fait écho à la thèse répandue
dans les milieux nationalistes, selon laquelle l’Allemagne aurait pu gagner la guerre si les « rouges »
ne s’étaient pas ligués contre elle. Par « rouges »,
il faut entendre aussi bien les sociaux-démocrates
(le premier acte politique de la République proclamée par le social-démocrate Philipp Scheidemann
le 9 novembre a été de signer l’armistice le 11)
que les membres de l’USPD, les communistes, les
spartakistes qui ont cherché à mener la révolution
fin 1918-début 1919.
• Question 2. Aux yeux des nationalistes, ces
forces se coalisent pour détruire l’unité du pays.
Ils cherchent ainsi à discréditer la République
social-démocrate en établissant l’idée que le
socialisme nuit à l’Allemagne.
La campagne du DNVP est payante puisque le
parti passe de 12 % des voix en 1920 à près de
20 % en 1924. La coalition menée par le SPD est
affaiblie, même si elle parvient à garder le pouvoir.
o
B
it
e
s
s
o
B
d’une guerre à l’autre (1918-1945)
Doc. 1. L’accord Stinnes-Legien
it
la journée de travail à 8 heures. Quant à l’article 10, il instaure l’idée d’une gestion paritaire
des entreprises entre salariés et représentants du
patronat ; il est l’un des fondements du modèle
économique ouest-allemand de la seconde partie
du XXe siècle (cf. cours 3).
Doc. 3. La social-démocratie
selon l’Internationale communiste
Le Komintern, ou IIIe Internationale, a été fondé
par Lénine en mars 1919 à Moscou ; il vise à
fédérer tous les partisans du bolchévisme. Le
Komintern, réuni en congrès une fois par an,
adopte un certain nombre de résolutions qui
orientent la politique des partis communistes
hors d’URSS.
• Question. Les deux documents présentés
traitent des rapports entre communistes, sociauxdémocrates et régimes bourgeois. Les communistes s’attaquent frontalement à la social© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
démocratie, qui est, selon la résolution de 1924,
assimilable au capitalisme, lui-même identifié
au fascisme (Mussolini est au pouvoir en Italie
depuis 1922). La résolution de 1928 précise ce
jugement : la condamnation ne concerne que
les élites social-démocrates, coupables d’être
de « vils serviteurs de l’impérialisme ». En
revanche, les travailleurs sociaux-démocrates
sont considérés comme des victimes de leurs
leaders, qui les abusent ; ils « se trompent avec
sincérité ». Ce document trace ainsi la stratégie
du parti communiste en Allemagne : lutter contre
le SPD, chercher à siphonner ses partisans. Cette
conduite a affaibli la gauche face au danger nazi.
Doc. 4. Le SPD face au péril nazi
◗ Étude
it
Spartakistes contre sociaux-démocrates :
le mouvement ouvrier divisé
e
s
s
� MANUEL, PAGES 114-115
RÉPONSES AUX QUESTIONS
1. Le 9 novembre 1918, l’empereur Guillaume
II abdique. Philipp Scheidemann, l’un des
dirigeants du SPD, proclame sans attendre
la République, de peur d’être débordé sur sa
gauche par les spartakistes. Afin d’éviter cette
perspective, il s’adresse à tous les partisans de
gauche, qu’ils aient été favorables à l’Union sacrée ou pas, ménageant une place pour l’USPD.
Il demande aux « travailleurs et travailleuses » allemands de s’unir pour reconstruire le pays après
une défaite dont il attribue la responsabilité au
Kaiser (« ce jour a vu la libération du peuple.
L’empereur a abdiqué… »).
2. Les spartakistes sont issus de l’aile gauche de
l’USPD qui avait été défavorable à la stratégie
d’Union sacrée. Tel Spartakus, l’esclave antique
qui s’était rebellé contre le pouvoir romain, les
spartakistes luttent contre les ennemis qui, selon
eux, oppriment le peuple allemand. Ils sont représentés sous la forme d’un dragon. Les figures
de l’empereur et des souverains allemands sont
baissées car, début 1919, l’Empire est tombé.
Restent alors à abattre des représentants de
l’ordre traditionnel : les nationalistes militaristes
(« neuer Militarismus », un nouveau militarisme
qui refuse la défaite), la bourgeoisie d’affaires
(« Kapitalismus ») et la noblesse terrienne
(« Junkertum », le terme « Junker » désigne en
allemand les grands propriétaires terriens).
Une quatrième tête, non nommée, semble symboliser la religion (le personnage porte un col
d’ecclésiastique).
3. Les spartakistes considèrent que le nouveau
pouvoir dirigé par le social-démocrate Friedrich
Ebert est traître à la cause des ouvriers. Arguant
du fait que le SPD a soutenu l’Union sacrée
durant la guerre, les spartakistes considèrent
qu’Ebert est un serviteur de l’ordre bourgeois
(« ils ont soutenu la bourgeoisie pendant quatre
ans, ils ne pourront faire autrement que de continuer »). Ils se décrivent a contrario comme les
seuls porteurs d’une véritable « paix socialo-prolétarienne » et d’une dynamique révolutionnaire
capable de porter le peuple au pouvoir.
o
B
it
e
s
s
o
B
(Affiche du SPD pour la campagne législative de
1932.)
La fin de la décennie 1920 a été dramatique pour
l’Allemagne. Touchée de plein fouet par la crise
de 1929, sa situation économique est catastrophique : le chômage touche 6 millions d’Allemands (plus de 25 % de la population active,
et il faut y ajouter le chômage partiel), le pays
ne peut plus rembourser ses dettes et l’extrême
droite prospère. Le SPD est à la fois affaibli sur
sa gauche avec un KPD à 15 % dans une stratégie d’opposition frontale (cf. document 3) et à
sa droite par une opposition nationaliste dont le
NSDAP d’Adolf Hitler est devenu la principale
force. Insignifiant en 1928 avec 2,6 % des voix, il
a atteint 18,3 % en 1930 et s’apprête à connaître
une victoire en 1932 avec 37,4 % des voix.
• Question. Les ouvriers étant les premiers touchés par la crise, le SPD craint qu’une partie
d’entre eux ne soient tentée par le vote extrémiste. L’affiche présentée est une mise en garde
contre cette tentation : ce qui attend l’ouvrier
dans « l’empire de la croix gammée », c’est la
mort figurée sous la forme d’une crucifixion.
Le SPD veut rappeler que le NSDAP est depuis
toujours l’ennemi du socialisme, du monde
ouvrier et que les discours d’Hitler ne sauraient
apporter les bonnes réponses à la crise sociale et
économique.
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
65 •
4. La déclaration de Scheidemann s’enracine
dans le courant réformiste et pragmatique du
SPD. Récusant toute révolution (« la propriété
doit être protégée des atteintes arbitraires »), prévenant que tout manque de respect à la loi sera
puni, il appelle le peuple à soutenir la paix civile
et la reconstruction. Il dessine les contours d’un
socialisme de gouvernement reconnaissant les
valeurs de la démocratie libérale.
Les spartakistes défendent quant à eux un socialisme révolutionnaire qui s’inspire du mouvement bolchévique. Tel Lénine en Russie un
an auparavant, ils espèrent mettre à bas le régime bourgeois (en supprimant notamment le
Parlement, le Reichstag) qui les a précédés et
donner le pouvoir à des « conseils des ouvriers
et des soldats ».
L’opposition entre réformistes et révolutionnaires, qui travaillait le SPD depuis sa création,
s’exprime pour la première fois nettement à cette
période. Elle prend un tour tragique dès lors que
Friedrich Ebert décide de mater l’insurrection
spartakiste. La rupture entre les deux tendances
socialistes est alors consommée.
◗ Histoire des Arts
it
5. Célèbre graveur allemande, proche du socialisme, Käthe Kollwitz a représenté la mort de
Karl Liebknecht, leader spartakiste. Sa gravure
sur bois rapproche Liebknecht de la figure des
saints, mort pour une noble cause. Bien que la
scène puise sa source dans la tradition chrétienne, le cadre est entièrement laïcisé. Même si
le blanc entourant la tête de Liebknecht peut rappeler une auréole, les personnages présents sont
tous des ouvriers. Le Stabat mater est devenu un
Stabat populus.
6. Il est possible de construire la réponse à cette
question en trois paragraphes. Le premier mettrait en place le contexte de novembre 1918 et
l’instauration de la république proclamée par
les socialistes, entérinant alors leur vocation à
exercer le pouvoir dans un cadre libéral et démocratique. Le second analyserait le discours politique du KPD, radical et communiste. Le troisième mettrait en place l’abime qui sépare alors
le SPD des spartakistes en insistant sur le fait
qu’il réplique un antagonisme ancien au sein du
mouvement social.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
Les Piliers de la société de George Grosz (1926)
� MANUEL, PAGES 116-117
Analyse de l’œuvre
Observer
1. L’aristocrate porte un costume, un monocle, une
épée, une chope de bière et une croix gammée sur sa
cravate. Sur son crâne, on reconnaît un cavalier de
l’armée allemande avec le drapeau de l’ancien empire.
Le journaliste tient un crayon, des journaux, une palme
ensanglantée et des lunettes. Sur sa tête, un pot de
chambre est une parodie du casque militaire de l’armée
de la république de Weimar. Le bourgeois politicien,
est gras, rougeaud, il porte également des lunettes,
le même drapeau que le petit cavalier sur la tête de
l’aristocrate et un slogan ironique envers le socialisme.
Dans sa tête, on reconnaît des excréments fumants qui
montrent la corruption de la classe dirigeante.
• 66
Interpréter
Le peintre cherche à les ridiculiser et les accuser. Pour
cela, il utilise des symboles comme le drapeau, l’épée,
la palme qui ont un sens fort. Il utilise également la
caricature, en exagérant les traits et en utilisant des
éléments irréels comme ceux qui sortent des têtes des
personnages. Grosz s’attaque à toute la classe dirigeante et à tous les hommes de pouvoir : clergé, armée,
politiciens (y compris les socialistes si le politicien est
Ebert), journalistes. Il insiste particulièrement sur la
violence des officiers, l’hypocrisie des journalistes et
les opinions politiques proches du parti nazi des aristocrates (croix gammée). En cela il affiche ses idéaux
politiques communistes.
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
2. Au second plan, sur la gauche, on voit un ecclésiastique (prêtre ou pasteur), les yeux fermés, souriant, qui
semble prêcher devant une ville où les immeubles sont
en feu. À droite, le peintre a représenté des soldats qui
semblent furieux et agressifs, avec des armes pleines
de sang à la main.
it
Le peintre dénonce une atmosphère de tension, de peur,
de violence et de destruction, où l’on n’est pas en sécurité. Les reproches du peintre faits à l’armée peuvent
renvoyer au moment de la révolution spartakiste en 1919
avec l’assassinat de Rosa Luxemburg et de militants socialistes notamment par les corps francs. Grosz dénonce
l’aveuglement du clergé, car il représente le prêtre les
yeux fermés devant la ville à feu et à sang. Celui-ci ne
veut pas voir ce qui se passe, ni prendre parti.
e
s
s
3. Grosz choisit principalement des couleurs violentes Tout le choix des couleurs concourt à dresser un poret sinistres : des dégradés de bruns et de gris, ainsi que trait négatif de ces « piliers de la société ». La peau des
du rouge.
personnages est souvent grisâtre ou rouge, couleurs qui
suggèrent l’alcoolisme, la maladie, un caractère malsain
et antipathique. Ils sont habillés de couleurs sombres, parfois sales comme la veste kaki de l’aristocrate ou celle,
ocre, du journaliste. Le politicien et le prêtre sont en noir,
couleur du deuil. Enfin le rouge, distillé par touches subtiles mais bien précises, indique la violence de tous les
protagonistes : rouge sang sur les armes, la palme, les
journaux, rouge du col du soldat, rouge des visages et
rouge enfin du feu qui s’échappe de l’immeuble.
o
B
it
e
s
s
o
B
3. D
eux Allemagnes, deux socialismes
(1945-1989)
� MANUEL, PAGES 118-119
Doc. 1. Erich Honecker, élu secrétaire général
du SED (1971)
(Journée du Parti socialiste unifié, 15 juin 1971.)
La RDA a été proclamée en 1949. De 1950 à
1971, son dirigeant était le secrétaire général du
SED (« parti socialiste unifié »), Walter Ulbricht.
En 1971, affaibli par l’âge et par une opposition
montante au sein du parti, il est contraint au
retrait. Leonid Brejnev, le leader soviétique,
impose à la tête du SED Erich Honecker qui
reste au pouvoir jusqu’en 1989, à la veille de la
chute du mur de Berlin. Honecker incarne une
ligne pro-soviétique fidèle à la doxa communiste
comme le montrent à l’arrière-plan les trois portraits de Marx, Engels et Lénine.
Doc. 2. La « démocratie populaire »
n’a pas d’opposition
• Question. Ce document extrait du journal officiel de la RDA de 1957 répond à une question
souvent posée à l’Est : pourquoi n’y a-t-il pas
d’opposition politique ? La question est d’autant
plus forte que l’Allemagne de l’Est a connu en
juin 1953 un soulèvement populaire contre le
régime au cours duquel les manifestants avaient
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
réclamé des élections libres. Le document apporte trois types d’arguments :
– L’opposition dans les démocraties libérales
n’est pas au service des ouvriers car elle divise
la classe ouvrière (dont les voix se répartissent
sur plusieurs partis) plutôt que de lutter pour
ses droits (« une démocratie n’existe pas là où la
classe ouvrière est divisée »).
– L’opposition telle qu’elle existe en RFA abrite,
sous couvert de démocratie, des forces conservatrices (le patronat) voire criminelles (il était fréquent en RDA d’affirmer que le SED, héritier du
parti communiste de l’entre-deux-guerres avait été
la seule force résistante au nazisme tandis que les
partis formés en RFA au lendemain de la guerre
avaient été plus ou moins favorables au fascisme.
Le texte laisse entendre que le personnel politique
de RFA a partie lié avec le régime nazi).
– L’argument le plus retors est le dernier : le texte
affirme que s’il existait une opposition en RDA,
elle contesterait, du fait même de sa tendance à
s’opposer, les acquis sociaux accordés aux citoyens est-allemands.
Doc. 3. Bad-Godesberg, la réforme du SPD
(1959)
Le congrès de Bad-Godesberg constitue un
tournant majeur dans l’histoire du SPD. Dans
67 •
le contexte d’une bipolarisation accentuée par
le repoussoir est-allemand, les sociaux-démocrates abandonnent définitivement la référence
au marxisme.
Le nouveau SPD, en rupture avec Marx, reconnaît ouvertement le capitalisme libéral (« la libre
entreprise et la libre concurrence sont des éléments importants de la politique économique sociale-démocrate ») dans la mesure où ses effets
sont atténués par la planification et l’action de
l’État (« la concurrence autant que possible, la
planification autant que nécessaire ! »). Dans le
même temps, le SPD se réclame de la vraie tradition socialiste en reprochant aux communistes –
le texte s’adresse directement aux dirigeants du
SED – d’avoir falsifié les idéaux du mouvement
ouvrier et d’avoir instauré une dictature.
• Question. Le programme de Bad-Godesberg
constitue à la fois une rupture idéologique avec le
marxisme, une condamnation politique du communisme et une clarification au sein de la gauche
allemande : le débat entre réformisme et révolution est clos, le SPD assumant désormais la voie
réformiste au sein d’une économie capitaliste.
Méthodologiquement, il peut être intéressant
de coupler l’analyse des documents 2 et 3 pour
montrer comment évoluent les deux partis de
gauche, de part et d’autre du rideau de fer dans
les années 1950-1960.
◗ Étude
it
Le mouvement ouvrier et les femmes
e
s
s
� MANUEL, PAGES 120-121
RÉPONSES AUX QUESTIONS
1. Le Parti communiste était attentif au sort des
familles ouvrières. Souffrant d’un manque d’éducation, elles ne savaient réguler les naissances.
L’affiche dépeint une femme enceinte aux traits
tirés, épuisée, tenant par la main un enfant, portant un autre dans ses bras. Elle suggère que trop
d’enfants est une charge impossible dans les milieux modestes, évoquant au passage le sort des
femmes seules. Le KPD fait de l’avortement un
droit pour les ouvrières, la possibilité d’échapper à la misère du nombre.
Le mari de Käthe Kollwitz était médecin. L’artiste
avait été sensibilisée durant des années au sort
de ces femmes enceintes sans l’avoir voulu, qui
défilaient dans le cabinet de son époux.
2. En 1928, le parti nazi n’a obtenu que 2,6 %
des suffrages. Mais la crise a changé la donne.
Le SPD qui a senti la montée de l’extrême droite
cherche à mettre en garde son électorat contre
toute tentation populiste. La cible de cette affiche est l’électorat féminin. Le SPD met l’accent sur le caractère traditionnaliste et réactionnaire du nazisme ; les femmes y sont considérées
avant tout comme des mères et des servantes,
leur place est au foyer au service de leur mari (le
Reich a d’ailleurs édité durant les années 1930
un « ABC de la femme allemande » rappelant à
ces dernières leurs devoirs envers leur mari et
leur pays).
3. Le régime est-allemand développe deux types
d’arguments justifiant le travail des femmes. Le
premier est moral : les femmes sont égales aux
hommes, par conséquent elles doivent pouvoir
exercer un emploi rémunéré. Le second est économique : en travaillant, les femmes contribuent
à leur enrichissement et à celui du régime (les
affirmations selon lesquelles les femmes ne sont
pas faites pour travailler « freinent le développement de la femme et de toute notre société »). Au
début des années 1960 et malgré les succès revendiqués, l’économie est-allemande peine à se
développer. Le régime poursuit une croissance
extensive en augmentant le nombre de bras au
travail. La question de l’égalité homme-femme
est largement un prétexte.
o
B
it
e
s
s
o
B
Doc. 4. La cogestion en Allemagne de l’Ouest
• Question. La cogestion est née avec les accords
Stinnes-Legien de 1918, mais elle ne se généralise, en RFA seulement, qu’après la Seconde
Guerre mondiale. Dans toutes les grandes entreprises allemandes, le conseil de surveillance – il
s’agit d’un organe non exécutif chargé de veiller au bon fonctionnement de l’entreprise – est
composé à parité de représentants des salariés et
des actionnaires. La cogestion est à la base du
modèle allemand de gouvernance, qui associe
étroitement les travailleurs et les syndicats à la
vie de l’entreprise. Le schéma fait écho au document 3 : à partir des années 1950, le SPD et les
syndicats allemands reconnaissent ouvertement
le capitalisme, ils cherchent davantage à l’aménager qu’à le révolutionner. C’est ce qui explique
que la négociation et le dialogue soient valorisés,
contrairement au modèle français où le rapport
de force s’exerce davantage dans la rue.
• 68
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
4. L’extrême gauche a fait de la question féminine l’un de ses thèmes les plus forts. Dans ce
discours, Helke Sander lie la libération féminine à la transformation des structures sociales.
Selon elle, le modèle économico-social allemand repose sur une alliance entre capitalisme
et patriarcat. Le seul moyen pour la femme de
s’émanciper est l’accès à la vie publique et aux
responsabilités politiques (« [Les femmes] ne
peuvent accéder [à leur identité] que par la solidarité entre elles et la politisation »). Il s’agit
de briser une tutelle qui passe notamment par
l’éducation. Le but à poursuivre n’est rien moins
qu’une révolution tant politique que sociale.
5. Pour des raisons non seulement liées à la
Seconde Guerre mondiale mais aussi à la guerre
froide et à la présence de troupes étrangères sur
le sol allemand, l’antimilitarisme est très répandu en Allemagne. À gauche, il est traditionnel.
Lorsque l’affiche est publiée, la crise des euromissiles en Europe fait rage, l’antimilitarisme
est à son comble : il a poussé Helmut Schmidt à
la démission en 1982.
Dans ces circonstances, les femmes du SPD
récusent toute participation à l’armée. L’affiche
laisse entendre en outre que l’appel aux femmes
pour de grandes causes (la famille, l’entreprise,
la santé, la défense) les relègue toujours aux seconds rôles. Autant de raisons de récuser l’appel
des femmes sous le drapeau.
6. Il peut être intéressant de souligner combien
la question féminine a préoccupé les forces de
gauche en Allemagne dès le début du XXe siècle.
Montrer également que l’approche varie en
fonction de la famille de gauche (SPD, SED, féministes). Enfin et que malgré tout, l’obtention
de l’égalité est une lutte difficile dans laquelle
les préjugés misogynes demeurent.
it
2002 pour sa réélection sur un programme de
« nouveau centre ». Afin de ne pas effaroucher
une partie de ses électeurs, le SPD réaffirme
son attachement à ses valeurs fondatrices. Ainsi,
l’affiche met en avant que le « centre » dont se
réclame Schröder et le SPD reste bien « rouge ».
C’est la couleur du SPD depuis sa fondation ;
elle rappelle le drapeau rouge des socialistes du
XIXe siècle et le radicalisme qui s’y rattache.
En Allemagne, chaque parti a sa couleur. Celles
du drapeau allemand correspondent aux trois
grands partis allemands ; noir pour la droite
conservatrice (CDU-CSU), jaune pour la droite
libérale (FDP) et rouge pour le SPD. L’affiche
cherche à rassurer les électeurs de gauche :
certes les réformes conduites par Schröder sont
libérales, mais elles sont faites au service de la
croissance et de la prospérité.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
4. Socialisme, syndicalisme,
réforme sociale depuis 1990
� MANUEL, PAGES 122-123
Doc. 1. Un nouveau SPD
(Affiche électorale du SPD pour les élections législatives de septembre 2002.)
• Question. Ce document fait écho à l’affiche
du chancelier Schröder située dans la double
page d’ouverture. Après une première victoire
en 1998, le chancelier SPD fait campagne en
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
Doc. 2. Angela Merkel juge la politique
de Gerhard Schröder
• Question. Angela Merkel prononce ce discours au lendemain de sa victoire électorale
contre le chancelier social-démocrate Gerhard
Schröder en novembre 2005. Elle rend un hommage appuyé à son prédécesseur d’une façon
particulièrement embarrassante pour le SPD et
les syndicats. Selon elle, le pays étouffe sous le
poids de la bureaucratie – comprendre de la dépense publique – et les entreprises manquent de
compétitivité en raison des salaires élevés. Or,
il s’agit d’un constat que dressait déjà le gouvernement précédent et auquel il avait donné
une réponse libérale, les lois Hartz. Merkel a
beau jeu de tirer son chapeau à Schröder – « il
a rendu de grands services à notre pays » – au
lendemain d’une élection qui a mis le SPD en
déroute. L’hommage de Merkel n’est pas seulement tactique : sur le fond, elle et le chancelier Schröder partageaient la même analyse des
difficultés économiques du pays. Leurs mesures
ont contribué à augmenter la compétitivité de
l’Allemagne, à lui assurer d’importants excédents commerciaux tout en limitant fortement la
consommation intérieure.
Doc. 3. Contre les lois « Hartz »
• Question. Les lois de flexibilisation du marché de l’emploi, connues sous le nom de lois
« Hartz », ont été adoptées par le chancelier
Schröder au lendemain de sa victoire électorale
69 •
de 2002. Elles ont rencontré une forte hostilité
au sein de son propre parti – Oskar Lafontaine,
numéro 2 du parti, est allé fonder die Linke – ainsi
que chez les syndicats et les autres composantes
de la gauche allemande. Ainsi, le PDS, héritier
du SED est-allemand, a organisé de nombreuses
manifestations, essentiellement dans les Länder
de l’ex-RDA où il était implanté, pour contester
l’orientation libérale des lois défendues par le
SPD. Cette photo témoigne de la permanence
de deux courants à gauche : celui du SPD, réformiste et libéral, celui du PDS et de la majorité
des syndicats alors, social et plus radical. Les
premières années du XXIe siècle voient ainsi rejouer l’opposition qui avait divisé le mouvement
social au début du XXe siècle.
◗ Étude
it
La semaine de travail au cœur des luttes
sociales
e
s
s
� MANUEL, PAGES 124-125
RÉPONSES AUX QUESTIONS
1. L’affiche est à mettre en relation avec les accords Stinnes-Legien, qui ont prévu une durée
légale de travail de 8 heures par jour fin 1918.
L’affiche fête l’obtention d’une revendication
syndicale ancienne.
2. Le Parti communiste (KPD) publie cette affiche en pleine crise. Il voit dans la baisse du
temps de travail (7 heures par jour pour une
semaine de quarante heures) la solution aux problèmes des ouvriers allemands. L’ouvrier allemand porte un drapeau soviétique. L’URSS est
le point de mire du KPD. À l’époque, Staline se
plaisait à affirmer qu’il n’y existait pas de chômage en Union soviétique. La révolution reste
l’horizon indépassable du KPD.
3. En 1953, la production est-allemande stagne.
Le régime décide alors d’augmenter la charge
de travail de 10 % sans augmentation de salaire.
Afin d’imposer cette idée, le régime use de la
propagande (Commentaire du syndicat FDGB)
en arguant qu’il s’agit d’augmenter le pouvoir
d’achat des travailleurs et non de baisser leur
revenu horaire. Sans succès.
4. La révolte du 17 juin 1953 est paradoxale à
double titre. D’abord, elle est menée par des
ouvriers contre un régime censé les représenter
et les protéger. En outre, alors que le pouvoir se
targue d’être une « République démocratique »,
les manifestants réclament des élections libres,
soulignant l’absence d’opposition et le caractère
autoritaire du SED. La répression sanglante de
la révolte par les chars de Moscou et l’armée
est-allemande a témoigné du mépris du pouvoir
communiste pour le peuple, donnant dramatiquement raison à ce dernier.
5. IG Metall pointe les limites du fordisme : il
permet une hausse de la productivité, des salaires et du pouvoir d’achat, mais il se révèle
« usant » pour les ouvriers. Aussi la revendication des 40 heures dans la sidérurgie apparaît
pour le syndicat aussi importante que la hausse
des salaires (qui est d’ailleurs régulièrement
consentie à l’époque). La deuxième justification
apportée par IG Metall renvoie à l’avènement de
o
B
it
e
s
s
o
B
Doc. 4. Die Linke, un renouveau du socialisme
allemand ?
• Question. Après avoir été l’un des leaders du
SPD, Oskar Lafontaine a quitté son parti pour
fonder die Linke en 2005. Ce parti socialiste se
situe à la gauche de la gauche. Lafontaine définit
ce mouvement à partir de son identité : il s’agit,
selon lui, d’un véritable mouvement ouvrier, qui
reviendrait aux idéaux premiers du socialisme :
que la politique prime l’économie, que le peuple
contrôle l’économie plutôt que de la subir,
puisque l’économie procède de choix (« s’il
n’est pas possible d’empêcher l’installation du
pouvoir économique, il faut le contrôler démocratiquement, sinon nous n’aurons pas de société démocratique ! »). Die Linke conteste donc le
tournant libéral pris par le SPD tout autant que
la mondialisation telle qu’elle fonctionne (d’où
l’appel du pied aux altermondialistes).
En ce sens, die Linke participe à une radicalisation des gauches qui a été commune à toute
l’Europe au début du XXIe siècle. L’acceptation,
tacite ou pas, de la mondialisation libérale par
les partis sociaux-démocrates a suscité sur leur
gauche une réaction critique qui a pris la forme
de nouveaux mouvements, partis politiques
(le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon
en France, les Indignés aux États-Unis ou en
Europe). La tension entre gauche pragmatique et
gauche radicale continue de structurer le mouvement social depuis ses origines.
• 70
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
la société de consommation et de loisir : le temps
libre.
6. En RDA, le FDGB est aux ordres du pouvoir.
Il ne défend pas tant les conditions de travail
des ouvriers est-allemands que la prééminence
du SED. En RFA, même proches du pouvoir (en
1966, une grande coalition gouverne, au sein de
laquelle le social-démocrate Willy Brandt est
vice-chancelier), les syndicats conservent leur
puissance de revendication. À vrai dire, la grande
différence entre les pays tient au fait qu’en RDA,
le syndicat est une courroie de transmission du
pouvoir tandis qu’en RFA, leurs interlocuteurs
sont les entreprises, non le pouvoir. Société centralisée contre société libérale.
7. Au début du XXIe siècle, dans un contexte de
faible croissance, de mondialisation et d’exacerbation de la concurrence, les syndicats ont
accepté de revoir à la baisse les conditions de
travail en Allemagne. Ainsi, la durée hebdomadaire du travail a augmenté sans contreparties salariales dans l’industrie ou la banque. En
outre, la flexibilité a été introduite. Le but des
syndicats est avant tout de préserver l’emploi en
Allemagne et empêcher les délocalisations.
8. Il peut être commode de diviser en trois temps
la réponse à cette question. La chronologie, les
documents 1, 2 et 4 montrent que les conditions
de travail ont été au centre des revendications
des syndicats. Les documents 3 et 4 permettent
d’opposer le fonctionnement des syndicats et
leur rapport au pouvoirs politique et économique
en RFA et RDA. Enfin, le document 5 et la chronologie mettent l’accent sur le caractère réversible des acquis relatifs au temps de travail.
it
3. Il s’agit du KPD, le parti communiste. L’étoile
à cinq branches représente l’unité des travailleurs des cinq continents.
4. Le rouge est la couleur de la gauche, le signe
le plus évident de reconnaissance entre les
révolutionnaires.
5. Le poing serré est aussi un des signes d’appartenance à la gauche. Signe surtout antifasciste, il
s’oppose aux troupes du bras tendu.
6. Ces trois flèches sont au départ conçues pour
barrer les croix gammées inscrites sur les murs.
7. En absence d’alliance de la gauche, le SPD
n’obtient que 20,4 % des voix. Hitler remporte
les élections bien qu’il perde 34 sièges.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
BAC BLANC
Sujet : Le socialisme en Allemagne à la fin du
XIXe siècle
Ce document permet d’aborder la naissance du
socialisme à travers le témoignage d’August
Bebel, une des figures majeures du mouvement.
La loi de Bismarck qui voit dans le socialisme
un danger révolutionnaire, permet de mettre
hors la loi les militants. Bismarck fait prolonger
ces lois anti-socialistes d’exception jusqu’à son
retrait de la vie politique en 1890. Cependant,
cette loi interdisait l’agitation militante sans toucher aux droits des parlementaires socialistes. Et
comme l’explique l’auteur ces initiatives sont
contre-productives. Elles renforcent la solidarité entre les ouvriers et le socialisme progresse
clandestinement.
◗ BAC BLANC
� MANUEL, PAGE 131
◗ BAC BLANC
• Composition
Étude critique de document
Étudier une affiche
Sujet 1 : Le mouvement ouvrier en Allemagne
depuis 1875.
� MANUEL, PAGES 128-129
RÉPONSES AUX QUESTIONS
Sujet : La gauche allemande au début des
années 1930.
1. Il s’agit d’associer le chancelier à l’aristocratie et plus largement à la grande bourgeoisie.
2. La crise économique a favorisé l’émergence
du parti nazi. Aux élections législatives de juillet 1932 il a déjà obtenu plus de 37 % des voix
et est devenu le premier groupe parlementaire.
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
Un plan chronologique semble adapté pour
mettre en valeur une périodisation nette. Afin de
ne pas dépasser trois parties, on peut envisager
de traiter la naissance et l’affirmation du mouvement ouvrier (1875-1918) dans une première
partie, puis la période 1919-1945, de l’entredeux-guerres à la période nazie. Enfin, dans
une troisième partie traiter la période qui court
de 1945 à nos jours, la période communiste et
division de l’Allemagne à son évolution après la
chute du bloc Est.
71 •
Sujet 2 : Socialisme, communisme et syndicalisme en Allemagne depuis 1945.
• Proposition de plan :
I. L’Allemagne communiste de 1945 à 1989.
II. Le socialisme dans l’Allemagne libérale de
1945 à 1989.
III. L’évolution des forces sociales dans l’Allemagne réunifiée depuis 1989.
• Étude critique de documents
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
Sujet : Socialisme et condition féminine en
Allemagne au XXe siècle.
Ce sujet complète l’étude du manuel consacrée
aux femmes dans les mouvements socialistes.
• 72
it
L’affiche 1 appelle les femmes à voter pour la
première Assemblée nationale constituante, dite
Assemblée de Weimar. C’est aussi pour elles le
premier scrutin puisqu’elles ont obtenu le droit
de vote la même année. Plus qu’une véritable
volonté d’émancipation, cette affiche témoigne
de l’apparition d’un tout nouveau électorat qu’il
s’agit pour le SPD de conquérir.
L’affiche 2, en revanche, va beaucoup plus loin
puisqu’il ne s’agit pas d’affirmer l’égalité des
droits, acquise en théorie, mais l’égalité sociale.
En RDA, les mesures prises pour émanciper
les femmes sont réelles, sur le modèle de celles
prises en URSS.
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
Chapitre
5
it
Médias et opinion publique
dans les grandes crises politiques
depuis l’affaire Dreyfus � MANUEL, PAGES 132-157
◗ Présentation de la question
e
s
s
La Fièvre hexagonale. Les grandes crises politiques 1871-1968, celles « qui sont en rapport
direct avec la forme gouvernementale du pays
remise par elles en question », à savoir l’affaire
Dreyfus, le 6 février 1934, le 10 juillet 1940,
mai 1958, avril 1961, mai 1968.
• L’affaire Dreyfus, qui ouvre l’étude, permet de
mettre en valeur le rôle de la presse, véritable
acteur de la démocratie. Elle lance l’affaire et
l’alimente. Son rôle est tel qu’elle se substitue en
partie aux institutions républicaines défaillantes
(justice, parlement).
• L’étude du 6 février 1934 permet d’avoir un
autre exemple du règne d’une presse qui, encadrée par la loi très libérale de 1881, connaît très
peu de limites, et dont la violence va amener aux
émeutes.
• On a choisi de considérer l’ensemble de la
période 1940-1944 comme une crise politique
majeure. Cela permet d’étudier la guerre de
l’opinion qui oppose la France libre à la France
occupée et de Vichy. Si la presse joue encore un
grand rôle, notamment à travers les titres clandestins, la guerre des ondes est un aspect nouveau : chaque camp a compris le profit qu’il
pouvait tirer de la radio, et aussi le danger que
celle-ci pouvait représenter entre les mains de
l’ennemi.
• Les crises de mai 1958 et avril 1961 permettent
d’étudier l’usage qui est fait des médias pendant
la guerre d’Algérie. On met l’accent sur la manière dont de Gaulle instrumentalise l’audiovisuel pour résoudre les crises. Cette grande crise
politique engendrée par la guerre d’Algérie permet aussi de montrer comment la presse tente de
résister à la pression étatique qu’elle subit pendant les guerres coloniales.
• La crise de mai 1968 permet d’aborder à la fois
la question du contrôle étatique sur l’ORTF et
le rôle des radios périphériques et des médias
contestataires nés pendant la révolte. Les acteurs
o
B
it
e
s
s
o
B
• Ce chapitre s’inscrit dans le thème « idéologies, opinions et croyances en Europe et aux
États-Unis de la fin du XIXe siècle à nos jours ».
Il s’agit d’étudier l’interaction de l’opinion publique et des médias en prenant les crises politiques en France comme terrain d’observation.
• Au XIXe siècle, l’avènement de la République
et du suffrage universel a fait de l’opinion un
acteur majeur de la vie politique. L’opinion
publique est devenue une donnée essentielle
pour des gouvernements soucieux de légitimer leur pouvoir et de satisfaire leur électorat.
Parallèlement, les innovations techniques et
l’essor du capitalisme ont provoqué un développement et une diversification des médias sans
précédent dans l’histoire. Considérés comme reflet de l’opinion, mais aussi comme agissant sur
elle, les médias intéressent l’État, qui cherche à
les contrôler et à les encadrer, surtout en période
de crise politique. Aujourd’hui, la généralisation des sondages et l’émergence de nouveaux
médias comme Internet ont fait profondément
évoluer la notion même d’opinion publique.
• Il ne s’agit pas ici de traiter des instruments
de communication dans leur ensemble, l’esprit
du programme invite à définir les médias de
manière très restrictive. Dans le manuel, il n’est
donc question que des supports chargés d’offrir
à leurs publics des représentations de l’actualité :
la presse écrite, la radio, le cinéma (pour ses actualités), la télévision et Internet.
• Dans la mesure où l’étude ne peut être exhaustive, le programme se concentre sur les moments
clés de l’histoire de la France à l’époque contemporaine que sont les grandes crises politiques.
Pour Michel Winock, les crises politiques sont
« de grandes perturbations qui ont mis en danger
le système de gouvernement républicain, qui ont
exercé une véritable menace sur l’organisation
des pouvoirs. » Il retient ainsi dans son ouvrage
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
73 •
de ce mois de crise font de la liberté d’expression une revendication majeure.
• Enfin, nous avons décidé d’intégrer la crise du
21 avril 2002 dans la réflexion. Cela permet de ne
pas arrêter l’étude en 1968 et d’analyser deux éléments qui bouleversent les médias traditionnels et
la notion d’opinion publique : l’arrivée d’Internet
et l’utilisation massive des sondages dans la vie politique. On peut se demander si les médias restent
représentatifs de Français dont le vote les a surpris.
On peut aussi étudier la remise en cause des sondages, qui auraient échoué à prévoir les résultats du
premier tour. Bref, cette crise permet de conclure
en se demandant ce qu’il advient de la notion
même d’opinion publique dans une société, où,
avec les TIC, chacun peut se prétendre journaliste.
• Une des difficultés majeures de ce chapitre est
qu’il suppose des élèves qu’ils aient déjà des
acquis solides pour comprendre toutes les crises
politiques dont il est question. Le professeur
n’a pas le temps de revenir sur chacune d’elles,
la plupart sont supposées connues depuis la
classe de première. D’autre part, bien qu’il ne
s’agisse pas de faire une histoire des médias, le
professeur ne peut faire l’économie d’un certain
nombre de repères fondamentaux. Par exemple,
il est essentiel que les élèves puissent situer
l’apparition des médias audiovisuels, radio puis
télévision, la manière dont ils prennent le dessus
sur la presse et dont ils se libèrent peu à peu du
contrôle gouvernemental.
◗ Bibliographie
Ouvrages généraux sur l’opinion
et les médias
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
C. Delporte, J.-Y. Mollier, J.-F. Sirinelli (dir.),
Dictionnaire d’histoire culturelle de la France
contemporaine, PUF, coll. Quadrige, 2010.
« L’opinion publique », TDC n° 941, octobre 2007.
F. d’Almeida, C. Delporte, Histoire des médias
en France de la Grande Guerre à nos jours,
Flammarion, collection Champs Histoire, 2010
(rééd.).
J.-N. Jeanneney (dir.), L’Écho du siècle.
Dictionnaire historique de la radio et de la télévision en France, Hachette Littératures, 2001 (rééd.).
E. Cazenave, C. Ulmann-Mauriat, Presse, radio
et télévision en France de 1631 à nos jours,
Hachette, 1995.
• 74
it
F. Barbier, C. Bertho Lavenir, Histoire des médias de Diderot à Internet, Armand Colin, 2009
(rééd.).
C. Bellanger et al (dir.), Histoire générale de la
presse française, PUF, 5 volumes, 1969-1976.
C. Méadel, Histoire de la radio des années trente :
du sans-filiste à l’auditeur, Anthropos, 1994.
P. Laborie, « Opinion publique », in C. Delacroix
et alii. (dir.), Historiographies, II. Concepts et débats, Gallimard, Folio histoire, 2010, pp. 803-813.
P. Bourdieu, « L’opinion publique n’existe pas »,
Questions de sociologie, Éditions de minuit,
1984.
Ouvrages sur les crises politiques
M. Winock, La Fièvre hexagonale. Les grandes
crises politiques 1871-1968, Éditions du Seuil,
coll. Points Histoire, 2009 (rééd.).
D. Tartakowsky, Le Pouvoir est dans la rue :
crises politiques et manifestations en France,
Aubier, 1998.
Ouvrages sur l’affaire Dreyfus
P. Birnbaum, L’Affaire Dreyfus : la République
en péril, Gallimard, coll. Découvertes, 1994.
P. Boussel, L’Affaire Dreyfus et la presse,
Armand Colin, coll. Kiosque, 1960.
V. Duclert, Dreyfus est innocent ! Histoire d’une
affaire d’État, Larousse, 2006.
L. Blum, Souvenirs sur l’Affaire, coll. Folio
Histoire, Gallimard, 1993.
C. Charle, Le Siècle de la Presse (1830-1939),
Éditions du Seuil, coll. L’Univers historique,
2004.
A. Pagès, « J’accuse… Un cri pour la rue »,
(En ligne), Mis en ligne le 20 novembre 2007.
Disponible sur : http://www.item.ens.fr/index.
php?id=187360
Ouvrages sur le 6 février 1934
M. Chavardès, Une campagne de presse : la
droite française et le 6 février 1934. Flammarion,
coll. Questions d’histoire, 1970.
S. Berstein, Le 6 février 1934, Gallimard, coll.
« Archives », 1975.
Ouvrages sur la Seconde Guerre mondiale
H. Eck (dir.), La Guerre des ondes. Histoire des
radios de langue française pendant la Deuxième
Guerre mondiale, Armand Colin, 1985.
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
J. Pessis, Les Français parlent aux Français,
Omnibus, 2 volumes, 2010-2011.
A. Callu, P. Eveno, H. Joly (dir.), Culture et médias sous l’Occupation. Des entreprises dans la
France de Vichy, CTHS Histoire, 2009.
P. Laborie, L’Opinion française sous Vichy : les
Français et la crise d’identité nationale, 19361944, Éditions du Seuil ; coll. Points histoire,
2001 (rééd.).
Ouvrages sur la guerre d’Algérie
et sur de Gaulle et les médias
Mai 1968, affiches, Tchou, 1968.
Ouvrages sur la crise du 21 avril 2002
C. Delporte, Images et politique en France au
XXe siècle, Nouveau Monde Éditions, 2006.
R. Cayrol et P. Delannoy, La Revanche de l’opinion : médias, sondages, Internet Éditions Jacob
Duvernet, 2007.
Sitographie
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
J.-N. Jeanneney, « Le Canard enchaîné se joue de
la censure », L’Histoire n° 367, novembre 2011.
M. Winock, « Ce qu’on savait vraiment »,
L’Histoire n° 292, novembre 2004.
M. Ferro, L’Information en uniforme : propagande, désinformation, mensonges, Ramsay,
1991.
Fondation Charles de Gaulle, De Gaulle et les
médias, Fondation Charles de Gaulle / Plon,
1994.
J. Bourdon, Histoire de la télévision sous de
Gaulle, Anthropos-INA, 1990.
Ouvrage sur mai 1968
it
« De Gaulle et les médias », sur le site de la
Fondation Charles de Gaulle : http://www.
charles-de-gaulle.org/pages/l-homme/dossiersthematiques/1958-1970-la-ve-republique/degaulle-et-les-medias.php
« Esprit(s) de mai 1968 », site de l’exposition de la
BNF : http://expositions.bnf.fr/mai68/index.htm
« Mai 1968 illustré », ensemble documentaire
sur le site de Sciences Po : http://bibliotheque.
sciences-po.fr/fr/produits/bibliographies/mai68
http://www.ina.fr/fresques/jalons/accueil :
« Jalons pour l’histoire du temps présent », site
pédagogique de l’INA.
« Dreyfus réhabilité », sur le site de l’Assemblée
nationale. Disponible sur : http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/dreyfus/dreyfus-chrono.asp
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
◗ Plan du chapitre
Les trois cours sont conçus de manière chronologique, en posant les jalons d’une histoire des
médias et de l’opinion publique. Chaque cours
est suivi de deux études présentant les crises
politiques de la période considérée et les médias
concernés.
Le premier cours (1881-1939) est centré sur
l’âge d’or de la presse écrite : le journal devient un objet central de la vie sociale et politique dans un cadre législatif très libéral. Les
études sur l’affaire Dreyfus et le 6 février 1934
montrent le rôle majeur de la presse dans les
crises politiques.
Le deuxième cours (1939-1967) analyse la
montée en puissance des médias audiovisuels et
le contrôle que l’État exerce sur eux. Il est suivi
par les études sur la Seconde Guerre mondiale et
la guerre d’Algérie.
Le troisième cours (de 1968 à nous jours) traite
d’une période marquée par la libéralisation des
médias, l’apparition d’Internet et la démultiplication de l’offre médiatique. La manière d’apprécier l’opinion publique connaît elle aussi de
fortes évolutions. Au début de la période, les
journaux en sont le principal outil. Mais à la fin
du siècle, les sondages finissent par s’identifier à
la notion même d’opinion publique. Les études
portent sur mai 1968 et avril 2002.
75 •
it
Commentaire des documents et réponses aux questions
◗ Ouverture de chapitre
� MANUEL, PAGES 132-133
Doc. 1. La presse au cœur de l’affaire Dreyfus
(« L’âge du papier », dessin de Félix Vallotton paru
dans Le Cri de Paris, n° 52, 23 janvier 1898.)
e
s
s
1. Médias de masse et crises politiques
(1881-1939)
� MANUEL, PAGES 134-135
Doc. 1. Un ton nouveau dans la presse
Le Canard enchaîné est un journal satirique
fondé en 1915 par Maurice et Jeanne Maréchal
et le dessinateur H.P. Gassier. Pour préserver
son indépendance, il refuse toute publicité. Bien
qu’il reprenne le titre d’un journal de tranchée, il
n’en est pas un. Sa ligne éditoriale est claire dès
le départ : il s’agit de dénoncer tous les scandales
publics, et en tout premier lieu la censure. La
une du premier numéro comprend d’ailleurs une
bande dessinée, Pour faire un journal en 1915,
dont l’héroïne est Madame Anastasie (nom donné à la censure).
• Question 1. Le ton de cet éditorial est humoristique et nettement ironique. L’auteur utilise l’antiphrase (« Chacun sait que la presse française
ne communique à ses lecteurs, depuis le début
de la guerre, que des nouvelles implacablement
vraies »), le comique « énorme » (contrat avec
une agence de Berlin) et les jeux de mots (« par
fil spécial barbelé »).
• Question 2. Les fondateurs du Canard enchaîné y dénoncent la censure et le bourrage de
crâne, en tentant de ne pas tomber eux aussi sous
les ciseaux d’Anastasie.
o
B
it
e
s
s
o
B
Le titre du journal, Le Cri de Paris, renvoie à la
vente à la criée, les journaux étant encore vendus
dans la rue par des vendeurs ambulants. Fondé
en 1897, le journal est un complément hebdomadaire de la Revue Blanche, revue culturelle et
artistique d’avant-garde, nettement dreyfusarde.
Félix Vallotton (1865-1925) est un artiste
d’avant-garde (membre du groupe des Nabis),
qui contribue régulièrement à la Revue et au
journal. Étranger en France (il est suisse, naturalisé français en 1900), il se tient généralement
à l’écart de la politique (mais il est proche des
intellectuels anarchistes). Le Cri de Paris vise un
lectorat de classe moyenne moins cultivé que la
Revue et bien que son bandeau rouge ne laisse
aucune ambiguïté sur sa couleur politique, il
évite tout sujet y ayant trait.
Ce document permet de mettre en valeur le
règne de la presse écrite à la fin du XIXe siècle.
Le nombre de titres, le tirage, l’importance de
son lectorat sont sans commune mesure avec
l’époque actuelle. Pendant l’affaire Dreyfus,
la presse est la seule source d’information des
Français. Ce dessin est publié quelques jours
après le « J’accuse » de Zola, qui est représenté
au premier plan.
Doc. 2. Le « choc du 21 avril » en direct
à la télévision
(Les écrans de télévision à 20 heures, le 21 avril 2002,
soir du premier tour de l’élection présidentielle.)
Ce document permet de mettre en valeur
la domination de la télévision au début du
XXIe siècle, au détriment de la presse papier qui
a vu son lectorat diminuer considérablement. Il
permet de montrer que c’est à travers ce média
que l’immense majorité des Français a été tenue
informée des résultats du premier tour de l’élection présidentielle, vécu comme une crise de la
démocratie. Le document montre aussi l’importance des sondages.
• 76
Doc. 2. La presse et l’affaire Salengro
(Une du Populaire, 19 novembre 1936.)
Le quotidien Le Populaire est fondé en 1916 par
Jean Longuet, petit fils de Karl Marx. Il devient
l’organe officiel de la SFIO en 1921 – en remplacement de L’Humanité qui se rallie au PCF après
le Congrès de Tours. Il est sous la direction de
Léon Blum depuis 1927.
• Question 1. La « feuille infâme » rendue responsable de la mort de Salengro est le journal
d’extrême droite Gringoire, fondé par Horace de
Carbuccia, gendre du préfet de police Chiappe.
La campagne de diffamation menée contre
Salengro l’accusait notamment de désertion
pendant la Première Guerre mondiale. Ce déchaînement de haine, qu’alimente aussi L’Action
française, provient notamment de son action
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
contre les ligues d’extrême droite alors qu’il est
ministre de l’Intérieur du Front populaire.
• Question 2. Le Populaire, dirigé par Léon
Blum, président du Conseil mais aussi ami de
Roger Salengro, est révolté par ce suicide et en
rend l’extrême droite responsable. Salengro qui
s’est tué par asphyxie dans sa cuisine a d’ailleurs
étalé sur la table deux exemplaires de Gringoire
avec deux lettres testamentaires, dont l’une,
destinée à Léon Blum, est reproduite ici en
une. Salengro accuse nommément cette presse
lorsqu’il précise : « S’ils n’ont pu réussir à me
déshonorer, du moins porteront-ils la responsabilité de ma mort ».
it
trahi la France comme Judas a trahi le Christ (cf.
l’expression « Judas Dreyfus » dans la légende).
Il est coiffé d’un casque à pointe, emblème de
l’Allemagne, pour renforcer l’accusation de
trahison.
La Libre Parole est un quotidien politique antisémite fondé en 1892 par Édouard Drumont,
journaliste et député de 1892 à 1902. Cette une
de journal montre que cette presse profite de
l’affaire pour étayer une thèse rabâchée depuis
longtemps, comme l’explique la légende. Les
accusations ici se fondent sur un antijudaïsme
chrétien très ancien.
Le fait que le procès n’ait pas encore eu lieu
ne dissuade pas la presse de désigner Dreyfus
comme coupable. Les campagnes de presse
antisémites influencent d’ailleurs fortement le
Conseil de guerre qui ne veut pas qu’on lui reproche une éventuelle douceur envers les juifs.
2. En 1898 la presse antidreyfusarde est très
largement majoritaire et le reste même après la
grâce de Dreyfus. On observe cependant une
augmentation du nombre de journaux en faveur
de Dreyfus ou tout du moins en faveur de la révision de son procès, même si en termes de tirage
ils restent très minoritaires. Cette réticence de
la presse à changer de point de vue permet d’en
déduire que l’opinion publique reste longtemps
majoritairement antidreyfusarde. Entre l’hiver
et l’été 1898, les titres favorables à la révision
sont passés de 5 à 32 %. Le « J’accuse » et le procès de Zola en sont en grande partie la cause.
Cependant, l’action de Zola ne peut pas tout :
il est considéré comme un personnage sulfureux, on lui reproche de faire parler de lui par
le scandale.
3. Ce journal paraît le 30 janvier 1898 quelques
jours après la publication du « J’accuse » de Zola
(13 janvier), qui a mis en cause l’armée après
l’acquittement d’Esterhazy par le Conseil de
guerre (11 janvier). Le Petit Journal est un quotidien d’information à très grand tirage qui se
veut objectif et neutre. Il n’en est pas moins très
antidreyfusard, même après le deuxième procès
de Dreyfus en 1899. Cette presse est soumise
aux lois du marché et les enjeux économiques
sont pour elle énormes. Il s’agit de ne pas choquer le lectorat voire de le conforter dans ses
préjugés. Cependant, l’attaque contre Dreyfus
reste ici subtile. Elle passe par une simple glori-
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
Doc. 3. Tirage des 10 premiers quotidiens
parisiens (novembre 1910)
Ce document permet de mettre en valeur l’importance des tirages de l’époque et mérite d’être comparé aux chiffres de 2009 présentés dans le document 1 page 147. Le Petit Parisien, par exemple,
fondé en 1876 par Louis Andrieux, député radical,
atteint même les deux millions d’exemplaires à la
fin de la Première Guerre mondiale, tirage le plus
élevé du monde. Mais la puissance de la presse
décline pendant l’entre-deux-guerres, notamment
face à la concurrence naissante de la radio comme
source d’information. Le Petit Parisien devient un
organe de la propagande allemande pendant la
Seconde Guerre mondiale et ne s’en relève pas à
la Libération.
Doc. 4. La presse et les milieux dirigeants
L’Opinion est un journal fondé par le radical
Paul Doumer en 1908, plusieurs fois ministre
d’État et député, président de la Chambre puis
du Sénat, et enfin de la République en 1931.
• Question. C’est la presse d’information qui est
ici visée. Paul Doumer lui reproche de se dire
neutre, alors que ses collusions avec le monde
politique et les milieux d’affaires sont nombreuses, comme le font voir les scandales qui
émaillent l’entre-deux-guerres.
◗ Étude
Le rôle de la presse dans l’affaire Dreyfus
� MANUEL, PAGES 136-137
RÉPONSES AUX QUESTIONS
1. Dreyfus est présenté sur cette image comme
un traître (le mot est inscrit sur son front) qui a
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
77 •
fication de l’armée, quelques jours après qu’elle
a été mise en cause.
4. La presse antidreyfusarde étant largement majoritaire, les dreyfusards ont une position difficile à tenir, et doivent en permanence se défendre
contre des accusations fausses. Ils utilisent la
presse pour faire connaître l’affaire et y avancer preuves et arguments. Zola prend le risque
d’être poursuivi pour diffamation lorsqu’il publie « J’accuse » dans L’Aurore en janvier 1898.
Son procès est relaté dans plusieurs journaux au
jour le jour, ce qui permet aussi de médiatiser
l’affaire. Jaurès recommence en publiant « Les
preuves » dans La Petite République. Le document 4 montre que des journaux se créent pendant l’affaire dans l’unique but de contrer les organes antidreyfusards. Ils utilisent la caricature
et l’humour.
5. La crise provoquée par l’affaire Dreyfus met
en évidence le rôle nouveau de la presse dans la
société et la vie politique sous la IIIe République.
Les journaux sont les vecteurs privilégiés du
scandale et de la mobilisation de l’opinion.
L’affaire est tout d’abord montée par la presse,
notamment par La Libre Parole. Alors que la
nouvelle de l’inculpation est théoriquement
secrète, elle paraît dans le journal dès le 1er novembre 1894. Le journal entame alors un feuilleton judiciaire dans lesquels d’autres journaux
s’engouffrent. Mais la presse permet aussi de
faire avancer la cause de Dreyfus. Le Matin, par
exemple, en publiant le fac-similé du bordereau
permet d’identifier le vrai coupable, et bien sûr
L’Aurore en publiant le « J’accuse » de Zola fait
véritablement éclater le scandale. Le numéro
est tiré de manière exceptionnelle à 200 000
exemplaires.
Certains organes de presse se créent uniquement dans le cadre de l’affaire. C’est le cas de
Psst… ! hebdomadaire de quatre pages uniquement composé de caricatures lancé par Forain et
Caran d’Ache en février 1898 pour lutter contre
l’idée de révision. Ibels, ami personnel de Zola,
réplique en fondant Le Sifflet sur le même modèle que le précédent quelques jours plus tard.
Les dreyfusards multiplient aussi les campagnes
de pétitions dans les milieux intellectuels et les
publient dans les journaux.
C’est à partir de cette année 1898 que la presse,
autrefois presque unanime contre Dreyfus com-
it
mence à se diviser. Elle reste cependant largement antidreyfusarde, notamment parce qu’elle
ne veut pas choquer son lectorat. Les journaux
ne sont pas indépendants et leur fragilité économique ne les incite pas à prendre de risques.
La presse sert ainsi à la mise en scène des deux
camps. Devant l’incapacité du parlementarisme
à résoudre la crise, elle devient une sorte de
substitut à la démocratie directe. Entre journaux
dreyfusards et antidreyfusards s’affrontent deux
visions du monde politique, de la France et de la
nation, du rôle des intellectuels et de la presse
dans la démocratie. Les journalistes s’engagent
et certains comme Clemenceau et Drumont vont
jusqu’à se battre en duel.
L’affaire mène aussi à une réflexion sur la nécessaire moralisation du métier de journaliste.
Certains remettent en cause la loi de 1881 qui ne
sanctionne pas vraiment la diffamation. D’autres
lui reprochent la corruption par l’argent et la soumission aux affairistes. La création par Jaurès de
L’Humanité en 1904 participe de cette volonté
d’un journalisme respectant une plus grande
déontologie. Le nouveau déchaînement de violence observé pendant les années 1930 dans la
presse d’extrême droite montre cependant que
ces principes sont encore loin d’être devenus la
norme.
6. Le 13 janvier 1898, Émile Zola relance l’affaire en publiant dans L’Aurore une lettre à Félix
Faure, président de la République : « J’accuse ».
L’article de Zola fait progresser considérablement le tirage.
Le 19 janvier 1898, Le Siècle publie les lettres de
Dreyfus à son épouse.
L’Aurore et Le Siècle accueillent aussi de nombreuses pétitions d’intellectuels en faveur de
Dreyfus.
Le 10 août 1898 commence dans La Petite
République une série d’articles, « Les Preuves »,
dans laquelle Jaurès démontre les illégalités
commises depuis 1894 dans l’affaire Dreyfus
et son innocence. Il marque un tournant dans
l’affaire.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
• 78
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
◗ Étude
Le 6 février 1934 et la presse d’opinion
� MANUEL, PAGES 138-139
RÉPONSES AUX QUESTIONS
1. Le Canard enchaîné est un « journal satirique » comme le signale son sous-titre (cf. commentaire du document 1 page 135). Le titre en
une, parmi les plus connus de l’hebdomadaire,
suggère clairement que Stavisky a été assassiné. Sa mort permet de laisser dans l’ombre des
complicités gênantes dans les milieux de la politique, de la police, de la presse et de la justice.
Le dessin à droite suggère, lui, que le préfet de
police Chiappe avait des relations amicales avec
Stavisky et n’a pas fait tout ce qu’il pouvait pour
l’arrêter.
2. L’Action française appelle ses lecteurs à manifester devant la Chambre des députés. Le journal, dirigé par Charles Maurras, est royaliste
et veut la chute de la IIIe République. Le ton
employé est insultant. Les députés et le gouvernement sont traités de « vendus », de « voleurs ».
Rappelons que L’Action française tire à 40 000
exemplaires en décembre 1933, à 165 000 le
12 janvier 1934 et 186 000 le 28 janvier 1934.
3. Le Populaire (cf. commentaire du document 2
page 135) est un quotidien socialiste. Tandis
qu’il voit dans la manifestation de la veille une
tentative de coup d’État fasciste avorté, L’Action
française n’y voit, elle, qu’une « révolte des
honnêtes gens » étouffée délibérément par « la
garde mobile » qui « a tiré sur la foule ». Le gouvernement, de voleur est devenu « assassin ».
Le Populaire, lui, y voit un acte d’autodéfense,
car ce sont pour lui les ligues qui ont « attaqué
avec une sauvagerie inouïe le service d’ordre ».
Les deux journaux ne s’accordent pas sur le
nombre de victimes. 50 morts et des milliers de
blessés pour L’Action française, 39 morts dont
plusieurs membres des forces de l’ordre pour Le
Populaire. Dans les deux cas le bilan est largement surévalué. Ces divergences s’expliquent
par une opposition idéologique complète des
deux quotidiens et un manque de recul par rapport aux événements de la veille.
4. Selon Léon Bonnevay, les journaux, leurs
dirigeants et rédacteurs ont « surexcité jusqu’au
paroxysme la foule » pendant plus d’un mois. Ils
sont responsables des violences. Cette analyse
it
du président de l’enquête parlementaire est plutôt objective. On peut en effet affirmer que les
événements du 6 février 1934 sont imputables à
la campagne de presse de l’extrême droite.
5. Le rôle de la presse dans la crise du 6 février
1934 peut être analysé en trois temps : la révélation de l’affaire Stavisky, les appels à la violence
de la presse d’extrême droite, les interprétations
divergentes des événements.
6. Le 9 janvier 1934, L’Humanité titre « Le gouvernement se débarrasse de Stavisky en le faisant
abattre à Chamonix ». Le 6 février 1934, le journal appelle aussi à la manifestation « Aux usines,
aux chantiers, dans les gares, Manifestez ! ». Le
journal réclame la dissolution des ligues fascistes et appelle les anciens combattants à se réunir au rond point des Champs Élysées. Le journal communiste rejoint Le Canard enchaîné et
L’Action française dans leur analyse du scandale
Stavisky et de la corruption du gouvernement.
Il appelle aussi à se mobiliser, mais pour faire
contrepoids aux ligues fascistes et donc aux lecteurs de L’Action française.
L’Ouest-Éclair (quotidien régional républicain
du matin) écrit le 9 janvier 1934 : « Découvert
dans une villa à Chamonix, Stavisky se tire une
balle dans la tête au moment où on allait l’arrêter ». Ce titre, qui ne remet pas en doute la version de la police, rappelle que la presse régionale
reste, elle, largement acquise à la République et
étrangère aux débordements parisiens. Ce point
de vue se confirme le 8 février 1934 : « Après
une nuit de sanglantes émeutes dans Paris où
l’on compta de nombreux morts et blessés, le
ministère Daladier décide de démissionner ». Le
quotidien reste très factuel et ne prend pas position. Cette attitude est celle de la grande majorité
de la presse régionale, restée très respectueuse
du gouvernement.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
2. L’État et les débuts de la révolution
audiovisuelle (1939-1967)
� MANUEL, PAGES 140-141
Doc. 1. La presse clandestine de la Résistance
(Une de Libération, 18 mai 1942.)
En juin 1941, Emmanuel d’Astier crée le mouvement Libération-Sud. En juillet paraît le premier numéro du journal éponyme, un des titres
clandestins les plus diffusés avec Combat.
79 •
• Question. L’objectif de cette une est d’une part
de donner des consignes à la Résistance intérieure et d’autre part de faire connaître et accepter le général de Gaulle comme le chef de celleci. La presse de la Résistance a donc un double
rôle, militaire et politique.
Doc. 2. L’Humanité après saisie administrative
(7 mars 1961)
Entre 1955 et 1960, L’Humanité est saisie 15
fois, et 6 fois en 1961. Le journal est d’autre
part interdit en Algérie pour toute la durée de la
guerre. Les raisons des saisies sont multiples.
On reproche au quotidien la remise en cause de
la guerre et de la mobilisation des rappelés ainsi
que la dénonciation de la torture. Face à cela,
les journalistes mettent au point des stratégies
de contournement en publiant des numéros bis,
comme celui-ci. Ces numéros se vendent moins
bien mais permettent de signaler aux lecteurs les
raisons de la saisie. Les journaux laissent alors
des blancs à la place des articles censurés ou
publient des éditoriaux de protestation. En une
de ce numéro on pouvait lire des témoignages
d’Algériens victimes de tortures ainsi que trois
photographies dans lesquelles ils exposaient
leurs blessures.
• Question. Cette censure s’explique parce que
le journal remet en cause la politique du gouvernement français dans la guerre d’Algérie et
dénonce le comportement de certains militaires
français.
it
importante : moins de la moitié des Français sont
équipé des téléviseurs.
e
s
s
◗ Étude
La Seconde Guerre mondiale, une guerre
des ondes
� MANUEL, PAGES 142-143
RÉPONSES AUX QUESTIONS
o
B
it
e
s
s
o
B
Doc. 3. Télévision et campagne électorale
La mise en ballottage du général de Gaulle en
1965 est en partie attribuée à la place que prend
la télévision dans la campagne électorale de
cette première élection présidentielle au suffrage
universel direct. De Gaulle n’a pas mesuré toute
la puissance de ce média et n’utilise pas tout son
temps d’antenne, alors que Jean Lecanuet, très
télégénique, sait en faire un atout. On découvre
l’influence de ce média sur le comportement
politique des Français.
• Question. Le candidat n’occupe que le tiers
gauche de cette affiche. Les télévisions les deux
autres tiers : c’est elle la véritable nouveauté de
cette campagne. L’affiche est conçue comme une
grille des programmes très précise pour aider le
spectateur à s’y retrouver. Notons que la radio
(bas de l’affiche) continue à occuper une place
• 80
1. La radio est utilisée dans cette école parce
que le régime de Vichy cherche à conquérir les
jeunes esprits. L’écoute des discours de Pétain
peut être imposée en classe. Radio Paris a aussi
conçu des programmes destinés aux enfants.
2. Pour discréditer Pierre Dac, Philippe Henriot
développe sans surprise un argumentaire antisémite et xénophobe. Très bon orateur, il n’hésite
pas à faire des jeux de mots. Pierre Dac, humoriste de son métier, se défend en opposant le
patriotisme de sa famille, notamment le sacrifice de son frère mort pour la France pendant
la Première Guerre mondiale, à la trahison de
Henriot, suppôt des Allemands.
3. Le général de Gaulle est reconnaissable à son
uniforme de général et à sa grande taille. Le
bas de son corps évoque les ondes de radio. Il
est voûté et juste griffonné comme s’il n’existait qu’à peine. Il tourne le dos au lecteur, donc
aux Français (tandis que Pétain, lui, leur fait
face). La voix de Radio Londres s’exprime sous
la contrainte de Churchill. Le dirigeant britannique, célèbre pour ses cigares, est représenté en
John Bull (le personnage symbolisant l’Angleterre). De Gaulle semble se plier sans résistance
à ses ordres, sous les coups de son gourdin. Le
dessinateur veut le faire apparaître à la solde des
Anglais, mais aussi lâche et faible. Ainsi, Radio
Londres ne diffuse que « Rumeurs et prophéties » autant dire des mensonges et des bruits de
couloirs inspirés par l’étranger.
4. Pour Vichy comme pour la France Libre, la
radio est la voix de la France. Elle est un moyen
de propagande pour l’un et de contre-propagande pour l’autre. Pour les deux, elle est un instrument essentiel de légitimation : Pétain et de
Gaulle affirment en effet incarner la France, et
chacun dénie à l’autre sa qualité de représentant
légitime du pays.
5. Radio Londres aide la Résistance intérieure
grâce aux messages personnels, qui donnent des
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
indications précieuses pour organiser les opérations. Ici, le message attendu prévient de l’arrivée de l’avion.
6. La « guerre des ondes » fait rage dès 1940.
C’est à la radio que Pétain annonce l’armistice le
17 juin, et c’est bien sûr à la radio que de Gaulle
réplique le lendemain pour lancer son appel de
la BBC.
De Londres, la radio permet d’organiser la
résistance mais aussi de soutenir le moral des
Français et de leur dire tout ce que la propagande
et la censure de Vichy leur cachent. Il s’agit aussi pour elle de convaincre une opinion publique
au départ majoritairement pétainiste. Même si
l’écoute de la BBC ne fait pas de la majorité des
Français des résistants, elle les a familiarisés
avec des valeurs, des arguments et des modèles
qui n’étaient pas ceux de Vichy.
Vichy, de son côté, fait de la radio un instrument
officiel de propagande. Le maréchal l’utilise
pour s’adresser aux Français très régulièrement.
Mais c’est Philippe Henriot, secrétaire d’État
chargé de l’Information du régime de Vichy qui
en est le meilleur symbole. Il tient une chronique
biquotidienne sur tous les réseaux des deux
zones. Orateur exceptionnel, son audience est
énorme. 40 % de son temps d’antenne est consacré à dénoncer les « terroristes » maquisards et
20 % les « massacreurs anglo-saxons » qui bombardent les villes de France. Il est abattu par des
résistants le 28 juin 1944.
Les Allemands ne sont pas dupes du pouvoir
de Radio Londres et tentent d’en brouiller
les ondes. Un arsenal législatif pour punir les
auditeurs est aussi mis en place mais doit être
abandonné : même les fonctionnaires de Vichy
écoutent Radio Londres pour se tenir informés.
Les Allemands tentent aussi d’intoxiquer l’adversaire en créant des « radios noires », déguisant
leur origine. Radio Humanité par exemple, qui
émet dès février 1940, se prétend communiste
mais est le fait des nazis. À partir de 1944, les
Allemands provoquent des coupures de courant
entre 20 heures et 21 heures, pour éviter que les
messages personnels ne passent. Mais le « Berce
mon cœur d’une langueur monotone » diffusé
par la BBC le soir du 5 juin 1944 donne cependant le signal du débarquement.
Enfin, le 20 août 1944, lorsque les FFI occupent les locaux de Radio Paris, ils lancent La
it
Marseillaise sur les ondes puis tous les quarts
d’heure le message : « Français, l’heure de la
Libération a sonné, Français, debout, tous au
combat. ».
e
s
s
◗ Étude
De Gaulle et l’audiovisuel dans la crise
algérienne
� MANUEL, PAGES 144-145
o
B
it
e
s
s
o
B
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
RÉPONSES AUX QUESTIONS
1. De Gaulle annonce qu’il met en œuvre l’article 16 de la Constitution, qui lui permet d’obtenir des pouvoirs exceptionnels. Pour donner plus
de poids à sa déclaration, il a revêtu son uniforme
de général. Cet uniforme rappelle le rôle qu’il a
joué comme chef de la France Libre, et c’est aussi
une manière de légitimer l’ordre de désobéissance
qu’il adresse aux soldats. De Gaulle s’exprime
au nom de la France et se présente à nouveau
en sauveur. Il demande aux Français de l’aider.
Il cherche ici à obtenir leur adhésion complète et
n’hésite pas à être lyrique (« Françaises, Français !
Aidez-moi ! ») et à dramatiser la situation en évoquant le « malheur qui plane sur la patrie », « la
menace pour la République ».
2. La radio était, avant l’apparition du transistor,
un meuble encombrant qui obligeait à une écoute
collective et fixe. Le transistor est petit et portable. Il peut être alimenté par piles et son coût le
rend accessible au plus grand nombre. Il permet
aux soldats d’écouter le discours du général de
Gaulle et de suivre les événements partout où ils
sont et en toute discrétion. C’est ce qui a permis
aux soldats d’entendre l’appel du Président et de
choisir de ne pas suivre les putschistes. Le transistor est devenu une arme politique.
3. Dès le 4 mai, Tim, caricaturiste de L’Express,
met en valeur l’arme politique que représente le
transistor. De Gaulle porte en écharpe cette radio
portable. Elle est devenue un des attributs de son
pouvoir de président, qui est d’ailleurs plutôt
représenté comme un monarque ici. La légende
« Président du gouvernement transistoire de la
République française », avec le jeu de mots transitoire/transistor, est à nouveau une référence au
rôle du général de Gaulle pendant la guerre (président du GPRF).
4. Alain Peyrefitte, ministre de l’Information
d’avril 1962 à janvier 1966 (par intermittence)
81 •
du gouvernement Pompidou, veut faire évoluer
le statut de la radiotélévision vers « un statut correspondant à celui d’une démocratie en paix »,
c’est-à-dire probablement diminuer le contrôle
gouvernemental et alléger la censure que fait
peser la RTF. Mais, pour de Gaulle, la guerre
n’est pas finie. Les accords d’Évian (mars 1962)
ne signent pas la fin des violences, qui selon lui,
vont s’exacerber dans les mois qui viennent. De
Gaulle, au contraire, veut que la gauche, qui selon
lui dirige la télévision, en soit écartée. Ce point
de vue n’est pas celui de l’opinion publique, qui,
sondée à l’automne 1963, trouve à 82 % que le
JT est trop orienté par le gouvernement.
5. On peut montrer que de Gaulle utilise l’audiovisuel pendant la crise algérienne à la fois
pour mobiliser l’opinion publique derrière lui et
pour dissuader les soldats de suivre les généraux
putschistes.
6. France Inter nous apprend que Radio Alger
est aux mains des insurgés et que la situation
est donc difficile à établir puisqu’elle est « la
seule source ». Les correspondants d’agences
ne peuvent se référer qu’à Radio Alger pour envoyer leurs dépêches.
7. Les journalistes préparent les auditeurs au
discours que tiendra de Gaulle à 20 heures, en
annonçant d’ores et déjà que le Président va
appliquer les pouvoirs exceptionnels prévus par
l’article 16 de la Constitution. Ils expliquent
l’article en question et insistent sur le fait que
de Gaulle respecte la légalité constitutionnelle et
qu’il a bien consulté ceux qui devaient l’être. Ils
reviennent sur l’ensemble du déroulé de la journée du Président dans les moindres détails. En
effet, il ne faut pas que les Français s’inquiètent
de la mise en œuvre des pouvoirs exceptionnels
qui viennent s’ajouter à l’état d’urgence décrété
le matin même.
it
1910. Seuls deux titres se sont maintenus tout au
long du siècle : l’organe communiste L’Humanité
et le journal catholique La Croix. La limite de
cette comparaison tient au fait que le tableau de
1910 ne présente que les quotidiens parisiens. On
peut aussi remarquer que la presse régionale se
maintient bien mieux que la presse nationale au
XXIe siècle. Ouest-France a remplacé L’OuestÉclair, fondé en 1899 et qui avait disparu en 1944
pour faits de collaboration mais n’avait jamais
atteint les chiffres de son successeur.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
3. Libéralisation et multiplication
des médias depuis 1968
� MANUEL, PAGES 146-147
Doc. 1. La presse écrite
• Question. La comparaison des tirages de 1910
et de 2009 permet de montrer la chute importante
du lectorat. Le tirage cumulé des trois principaux
quotidiens nationaux généralistes en 2009 n’atteint même pas le tirage du seul Petit Parisien en
• 82
Doc. 2. Les Français jugent leurs journalistes
• Question. Ce document permet de mettre en
valeur une méfiance forte des Français envers les
journalistes. Les courbes, irrégulières, montrent
que ce jugement est en grande partie dépendant
de l’actualité immédiate. De manière générale,
les Français se méfient davantage des collusions
des journalistes avec le monde politique que
de leur vénalité. On observe une méfiance renforcée vis-à-vis du pouvoir et des partis depuis
2008, avec un pic en 2010, où moins de 30 %
des Français jugeaient que leurs journalistes
en étaient indépendants. Les liens du président
Nicolas Sarkozy avec de grands groupes médiatiques comme Lagardère ou Bouygues ne sont
pas étrangers à cette opinion.
Doc. 3. Les sondages mesurent-ils l’opinion ?
• Question. Pour Pierre Bourdieu, les sondages
ne sont que la « sommation additive d’opinions
individuelles », ce qui ne forme pas une opinion
publique. Les opinions publiques sont le fait de
« rapports de forces » de « groupes constitués ».
En situation de crise, ce n’est pas la somme
d’opinions individuelles exprimées, même si
elle se révèle majoritaire dans les sondages, qui
va permettre d’en déduire quoi que ce soit du
point de vue de l’action collective.
D’autre part, le sondage « invente » l’opinion,
en posant au sondé des questions auxquelles il
n’aurait peut-être jamais pensé et qui sont souvent en dehors de sa compétence et de son savoir. C’est pourquoi cette « opinion sondagière »
est un artefact, un phénomène artificiel.
Doc. 4. « Couper le cordon ombilical entre
le gouvernement et l’audiovisuel public »
• Question. Jean-Noël Jeanneney considère la
création de la Haute Autorité comme « un acte
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
de courage » de la part du gouvernement socialiste, car, en créant cette institution indépendante
qui a pour but de garantir l’exercice de la liberté
de communication audiovisuelle, le pouvoir se
dessaisit volontairement d’une arme politique
majeure. C’est la première fois depuis leur création que la radio et la télévision ne sont plus au
service de l’État.
◗ Étude
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
Mai 1968 : crise politique, crise des médias
� MANUEL, PAGES 148-149
Réponses aux questions
it
particuliers (D’Almeida, Delporte, Histoire des
médias en France).
4. Les journalistes de l’ORTF réclament « la liberté d’information et l’autonomie de l’ORTF »,
parce qu’ils ne veulent plus être les instruments
de la censure mise en place par le gouvernement.
Ils aspirent à faire leur métier librement.
5. L’ORTF est une des principales cibles de la
révolte étudiante. Cependant ses salariés sont
aussi des acteurs de mai 1968. Journalistes, réalisateurs, producteurs, personnels administratifs
se mettent en grève dès le 13 mai pour dénoncer
la censure dont ils sont victimes et réclamer de
pouvoir couvrir correctement les événements.
Seule une vingtaine de non grévistes assure encore un JT acquis au pouvoir. Les autres défilent
en silence autour de la Maison de la radio, c’est
« l’opération Jéricho ». En juin, les sanctions
tombent : plusieurs émissions sont supprimées,
plus de 60 journalistes licenciés. À la rentrée
1969 cependant, le gouvernement de Jacques
Chaban-Delmas les réintègre. (Jeanneney,
L’écho du siècle)
6. Les rapports entre l’État et les médias sont
tendus, car l’État contrôle l’audiovisuel public et
cherche à empêcher les radios périphériques de
contourner la censure.
7. Pendant la crise de mai-juin 1968, les médias
sont fortement contestés, accusés d’être des outils de propagande aux mains du gouvernement.
Mais ils sont aussi utilisés par les acteurs de la
révolte, avec la création de journaux contestataires et la grève des personnels de l’ORTF.
1. Ces affiches dénoncent la censure et le contrôle
gouvernemental sur les médias. Une seule vise
la presse, qui jouit de davantage de liberté que
l’audiovisuel. En effet, l’ORTF, principale cible
des affiches, est considérée, à juste titre, comme
présentant l’information de manière très favorable au pouvoir.
2. L’Enragé est un journal contestataire d’obédience anarchiste. C’est un journal révolutionnaire, qui se décrit comme une arme de combat.
Il se veut très différent des autres titres de presse :
il est distribué hors des circuits traditionnels et
paraît de manière irrégulière. Il se vante de ne
rien censurer, « rien n’est interdit », si les propos
tenus ne sont pas de droite.
3. Les radios périphériques sont les seules à pouvoir se rendre sur le terrain, puisque l’ORTF est,
lui, soumis à la censure. RTL et Europe n° 1 envoient des journalistes avec leurs micros dans la
foule, parmi les étudiants, et permettent à toute
la France de suivre les événements en direct.
Leurs récits attirent au Quartier latin « quantité
de gens qui sans cela seraient restés chez eux ».
Mais ces radios ont un effet pervers, car elles
permettent aux autorités d’être « alertées sur un
incident ». La police écoute aussi la radio, qui
lui permet d’être renseignée sur « les lignes adverses ». C’est pour cela que Maurice Grimaud
est contre leur interdiction, mais aussi parce
qu’il pense qu’il vaut mieux utiliser cet outil
pour « calmer et rassurer les esprits ». Le pouvoir
tente cependant d’empêcher les radios d’émettre
sous prétexte qu’elles brouillent les fréquences
des hôpitaux. Les journalistes, interdits de voitures et de motos émettrices, continuent leur travail grâce aux cabines téléphoniques et postes
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
◗ Étude
La démocratie d’opinion
et la crise du 21 avril 2002
� MANUEL, PAGES 150-151
Réponses aux questions
1. Les intentions de vote sont assez stables dans
les sondages pour les candidats Chirac et Jospin,
le premier oscillant autour de 20 % et le second
autour de 18 %. En revanche, pour Le Pen, elles
augmentent sensiblement pour finir à 14 %
l’avant-veille du scrutin. Les résultats ont sousévalué son score et surévalué celui de Jospin.
2. Roland Cayrol explique que la courbe ascendante de Le Pen avait été prévue, et qu’elle « s’est
logiquement poursuivie » dans les trois jours qui
83 •
ont suivi l’arrêt des sondages le jeudi. D’autre
part, il précise qu’aucun sondage ne peut prévoir
les résultats « dans un tel mouchoir de poche ».
Pour lui, la responsabilité de la surprise incombe
aux médias, qui ont refusé d’anticiper cette possibilité, « tant on s’attendait depuis quatre ans,
au match Chirac-Jospin ».
3. Libération est un quotidien national de
gauche. Le journal marque son refus du candidat
d’extrême droite et n’hésite pas à appeler clairement à voter Chirac.
4. La mobilisation sur Internet est le fait de
simples citoyens, souvent jeunes. Ils prennent
des initiatives individuelles comme la création
de logos, de tracts ou de bannières qui sont destinés aux sites Web, mais aussi à être imprimés
et distribués ou affichés. Le slogan « voter avec
des gants » exprime la nécessité de voter pour
le candidat Chirac afin de battre le candidat du
Front National tout en montrant qu’il ne s’agit
pas d’un vote d’adhésion au président sortant.
Cette initiative n’a cependant pas de suite, car
il est interdit par la loi d’exprimer par un signe
distinctif son intention de vote.
5. Les journalistes du Monde constatent qu’Internet est devenu un « agitateur du débat politique ».
Au delà des initiatives déjà citées, c’est surtout
pour « relayer les actions des mouvements de
contestation » qu’il joue un rôle. Cependant, il
ne faut pas surestimer son importance pendant
la crise de 2002. Le Monde remarque que certains sites n’ont pas reçu plus de « 500 visites ».
Finalement, les médias traditionnels – tels que
ce quotidien national – sont encore nécessaires
pour médiatiser toutes ces initiatives. Le journalisme citoyen sur le Web reste un épiphénomène
à l’époque. L’apparition des réseaux sociaux
change la donne dans la décennie qui suit, en
permettant une réelle autonomie des internautes,
qui ne sont plus dépendants des anciens médias.
6. La crise du 21 avril 2002 est le symbole d’une
scission entre l’opinion publique et les médias.
Le Pen rassemble 16,9 % des électeurs, alors
même qu’aucun média n’est lepéniste. Les
journalistes n’ont pas été à l’écoute de tous les
milieux. L’échec des médias dans cette crise est
double : ils n’ont pas réussi à alerter l’opinion,
mais ne l’ont pas représentée non plus (Roland
Cayrol, La revanche de l’opinion). Le rôle de
la presse a donc profondément évolué depuis
it
une crise comme celle de l’affaire Dreyfus, où
l’extrême droite était largement représentée. Les
médias, au lendemain du premier tour, prennent
peur et se muent en militants antifascistes.
Ce véritable divorce des médias et de la nation
vient aussi de la place prise par les sondages
dans la société. Ce sont à présent eux qui sont
supposés rendre compte de l’opinion publique.
Leur échec à prévoir les résultats est alors violemment reproché aux instituts de sondages,
véritables boucs émissaires, qui eux-mêmes renvoient les médias à leurs responsabilités.
Autre nouveauté de la crise : l’apparition d’Internet comme acteur de la vie politique. Pour
la première fois, le Web est utilisé comme outil
de campagne et chaque candidat crée son site.
Entre les deux tours, le Web devient un instrument pour organiser la riposte, notamment par
la création de visuels, qui rappellent la vague
créatrice de mai 1968 (Delporte, Images et politique en France). Pour beaucoup de Webmasters,
très jeunes, il s’agit de la première expérience
d’engagement politique. Cependant il ne faut
pas surestimer leur rôle (voir ci-dessus, réponse
à la question 5).
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
• 84
◗ BAC
Étude critique de documents
Confronter deux documents aux points de
vue opposés
� MANUEL, PAGES 154-155
réponses aux questions
Sujet : Presse et opinion publique pendant
l’affaire Dreyfus.
1. Zola est au sommet de sa gloire à cette époque.
Les vingt volumes des Rougon-Macquart ont été
publiés dans des dizaines de pays. Il s’adresse
directement au président de la République Félix
Faure.
2. L’article occupe une espace exceptionnel de
deux pages (4 500 mots). Il est très long. Le
titre du « J’accuse… ! » de Zola a été trouvé par
Clemenceau. Le journal se vend à la criée et son
titre original « Lettre à M. Félix Faure, président
de la République », n’était pas assez « énergique » raconte Vaughan dans ses souvenirs.
3. Zola sait qu’il s’expose à des poursuites pour
diffamation. Il en prend le risque car il souhaite
utiliser son procès comme une tribune pour mé© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
diatiser et permettre un nouvel examen public de
l’Affaire.
4. Psst… ! est créé par Forain et Caran d’Ache,
parmi les plus talentueux caricaturistes de
l’époque, le 5 février 1898, en réaction au
« J’accuse… ! » sur lequel ils calquent leur titre,
par dérision. Même la typographie (le titre est en
minuscules) répond avec dédain aux majuscules
arrogantes du titre de Zola.
5. Zola est accusé de servir le lobby juif, luimême à la solde des allemands.
it
1944. Dans cette guerre totale le contrôle des esprits
est un enjeu essentiel. Pour Hitler, mais également
pour Vichy et la France Libre, la Seconde Guerre
mondiale est donc aussi une bataille de l’opinion
acharnée (suite de l’introduction page 156).
e
s
s
BAC BLANC
• Composition
Sujet 1 : La presse et l’opinion publique dans
les grandes crises politiques en France depuis
l’affaire Dreyfus.
o
B
it
e
s
s
o
B
BAC BLANC
Sujet : La télévision et l’État pendant la crise
algérienne en 1958.
Le site Jalons pour l’histoire du temps présent propose une étude de l’extrait proposé à
l’adresse suivante :
http://www.ina.fr/fresques/jalons/fiche-media/
InaEdu00069/l-arrivee-au-pouvoir-de-charlesde-gaulle-en-1958.html
L’extrait proposé dans le manuel, très court, permet de mettre en valeur le parti pris des médias.
Le président René Coty « digne et courageux »
s’en remet à de Gaulle, véritable sauveur de la
France pour la deuxième fois. La référence à son
rôle pendant la Seconde Guerre mondiale est
très explicite. Finalement, si les circonstances
sont dramatiques, elles sont aussi présentées
comme un chance, « un immense espoir », car
elles permettent le retour du général au pouvoir. Les médias présentent aussi cet appel à de
Gaulle comme une manifestation claire de la
part des Européens mais aussi des « musulmans
d’Algérie » de la volonté de rester Français, ce
qui n’est rien moins que de l’aveuglement ou
du mensonge. Les médias, en l’occurrence ici la
RTF, sont donc clairement au service de l’État et
de son point de vue sur les événements algériens.
◗ BAC
• Composition
Rédiger une introduction
� MANUEL, PAGES 156-157
Sujet : Les médias et l’opinion publique
de 1940 à 1944 en France.
Lorsque les nazis occupent Paris en juin 1940, tous
les médias, de la presse à l’audiovisuel passent sous
leur contrôle, qui ne s’achèvera qu’à la Libération en
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
Proposition de plan :
I. L’âge d’or de la presse d’opinion (de l’affaire
Dreyfus au 6 février 1934).
II. Une presse concurrencée par de nouveaux
médias mais qui continue à jouer un rôle majeur
(Seconde Guerre mondiale et guerre d’Algérie).
III. Déclin du lectorat et remise en cause de la
presse comme reflet de l’opinion (mai 1968 et
avril 2002).
Sujet 2 : État et médias dans les grandes
crises politiques en France au XXe siècle.
Proposition de plan :
I. Un État qui cherche à contrôler les médias et
l’opinion lors des grandes crises politiques.
II. Un État remis en cause par les médias lors de
ces mêmes crises.
• Étude critique de documents
Sujet : Médias et opinion publique à la veille
de la crise de mai-juin 1968.
Grand journaliste politique, Pierre VianssonPonté, après avoir travaillé à l’AFP puis participé à la fondation de L’Express, est chef du
service politique du Monde à la date où il écrit
cet article devenu célèbre. Son titre est emprunté
à Lamartine qui avait déjà employé la formule
sous la monarchie de Juillet.
L’étude des liens entre médias et opinion a différentes dimensions ici. Cet article permet d’étudier le rôle de la presse écrite, qui prend le pouls
de l’opinion mais peut aussi l’avoir influencée. Il
permet de surcroît d’interroger la place de la télévision dans la société, place que l’auteur considère comme importante (la télévision est citée
quatre fois dans cet extrait) mais qu’il semble
fortement déplorer (elle endort les Français,
éteint leur conscience politique).
Cet éditorial se veut le reflet de l’opinion de
l’époque. D’abord, l’auteur met l’accent sur la
85 •
jeunesse. Celle-ci, issue du baby-boom, compose plus d’un tiers des Français. Les étudiants
sont particulièrement visibles : plus nombreux
qu’ils n’ont jamais été et plus divers socialement
qu’avant. Ils n’aspirent selon lui qu’à une libération sexuelle (les filles de Nanterre et d’Antony), qui est en effet une des revendications de
mai 1968. Mais Viansson-Ponté évoque aussi
les Français qui n’ont pas profité des Trente glorieuses « les chômeurs », les « petits paysans »,
les « vieillards ». Cette frange de la population
est aussi un produit des transformations de la
société, et, elle, n’a pas le loisir de s’ennuyer.
Mais c’est à la télévision que cet article fait le
plus souvent référence. L’auteur rappelle à l’envi
que celle-ci est l’organe du gouvernement : on
y répète que la France est enfin en paix, que le
gouvernement est enfin stable. Il pointe aussi la
it
futilité des programmes proposés aux Français,
qui sont faits « pour distraire » : tiercé, vie des
personnalités, état du trafic. Viansson-Ponté
semble déplorer cette soumission et le manque
de politisation de la jeunesse.
Ce qui fait en grande partie le retentissement
de cet article est son côté presque prophétique.
L’article publié deux mois avant les événements
de mai 1968 acquiert un sens inattendu, comme
si l’embrasement social et la crise politique qui
suit étaient prévisibles, ou tout du moins explicables par le refus des étudiants de cet ennui
mortel. En cela, l’éditorial du Monde peut être
considéré comme un reflet de l’opinion publique
de l’époque, et on peut se demander dans quelle
mesure il n’a pas aidé à provoquer une prise de
conscience de la jeunesse.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
• 86
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
Chapitre
6
it
Religion et société aux États-Unis
depuis les années 1890
e
s
s
� MANUEL, PAGES 158-185
◗ Présentation de la question
cohabité dans l’aventure américaine. Il est évidemment impossible dans ce chapitre de revenir sur les nombreuses expériences politicoreligieuses des XVIIe et XVIIIe siècles (en évoquant par exemple les Quakers de Pennsylvanie
ou de Rhode Island, république fondée sur la
séparation de l’Église et de l’État).
• La diversité religieuse a régné dès la fondation
des colonies américaines, avec de multiples courants protestants, mais aussi des catholiques et
des juifs. Cette diversité a conduit à proclamer la
neutralité de l’État fédéral (Constitution de 1787
et premier amendement en 1791). Mais la laïcité
est moins évidente au niveau des États fédérés,
qui conservent une marge d’autonomie importante (jusqu’en 1947).
L’immigration massive du XIXe siècle, qui renforce les religions non protestantes (juifs, catholiques), rend encore plus nécessaire la laïcité
de l’État fédéral tout en créant une réaction de
rejet chez certains protestants. Pour ces nativistes, le protestantisme est un élément clé de
l’identité américaine, qui serait donc menacée
par les autres religions issues de l’immigration.
Récemment, c’est l’islam qui a focalisé l’attention, surtout depuis les attentats du 11 septembre
2001 sur le sol américain.
• Une sorte de compromis entre l’esprit de
religion et l’esprit de laïcité s’est peu à peu
construit, qu’on appelle la « religion civile »
américaine. Cette notion est théorisée à la fin
des années 1960 par Robert N. Bellah, un spécialiste d’histoire comparée des religions. La
séparation des Églises et de l’État n’empêche
pas les Américains de « communier » dans un
certain nombre de cérémonies et de rites, autour
de leur Nation guidée par Dieu. Un Dieu qui ne
s’identifie à aucune religion ou dénomination
précise, mais qui est bien présent, y compris sur
les billets de banque où s’affiche la devise adoptée dans les années 1950 (In God we trust). Cette
o
B
it
e
s
s
o
B
• Dans le cadre d’une réflexion sur religion et
société, le programme nous demande d’étudier
les États-Unis de la fin du XIXe siècle à nos
jours. Si le cas américain est très intéressant, il
est cependant difficile de le considérer comme
caractéristique. Au contraire, c’est la problématique de l’exception américaine qui s’impose :
les États-Unis constituent le seul exemple d’une
société occidentale qui échappe largement au
processus de sécularisation. Les comparaisons
avec d’autres pays peuvent être utiles (cf. doc. 2
page 162 du manuel), mais c’est pour faire apparaître la spécificité américaine.
• Le temps imparti à cette question exclut de
faire l’histoire des religions aux États-Unis sur
plus d’un siècle. Il s’agit de faire comprendre
aux élèves, d’une manière synthétique, comment
la religion imprègne la société américaine. La
difficulté est que cela suppose des connaissances
minimales sur l’histoire américaine en général
(les institutions fédérales, la question afro-américaine, l’immigration, etc). Certains aspects
sont cependant connus des élèves, pour avoir été
traités dans les programmes précédents (l’immigration en classe de seconde) ou parce qu’ils
relèvent de leur culture générale (les États-Unis
sont très présents à travers le cinéma, la télévision et la musique notamment).
• L’histoire américaine est marquée dès l’origine
par deux tendances largement contradictoires :
– Un projet théocratique, qui cherche à faire du
Nouveau Monde une communauté idéale, élue
de Dieu et régie par la morale puritaine, la Cité
de Dieu sur terre.
– Un projet de liberté et de tolérance, porté
par des protestants fuyant les persécutions religieuses et souvent inspiré ensuite par la philosophie des Lumières.
« L’esprit de religion » et « l’esprit de laïcité »
(Camille Froidevaux-Metterie) ont d’emblée
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
87 •
problématique est difficile à comprendre pour
des Français habitués à une définition extrêmement rigide de la laïcité, liée bien sûr à une histoire différente (la lutte des républicains contre
la droite cléricale).
Ce compromis, comme tous les compromis, est
d’ailleurs susceptible d’évolutions et de contestations. Les conservateurs – fondamentalistes protestants, nativistes, bien implantés dans la Bible
Belt – critiquent la laïcité, parce qu’ils estiment
que l’Amérique est « naturellement » fondée sur
les valeurs protestantes et l’identité WASP. Les
progressistes – liberals, c’est-à-dire intellectuels
de gauche, militants de l’ACLU (American Civil
Liberties Union) – réclament une laïcité plus stricte
(plus « française »). La limite entre la religion civile et le nativisme n’est pas toujours évidente à
tracer. L’interprétation des textes peut varier selon
l’orientation des juges de la Cour suprême.
• On doit donc faire comprendre aux élèves
l’originalité d’une société américaine marquée
à la fois par l’identité protestante, une extrême
diversité religieuse et la neutralité de l’État. Que
le président des États-Unis ait coutume de prêter serment sur la Bible n’est pas contradictoire
avec la laïcité de l’État fédéral, conçue comme
respect de la diversité religieuse. Si la société
américaine baigne dans la religiosité, les prières
sont interdites dans les écoles publiques.
Pour comprendre tout cela, il faut avoir quelques
notions sur le protestantisme américain, un
univers plutôt mal connu et exotique pour les
Français. Il est bien sûr hors de question de faire
une histoire détaillée de ses multiples courants
et dénominations. L’important est de maîtriser
la typologie utilisée aujourd’hui dans les statistiques de sociologie religieuse, qui répartit les
protestants en trois catégories : les évangéliques,
les mainline churches et les Églises noires. Il
faut donc expliquer ce qu’est la mouvance évangélique, surtout implantée dans la Bible Belt et
souvent proche du fondamentalisme sans s’y
identifier totalement (il existe des évangéliques
progressistes). Enfin, il faut évoquer le rôle
essentiel des Églises dans l’identité afro-américaine (et même américaine tout court, puisque
le gospel a largement dépassé la communauté
noire) et dans la lutte des Noirs pour leur émancipation. Le principal leader noir, Martin Luther
King, était un pasteur baptiste et l’islam n’a pas
it
réussi à détrôner les Églises protestantes comme
porte-parole de la communauté afro-américaine.
• La question doit être étudiée « depuis les années
1890 » : cette période n’est pas une césure marquante dans les relations entre religion et société
aux États-Unis. La chronologie de l’ensemble
du thème 2 s’est imposée à cette question, sans
correspondre ici à un vrai tournant.
e
s
s
◗ Bibliographie
o
B
it
e
s
s
o
B
• 88
Ouvrages généraux
C. Froidevaux-Metterie, Politique et religion
aux États-Unis, La Découverte, coll. Repères,
n° 529, 2009. [De loin le meilleur manuel, à partir d’une bonne bibliographie américaine.]
I. Richet, La Religion aux États-Unis, PUF, coll.
Que sais-je ?, 2001.
D. Lacorne, De la religion en Amérique : essai
d’histoire politique, Gallimard, coll. L’esprit de
la cité, 2007.
S. Fath, Dieu bénisse l’Amérique, la religion de
la Maison-Blanche, Éditions du Seuil, 2004.
Recueils de documents
J.-P. Martin, La Religion aux États-Unis, Presses
universitaires de Nancy, 1989. [Histoire thématique des États-Unis, un précieux recueil de
documents en anglais.]
É. Zoller, Les Grands Arrêts de la Cour suprême
des États-Unis, Dalloz, 2010. [Très utile pour les
débats sur la laïcité, avec les textes traduits en
français et commentés].
F. Robert, L’Histoire américaine à travers les présidents américains et leurs discours d’investiture
(1789-2001), Ellipses, 2001. [Une anthologie
commode des discours d’investiture, en anglais.]
M. Luther King, « Je fais un rêve ». Les grands
textes du pasteur noir, trad. Marc Saporta,
Bayard, 2008 (rééd.).
Ouvrages spécialisés
G. Golding, Le Procès du singe. La Bible contre
Darwin, Éditions Complexe, 2006 (rééd.).
D. Lecourt, L’Amérique entre la Bible et Darwin,
PUF, coll. Quadrige, 2007 (rééd.).
« Charles Darwin », Télérama, hors série, 2009.
S. Fath, Militants de la Bible aux États-Unis.
Évangéliques et fondamentalistes du Sud,
Autrement, 2004.
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
S. Fath, Billy Graham, pape protestant ?, Albin
Michel, 2002.
S. Fath, Dieu XXL, la révolution des megachurches, Autrement, 2008.
R. Neher-Bernheim, Histoire juive de la
Révolution à l’État d’Israël. Faits et documents, Éditions du Seuil, 2002. [Deux chapitres
consacrés aux États-Unis, avec des documents
traduits.]
Sitographie
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
www.pewforum.org : site de The Pew Forum on
Religion and Public Life (antenne du think tank
américain The Pew Forum), qui fournit une riche
documentation sur les religions aux États-Unis.
www. thearda.com : site de l’ARDA (Association
of Religion Data Archive).
◗ Plan du chapitre
it
constitue l’un des fondements de la société étatsunienne. On enchaîne avec l’étude « Science, religion et enseignement aux États-Unis » qui pose
la question des rapports du protestantisme au
monde moderne, à travers le cas du darwinisme.
Puis l’étude « La religion et l’émancipation des
Afro-Américains » permet de montrer le rôle
central de la religion dans le combat politique
des Noirs. Elle joue aussi un rôle central dans
l’identité culturelle des Afro-américains, étudiée
dans la double page Histoire des arts consacrée
aux Negro spirituals et au gospel.
Le deuxième cours présente le pluralisme
religieux, à travers les grandes religions qui se
sont implantées aux États-Unis : catholicisme,
judaïsme et islam. L’étude « Immigration et
tensions religieuses aux États-Unis » permet
ensuite d’analyser les crispations engendrées
par ce pluralisme, qui n’a jamais été idyllique.
Le nativisme s’est en effet vivement opposé aux
religions considérées comme des menaces pour
une identité américaine qui serait fondée sur le
protestantisme.
Le troisième cours explique en quoi consiste
le modèle original de laïcité qui caractérise les
États-Unis. Ou comment concilier le fond protestant de l’identité américaine et le pluralisme
religieux étudiés dans les deux premiers cours.
L’étude « La séparation des Églises et de l’État
en débat » montre ensuite que ce modèle est une
synthèse assez instable, qui a évolué dans le
temps et toujours suscité des contestations.
Un plan chronologique est difficile à concevoir
et il aurait impliqué de nombreuses redites. Il
n’y a en effet pas de césures nettes qui permettraient de problématiser une évolution. Nous
avons donc choisi une approche thématique, qui
se déploie en trois grandes séquences (autour
des trois cours).
Au préalable, la double page Retour sur… permet de replacer le thème dans le temps long d’une
histoire américaine que les élèves connaissent
sans doute mal. Puis une carte permet de situer
la réflexion dans l’espace des États-Unis.
Le premier cours est consacré au protestantisme
américain, qui est un monde à lui tout seul et qui
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
89 •
it
Commentaire des documents et réponses aux questions
◗ Ouverture de chapitre
� MANUEL, PAGES 158-159
Doc. 1. Une tradition chrétienne omniprésente
(Photographie de la prestation de serment de
Barack Obama, le 20 janvier 2009.)
e
s
s
sulmans (voile de la fillette, bonnet du garçon),
brandissent un drapeau américain (étrangement
tenu à l’envers) avec la célèbre formule God
bless USA. Ce Dieu qui bénit l’Amérique peut
bien s’appeler Allah pour les musulmans américains. Cette manifestation a lieu le 11 septembre
2010, pour soutenir le projet d’une mosquée/
centre culturel musulman à proximité de Ground
Zero. On sait que ce projet rencontre de fortes
oppositions (voir manuel page 175) et on peut
faire réfléchir les élèves sur les conséquences
des attentats du 11 septembre pour la communauté musulmane des États-Unis, et notamment
de New York.
o
B
it
e
s
s
o
B
Lors de la cérémonie d’investiture (Inauguration
Day), le nouveau président des États-Unis prête
serment devant le Chief Justice (président de la
Cour suprême) : « Je jure solennellement que
j’exercerai loyalement mes fonctions de président des États-Unis et que je préserverai, protégerai et défendrai la Constitution des ÉtatsUnis au mieux de mes capacités ». La prestation
de serment a lieu à Washington, sur les marches
du Capitole (siège du Congrès).
Le fait de prêter serment sur la Bible est une coutume et en rien une obligation constitutionnelle.
En 1825, John Quincy Adams, partisan d’une
stricte laïcité, prêta serment sur un recueil de
lois. En 1960, Kennedy a prêté serment sur une
version catholique de la Bible. Barack Obama a
prêté serment sur la Bible utilisée en 1861 par
Lincoln, le président qui a aboli l’esclavage.
Les députés et sénateurs sont aussi soumis à une
prestation de serment : le premier à l’avoir fait
sur le Coran est Keith Ellison en 2007 (cf. doc. 1
page 185 du manuel).
Cette coutume de prêter serment sur la Bible est
caractéristique de la laïcité à l’américaine. Cette
photographie montre que la religion (la Bible),
associée ici à la famille (l’épouse et les filles de
Barack Obama), se mêle à la vie politique (le
Capitole, l’entrée en fonctions du président) sans
que cela ne choque personne. On peut d’emblée
faire réfléchir les élèves sur la différence avec
la France, qui a une définition différente de la
laïcité.
Doc. 2. Une société ouverte
à toutes les religions
(Photographie de deux enfants participant à une
manifestation de soutien à la construction d’un
centre culturel musulman à New York, 11 septembre
2010).
Cette photographie montre bien le rôle croissant
que joue l’islam dans la société américaine. Les
deux enfants, aisément identifiables comme mu• 90
◗ Carte
Les religions aux États-Unis
� MANUEL, PAGES 162-163
Il faut savoir que l’administration américaine
(Bureau du Census) ne publie aucune statistique
sur les religions. Tous les chiffres sont donc des
estimations réalisées par divers instituts. Le
document 1 est ainsi un sondage réalisé par le
Pew Forum on Religion and Public Life sur un�
échantillon d’adultes.
1. Le protestantisme américain
� MANUEL, PAGES 164-165
Doc. 1. Les évangéliques
(Une du magazine Time, 7 février 2005.)
• Question. Cette une nous apprend que les
évangéliques exercent une très grande influence
aux États-Unis. Celle-ci s’exerce ouvertement,
elle ne choque personne : il n’est pas question
ici de dénoncer une influence occulte, mais de
présenter une sorte de hit parade des « 25 évangéliques les plus influents en Amérique ». On
reconnaît, occupant la partie droite de la croix,
les photos de Billy Graham, le plus célèbre prédicateur évangélique (proche de tous les présidents américains depuis Eisenhower) et de son
fils Franklin Graham.
Cette couverture nous apprend aussi que l’influence des évangéliques est politique, qu’ils
ont beaucoup compté dans l’élection de George
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
W. Bush (« Que leur doit Bush ? ») et qu’ils sont
moins proches des démocrates (« Les démocrates ont-ils besoin de plus de religion ? »). On
sait qu’il existe une aile « progressiste » dans la
mouvance évangélique, qui a soutenu les présidents Carter puis Clinton, et que Barack Obama
tente de séduire.
Doc. 2. La religion au coin de la rue
• Question. Cette église ressemble à une boutique, dont la vitrine a été remplacée par des
vitraux représentant le Christ. À gauche de cette
« église de devanture », on aperçoit une officine
de prêt (« prêts gagés sur les manteaux de fourrure, les pardessus, les costumes ») et de gardemeubles. L’église est comme une « boutique de
religion » offrant aux passants l’aide de Dieu…
Doc. 3. Le fondamentalisme
it
soir qui permettent d’accéder à des emplois plus
qualifiés).
• Question 2. Cet évêque épiscopalien insiste
sur « l’atmosphère américaine » qui a transformé
l’immigré irlandais en capitaliste américain.
Il entend par là l’ensemble des valeurs qui imprègnent la société des États-Unis, cette morale
protestante de la réussite individuelle toujours
possible grâce au travail et au talent. Baigné
dans cette atmosphère, un Irlandais catholique,
qui ne montre au départ « pas le moindre signe
d’intelligence, de vivacité ou d’ambition » (!),
est devenu un capitaliste prospère. L’histoire est
particulièrement frappante, parce que son héros,
l’Irlandais, est considéré a priori comme inassimilable ; la force de « l’atmosphère américaine »
est d’autant plus remarquable.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
• Question. L’auteur voit le monde qui l’entoure
d’une manière très négative. Selon lui, la « civilisation chrétienne » est « en péril », les « agents
du Diable » ont commencé leur « carrière de
destruction ». Les changements qui affectent
le société en ce début du XXe siècle sont donc
condamnés par P. Mauro, dans une perspective
paranoïaque et obsidionale. On peut souligner le
style emphatique de l’auteur, qui multiplie les
formules chocs et les citations bibliques.
Il insiste sur trois aspects :
– l’évolutionnisme scientifique, c’est-à-dire les
théories de Darwin ;
– la démocratie, présentée explicitement comme
un mauvais régime, où le peuple choisit de mauvais dirigeants ;
– l’enseignement, où, dans un système démocratique, le peuple est formé par de mauvais
professeurs.
Doc. 4. Morale et richesse
• Question 1. La richesse est présentée par l’auteur comme un don de Dieu, la récompense d’un
comportement moral (« c’est seulement l’homme
moral qui devient riche. Nous croyons à l’harmonie du Monde créé par Dieu »). L’histoire de
l’Irlandais vise à montrer qu’il est devenu riche
« sans aucun piston », grâce à ses qualités (que
l’on peut relever précisément dans le texte) : le
travail, l’épargne (il ouvre un compte à la caisse
d’épargne et épouse une femme économe), la
volonté de progresser sans cesse (les cours du
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
◗ Étude
Science, religion et enseignement
aux États-Unis
� MANUEL, PAGES 166-167
Réponses aux questions
1. Les anti-évolutionnistes reprochent à la théorie de Darwin de constituer « une attaque contre
la Bible » (doc. 3), en contredisant le récit de la
Genèse, de vouloir descendre « de ces hauteurs
où Dieu a installé l’homme » (doc. 2) pour ramener l’humanité au rang des animaux. Et en
remettant en question la Bible, le darwinisme
menacerait la morale et tout l’ordre social : il
faciliterait le « détachement vis-à-vis des valeurs
morales traditionnelles » (doc. 3), il pousserait
les enfants à « se moquer de la religion de leurs
parents » (doc. 2). On voit bien ici que le fondamentalisme, fondé sur l’idée que la Bible est
infaillible, considère toute distance vis-à-vis de
celle-ci comme une révolte contre l’ordre divin.
2. Les anti-évolutionnistes s’opposent à l’enseignement des théories de Darwin de plusieurs
manières. Ils ont constitué un lobby, un groupe
de pression, l’Anti-evolution League (doc. 1), qui
diffuse ses thèses en publiant des livres (comme
ceux de Martin et Bryan). Le premier objectif
de ce lobby à partir de 1919 est de « faire promulguer des lois interdisant l’enseignement de
cette théorie dans les écoles publiques » (doc. 3).
C’est tout l’objet du « procès du singe » en 1925,
qui porte sur la loi Butler interdisant l’enseigne91 •
ment du darwinisme dans les établissements publics du Tennessee. « Les parents peuvent quand
même exiger que nul enseignant rémunéré par
leurs impôts ne prive leurs enfants de la foi en
Dieu » s’exclame Bryan, héraut de l’anti-évolutionnisme et procureur au procès (doc. 2). La loi
Butler est restée en vigueur dans le Tennessee
jusqu’en 1967 et c’est seulement en 1968 que la
Cour suprême a jugé inconstitutionnelle l’interdiction d’enseigner la théorie de l’évolution.
L’anti-évolutionnisme a ensuite pris la forme
du créationnisme, en se présentant comme une
science et en réclamant d’être enseigné à égalité
avec le darwinisme. « On commence à employer
couramment le terme “créationnisme“ vers 1965 »
note le document 3. La stratégie devient plus subtile : il ne s’agit plus de réclamer l’interdiction de
l’enseignement du darwinisme, mais de prétendre
le contredire sur son propre terrain, celui de la
science. Mais, en 1987, la Cour suprême a jugé
contraire à la Constitution l’obligation d’enseigner
le créationnisme dans les écoles publiques.
Le dernier avatar du créationnisme pseudoscienfitique est la théorie du « dessein intelligent » (intelligent design) qui attribue l’évolution des espèces à un plan divin. Les défenseurs
de cette théorie ne demandent plus l’enseignement du créationnisme, mais la possibilité de
« débattre » de la théorie de l’évolution. Un projet de loi en ce sens a été adopté en 2012 par
l’État du Tennessee.
3. L’anti-évolutionnisme est particulièrement
actif dans le Sud des États-Unis, puisque le
procès du singe a lieu dans le Tennessee et que
l’Arkansas, en 1981, a voulu mettre sur le même
pied le darwinisme et le créationnisme (doc. 3).
Cette implantation sudiste s’explique aisément :
le Sud, surnommé la Bible Belt, est le bastion
du protestantisme évangélique, où la sensibilité
fondamentaliste est très présente.
4. Le singe est omniprésent dans les débats sur
le darwinisme (cf. le nom de « procès du singe »
donné au procès Scopes de 1925), et notamment
dans les caricatures, parce qu’il semble résumer
la théorie de l’évolution pour le grand public.
Si l’homme n’a pas été créé par Dieu mais est
le produit d’une évolution des espèces, alors
l’homme « descend du singe », qui est l’espèce
animale la plus proche. Pour les anti-évolutionnistes, Darwin ravale l’homme au niveau de
it
l’animalité (cf. doc. 2), de la bestialité. Le singe
devient ainsi le père de Darrow, l’avocat favorable à l’évolution (doc. 4). On peut cependant
rappeler que Darwin n’a jamais dit : « l’homme
descend du singe ». La théorie de l’évolution
attribue un ancêtre commun aux hommes et aux
singes, ce qui est différent.
5. L’enseignement des théories de Darwin est en
débat aux États-Unis depuis un siècle, parce que
celles-ci entrent en contradiction avec la Genèse.
Or la Bible est le fondement du protestantisme,
majoritaire aux États-Unis, et elle est considérée comme infaillible par les fondamentalistes.
Ceux-ci considèrent donc que le darwinisme
est une menace contre la religion, la morale et
l’ordre social. Ils luttent contre le darwinisme
en tentant d’abord d’en interdire l’enseignement dans les établissements publics, puis de le
contester sur son propre terrain scientifique avec
le « créationnisme ».
6. Récemment, le fondamentalisme islamique
a combattu la théorie de l’évolution. Ainsi, en
2007, L’Atlas de la création a été diffusé en
France : il est signé par Harun Yahya, pseudonyme du prédicateur musulman turc Adnan
Oktar, et prétend réfuter le darwinisme. On peut
faire travailler les élèves sur les débats suscités
par la diffusion de cet ouvrage en France et sur
les liens qui peuvent exister entre les fondamentalistes évangéliques américains et les fondamentalistes musulmans.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
• 92
◗ Étude
La religion et l’émancipation
des Afro-Américains
� MANUEL, PAGES 168-169
Réponses aux questions
1. Les objectifs du mouvement dirigé par King
sont d’« éliminer les barrières de la ségrégation
et de la discrimination » et d’obtenir « l’intégration complète [des Noirs] à la vie américaine »
(doc. 2). Le « rêve » du pasteur King en 1963 est
de faire régner la fraternité entre les Noirs et les
Blancs aux États-Unis (doc. 1). L’égalité entre
les hommes, considérés comme des frères, est
bien sûr un principe de base du christianisme.
Sur le plan juridique, cela implique que les Noirs
puissent jouir de leurs droits civiques, et notamment du droit de vote.
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
Ces objectifs sont loin d’être atteints à cette
date, puisqu’une ségrégation légale règne dans
les États du Sud et que des discriminations sociales existent dans le reste des États-Unis, où
les Noirs vivent dans des ghettos.
2. Pour faire avancer la cause des Noirs, King
veut « stimuler une action des masses, directe
et non violente » (doc. 2). Il s’agit de créer un
mouvement de masse (réunissant les Noirs et
les Blancs qui les soutiennent), faisant pression
sur les autorités en utilisant les « techniques de
la non-violence » (inspirées de celles employées
en Inde par Gandhi contre le colonisateur britannique). On peut citer en exemple le boycott
des bus de Montgomery lancé en décembre 1955
après que Rosa Parks a refusé de céder sa place à
un Blanc comme le règlement l’exigeait.
3. King critique certains responsables religieux
parce qu’ils se sont opposés au mouvement
d’émancipation des Noirs ou parce qu’ils ne
l’ont pas soutenu. Il vise les représentants blancs
des grandes religions « dans le Sud » : catholiques (« les prêtres »), juifs (« les rabbins ») et
protestants (« les pasteurs »). Il reproche à beaucoup d’entre eux de s’être accommodés de la
ségrégation. Et il attribue le succès de l’islam
dans la communauté noire à « l’échec des chrétiens qui n’ont pas su vivre en accord avec les
préceptes du christianisme ; car il n’y a rien dans
le christianisme ni dans la Bible qui justifie la
ségrégation raciale » (doc. 2).
4. La Nation de l’Islam refuse « l’intégration »
parce qu’elle la considère comme une « offre
hypocrite » (doc. 3), une « tromperie [qui] a pour
but d’empêcher les Noirs de réaliser que le moment historique de la séparation avec les Blancs
de cette nation est arrivé ». Les Black Muslims
pensent que le passif de l’esclavage et de la discrimination est trop lourd pour permettre une
cohabitation égalitaire et harmonieuse entre les
descendants des esclaves et les descendants des
esclavagistes. L’intégration est vue comme une
sorte de dernière ruse des Blancs pour empêcher
la vraie émancipation des Noirs. Les leaders
noirs qui prônent l’intégration sont considérés
comme des alliés des Blancs, et le christianisme
est discrédité pour avoir trop longtemps toléré
l’esclavage.
C’est pourquoi les Black Muslims prônent la
« séparation » des communautés : ils réclament
it
le droit de « créer notre État ou territoire », et,
en attendant, des mesures immédiates assurant
l’égalité. La rupture avec la société blanche
chrétienne passe par l’adoption de l’islam et
« l’interdiction des mariages mixtes et du mélange des races ».
5. Cette photographie peut créer un choc dans
l’opinion américaine. Cassius Clay est à cette
date un boxeur déjà célèbre (champion olympique en 1960), qui aime se faire appeler « The
Greatest ». Mais c’est Allah qui est désormais le
plus grand si l’on en croit l’affiche collée sur le
mur derrière le boxeur. Il a officiellement rejoint
la Nation de l’Islam après avoir remporté le
titre de champion du monde des poids lourds à
Miami en février 1964, en battant Sonny Liston
(cette photographie a été prise quelques jours
avant le combat). La référence à l’islam, alliée
à la pose martiale de ce boxeur charismatique,
peut faire comprendre à l’opinion américaine
que des changements se préparent dans la communauté noire. On sait que le sport était l’un des
rares domaines (avec la musique) pouvant assurer la promotion sociale et médiatique des Noirs.
Il peut donc être mis au service de la cause des
Noirs. On peut penser aux Jeux Olympiques de
Mexico en 1968, quand les deux athlètes afroaméricains vainqueurs du 200 mètres (Tommie
Smith et John Carlos) levèrent un point ganté
pour protester devant l’opinion mondiale contre
la situation des Noirs aux États-Unis.
6. Le projet de King et celui de la Nation de l’Islam ont en commun leurs objectifs : abolir les
discriminations, assurer l’égalité entre les Noirs
et les Blancs aux États-Unis, émanciper et promouvoir sur tous les plans la communauté noire.
Les deux projets diffèrent sur les moyens : King
veut intégrer les Noirs dans la société américaine
au nom d’une religion chrétienne commune ;
la Nation de l’Islam veut séparer les Noirs des
Blancs en créant une communauté musulmane
noire sur un territoire autonome.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
93 •
◗ Histoire des Arts
Negro spirituals et gospel : la musique religieuse afro-américaine
e
s
s
it
� MANUEL, PAGES 170-171
Analyse des documents
Analyser
Interpréter
1. La source d’inspiration des negro spirituals et du
gospel est la Bible, plutôt l’Ancien Testament pour les
premiers et le Nouveau Testament (l’Évangile) pour
le second, comme son nom l’indique.
C’est typique du protestantisme, puisque celui-ci recentre la religion chrétienne sur la Bible, considérée
comme la seule source de la vérité et que le croyant
est invité à lire pour nourrir sa foi.
2. Ce chant évoque l’histoire de Moïse venu libérer
les Hébreux installés en Égypte, qui ont été réduits
en esclavage par le pharaon. Celui-ci finit par laisser
partir les Hébreux (après que l’Égypte a été frappée
par dix fléaux, non évoqués ici), puis lance son armée
à leur poursuite. Dieu ouvre un passage aux Hébreux
à travers la mer Rouge, puis celle-ci se referme et engloutit les Égyptiens. Moïse peut guider son peuple
vers le Sinaï (où il reçoit les Tables de la Loi) puis vers
la Terre promise…
Cette histoire touche les Afro-Américains parce qu’ils
peuvent s’identifier aux Hébreux. Les esclaves africains ont été déportés en Amérique et réduits en esclavage pour « peiner sur la terre étrangère », comme
les Hébreux en Égypte. Ils ont été opprimés par les
planteurs blancs, comme les Hébreux par le pharaon.
Ils peuvent espérer être libérés de cette oppression,
comme les Hébreux l’ont été par Moïse, guidé par
Jéhovah. Le peuple persécuté deviendra le peuple élu
et gagnera la Terre promise. En s’inspirant de l’histoire des Hébreux, la foi chrétienne peut ainsi entretenir l’espoir d’une émancipation des Afro-Américains.
o
B
it
e
s
s
o
B
3. Au-delà de sa dimension religieuse, le gospel est devenu un élément de la culture américaine. Il a en effet inspiré toute la musique populaire américaine, aussi bien celle des Noirs (soul) que celle des Blancs (rock ’n’roll),
comme le montre le témoignage d’Elvis Presley (doc. 2b). Dans une société imprégnée par le protestantisme,
et donc par la Bible, les thèmes du gospel sont familiers à tous. Et la communauté noire discriminée s’identifie
immédiatement aux Hébreux persécutés ou aux premiers chrétiens opprimés : le gospel c’est pour elle la réalité
quotidienne, comme le dit le romancier James Baldwin (doc. 2a).
2. Le pluralisme religieux
� MANUEL, PAGES 172-173
Doc. 1. L’échec du premier candidat
catholique à l’élection présidentielle
• Question 1. L’échec d’Al Smith s’explique
par l’hostilité des protestants, majoritaires dans
l’électorat, au catholicisme. Celui-ci est considéré comme une sorte de corps étranger, de menace : « trop de gens s’effrayaient à l’idée […]
que l’Église de Rome pourrait mettre la main
sur les États-Unis s’il devenait président ». Ce
« préjugé » contre les papistes est particulièrement fort, comme le dit Frances Perkins, dans
les régions rurales du Sud et du Middle West,
où le protestantisme domine (et où Smith est en
plus perçu comme un homme de la ville). Même
dans l’État de New York, où le catholicisme est
bien implanté et dont Smith est le gouverneur,
on ne souhaite pas l’élire à la présidence.
• 94
• Question 2. Le texte permet de comprendre
qu’en 1928, les protestants américains identifient un catholique à deux signes distinctifs : le
signe de croix et le chapelet. En effet, les protestants ignorent ce geste de piété qu’est le signe
de croix et cet objet de piété qu’est le chapelet
(utilisé pour réciter des prières). On voit ici que
la différence entre protestants et catholiques se
marque dans les pratiques quotidiennes et que
la majorité protestante ne veut pas voir « un
homme dire son chapelet à la Maison-Blanche »
selon la propre formule d’Al Smith.
Doc. 2. Un juif de New York
• Question. Cet immigrant juif appartient au milieu ouvrier des quartiers pauvres de New York.
La fin du texte montre qu’il travaille « dans une
boutique sale » pour un « patron » qualifié de « suceur de sang », ce qui laisse entrevoir des conditions de travail difficiles et des relations tendues
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
avec son employeur. Cet homme vit certainement
dans le quartier juif du Lower East Side, où les
immigrés logent dans des tenements (immeubles)
et travaillent dans des ateliers de confection étriqués (surnommés sweatshops). Cet homme dit
fréquenter des « gens progressistes » et lire des
« journaux progressistes » : il est proche des milieux socialistes et syndicalistes.
La religion représente pour lui le monde de son
enfance, dont il est nostalgique. Il est né « dans
un shtetl de Russie », c’est-à-dire dans une communauté juive de l’Empire russe (sans doute
dans la Pologne ou la Lituanie d’aujourd’hui),
où il a reçu une éducation religieuse. Arrivé à
New York, il a rompu avec le judaïsme, sous
l’influence des progressistes, et il est devenu
un « libre-penseur ». Mais son identité juive n’a
pas disparu et elle resurgit lors des fêtes. La
nostalgie le ramène à la synagogue, ou parmi
ses « compatriotes », il oublie la difficulté de
la vie quotidienne. On voit bien ici comment
la religion est un marqueur identitaire pour ces
immigrants déracinés, même s’ils se proclament
libres-penseurs.
it
Dearborn, ville emblématique de l’islam américain, l’émission veut montrer qu’il n’y a pas
d’incompatibilité entre les valeurs musulmanes
et les valeurs américaines. On peut demander
aux élèves de chercher d’autres images emblématiques issues de cette émission, comme celles
où l’on voit les joueurs d’une équipe de football
américain faire la prière musulmane.
e
s
s
◗ Étude
o
B
it
e
s
s
o
B
Doc. 3. D’où viennent les musulmans vivant
aux États-Unis ?
• Question. La croissance de la communauté
musulmane aux États-Unis s’explique de deux
façons :
– par un facteur endogène : l’implantation de
l’islam dans la communauté afro-américaine ;
– par un facteur exogène : l’immigration aux
États-Unis de musulmans venant surtout du
Moyen-Orient et d’Asie du Sud.
Doc. 4. La vie des musulmans américains
• Question. Cette émission de télé-réalité vise
à faciliter l’intégration des musulmans dans la
société américaine, en luttant contre les préjugés dont ils sont victimes. Le titre de l’émission
est déjà tout un programme, puisqu’il affirme
que l’ont peut être à la fois un musulman et un
« bon Américain ». Le graphisme joue sur les
couleurs américaines (rouge et bleu) et mélange
les symboles musulman (croissant) et américain
(étoile). Les deux personnages sont identifiables
comme musulmans (le foulard pour la femme,
la barbiche pour l’homme), mais offrent en
même temps l’image rassurante du couple américain. En scénarisant la vie de cinq familles de
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
Immigration et tensions religieuses
aux États-Unis
� MANUEL, PAGES 174-175
Réponses aux questions
1. Le catholicisme est vu par cette organisation
comme une religion fondée sur « l’ignorance et le
fanatisme » et une Église qui opprime ses fidèles
en leur imposant « l’obéissance aveugle » (doc.
1). Les protestants américains sont très hostiles
à la hiérarchie de « l’Église catholique romaine »
et au « pouvoir du pape » et ils sont persuadés
que les catholiques américains en sont prisonniers, qu’il faut les libérer de cet esclavage.
2. Cette organisation compte lutter contre le
catholicisme en promouvant « les intérêts de
tous les protestants » aux États-Unis et dans le
monde et en s’efforçant de « briser le pouvoir du
pape » (doc. 1). Concrètement, elle propose des
mesures de boycott à l’encontre des catholiques
aux États-Unis dans tous les domaines :
– l’emploi : « ne jamais employer un catholique
romain dans un emploi quelconque si je peux me
procurer les services d’un protestant » ;
– le financement des églises et institutions religieuses : « ne jamais aider à construire ou à entretenir […] une église catholique romaine ou
toute institution relevant de leur secte » ;
– la politique et l’administration : « ne pas approuver la nomination […] d’un catholique
romain pour toute fonction à la discrétion du
peuple américain et ne pas voter […] pour un catholique romain ». On sait que les Américains ne
votent pas seulement pour élire les représentants
politiques, ils élisent également les sénateurs et
les grands électeurs du président, mais aussi des
officiers de justice comme le shérif (au niveau
du comté).
3. Cette photographie (doc. 2) nous apprend
que dans les années 1920, le KKK n’est pas une
95 •
organisation clandestine implantée seulement
dans les anciens États esclavagistes du Sud.
On voit ici les membres du Klan qui défilent au
grand jour, à visage découvert, dans les rues de
Washington (on aperçoit au fond le Capitole).
Cette démonstration de force dans la capitale fédérale révèle la large implantation du KKK dans
tous les États-Unis.
4. Ces dirigeants juifs considèrent la loi de 1924
comme discriminatoire parce qu’elle établit des
quotas au sein de l’immigration européenne
en fonction des « pays d’origine, mais aussi
[de] l’origine raciale et [des] croyances religieuses » (doc. 3). La loi limite l’immigration à
2 % de chaque groupe « national » présent aux
États-Unis en 1890. Le choix de cette année de
référence n’est pas dû au hasard : à cette date,
l’immigration originaire de l’Europe du Sud et
de l’Est était encore faible. Autrement dit, la loi
favorise « ceux qui viennent d’Europe du Nord
et de l’Ouest », parce qu’ils « sont supposés être
anglo-saxons, répondre à une mythique origine
nordique et être majoritairement protestants ».
Les immigrants proches du modèle WASP sont
jugés plus faciles à intégrer. Inversement, « ceux
qui viennent de l’Europe du Sud et de l’Est »
sont considérés comme moins « assimilables »
parce qu’ils « sont d’une origine raciale et d’une
croyance religieuse différente ». Sont surtout
visés ici les catholiques italiens et les juifs de
l’Europe orientale. La loi, implicitement fondée
sur la promotion d’un certain « modèle ethnicoreligieux » (WASP), crée donc des discriminations à l’intérieur de la société américaine.
5. L’islamophobie d’une partie de l’opinion américaine a pour fondements l’assimilation de l’islam
au terrorisme islamiste et l’insistance sur certains
aspects de la Charia. La combinaison de ces deux
aspects fait que l’islam est souvent perçu comme
une religion violente et arriérée, « une religion de
haine et de guerre » selon Franklin Graham (doc.
4), fils du plus célèbre prédicateur évangélique.
Les attentats du 11 septembre 2001 à New York
ont évidemment renforcé l’amalgame entre islam
et terrorisme. Le projet de construction d’une
mosquée près de Ground Zero a ensuite été perçu
par une partie de l’opinion comme une véritable
provocation. La photo des manifestants hostiles
à ce projet (doc. 5) est significative : à côté d’un
écriteau rappelant les attentats contre le World
it
Trade Center (à droite de l’image : « 9/11 Never
Forget »), on voit surtout des pancartes où le mot
Sharia est écrit en lettres de sang. La loi islamique
est ainsi considérée en soi comme barbare et l’islam assimilé à la violence des terroristes.
6. Le nativisme fonde l’identité américaine sur
le protestantisme : les « vrais » Américains sont
pour lui des WASP. Il cherche donc à protéger
l’Amérique de l’influence des autres religions,
par divers moyens (propagande, manifestations,
boycott, restriction de l’immigration). Au cours
de l’histoire américaine, les nativistes ont d’abord
combattu les catholiques irlandais ; puis les catholiques italiens et les juifs d’Europe orientale
(immigration massive à la fin du XIXe siècle et
au début du XXe siècle) ; et plus récemment les
musulmans (reprise de l’immigration à la fin du
XXe siècle).
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
• 96
3. Un modèle original de laïcité
� MANUEL, PAGES 176-177
Doc. 1. Une megachurch
(Photographie de Willow Creek Church, à South
Barrington dans la banlieue de Chicago.)
• Question. Cette église ressemble à une immense salle de spectacle, avec des gradins couverts de fauteuils, une scène, des écrans géants.
Si on ne savait pas qu’il s’agit d’un office religieux, on pourrait penser que le public assiste
à un show musical. On peut en conclure que la
religion aux États-Unis ne se distingue pas forcément des activités « profanes ». Les différentes
Églises, en concurrence les unes avec les autres,
n’hésitent pas à utiliser les méthodes modernes
de marketing et de communication pour « séduire » les fidèles.
Doc. 2. La compassion et la charité
• Question. George Bush veut donner à la religion une nouvelle place dans le domaine social,
en complément de l’action de l’État. « La compassion est l’affaire de la nation, et pas seulement du gouvernement » affirme le président
nouvellement élu, qui laisse entendre que la
législation doit prendre en compte le rôle des
Églises dans la société. On notera qu’il ne fait
pas seulement référence au christianisme, mais
évoque la religion d’une manière générique
(« l’église et la charité, la synagogue et la mosquée »). Pour les évangéliques conservateurs
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
it
dont George Bush est proche, la séparation
des Églises et de l’État n’empêche nullement
celles-ci de bénéficier de fonds publics quand
elles œuvrent dans le domaine social. Ce programme des Faith based and community initiatives s’inspire de Marvin Olasky, théoricien du
« conservatisme compassionnel ». Dans son livre
The Tragedy of American Compassion (1992),
Olasky affirme que les organisations confessionnelles sont plus efficaces que l’État dans la lutte
contre la pauvreté et que l’État doit leur déléguer
une partie de l’action sociale. Ce programme de
George Bush n’a pas vraiment été appliqué : il a
été critiqué, y compris au sein du camp républicain, comme remettant trop en cause la laïcité.
– le Veterans’Day, en l’honneur des anciens
combattants (de la Première Guerre mondiale,
puis de toutes les guerres).
Il y a enfin le National Day of Prayer : institué
de manière ponctuelle (en 1775, 1798, 1863),
cette cérémonie était tombée en désuétude. Elle
est rétablie en 1952, dans le contexte de la guerre
froide, et contestée depuis par les défenseurs de
la laïcité. Il s’agit d’une prière consensuelle,
sans référence à une religion précise, pour le
salut de la nation et de l’humanité. On voit ici
comment la religion civile peut être considérée
par certains comme contraire à la séparation des
Églises et de l’État.
Doc. 3. Le calendrier de la religion civile
La devise « In God we trust » n’est pas jugée
contraire à la laïcité par la plupart des Américains
parce qu’elle ne fait référence à aucune religion ou dénomination particulière. La présence de cette devise sur les billets de banque,
à côté du nom du pays (The United States of
America) et des symboles de l’État fédéral (la
Maison-Blanche ici, sur le billet de 20 dollars ;
le Capitole sur le billet de 50 dollars) ne choque
que les défenseurs les plus sourcilleux de laïcité. La grande majorité des Américains considèrent que leur pays a une « destinée manifeste »
à accomplir et que chacun, quelle que soit sa
religion, doit croire en Dieu pour qu’il bénisse
l’Amérique (« God bless America », selon le titre
d’une chanson écrite en 1918 et devenue une
sorte d’hymne officieux des États-Unis).
On imagine mal un billet de banque français
portant ce genre de devise à côté de Marianne ou
du palais de l’Élysée ! On peut ainsi facilement
faire comprendre aux élèves la grande différence
entre la France et les États-Unis dans la définition de la laïcité et les ambiguïtés de la « religion
civile » américaine.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
• Question. Ce calendrier permet d’analyser
les différentes composantes de la religion civile
américaine. On peut dresser une brève typologie
des célébrations et commémorations.
Il y a d’abord les événements fondateurs de la
nation américaine, dans l’ordre chronologique
de l’histoire des États-Unis :
– Thanksgiving, qui rappelle la première récolte
des « Pères fondateurs » (et les relations alors
bonnes avec les Amérindiens) ;
– la Fête de l’Indépendance, qui commémore la
déclaration d’indépendance du 4 juillet 1776, en
rupture avec la métropole britannique ;
– la Fête des Présidents, qui célèbre l’anniversaire de deux grands présidents (Washington,
héros de l’Indépendance, et Lincoln, qui mit fin
à l’esclavage) et plus généralement l’ensemble
des présidents ;
– le souvenir de Martin Luther King, leader
du combat pour les droits civiques des AfroAméricains dans les années 1950 et 1960. Cette
commémoration est une manière de mieux intégrer les Noirs dans la communauté américaine.
Elle a été instaurée en 1983, mais certains États
(sudistes) ont mis du temps à introduire ce jour
férié dans leur législation. Elle est célébrée le 3e
lundi de janvier, date proche de l’anniversaire de
la naissance de Martin Luther King (le 15 janvier).
Il y a ensuite les commémorations en l’honneur
des Américains ayant combattu pour la patrie :
– le Memorial Day, en l’honneur des Américains
morts au combat (dans la guerre de Sécession,
puis dans toutes les guerres) ;
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
Doc. 4. Dieu et l’Amérique
◗ Étude
La séparation des Églises et de l’État en débat
� MANUEL, PAGES 178-179
Réponses aux questions
1. Selon la Cour suprême, le New Jersey ne viole
pas le 1er amendement parce que celui-ci n’interdit pas « de dépenser des fonds publics pour
payer le transport par bus des élèves des écoles
privées, en application d’un programme général
97 •
prévoyant le transport gratuit des élèves fréquentant des écoles publiques ou autres » (doc. 2). La
neutralité de l’État est ici définie dans un sens
très large : « le pouvoir étatique ne doit pas plus
être utilisé pour gêner les religions que pour les
favoriser ». Financer le transport des élèves des
écoles publiques, mais pas celui des écoles privées pourrait revenir à pénaliser les catholiques,
à gêner une partie des citoyens du New Jersey
« dans le libre exercice de leur propre religion ».
Le tribunal prend bien soin de préciser que sa
décision vaut pour toutes les religions : « cet État
ne peut exclure des catholiques, des luthériens,
des musulmans, des baptistes, des juifs, des méthodistes, des athées, des presbytériens ou des
adeptes d’une autre religion, des bénéfices de la
législation sociale ». La liste comprend non seulement les catholiques, les grands courants protestants, les juifs et les musulmans, mais même
les athées ou les « adeptes d’une autre religion »
oubliée par le tribunal (hindouistes, bouddhistes,
fidèles des NMR, etc).
2. L’État de New York a tenté de concilier la
prière dans les écoles publiques avec la séparation des Églises et de l’État de deux manières :
– en proposant une « prière neutre confessionnellement » (doc. 3), c’est-à-dire qui invoque
Dieu d’une manière générale sans faire référence à une religion précise ;
– en rendant la prière facultative : elle n’est pas
obligatoire, « son observation par les élèves [est]
volontaire ».
3. Pour faire appliquer le 1er amendement, l’État
fédéral se heurte à deux obstacles :
– D’abord au pouvoir des États fédérés, qui
ont une large autonomie administrative et qui
jusqu’en 1947 ont organisé comme ils l’entendaient leurs relations avec les Églises. L’arrêt
Everson vs Board of Education of the Township
of Ewing, en 1947, affirme clairement pour la
première fois que le 1er amendement doit être
appliqué par les États : « Le New Jersey ne peut
pas, conformément à la clause d’établissement
d’une religion du 1er amendement, contribuer
au soutien d’une institution qui enseigne les
principes et la foi d’une Église avec des fonds
publics ».
– Ensuite au caractère assez vague du 1er amendement, dont les deux clauses peuvent se prêter à
des interprétations asses contradictoires.
it
C’est la combinaison de ces deux obstacles
qui rend la tâche difficile. Ainsi, les États de la
Bible Belt comme la Floride (doc. 4) mettent
en avant la seconde clause (liberté d’exercice)
pour légitimer la présence de la religion dans la
sphère publique (comme ces Tables de la Loi à
l’entrée du tribunal de district). Inversement, les
militants de la laïcité, nombreux dans le NordEst (New Jersey pour le doc. 2, New York pour
le doc. 3), font appel à la Cour suprême parce
qu’ils estiment que la première clause (établissement d’une religion) n’est pas respectée dans
leur État.
4. Barack Obama, dans ce discours qu’il prononce en 2006 en tant que sénateur (doc. 5),
conçoit les rapports entre l’État et les religions
d’une manière équilibrée. Il renvoie dos-à-dos
les partisans d’une laïcité plus stricte (« l’embarras dans lequel toute trace de religiosité plonge
certains progressistes ») et les adversaires de
la séparation de l’Église et de l’État (certains
conservateurs qui prônent le « sectarisme »,
c’est-à-dire une présence plus nette de la religion – protestante évangélique – dans l’espace
public). Au fond, Barack Obama défend ici le
modèle américain de la laïcité, qu’il explique au
deux camps. À son propre camp, celui des « progressistes », c’est-à-dire des démocrates, Obama
rappelle que « les Américains sont un peuple religieux » et que « nous avons besoin de chrétiens
au Capitole, de juifs au Capitole, de musulmans
au Capitole ». La religion doit aider à la résolution des grandes questions, qui doivent être posées « en termes moraux ». Au camp républicain,
celui des « conservateurs », Obama rappelle « le
rôle crucial que la séparation de l’Église et de
l’État a joué en préservant non seulement notre
démocratie, mais aussi la force de notre pratique
religieuse ». La neutralité de l’État garantit la
démocratie (en empêchant l’établissement d’une
Église officielle), mais aussi la pratique religieuse (en protégeant l’exercice de toutes les religions) : on voit très bien ici comment le modèle
américain de laïcité concilie neutralité de l’État
et engagement religieux.
5. Ce que Barack Obama qualifie de « sectarisme », c’est donc la tendance de certains
conservateurs à bafouer la neutralité de l’État au
bénéfice de la religion. Il vise ici l’aile droite du
parti républicain, proche des évangéliques fon-
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
• 98
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
damentalistes. Contre le « sectarisme », Obama
rappelle que la société américaine est pluri-religieuse : « Nous ne sommes plus seulement
une nation chrétienne ; nous sommes aussi une
nation juive, une nation musulmane, une nation
bouddhiste, une nation hindoue et une nation
de non-croyants ». Ignorer ou remettre en cause
cette diversité serait menacer la démocratie américaine. Obama pousse ensuite plus loin son argumentation contre les conservateurs, en expliquant que même s’il n’y avait que des chrétiens
aux États-Unis et qu’on voulait enseigner le
christianisme dans les écoles, il serait impossible
de se mettre d’accord sur une version du christianisme. Obama fait mine de raisonner comme
les fondamentalistes protestants, pour mieux ironiser sur le « sectarisme » : « Quels passages de
l’Écriture devraient guider notre politique ? Le
Lévitique, qui accepte l’esclavage et considère
comme une abomination de manger des crustacés ? Le Deutéronome, qui recommande de lapider votre enfant s’il s’éloigne de la foi ? ». Contre
les fondamentalistes, qui défendent « l’infaillibilité » de la Bible, Obama montre que celle-ci ne
saurait guider la politique des États-Unis. L’État
doit donc respecter la diversité des sensibilités
religieuses (y compris au sein du christianisme).
6. À travers ces documents, on voit que la laïcité n’est pas toujours évidente à définir aux
États-Unis, parce qu’elle est autant fondée sur
la défense du pluralisme religieux que sur la
neutralité de l’État. Il n’est pas facile de fixer le
seuil au-delà duquel le pluralisme serait en danger. On le voit bien aux divisions entre les juges
de la Cour suprême en 1947 (doc. 2). La majorité des juges a fini par donner raison à l’État du
New Jersey en incluant les écoles privées dans la
problématique du financement du transport des
élèves, ce qui est contestable. La laïcité est d’autant plus difficile à faire respecter que ces différences d’interprétation se répercutent au niveau
des États fédérés, qui jouissent d’une autonomie
législative non négligeable.
◗ BAC
Étude critique de document
Étudier un texte littéraire
e
s
s
it
� MANUEL, PAGES 182-183
RÉPONSES AUX QUESTIONS des encadrés
Sujet : Religion et société dans le sud des
États-Unis au XXe siècle.
1. Le courant méthodiste est le premier groupe
protestant dans les années 1930. Il met l’accent
sur la foi individuelle et la conversion.
2. Les esclaves affranchis ont eux-mêmes financé la construction de leur église. Cependant il
semble que l’entretien en soit difficile pour des
raisons financières.
3. Il s’agit d’un discours moralisateur et austère.
4. Ce puritanisme est en effet commun à toutes
les Églises protestantes aux États-Unis.
5. La narratrice découvre des pratiques qui lui
sont inconnues. Cet extrait ne retient pas qu’elle
est aussi très impressionnée par les chants (gospels) qu’elle entend pour la première fois.
6. Cette quête, qui a pour but de soutenir une famille en difficulté, permet de mettre en valeur le
rôle social joué par cette Église afro-américaine.
o
B
it
e
s
s
o
B
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
BAC BLANC
Sujet : Religion et société aux États-Unis au
début du XXe siècle.
Cet extrait permet de mettre en valeur l’originalité d’un protestantisme très divers, dont les
Églises sont en concurrence tout en se revendiquant toutes des mêmes Écritures. Il permet aussi de montrer le rôle social structurant qu’elles
jouent dans la communauté. La vie mondaine et
culturelle dépend des Églises.
Le texte est très ironique, les quelques lignes
qui précèdent l’extrait présenté ici sont mêmes
provocatrices : « L’église et la maison close arrivèrent dans l’Ouest simultanément. Et chacune
aurait été horrifiée de savoir qu’elle n’était qu’une
facette des mêmes besoins. Car, en réalité, elles
poursuivaient le même but : les chants, les rites,
la poésie de l’église offraient à l’homme l’oubli
de sa tristesse ; le bordel, lui offrait d’autres oublis. » Ensuite, à l’emplacement de la dernière
coupe, Steinbeck fait apparaître une figure de
pasteur très irrévérencieuse : « Lorsque le révérend Billing fut arrêté, on s’aperçut qu’il était
99 •
voleur, adultère, libertin et zoophile, mais cela
ne changeait rien au fait qu’il avait communiqué
beaucoup de bonnes choses à un grand nombre
de fidèles. On arrêta Billing, mais ce que l’on
n’arrêta jamais, ce fut ce qu’il avait libéré. Et il
importe peu qu’il ait obéi à des mobiles impurs.
Son matériau était bon et ce qu’il construisit
tient encore debout. Je ne cite le cas de Billing
que comme un exemple extrême. »
◗ BAC BLANC
it
États-Unis depuis la fin du XXe siècle. Tous deux
montrent un aspect de l’intégration des musulmans américains, dans l’armée ou la politique.
Keith Ellison est né dans une famille catholique
et s’est converti à l’islam à 19 ans. Il fait sensation en prêtant serment sur un Coran. Mais il est
intéressant de noter que ce Coran est celui ayant
appartenu à Thomas Jefferson. On retrouve là
l’idée d’une religion civique. Cependant, il ne
s’agit pas ici de sa prestation de serment officielle, qui se déroule en groupe et sans livre,
mais d’une des traditionnelles cérémonies non
officielles qui suit et pendant lesquelles sont
prises les photos. Le député déclare : « J’ai mis
ma main sur le livre qui est la base de ma foi,
l’islam, et je pense que c’est une chose merveilleuse pour notre pays. Je veux envoyer un message aux Américains. Il ne faut pas avoir peur
des différences religieuses. Mais maintenant
que je l’ai fait, passons à autre chose. » Sa décision a provoqué une polémique, dénoncée par la
droite conservatrice comme « un blasphème à la
Constitution ». Certains ont appelé à voter une
loi contraignant tous les élus à utiliser la Bible.
L’appartenance de Keith Ellison pendant une
période au groupe radical Nation of Islam, qui
défend des thèses antisémites, a aussi alimenté la
controverse et l’a mené à présenter des excuses
publiques. Sur la photographie, il est accompagné de sa femme et de Nancy Pelosi, chef de file
du Parti démocrate à la Chambre des représentants depuis 2002.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
� MANUEL, PAGE 185
• Composition
Sujet 1 : Les tensions religieuses aux ÉtatsUnis au XXe siècle.
I. Immigration et pluralisme religieux sources
de tensions depuis le début du XXe siècle (dont
le nativisme).
II. Un protestantisme qui se sent parfois menacé
par la modernité (fondamentalisme).
III. L’accroissement de la diversité religieuse
(dont l’islam) à la fin du XXe siècle et apparition
de nouvelles tensions.
Sujet 2 : Le protestantisme dans la société
américaine depuis les années 1890.
Proposition de plan :
I. Une religion dominante mais très diverse.
II. Une religion face au défi du pluralisme religieux et de la modernité.
• Étude critique de document
Sujet : Religion et société aux États-Unis au
début du XXIe siècle.
Ces deux documents permettent d’étudier la
diversification religieuse que connaissent les
• 100
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
Chapitre
7
it
Les États-Unis et le monde
depuis 1918
� MANUEL, PAGES 188-221
◗ Présentation de la question
• Le programme, dans le cadre d’une réflexion
sur la puissance, demande d’étudier les relations
entre les États-Unis (puis la Chine) et le monde
depuis la fin de la Première Guerre mondiale. Le
temps imparti (environ 6 heures pour les ÉtatsUnis) exige un format synthétique : il s’agit ni de
faire une histoire des États-Unis, ni une histoire
des relations internationales. Il est même impossible d’étudier en détail la politique extérieure
américaine au XXe siècle, qui fait l’objet d’une
bibliographie immense. Le chapitre est donc
centré sur la notion de puissance, tout en restant
dans une démarche historique (il ne s’agit pas
d’un cours de géopolitique).
• Il faut envisager avec les élèves les différentes
dimensions de la puissance que les États-Unis
ont su conjuguer : politique, militaire, économique, culturelle. Les États-Unis ont été une
puissance économique et culturelle (aux prémices de la Première Guerre mondiale) avant
d’être une puissance politique. Cela s’explique
par l’histoire particulière des États-Unis, qui
se sont consacrés pendant plus d’un siècle à la
conquête de leur territoire (la fin officielle de la
« Frontière » est proclamée en 1890) et qui, après
avoir rompu avec la métropole britannique, ont
souhaité s’isoler du Vieux Continent. Les ÉtatsUnis ont mis du temps à s’assumer comme une
puissance politique, à se doter d’une conscience
et d’une doctrine de la puissance. Avant de se
tourner vers l’extérieur, ils ont attiré les immigrants du monde entier, pour construire les bases
(démographiques, économiques) de leur future
puissance. Cette attractivité et cette capacité à
faire rêver le monde entier (le rêve américain), à
se donner en modèle de liberté et de modernité,
ont fait très tôt des États-Unis une puissance
culturelle. Il n’est pas étonnant que le soft power
ait été théorisé par un Américain, Joseph Nye.
• Il faut aussi envisager les théâtres d’affirmation, les échelles de la puissance. Une puissance
e
s
s
mondiale est d’abord généralement une puissance régionale. Les États-Unis ont commencé
par affirmer leur puissance sur le continent américain. La doctrine Monroe, formulée dès 1823,
entend laisser « l’Amérique aux Américains » et
éliminer les puissances européennes de « l’hémisphère occidental ». À cette date, les ÉtatsUnis n’ont d’ailleurs pas les moyens de rivaliser
en Amérique latine avec les puissances européennes comme la Russie (présente en Alaska)
et surtout le Royaume-Uni (très présent sur le
plan économique). Les États-Unis ont mis du
temps à rendre effective la doctrine Monroe.
Il faut souligner l’ambiguïté de celle-ci et de
la terminologie qui la sous-tend : « l’Amérique
aux Américains » peut se comprendre aussi bien
comme un manifeste panaméricain que comme
une affirmation du leadership des États-Unis sur
le continent. L’autre volet de la doctrine Monroe,
c’est la non-ingérence des États-Unis dans les
affaires européennes. C’est la base de ce qu’on
appelle « l’isolationnisme américain » ; il faut
bien faire comprendre aux élèves que cet isolationnisme est relatif à double titre : parce que
les États-Unis sont une puissance régionale très
active dans le continent américain ; et parce que
la non-ingérence politique n’exclut nullement
des relations économiques avec l’Europe.
• Il faut enfin envisager les grandes étapes de
l’affirmation de la puissance américaine. Un
plan chronologique est de ce point de vue quasiment inévitable, tant la période est marquée par
de nettes évolutions.
• La date de 1918, avec les 14 points de Wilson,
marque une rupture franche avec la période précédente : les États-Unis sont entrés en guerre en
1917 aux côtés de la France et du Royaume-Uni,
en contradiction avec la doctrine Monroe ; et ils
se sont érigés en organisateurs de la paix, proposant au monde de rebâtir les relations internationales sur de nouveaux principes. La « Destinée
manifeste » des États-Unis change de sens : il
ne s’agit plus d’apporter la liberté et la civili-
o
B
it
e
s
s
o
B
• 102
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
sation au continent américain seulement, mais
au monde entier. Toutefois le Sénat américain ne
suit pas le président Wilson, en refusant de ratifier le traité de Versailles et donc de faire entrer
les États-Unis dans la SDN. L’Amérique ne s’assume pas encore vraiment comme une puissance
politique mondiale. La nouvelle doctrine interventionniste se heurte à une opinion américaine
encore très isolationniste.
• Il faut attendre Roosevelt et la Seconde Guerre
mondiale pour que le pas soit définitivement
franchi. L’effort de guerre fait des États-Unis
une grande puissance économique et aussi
militaire pour la première fois de leur histoire.
L’après-guerre est décisif, puisque cette fois-ci
les États-Unis participent à l’ONU et s’engagent
dans la reconstruction du monde. La guerre
froide renforce cet engagement américain,
même si elle en change le sens : les États-Unis
ne seront pas le modèle du monde, mais le leader du « monde libre » face au communisme.
La guerre froide correspond à l’apogée de la
puissance américaine face au repoussoir qu’est
l’autre superpuissance, l’URSS. Surveillant leur
chasse gardée latino-américaine, ils nouent des
liens privilégiés avec l’Europe occidentale. Ils
sont également la première puissance militaire
en Asie orientale et au Moyen-Orient.
• La fin de la guerre froide ouvre une période
d’incertitudes, voire de désillusions. Les ÉtatsUnis, vainqueurs de la confrontation Est-Ouest,
apparaissent d’abord comme une « hyperpuissance » capable de fonder un « nouvel ordre mondial ». Mais ce projet se heurte rapidement aux
réalités d’un monde où se multiplient les nouvelles formes de conflictualité. Les États-Unis
ne peuvent être les seuls gendarmes du monde,
d’autant que leur économie est de plus en plus
concurrencée par d’autres puissances. Les attentats du 11 septembre 2001 sur le sol américain
révèlent la vulnérabilité de la première puissance mondiale aux nouveaux risques comme
le terrorisme. Cela conduit les États-Unis, sous
la direction de George W. Bush, à adopter une
stratégie d’unilatéralisme qui avive les critiques
à leur encontre, y compris parmi leurs alliés lors
de l’intervention en Irak en 2003. Depuis 2009,
Barack Obama a amorcé un retour vers le multilatéralisme, tout en affirmant que les États-Unis
conserveraient leur leadership mondial.
◗ Bibliographie
e
s
s
it
la politique extérieure des États-Unis
D. Artaud, La Fin de l’innocence, les États-Unis
de Wilson à Reagan, Armand Colin, 1985.
Y.-H. Nouailhat, Les États-Unis et le monde au
XXe siècle, Armand Colin, 2e édition, 2000.
P. Mélandri et J. Vaïsse, L’Empire du Milieu : Les
États-Unis et le monde depuis la fin de la guerre
froide, Odile Jacob, 2001.
P. Hassner et J. Vaïsse, Washington et le monde.
Dilemmes d’une superpuissance, CERI/
Autrement, 2003.
M. Lefebvre, La Politique étrangère américaine,
PUF, coll. Que sais-je ?, n° 3714, 2e édition, 2008.
P. Mélandri et S. Ricard (dir.), Les États-Unis
entre uni- et multilatéralisme. De Woodrow
Wilson à George W. Bush, L’Harmattan, 2008.
o
B
it
e
s
s
o
B
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
Revues
« La puissance américaine », Questions internationales n° 3, septembre-octobre 2003.
« Les défis de la présidence Obama », Questions
internationales n° 39, septembre-octobre 2009.
« Géopolitique des États-Unis. La fin de l’empire américain ? », Diplomatie, Les grands dossiers n° 3, juin-juillet 2011.
Instruments de travail
G. Dorel, Atlas de l’empire américain, Autrement,
2006.
P. Sicard, Chronologie des États-Unis, Éditions
du Seuil, coll. Points Histoire, 2011.
P. Milza, Les Relations internationales de 1918
à 1939, Armand Colin, coll. Cursus, 1995.
M. Vaïsse, Les Relations internationales depuis
1945, Amand Colin, coll. U, 12e édition, 2011.
« Atlas des Amériques », L’Histoire n° 376, mai
2012.
Recueils de documents
F. Robert, L’Histoire américaine à travers les
présidents américains et leurs discours d’investiture (1789-2001), Ellipses, 2001.
Histoire documentaire des États-Unis, dirigée par J.-M. Bonnet et B. Vincent, Presses
Universitaires de Nancy :
Tome 6 : Y.-H. Nouailhat, L’Amérique, puissance
mondiale (1897-1929), 1987.
Tome 7 : C. Fohlen, De la crise à la victoire
(1929-1945), 1988.
103 •
Tome 8 : M.-F. Toinet, L’Amérique triomphante
(1945-1960), 1994.
Tome 9 : C.-J. Bertrand, Les Années soixante
(1961-1974), 1989.
Tome 10 : P. Mélandri, La Crise d’identité
(1974-1988), 1992.
Sitographie
Sites des think tanks traitant de la politique
étrangère américaine :
http://www.brookings.edu/about/programs/
foreign-policy : Foreign Policies Studies/
Brookings Institution.
http://www.cfr.org : Council on Foreign
Relations.
http://www.ceip.org : Carnegie Endowment for
International Peace.
◗ Plan du chapitre
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
Les leçons sont organisées selon un plan
chronologique, qui semble incontournable.
L’articulation avec les études est assez souple,
puisque beaucoup d’entre elles sont transversales et couvrent toute la période.
La double page Retour Sur… permet de revenir
sur les moments-clés de l’émergence de puissance américaine jusqu’en 1918. On y trouvera
aussi un lexique et un organigramme des acteurs
de la politique extérieure des États-Unis.
Une première étude, consacrée au « rêve américain », permet de cerner une dimension essen-
• 104
it
tielle de la puissance américaine : le soft power.
Le premier cours montre qu’entre 1918 et 1932
les États-Unis assument encore mal leur rôle
mondial. Il est complété par une étude sur le
rapport ambigu des Européens à la modernité
américaine dans la même période.
Le deuxième cours explique comment les ÉtatsUnis se sont convertis à l’interventionnisme
entre 1933 et 1946, une période décisive marquée par la présidence de Franklin D. Roosevelt
et la Seconde Guerre mondiale.
Une double page de cartes et le troisième cours
sont centrés sur la guerre froide, qui a fait des
États-Unis une superpuissance. Une étude analyse ensuite la perception de cette superpuissance par les Européens au début de la guerre
froide. Et une double page Histoire des Arts,
consacrée au portrait de Marilyn Monroe par
Andy Warhol, traite du rayonnement culturel des
États-Unis dans les années 1960.
Le quatrième cours traite de l’après guerre
froide, qui a vu les États-Unis passer du statut
d’hyperpuissance à un déclin relatif.
Suivent deux études portant sur toute la période
et centrées sur deux dimensions de la puissance :
la dimension régionale (rapport avec l’Amérique
latine) et la dimension militaire.
Le chapitre se termine avec une carte qui offre
une vision synthétique de la puissance américaine au début du XXIe siècle.
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
it
Commentaire des documents et réponses aux questions
◗ Ouverture de chapitre
e
s
s
◗ Étude
� MANUEL PAGES 188-189
Le rapprochement de ces deux photographies
marines permet de mettre en valeur deux aspects
majeurs de la puissance américaine.
Le rêve américain
� MANUEL, PAGES 192-193
Réponses aux questions
o
B
it
e
s
s
o
B
Doc. 1. Le rêve américain : liberté, prospérité,
modernité
(Photographie du port de New York, 1954.)
Cette photographie rassemble tous les ingrédients du rêve américain, dans ce port de New
York qui a été la porte d’entrée de l’Amérique
pour des millions d’immigrants. La statue de la
Liberté semble saluer le paquebot qui quitte le
port, à une époque où l’avion n’est pas encore un
moyen de transport de masse et où le bateau assure la liaison transatlantique. La skyline du sud
de Manhattan symbolise la modernité et la prospérité de New York, capitale économique des
États-Unis et pôle majeur de la mondialisation.
Doc. 2. Une réalité plus brutale : la première
puissance militaire
(Photographie de l’exercice « Valiant Shield » dans
l’océan Pacifique, juin 2006.)
Par cet exercice réalisé près de la base de Guam
en 2006, les États-Unis affirment leur suprématie militaire. Une grande puissance militaire doit
aujourd’hui être capable de projeter des forces à
distance, ce qui nécessite de gros moyens aériens
et navals. Les États-Unis disposent de 11 porteavions, alors que les autres puissances navales
n’en ont généralement qu’un seul. Parmi les
avions, on reconnaît le spectaculaire bombardier
furtif B-2 Spirit (intervenu au Kosovo en 1999,
en Afghanistan à partir de 2001, en Irak en 2003,
en Libye en 2011). Les États-Unis sont la seule
puissance capable d’entretenir en permanence
des flottes sur tous les océans. Cet exercice dans
le Pacifique peut être interprété comme un signal
envoyé à la Chine, dont on connaît les ambitions
maritimes.
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
1. Selon Roosevelt, des millions d’Européens
sont venus aux États-Unis pour y trouver « la
liberté d’avoir sa chance, la liberté de pensée,
la liberté de culte » (doc. 1 : « freedom of opportunity, freedom of thought, freedom to worhsip
God »). Prononçant son discours sur Liberty
Island, devant la statue de la Liberté, Roosevelt
affirme que l’Amérique est « la terre de la seconde chance » pour tous les Européens qui
étaient privés de liberté sur le Vieux Continent.
Cette liberté a plusieurs dimensions :
– sociale : l’Amérique offre sa chance à chacun,
alors que dans la vieille Europe, les sociétés
seraient plus hiérarchisées, plus fermées. La
« freedom of opportunity », expression difficile à
traduire, est un élément essentiel du rêve américain, qui est un rêve d’ascension sociale, de
réussite (nourri par l’histoire des self made men).
– politique : la liberté de pensée était mal assurée
dans certains pays européens avant 1914 (l’Empire russe par exemple).
– religieuse : la liberté de culte, on le voit bien
ici, est un élément essentiel du modèle américain (cf. chapitre 6). Les États-Unis ont été fondés par des dissidents protestants fuyant les persécutions et l’immigration a ensuite conduit en
Amérique des Européens opprimés à cause de
leur religion (catholiques irlandais, juifs fuyant
les pogroms en Europe orientale).
2. Les États-Unis ont connu deux grandes périodes d’immigration massive (doc. 2) :
– entre 1900 et 1914, les années records étant
1907 (1 285 349 immigrants légaux) et 1914
(1 218 480). Le mouvement est enrayé par la
Première Guerre mondiale, puis stoppé par les
lois instituant des quotas en 1921 et surtout en
1924.
– à la fin du XXe siècle, avec une pointe en 1991
(1 826 595). Le mouvement est lancé par la loi de
1965 qui allège le système des quotas et il conti105 •
nue jusqu’à aujourd’hui. On trouve cette courbe
sur le site http://www.migrationinformation.
org (rubrique « US in Focus » puis « Historical
trends »). Les chiffres précis, année par année,
sont ceux de l’administration : http://www.dhs.
gov/files/statistics/publications/yearbook.shtm.
3. Quand Roosevelt prononce ce discours, l’immigration aux États-Unis se situe à son niveau
le plus bas (doc. 2), du fait de la loi des quotas
adoptée en 1924 et aussi de la crise économique
mondiale (le nombre d’immigrants légaux est
tombé à 34 956 en 1935 et 36 329 en 1936).
Roosevelt parle des immigrants en termes élogieux, parce que l’immigration est violemment
critiquée par le courant nativiste (cf. chapitre 6).
Le président des États-Unis veut en quelque
sorte réhabiliter les immigrants, lutter contre une
tendance de la société américaine à les rabaisser : « On n’a pas assez souligné, dans l’enseignement de notre histoire, que l’écrasante majorité de ceux qui venaient des nations du Vieux
Monde […] n’étaient pas les traînards, les timorés, les ratés » (doc. 1). Ces termes sont certainement empruntés au discours nativiste. S’élevant
contre celui-ci, Roosevelt rend un vibrant hommage aux immigrants, à leur « courage » et à leur
« force morale ».
4. Ce film est un document sur le rêve américain,
car il montre que les États-Unis représentent
l’espoir d’une vie meilleure pour ces Grecs persécutés par les Turcs. Le titre du fim – America,
America ! – est un cri d’espoir. Sur l’image
reproduite ici, on voit la joie, l’espérance des
immigrants quand leur bateau entre dans le port
de New York et passe à proximité de la statue de
la Liberté.
5. Le pentecôtisme diffuse un élément essentiel
du rêve américain : l’espoir de réussite sociale,
celle-ci étant présentée comme une récompense
accordée par Dieu. Les prédicateurs pentecôtistes affichent les signes de leur réussite – « leurs
belles voitures et leurs costumes coûteux » (doc.
4) – pour défendre la « conception d’une religion
où la foi peut apporter la richesse et le succès ».
Venue des États-Unis, diffusée dans des pays
pauvres (Amérique latine, Afrique), cette religion apparaît en quelque sorte comme un moyen
de faire fortune en adoptant les valeurs américaines dans leur formulation protestante (le mérite récompensé par Dieu).
it
6. Cette pochette de disque révèle une grande
influence des États-Unis sur la culture populaire française. Le titre même de la chanson
est significatif, puisque le chanteur se rêve en
« Américain ». L’étui de sa guitare est décoré du
drapeau des États-Unis et il est habillé à la mode
américaine (blue jean, chemise un peu « western »). Jean-Jacques Goldman, adossé à un mur
crasseux, semble un voyageur en partance, avec
sa guitare pour seul bagage. Le texte de la chanson confirme cette hypothèse, puisqu’il évoque
les immigrants :
Dans sa pauvre valise, ses maigres affaires
Une histoire banale d’homme et de misère
Il tient dans sa chemise ses ultimes richesses
Ses deux bras courageux, sa rude jeunesse
Et tout contre sa peau comme un trésor inca
Son nom sur un visa pour les USA
But long is the road
Hard is the way
Heavy my load
But deep is my faith
Long is the road
Par ailleurs, la musique populaire elle-même, à
commencer par celle de Jean-Jacques Goldman,
est fortement influencée par celle des États-Unis
(blues, gospel, rock’n’roll).
7. Le rêve américain présente les États-Unis
comme une terre promise où règne la liberté et
où chacun a la possibilité de réussir. On peut parler de soft power puisque les États-Unis apparaissent ainsi comme un modèle, un pays qui à
la fois attire des immigrants et diffuse dans le
monde entier ses valeurs.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
• 106
1. Un rôle mondial mal assumé
(1918-1932)
� MANUEL PAGES 194-195
Doc. 1. Les 14 points de Wilson (1918)
• Question. Wilson veut tout changer dans les
relations internationales ! Il propose un nouveau
système qui s’oppose point par point à celui qui
régissait les relations internationales jusqu’en
1914. (On peut rappeler cependant que des
efforts de réforme avaient eu lieu auparavant :
deux conférences de la paix réunies à La Haye
en 1899 et en 1907 ont réclamé le désarmement
et créé la Cour permanente d’arbitrage ; les
États-Unis y ont participé.)
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
• La sécurité collective contre le concert des
puissances :
Le monde était régi par quelques grandes puissances, qui se reconnaissaient des sphères d’influence (aux dépens des États moins puissants)
et des empires coloniaux, qui réglaient leurs
différends par la diplomatie (secrète) ou par la
guerre. Wilson propose un système fondé sur
l’égalité entre les États (toute nation « doit être
assurée d’être traitée en toute justice et loyauté
par les autres nations, et non exposée à la violence et aux agressions égoïstes ») et sur une
diplomatie transparente (point 1). Le concert des
puissances doit être remplacé par « une association générale des nations » garantissant « l’intégrité territoriale aux petits comme aux grands
États » (point 14). La paix, fondée sur le droit,
remplacera la guerre. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes remplacera la logique de
puissance, la logique impériale.
• Le désarmement contre la course aux armements :
En contraste avec la période qui a précédé la
Première Guerre mondiale – marquée par la rivalité franco-allemande, la course aux alliances
militaires et aux armements (compétition navale
entre l’Allemagne et le Royaume-Uni, perfectionnement de l’artillerie, allongement du service militaire en France, etc.) – Wilson propose
que les « armements de chaque pays [soient]
réduits au minimum compatibles avec la sécurité
intérieure » (point 2).
• Le colonialisme remis en cause :
Si le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes
est surtout valable pour l’Europe, il ne peut pas
être totalement bafoué sur le terrain colonial.
Le point 5 demande que, dans ce domaine, « les
intérêts des populations en jeu [pèsent] d’un
même poids que les revendications équitables du
gouvernement dont le droit sera à définir ». La
formulation est prudente, mais elle remet quand
même en cause la toute-puissance des métropoles coloniales. On sait que la SDN a créé le
statut de mandats pour les colonies des pays
vaincus (Allemagne, Empire ottoman), avec
l’idée que ces territoires devaient être conduits
progressivement à l’indépendance.
• Le libre-échange contre le protectionnisme et
les chasses gardées :
Pour Wilson, la paix doit être fondée sur le droit
et aussi sur le commerce, la liberté des nations a
it
une forte dimension économique (de même que,
dans la doctrine libérale, la liberté individuelle
est autant économique que politique). Avant
guerre, protestant contre le partage de la Chine
en sphères d’influence, les États-Unis demandaient déjà la « porte ouverte » (voir p. 190).
Le point 3 propose la « suppression, autant que
possible, de toutes les barrières économiques ».
Le point 2 y ajoute la liberté des mers, qui avait
été remise en cause par l’Allemagne pendant la
Première Guerre mondiale (attaque des navires
neutres, guerres sous-marines à outrance).
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
Doc. 2. Les réticences des républicains
• Question. Une partie de l’opinion américaine
a peur de la Ligue des Nations parce que celleci pourrait amoindrir la souveraineté des ÉtatsUnis. Les réserves formulées par les républicains reflètent ces inquiétudes en soulevant une
série de points sensibles :
• Les États-Unis veulent conserver leur pleine
souveraineté sur toutes les affaires intérieures, y
compris l’immigration et les droits de douane,
deux questions qui ont une dimension internationale et qui pourraient donc relever de la SDN.
• Les États-Unis veulent conserver leur indépendance extérieure et continuer à pratiquer « cette
politique établie depuis longtemps que l’on
appelle communément la doctrine Monroe » ;
bref, ils veulent agir comme ils l’entendent dans
« l’hémisphère occidental ».
• Les États-Unis ne veulent engager aucune
dépense en faveur de la SDN sans l’accord du
Congrès. Le contrôle du budget est un pouvoir
fondamental du Congrès, comme le rappelle la
Constitution : « Aucune somme ne sera prélevée
sur le Trésor, si ce n’est en vertu d’une ouverture
de crédits par une loi » (art. Ier, sect. 9, al. 7).
• Les États-Unis ne veulent être liés par aucun
traité de désarmement en cas de menace ou de
guerre.
Doc. 3. Le pacte Briand-Kellogg (1928)
(Le Petit Journal – Supplément illustré, 9 septembre
1928.)
• Question. Cette image permet de relativiser
l’isolationnisme américain, puisqu’elle montre
l’activité diplomatique des États-Unis, en la personne du secrétaire d’État. Celui-ci est présent
à Paris, au Quai d’Orsay (salon de l’Horloge),
pour signer le pacte auquel il a donné son nom
107 •
avec Aristide Briand. Le dessinateur du journal
a surimposé à la cérémonie de signature (connue
par les photographies), une allégorie de la Paix
(tenant dans une main un rameau d’olivier et
dans les autres les drapeaux de l’Allemagne et
de la France, la Paix ramène le beau temps en
Europe, dissipant les ténèbres de la guerre). Par
le Pacte Briand-Kellogg, les États signataires
« condamnent le recours à la guerre pour le règlement des différends internationaux, et y renoncent
en tant qu’instrument de la politique nationale
dans leurs relations mutuelles ». On voit ainsi que
les États-Unis, même s’ils ne participent pas à la
SDN, en partagent et en diffusent les valeurs. Et la
présence de Kellogg en Europe montre bien que
la doctrine Monroe a perdu de sa valeur (elle stipulait que les États-Unis ne devaient pas s’ingérer
dans les affaires européennes).
◗ Étude
La modernité américaine,
un modèle pour les Européens ?
1. L’auteur de ce livre veut développer en
France la productivité : « pour surproduire avec
une main-d’œuvre très diminuée, il faut que la
France organise une production intensive » (doc.
1). Il s’agit de l’organisation scientifique du
travail (OST), telle qu’elle a été mise en place
aux États-Unis par Taylor et Ford. L’auteur parle
de « nouveaux rendements » et veut « développer ces dispositions nouvelles dans toutes les
branches de l’activité nationale : agriculture,
industrie, commerce, transports ».
Pour ce faire, l’auteur propose d’importer en
France les méthodes de production américaines.
« Il ne manque pas de Français au courant des
progrès de l’industrie américaine qui essayent
ou qui ont essayé d’introduire chez eux les nouvelles méthodes ». Le texte fait allusion à l’organisation de la production dans le contexte de la
Grande Guerre (« orienter vers les industries de
la paix ce qui a été créé pour les industries de la
guerre »). Mais il faut aller plus loin, lancer « un
effort d’ensemble englobant patrons, ouvriers et
administration », notamment en organisant aux
États-Unis des voyages d’études, qui concerneraient « un grand nombre de Français, de toutes
les classes de la société ».
• 108
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
� MANUEL, PAGES 196-197
Réponses aux questions
it
Le but est de sauver la France du déclin : « si l’on
ne se décide pas à produire, la France tombera au
niveau de l’Espagne ». La modernisation est un
impératif de survie, pour une France très endettée.
« Après la guerre, la France se trouvera en face
de formidables dettes extérieures ; il faudra pour
les payer qu’elle exporte des marchandises ». Le
service de la dette publique représente 44 % des
dépenses en 1920, contre 20,6 % en 1913.
On voit bien ici que les États-Unis sont considérés
comme un modèle économique et technologique
et la solution aux problèmes de la France. Sous
une fiction épistolaire – les conseils d’un « vieil
Américain » francophile – l’auteur est bien un
Français qui veut imiter la modernité américaine.
2. L’événement qui a accéléré la montée en puissance de l’économie américaine est la Première
Guerre mondiale. Le document 1 y fait allusion
en évoquant la dette extérieure de la France,
contractée vis-à-vis du Royaume-Uni (3 milliards de dollars) et des États-Unis (4 milliards de
dollars). Le document 3 est plus explicite quand
il affirme : « Les États-Unis sont devenus […]
les créanciers du monde ». André Siegfried écrit
ceci en 1927 et il ajoute : « Il y a une douzaine
d’années tout au plus, les plus grands financiers
américains s’occupaient chez eux de chemins de
fer […] ; mais les transactions à l’extérieur demeuraient, dans leur activité, un élément tout à
fait secondaire ». Autrement dit, vers 1912, avant
la guerre, les États-Unis ne jouaient pas un rôle
financier international, celui-ci était réservé aux
« banquiers anglais ». Désormais, « les banquiers
de New York ont […] des créances précises dans
toutes les parties du monde ». L’Europe était la
créancière du monde en 1914, elle est devenue
débitrice des États-Unis après la guerre.
3. L’automobile américaine représente pour les
Français le fleuron de la modernité industrielle.
La « belle Américaine » est considérée comme
un must automobile, même si la France a été
un pionnier dans ce domaine. Ici, la publicité
insiste sur le luxe, le raffinement, la technologie à la pointe du progrès. L’image donne une
impression d’élégance, de puissance et de vitesse. La légende parle d’un « chef-d’œuvre de
la construction automobile » – comparant cette
voiture au « chef-d’œuvre » réalisé par les meilleurs ouvriers de France (« comme autrefois
l’ouvrier signait son œuvre »). D’une manière
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
un peu paradoxale, l’industrie américaine n’est
pas présentée ici sous l’angle de la production
de masse mais sous celui de l’artisanat, de la
« mécanique de précision ». Et la publicité compare la Lincoln aux temples asiatiques (tradition
millénaire), sans faire référence à la modernité
américaine. Mais c’est normal, puisqu’il s’agit
de la marque haut de gamme du groupe Ford.
4. André Siegfried décrit le rôle des États-Unis
dans le monde en 1927 d’une manière admirative et un peu inquiète. Il évoque « une hégémonie, probablement sans précédent dans l’histoire », un « impérialisme de forme inédite », les
financiers américains pouvant dicter leurs conditions aux gouvernements. On peut penser notamment aux plans aménageant les réparations
allemandes dans les années 1920, qui doivent
leur nom à deux financiers américains : Dawes
et Young.
Cet impérialisme financier a une « forme inédite et
subtile », parce qu’il n’est pas clairement assumé.
Les États-Unis ont acquis cette puissance « à vrai
dire sans l’avoir cherché ». Elle ne s’accompagne
pas d’une doctrine interventionniste claire. Cet
impérialisme peut prendre une forme moraliste,
en accord avec un certain complexe de supériorité
des protestants américains qui se sentent investis
d’une mission (cf. chapitre 6) : l’Amérique serait
prompte à « juger du haut d’une supériorité morale » et à donner des leçons.
5. Georges Duhamel dresse un tableau très
sombre des États-Unis, puisqu’il les présente
comme la nation qui s’est le plus « adonnée
aux excès de la vie industrielle » (doc. 4). Les
« scènes de la vie future » que l’auteur a observées en Amérique sont littéralement des scènes
infernales, dantesques : il évoque la « mort »,
« l’enfer », « un monde misérable et dément »,
des « images forcenées », un « brouillard empesté ». À cette civilisation industrielle démentielle,
cauchemardesque, il oppose « le sourire d’une
civilisation antique, noble et savante » ; le « jardin d’Île-de-France » est l’antithèse de la ville
américaine avec ses buildings.
6. Dans cette planche, Hergé met en avant plusieurs éléments de la modernité américaine,
symbolisée par la ville de Chicago, où se déroule
une partie de l’intrigue de Tintin en Amérique.
– D’abord l’architecture verticale, avec les buildings si caractéristiques de la ville américaine (cf.
it
Duhamel dans le doc. 4 ou Céline, dans le Voyage
au bout de la nuit : « New York c’est une ville
debout »). On sait que les premiers gratte-ciel ont
été construits à Chicago, qui est un laboratoire
de l’architecture contemporaine. Le cadrage de
l’image met en valeur la verticalité de la ville.
– Ensuite l’automobile et la vitesse : Tintin se
trouve à bord d’une voiture, qui double un tramway, dans une rue où la circulation est intense.
De l’image se dégagent l’ambiance trépidante de
la ville moderne et la puissance de l’automobile.
– Enfin une certaine violence, puisqu’on comprend qu’il s’agit d’une scène de poursuite en
voiture, Tintin étant armé d’un pistolet braqué
vers la voiture poursuivie, hors-cadre (ce qui
accentue l’effet de mouvement). On sait que
Chicago est la capitale de la pègre à l’époque
de la Prohibition (1919-1932) et que le gangster
est un personnage clé du cinéma hollywoodien.
Al Capone apparaît d’ailleurs en personne dans
Tintin en Amérique.
7. Dans l’Europe de l’entre-deux-guerres, la
puissance américaine s’affirme sur le plan économique et technologique. Les États-Unis sont
devenus les créanciers du monde et Wall Street
symbolise leur puissance financière. L’industrie
américaine est en avance dans l’organisation
scientifique du travail, et l’automobile est une
vitrine du progrès technique.
8. Pour les Européens, les États-Unis symbolisent la modernité. Celle-ci est souvent connotée
positivement : progrès technique permettant une
meilleure productivité industrielle et une vie plus
facile (automobile, logement, etc.). Mais elle peut
être aussi perçue négativement, la « civilisation
industrielle » (Duhamel) américaine menaçant
le mode de vie des Européens (la ville moderne
comme lieu de l’uniformisation, de l’aliénation),
tandis que les États du Vieux Continent tombent
sous la tutelle financière de Wall Street.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
2. Vers l’interventionnisme (1933-1946)
� MANUEL, PAGES 198-199
Doc. 1. Le « discours de la quarantaine » (1937)
• Question 1. La métaphore de la mise en
quarantaine utilisée par Roosevelt consiste à
présenter comme des malades les États qui ne
respectent plus les règles internationales (« le
109 •
caractère sacré des traités et le respect de la
moralité internationale »). Sans les nommer,
Roosevelt vise bien sûr l’Allemagne nazie, l’Italie mussolinienne et le Japon. Le « règne actuel
de la terreur et du mépris du droit international
a commencé il y a quelques années » : on peut
y voir des allusions aux violations du traité de
Versailles par Hitler (réarmement commencé en
1935, remilitarisation de la Rhénanie en 1936),
à l’invasion de l’Éthiopie par Mussolini (1935),
à l’offensive japonaise en Chine (déclenchée en
juillet 1937). Ces États sont responsables d’un
début d’« anarchie internationale » qui menace
la paix du monde comme une épidémie. « Quand
une épidémie se déclare, la communauté approuve la mise en quarantaine des malades, afin
de protéger sa santé de la contagion ». La communauté internationale doit donc mettre en quarantaine les pays contagieux : Roosevelt insiste
sur l’existence de cette communauté, quand,
dans un contexte de crise, une nation pourrait
être tentée « de s’isoler des perturbations économiques et politiques du reste du monde ».
• Question 2. Il prépare ainsi l’opinion américaine à un changement de politique. En effet,
c’est bien l’isolationnisme que Roosevelt commence à remettre en cause : les États-Unis ne
peuvent pas rester en-dehors des perturbations du
monde, ils doivent sauver la paix, « adopter toutes
les mesures pratiques pour éviter l’implication
dans une guerre ». Même si le président des ÉtatsUnis reste vague et ne cite aucune mesure précise,
il amorce l’engagement de son pays aux côtés des
démocraties contre les dictatures agressives.
Doc. 4. Les libérateurs
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
• Question. L’armée américaine a diffusé ce livre
pour expliquer leur mission aux soldats envoyés
combattre en France.
Il s’agit d’abord d’exposer les buts de guerre
des États-Unis dans une période exceptionnelle, la conscription n’étant pas une tradition
américaine. Les GI doivent savoir pourquoi ils
combattent (cf. la série de films documentaires
réalisés à partir de 1942 par F. Capra, intitulée
Pourquoi nous combattons). Chaque soldat doit
être motivé : « vous constituerez un rouage essentiel ». L’intervention des États-Unis est légitimée à la fois sur le plan stratégique (premier
paragraphe) et sur le plan politique et moral :
les démocraties doivent être solidaires, « nous
• 110
it
sommes tous embarqués sur le même bateau ».
Il s’agit d’ensuite de faciliter les relations entre
les GI et la population française. « Vous recevrez
probablement un accueil très chaleureux de la
part des Français ». Le souvenir de la Première
Guerre mondiale, à la génération précédente,
a déjà suscité la gratitude des Français. Les
Américains seront accueillis comme des libérateurs par le « Français loyal » (celui qui ne collabore pas avec l’Allemagne, trahissant ainsi sa patrie). L’essentiel du livre explique aux Américains
ce qu’est la France, son histoire, ses mœurs, ses
usages, et comment ils doivent se comporter. À la
fin se trouve un glossaire, avec les mots utiles (et
leur transcription phonétique simplifiée).
3. Une superpuissance dans la guerre
froide (1947-1989)
� MANUEL, PAGES 202-203
Doc. 1. La doctrine Truman
• Question 1. Truman définit la politique extérieure des États-Unis comme « une politique
d’aide aux peuples libres qui résistent actuellement aux manœuvres de certaines minorités
armées ou à la pression extérieure ». Les ÉtatsUnis se présentent ainsi comme les leaders
du « monde libre » face au communisme qui
« s’appuie sur la terreur et l’oppression ». La
« pression extérieure » dont parle Truman est
celle que l’URSS exerce sur les pays européens
qu’elle veut intégrer dans sa sphère d’influence.
Les « minorités armées » désignent les communistes qui agissent dans certains pays. Truman
pense surtout à la Grèce, où s’est déclenchée en
1946 une guerre civile entre les partisans communistes et le gouvernement soutenu par les
Britanniques (et bientôt les Américains). Cette
aide aux peuples libres « doit se manifester en
tout premier lieu sous la forme d’une assistance
économique et financière » : celle-ci est annoncée le 5 juin 1947 dans un discours à Harvard par
le secrétaire d’État George Marshall (European
Recovery Program ou Plan Marshall).
Cette orientation de la politique extérieure est
nouvelle pour les États-Unis, cela pour plusieurs
raisons, étroitement liées :
– parce que les États-Unis assument clairement
leur leadership et leur puissance, contrairement
à ce qui s’était passé dans les années 1919-1937 ;
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
– parce que les États-Unis entrent dans une
logique de guerre froide, en rupture avec la
Grande Alliance et les espoirs de paix mondiale des années 1944-1946. Dans ce discours,
Truman décrit clairement un monde coupé en
deux camps et dénonce l’URSS comme une
puissance oppressive ;
– parce que les États-Unis s’engagent nettement
en Europe, enterrant définitivement la doctrine
Monroe par laquelle ils s’interdisaient d’intervenir dans les affaires du Vieux Continent ;
– parce que les États-Unis entrent dans une logique d’alliance en temps de paix. Il ne s’agit
pas encore d’une alliance militaire, autorisée par
le Sénat le 11 juin 1948 (résolution Vandenberg).
Mais il s’agit déjà d’une alliance idéologique,
politique (soutien au « monde libre »), et bien sûr
économique (aide financière).
• Question 2. Dans la dernière phrase de cet extrait, Truman veut précisément convaincre l’opinion américaine qu’il faut assumer cette politique
nouvelle, cette rupture définitive avec la tradition
isolationniste. « Si nous hésitons dans notre leadership » : cette éventualité qu’il veut conjurer est
celle d’un réflexe de repli, comme les États-Unis
l’ont connu en 1920 quand le Sénat a refusé de
ratifier le traité de Versailles et de suivre Wilson
dans sa politique interventionniste. « Nous pourrions mettre en danger la paix dans le monde », en
laissant l’URSS accroître sa sphère d’influence et
mener une sorte de « lutte des classes » mondiale.
« Et nous mettrons certainement en danger cette
nation », puisque les États-Unis sont le leader
naturel du monde libre, une nation fondée sur les
idéaux libéraux combattus par l’URSS.
it
les Américains prétendent défendre la paix, en
fait, avec l’OTAN, ils installent des bases militaires en Europe. L’image dénonce une sorte de
double discours, mais qui ne trompe personne
puisque le soldat américain est beaucoup plus
grand et plus visible que le speaker. La place de
celui-ci, dans la poche arrière du soldat, à côté
d’un revolver et d’une liasse de billets, en dit
long : la radio, la propagande, est un instrument
de la puissance américaine, au même titre que
les armes et les dollars.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
Doc. 2. La puissance américaine vue de Moscou
(« Des phrases et… des bases », affiche soviétique
de 1952.)
• Question. Le titre de la caricature joue, dans
la langue russe comme dans la traduction
française, sur la proximité, la rime, entre les
mots « phrases » et « bases ». Toute l’image est
construite autour de ce jeu de mots. Les phrases
sont celles prononcées par le petit speaker de
radio installé dans la poche arrière du soldat
américain. Il brandit un rameau d’olivier et dit :
« Paix, défense, désarmement ». Les bases sont
celles que les Américains installent en Europe et
que le soldat américain est en train de localiser
sur la carte. Le message est clair : pendant que
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
Doc. 3. Kennedy à Berlin-Ouest
(Photographie du 26 juin 1963.)
• Question 1. Kennedy a choisi de se rendre à
Berlin pour manifester la solidarité des ÉtatsUnis avec la partie occidentale de la ville, qui
constitue, depuis la construction du Mur en
1961, une sorte d’enclave du « monde libre »
enfermée au cœur du bloc communiste. Cette
solidarité s’affiche à travers les trois drapeaux
déployés devant l’Hôtel de ville de Berlin-Ouest
(le drapeau allemand, le drapeau américain et le
drapeau de Berlin ; les couleurs tricolores audessus de la tribune sont celles des États-Unis).
• Question 2. Ce geste a une grande portée symbolique et politique : vis-à-vis de l’URSS, que
Kennedy vient en quelque sorte provoquer, au
pied du rideau de fer ; vis-à-vis des Berlinois de
l’Ouest surtout, et au-delà des Allemands et de
tous les Européens atlantistes, pour les rassurer
en marquant la détermination de l’Amérique
face à l’URSS. Lors de la construction du Mur en
1961, les États-Unis ont réagi assez mollement,
car ils ne voulaient pas prendre le risque d’un
affrontement avec l’Armée rouge (pour la seule
fois de la guerre froide, des chars américains et
soviétiques se sont retrouvés face à face). En
1962, lors de la crise de Cuba, Kennedy a négocié « au bord du gouffre » et réussi à faire reculer
Khrouchtchev. En 1963, il tient à affirmer la solidité des liens transatlantiques qui unissent les
États-Unis à l’Europe occidentale, dont BerlinOuest est un avant-poste.
Doc. 4. Le rôle de l’Amérique selon Nixon
• Question 1. Ce discours de Nixon révèle explicitement les limites de l’engagement américain,
dès la première phrase : « Il est important de
comprendre à la fois la nécessité et les limites
du rôle de l’Amérique dans le maintien de la
111 •
paix ». Le président s’adresse à la fois à l’opinion américaine et aux alliés des États-Unis pour
annoncer ou confirmer un désengagement relatif
de Washington. « Le temps est passé où l’Amérique faisait sien le conflit de chaque nation,
faisait de l’avenir de chaque nation sa responsabilité… ». Les États-Unis ne peuvent plus assurer à eux seuls la défense du « monde libre », ils
appellent leurs alliés à « partager le fardeau » selon l’expression consacrée. Depuis 1969, Nixon
a accéléré le retrait des troupes américaines du
Vietnam et il s’apprête à signer les accords de
Paris mettant fin au conflit (27 janvier 1973).
Il souhaite aussi un rééquilibrage au sein de
l’OTAN, pour que les alliés européens contribuent davantage au financement de leur défense,
alors que la crise économique s’annonce (fin du
système de Bretton Woods en 1971 : voir manuel
p. 354).
• Question 2. Les quatre guerres dont parle
Nixon sont la Première Guerre mondiale (à
partir de 1917 pour les États-Unis), la Seconde
Guerre mondiale (engagement direct à partir
de décembre 1941), la guerre de Corée (19501953) et la guerre du Vietnam (1964-1973). Voir
les effectifs mobilisés par les États-Unis dans
ces quatre conflits p. 212 du manuel (doc. 1a).
◗ Étude
� MANUEL, PAGES 204-205
1. Churchill attend des États-Unis qu’ils assument leur « grande responsabilité vis-à-vis de
l’avenir » (doc. 2) en tant que première puissance mondiale, en s’engageant, aux côtés du
Commonwealth (c’est-à-dire du Royaume-Uni
et de ses anciennes colonies) pour « qu’un équilibre mal assuré des pouvoirs ne laisse le champ
libre à l’ambition ou à l’aventure ». Cette phrase
un peu alambiquée désigne l’expansionnisme soviétique, sans le nommer directement. Churchill
vient d’évoquer le rideau de fer qui coupe l’Europe en deux et la « sphère soviétique » dont il
redoute l’élargissement. Un engagement des
États-Unis « sera une formidable assurance de
sécurité ».
Mais Churchill semble craindre un retour des
États-Unis à l’isolationnisme. Il se félicite de la
• 112
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
Les Européens et la puissance américaine
au début de la guerre froide
Réponses aux questions
it
participation des États-Unis à l’ONU, par opposition à la SDN, mais il craint une hésitation à
aller plus loin. Il rappelle que, si les États-Unis
se sont engagés dans la guerre – en 1917 et en
1941 –, c’est parce qu’ils y ont été « entraînés
par des forces irrésistibles » et « seulement après
que d’horribles massacres et dévastations ont eu
lieu ». Churchill, qui s’exprime devant le président des États-Unis, sur le sol américain, veut
pousser l’Amérique à assumer enfin un rôle mondial, en rompant définitivement avec la tradition
isolationniste. On peut souligner que ce discours
date seulement de mars 1946, alors que la guerre
froide n’a pas encore vraiment commencé. Pour
emporter l’adhésion, Churchill dresse un tableau
noir de l’URSS, qui n’est plus un membre de la
« Grande Alliance » contre Hitler, mais une puissance oppressive.
2. La métaphore du rideau de fer est rarement
explicitée et la traduction ici nous semble plus
exacte que celle qui est couramment proposée :
« on a baissé un rideau de fer à travers tout le
continent » (doc. 2). Le rideau de fer est la fermeture métallique de la devanture d’un magasin ; baisser le rideau de fer, c’est fermer boutique. La métaphore est celle d’une barrière
coupant l’Europe en deux et aussi d’une Europe
orientale qui est désormais « fermée », coupée
du reste du monde, plongée dans l’obscurité. La
caricature de 1948 (doc. 3) n’est pas exactement
fidèle à cette métaphore, puisqu’elle se contente
de représenter une barrière, sous la forme d’une
palissade en bois.
3. Ce dessin, publié dans le journal canadien
anglophone The Gazette (Montréal), présente
l’action des États-Unis en Europe comme bénéfique. L’oncle Sam, en effet, sème les graines
du plan Marshall (ERP = European Recovery
Program), c’est-à-dire des dollars, qui vont produire des fruits grâce à l’arrosoir de « l’Union
occidentale ». Celle-ci désigne la « coopération
de 16 nations » avec les États-Unis, soit les bénéficiaires du plan Marshall, membres de l’OECE
(16 pays, parce que la RFA n’existe pas encore et
n’est pas encore comptée). Staline tente de saboter l’action bénéfique de l’oncle Sam, en jetant
dans l’Europe occidentale les « mauvaises herbes
du Kominform » représentées sous la forme du
symbole soviétique (la faucille et le marteau).
L’opposition entre « seeds » et « weeds » (qui rap© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
pelle un peu la métaphore biblique du bon grain
et de l’ivraie) dit bien que le bon camp est celui
des États-Unis.
4. Les pays d’Europe qui ont bénéficié de l’aide
américaine sont ceux qui n’appartiennent pas
à la sphère d’influence soviétique en train de
se constituer et qui partagent l’idéologie américaine (capitalisme libéral, anticommunisme).
En effet, l’URSS a interdit à ses satellites de
participer au plan Marshall, opposant ainsi en
juillet 1947 son veto à la Tchécoslovaquie (qui
souhaitait y participer).
Les « autres pays » du schéma (doc. 1) sont l’Islande, la Norvège, la Suède, le Danemark, l’Irlande, la Suisse, le Portugal et la Turquie.
5. Les inconvénients de l’aide américaine, selon
de Gaulle, sont une dépendance trop forte à
l’égard des États-Unis et donc une perte de souveraineté. Il définit l’OTAN comme un « système
de sécurité suivant lequel Washington disposait
de la défense, par conséquent de la politique et,
même, du territoire des alliés » (doc. 4), ce qui
fait référence à l’installation de bases militaires
américaines en Europe occidentale, et notamment en France. La nécessité de la protection militaire fait des pays alliés des satellites des ÉtatsUnis : de Gaulle emploie le terme « protectorat »
(qui s’applique souvent à domination coloniale
indirecte). C’est pourquoi les alliés ne contestent
jamais la politique américaine : « Il n’advenait
donc jamais qu’un gouvernement appartenant à
l’OTAN prît une attitude divergente de celle de
la Maison-Blanche ».
Pour éviter ces inconvénients, de Gaulle, entend « dégager la France, non pas de l’Alliance
atlantique […] mais de l’intégration réalisée
par l’OTAN, sous commandement américain ».
C’est ainsi que la France a quitté en 1966 le
commandement intégré de l’OTAN et fermé les
bases américaines sur son territoire. De Gaulle
présente sa politique comme une restauration de
it
la puissance française, rendue possible par son
retour au pouvoir en 1958. Il fustige au passage
« la docilité atlantique que la République d’hier
pratiquait en mon absence ».
6. Les communistes présentent la puissance
américaine comme un danger pour le monde.
Jdanov affirme : « Le but que se pose la nouvelle politique expansionniste des États-Unis est
l’établissement de la domination mondiale de
l’impérialisme américain » (doc. 6). L’affiche du
Parti communiste français représente les ÉtatsUnis sous la forme d’une pieuvre géante qui
sort de l’Atlantique et étend ses tentacules sur
la France. Le PCF appelle les Français à refuser
cette « colonisation » et à chasser les Américains.
Les communistes insistent sur la dimension
économique de la puissance américaine. Sur
l’affiche, le symbole du dollar apparaît dans
les yeux de la pieuvre américaine. Le texte de
Jdanov développe la théorie léniniste de l’impérialisme, « stade suprême du capitalisme ». La
domination mondiale est d’abord un « monopole des États-Unis sur les marchés », après la
disparition ou l’affaiblissement de leurs concurrents. Le plan Marshall a pour but « d’asservir
l’Europe au capital américain » et il conduit les
pays bénéficiaires de l’aide américaine à se plier
aux « directives de Washington ». La dépendance
économique est renforcée par des alliances militaires (qui préfigurent l’OTAN).
7. La réponse peut procéder en trois temps :
les États-Unis sont après la Seconde Guerre
mondiale une puissance incontournable pour
une Europe affaiblie ; cette puissance est perçue positivement par de nombreux pays, qui
se félicitent de l’aide économique américaine
(plan Marshall) ; elle est perçue négativement
par l’URSS, qui dénonce un projet de domination mondiale, et, sur un mode différent, par de
Gaulle, qui critique une trop forte dépendance de
l’Europe à l’égard des États-Unis.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
113 •
◗ Histoire des Arts
Marilyn Monroe peinte par Andy Warhol
e
s
s
it
� MANUEL, PAGES 206-207
Analyse de l’œuvre
Observer
Interpréter
1. Ce tableau est un portrait.
Ce n’est pas un genre nouveau. Le portrait est l’un
des genres classiques de la peinture occidentale
depuis la Renaissance.
o
B
it
e
s
s
o
B
2. Le tableau représente Marilyn Monroe.
Warhol a choisi Marilyn parce qu’elle est sans doute
la star américaine la plus connue dans le monde. Elle
vient de mettre un terme à sa carrière d’actrice en se
suicidant (5 août 1962), ce qui ajoute à sa notoriété
un caractère dramatique. Warhol travaille sur les
symboles de la société de consommation américaine,
qu’il s’agisse d’objets courants (la bouteille de CocaCola, la boîte de soupe Campbell) ou de vedettes
de l’industrie musicale et cinématographique (Elvis
Presley, etc.).
3. L’élément de base du tableau est une photographie
de Marilyn Monroe réalisée en 1953 pour la promotion du film Niagara (doc. 2). La technique utilisée
par Warhol consiste à reproduire 50 fois cette photographie au moyen de la sérigraphie. La partie droite
du diptyque reste en noir et blanc ; la partie gauche,
ici reproduite, est en couleurs. Warhol a utilisé la
peinture acrylique pour cette partie gauche.
Cette méthode est révolutionnaire parce que l’artiste
utilise des « images préconçues » (doc. 1) et les
retravaille. La photographie est multipliée, retouchée, coloriée, pour produire une œuvre originale, un
portrait d’un genre nouveau.
4. Le peintre utilise ici des couleurs acidulées, très
vives. « Tu as choisi des couleurs criardes : jaune
citron, orange vif […]. Comme du Technicolor
surexposé » (doc. 1).
Warhol est ici influencé par la culture de masse américaine, il utilise les couleurs vives de la publicité,
du cinéma, des bandes dessinées, pour évoquer et
détourner l’ambiance de l’Amérique des années 60.
4. De l’hyperpuissance au déclin relatif
(1990-2012)
� MANUEL, PAGES 208-209
Doc. 1. Les États-Unis et le monde
après la guerre froide
• Question 1. Bill Clinton décrit le monde de
l’après guerre froide comme « plus libre, mais
moins stable » ; c’est « un monde réchauffé par
le soleil de la liberté, mais menacé encore par
de vieilles haines et de nouveaux fléaux ». Les
espoirs soulevés par la fin de la confrontation
Est-Ouest et la libération du bloc soviétique
sont tempérés par de nombreuses inquiétudes.
La guerre froide maintenait une forme d’ordre
dans le monde, la disparition du système a logiquement engendré de l’instabilité. Les « vieilles
• 114
haines » auxquelles fait allusion Bill Clinton
sont notamment les nationalismes exacerbés qui
ont ressurgi en Europe (dans l’ex-Yougoslavie
et l’ex-URSS). Parmi les « nouveaux fléaux »,
Clinton évoque lui-même les atteintes à l’environnement, la pandémie de Sida et la prolifération des armements.
• Question 2. Dans ce monde nouveau, les ÉtatsUnis doivent continuer à jouer un rôle très actif
selon Bill Clinton. « C’est clair, l’Amérique doit
continuer à diriger ce monde que nous avons tant
contribué à bâtir ». Pas question de se replier sur
les problèmes intérieurs, sous prétexte que les
États-Unis traversent une crise économique et
sociale. Le nouveau président semble vouloir
conjurer la tentation d’un retour à l’isolationnisme. Il affirme clairement que les États-Unis
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
doivent intervenir, y compris par la force, si
leurs « intérêts vitaux sont menacés » ou si « la
volonté et la conscience de la communauté internationale sont défiées », c’est-à-dire pour faire
respecter les décisions de l’ONU et les valeurs
humanitaires.
Doc. 2. Une Amérique qui a oublié ses valeurs ?
(Photographie d’une manifestation le 11 janvier
2012 à Washington, demandant la fermeture de la
prison de Guantanamo.)
it
– le « partage du fardeau » avec les « alliés et partenaires », à l’exemple de l’intervention en Libye
en 2011 où Washington a laissé l’initiative à la
France et au Royaume-Uni ;
– la fin des « guerres actuelles », c’est-à-dire le
retrait progressif des troupes américaines d’Irak
puis d’Afghanistan ;
– le reformatage de l’armée américaine, autrement dit la diminution de ses effectifs ;
– le développement des aspects non militaires de
la puissance : diplomatie, renseignement, aide au
développement.
Ces changements sont liés aux difficultés économiques traversées par les États-Unis, auxquelles
le président fait allusion (« les choix fiscaux auxquels nous sommes confrontés sont difficiles »).
• Question 2. Mais Barack Obama affirme
que les États-Unis doivent continuer à jouer le
premier rôle dans le monde, pour garantir « un
ordre international juste et durable ». « Et dans
ce monde changeant qui réclame notre leadership, les États-Unis d’Amérique resteront la
plus grande force pour la liberté et la sécurité
que le monde ait jamais connue ». Le président
des États-Unis entend ainsi montrer – à ses alliés
comme à ses adversaires – que la puissance américaine n’est nullement en déclin.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
• Question. Une telle manifestation peut produire un effet très fort sur l’opinion américaine et mondiale et ternir l’image des ÉtatsUnis. Portant la tenue sinistre des détenus de
Guantanamo, les manifestants se trouvent
devant la Maison-Blanche, qui symbolise partout dans le monde les États-Unis. Ils font ainsi
apparaître la contradiction entre le discours des
États-Unis, qui se présentent comme les défenseurs des droits de l’homme, et leurs actes dans
cette zone de non-droit qu’est la base américaine
de Guantanamo sur l’île de Cuba.
Doc. 3. L’économie américaine concurrencée
• Question. La part des États-Unis dans les
exportations mondiales de marchandises a nettement reculé en un demi-siècle. En 1953, ils
étaient au premier rang, avec 18,8 %. En 2010,
ils n’assurent plus que 8,6 % des exportations
mondiales, devancés par la Chine (10,6 %) et
talonnés par l’Allemagne (8,5 %).
Entre 1953 et 1983, les États-Unis ont d’abord
été concurrencés par le Japon, qui passe de 1,5
à 8 % en 1983, et par l’Allemagne, qui passe
de 5,3 à 9,2 % en 1983. La France a progressé
plus modestement dans la même période, le
Royaume-Uni a régressé. Dans la période suivante (1983-2010), les États-Unis sont confrontés au décollage spectaculaire de la Chine (de
1,2 à 10,6 %) et du reste de l’Asie (de 9,9 à
15,8 %). Cette dernière catégorie inclut les économies dynamiques de l’Asie du Sud-Est (Corée
du Sud, Taïwan, Singapour, etc.). Le Japon, lui,
est distancé. L’Europe maintient ses positions si
on la considère (d’une façon un peu théorique)
comme un bloc économique, l’UE.
Doc. 4. « Maintenir le leadership des ÉtatsUnis »
• Question 1. Barack Obama annonce plusieurs
changements importants :
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
◗ Étude
Les États-Unis, une puissance régionale
très active
� MANUEL, PAGES 210-211
Réponses aux questions
1. La politique de « bon voisinage », annoncée
en 1933 par Roosevelt, constitue un changement
important dans les relations entre les États-Unis
et le reste du continent. La carte (doc. 4) monte
qu’il n’y a plus d’intervention des États-Unis
dans leur « arrière-cour » après 1934 et avant le
début de la guerre froide (1947). Les États-Unis
étaient souvent intervenus entre 1912 et 1934,
en Amérique centrale (Honduras, Nicaragua)
et dans les Caraïbes (Cuba, Haïti, République
dominicaine), menant la politique du « gros bâton » (voir pp. 190-191). En 1934 (voir repères
chronologiques), les États-Unis évacuent Haïti
et renoncent au protectorat qu’ils exerçaient sur
Cuba depuis 1901. En signant la convention de
Montevideo (doc. 2), les États-Unis renoncent
115 •
à « intervenir dans les affaires intérieures ou
extérieures d’un autre État » (art. 8), à pratiquer
l’occupation militaire et à utiliser la force, même
indirectement et temporairement, contre un autre
État américain (art. 11). Cette politique de « bon
voisinage » entend privilégier les « méthodes
pacifiques » pour régler les différends entre États
(art. 10). C’est une véritable rupture par rapport
à la période précédente.
2. La guerre froide affecte le continent américain
en poussant les États-Unis à mettre un terme à
la politique de « bon voisinage ». La carte (doc.
4) montre que la guerre froide est marquée par
de nombreuses interventions des États-Unis,
soit directes (Guatemala en 1954, République
dominicaine en 1965, Grenade en 1983), soit
indirecte (soutien aux forces anticommunistes à
Cuba en 1961, au Nicaragua et au Salvador dans
les années 1980). Comme le dit John F. Dulles
(doc. 3), l’OEA a adopté en 1954 la déclaration de Caracas, qui affirme : « la domination
ou le contrôle des institutions politiques d’un
État américain par le mouvement communiste
international constituerait une menace sur la
souveraineté et l’indépendance politiques des
États américains, mettant en danger la paix en
Amérique ». Autrement dit, tout gouvernement
qui se rapprocherait du socialisme mettrait en
danger la sécurité des États-Unis, dès lors autorisés à intervenir. C’est ainsi que Dulles justifie l’intervention militaire des États-Unis pour
appuyer le coup d’État au Guatemala contre
J. Arbenz, présenté comme soumis aux « agents
communistes ». La guerre froide réactive la doctrine Monroe dans sa version dure : toute forme
de socialisme est considérée comme une ingérence étrangère dans « l’hémisphère occidental », qui doit être combattue par les États-Unis.
3. John F. Dulles se défend ici de l’accusation
selon laquelle « les États-Unis n’auraient qu’un
objectif, protéger les intérêts économiques américains » (doc. 3). Il reconnaît l’existence de « tensions entre le gouvernement du Guatemala et la
Compagnie United Fruit », mais il les minimise :
« c’est un fait assez secondaire ». Les États-Unis
ne sont pas intervenus, selon lui, pour protéger
les intérêts du capitalisme américain, menacés
par la réforme agraire, mais pour conjurer « le
péril que fait peser le communisme international
sur la paix et la sécurité de cet hémisphère ». Les
it
organisateurs de la réforme agraire seraient en
fait des agents communistes visant à déstabiliser
le Guatemala.
4. Hugo Chavez décrit les relations entre les
États-Unis et l’Amérique latine en termes de
domination. Il accuse les États-Unis d’être une
puissance impérialiste qui a « mis le grappin sur
notre Amérique pour imposer leur modèle » et
qui l’a empêché de « forger son propre destin
au cours du XXe siècle ». Il décrit les États-Unis
comme une puissance agressive, dirigée par les
militaires (« le Pentagone »). Il évoque deux
interventions militaires des États-Unis : contre
Arbenz au Guatemala en 1954 et contre Castro à
Cuba en 1961 (la baie des Cochons).
La vision de Chavez est diamétralement opposée à celle de Dulles (doc. 3). Le président du
Venezuela diabolise les États-Unis, une puissance oppressive « réduisant à feu et à sang
l’espoir et la lutte de nombreux peuples ». Le secrétaire d’État américain, lui, présente les ÉtatsUnis comme une puissance protectrice, qui veille
sur « la paix et la sécurité de cet hémisphère ».
5. L’Amérique latine a limité sa dépendance économique vis-à-vis des États-Unis en développant son commerce avec d’autres partenaires.
La part de l’Amérique du Nord (Mexique compris) dans les exportations a fortement diminué
entre 2005 et 2010, passant de 36 à 24 %. Le
premier rang est occupé en 2010 par le commerce intra-régional, entre les pays d’Amérique
du Sud, d’Amérique centrale et des Caraïbes. La
part de l’Europe reste assez stable (18-19 %),
tandis que celle de l’Asie-Pacifique a fortement
augmenté (de 13 à 23 %).
6. Les États-Unis sont toujours restés la puissance régionale dominante dans le continent
américain, qu’ils appellent « l’hémisphère occidental » et qu’ils prétendent protéger des ingérences extérieures au nom de la doctrine Monroe.
La domination économique se double d’une hégémonie politique, les États-Unis n’hésitant pas
à intervenir militairement, surtout dans la zone
caraïbe qu’ils considèrent comme leur « arrièrecour ». Les relations sont devenues plus équilibrées avec la politique de « bon voisinage » préconisée en 1933 par Roosevelt, mais la guerre
froide a poussé de nouveau les États-Unis à intervenir, pour protéger le continent américain du
communisme. Aujourd’hui, malgré la fin de la
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
• 116
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
guerre froide, le sentiment anti-américain reste
vif en Amérique latine, notamment au Venezuela
et à Cuba, frappé d’embargo par les États-Unis
depuis 1962. L’Amérique latine cherche à limiter
sa dépendance vis-à-vis des États-Unis en développant le commerce intra-régional et les relations avec l’Europe et l’Asie.
◗ Étude
Les États-Unis, puissance militaire
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
� MANUEL, PAGES 212-213
Réponses aux questions
it
« une influence injustifiée » et « menacer nos
libertés et nos processus démocratiques ». Plus
précisément, il s’inquiète du fait que les programmes de recherche soient largement dirigés
et financés par l’État. D’où un double risque, soit
celui de voir la recherche totalement contrôlée
par l’État, soit celui de voir la politique tomber
aux mains d’une « élite technico-scientifique ».
Une sorte de technocratie militaro-industrielle
pourrait menacer la démocratie américaine.
4. En ce début de XXIe siècle, les États-Unis
restent de très loin la première puissance militaire du monde. En valeur absolue, leurs dépenses militaires (687 milliards de dollars, doc.
4a) représentent 42 % du total mondial et 6
fois celles de la Chine, qui arrive en deuxième
position. En % du PNB, les dépenses militaires
américaines restent très élevées (4,8 %), bien
au-dessus de la Chine (2,1 %) ou des puissances
européennes (2,3 % pour la France, 2,7 % pour
le Royaume-Uni). Par ailleurs, l’industrie de
l’armement des États-Unis ne se contente pas
d’équiper l’armée américaine, elle est au premier rang mondial pour les exportations d’armes
(doc. 4b). Les États-Unis réalisent 53,7 % des
exportations d’armes, loin devant le RoyaumeUni (12,5 %) et la Russie (8,2 %). La Chine ne
figure pas dans ce tableau, car elle ne publie pas
de statistiques fiables.
5. Aujourd’hui, selon Barack Obama, il existe
deux menaces majeures : la prolifération nucléaire et le terrorisme. La « course à l’armement
atomique » concerne notamment la Corée du
Nord et l’Iran, évoqués explicitement par le président des États-Unis. Les « armes les plus mortifères » dont parle B. Obama sont le nucléaire,
mais aussi les armes chimiques et bactériologiques. L’allusion aux « réseaux terroristes » vise
avant tout Al-Qaida, ennemi n° 1 de l’Amérique.
Les deux menaces peuvent d’ailleurs se conjuguer, puisque B. Obama envisage un scénariocatastrophe où « un terroriste [ferait] l’acquisition d’une bombe ».
Pour combattre ces menaces, B. Obama veut
développer la coopération internationale, notamment entre les États-Unis et la Chine, deux
grandes puissances nucléaires. Il propose de renforcer le système de non-prolifération, en réservant l’usage du nucléaire à des fins civiles et en
poursuivant le désarmement nucléaire (amorcé
1. Les deux guerres mondiales ont été des
étapes essentielles pour la puissance militaire
des États-Unis. En effet, en entrant en 1917
dans la Première Guerre mondiale, les ÉtatsUnis ont été obligés d’établir la conscription
pour mobiliser près de 3 millions d’hommes
(doc. 1a). Jusque-là les États-Unis n’avaient pas
d’armée comparable aux grandes puissances
européennes. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont rétabli la conscription et
mobilisé plus de 10 millions d’hommes. Surtout,
avec le Victory Program de Roosevelt, ils ont
décidé de devenir « l’arsenal des démocraties »
par « la mobilisation totale de leur économie »
selon la formule de Jean Monnet (doc. 2). Ils ont
alors produit des quantités extraordinaires d’avions, de tanks, de navires et d’armements divers.
C’est alors, comme le souligne Eisenhower (doc.
3) que les États-Unis ont été « obligés de créer
une industrie d’armement permanente sur une
grande échelle ». C’est la naissance du « complexe militaro-industriel » américain.
2. La guerre froide a encore renforcé la puissance militaire américaine. La conscription a
été utilisée pour mobiliser des centaines de milliers d’Américains dans la guerre de Corée puis
dans celle du Vietnam (doc. 1a). Le complexe
militaro-industriel s’est alors considérablement
développé, dans le cadre de la course aux armements avec l’URSS et de la « révolution technologique » de la seconde moitié du XXe siècle
(doc. 3). « Cette conjonction d’énormes effectifs
militaires et d’une grande industrie d’armement
est inédite dans l’histoire américaine », affirme
Eisenhower.
3. Eisenhower a peur du complexe militaroindustriel, parce que celui-ci pourrait acquérir
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
117 •
par les États-Unis et la Russie). Il propose aussi
à la Chine une coopération militaire dans le domaine de la lutte anti-terroriste (la Chine est elle
aussi concernée par les attentats islamistes, dans
le Xinjiang).
6. Les États-Unis sont devenus au XXe siècle
la première puissance militaire en plusieurs
étapes. La Première Guerre mondiale a entraîné
l’établissement de la conscription. La Seconde
Guerre mondiale a engendré un gigantesque
effort de guerre. Les États-Unis se sont ainsi
dotés d’une industrie d’armement. La guerre
froide a encore renforcé le « système militaroindustriel ». Les États-Unis restent au début du
XXIe siècle la première puissance militaire du
monde et le premier exportateur d’armes. Pour
faire face aux nouvelles menaces comme le
terrorisme et la prolifération nucléaire, ils proposent une coopération internationale, notamment à la Chine, qui est une puissance militaire
en pleine affirmation.
◗ BAC
Étude critique de document
Étudier une photographie
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
� MANUEL, PAGES 218-219
RÉPONSES AUX QUESTIONS des encadrés
Sujet : Les États-Unis, une puissance régionale
très active au début du XXIe siècle.
1. La présence des Marines et du char permet
d’évoquer la puissance militaire inégalée des
États-Unis.
2. Cette photo n’est pas posée, elle semble prise
sur le vif. Les personnages photographiés n’ont
peut-être même pas conscience de la présence
du photographe.
3. La brouette transporte du Coca-Cola et du
Seven Up, deux boissons symboliques de la
puissance économique américaine et de l’influence de son modèle culturel.
4. Le mode de transport mais aussi les éléments
de décors visibles au fond de la photographie
permettent d’évoquer la pauvreté du pays.
BAC BLANC
Sujet : La puissance américaine contestée au
début du XXIe siècle.
Ce document n’est pas à proprement parler une
photographie mais un photogramme, c’est-à• 118
it
dire la plus petite unité de prise de vue d’une
séquence vidéo.
George Bush est accompagné du Premier
ministre irakien Nouri al-Maliki à Bagdad le
14 décembre 2008. Le Président effectue une
visite surprise d’adieu. C’est la quatrième fois
qu’il vient en Irak et la dernière puisqu’il quitte
ses fonctions le 20 janvier pour laisser la place à
Barack Obama. Sa visite intervient après de difficiles négociations d’accords de sécurité entre
les États-Unis et l’Irak qui prévoient le retrait
des troupes américaines d’ici à 2011. Le journaliste Munthadhar al-Zaidi de la chaîne sunnite al-Bagdadia, qui diffuse à partir du Caire,
a bondi en criant « c’est le baiser d’adieu espèce
de chien » et lancé ses chaussures, l’une après
l’autre, sur le président américain. Le journaliste a été évacué en criant : « Vous êtes responsables de la mort de milliers d’Irakiens ! ». Il est
condamné à 3 ans de prison ramenés à 1 an en
appel et est libéré en septembre 2009 au bout de
neuf mois pour bonne conduite. Il devient un
symbole de la résistance à l’impérialisme américain dans le monde arabe.
◗ BAC
• Composition
Rédiger et présenter une composition
� MANUEL, PAGES 220-221
Sujet : La puissance américaine dans le monde
depuis 1947.
Proposition de plan :
I. Une superpuissance dans la guerre froide
1947-1990.
II. Les hésitations de la puissance américaine
depuis 1991.
BAC BLANC
• Composition
Sujet 1 : Les États-Unis et le monde depuis la
fin de la Première Guerre mondiale.
Proposition de plan :
I. L’entrée en scène d’une grande puissance
mondiale (1918-1946).
II. Une superpuissance dans la guerre froide
(1947-1990).
III. Les hésitations de la puissance américaine
depuis 1991.
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
Sujet 2 : La puissance américaine depuis la fin
de la guerre froide.
Proposition de plan :
I. L’espoir et l’échec d’un nouvel ordre mondial
(1991-2001).
II. La tentation de l’unilatéralisme (2001-2008).
III. Un leadership plus souple (2009-…).
• Étude critique de document
Sujet : La puissance américaine s’adapte à
l’après guerre froide.
it
« l’action concertée des Nations unies ». En effet, l’ONU n’est plus bloquée par l’opposition
des deux Grands puisque à présent l’URSS de
Gorbatchev partage la vision du monde des
Américains comme la conférence d’Helsinki l’a
prouvé. Ce discours, très optimiste sur la possibilité d’atteindre la sécurité collective, annonce
une ère du multilatéralisme qui sera cependant
de courte durée.
Ce nouvel ordre mondial prôné par G. Bush doit
cependant exister sous le leadership des ÉtatsUnis. Cet extrait, dont c’est une des principales
limites, ne permet pas de le mettre en valeur.
Les États-Unis y apparaissent comme une « des
nations du monde », sans spécificité, alors que
pour G. Bush il est clair que l’Amérique doit
continuer à « diriger le monde », pour reprendre
les termes de Bill Clinton lors de son discours
d’investiture (voir p. 209 du manuel).
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
Le document permet de mettre en valeur l’émergence de l’hyperpuissance américaine à l’issue
d’une guerre froide gagnée par les États-Unis.
La « confrontation Est-Ouest » n’existe plus.
Bush annonce un nouvel ordre mondial qu’il
présente comme une rupture majeure, « un moment unique et extraordinaire », « une période
historique de coopération », « plus sûre dans
la recherche de la paix » et qui se fondrait sur
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
119 •
Chapitre
8
it
La Chine et le monde depuis
le « mouvement du 4 mai 1919 »
e
s
s
� MANUEL, PAGES 222-253
◗ Présentation de la question
rité d’un empire qui s’étend sur près de douze
millions de kilomètres carrés. Consciente de la
supériorité de sa civilisation, la Chine se voit
alors comme le centre de tout « ce qui est sous le
ciel », car elle se considère comme la seule partie
vraiment civilisée de la Terre.
• Cependant l’Empire chinois s’affaiblit progressivement à partir de la fin du XVIIIe siècle. Ce
déclin provient de difficultés intérieures liées
à une trop forte croissance démographique. Le
système politique et administratif sclérosé ne
parvient pas à gérer les énormes densités humaines et les problèmes économiques et sociaux
qu’elles engendrent. L’Empire chinois souffre
du poids de la tradition confucéenne, d’une centralisation excessive, de règles trop strictes qui
interdisent aux fonctionnaires toute initiative.
L’administration est rongée par la corruption.
Les ambitions des pays occidentaux portent
alors un coup fatal à la puissance chinoise. Les
Occidentaux, qui ont acquis sur la Chine une
nette supériorité grâce à la révolution industrielle
au XIXe siècle, contraignent les Chinois à s’ouvrir aux cultures lointaines, à ne plus considérer
l’étranger comme un « barbare » et à remettre en
question leur conception du monde.
• Au XIXe siècle, la Chine passe en effet du
statut de puissance dominante à celui de pays
sous tutelle. Commence alors le « siècle de la
honte », celui des défaites militaires et des traités
inégaux, des zones d’influence et des concessions étrangères au cœur du territoire chinois.
Incapable de se moderniser en raison du poids
des forces conservatrices, ce grand pays, pourtant riche d’un impressionnant héritage technique et culturel, devient au début du XXe siècle
l’un des plus pauvres et des plus misérables au
monde. Le mécontentement général lié aux difficultés alimentaires et aux défaites militaires
entraîne alors la chute de la dynastie Qing et la
proclamation de la République en janvier 1912.
o
B
it
e
s
s
o
B
• La Chine, deuxième puissance économique de
la planète en 2010, est désormais un des principaux moteurs de la croissance mondiale. Ce dynamisme, son poids démographique et ses ambitions militaires et diplomatiques en font l’acteur
majeur des relations internationales avec les
États-Unis. Cette émergence de la Chine en tant
que grande puissance représente un des plus
remarquables renversements de situation qu’ait
connus l’histoire mondiale.
• La Chine occupe en effet une place particulière
dans l’évolution de l’humanité. La civilisation
chinoise née il y a près de 5 000 ans, est l’une
des plus anciennes civilisations au monde. En
221 av. J.-C., l’empereur Qin Shi Huang, fondateur de la dynastie Qin (qui a donné son nom
à la Chine) unifie une première fois le territoire
occupé par les Hans. Les dynasties suivantes organisent progressivement un État qui donne très
tôt à la Chine une unité politique durable, un appareil administratif solide et capable de gérer un
vaste territoire. La Chine est alors le plus grand
pays d’Asie. Cet État devient le garant et le promoteur des valeurs et de la civilisation chinoise
en Asie orientale. En effet, l’Empire chinois
domine cette région en satellisant des peuples
voisins qui lui paient un tribut et qui parfois
adoptent une partie de sa culture. Le Vietnam lui
appartient pendant un millénaire, la Corée pendant quatre siècles, le Tibet passe sous sa tutelle
dès 1260, etc. L’influence chinoise s’étend au
Japon, en Asie du Sud-Est et en Asie centrale.
Les Chinois entretiennent aussi des relations
avec l’Asie occidentale (l’Iran) ou l’Inde.
• La Chine atteint son apogée sous une dynastie
d’origine mandchoue, les Qing, qui prennent le
pouvoir en 1644. Au XVIIIe siècle, des conditions économiques très favorables et les efforts
faits par le pouvoir impérial mandchou pour se
rallier les élites chinoises expliquent la prospé• 120
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
• Le pays se trouve désormais devant un immense
défi : il lui faut refaire son unité mise à mal par les
pratiques des seigneurs de la guerre qui se sont
emparés du pouvoir dans certaines régions, trouver un chemin pour se moderniser afin de sortir
sa population de la misère, retrouver sa souveraineté et se libérer de l’emprise occidentale. En ce
début de XXe siècle se multiplient les critiques
sur la culture traditionnelle. En 1915, un groupe
d’intellectuels de Pékin fonde une revue au titre
significatif : Xin Qingnian, Nouvelle Jeunesse. Ils
remettent en question le confucianisme et voient
dans la science et les idées occidentales les instruments du salut de la Chine.
• Ces hommes sont en 1919 les principaux animateurs du « mouvement du 4 mai ». Celui-ci
n’est pas seulement une contestation contre un
traité de Versailles qui attribue officiellement
au Japon les territoires allemands du Shandong.
Le « mouvement du 4 mai » veut véritablement
« sauver la Chine ». Il mobilise des masses considérables à travers tout le pays : des étudiants, à
Pékin et dans d’autres grandes villes, des ouvriers grévistes, surtout à Shanghai, des marchands qui boycottent les produits japonais. À
première vue, la portée politique immédiate du
mouvement est réduite, les manifestants obtiennent seulement la non ratification du traité de
Versailles par la Chine et le renvoi de ministres
pro-japonais. Mais en fait sa signification profonde est considérable. Il marque la première
intervention conjointe dans la vie politique
chinoise des forces sociales qui soutiennent la
modernisation du pays : les intellectuels, les
ouvriers et la bourgeoisie. C’est aussi un mouvement de la jeunesse qui réclame l’émancipation des femmes, veut propager la science
moderne et s’inspire d’idées nouvelles venues
de l’étranger. Pour la première fois, le salut du
pays est donc associé au thème du progrès et ne
s’exprime pas en valorisant le glorieux passé
du pays. C’est donc une rupture avec le confucianisme qui imprègne les mentalités chinoises
et qui met en avant la sagesse des vieillards et
la valeur exemplaire des traditions millénaires.
C’est pourquoi, pour beaucoup, ce mouvement
est la première étape de la naissance de la Chine
en tant que nation moderne.
• Ce nationalisme chinois s’incarne par la suite
de deux manières : Chen Duxiu et Li Dazhao
it
d’anciens leaders du « mouvement du 4 mai
1919 » sont séduits par les solutions marxistes,
ils fondent le Parti communiste chinois en 1921.
Par ailleurs, le Guomindang créé en 1912 par
Sun Yat Sen, après la révolution qui a renversé
l’empire, adopte dans les années 1920 les « Trois
Principes du Peuple » : démocratie, socialisme et
nationalisme anti-impérialiste.
• En 1928, le Guomindang s’empare du pouvoir,
mais sous la direction de Jiang Jieshi instaure un
régime de parti unique, mêlant le confucianisme
au fascisme. Jiang Jieshi échoue alors dans sa
volonté de faire de la Chine un État fort et indépendant. Son régime est miné par la corruption, la croissance économique n’est pas suffisante et l’économie reste sous le contrôle des
grandes entreprises étrangères. Surtout le pays
ne peut pas faire face aux ambitions japonaises :
la Mandchourie est annexée par le Japon en
1931, les autres régions littorales du pays sont
envahies à partir de 1937. Grâce à l’aide américaine et à l’appui des communistes de Mao, le
Guomindang parvient à éviter l’occupation totale du territoire chinois. La république de Chine
est même reconnue officiellement par les ÉtatsUnis comme un membre de la Grande Alliance
dès 1941. Cette reconnaissance permet au pays
d’obtenir la fin des traités inégaux et un siège
de membre permanent au Conseil de sécurité de
l’ONU en 1945.
• Mais le pays retombe dès 1946 dans la guerre
civile qui oppose les troupes du Guomindang,
aidées par les États-Unis, aux communistes
qui ont profité de la guerre pour se renforcer et
contrôler de nombreuses régions du territoire
chinois. La victoire des communistes en 1949
entraîne la partition du pays. Le gouvernement
nationaliste réfugié à Taiwan est le seul reconnu par la majorité de la communauté internationale. La nouvelle République populaire de
Chine (RPC) ne contrôle que le continent et
ses seuls alliés sont l’URSS et les autres pays
communistes. Malgré cette difficulté, la Chine
parvient à construire un État fort et à devenir
un acteur majeur des relations internationales.
L’alliance avec l’URSS qui lui fournit une aide
notable, lui permet de se doter d’une industrie
lourde moderne et d’une armée assez puissante
pour tenir en échec les États-Unis dans la guerre
de Corée (1950-1953). Forte de ces succès, la
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
121 •
Chine supporte de plus en plus mal l’hégémonie
soviétique sur le camp communiste. La rupture
définitive avec l’URSS est consommée dans les
années 1960. Désormais, la Chine veut incarner
un modèle communiste original. Elle cherche
à accroître son influence dans le monde : elle
mène une intense propagande en Occident, elle
apporte une aide technique à certains pays du
Tiers-Monde nouvellement indépendants, elle
appuie des mouvements ou rébellions communistes (Khmers rouges au Cambodge, etc.). Elle
renforce aussi sa puissance militaire en se dotant
de l’arme atomique en 1964 et se sent assez forte
pour tenir tête militairement à ses plus puissants
voisins (conflit avec l’Inde en 1962, affrontements sur la frontière sino-soviétique en 1969,
etc.). Ses efforts diplomatiques lui permettent
d’obtenir enfin la reconnaissance de plusieurs
régimes occidentaux à partir des années 1960.
Les États-Unis se rapprochent même de la Chine
pour contrer l’influence soviétique en Asie au
début des années 1970. La République populaire connaît alors son plus grand succès diplomatique, elle reprend à la Chine nationaliste
de Taiwan le siège de membre permanent au
Conseil de sécurité de l’ONU.
• À la mort de Mao en 1976, la Chine est donc
redevenue une grande puissance, cependant son
influence reste essentiellement asiatique et elle
ne dispose ni d’un poids économique ni d’un
poids militaire suffisant pour s’affirmer davantage à l’échelle mondiale.
• À partir de 1978, la Chine, de plus en plus
consciente de la faiblesse de son appareil productif, s’engage dans la voie des réformes économiques. Elle décide de libéraliser son système
de production, de s’ouvrir aux investissements
étrangers, de s’intégrer dans les échanges internationaux. Elle connaît alors trente années
de très forte croissance et devient en 2010, la
deuxième puissance économique de la planète.
Ce nouveau statut renforce son influence politique sur la scène internationale et d’abord en
Asie. Elle a en effet remplacé le Japon comme
moteur de la croissance et comme centre géopolitique en Asie orientale. Elle tente de s’appuyer
sur l’importance de la diaspora chinoise dans la
zone. Elle affirme avec plus de force ses ambitions territoriales dans la région (revendications
sur Taiwan ou sur la mer de Chine). L’énorme
it
effort budgétaire qu’elle fait pour moderniser
son armée inquiète d’ailleurs de plus en plus ses
voisins.
• Mais la Chine n’est pas seulement une puissance asiatique, son aire d’influence est désormais mondiale : ses investissements sur les autres
continents ne cessent de croître, elle est devenue
un marché incontournable pour les multinationales occidentales. Son objectif semble être de
concurrencer voire de supplanter les États-Unis,
notamment dans le domaine spatial, économique
et diplomatique. Cependant, on ne peut pas
considérer que la Chine a atteint le niveau d’une
superpuissance. Ses moyens militaires restent
insuffisants, son influence politique est limitée
par le caractère non démocratique de son régime, et par la mauvaise image que lui vaut dans
l’opinion publique la répression au Tibet ou les
massacres de la place Tian’anmen en 1989. De
plus, la Chine du XXIe siècle doit faire face à de
nombreux défis internes : notamment la corruption, mais surtout le développement de contestations contre la priorité donnée par le régime à la
croissance économique au détriment des conditions de vie ou de l’environnement.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
• 122
◗ Bibliographie
M. Aglietta, Y. Landry, La Chine vers la superpuissance, Économica, 2007.
M.-C. Bergère, L. Bianco, J. Domes, La Chine
au XXe siècle, Fayard, 2 tomes, 1989-1990.
J.-L. Domenach, Comprendre la Chine d’aujourd’hui, Perrin, 2007.
J.-L. Domenach et P. Richer, La Chine, éditions
du Seuil, 2 tomes, 1987-1995.
J. K. Fairbank, La Grande Révolution chinoise
1800-1989, Flammarion, 1989.
F. Gipouloux, La Chine du XXIe siècle : une nouvelle superpuissance ?, Armand Colin, 2005.
C. Pina-Guerassimoff, La Chine dans le Monde :
panorama d’une ascension, les relations internationales depuis 1949, Ellipses, 2011.
A. Roux, La Chine contemporaine, coll. Cursus,
Armand Colin, 5e éd., 2010.
T. Sanjuan, Le Défi chinois, La Documentation
photographique, juillet-août 2008.
Questions internationales n° 48, mars-avril
2011 : « La Chine et la nouvelle Asie ».
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
Sitographie
www.frstrategie.org/barreFRS/publications/
colloques/20040914/20040914.pdf :
l’émergence d’une superpuissance. « La Chine : partenaire ou adversaire ? »
www.geochina.fr : le site de Thierry Sanjuan,
professeur à l’université de Paris I et chercheur
spécialisé sur la Chine.
www.geopolitis.net/STRATEGIES/CHINE %20
PUISSANCE %20OU % 20SURPU ISSANCE.
pdf : « La Chine : puissance ou superpuissance ? »
www.cecmc.ehess.fr : Centre d’étude sur la
Chine moderne et contemporaine.
◗ Plan du chapitre
it
Enfin, le troisième cours dévoile comment la
mort de Mao en 1976 entraîne un tournant majeur dans l’essor chinois. En s’ouvrant aux investissements étrangers et en libéralisant son
économie, elle atteint en effet, en une trentaine
d’années, le rang de deuxième puissance économique mondiale. Ce statut lui permet de prétendre à un rôle politique plus important sur la
scène internationale et d’avoir des ambitions qui
inquiètent d’ailleurs de plus en plus les autres
États de la planète.
Ces trois cours s’appuient sur une série d’études,
toutes construites autour de la notion de puissance. La première étude propose d’analyser
des documents sur le « mouvement du 4 mai
1919 » qui marque le réveil du nationalisme
chinois. Ensuite deux études font réfléchir les
élèves sur la manière dont la Chine de Mao
tente d’acquérir une plus grande influence sur la
scène internationale en s’affirmant comme une
puissance militaire lors de la guerre de Corée,
en parvenant à rendre séduisant son modèle
idéologique auprès de certains intellectuels occidentaux. Enfin, les trois dernières études
s’intéressent à la période allant de la mort de
Mao à nos jours. Deux d’entre elles insistent sur
deux aires d’influence que la Chine semble privilégier (l’Asie et l’Afrique). La troisième étude
montre dans quelle mesure l’image de la Chine
a souffert des tragiques évènements de la place
Tian‘anmen.
Une double page Carte permet ensuite de mesurer la puissance chinoise à l’échelle de la planète
en ce début de XXIe siècle.
Ce chapitre se conclut sur l’analyse d’une œuvre
d’art particulièrement significative, Mao et la
fillette blonde de Yu Youhan. L’ouverture de la
Chine sur le monde a en effet permis aux artistes
de ce pays de se détacher des canons d’un art
officiel communiste qui s’inspirait du réalisme
soviétique.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
Comme le veut le programme, le chapitre explique comment la Chine est redevenue un acteur
majeur sur la scène internationale. Il s’interroge
donc essentiellement sur les origines, l’évolution,
les étapes et les manifestations de la puissance de
la Chine. On remonte d’abord le temps grâce à la
page Retour sur pour évoquer la place particulière que la Chine a tenu dans l’histoire mondiale
et pour exposer comment ce grand empire qui dominait l’Asie orientale est passé sous la tutelle de
grandes puissances étrangères.
Le premier cours peut alors entrer dans le vif du
sujet et évoquer la situation de l’entre-deux-guerres.
Aux lendemains de la Première Guerre mondiale,
la Chine commence un réveil qui la conduit à se libérer de la tutelle étrangère et à retrouver sa pleine
souveraineté en 1945. Le deuxième cours montre
ensuite comment la victoire des communistes en
1949 marque le début d’une nouvelle étape dans
l’histoire de la Chine. La République populaire,
en se plaçant dans l’orbite soviétique, parvient
à construire un État fort qui développe son influence surtout en Asie. Puis elle se détache de la
tutelle de l’URSS, et tente de s’affirmer comme
un des leaders du monde communiste. Elle met
aussi fin à son relatif isolement diplomatique en
obtenant son entrée à l’ONU et en se rapprochant de l’Occident.
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
123 •
it
Commentaire des documents et réponses aux questions
◗ Ouverture de chapitre
� MANUEL, PAGES 222-223
Doc. 1. Une Chine archaïque et dominée :
le dragon endormi
(Caricature américaine, vers 1900.)
o
B
it
e
s
s
o
B
Chaque nation est ici représentée sous la forme
de l’animal qui traditionnellement la symbolise :
le dragon pour la Chine, l’aigle à tête blanche
pour les États-Unis, un aigle à une tête pour l’Allemagne, un autre aigle mais à deux têtes pour
l’Empire austro-hongrois, une louve pour l’Italie, le coq gaulois pour la France, un ours pour
l’Empire russe, un lion pour le Royaume-Uni et
un léopard pour l’empire du Japon.
Cette caricature évoque la situation de la Chine aux
lendemains de la révolte des Boxers (1898-1901).
À partir de 1898, des sociétés secrètes mystiques et
nationalistes, désignées sous le nom de « Poings de
la justice et de la concorde » (ou « Boxers ») multiplient les attaques contre les étrangers. Le pouvoir impérial chinois décide de soutenir les Boxers,
car ils sont considérés comme des armes contre la
domination étrangère. Les grandes puissances forment alors l’Alliance des huit nations comprenant
l’Empire austro-hongrois, la France, l’Empire allemand, le royaume d’Italie, l’empire du Japon, l’empire de Russie, le Royaume-Uni et les États-Unis.
Cette alliance intervient militairement en Chine.
En réaction, les autorités impériales chinoises
lui déclarent la guerre, mais subissent une défaite militaire et doivent se retourner contre les
Boxers. L’Empire chinois sort de cette crise humilié car il est alors mis sous tutelle étrangère.
La fin de la révolte des Boxers marque aussi le
début de nombreuses réformes ayant pour objectif de moderniser le pays : l’étude des classiques
confucéens est remplacée par celle des mathématiques occidentales, de la science, de la mécanique et de la géographie ; la Chine commence à
envoyer sa jeunesse en Europe et au Japon pour
étudier les sciences nouvelles, telles que l’économie, et l’élite est séduite par de nouveaux
modes de pensée, comme le marxisme ; en 1910,
une Assemblée consultative nationale, démocratiquement élue, est même établie.
• 124
e
s
s
Ce processus de modernisation suscite de fortes
aspirations politiques parmi les élites. Ajoutées
au discrédit d’un pouvoir impérial humilié lors
de la révolte des Boxers, elles conduisent à la
chute de la dynastie Qing et à la proclamation de
la république de Chine.
Doc. 2. La Chine, une puissance mondiale :
le réveil du dragon
(Caricature suédoise d’Olle Johansson, 2010.)
On retrouve ici le dragon qui symbolise la Chine.
En 2010, elle est devenue la deuxième puissance
économique du monde en dépassant le Japon.
Selon certains économistes, le dragon chinois
pourrait dépasser les États-Unis vers 2027. C’est
ce qu’évoque cette caricature en montrant les
inquiétudes de l’oncle Sam, emblème des ÉtatsUnis. Il est encore sur la première marche du
podium mais il regarde avec une certaine frayeur
son challenger chinois représenté beaucoup plus
grand que lui. C’est ici une allusion à l’importance
de la population chinoise : la Chine est l’État le
plus peuplé de la planète avec 1,3 milliard d’habitants, les États-Unis n’ayant que 309 millions
d’habitants.
1. La Chine, en quête d’indépendance
(1914-1945)
� MANUEL, PAGES 226-227
Doc. 1. « L’Appel à la Jeunesse »
(Chen Duxiu, éditorial du premier numéro de la revue
Qingnian zazhi, sous-titrée en français La Jeunesse,
15 septembre 1915.)
Cette revue, fondée à Shanghai en septembre 1915
par Chen Duxiu, ancien étudiant au Japon, joue
un rôle fondamental dans l’introduction des idées
occidentales en Chine au début du XXe siècle. La
revue est très vite lue par la majorité des étudiants
chinois (parmi lesquels Mao Zedong). Elle est
très francophile. Un article de Chen Duxiu dans le
premier numéro, « Les Français et la civilisation
moderne », attribue à la civilisation française trois
dons faits à l’humanité : les concepts des droits de
l’homme (avec La Fayette), de l’évolution (avec
Lamarck) et du socialisme (avec Babeuf, suivi de
Saint-Simon et Fourier).
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
• Question. Le premier article de Chen est cet
« Appel à la jeunesse », où il confronte la morale confucéenne au modernisme occidental.
L’auteur de cet appel exprime son admiration
pour la « réussite de la race blanche », c’est-àdire des Occidentaux. Il souhaite que les Chinois
abandonnent leurs « coutumes traditionnelles »
car elles « sont des survivances du féodalisme ».
Pour lui, le poids de ces traditions en Chine est
la cause essentielle « de son inadaptation à la vie
dans le monde moderne ».
it
nomique Shanghai et de la quasi-totalité des
régions littorales, qui sont les parties les plus
riches et les plus peuplées du territoire chinois.
Cependant ils échouent à vaincre totalement les
armées chinoises et à s’emparer de la totalité du
pays. Le gouvernement nationaliste réussit ainsi
à se replier sur Chongqing.
e
s
s
• Question 2. En 1937, les communistes chinois
ne contrôlent vraiment que la région de Yanaan.
En 1945, leur influence a beaucoup progressé et
de nombreuses régions de l’est de la Chine notamment à proximité de Beijing et de Shanghai
sont désormais sous leur domination.
o
B
it
e
s
s
o
B
Doc. 2. Des Chinois sont enterrés vivants
par des soldats japonais au cours
du massacre de Nankin, 1937
Le 13 décembre 1937, Nankin, alors capitale de
la république de Chine, tombe entre les mains
des Japonais. Suivent alors six semaines de
massacre au cours desquelles des centaines de
milliers de civils et de soldats désarmés sont
assassinés tandis que des femmes et des enfants
sont violés par les soldats de l’armée japonaise.
Une estimation précise du nombre de victimes
du massacre n’est pas possible car la plupart des
rapports militaires japonais sur les tueries ont été
détruits délibérément ou gardés secret peu après
la reddition du Japon en 1945. Le tribunal militaire international pour l’Extrême-Orient estime
à plus de 200 000 le nombre de victimes.
• Question. Au premier plan de cette photographie, on distingue une fosse dans laquelle sont
disposés des prisonniers chinois encore vivants
qui sont solidement attachés. À l’arrière, des soldats japonais impassibles assistent à l’opération,
certains ont les mains dans les poches. Cette
photographie est donc particulièrement révélatrice des atrocités commises par les Japonais lors
de la Seconde Guerre mondiale.
Doc. 3. L’invasion japonaise (1931-1945)
Le 7 juillet 1937, un incident entre des soldats japonais et chinois fournit au Japon le prétexte pour
reprendre sa politique d’expansion territoriale en
Chine. Le 28 juillet, la guerre est officiellement déclarée. Les villes de Beijing et Tianjin sont prises
début août. Malgré quelques succès, les forces
chinoises subissent une série de désastres. Elles
ne parviennent pas à empêcher les Japonais de
conquérir une grande partie du territoire chinois.
• Question 1. Les Japonais s’emparent de la
capitale politique Nankin, de la capitale éco© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
Doc. 4. La Chine, membre de la Grande Alliance
(Affiche de propagande appelant les Américains à
faire des dons en faveur de la Chine, 1942.)
Dès mars 1941, le gouvernement des ÉtatsUnis fournit à la Chine 1,6 milliard de dollars
de matériel dans le cadre d’un accord lend-lease
(prêt-bail) signé en mars 1941. À la fin 1941,
après l’attaque de Pearl Harbor, la république de
Chine est officiellement admise parmi les Alliés,
ce qui intensifie l’aide américaine. À partir du
printemps 1942, l’armée américaine s’engage
en Chine et installe des bases sur son territoire,
tandis que les troupes chinoises interviennent
aux côtés des Américains dans la campagne de
Birmanie.
L’organisation humanitaire new-yorkaise United
China Relief, à l’origine de cette affiche, est fondée en 1941 pour apporter un soutien aux victimes civiles de la guerre mais aussi à la guérilla
active dans le nord de la Chine. United Relief organise alors des campagnes pour lever des fonds.
Lors de sa campagne d’appel aux dons de 1942,
cette association parvient à recueillir 7 millions
de dollars.
• Question. Pour inciter les Américains à donner
leur argent, cette affiche tente de les apitoyer en
montrant des Chinois qui, victimes de la guerre,
n’en restent pas moins des héros. Sur cette image,
l’Oncle Sam (allégorie des États-Unis) vient en
aide à une mère au visage déterminé qui, lors
d’un bombardement japonais, sauve son enfant.
Au premier plan, un combattant blessé mais qui
semble vouloir à tout prix poursuivre le combat,
porte un fusil sur son épaule.
125 •
◗ Étude
Le « mouvement du 4 mai 1919 » et l’affirmation du nationalisme chinois
� MANUEL, PAGES 228-229
Réponses aux questions
1. Ce sont les étudiants pékinois qui sont à l’origine
de la contestation. Dès le 4 mai 1919, ils sont
environ 3 000 à manifester contre le gouvernement
et à tenter de mobiliser leurs compatriotes par
des discours enflammés. Leurs revendications
sont marquées par un fort senti­ment nationaliste.
Ils veulent préserver « l’intégrité territoriale » de
la Chine et combattre pour la « souveraineté » de
leur pays. Ils s’opposent ainsi aux ambitions des
Japonais qui ont obtenu le contrôle du Shandong.
Ils veulent que leur gouvernement refuse de signer
le traité de Versailles qui entérine cette mainmise du
Japon sur l’ancienne zone d’influence allemande.
Ils veulent aussi en finir « avec la clique qui vend
la nation ! », car le gouvernement chinois a accepté
à l’avance la cession du Shandong en contrepartie
d’un prêt japonais. Pour obtenir satisfaction, les
étudiants tentent de mobiliser leurs compatriotes,
ils appellent notamment les travailleurs à organiser
« des réunions civiques pour combattre ».
2. Le mouvement prend rapidement une ampleur
considérable. En effet, les principales villes de
la Chine orientale sont touchées, notamment
la capitale Nankin et le principal centre écono5.
Causes et revendications
• Le 4 mai 1919, 3 000 étudiants
manifestent à Pékin devant la porte
Tian’anmen. (doc. 2)
• « Finissons-en avec la clique qui
vend la nation ! »
• « Ne signons pas le traité de
Versailles ! »
• « Combattons pour la souveraineté
de notre nation ! » (doc. 4)
• « La conférence de paix, à Paris,
s’apprête à accepter la demande du
Japon d’occuper et de contrôler le
Shandong ! » (doc. 4)
• « Nous souhaitons que les gens travaillant dans l’industrie, les entreprises
et tous les secteurs de la vie dans tout le
pays organisent des réunions civiques
pour combattre. » (doc. 4)
• 126
it
mique Shanghai. En outre, aux manifestations
étudiantes s’ajoutent des grèves dans les usines
et les commerces ainsi qu’un mouvement de
boycott des produits japonais. D’après le témoignage de John Dewey, « il y a environ 10 000
grévistes dans la seule ville de Pékin » et « plus
d’un millier d’étudiants ont été arrêtés ».
3. Le gouvernement chinois a d’abord choisi
de réprimer le mouvement. Il a fait encercler
l’université par les soldats afin de la transformer en une vaste prison « pour les étudiants qui
troublent la paix en prononçant des discours ».
Certains étudiants ont même été brutalisés, ils
ont « été emmenés dans les bureaux de la police
et fouettés sur le dos ». Cependant le mouvement
est d’une telle ampleur que le gouvernement finit
par céder. Le 10 juin 1919, John Dewey constate
ainsi que « les étudiants ont gagné le match. ».
Il semblerait que ce retournement de situation
soit lié à l’amplification de la contestation, c’està-dire non seulement à la « grève des commerçants » mais surtout à la « crainte d’un ralliement
des soldats aux étudiants ».
4. Ce mouvement est un évènement marquant
de l’histoire de la Chine selon John Dewey car il
s’agit de « la naissance d’une nation, et les naissances sont toujours difficiles ». Ce témoignage
montre bien que le « mouvement du 4 mai 1919 »
est marqué par le réveil du sentiment national parmi une grande partie de la population chinoise.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
Déroulement
Portée
• Manifestations et grèves d’étudiants,
boycott des produits japonais, grève des
commerçants, manifestations et grèves
ouvrières.Toutes les grandes villes de la
Chine orientale touchées. (doc. 1)
• « Nous assistons à la
naissance d’une nation,
et les naissances sont
toujours difficiles. »
(doc. 3)
• Cette agitation se poursuit jusqu’en
juin : le 1er juin, « l’université a été transformée en prison et encerclée par des
tentes militaires. […] Plus de deux cents
étudiants enfermés dans le bâtiment de
la faculté de droit, deux étudiants ont été
emmenés dans les bureaux de la police
et fouettés sur le dos. » (doc. 3)
• « Les étudiants ont
gagné le match. » (doc.
3)
• 28 juin 1919 :
La Chine refuse de
signer le traité de
Versailles. (Repères
chronologiques)
• « Un millier d’étudiants qui ont été arrêtés. Il y a environ 10 000 grévistes dans
la seule ville de Pékin. […] » (doc. 3)
• Crainte d’un ralliement des soldats aux
étudiants. (doc. 3)
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
it
6. Le « mouvement du 4 mai 1919 » est un moment fort dans l’essor du nationalisme chinois
d’abord parce que c’est une révolte contre le
système des traités inégaux, des concessions, et
des zones d’influence, en particulier contre la
mainmise par le Japon sur le Shandong. Ensuite
l’ampleur du mouvement montre que le sentiment national se réveille non seulement dans
l’élite intellectuelle mais aussi chez les ouvriers
et les commerçants. Ce sont en effet les forces
vives de la nation qui protestent et les villes les
plus actives de la Chine orientale qui sont touchées par les grèves et les manifestations. Enfin,
les manifestants ont contraint le gouvernement
chinois à reculer et à refuser finalement la cession du Shandong. Ce relatif succès a sans doute
renforcé l’aura des nationalistes chinois.
7. Voir notamment :
• www.chine-informations.com/actualite/lachine-celebre-le-e-anniversaire-du-mouvementdu-mai_12906.html
• amities-populairesfrance-chine.over-blog.com/
article-le-mouvement-du-4-mai-1919-riche-denseignements-au-plan-mondial-49759365.html
• www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2011/
07/04/chine-une-super-production-sur-la-fondation-du-pc-fait-naitre-des-vocations-de-revolutionnaires_1544701_3216.html
• www.ina.fr/economie-et-societe/vie-sociale/vi
deo/CAC89044101/manifestation-en-chine.
fr.html
• Question 1. Au premier plan de l’affiche, deux
hommes sourient et se serrent amicalement la
main. À gauche, un expert soviétique d’âge mûr,
à droite un jeune Chinois. Cette différence d’âge
symbolise l’écart économique entre les deux
pays et le fait que l’URSS, grande puissance,
apporte à la Chine, jeune nation en voie de développement, tous les enseignements de sa longue
expérience.
2. Les débuts de la Chine communiste
• Question. Le PCC reproche au PCUS d’avoir
osé critiquer la politique de Staline lors de son
XXe Congrès. Pour les Chinois, Staline reste
« un grand marxiste léniniste » et « un grand révolutionnaire prolétarien ». Ils refusent aussi la
politique de coexistence pacifique menée par
l’URSS de Khrouchtchev. Pour le PCUS, elle
aboutit « à sacrifier les intérêts du camp socialiste et du mouvement communiste international ». La crise de Cuba est pour les Chinois
« l’exemple frappant » du « capitulationnisme »
soviétique. En effet, pour éviter un affrontement
avec les États-Unis, l’URSS a accepté de retirer
les missiles nucléaires qu’elle avait installés sur
l’île.
(1945-1976)
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
� MANUEL, PAGES 230-231
Doc. 1. L’amitié entre la Chine et l’URSS
(Affiche chinoise, 1953.)
Après sa conquête du pouvoir, le Parti communiste
chinois choisit d’entrer dans le camp soviétique.
Le 16 décembre 1949, Mao rencontre Staline à
Moscou. Les négociations sont difficiles mais
elles aboutissent à la signature en février 1950
d’un traité d’amitié, d’alliance et d’assistance mutuelle sino-soviétique, valable trente ans. L’URSS
accorde un prêt modeste de 300 millions de dollars à la Chine et envoie de nombreux conseillers
russes pour aider à son industrialisation.
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
• Question 2. À l’arrière-plan apparaît un vaste
complexe industriel en construction (grues,
usines, etc.), qui montre bien que la Chine suit
la voie soviétique d’industrialisation fondée sur
la priorité à l’industrie lourde. Les Chinois choisissent en effet ce modèle de développement dans
les années 1950.
Doc. 2. Les raisons de la rupture
sino-soviétique
(« Les divergeances entre la direction du PCUS et
nous – leur origine et leur évolution », article du
Quotidien du Peuple, 6 septembre 1963.)
À la fin des années 1950, l’URSS prend de plus
en plus ses distances vis-à-vis de la Chine et
de son « Grand Bond en avant ». En juin 1959,
elle abroge unilatéralement le traité de 1957 de
coopération nucléaire avec la Chine. En 1960,
l’URSS rappelle ses 1 300 experts. Mais la rupture officielle entre le PCUS et le PCC n’intervient que fin 1962. Dès décembre 1962, le
Quotidien du peuple inaugure en effet une série
d’articles critiques à l’égard du PCUS dont celui-ci n’est qu’un exemple.
127 •
Doc. 3. La Chine populaire entre à l’ONU
(Résolution 2 758 de l’Assemblée générale de l’ONU,
25 octobre 1971.)
• Questions. La Chine populaire devient en 1971
un des cinq membres permanents du Conseil de
sécurité. Elle remplace ainsi la Chine nationaliste de Taiwan qui occupait cette place malgré
la fondation du régime communiste chinois
en octobre 1949. Cette résolution est un grand
triomphe diplomatique pour le gouvernement de
Mao qui obtient ainsi d’être reconnu comme la
seule autorité chinoise légitime par l’ONU. La
Chine a aussi désormais un droit de veto sur
toutes les décisions du Conseil de sécurité.
it
Coréens et aux Occidentaux que le contrôle
d’une bande de terre autour de la ville de Pusan.
Mais fin 1950, les forces occidentales reprennent Séoul et les Nord-Coréens sont repoussés
au-delà du 38e parallèle. Fin novembre, certaines
unités occidentales atteignent le Yalu, fleuve
de la frontière chinoise. Elles semblent donc
avoir triomphé. Cependant, les Chinois contreattaquent et font battre en retraite les troupes de
l’ONU, inférieures en nombre. Les communistes
s’emparent à nouveau de Séoul le 4 janvier
1951. L’offensive communiste n’est stoppée que
le 15 janvier au sud de Séoul. Les Occidentaux
reprennent alors l’offensive le 21 janvier. Sous
la pression d’une puissance de feu supérieure,
les Chinois doivent se retirer, Séoul est reprise le
14 mars. Le 22 avril, les forces occidentales occupent des positions un peu au nord du 38e parallèle, le long d’une ligne qui reste stable jusqu’à
la fin de la guerre. L’intervention chinoise a donc
sauvé la Corée du Nord du désastre.
2. La Chine populaire justifie l’intervention de
volontaires chinois en soulignant que les forces
américaines ont violé son intégrité territoriale
« en bombardant ses paisibles villes et villages ».
Elle ajoute aussi que l’intervention occidentale
menace « la sécurité de la République populaire
de Chine » ; en effet les troupes américaines sont
désormais proches de sa frontière et le gouvernement des États-Unis est accusé de réaliser
« méthodiquement l’encerclement militaire de la
Chine en vue d’attaquer plus tard ce pays et de
provoquer une troisième guerre mondiale ». Les
États-Unis sont donc désignés comme les principaux agresseurs. Le général Mac Arthur, commandant en chef du corps expéditionnaire de
l’ONU, est même présenté sur l’affiche comme
un tortionnaire qui n’hésite pas à poignarder une
mère et un enfant chinois de ses propres mains.
3. À cette époque, le gouvernement de la
République populaire de Chine n’est pas reconnu officiellement par la communauté internationale. C’est la Chine nationaliste (Taiwan)
qui dispose du siège de membre permanent au
Conseil de sécurité de l’ONU. En invitant un représentant de la Chine populaire à une réunion
sur la guerre de Corée, le Conseil de sécurité
de l’ONU reconnaît le gouvernement de Mao
comme un acteur majeur des relations internationales. Cette invitation est donc un tournant
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
Doc. 4. La première visite d’un président
américain en Chine
La cohésion apparente du bloc communiste est
mise à mal avec la rupture sino-soviétique de
1960. Désormais les deux régimes communistes
s’affrontent sur le terrain idéologique et diplomatique. Le risque d’une guerre entre ces deux
géants devient sérieux en 1969, année pendant
laquelle se produisent d’importants incidents
frontaliers. Conscient que la proximité géographique de l’URSS rend le danger plus grand que
celui représenté par les États-Unis et que Pékin
ne peut affronter à la fois Moscou et Washington,
Mao décide de se rapprocher des Américains.
Afin d’affaiblir l’URSS dans le monde communiste, les États-Unis profitent de l’occasion. Le
président Nixon, invité par Mao, se rend en Chine
en février 1972. La visite du président américain
suscite un grand étonnement car la guerre du
Vietnam, qui voit s’affronter les troupes communistes soutenues par la Chine et le régime de
Saïgon appuyé par les États-Unis, n’est pas finie.
Au terme de son séjour, le 28 février, Nixon déclare : « Nous avons passé une semaine ici. C’est
une semaine qui a changé la face du monde. »
◗ Étude
La Chine et la guerre de Corée (1950-1953)
� MANUEL, PAGES 232-233
Réponses aux questions
1. La guerre débute le 25 juin 1950, quand l’armée nord-coréenne franchit le 38e parallèle et
envahit la Corée du Sud. Malgré l’arrivée des
forces occidentales en Corée, les Nord-Coréens
s’emparent de Séoul et ne laissent aux Sud• 128
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
pour Pékin ; le pays le plus peuplé de la planète
fait son retour dans le concert des nations.
4. Le président des États-Unis refuse de déclarer la guerre à la Chine et d’aider « les troupes
nationalistes chinoises à débarquer sur la partie
continentale de la Chine ». Il ne veut pas prendre
le risque de « commencer une guerre générale » ;
il craint en effet que l’URSS ne décide de venir en aide à la Chine, ce qui provoquerait une
« troisième guerre mondiale ». Le 11 avril 1951,
Mac Arthur, qui voulait bombarder la Chine, est
désavoué par Truman et remplacé par le général
Rigdway.
5. Ce tableau révèle que la Chine a mobilisé
beaucoup de moyens humains dans son intervention en Corée et ses pertes sont considérables. D’après le Pentagone, les soldats chinois
tués, blessés ou disparus sont 907 000 (soit 60 %
de l’ensemble des soldats du camp communiste). Même si les Chinois tentent de minimiser
leurs pertes, on peut se rendre compte que leurs
chiffres représentent également 60 % des pertes
communistes. C’est donc la Chine qui a fait le
principal effort dans cette guerre contre le corps
expéditionnaire commandé par les États-Unis.
Avec la guerre de Corée, la Chine joue à nouveau un rôle majeur en Asie ; elle devient une
puissance militaire non négligeable et un acteur
important dans la guerre froide. En outre, le
fait que les troupes chinoises soient parvenues
d’abord à repousser les troupes occidentales puis
à résister à leur contre-offensive est une revanche
sur les humiliations du passé (traités inégaux).
Cette guerre est pour les Chinois une étape
majeure dans l’affirmation de leur pays en Asie
orientale et même sur la scène internationale.
6. L’armistice de Panmunjom (juillet 1953), qui
met fin à la guerre de Corée, est négocié avec la
participation d’une délégation chinoise dirigée
par le commandant des volontaires du peuple
chinois. La présence de représentants de Pékin
entraîne une reconnaissance de facto du nouveau
régime par la communauté internationale.
◗ Étude
it
La Chine de Mao,
un rayonnement international ?
e
s
s
� MANUEL, PAGES 234-235
Réponses aux questions
1. La Chine fait connaître « sa révolution » en
publiant des magazines de propagande à l’étranger, notamment en Occident. Le mensuel La
Chine en construction est publié en différentes
langues, ici le français et l’anglais. Ce périodique met l’accent sur la façon dont le régime
parvient à mobiliser des masses enthousiastes et
souriantes. Sur les deux couvertures, on aperçoit
en effet un rassemblement de Chinois qui brandissent des symboles du maoïsme, le drapeau
rouge ou le petit livre rouge. Ces photographies
sont aussi conçues à la gloire de Mao Zedong
qui apparaît comme le chef suprême de la Chine
communiste, celui qui galvanise les foules. Sur
le document 3a, sa photographie et sa statue apparaissent à l’arrière-plan ; sur le document 3b,
des gardes rouges se rassemblent autour du drapeau chinois où un portrait de Mao a été collé.
2. François Mitterrand insiste d’abord sur le développement économique, rapide et phénoménal
que connaît la Chine populaire. Elle est désormais capable de « produire plus, mieux, moins
cher et plus vite », de « nourrir une population
qui s’accroît actuellement d’une demi-France
par an » ou d’« entreprendre de grands travaux ».
François Mitterrand est aussi sensible à la manière dont le régime a transformé la société
chinoise et à l’effort de formation qui a été fait,
le régime communiste ayant été capable d’éduquer « des cadres par centaines de milliers ». Il
dispose désormais d’« ingénieurs qui sondent les
profondeurs du sol, réinventent un équipement
ultramoderne, rationalisent le rendement ».
3. M.-A. Macciocchi présente une image très positive de la Révolution culturelle. Pour elle, « c’est
une révolution qui a profondément régénéré le
Parti communiste chinois ». La mobilisation des
masses « dirigée d’en haut par Mao a permis d’éliminer les élites politiques et technocratiques, la
bureaucratie, les hiérarchies et les privilèges… ».
Elle reprend en fait le discours de propagande du
régime communiste tel qu’il apparaît au travers
des couvertures des magazines qui célèbrent cet
enthousiasme des masses pour les idées de Mao.
o
B
it
e
s
s
o
B
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
129 •
it
4. Elle refuse de voir que cette révolution culturelle s’est déroulée dans une grande violence et
a fait de nombreuses victimes innocentes. Simon
Leys dit en effet avoir vu « le fleuve Jaune charrier des cadavres » pendant son séjour en Chine
lors de la Révolution culturelle.
5. Cette photographie montre l’influence du
maoïsme auprès de la jeunesse française. En
effet, les étudiants qui occupent la Sorbonne
en mai 1968 ont accroché sur les murs de l’université un gigantesque portrait de Mao Zedong
et des slogans communistes tel que « servir le
peuple ».
6. Ce dossier documentaire insiste sur le rayonnement idéologique du communisme chinois.
La propagande maoïste en Occident notamment
en Europe marque les esprits des élites intellectuelles et politiques ainsi que ceux de la jeunesse. Grâce à cette intense propagande reposant
sur la traduction en plusieurs langues du petit
livre rouge, à la publication de magazines à la
gloire de la Chine populaire, le régime de Mao
sait donner une image très positive de ce qu’il
appelle la « Révolution culturelle ». De nombreux occidentaux croient alors que le gouvernement communiste réussit à mobiliser les masses
pour sortir la Chine de son sous-développement
chronique et pour en faire un pays moderne où
règne une grande justice sociale. La Chine supplante ainsi l’URSS comme modèle à suivre
dans l’esprit de nombreux Européens de gauche.
Ils rêvent d’adopter ce système dans leur pays ;
ils ne veulent pas voir que le régime maoïste est
tout aussi autoritaire que celui d’URSS et que les
violences sont nombreuses.
l’ensemble du littoral qui est concerné dès 1988.
Enfin au début des années 1990, l’intérieur du
pays est progressivement autorisé à recevoir
des capitaux étrangers. La totalité du territoire
chinois est donc aujourd’hui ouvert aux investissements des multinationales.
• Question 2. Cette politique a entraîné un important écart de richesse entre la côte et l’intérieur du territoire chinois. Les régions de Chine
qui ont le plus fort PIB par habitant sont celles
qui ont été ouvertes aux investissements étrangers dès les années 1980. L’intérieur du pays
garde un PIB par habitant généralement inférieur à la moyenne nationale.
3. Modernisation et ouverture
(Une de Courrier international, 21-27 juillet 2011.)
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
sur le monde (1976-2011)
� MANUEL, PAGES 236-237
Doc. 1. L’ouverture de la Chine
• Question 1. En 1980, pour attirer les investisseurs étrangers, sont d’abord créées quatre zones
économiques spéciales sur la côte sud-est de la
Chine, notamment celle de Shenzhen à proximité de Hong Kong. Le succès de l’opération est
tel que le gouvernement chinois décide d’ouvrir
aux investissements étrangers d’autres villes
portuaires comme Shanghai en 1984. Puis c’est
• 130
Doc. 2. Trafic et corruption
(Nin-Nin, Pas de larmes pour Mao, 1989.)
• Question. La « réouverture de la Chine au commerce étranger » permet à certains Chinois de
s’enrichir très rapidement. Dans ce texte, il est
question d’un jeune Pékinois qui, après avoir fait
ses études à l’étranger, développe « un trafic de
voitures et de motos ». Ce Chinois utilise aussi
ses relations dans l’administration pour vendre
ses services à d’autres hommes d’affaires, et leur
permettre d’« obtenir plus rapidement et à coup
sûr des autorisations d’importation de matériel ». Ces pratiques de corruption sont typiques
de comportements mafieux. Des bandes rivales
s’organisent, ce qui entraîne des violences :
le frère de Hewei qui a voulu s’emparer des
« bonnes affaires » d’un groupe concurrent est
ainsi pris en otage. Une rançon doit être payée
pour sa libération.
Doc. 3. La presse face à l’essor
des investissements chinois à l’étranger
• Question. Cette couverture de Courrier interna­
tional exprime l’appréhension des Occidentaux
face à la puissance économique chinoise. Elle présente un gigantesque panda, toutes griffes dehors,
qui semble sur le point de s’emparer de l’Europe.
Le titre, « Si la Chine rachète l’Europe », rend encore plus explicite ce message. Désormais, les entreprises chinoises sont devenues si dynamiques
et si prospères qu’elles peuvent espérer racheter
les sociétés en difficulté d’une Europe qui connaît
elle, un important ralentissement économique depuis 2007 (voir chapitre 12).
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
◗ Étude
L’Occident et la Chine après les massacres
de la place Tian’anmen
� MANUEL, PAGES 238-239
Réponses aux questions
1. Ces images parues dans la presse occidentale mettent l’accent sur la violence de la répression subie par les manifestants de la place
Tian’anmen. La couverture de Newsweek évoque
un « règne de la terreur » et montre, au premier
plan, deux femmes. L’une d’entre elles, peut-être
blessée, pleure, le bras en l’air, le visage ravagé
par la douleur ; l’autre la soutient. À l’arrièreplan, on distingue une autre personne qui se tient
la tête entre les mains. Sur le dessin paru dans le
Sun figure Deng Xiaoping, principal dirigeant de
la Chine populaire. Hilare, il porte sur le dos un
sabre ensanglanté et veut rejoindre le podium sur
lequel sont placés les « bouchers de l’histoire »,
Hitler et Staline.
2. Le président américain soutient les manifestants parce qu’ils réclament « des droits fondamentaux, la liberté d’expression, la liberté de
la presse et la liberté d’association ». Pour les
pays du G7, ils ne font que « revendiquer leurs
droits légitimes à la démocratie et à la liberté ».
Dans ces conditions, les grandes puissances occidentales, qui sont toutes des démocraties, ne
peuvent tolérer que les autorités chinoises aient
choisi de réprimer aussi violemment ce mouvement pacifique.
3. Les États-Unis décident de suspendre « toutes
les exportations d’armes » en direction de la Chine
et toutes les « rencontres entre des dirigeants américains et les chefs militaires chinois ». Ils veulent
permettre aux étudiants chinois qui le désirent de
« prolonger leur séjour aux États-Unis » et offrir
« une assistance humanitaire et médicale à travers
la Croix-Rouge aux personnes blessées lors de la
répression ». Le G7 reprend la plupart des sanctions décidées par les États-Unis en en étendant
certaines : le commerce des armes avec la Chine
est aussi suspendu, mais il met également fin à
tous les « contacts ministériaux bilatéraux » et pas
seulement aux relations avec les chefs militaires ;
enfin les prêts de la Banque mondiale sont « ajournés ». Ces sanctions sont très limitées, il n’est pas
question, par exemple, d’interdire, même provisoirement, les relations commerciales avec la
it
Chine. Le marché chinois est en effet devenu un
débouché essentiel pour les produits des nations
industrialisées. En outre, ces mesures ne sont que
temporaires : dès 1990, une partie des sanctions
est levée et en 1992, les rencontres entre les dirigeants chinois et occidentaux reprennent.
4. Jim Munson prononce ce discours à l’occasion du 20e anniversaire du massacre de la place
Tian’anmen. Il exige des autorités chinoises
qu’elles donnent des nouvelles des victimes de
la répression et des manifestants qui ont été arrêtés. Pour le sénateur canadien, le régime chinois
doit reconnaître sa responsabilité dans ce massacre et présenter des excuses, c’est seulement
à cette condition que la Chine pourra prétendre
jouer un rôle moteur dans les relations internationales et devenir « un leader ». Pour lui, la puissance économique ne suffira pas à la Chine pour
devenir un partenaire respectable et respecté.
5. Cette étude présente trois types de réaction :
– celles de la presse occidentale qui réagit à
l’actualité immédiate, qui veut émouvoir l’opinion publique mondiale en mettant l’accent sur
les violences subies par les manifestants et qui
condamne sans hésitation le régime chinois.
– celles plus diplomatiques et modérées des gouvernements qui, sous la pression de leur opinion
publique, réagissent au nom des grands principes démocratiques, mais qui ne peuvent sanctionner trop sévèrement et trop longtemps un
pays qui est devenu un partenaire économique
incontournable.
– celles d’une personnalité qui tente d’entretenir la mémoire de ces atrocités dans l’opinion
publique afin d’obliger la Chine à mettre fin à
son silence sur le sort des manifestants et à reconnaître ses erreurs et sa responsabilité dans ce
massacre.
6. Les organisations des droits de l’homme tentent d’entretenir le souvenir de ces événements
en organisant des manifestations spectaculaires
pour frapper les esprits, notamment lors de
chaque anniversaire des massacres de la place
Tian’anmen. Amnesty International a ainsi organisé des rassemblements dans plusieurs États
du monde lors des 20 ans de ces événements.
L’association ne cesse de réclamer la libération
des manifestants arrêtés alors.
Voir www.amnesty.org/
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
131 •
◗ Étude
La Chine en Asie : l’ascension
d’une puissance régionale
� MANUEL, PAGES 240-241
Réponses aux questions
1. La Chine est un sujet d’inquiétude pour ses
voisins en raison d’abord de ses revendications
territoriales. Ses rapports avec l’Inde sont rendus difficiles par l’existence de litiges frontaliers
dans l’Himalaya. En Asie du Sud-Est, Pékin
refuse d’accepter l’indépendance de Taiwan et
considère que l’île fait toujours partie de son
territoire national. La RPC voudrait aussi pouvoir contrôler une plus large portion de la mer
de Chine méridionale. Il faut comprendre que la
Chine considère cette mer comme une sorte de
zone d’influence naturelle, selon une conception
impériale de son pouvoir. La puissance militaire
grandissante de la Chine est l’autre sujet d’inquiétude des pays d’Asie méridionale. En effet,
les Chinois disposent de l’arme nucléaire et
d’importantes bases navales dans la région. La
Chine « a modernisé ses forces militaires, grâce
à une forte et constante hausse du budget de la
défense », elle a développé « principalement sa
force nucléaire, ses missiles, ainsi que sa marine
et son armée de l’air ». La Chine multiplie les
opérations navales que ce soient des « exercices
d’entraînement », « des activités de collecte d’informations », ou « des activités de surveillance ».
2. Les États-Unis, qui sont la plus grande puissance militaire au monde, peuvent apparaître
comme particulièrement menaçants pour la
Chine. En effet, ils disposent d’un grand nombre
de bases militaires encerclant le territoire
chinois. En outre, de nombreux pays de la zone
sont des alliés de Washington.
3. On constate que les relations économiques
entre la Chine et l’Asie n’ont cessé de s’intensifier depuis 1992. Le commerce extérieur de la
Chine avec cette région a été multiplié par près
de 9 ; l’Asie représente désormais 45 % du total
du commerce extérieur chinois.
4. Les partenaires économiques privilégiés de la
Chine en Asie aujourd’hui sont le Japon (23 %
du commerce chinois avec l’Asie) et les pays
d’Asie du Sud-Est (64 % du commerce chinois
avec l’Asie). Pour développer ses relations commerciales, Pékin a signé des accords de libre-
it
échange avec ses principaux partenaires, notamment avec 6 pays de l’ASEAN.
5. La Chine est une puissance majeure en Asie
du Sud-Est parce qu’elle est une puissance économique en essor constant. Son PIB est le plus
important de la région depuis 2010, sa croissance économique est phénoménale depuis 1992
(le PIB a été multiplié par 13), et elle entretient
d’intenses relations commerciales avec l’Asie,
en particulier le Japon et l’Asie du Sud-Est.
Récemment, elle a développé des liens avec
l’Asie centrale (Organisation de coopération de
Shanghai). Sa puissance militaire est grandissante : elle détient l’arme nucléaire, son budget
de la défense ne cesse de croître. Elle multiplie
les opérations militaires, notamment navales,
dans la zone. La Chine dispose aussi dans cette
zone de relais d’influence. En effet, la diaspora
chinoise est importante dans la région. Dans
certains pays résident plus de 1 million d’habitants d’origine chinoise : Singapour, Indonésie,
Malaisie, Thaïlande, Philippines, Myanmar,
Vietnam. Ces personnes constituent 80 % de la
population de Singapour, 25 % de celle de la
Malaisie, 10 % de celle de la Thaïlande. Mais
les obstacles et les limites à l’affirmation de
la puissance chinoise restent nombreux : il y a
des faiblesses politiques internes, notamment
les revendications nationalistes au Tibet et au
Xinjiang. La Chine entretient de mauvaises relations avec certains pays voisins à cause de litiges frontaliers ou de revendications de zones
maritimes. Des foyers de crise existent à ses
frontières ou à proximité (Afghanistan, Corée du
Nord notamment). Enfin la forte présence militaire et diplomatique des États-Unis dans la zone
freine les ambitions chinoises.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
• 132
◗ Étude
La Chine populaire et l’Afrique
� MANUEL, PAGES 242-243
Réponses aux questions
1. On peut dire que les objectifs de la Chine
sont d’abord politiques dans les années 1960
parce que la Chine a appuyé le mouvement de
décolonisation africain. Elle a soutenu notamment des mouvements marxistes en Angola et
au Mozambique (contre la domination portugaise) et en Namibie (contre l’Afrique du Sud).
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
L’affiche montre que Mao voulait alors apparaître comme « le grand libérateur des peuples
révolutionnaires de la planète ». Selon le président chinois actuel, cette politique a permis à son
pays d’obtenir l’appui total des amis africains au
rétablissement de la République populaire de
Chine dans son siège légitime aux Nations unies.
2. Les relations commerciales de la Chine
avec l’Afrique ont connu un important essor.
Quasiment insignifiant en 1956, ce commerce
représente 127 700 millions de dollars en 2010.
Il s’est surtout développé depuis le début des
années 2000. La Chine achète des matières premières à l’Afrique, notamment du pétrole ; elle
lui vend des produits manufacturés, en particulier des armes.
3. 10,3 % des exportations africaines sont à destination de la Chine. Les partenaires économiques
privilégiés de la Chine sont l’Angola, l’Afrique
du Sud, le Soudan, le Nigeria, la Guinée équatoriale, le Congo Brazzaville, l’Algérie, la Libye,
l’Égypte. Souvent, il s’agit de pays producteurs
de pétrole, énergie dont la Chine a un énorme
besoin vu la vitesse de son développement.
4. Les Chinois investissent de plus en plus en
Afrique, ils cherchent notamment à contrôler des
terres arables pour pouvoir se fournir facilement
en produits agricoles. Ils octroient aussi aux
pays africains une aide au développement. Le
président Chinois veut notamment annuler des
dettes gouvernementales, envoyer des ingénieurs
agronomes, aider à la construction d’hôpitaux et
d’écoles. Des soldats chinois participent aussi
aux opérations de l’ONU dans la région. Enfin,
la Chine finance l’installation sur ce continent
de nombreux instituts Confucius pour accroître
son influence culturelle et sans doute aussi pour
permettre la formation de cadres parlant chinois
qui sont nécessaires au développement des relations économiques. On peut dire que la présence
chinoise est encore limitée parce que la Chine
n’est pas le plus important partenaire commer-
it
cial de l’Afrique. L’Union européenne reste encore la principale destination des exportations
chinoises (38,9 %).
5. Les Occidentaux reprochent à la Chine de
ne se soucier que de ses intérêts économiques.
D’après le dessin de Chappatte, elle cherche essentiellement à écouler sa production, à signer des
contrats. L’auteur fait d’ailleurs dire à un homme
d’affaires chinois que « le seul truc qu’on essayera pas de vous vendre, c’est la démocratie ». La
Chine n’hésite donc pas à passer des accords avec
les pires dictateurs de la région. Le dessinateur
suggère, par un cœur placé au-dessus de deux dirigeants africains, que c’est une des raisons des
récents succès chinois en Afrique.
6. Dans les années 1960, les relations sino-africaines étaient peu développées. La Chine s’intéressait surtout au continent africain pour assurer
le rayonnement de son modèle idéologique et
pour obtenir l’appui des pays nouvellement indépendants alors qu’elle était isolée sur la scène
internationale. Depuis le début des années 2000,
la situation a fortement changé. Le continent
africain est devenu un débouché non négligeable
pour les produits chinois, il est surtout devenu
un important fournisseur de matières premières
(en particulier de pétrole) et de produits agricoles. La Chine ne cesse donc de renforcer ses
liens avec les pays de la région : elle multiplie
les investissements, accorde une importante aide
au développement en annulant une partie des
dettes, en envoyant des ingénieurs, en construisant des hôpitaux, etc. Elle accroît aussi sa présence militaire et culturelle sur le continent.
Cette présence chinoise de plus en plus forte
inquiète les Occidentaux qui lui reprochent de
vouloir dominer économiquement le continent
et de soutenir les pires dictatures. Ces craintes
apparaissent exagérées ; malgré l’essor rapide
des relations sino-africaines, c’est l’Europe qui
reste le principal partenaire de l’Afrique.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
133 •
◗ Histoire des Arts
Mao et la fillette blonde de Yu Youhan
� MANUEL, PAGES 246-247
e
s
s
Analyse de l’œuvre
Observer
it
Interpréter
1. Cette œuvre date de 1992. Elle a été peinte par Yu
Youhan.
Yu Youhan, né en 1943 à Shanghaï, est un des principaux représentants du political pop art.
➞ Cette toile a été peinte alors que la Chine est en
plein essor économique et s’ouvre massivement aux
capitaux étrangers. Les relations politiques, économiques et culturelles avec les pays occidentaux ne
cessent de se développer.
2. Le personnage principal de cette toile est un
homme au visage souriant, il salue le spectateur
en levant une de ses mains. Il porte un costume de
coupe assez austère et une casquette décorée d’une
étoile de couleur rouge.
➞ En comparant avec l’affiche de propagande, on
reconnaît immédiatement le dirigeant communiste
Mao Zedong qui a fondé la RPC en octobre 1949 et
l’a dirigée jusqu’en 1976. Il fait le même geste, porte
le même costume, une casquette similaire et affiche
aussi un visage souriant.
3. L’autre personnage de la toile est une fillette
blonde de type caucasien qui nous tourne le dos
mais nous jette un regard complice. Elle montre un
visage souriant. Elle porte une jupe blanche courte
et une veste de couleur bleu marine. C’est en fait
la tenue typique de certaines écolières américaines,
tenue reprise dans des écoles asiatiques (chinoises,
japonaises, etc.) voulant paraître modernes et donc
occidentales.
➞ C’est le stéréotype de la petite fille américaine
pour un Chinois. Ce personnage symbolise donc les
États-Unis, chef de file des pays occidentaux. Or la
Chine, depuis 1978, se modernise à toute vitesse en
abandonnant peu à peu le communisme et en adoptant le libéralisme et la société de consommation de
type occidental.
4. Le peintre utilise des couleurs vives, des traits
simples, des graffitis entourent les personnages et
leur figuration est plane (sans relief). Le corps de
Mao est une mosaïque, il apparaît divisé en formes
géométriques simples (briques, carrés, losanges) de
couleurs différentes, son visage est pixelisé comme
une image numérique de mauvaise qualité.
➞ Ce type de figuration est typique du pop art (voir
vocabulaire p. 248 et Histoire des Arts p. 206).
Cette manière de peindre est très éloignée du style
plus conventionnel des affiches de propagande qui
tendent à présenter Mao sous son meilleur jour. Mao,
même s’il reste le personnage principal, semble
ici presque disparaître, s’effacer, se diluer dans les
couleurs et les formes.
o
B
it
e
s
s
o
B
◗ BAC
Étude critique de document
Étudier des documents statistiques
� MANUEL, PAGES 250-251
Sujet : La puissance économique chinoise
en Asie au XXIe siècle.
RÉPONSES AUX QUESTIONS DES ENCADRÉS
1. Le Japon est encore la deuxième puissance
économique mondiale et la première puissance
régionale à la date de ce document.
2. Le Japon, la Corée du Sud et Taiwan, tous en
Asie orientale, ont une dépendance plus forte
• 134
vis-à-vis de la Chine que l’Inde et la Russie dont
les partenaires économiques sont plus diversifiés
(par exemple l’Europe pour la Russie).
3. La Chine est le premier partenaire commercial du Japon à la fois pour les importations mais
aussi pour les exportations à hauteur d’1/5, ce
qui est une dépendance très importante.
4. 1992 : reconnaissance diplomatique mutuelle
entre la Corée du Sud et la RPC (voir page 240).
5. En 2010, la Chine occupe le deuxième rang
économique mondial (page 236).
6. En 1997, le Royaume-Uni a rétrocédé Hong
Kong à la Chine.
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
7. Ces deux territoires sont considérés par la
RPC comme en faisant partie intégrante.
BAC BLANC
Sujet : La Chine et le monde depuis 1978.
Mao Zedong meurt en 1976 et le début des réformes économiques a lieu en 1978, date à laquelle démarre la série statistique présentée dans
ce tableau. Le PIB de la Chine a été multiplié
par près de 30 en trois décennies. Encore plus
spectaculaire est la hausse des chiffres du commerce extérieur qui montre le choix de l’extraversion et de la libéralisation économique fait à
la fin des années 1970. Les exportations ont été
multipliées par 144 et les importations par 102
entre 1978 et 2008. La balance commerciale, légèrement déficitaire, est ainsi devenue très largement excédentaire. Cette situation s’explique par
la volonté de développer les industries d’exportation qui a poussé la Chine à créer les ZES, puis
à ouvrir tout son littoral aux capitaux étrangers.
Effectivement, le tableau montre qu’en 1978 ces
IDE étaient nuls mais s’élèvent à 138 milliards
de dollars en 2007. Cette ouverture au monde
s’accompagne d’une modernisation de la Chine
qui se traduit, par exemple, par une nette augmentation de la consommation énergétique mais
aussi par l’utilisation d’Internet. Si la progression des utilisateurs est rapide et importante, elle
n’en est pas moins très inférieure à celle des pays
développés et permet de montrer qu’une large
part de la population chinoise, notamment dans
les zones rurales, est encore en marge de cette
modernisation.
it
traité des neuf puissances signé en 1922 par
plusieurs pays européens ainsi que par les
États-Unis et le Japon était supposé garantir
l’intégrité territoriale du pays. C’est à cette
même date que la Chine récupère le Shandong,
que les Japonais occupaient depuis la Première
Guerre mondiale. Les États-Unis, inquiets des
ambitions japonaises, ont œuvré dans ce sens.
La couverture du Rire de janvier 1938 montre
ainsi un soldat japonais éventrant un Chinois représenté avec une natte (que les Hans ne portent
plus depuis 1911, mais qui permet au lecteur occidental d’identifier le personnage). Il tient à la
main le traité qui est supposé garantir la souveraineté chinoise, et le soldat japonais piétine les
drapeaux américains et britanniques, puissances
supposées garantir son application.
Cette situation explique que Mao Zedong, à
l’instar du Guomindang, voit dans « les envahisseurs japonais » leurs principaux ennemis
et recherche une alliance avec les Alliés. Mais
à l’inverse du Guomindang, Mao Zedong veut
« faire des distinctions » ; il ne veut pas traiter
tous les pays, « à l’exception du Japon », sur un
pied d’égalité ». Ainsi, l’URSS est une meilleure
alliée que les pays capitalistes, ce qui est logique
pour le chef du PC chinois. Ensuite, une distinction est faite entre les pays alliés du Japon
(Allemagne et Italie) et les autres (Royaume-Uni
et États-Unis), malgré leur impérialisme. Enfin,
Mao prend en compte l’évolution des positions
de ces deux derniers États, qui s’inquiètent à présent de l’impérialisme japonais au point de vouloir soutenir les Chinois alors qu’ils les avaient
abandonné à leur sort quelques années plus tôt,
« à l’époque du Munich d’Extrême-Orient ».
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
◗ BAC BLANC
� MANUEL, PAGE 252
• Étude critique de documents
Sujet : La Chine et le monde dans la première
moitié du XXe siècle.
À la date de ce texte, la Chine est dans une
situation très difficile. Le PCC et le Guomindang
sont en guerre civile depuis 1927. Profitant de
ce désordre, « les impérialistes japonais qui
ont entrepris une agression contre la Chine »
se sont emparés de la Mandchourie en 1927
et de la Chine littorale en 1937. Ils mettent
ainsi fin à une indépendance politique acquise
depuis peu et que rappelle le document 2. Le
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
◗ BAC BLANC
� MANUEL, PAGE 253
• Composition
Sujet 1 : La Chine dans les relations internationales depuis 1919.
Suggestion de plan :
I. La Chine à la recherche de son indépendance
(1919-1945)
II. La Chine populaire s’impose sur la scène
internationale (1945-1976)
III. Une grande puissance qui se modernise et
s’ouvre sur le monde (1976-2011)
135 •
Sujet 2 : La puissance chinoise au début
du XXIe siècle (réalités et limites).
Suggestion de plan :
I. Un géant économique : une puissance régionale et mondiale.
II. Les autres relais de la puissance chinoise.
Une puissance politique ?
• Étude critique de document
Sujet : La Chine et le monde au lendemain
de la Première Guerre mondiale.
it
était sous contrôle allemand depuis 1897, quand
les Japonais profitent du conflit pour l’occuper.
La Chine entre en guerre en 1917 aux côtés de
l’Entente dans l’espoir de récupérer le Shandong
qu’une clause du traité de Versailles accorde cependant aux Japonais, à qui sont « transférés les
droits allemands ». Cette décision est d’une portée importante. Elle provoque une révolte nationaliste, « une protestation dans toute la Chine »,
et de la diaspora chinoise, que désigne l’expression de « population chinoise du monde entier ».
La délégation chinoise était pourtant prête au
compromis puisqu’elle se serait contentée de
faire insérer des « réserves », voire de les annexer
au traité. Ce refus du compromis provoque le rejet du traité dans son ensemble. Le Guomindang
s’appuie sur ce réveil nationaliste pour asseoir
son influence et placer le pays sous son autorité.
En 1922, la Chine récupère le Shandong grâce à
l’aide des États-Unis.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
En 1919 au sortir de la Première Guerre mondiale, la Chine a subi de graves humiliations qui
provoquent un réveil de la conscience nationale.
Cet extrait de la déclaration officielle de la délégation chinoise à la presse le 28 juin 1919 en est
un des meilleurs exemples. En effet, la délégation annonce ici son refus de « signer l’intégralité » du traité de paix « au vu de l’injustice du règlement de la question du Shandong ». La région
• 136
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
Chapitre
9
it
Le Proche et le Moyen-Orient,
un foyer de conflits depuis 1918
e
s
s
� MANUEL, PAGES 254-287
◗ Présentation de la question
• La mise en œuvre du nouveau programme soulève deux difficultés principales. Il faut présenter, dans un volume horaire réduit (six heures
environ), une synthèse cohérente des nombreux
conflits qui ont ensanglanté la région du MoyenOrient au XXe siècle. Il est par ailleurs indispensable d’appréhender l’histoire du conflit israéloarabe de manière équilibrée, en neutralisant les
tensions qu’il peut susciter en France, et ce, bien
au-delà des communautés juives et musulmanes.
Ce n’est pas toujours aisé, car la bibliographie
disponible en français est souvent orientée dans
un sens plutôt défavorable à Israël. Ce sont pourtant des historiens israéliens qui, en s’appuyant
sur les archives de leur pays, ont pu remettre en
cause certains mythes fondateurs de l’État d’Israël. Il est d’autant plus difficile d’historiciser le
conflit israélo-arabe que le souvenir des drames
intervenus dans le passé – la question des réfugiés palestiniens notamment – empêche toujours
l’établissement d’une paix durable. Georges
Corm a ainsi choisi d’introduire son essai sur Le
Proche-Orient éclaté par une réflexion sur les
conflits mémoriels : « Se sont cristallisées, pour
ce qui est de l’histoire du Proche-Orient, des visions totalement contradictoires, basées sur des
mémoires historiques conflictuelles et des revendications inconciliables de patrimoines civilisationnels ». On a par ailleurs assisté, poursuit
Georges Corm, à un retour du religieux dans les
trois grandes religions monothéistes au cours des
vingt-trente dernières années. « Plus qu’ailleurs
dans le monde, ce retour du religieux contribue
à aggraver les tensions au Proche-Orient, terre
de naissance des trois grands monothéismes ; ces
derniers, en effet, constituent le soubassement
essentiel de la vision prédominante de l’organisation du monde en civilisations susceptibles
de s’affronter avec violence ». Le rôle de l’historien est précisément de relativiser la part du fait
religieux dans le déclenchement des conflits du
Proche-Orient : dans ses origines comme dans
son déroulement, le conflit israélo-arabe n’est en
rien une guerre de religion moderne.
• D’autant que les conflits au Moyen-Orient ne
se réduisent pas au seul conflit israélo-arabe.
L’intitulé du programme précise bien que l’espace comprend le Proche et le Moyen-Orient,
afin de lever toute ambiguïté sur l’aire géographique considérée. En réalité, la distinction entre
ces deux expressions n’est pas toujours très
claire. On rappelle à ce propos dans le manuel
(p. 258) que l’expression « Moyen-Orient » vient
de l’anglais « Middle East » : elle est employée
pour la première fois en 1902 par l’amiral américain Alfred T. Mahan dans un article sur « le
golfe Persique et les relations internationales »
publié dans The National Review. Elle désigne
selon lui « cette portion de la route de Suez
à l’Extrême-Orient qui s’étend entre Aden et
Singapour et dont le golfe Persique est un trait
saillant » : soit toutes les régions situées sur
la « route des Indes », qui commande alors la
défense de l’Empire britannique : « Le MoyenOrient, si je puis adopter un terme que je n’ai
encore jamais vu, aura besoin quelque jour de
son Malte autant que de son Gibraltar… La
Marine britannique devrait avoir les moyens de
concentrer des forces, si l’occasion s’en présente, autour d’Aden, de l’Inde et du Golfe ». Le
Moyen-Orient comprend ainsi l’Égypte, l’Asie
arabe, la Perse devenue l’Iran, le Pakistan, et sur
ses marges, la corne de l’Afrique (la Somalie)
et l’Afghanistan. Au sens strict, le Proche-Orient
correspond à ce que l’on appelait autrefois le
Levant, à savoir les régions situées sur les rives
orientales de la Méditerranée, de la Turquie à
l’Égypte. Mais en français, on parle souvent
indifféremment du Proche et du Moyen-Orient
pour désigner le même espace géographique.
• On a ainsi choisi à dessein d’ouvrir le chapitre
par deux photographies faisant référence non
pas aux guerres israélo-arabes, mais à l’enjeu
stratégique majeur que représente le pétrole
extrait au Moyen-Orient, et à la menace que les
conflits régionaux représentent pour la paix et la
sécurité internationales.
o
B
it
e
s
s
o
B
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
137 •
• Cinq grands repères permettent ensuite de
replacer l’histoire contemporaine du MoyenOrient dans la longue durée :
– La prise de Constantinople en 1453 vient rappeler qu’en 1914, les régions du Proche-Orient
sont placées depuis le XVe siècle sous l’autorité
des Turcs ottomans dont le souverain, le sultan,
exerce aussi la dignité religieuse de calife.
– Le débarquement de troupes françaises à
Beyrouth, en 1860, pour porter secours aux
chrétiens d’Orient, évoque le rôle de protectrice
que la France a longtemps revendiqué au Levant.
– L’inauguration du canal de Suez, en 1869 :
il a été construit par le Français Ferdinand de
Lesseps, mais d’emblée, la flotte britannique,
qui domine les mers, en a été la principale bénéficiaire. Le canal de Suez, et par conséquent
l’Égypte, jouent désormais un rôle essentiel
dans la défense de la « route des Indes ».
– La fondation de Degania, premier kibboutz en
Palestine en 1909, où est né le général Moshe
Dayan, le héros israélien de la guerre des SixJours : il permet de revenir brièvement sur la
naissance du sionisme en Europe au XIXe siècle
dans les milieux juifs ashkénazes de Russie.
Bien que laïc, le sionisme réactualise l’espérance
messianique d’un retour des juifs en Terre promise. Jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre
mondiale, les immigrants juifs en Palestine sont
donc principalement des Européens, fuyant dès
la fin du XIXe siècle les persécutions dont ils
sont victimes sur le vieux continent. Ces juifs
originaires d’Europe, dont certains sont des
socialistes athées, sont totalement étrangers à la
société et à la culture arabo-musulmanes qu’ils
découvrent en Palestine. Mais il est essentiel de
souligner par ailleurs qu’à cette époque, juifs
et Arabes cohabitent pacifiquement depuis des
siècles au Moyen-Orient (85 000 juifs en Irak et
en Palestine en 1917, 60 000 en Égypte, 100 000
en Turquie) et au Maghreb (où la présence juive
est attestée bien avant la conquête arabe). Au
Maroc, les juifs sont même proportionnellement
plus nombreux à parler l’arabe que les musulmans, où beaucoup sont berbérophones (en
1960, 88 % des juifs marocains parlaient l’arabe
contre 64 % seulement de musulmans). L’un des
aspects du drame qui s’est joué après 1948 est
justement d’avoir rompu les liens traditionnels
entre les deux communautés, une grande par-
it
tie des juifs sépharades ayant été contraints au
départ.
– Enfin, l’entrée en guerre de l’Empire ottoman
aux côtés de l’Allemagne, en octobre 1914, est
l’événement décisif qui bouleverse la situation
politique établie depuis des siècles au MoyenOrient. Comme le montre la carte de la région
en 1914, les grandes puissances européennes, la
France, la Grande-Bretagne, la Russie et l’Italie
n’ont cessé, depuis la fin du XVIIIe siècle, date de
l’expédition d’Égypte, d’étendre leur influence
au détriment de l’Empire ottoman, en accaparant
ses territoires, en contrôlant ses finances et de
larges pans de son économie, en obtenant des
privilèges d’exterritorialité pour leurs ressortissants et leurs protégés. Dans ce contexte, les
dirigeants nationalistes jeunes-turcs ont choisi
de s’allier à l’Allemagne, qui n’avait pas d’ambitions coloniales dans la région. Ce choix s’est
avéré fatal pour l’Empire ottoman par la suite.
• Deux double pages cartes (pp. 258-261), ainsi
qu’un tableau récapitulatif des principales communautés religieuses du Moyen-Orient (p. 257),
donnent un aperçu géopolitique du MoyenOrient actuel. Elles doivent permettre aux élèves
de se défaire de quelques idées préconçues et
d’acquérir sur la région des notions élémentaires
et générales pour la compréhension des conflits.
Carrefour de civilisations, selon l’expression
consacrée, le Moyen-Orient abrite les lieux
saints des trois grandes religions monothéistes.
Mais, comme l’illustre le tableau de la page 257,
aucune de ces trois grandes religions ne forme
chacune un ensemble homogène. Les communautés ashkénazes et sépharades n’ont pas les
mêmes héritages historiques et culturels et, du
reste, l’intégration des communautés sépharades
dans le nouvel État d’Israël, longtemps dominé
par les élites politiques ashkénazes, ne s’est pas
faite sans difficulté. Les juifs orthodoxes ont,
quant à eux, longtemps dénoncé le sionisme
comme une idéologie athée. Chrétiens latins
et orthodoxes se sont longtemps affrontés pour
la garde des lieux saints, conflits intercommunautaires qui, instrumentalisés par la France et
la Russie furent, par exemple, à l’origine de la
guerre de Crimée (1853-1855). Les musulmans
sont également très divisés : le principal clivage
est bien sûr celui qui oppose les sunnites et les
chiites, clivage qui a pris une dimension poli-
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
• 138
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
tique surtout depuis la révolution iranienne de
1979. Jusque là en effet, les chiites, qui ne sont
majoritaires qu’en Iran, demandaient surtout à
voir leurs droits de minorité religieuse reconnus.
Depuis 1979, l’Iran s’est appuyé sur les communautés chiites pour accroître son influence
dans la région, d’autant que les lieux saints du
chiisme sont principalement situés en Irak, avec
lequel l’Iran a un lourd contentieux frontalier.
Mais par ailleurs, l’islam wahhabite, prôné par
la dynastie des Saoud en Arabie, a longtemps
été perçu comme hérétique par les autres musulmans sunnites.
• On a également trop souvent tendance à
confondre le Moyen-Orient avec le monde arabomusulman. Indépendamment même du cas particulier d’Israël, il convient de rappeler que la
région a été dominée par les Turcs et que l’Iran,
autre grande puissance régionale, est de peuplement persan. À partir de la fin du XIXe siècle, le
nationalisme arabe s’est d’abord affirmé contre
les Turcs. Aujourd’hui encore, l’Iran représente
une menace tout aussi redoutable pour les monarchies pétrolières arabes du golfe Persique que
pour Israël, d’où le soutien qu’elles ont apporté
à l’Irak dans sa longue guerre contre le régime
islamique de Téhéran. Il n’est pas inutile de rappeler enfin que tous les Arabes ne sont pas musulmans, notamment au Liban ou en Palestine,
même si l’islam est pratiqué par 95 % des habitants de la région. Les précurseurs du nationalisme arabe furent aussi parfois des chrétiens,
comme Michel Aflak, l’un des fondateurs du
parti Baas.
• Le Moyen-Orient présente ainsi l’aspect
d’une mosaïque de peuples et de communautés
religieuses. L’une des causes principales de la
conflictualité dans la région provient de la non
correspondance entre le tracé des frontières nationales et celui des frontières ethniques ou religieuses. Deux cas de figure peuvent se présenter :
1. Les États voient leur unité minée ou fragilisée
par la coexistence de plusieurs minorités ethniques ou religieuses, le meilleur exemple étant
celui du Liban ou de l’Irak, longtemps dominé
par la minorité arabe sunnite et comprenant de
fortes communautés chiites et kurdes. C’est
aussi le cas d’Israël dans ses frontières d’avant
1967, puisque les Arabes qui sont restés en Israël
après 1948 sont des citoyens israéliens.
it
2. Réciproquement, certains peuples se sont retrouvés divisés par la création de plusieurs États
après la dislocation de l’Empire ottoman : c’est
avant tout le cas de la nation arabe. Les Kurdes,
présents en Irak, en Iran et en Turquie, ont demandé à disposer d’un État dès le lendemain de
la Première Guerre mondiale. C’est enfin le cas
des Palestiniens, présents en Jordanie (la majorité de la population jordanienne se compose
de Palestiniens, réfugiés ou non), au Liban, en
Israël dans ses frontières de 1948, dans les territoires de l’Autorité palestinienne aujourd’hui
évacués en tout ou en partie par Israël, ou bien
encore dans les États arabes de la région du golfe
Persique.
• Le nationalisme palestinien ne s’est toutefois
que tardivement émancipé de la cause du nationalisme arabe en général. La Palestine, province
ottomane jusqu’en 1918, n’a jamais formé un
État ; le mot désigne depuis l’Antiquité une
entité géographique (le pays des Philistins : les
Romains ont ainsi renommé la province romaine
de Judée après l’une des révoltes juives qu’ils
avaient réprimées). Au lendemain de la Première
Guerre mondiale, les Arabes palestiniens ont
d’abord revendiqué leur indépendance par rapport à la Grande-Bretagne dans le cadre d’un
État arabe qui devait aussi comprendre la Syrie
et/ou la Transjordanie. C’est surtout après la
guerre des Six-Jours que s’affirme un mouvement national palestinien indépendant, personnifié par Yasser Arafat, dont le mouvement (le
Fatah) prend alors le contrôle de l’OLP. Mais là
encore, rien n’est simple, car le combat engagé
par l’OLP contre l’État d’Israël se double de
profondes rivalités avec les autres États arabes
de la région : l’expulsion des bases de l’OLP
de Jordanie en 1970 (« septembre noir ») aurait
fait près de 10 000 morts de source palestinienne
(3 500 selon les Jordaniens), soit plus de victimes que les deux Intifadas réunies.
• Le deuxième grand facteur d’instabilité dans la
région tient à l’inégale répartition des richesses
en eau et en hydrocarbures, que l’on peut étudier à partir de deux cartes sur l’or noir et l’or
bleu (pages 260-261). La gestion des ressources
hydrauliques est à l’origine de fortes tensions
entre la Turquie, l’Irak et la Syrie à propos du
débit du Tigre et de l’Euphrate, et entre les
États riverains du Jourdain (les rivalités entre
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
139 •
l’Égypte et le Soudan sur les eaux du Nil sont
aux marges du programme). Le pétrole a fait
la richesse des monarchies de la péninsule arabique (85 % du pétrole extrait au Moyen-Orient
vient de la région du golfe Persique, 65 % pour
la seule Arabie Saoudite) : peu peuplées, elles
ont fait appel à une immigration massive et elles
dépendent, comme l’a montré la première guerre
du Golfe, de la protection des puissances occidentales qui sont leurs principales clientes. En
revanche, l’Égypte, qui regroupe à elle seule le
tiers de la population arabe du Moyen-Orient, a
été bien moins nantie de ce point de vue.
• Enfin, l’ingérence des grandes puissances
constitue un dernier facteur d’instabilité politique dans la région : depuis la fin de la Seconde
Guerre mondiale surtout, les conflits du MoyenOrient peuvent en effet avoir des conséquences
économiques ou politiques dans le monde entier
(cours du pétrole, exportation du terrorisme,
prolifération nucléaire) ; ils présentent donc un
risque d’internationalisation bien plus élevé que
dans les autres parties du monde. Dès le début
du XXe siècle, le pétrole représente un intérêt
stratégique important pour la marine de guerre
britannique, avant qu’il ne devienne vital, dans
les années 1950, pour l’approvisionnement
énergétique des pays occidentaux. Le MoyenOrient concentre plus de la moitié des réserves
mondiales de pétrole connues, plus du tiers des
réserves mondiales de gaz et le tiers des réserves
mondiales de phosphates.
• Tout au long du XXe siècle, les grandes puissances extérieures à la région n’ont cessé d’y
renforcer leur présence, parfois en instrumentalisant des conflits locaux afin d’y ménager leurs
intérêts. La France et la Grande-Bretagne ont
tracé des frontières qui sont restées longtemps
contestées (au Liban par la Syrie, au Koweït par
l’Irak par exemple). La crise de Suez, en 1956,
a permis aux Américains et aux Soviétiques
d’évincer définitivement les vieilles puissances
européennes de la région. En 1973, la guerre du
Kippour a menacé de dégénérer en affrontement
généralisé impliquant l’URSS et les États-Unis,
soutiens respectifs des pays arabes et d’Israël.
Toutefois, les conflits du Moyen-Orient ne relèvent pas simplement d’une logique de guerre
froide. On a trop souvent tendance à présenter
rétrospectivement l’État d’Israël comme un
it
pilier de l’impérialisme américain au MoyenOrient. Or, depuis 1945, les États-Unis se sont
avant tout appuyés sur l’Arabie saoudite et sur
l’Iran (jusqu’en 1979) pour étendre et préserver
leurs intérêts dans la région. En 1948, la création
de l’État d’Israël apparaît comme une défaite
de l’impérialisme britannique. Elle a donc été
reconnue également par l’URSS ; ce sont les
livraisons d’armes de la Tchécoslovaquie, un
satellite soviétique, qui ont permis à Israël de
sortir vainqueur de la première guerre israéloarabe de 1948-1949. Le principal allié militaire d’Israël a ensuite été la France, lorsqu’elle
affronte elle aussi le nationalisme arabe au
Maghreb, et ce jusqu’en 1967, lorsque le général
de Gaulle condamne l’attaque préventive israélienne et engage une politique de rapprochement
en direction du monde arabe. Si les États-Unis
deviennent par la suite les principaux soutiens
d’Israël et perdent celui de l’Iran, ils conservent
des relations privilégiées avec les États arabes
modérés, y compris l’Égypte. C’est pourquoi ils
sont aussi les seuls à pouvoir jouer un rôle efficace d’arbitrage dans les négociations de paix.
L’URSS n’a donc jamais été en mesure d’égaler
l’influence des États-Unis au Moyen-Orient, où
ces derniers ont déployé un dispositif militaire
impressionnant (voir carte p. 259). L’éviction de
l’URSS et la fin de la guerre froide n’ont d’ailleurs pas permis de faire régresser la conflictualité régionale : bien au contraire, de nouvelles
menaces sont apparues dans la période récente.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
• 140
◗ Plan du chapitre
• Le temps imparti pour traiter le programme
impose de se démarquer d’un récit chronologique
détaillé. Mais un plan rigoureusement thématique
contraindrait à survoler l’ensemble du siècle à
plusieurs reprises et à multiplier les allusions
factuelles décontextualisées. On a donc opté
pour une périodisation permettant de replacer les
grands conflits du Moyen-Orient dans le contexte
historique qui leur donne sens. L’étude du conflit
israélo-arabe nous a paru justifier des analyses
plus approfondies : elle fait l’objet de pages de
cours distinctes pour chacune des périodes considérées. Cinq études sont insérées dans le chapitre
et permettent d’aborder des thèmes essentiels : le
pétrole, les rapports entre islam et politique, le
problème palestinien, les enjeux et les blocages
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
du processus de paix, le conflit libanais (et ce, en
raison des liens historiques et culturels privilégiés
que la France entretient avec le Liban).
• On peut aisément distinguer trois phases
dans l’évolution des conflits au Moyen-Orient.
La chronologie retenue pour le nouveau programme permet désormais de bien montrer que
ces conflits trouvent en grande partie leur origine dans le règlement – ou l’absence de règlement – de la Première Guerre mondiale, et non
de la Seconde. La Première Guerre mondiale
provoque la dislocation de l’Empire ottoman
dont les Français et les Britanniques se partagent
les dépouilles sous formes de mandats. Mais dès
cette époque, les vieilles puissances coloniales
européennes sont confrontées à l’essor des nationalismes, turc, arabe et sioniste principalement.
• De 1949 à la fin des années 1970, c’est bien
le conflit israélo-arabe qui constitue un risque
de déstabilisation majeur, à une époque où les
approvisionnements en pétrole du Moyen-Orient
sont devenus vitaux pour les pays occidentaux.
La période est également marquée, après la
crise de Suez, par l’éviction des anciennes puissances européennes et l’implication croissante
de l’URSS et surtout des États-Unis, qui s’imposent comme les principaux médiateurs dans
les conflits du Proche-Orient.
• Depuis la fin des années 1970, l’islamisme a
pris le relais du nationalisme arabe dans l’opposition aux puissances occidentales et à Israël.
Au Liban comme dans les Territoires palestiniens, certains conflits se sont « islamisés » avec
l’essor de mouvements islamistes radicaux. De
nouvelles conflictualités sont apparues depuis
la fin de la guerre froide. En dépit des accords
négociés à Oslo, le processus de paix au ProcheOrient reste toujours dans l’impasse. Or, si le
conflit israélo-palestinien est loin d’être le seul
conflit menaçant les équilibres politiques dans la
région, aucune paix durable ne peut être envisagée au Moyen-Orient sans un règlement de ce
conflit. À la fin du chapitre, une étude s’efforce
de présenter de manière équilibrée le point de
vue des diverses parties prenantes dans le processus de paix.
◗ Bibliographie
e
s
s
Atlas
it
J.-P. Chagnollaud, S.-A. Souiah, P. Blanc, Atlas
des Palestiniens : un peuple en quête d’un État,
Autrement, 2011.
F. Encel, A. Nicolas, Atlas géopolitique d’Israël :
les défis d’une démocratie en guerre, Autrement,
2012.
M. Guidère, L. Franjié, C. Levasseur, Atlas des
pays arabes : des révolutions à la démocratie ?,
Autrement, 2012.
T. Josseran, F. Louis, F. Pichon, Géopolitique du
Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord du Maroc
à l’Iran, PUF, 2012.
Y. Lacoste, Géopolitique : la longue histoire
d’aujourd’hui, Larousse, 2009 (rééd.).
A. Sellier, J. Sellier, A. Le Fur, Atlas des peuples
d’Orient : Moyen-Orient, Caucase, Asie centrale, La Découverte, 2004.
P. Vallaud, X. Baron, Atlas géostratégique du
Proche et du Moyen-Orient, Perrin, 2010.
o
B
it
e
s
s
o
B
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
Ouvrages généraux
V. Cloarec, H. Laurens, Le Moyen-Orient au
XXe siècle, Armand Colin, coll. U, 2003.
G. Corm, Histoire du Moyen-Orient : de l’Antiquité à nos jours, La Découverte, 2007.
A. Defay, Géopolitique du Proche-Orient, PUF,
coll. Que sais-je ?, 2011 (rééd.).
A. Dieckhoff, Le Conflit israélo-arabe, Armand
Colin, 2011.
A. Gresh, D. Vidal, Les 100 clés du ProcheOrient, Pluriel, 2011.
Ouvrages complémentaires
G. Corm, Le Proche-Orient éclaté 1956-2010,
Gallimard, coll. Folio Histoire, 2010.
A.-L. Dupont, C. Mayeur-Jaouen, C. Verdeil, Le
Moyen-Orient par les textes : XIXe-XXIe siècles,
Armand Colin, coll. U, 2011.
F. Encel, « Jérusalem : capitale frontière », dans
B. Giblin, Les Conflits dans le monde, Armand
Colin, 2011.
G. Kepel, Jihad, Gallimard, coll. Folio Actuel, 2003.
H. Laurens, L’Orient arabe : arabisme et islamisme
de 1798 à 1945, Armand Colin, coll. U, 2002 (rééd.).
H. Laurens, Paix et guerre au Moyen-Orient :
l’Orient arabe et le monde de 1945 à nos jours,
Armand Colin, 2005 (rééd.).
141 •
B. Morris, Victimes : histoire revisitée du conflit
arabo-sioniste, Éditions Complexe, 2003.
Périodiques
• La revue Questions internationales (La
Documentation française) a publié plusieurs
numéros sur le programme :
« Moyen-Orient : zone de conflits » (n° 1, épuisé),
« Le pétrole : ordre ou désordre mondial » (n° 2,
épuisé),
« Guerre et paix en Irak » (n° 16),
« Islam, islams », (n° 21),
« L’Iran » (n° 25),
« Israël » (n° 28).
• Plusieurs hors-série ou numéros spéciaux de la
revue L’Histoire :
« L’islam et le Coran. Un livre, une religion, des
empires » (Collections de l’Histoire n° 30, voir
notamment O. Roy, « Les trois âges de la révolution islamiste »),
« Israël-Palestine » (Collections de l’Histoire,
n° 39),
it
« De la Perse à l’Iran. Géopolitique d’une puissance régionale » (Collections de l’Histoire
n° 42),
« Méditerranée. Guerre et paix depuis 5 000
ans » (Collections de l’Histoire, n° 47),
« D’où viennent les révolutions arabes ? 150 ans
de combats politiques » (Collections de l’Histoire n° 52),
« Juifs et Arabes, Mille ans de cohabitation, cent
ans d’affrontement » (n° 243),
« Les guerres du pétrole » (n° 279),
« Les origines de la guerre d’Irak » (n° 308),
« Les chrétiens d’Orient » (n° 337).
• L’actualité du Moyen-Orient est régulièrement
couverte par la revue Moyen-Orient (voir par
exemple « Bilan géostratégique. Le monde arabe
en transition », n° 11, juillet-septembre 2011).
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
Filmographie
Otto Preminger, Exodus, 1960.
David Lean, Lawrence d’Arabie, 1962.
Eran Kolirin, La Visite de la fanfare, 2007.
Eran Riklis, Les Citronniers, 2008.
Commentaire des documents et réponses aux questions
1. Une région dominée par les grandes
puissances (1914-1945)
� MANUEL PAGES 262-263
Doc. 1. Le Moyen-Orient de 1918 à 1945
• Question. La Première Guerre mondiale entraîne la dislocation de l’Empire ottoman, qui
s’était engagé aux côtés des pays de l’Entente
en 1914. Le traité le concernant est signé dans
le salon de la manufacture de Sèvres, le 10 août
1920. L’Empire ottoman n’y est plus désigné que
sous le nom de Turquie, ce qui montre bien que
le traité constitue d’abord l’acte de dissolution
de l’Empire ottoman. Il entérine par ailleurs
ses pertes territoriales en Europe et en Asie. La
Turquie déclare renoncer à tous ses droits sur
• 142
l’Égypte, la Libye et le Hedjaz, elle reconnaît
également l’annexion de Chypre par la GrandeBretagne. Les Détroits doivent rester ouverts à
tous les bâtiments, de commerce ou de guerre, et
ce, en temps de guerre comme en temps de paix.
Le traité officialise le partage, entre la France
et la Grande-Bretagne, des territoires arabes de
l’ex-Empire en mandats de la SDN. La GrandeBretagne reçoit la Mésopotamie et la Palestine,
la France la Syrie, dont elle détache ensuite le
Liban.
Le traité de Sèvres provoque l’indignation en
Turquie, en raison principalement des concessions faites aux Grecs. La guerre a en effet provoqué une radicalisation du nationalisme turc,
dont le génocide des Arméniens de 1915 est la
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
conséquence. Ce nationalisme turc est incarné
par Mustafa Kemal, qui obtient une révision
du traité de Sèvres à Lausanne en 1923 : outre
le règlement du conflit gréco-turque, il prévoit
la restitution à la Turquie de la région d’Alexandrette (revendiquée ensuite par la Syrie et qui ne
reviendra à la Turquie qu’en 1939). Les Turcs
continuent également de revendiquer la région
de Mossoul, à la frontière avec le futur État irakien (c’est par le traité d’Ankara, en 1926, que
la Turquie accepte de reconnaître la souveraineté
irakienne sur le vilayet de Mossoul). La zone des
Détroits est démilitarisée, mais non neutralisée.
Les Détroits sont libres de passage par mer et
par les airs, une zone de 15 à 20 km de large est
démilitarisée de part et d’autre du Bosphore, de
la mer de Marmara et des Dardanelles. Le traité
prévoit une clause de limitation du passage des
navires de guerre : l’application de cette clause
sera contrôlée par une commission internationale émanant de la SDN.
Mustafa Kemal fait de la Turquie un État laïque
inspiré du modèle de l’État-nation occidental.
Il abolit le sultanat et surtout le califat, la plus
haute dignité religieuse dans le monde musulman.
Symboliquement, il installe sa capitale à Ankara, au
cœur de l’Anatolie, aux dépens de Constantinople
qui devient officiellement Istanbul. Après 1925, le
régime kemalien est imité par Reza Khan en Perse,
pays qui devient l’Iran en 1935.
La Première Guerre mondiale voit également
l’affirmation des deux nationalismes, juif et
arabe. La Grande-Bretagne cherche à prendre
appui sur les dirigeants arabes modérés, en particulier sur les deux fils du souverain hachémite
du Hedjaz, Hussein : Fayçal, chassé de Syrie
par la France, devient roi d’Irak (1920-1933),
Abdallah prend le titre d’émir puis de roi de
Transjordanie (1921-1949 ; il devient roi de
Jordanie en 1949 jusqu’à son assassinat par un
Palestinien, en 1951). La Grande-Bretagne accorde également une indépendance formelle à
l’Irak dès 1932, premier État arabe à entrer à la
SDN, puis à l’Égypte en 1936. Par la déclaration
Balfour, la Grande-Bretagne a également promis au mouvement sioniste l’établissement d’un
foyer national juif en Palestine. L’augmentation
de l’immigration juive en Palestine provoque des
affrontements de plus en plus violents au lendemain de la guerre.
it
Enfin, la Première Guerre mondiale révèle pour
la première fois l’importance stratégique des
puits de pétrole du Moyen-Orient pour ravitailler la marine de guerre et ces nouveaux engins
de combat baptisés précisément du nom de
« réservoirs » (tanks) (rappelons que dès lors,
en effet, les plus grandes batailles terrestres du
XXe siècle sont des batailles de chars).
e
s
s
Doc. 2. L’essor du nationalisme arabe
o
B
it
e
s
s
o
B
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
• Questions 1 et 2. En janvier 1919, Fayçal dirige l’une des trois délégations arabes envoyées
à Paris dans le cadre de la conférence de la paix
(à côté d’une délégation syrienne et d’une délégation libanaise). Il est le fils d’Hussein, émir
du Hedjaz, qui, avec l’appui des Britanniques,
a soulevé les tribus arabes contre l’Empire ottoman pendant la guerre. Fayçal est conseillé
par le célèbre colonel Lawrence (« Lawrence
d’Arabie »). En échange de leur participation à
la guerre contre les Turcs, les dirigeants nationalistes arabes attendent des alliés la création d’un
État arabe indépendant. Pour Fayçal, cet État
arabe comprendrait un vaste ensemble englobant
la Syrie, le Liban, la Palestine, l’Irak actuels, ainsi que la péninsule arabique, soit l’ensemble du
monde arabe du Moyen-Orient moins l’Égypte,
car celle-ci formait déjà une entité à part à
l’époque ottomane. Il est révélateur que Fayçal
fonde l’unité de la nation arabe sur la possession
d’une langue et d’une culture communes, et non
sur la religion islamique : les premiers nationalistes arabes furent aussi des chrétiens, comme
Michel Aflak, fondateur du parti Baas. Fayçal
appuie cette revendication sur le refus pluriséculaire des Arabes de se faire « absorber » par les
Turcs : en réalité, l’Empire ottoman n’a jamais
eu un tel projet d’assimilation (durant l’expédition d’Égypte de 1798, par exemple, le discours
de propagande de Bonaparte à destination des
Arabes n’avait guère été entendu). C’est surtout
depuis la fin du XIXe siècle que s’est affirmé un
nationalisme arabe ouvertement dirigé contre
l’Empire ottoman, à un moment où l’ottomanisme, à savoir une politique globalement respectueuse des minorités de l’Empire, tend à
céder la place à un nationalisme turc.
Fayçal évoque également les « principes généraux » énoncés par les États-Unis, et acceptés
par les « Alliés », à savoir les Français et les
Britanniques (rappelons que les États-Unis ne
143 •
sont pas alliés, mais « associés » à ces derniers
durant la guerre) : allusion transparente aux
14 points du président Wilson (voir doc. 1 p. 195
du manuel) et au principe du droit des peuples
à disposer d’eux-mêmes. Fayçal revendique
enfin pour son père la direction de ce nouvel
État : outre l’appui militaire qu’il a apporté aux
Britanniques, ce qui leur a permis de s’emparer de Jérusalem et de Damas, il invoque en sa
faveur le prestige de la famille des Hachémites
et sa qualité de chérif de La Mecque : les
Hachémites sont en effet issus d’une dynastie
prestigieuse descendant en droite ligne du prophète. Depuis le Xe siècle jusqu’en 1924, les
chérifs de La Mecque, qui ont la garde des lieux
saints de l’islam, sont des Hachémites.
Ces revendications arabes n’ont que très partiellement abouti. Plusieurs États arabes se sont
créés dans l’entre-deux-guerres, consacrant la
division politique de la nation arabe jusqu’à nos
jours. Deux souverains hachémites, les deux fils
d’Hussein, ont été portés au pouvoir, grâce à
l’appui britannique, en Transjordanie et en Irak.
Mais les Britanniques n’ont jamais eu l’intention
d’inclure la Palestine dans un État arabe indépendant, estimant que cette région était indispensable à la défense de l’Égypte et du canal
de Suez. Par ailleurs, les Français ont cherché à
maintenir une tutelle sur leur mandat syrien : dès
1920, ils expulsent Fayçal de Syrie et créent une
entité libanaise, distincte du reste de la Syrie.
Les Arabes sont restés eux-mêmes très divisés :
ni les dirigeants nationalistes syriens, ni l’émir
wahhabite Ibn Saoud ne sont prêts à reconnaître
l’hégémonie des Hachémites sur la nation arabe.
En 1924, Ibn Saoud s’empare de La Mecque et
du Hedjaz et en chasse le roi Hussein.
Ajoutons que la région d’Alexandrette (le
« sandjak ») fut annexée par les Turcs en 1939 :
c’est alors un petit territoire de 5 000 km2,
mais qui a une grande importance stratégique
puisqu’Alexandrette est l’unique port d’Alep
et forme un nœud ferroviaire vers l’Anatolie,
Badgad, la Palestine et Médine. Y vivent un peu
plus de 200 000 habitants, dont 39 % de turcophones, une majorité d’arabophones et d’importantes communautés arménienne, kurde et juive.
Au lendemain de la Première Guerre mondiale,
l’unité politique du monde arabe était donc encore largement à faire.
it
Doc. 3. Le canal de Suez dans la Seconde
Guerre mondiale
e
s
s
• Question. Depuis le XIXe siècle, le canal de
Suez représente un enjeu stratégique majeur pour
la suprématie britannique en Méditerranée et le
contrôle de la route des Indes. En mars 1941,
la Grande-Bretagne reste seule en guerre face
aux forces de l’Axe. L’invasion de la Grèce et
l’opération aéroportée de l’Allemagne en Crète
menacent la zone du canal de Suez et les approvisionnements en pétrole du golfe Persique. À
cette époque, les Britanniques parviennent à déloger les troupes de Vichy du Liban et de Syrie,
avec l’appui d’un contingent de la France libre
commandé par le général Catroux.
Mais le rappel de ces événements offre au général de Gaulle l’occasion d’insister plus globalement sur l’importance du canal de Suez pendant
la guerre : il fait en effet allusion rétrospectivement aux conséquences de l’invasion de l’URSS
par l’Allemagne en juin 1941. Comme le souligne le général de Gaulle, le canal de Suez
est doublement menacé : en Égypte même, par
l’envoi de l’Afrika Korps du maréchal Rommel,
épaulé par les troupes italiennes, en Cyrénaïque,
mais aussi en Asie Mineure, car la percée allemande en territoire soviétique fait craindre une
invasion du Moyen-Orient par le Caucase. L’Iran
est alors occupé conjointement par la GrandeBretagne et l’URSS jusqu’à la fin de la guerre.
Dès juin 1941, alors que les États-Unis ne sont
toujours pas entrés en guerre, des troupes américaines aident les Britanniques à sécuriser la
région. Le général de Gaulle rappelle également
que la possession du canal de Suez commande la
reconquête de toute l’Afrique du Nord et de la
Méditerranée (Italie et sud de la France). C’est
en effet au lendemain de la victoire du général
Montgomery sur les troupes italo-allemandes à
El-Alamein, en novembre 1942, que les Alliés
débarquent en Afrique du Nord (opération
Torch).
C’est en juillet 1939 que la Grande-Bretagne
forme le « théâtre d’opérations Moyen-Orient »,
intégrant l’Égypte, le Soudan, la Palestine, la
Transjordanie et Chypre, zone de commandement militaire étendue par la suite aux pays du
Golfe, à la Libye, à la corne de l’Afrique et aux
Balkans. André Laurens relève que l’expression
« Moyen-Orient » fait alors tomber en désuétude
o
B
it
e
s
s
o
B
• 144
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
l’expression « Proche-Orient » dans les communiqués militaires des forces britanniques.
2. Juifs et Arabes en Palestine
(1917-1948)
� MANUEL PAGES 264-265
Doc. 1. La création de l’État d’Israël
• Question. En 1947, la Grande-Bretagne, qui
détient encore le mandat sur la Palestine, s’en
remet à l’ONU pour tenter de trouver une issue
négociée aux affrontements de plus en plus
violents entre juifs et Arabes. Depuis la fin du
XIXe siècle, le mouvement sioniste veut créer un
« État des juifs » en Palestine, titre de l’ouvrage
publié par Theodor Hertzl en 1896. En 1917, par
la déclaration Balfour, la Grande-Bretagne se
déclare favorable à la formation d’un « foyer national » juif en Palestine. Après 1945, la tragédie
de la Shoah renforce plus que jamais la revendication sioniste d’un État refuge pour les juifs
du monde entier. Les Arabes palestiniens revendiquent quant à eux le départ des Britanniques
et la formation d’un État arabe indépendant, au
sein duquel les juifs ne disposeraient que d’un
statut de minorité.
Les Britanniques ont échoué à mettre en place
un État binational au sein duquel puissent
coexister pacifiquement les deux communautés. Ils sont incapables de maintenir la paix
civile et essuient des attentats terroristes perpétrés par des groupes juifs extrémistes, l’Irgoun
et le groupe Stern (attentat contre l’hôtel King
David de Jérusalem en 1946, quartier général de
l’armée britannique). Ils s’en remettent à l’ONU,
qui décide la création en avril 1947 d’une commission d’enquête, l’UNSCOP (United Nations
Special Committee on Palestine). L’affaire de
l’Exodus conduit l’UNSCOP à se prononcer
unanimement sur la fin du mandat britannique en
Palestine. 8 membres sur 11 proposent le partage
de la Palestine en deux États, un arabe et un juif,
plus une tutelle internationale pour Jérusalem et
Bethléem. Les deux États formeraient une union
économique. La Grande-Bretagne assurerait la
transition pendant 2 ans et 150 000 juifs seraient
autorisés à immigrer. Entre-temps, la GrandeBretagne annonce le retrait de toutes ses troupes
en Palestine au plus tard pour le 1er août 1948.
Après d’ultimes tractations territoriales (les juifs
it
devaient recevoir le Néguev, tandis que Jaffa
deviendrait une enclave arabe), l’ONU établit un
plan de partage : l’État juif occuperait 55 % de la
superficie du territoire palestinien (mais désertique dans toute sa partie méridionale), avec une
population de 500 000 Juifs et 400 000 Arabes.
Pour être adopté, le plan doit recevoir l’approbation des deux tiers des membres de l’ONU. Les
États-Unis font pression sur les petits États pour
qu’il soit voté (la Grèce notamment, qui se voit
menacée de perdre les subventions américaines).
La résolution n° 181 est finalement adoptée par
33 pays, à trois voix près donc, 13 contre (les
États arabes et musulmans) et 10 abstentions (la
Grande-Bretagne notamment). L’URSS et ses
satellites votent pour.
Les Arabes ont protesté qu’on leur fasse ainsi
payer le prix d’un génocide dont ils n’étaient pas
responsables et annoncent que le partage conduit
à la guerre. Dès septembre 1947, la Ligue arabe
décide la mise sur pied d’une armée de Libération
arabe. Dès 1947, la Haganah se prépare également à la guerre et devient, en 1948, Tsahal,
l’acronyme hébreu de Forces de défense d’Israël.
Le jour du retrait des troupes britanniques de
Palestine, Ben Gourion proclame la naissance
de l’État d’Israël, immédiatement reconnu à la
fois par les États-Unis et par l’URSS. Le nouvel
État est immédiatement attaqué par une coalition d’États arabes (la Syrie, la Transjordanie,
l’Égypte, le Liban et l’Irak, plus quelques
contingents envoyés par le Yémen et l’Arabie
saoudite). Contre toute attente, Israël parvient
à l’emporter en mars 1949, non grâce au soutien des États-Unis (qui ont décrété l’embargo
sur les ventes d’armes à destination des belligérants), mais grâce à la livraison d’armes par
la Tchécoslovaquie, un satellite soviétique. Les
armées arabes ont également manqué de cohésion face à des soldats israéliens mieux entraînés
et fortement motivés.
Israël a agrandi le territoire qui lui était initialement attribué par le plan de partage, territoire d’où
plusieurs centaines de milliers d’Arabes palestiniens ont été expulsés. Mais la Transjordanie s’est
également emparé de la Cisjordanie (y compris
Jérusalem-Est), qui est annexée (la Transjordanie
devient alors la Jordanie). L’Égypte occupe la
bande de Gaza où se sont établis de nombreux
camps de réfugiés palestiniens.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
145 •
La fin des hostilités ne met pas un terme à l’état
de belligérance entre juifs et Arabes : seuls des
armistices sont signés à Rhodes, non des traités
de paix, à la suite de négociations bilatérales
entre Israël et ses différents adversaires, sous
l’égide de l’ONU. Ainsi, l’Égypte ne reconnaît
pas les annexions israéliennes et ferme l’accès
d’Israël à la mer Rouge (le détroit de Tiran).
L’Irak a même refusé de signer un armistice.
Les frontières d’Israël sont donc des frontières
de fait, qui n’ont pas été reconnues par les États
arabes du Moyen-Orient.
it
6 % de la superficie totale de la Palestine. Selon
Benny Morris, « c’est probablement un sentiment de culpabilité qui amena au moins certains
dirigeants arabes à se lancer dans des diatribes à
l’encontre du sionisme ».
On peut relever qu’à aucun moment dans le texte
n’interfèrent des arguments religieux, la référence à l’islam notamment.
La grande révolte arabe de 1936-1939 fut un
échec sanglant pour les dirigeants nationalistes
palestiniens. En 1939, le Livre blanc présenté
par les Britanniques leur donne pourtant en partie satisfaction : il prévoit une nouvelle réduction
de l’immigration juive à 75 000 personnes sur
cinq ans et une limitation des achats de terres
par les juifs. Il invalide par ailleurs les propositions de la Commission Peel, réunie en 1937, qui
avait envisagé pour la première fois un partage
de la Palestine en deux entités, juive et arabe. Le
Livre blanc de 1939 en revient à la solution d’un
État unitaire, qui accéderait à l’indépendance au
terme d’une période de transition durant laquelle
les Britanniques créeraient les conditions d’une
participation des deux communautés à la direction du pays.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
Doc. 2. La révolte des Arabes de Palestine
contre le mandat britannique
• Question. La révolte des Arabes palestiniens de
1936 a principalement un motif : le principe du
droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ne leur
a pas été appliqué au lendemain de la Première
Guerre mondiale. En vertu de ce principe, ils
exigent de la puissance mandataire, la GrandeBretagne, le droit à disposer d’un État, selon le
même processus appliqué par les Britanniques
en Irak et par les Français en Syrie et au Liban.
En effet, le statut de mandat implique que les
puissances qui en ont été chargées par la SDN
créent les conditions pour amener les peuples
concernés à prendre en main leurs propres affaires dans le cadre d’un État indépendant. Pour
les Arabes palestiniens, il ne peut y avoir qu’un
seul État en Palestine, le leur : ils exigent donc
de la Grande-Bretagne qu’elle revienne sur les
engagements de la déclaration Balfour et qu’elle
renonce à installer un foyer national juif, perçu
comme une menace pour l’identité arabe de
la Palestine. Le Haut Comité arabe prend soin
toutefois de préciser que le nouvel État arabe
de Palestine disposerait d’une représentation de
« toutes les composantes nationales » : les juifs
disposeraient donc d’une représentation minoritaire. C’est pourquoi le Haut Comité arabe exige
également l’arrêt de l’immigration juive et des
ventes de terres aux juifs. Le terme de « transfert » ne doit pas prêter à confusion : les terres
ont été achetées à leurs propriétaires arabes,
d’où une hausse du prix de la terre de 5 000 % en
Palestine entre 1910 et 1944 ! Le conflit arabosioniste a ici également des causes économiques
et sociales. L’étendue des terres possédées par
les juifs a doublé dans les années 1920 ; en 1945,
elle ne représente toutefois qu’un peu plus de
• 146
Doc. 3. La déclaration Balfour
• Question. La déclaration de Lord Balfour,
ministre des Affaires étrangères de la GrandeBretagne, est adressée à Lord Rothschild, grand
banquier anglais, qui est alors l’un des dirigeants
du mouvement sioniste. En 1917, la Palestine
reste, avec la Mésopotamie, l’un des derniers
points vulnérables sur la « route des Indes ». Le
général Allenby est chargé de s’emparer de la
Palestine et de Jérusalem, prise le 9 décembre
1917. L’année précédente, les accords SykesPicot ont prévu un partage de la Palestine en
deux zones d’influence, britannique et française.
Dès 1914, Balfour avait noué des contacts avec
Chaïm Weizmann, dirigeant sioniste et par ailleurs chimiste réputé (il est l’inventeur d’un
nouveau procédé de fabrication d’explosifs ; il
deviendra le premier président de l’État hébreu,
en 1948). En 1917, il déclare officiellement
envisager favorablement l’établissement d’un
« foyer national » juif en Palestine. Il n’est pas
encore question d’un État, mais le terme de
« foyer » (home en anglais) reprenait une revendication émise avant la guerre par le mouvement
sioniste. Surtout, les sionistes obtiennent par ce
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
document ce que Theodor Herzl avait toujours
recherché avant la guerre : la reconnaissance
officielle du mouvement sioniste par les grandes
puissances de l’époque. Herzl estimait en effet
que ce soutien international était un préalable indispensable à la formation d’un « État des juifs »
dans le futur. Certes, les Britanniques prennent
soin de préciser que la création de ce foyer
national ne doit pas porter préjudice aux droits
civils et religieux des collectivités non juives en
Palestine : mais les Arabes ne sont pas explicitement nommés.
On peut se demander pourquoi les Britanniques
prennent un tel engagement envers les sionistes,
alors qu’au même moment, ils appuient les revendications nationalistes arabes contre les Turcs. En
réalité, la déclaration Balfour n’est pas contradictoire avec le soutien apporté par la GrandeBretagne à la cause du nationalisme arabe. La
Grande-Bretagne espère ainsi influencer en sa
faveur, par le relais de l’opinion juive internationale, les États-Unis et la Russie en révolution, où
elle pense que les nationalistes juifs sont très influents. Comme l’écrit André Laurens, « la cause
sioniste apparaît alors comme un moyen idéal permettant de conjuguer un prétexte noble, la renaissance politique du peuple juif, avec les intérêts
bien compris de l’Empire britannique, puisque
les Britanniques ne peuvent qu’être les tuteurs
du foyer national juif à établir en Palestine ».
Elle offre également le moyen d’évincer définitivement les Français de la région. Enfin, les
Britanniques n’ont jamais eu l’intention d’inclure
la Palestine dans un futur État arabe indépendant.
La Grande-Bretagne n’est pas parvenue ensuite à
concilier les promesses ainsi faites aux Arabes et
aux juifs en Palestine.
it
la Haganah affrète un navire qu’elle rebaptise
Exodus 1947, qui manifeste l’aspiration des juifs
à retourner en Terre promise. Le navire appareille
dans le sud de la France, avec à son bord 4 500
réfugiés juifs. Quelques jours plus tard, le navire
est intercepté au large de Gaza et remorqué par
la marine britannique jusqu’au port de Haïfa.
Les passagers sont transbordés sur trois autres
navires et refoulés vers la France. Indignées, les
autorités françaises refusent de coopérer avec
leurs homologues anglais. L’Humanité dénonce
le sort infligé aux passagers de cet « Auschwitz
flottant ». Les Britanniques renvoient les passagers ayant refusé de débarquer jusqu’au port de
Hambourg, où ils sont débarqués manu militari.
La Grande-Bretagne s’est placée dans une situation intenable, en renvoyant des rescapés des
camps de la mort sur les lieux mêmes de leur
persécution, en Allemagne. Cette affaire achève
de discréditer la puissance mandataire : c’est
dans ce contexte que l’UNSCOP se prononce
unanimement en faveur de la fin du mandat britannique en Palestine.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
Doc. 4. L’épopée de l’Exodus (1947)
• Question. L’affaire de l’Exodus suscite une
vive émotion dans l’opinion internationale parce
que ses passagers sont des juifs européens qui,
après avoir échappé à la barbarie nazie, veulent
immigrer en Palestine. Or la Grande-Bretagne
a pris des mesures drastiques pour empêcher
l’immigration clandestine dans la Palestine
mandataire : 12 000 réfugiés juifs sont internés
dans des camps à Chypre, qui affichent complet.
Les Britanniques procèdent au sabotage des
bateaux affrétés par la Haganah pour transporter les immigrants clandestins. En juillet 1947,
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
3. Le conflit israélo-arabe (1949-1979)
� MANUEL PAGES 266-267
Doc. 1. Les Israéliens dans la vieille ville de
Jérusalem (1967)
• Question. Jérusalem est ville sainte à la fois
pour les juifs, les chrétiens et les musulmans
(voir chapitre 1). En 1947, le plan de partage
de l’ONU prévoit un statut international pour
Jérusalem et Bethléem. Le premier conflit israéloarabe invalide ce plan et consacre la division
de la ville en deux parties : en 1949, JérusalemOuest est annexée par Israël qui en fait la capitale du nouvel État hébreu (siège de la Knesset
et du gouvernement) ; cette décision n’a pas été
reconnue par la communauté internationale (la
plupart des ambassades, dont celle de la France
et des États-Unis, sont encore de nos jours
situées à Tel-Aviv). Jérusalem-Est, qui comprend la Vieille Ville et ses lieux saints, a aussi
été unilatéralement annexée par la Jordanie en
1950. Les négociations secrètes engagées entre
Israéliens et Jordaniens échouent après l’assassinat du roi Abdallah en 1951. Jusqu’en 1967,
les juifs n’ont plus accès au Mur occidental du
Temple (« mur des Lamentations »).
147 •
Lors de la guerre des Six-Jours, Israël s’empare
de Jérusalem-Est. La ville, réunifiée de facto
depuis 1967, est proclamée capitale « éternelle
et indivisible » de l’État d’Israël en 1980, décision condamnée la même année par les résolutions 476 et 478 de l’ONU. Les tensions n’ont
jamais cessé depuis, Israël menant une politique
active pour implanter des colons juifs dans de
nouveaux quartiers de la ville.
it
envisage le retrait de tous les territoires occupés,
y compris Jérusalem.
e
s
s
Doc. 3. La guerre des Six-Jours
• Question. À l’issue de la guerre des Six-Jours,
Israël conquiert le Golan sur la Syrie, la bande
de Gaza et le Sinaï sur l’Égypte, la Cisjordanie
et Jérusalem-Est sur la Jordanie. L’État hébreu
dispose désormais d’une profondeur stratégique
plus importante en cas d’attaque. L’occupation
du plateau du Golan lui confère le contrôle des
ressources en eau douce qui alimentent le lac de
Tibériade. Surtout, la guerre des Six-Jours bouleverse la situation des réfugiés palestiniens qui,
dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, sont désormais placés sous un régime d’occupation militaire israélien. Enfin, Israël occupe JérusalemEst, conférant à sa victoire une grande portée
symbolique, les juifs pouvant de nouveau se
rendre au Mur occidental.
o
B
it
e
s
s
o
B
Doc. 2. La résolution 242 du Conseil de sécurité (22 novembre 1967)
• Question. La résolution 242 des Nations unies
reste aujourd’hui LE texte de référence d’une
solution négociée au conflit israélo-arabe. On
n’en retient souvent que le premier article (1, a) :
le texte exige le retrait des territoires occupés par
Israël à l’issue de la guerre des Six-Jours (Golan,
Sinaï, Gaza, Cisjordanie et Jérusalem-Est). Mais
l’ONU réclame aussi la reconnaissance de la
souveraineté de tous les États de la région : elle
engage ainsi les États arabes à reconnaître l’existence de l’État d’Israël, ce qu’aucun d’entre eux
n’avait encore accepté de faire après la signature
de l’armistice de Rhodes en 1949. Le texte ne
fait pas explicitement référence à la création d’un
État palestinien (la Cisjordanie a été annexée par
la Jordanie en 1950). Il est seulement vaguement
question d’un « juste règlement du problème des
réfugiés ». En souhaitant que la liberté de navigation dans les eaux internationales soit garantie,
l’ONU enjoint implicitement l’Égypte à rouvrir
le canal de Suez (qui restera fermé de 1967 à
1975), ainsi que le détroit de Tiran (la fermeture
de ce détroit, qui commande l’accès des navires
israéliens au golfe d’Aqaba, avait été à l’origine
du déclenchement de la guerre des Six-Jours).
L’ONU recommande enfin la création de zones
démilitarisées : il s’agit d’empêcher les incursions
de combattants palestiniens en territoire israélien,
qui s’étaient multipliées depuis les années 1950.
On relève que la version anglaise de la résolution
242 est plus ambiguë que la version française :
« from occupied territories » peut se comprendre
par retrait « de » ou « des » territoires occupés.
Après le retrait israélien du Sinaï, l’État hébreu
pourra arguer avoir respecté l’application de la
résolution 242, alors qu’il n’avait toujours pas
été reconnu par les États arabes, à l’exception
de l’Égypte d’Anouar el-Sadate. Il est évident
toutefois que, dans son esprit, la résolution 242
• 148
Doc. 4. Une paix fragile : les accords de Camp
David (mars 1979)
(Cérémonie officielle de signature des accords
devant la Maison-Blanche, 26 mars 1979.)
• Question. Les accords de Camp David ont
été salués comme une grande avancée en faveur de la paix. Pour la première fois, un dirigeant arabe accepte de reconnaître le droit pour
les juifs de disposer d’un État en Palestine. En
1977, Anouar el-Sadate accepte de se rendre en
Israël, et même à Jérusalem, pour y prononcer
un discours devant la Knesset. Menahem Begin
est, quant à lui, un ancien membre de l’Irgoun,
organisation ultra-nationaliste juive qui avait
organisé des attentats terroristes en Palestine
avant 1948. En échange de sa reconnaissance par
l’Égypte, Israël accepte de lui restituer le Sinaï
et de démanteler ses colonies.
En dépit de leur grande portée symbolique,
ces accords sont toutefois fort incomplets. Ils
ne règlent pas le problème palestinien : il n’est
que vaguement question d’un processus d’autonomie palestinienne, qui sombre rapidement
dans l’impasse. En dehors du Sinaï, il n’est pas
question pour Menahem Begin, qui dirige le
premier gouvernement de droite d’Israël depuis
sa création, de négocier la restitution d’autres
territoires en échange d’un accord de paix plus
global. Bien au contraire, la politique d’implantation de colonies juives dans les territoires pa© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
lestiniens est renforcée. De leur côté, les autres
États arabes dénoncent fermement les accords
de Camp David : l’Égypte est exclue de la Ligue
arabe et Anouar el-Sadate est assassiné au Caire
deux ans plus tard, en 1981, par des terroristes
appartenant au Jihad islamique égyptien.
◗ Étude
Le pétrole au Moyen-Orient, richesse ou
malédiction ?
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
� MANUEL, PAGES 268-269
Réponses aux questions
it
On relève ensuite sur la courbe les brusques flambées de prix consécutives aux conflits dans la région, qui peuvent avoir des répercussions, réelles
ou supposées, sur l’approvisionnement des pays
occidentaux (ainsi durant la crise de Suez, ou
lors des deux guerres du Golfe). Chaque conflit
engendre ainsi des comportements spéculatifs,
qui font grimper le prix du pétrole sur le marché libre. Les conflits du Moyen-Orient ont ainsi
provoqué deux « chocs pétroliers » : en 1973, lors
de la guerre du Kippour, les pays arabes exportateurs de pétrole décident de réduire la production
de 5 % et décrètent un embargo sur les pays soutenant Israël, les États-Unis au premier chef. Cette
décision provoque un quadruplement du prix du
pétrole brut. Ce sont dès lors les pays producteurs
qui parviennent à imposer leur prix aux grandes
compagnies pétrolières, les majors. En 1979, la
révolution iranienne est à l’origine d’un second
choc pétrolier, en raison du déclenchement de
la guerre Iran-Irak qui implique deux gros pays
producteurs et perturbe la circulation des navires
dans le golfe (40 % du commerce mondial de
pétrole transite par le détroit d’Ormuz).
Dans les années 1980, les pays consommateurs
se sont efforcés de réduire leur dépendance énergétique vis-à-vis des exportations de pétrole du
Moyen-Orient : par des économies d’énergie,
l’extraction du pétrole off-shore (Alaska, mer
du Nord) ou le développement de nouvelles
sources d’énergie comme le nucléaire. Les divisions entre pays producteurs au sein de l’OPEP,
au sein de laquelle l’Arabie saoudite s’attache à
ménager les intérêts américains, ont accentué la
tendance à la baisse, au point de provoquer un
« contre-choc » pétrolier. On note toutefois que
les prix sont repartis en forte hausse depuis la fin
des années 1990, principalement en raison de la
forte croissance des pays émergents (en 2003, la
Chine a dépassé le Japon comme 2e importateur
mondial d’énergie).
Les deux chocs pétroliers ont entraîné dans l’ensemble des pays industrialisés un fort ralentissement de la croissance économique. La hausse du
prix du pétrole n’est toutefois pas la seule cause
de la crise économique des années 1970 : elle
n’est que le symptôme d’une crise plus générale
qui a contraint les pays occidentaux à repenser
des mécanismes de croissance fondés depuis la
guerre sur le bas prix de l’énergie.
1. Le Moyen-Orient doit sa richesse à l’abondance
de son sous-sol en hydrocarbures, La région
renferme en effet plus de la moitié des réserves
mondiales de pétrole. En 2010, le Moyen-Orient
représente un peu moins d’un tiers de la production pétrolière mondiale. Comme l’illustre
le graphique 1 a, c’est à partir des années 1950
que la part du Moyen-Orient dans la production
mondiale de pétrole s’accroît fortement, parallèlement à l’accroissement des chiffres de production. Les pays industrialisés remplacent alors le
charbon par le pétrole à bas prix comme source
principale de leur énergie. Les États-Unis, euxmêmes gros producteurs de pétrole, économisent
leurs réserves en s’approvisionnant au MoyenOrient. Les pays occidentaux sont ainsi devenus
fortement dépendants du pétrole du MoyenOrient pour leur approvisionnement en énergie.
Depuis l’entre-deux-guerres, l’extraction, le
raffinage et la commercialisation du pétrole du
Moyen-Orient sont assurés par de grandes compagnies multinationales, dominées principalement par des intérêts anglo-saxons. Ces activités
leur assurent des bénéfices substantiels, même si,
après 1945, elles ont dû rétrocéder une part croissante des profits tirés de la production pétrolière
(« royalties ») aux États de la région.
2. En longue durée, les prix du pétrole ont fortement augmenté depuis les années 1960. En
1960, les pays producteurs de pétrole ont constitué un cartel, l’OPEP (Organisation des pays
producteurs de pétrole), afin d’obtenir un relèvement du prix facturé aux pays consommateurs.
Les monarchies pétrolières du Golfe se sont en
outre rassemblées au sein de l’Organisation des
pays arabes exportateurs de pétrole (OPAEP) en
1968.
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
149 •
3. L’importance stratégique des gisements de
pétrole du Moyen-Orient est apparue dès la
Première Guerre mondiale : le pétrole, principalement utilisé au XIXe siècle pour l’éclairage,
est désormais indispensable à la propulsion des
navires (substitution du fuel au charbon), des
véhicules et des blindés. Les États-Unis n’ayant
pas ratifié les traités de paix, notamment ceux
qui concernent le statut des territoires de l’exEmpire ottoman, il a fallu renégocier le partage
de ces territoires dans les années 1920, d’autant
que sont alors découverts d’imposants gisements
en Irak.
Les accords sont négociés en Écosse en 1928 dans
le château d’Achnacarry entre les « sept sœurs »,
à savoir les majors anglo-saxonnes qui constituent le cartel du pétrole : la Standard Oil of New
Jersey, la Royal Dutch Shell, l’Anglo-Persian Oil
Company (qui devient l’Anglo-Iranian, puis la
British Petroleum ou BP ; la Perse était jusque là
la seule région productrice de pétrole du MoyenOrient), ainsi que quatre autres compagnies américaines (Mobil, Texaco, Gulf Oil et Standard Oil
of California). Les majors s’entendent d’abord
sur l’exploitation du pétrole irakien : la Turkish
Petroleum Company, fondée en 1911 à cette fin,
est remplacée par l’Iraq Petroleum Company, un
consortium comprenant les compagnies américaines, la Shell et l’Anglo-Persian. La France
obtient son entrée dans ce consortium : c’est à
cette fin qu’est créée la Compagnie française des
Pétroles (qui deviendra Total par la suite). Une
part de 5 % est accordée au financier arménien
Calouste Gulbenkian (« Monsieur 5 % »), l’un des
pionniers de la prospection pétrolière au MoyenOrient (il vend ses parts dans les gisements de
Mossoul en échange d’une part de 5 % dans l’Iraq
Petroleum Company).
Un autre accord dit de la ligne rouge étend les
dispositions adoptées sur l’Irak à l’ensemble des
anciens territoires ottomans : les compagnies
s’engagent à exploiter en commun les nouveaux
gisements découverts, dans le cadre du consortium formé par l’Iraq Petroleum Company. À
l’extérieur du périmètre délimité par la ligne
rouge, la prospection reste libre.
Enfin, toujours en 1928, les sept sœurs ont négocié un accord de cartel : elles s’entendent pour
fixer le prix mondial du pétrole en référence au
prix du pétrole extrait dans le golfe du Mexique,
it
le plus cher, ajouté au prix du transport. Les
compagnies fixent également des quotas qui
leur permettent de se partager les marchés de
consommation.
Ces accords ne sont toutefois pas respectés par
les compagnies américaines non signataires,
qui, par la suite, exploiteront pour leur propre
compte le pétrole saoudien.
L’auteur de l’article, Ihsân al-Jabrî, est, avec
Chékib Arslan, le fondateur de La Nation arabe
en 1930, revue en langue française éditée à
Genève, qui devient l’un des principaux organes
du nationalisme arabe. Il dénonce le pillage colonial des ressources de l’Irak, à la tête duquel
les Britanniques avaient placé le roi Fayçal, l’un
des fils du chérif de La Mecque Hussein. En
1930, un accord anglo-irakien prévoit d’accorder l’indépendance à l’Irak. Mais pour al-Jabrî,
cette indépendance ne peut être que formelle,
puisque les accords de 1928 placent d’emblée le
futur État arabe sous l’étroite tutelle économique
des compagnies pétrolières occidentales.
4. En 1951, le Premier ministre iranien
Mossadegh entre en conflit avec le shah : il
nationalise l’Anglo-Iranian Oil Company. La
plainte déposée par la Grande-Bretagne auprès
de la Cour internationale de justice est déboutée
en 1952. Pour résister aux pressions occidentales, Mossadegh se rapproche de l’URSS. En
pleine guerre froide, les Américains s’inquiètent
de voir l’Iran basculer dans l’orbite soviétique.
C’est pourquoi ils cherchent dès cette époque
à prendre le relais de la Grande-Bretagne au
Moyen-Orient. Le texte rappelle que l’Iran est
devenu l’un des principaux États producteurs
de pétrole de la région. Il est situé dans la région stratégiquement ultra-sensible du golfe
Persique. L’Iran avait été conjointement occupé
par l’URSS et la Grande-Bretagne pendant la
Seconde Guerre mondiale et Staline avait tardé à évacuer le pays après la défaite de l’Axe.
Pour les Soviétiques, le contrôle de l’Iran leur
donnerait un accès aux « mers chaudes ». Ce
contrôle constituerait une menace pour les intérêts occidentaux au Moyen-Orient, de la Turquie
(membre de l’OTAN) au Pakistan. C’est au vu
de ce rapport qu’en 1953, les États-Unis, avec
l’appui des Britanniques, renversent le gouvernement Mossadegh par un coup d’État organisé
par la CIA.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
• 150
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
5. Dès la période de l’entre-deux-guerres, les
États-Unis entendent bien exercer au MoyenOrient un rôle à la mesure de la grande puissance économique et navale qu’ils sont devenus.
Ils participent ainsi activement au partage de
l’exploitation des gisements de pétrole négocié à Achnacarry en 1928. L’Arabie saoudite
devient dans les années 1930 une chasse gardée des compagnies pétrolières américaines,
qui forment l’ARAMCO en 1944. Durant la
Seconde Guerre mondiale, la crainte que l’Allemagne nazie mette la main sur le pétrole du
Moyen-Orient via le Caucase amène les Alliés
à accélérer le débarquement de leurs troupes en
Afrique du Nord. Au retour de Yalta en 1945, le
président Roosevelt rencontre le roi Ibn Saoud
à bord du navire de guerre américain Quincy.
L’Arabie saoudite devient ainsi l’un des principaux points d’appui des États-Unis au MoyenOrient. L’ARAMCO négocie pour la première
fois avec un pays producteur de la région, l’Arabie saoudite, un partage à égalité – fifty-fifty –
des profits pétroliers. À partir des années 1950,
l’une des priorités américaines est d’endiguer
la progression soviétique au Moyen-Orient. En
1953, les services secrets américains renversent
le gouvernement Mossadegh en Iran, gros pays
producteur qui devient à son tour un allié des
États-Unis. Cependant, la présence des ÉtatsUnis dans la région ne vise pas seulement à
garantir la sécurité de leurs approvisionnements
et les intérêts de leurs majors : c’est aussi pour
préserver la stabilité d’une région devenue vitale
pour l’ensemble des pays se réclamant de l’économie de marché.
6. L’enjeu pétrolier constitue un double facteur d’internationalisation des conflits du
Moyen-Orient :
• Il amène les grandes puissances à accroître
leur influence dans la région et cette intervention est en partie la cause d’un certain nombre de
conflits, en Palestine dans l’entre-deux-guerres,
comme en Irak plus récemment.
• Certains conflits ont des répercussions directes
sur l’économie mondiale, en raison de la menace
qu’ils font peser sur les exportations de pétrole :
c’est notamment le cas lors des événements qui
ont déclenché les deux chocs pétroliers de 1973
et de 1979.
it
4. Le Moyen-Orient dans les relations
internationales depuis 1979
e
s
s
� MANUEL PAGES 270-271
Doc. 1. L’Irak : un État à reconstruire
• Question. Comme d’autres États du MoyenOrient, l’Irak est composé de plusieurs communautés ethniques ou religieuses : les Arabes sunnites dans le centre du pays, notamment autour
de la capitale Bagdad (18 %), les Kurdes sunnites
(18 %), regroupés au nord dans la région riche
en pétrole de Mossoul, les Arabes chiites dans
le sud du pays. À partir de 1958, date du coup
d’État qui renverse la monarchie hachémite, la
cohésion du pays a été maintenue par la dictature
du parti Baas, qui s’appuie sur la minorité arabe
sunnite. Saddam Hussein n’a pas hésité à employer des armes chimiques contre les Kurdes.
De 1980 à 1988, il s’engage dans une longue
guerre avec l’Iran, en raison de l’influence que
ce dernier peut exercer auprès des chiites irakiens. Les principaux lieux saints du chiisme se
situent en effet en Irak (voir carte p. 258). La cohésion du pays a volé en éclats au lendemain de
la seconde guerre du Golfe en 2003. Le renversement de la dictature de Saddam Hussein a fait
place à de violents affrontements entre sunnites
et chiites. Quant aux Kurdes, ils se sont placés
depuis 1991 sous la protection des États-Unis.
Après la chute de Saddam Hussein, ils se sont
vus reconnaître une très large autonomie par la
Constitution fédérale, qui leur accorde le droit
d’avoir leur propre armée, leur drapeau, leur parlement, ainsi que des représentations diplomatiques à l’étranger. La communautarisation du
système politique fragilise ainsi l’État irakien,
même si le recul de la violence a permis aux
États-Unis d’évacuer leurs derniers soldats du
pays à la fin de l’année 2011.
o
B
it
e
s
s
o
B
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
Doc. 2. La guerre en Irak (2003)
• Question. Comme souvent dans le discours politique américain, la guerre engagée entre l’Irak
en 2003 est justifiée en termes manichéens : les
États-Unis sont les défenseurs du Bien contre le
Mal, incarné durant la guerre froide par l’URSS
et dorénavant par le terrorisme islamiste, responsable des attentats du 11 septembre 2001, dans
lesquels ont péri plusieurs milliers de personnes.
Le président Bush avance deux motifs principaux à la guerre lancée contre le régime de
151 •
it
Saddam Hussein : l’Irak est accusé d’avoir
servi de base arrière au terrorisme d’Al-Qaida
et d’avoir cherché à se constituer un arsenal
d’armes de destruction massive, chimiques et
nucléaires. Le président américain cherche à se
justifier d’avoir mené cette opération sans l’aval
de l’ONU, contrairement à celle qui avait été
engagée en 1991 pour libérer le Koweït envahi
par l’Irak. En parlant de « coalition de pays », le
président Bush fait allusion à l’appui que lui a
apporté le Royaume-Uni dans ce conflit. En évoquant les « difficultés » et les « problèmes » du
peuple irakien, il minimise le chaos dans lequel
l’intervention américaine, mal préparée, a plongé le pays : il considère que c’est le prix à payer
pour l’instauration de la démocratie. Il estime
enfin que le renversement du régime de Saddam
Hussein, qui s’était doté d’une puissante armée
(parfois présentée, à tort, comme la quatrième du
monde), a éliminé l’une des principales menaces
pour la paix et la sécurité du Moyen-Orient dans
son ensemble.
La guerre en Irak a en effet permis d’éliminer
l’une des dictatures les plus sanglantes de la planète. Toutefois, les États-Unis n’ont jamais pu
apporter la preuve que l’Irak aurait soutenu les
terroristes d’Al-Qaida. Le parti Baas est un parti
nationaliste laïque, dont l’idéologie est aux antipodes de celle qui inspire les mouvements islamistes. Dans sa longue guerre contre l’Iran, en
1980-1988, l’Irak était apparu bien au contraire
comme le principal adversaire du seul pays où
une révolution islamique a pu triompher. Par ailleurs, aucune enquête n’a pu retrouver la trace
de la présence d’armes de destruction massive
en Irak à la veille de l’intervention américaine de
2003. Tout indique au contraire que la puissance
militaire irakienne avait été fortement entamée
depuis la défaite irakienne essuyée lors de la première guerre du Golfe.
par 189 pays, dont l’Iran. En 2006, les pays occidentaux soupçonnent l’Iran d’utiliser ses installations nucléaires civiles à des fins militaires.
Le Conseil de sécurité a ainsi mandaté l’AIEA
pour enquêter sur le terrain. L’Iran est appelé
à coopérer avec les enquêteurs de l’AIEA, afin
qu’ils puissent vérifier la nature pacifique des
installations nucléaires iraniennes. Le Conseil
de sécurité déclare privilégier la recherche d’une
« solution diplomatique négociée ». Depuis
2006, la mauvaise volonté de l’Iran à coopérer
d’une part, les investigations de l’AIEA d’autre
part, ont amené le Conseil de sécurité à envisager des sanctions. L’accession de l’Iran au statut
de puissance nucléaire risquerait en effet d’accélérer la prolifération nucléaire et les risques
d’instabilité dans l’ensemble de la région. L’Iran
ne représente pas seulement une menace pour
Israël, dont la possession de l’arme nucléaire
est un secret de polichinelle, mais aussi pour les
États arabes de la région. Pour autant, même en
Israël, les partisans de sanctions sévères allant
jusqu’à une éventuelle intervention militaire
contre l’Iran ne font pas l’unanimité.
Doc. 3. La menace nucléaire iranienne
Islam et politique au Moyen-Orient
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
• Question. L’Agence internationale de l’énergie
atomique a été créée en 1957, sous l’égide de
l’ONU, afin de lutter contre la prolifération des
armes nucléaires. Elle remet un rapport annuel à
l’Assemblée générale de l’ONU et peut diligenter certaines enquêtes à la demande du Conseil
de sécurité. Depuis 1968, l’AIEA est chargée
de superviser l’application du Traité sur la nonprolifération des armes nucléaires (TNP), ratifié
• 152
Doc. 4. Le « printemps arabe » : une chance
pour la paix ?
(Manifestation sur la place Tahrir au Caire, le 8 avril
2011.)
• Question. Les manifestants égyptiens de la
place Tahrir affichent leur solidarité envers les
autres peuples arabes en lutte contre la dictature de leur pays : celle de Bachar el-Assad en
Syrie et celle d’Ali Abdallah Saleh au Yémen.
Contrairement à l’Égypte, ces deux pays ont
basculé dans une guerre civile restée jusqu’ici
sans issue (en dépit du retrait du président Saleh
au Yémen).
◗ Étude
� MANUEL, PAGES 272-273
Réponses aux questions
1. Jusqu’aux années 1960, la diffusion de l’islamisme est principalement à mettre à l’actif du
mouvement des Frères musulmans, association
fondée en Égypte par Hassan al-Bannâ en 1928.
Le mouvement se radicalise dans l’opposition au
régime nassérien. Dans les années 1960, Sayyid
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
Qotb est en prison quand il écrit ses ouvrages qui
demeurent jusqu’à nos jours une référence pour
les islamistes, toutes tendances confondues. Il est
pendu en 1966. L’extrait proposé de Jalons sur le
chemin (1964) permet de bien mettre en évidence
l’un des thèmes majeurs de l’idéologie islamiste.
Selon Qotb, le monde moderne en est revenu au
stade où il en était avant la révélation du Coran :
une « jahiliyya », terme arabe qui veut dire ignorance, traduit ici par « société de l’ignorance antéislamique » ; le terme désigne en effet, dans le
Coran, l’état dans lequel vivaient les Arabes avant
la révélation de Mohammed. Ce monde moderne,
qui tourne le dos aux valeurs et à l’enseignement
de l’islam, comprend bien sûr les « sociétés communistes », qui professent un matérialisme athée,
les sociétés polythéistes d’Asie et les sociétés
occidentales (« juives et chrétiennes »). Mais
Sayyid Qotb considère que les sociétés musulmanes constituent elle aussi une « jahiliyya », car,
bien qu’elles « prétendent être musulmanes […],
elles ne sont pas au service de Dieu l’unique dans
l’organisation de la vie ».
Comme le souligne Gilles Kepel dans Jihad,
l’islamisme opère une « révolution culturelle »
par rapport au nationalisme. Pour les dirigeants
nationalistes formés à l’école européenne (en
Turquie comme dans les pays arabes), l’accession à l’indépendance devait marquer une rupture avec le passé. Cette rupture serait le prélude
à la modernisation de la société musulmane.
Pour les idéologues islamistes, au contraire,
l’histoire moderne des pays musulmans depuis
les indépendances est dévalorisée. Comme les
Arabes à la veille de la prédication du prophète,
les musulmans ignorent l’islam, ils sacrifient à
ces nouvelles idoles que sont le parti, le socialisme ou la nation.
Pour les islamistes comme S. Qotb, l’action menée par les dirigeants nationalistes arabes depuis
l’indépendance est doublement condamnable :
qu’ils se tournent vers le modèle libéral ou le
modèle socialiste pour accélérer la modernisation de leur pays, ils sapent les fondements de
la société musulmane ; le nationalisme contribue
également à exacerber les divisions entre les
États musulmans. En conséquence, l’islamisme
prône l’application intégrale de la loi islamique,
la Charia, dans tous les domaines de la vie
sociale. Seul ce retour à la Charia permettra
it
de recréer l’Umma, la communauté originelle
et idéale des croyants, par-delà les divisions
nationales.
Le texte de Qotb fait apparaître un dernier point
essentiel : une société authentiquement musulmane ne reverra pas le jour « avant que ne se
forme une communauté d’hommes décidés à
servir Dieu ». Comme l’indique également G.
Kepel, Qotb s’adresse aux jeunes gens nés après
l’accession des pays musulmans à l’indépendance, qui deviennent très nombreux à cette
époque en raison de la croissance démographique. Ces jeunes sont aussi davantage scolarisés et sont plus citadins que leurs parents. Qotb
prophétise ainsi l’émergence d’une « nouvelle
génération coranique », qui pourra bâtir une
nouvelle communauté islamique sur les ruines
du nationalisme. Qotb choisit de s’adresser de
manière privilégiée à ce jeune public en adoptant un style simple et dépouillé, accessible à
un vaste public populaire, contrairement à la
rhétorique compliquée des oulémas. « Qotb se
met à la portée de ses lecteurs en s’emparant de
ce vecteur de communication qu’est la langue
écrite moderne pour en faire l’outil de sa prédication » (G. Kepel), exactement comme ensuite
les groupes islamistes se saisiront de l’Internet.
2. Fondé en 1987, le réseau islamiste radical
Al-Qaida prône la guerre sainte (jihad) contre
l’Occident, accusé de livrer une nouvelle croisade contre l’islam (« les envahisseurs juifs
et croisés »), mais aussi contre les dirigeants
musulmans, qualifiés d’apostats, qui acceptent
de négocier « une solution pacifique et démocratique » aux conflits dans lesquels ils sont
impliqués. L’affiche de propagande représente
Oussama Ben Laden en croisé des temps modernes, vêtu de l’habit traditionnel porté dans le
monde arabe : une longue robe blanche (taoub,
ou dishdash, ou gandoura) et coiffé d’un keffieh
(selon un hadith du prophète, « Dieu aime les
vêtements blancs »). L’arrière-plan de l’affiche
évoque la première guerre sainte livrée par Ben
Laden en Afghanistan contre l’URSS : à cheval,
armé d’un fusil d’assaut Kalachnikov et, en bas à
gauche, d’un lance-missile américain Stinger, le
chef d’Al-Qaida combat l’aviation et les blindés
soviétiques.
Après l’évacuation de l’Afghanistan par l’armée
soviétique, Al-Qaida s’est retourné contre ses
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
153 •
anciens alliés américains. La guerre sainte prend
dès lors la forme d’attentats terroristes visant
les Occidentaux partout dans le monde, y compris sur le sol américain, le 11 septembre 2001.
Comme S. Qotb dans les années 1960, Ben
Laden s’adresse en priorité à la jeunesse musulmane, en révolte contre les dictatures ou les oligarchies au pouvoir, accusées de pactiser avec
les Occidentaux. Il vise en particulier les gouvernements égyptiens et jordaniens, ainsi que
les dirigeants de l’OLP qui, comme Mahmoud
Abbas, ont accepté de reconnaître l’État d’Israël et de négocier avec lui. Le texte fait allusion à l’implication du réseau Al-Qaida dans
les affrontements qui se déroulent en Irak après
l’intervention américaine de 2003. Il dénonce
le gouvernement de Hamid Karzaï qui, avec le
soutien des occidentaux, combat les talibans en
Afghanistan. Ce sont enfin les principes mêmes
de la démocratie libérale qui sont considérés
comme contraires à « la loi de Dieu ».
3. En organisant une conférence sur « le monde
sans le sionisme » en 2005, le président iranien
Mahmoud Ahmadinejad veut placer son pays
à la pointe de la lutte contre l’État d’Israël. À
travers le sionisme, ce n’est pas seulement la
politique de tel ou tel gouvernement israélien
qui est visée, mais l’existence même de l’État
d’Israël, qui résulte du projet sioniste. Certes,
il est apparu récemment que M. Ahmadinejad
n’avait pas parlé de « rayer Israël de la carte »,
selon pourtant la traduction du persan à l’anglais
proposée par l’agence de presse officielle iranienne. Le président iranien se serait contenté de
citer l’ayatollah Khomeiny : « L’imam a annoncé
que le régime occupant Jérusalem devait disparaître de la page du temps », allusion au fait que,
comme le régime du shah ou le régime soviétique, l’État d’Israël n’était pas forcément éternel… Quoi qu’il en soit, le président iranien n’a
jamais officiellement démenti par la suite avoir
envisagé la destruction de l’État d’Israël.
Il est également peu contestable que l’antisionisme est utilisé comme une forme déguisée et réactualisée d’antisémitisme. En 2006,
M. Ahmadinejad organise une nouvelle conférence sur « la réalité de l’Holocauste », à l’occasion de laquelle il qualifie la Shoah de « mythe »
et accueille des individus connus pour leurs opinions négationnistes.
it
Cette propagande antisioniste vise à étendre
l’influence de l’Iran, qui n’est pas un pays arabe,
auprès des populations arabes où l’hostilité à l’encontre d’Israël fait office de dénominateur commun. L’Iran apporte ainsi son appui à des mouvements islamistes comme le Hamas palestinien ou
le Hezbollah libanais. La République islamique
cherche aussi à renforcer son influence au sein
des minorités chiites des États arabes du Golfe,
où l’Iran est perçu comme une menace depuis la
révolution de 1979. Enfin, l’antisionisme du président iranien répond aussi probablement à des
considérations de politique intérieure, dans la lutte
qui oppose les « durs » et les « modérés » du régime
de Téhéran face aux États-Unis et à leurs alliés.
4. L’Organisation de la conférence islamique est
fondée en 1969 à l’instigation de l’Arabie saoudite, afin de contrecarrer l’audience du nationalisme nassérien au Moyen-Orient. C’est ainsi au
nom de l’islam, non plus de la nation arabe, que
sa charte revendique la création d’un État palestinien, avec pour capitale Jérusalem, troisième
lieu saint de l’islam (art. 7).
La Charte de l’Organisation de la conférence
islamique lui assigne pour but de renforcer la
cohésion du monde musulman (art. 1.1), la défense de l’islam (art. 1.12), l’action humanitaire
et l’assistance des populations les plus fragiles
(art. 1.14). À la différence des mouvements islamistes radicaux, la Charte prône toutefois la tolérance et le dialogue entre les religions : elle se
réfère explicitement à un islam « modéré » (art.
1.11 et 12). Elle dénonce clairement le recours
au terrorisme et appelle les États à coopérer
entre eux pour le combattre (art. 1.18). Enfin, la
Charte islamique déclare respecter les principes
de la Charte des Nations unies (art. 2.1), et plus
généralement les principes fondateurs de la démocratie : les droits humains, les libertés fondamentales et l’État de droit (art. 2.7).
Dans bon nombre d’États toutefois, ces principes démocratiques sont loin d’être respectés,
qu’il s’agisse de la liberté de la presse et d’opinion, voire de la tolérance envers les communautés non musulmanes. Le statut des femmes
demeure souvent très inégalitaire dans de nombreux pays du Moyen-Orient : qu’il s’agisse de
leur accès à l’instruction, de leur place dans
la famille et dans la société, où la ségrégation
hommes-femmes est de rigueur.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
• 154
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
5. L’appel au jihad lancé par les islamistes radicaux compromet les efforts entrepris par les
dirigeants arabes modérés pour dégager une
solution négociée aux conflits du Moyen-Orient,
en particulier sur le dossier palestinien. Les
attentats terroristes perpétrés par les groupes
islamistes alimentent en Israël les surenchères
sécuritaires des partisans d’une politique de
force. La propagande anti-israélienne de l’Iran
et son manque de transparence dans le domaine
nucléaire contribuent également à dégrader le
climat international au Moyen-Orient. L’écho
rencontré par les islamistes radicaux auprès de
la jeunesse déshéritée peut déstabiliser des États
dont les assises nationales demeurent fragiles.
Toutefois, l’islamisme ne se réduit pas à sa composante radicale, même si l’on peut redouter
qu’en Égypte par exemple, le printemps arabe
n’amène à remettre en cause la paix conclue en
1978 avec Israël.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
5. Le processus de paix israélopalestinien (1979-2011)
it
mettent tout en œuvre pour empêcher la création
à terme d’un État palestinien qui soit viable.
D’autant que la politique d’implantations juives a
été poursuivie en Cisjordanie, la question des colonies ayant été soigneusement écartée des négociations d’Oslo. À cela s’ajoute la décision prise
par Israël d’édifier une « barrière de séparation »
pour empêcher les attentats-suicides sur son territoire : le tracé de cette barrière s’étend parfois
au-delà de la ligne verte de 1949, ce qui témoigne
de l’intention de conserver à terme les implantations juives en Cisjordanie et d’en annexer environ 10 % du territoire. Côté israélien, le maintien
d’une forte présence israélienne en Cisjordanie
et la construction du mur de séparation sont justifiés par des impératifs de sécurité. Pour Israël, le
passage éventuel de l’Autorité palestinienne à un
État palestinien dépend fondamentalement de sa
capacité à tenir sa population et à faire cesser les
attaques en territoire israélien.
Les accords d’Oslo n’ont pas permis non plus
de régler la question du statut de Jérusalem,
ainsi que celle des réfugiés palestiniens (voir
p. 278-279).
� MANUEL PAGES 274-275
Doc. 1. Israël et les territoires palestiniens
en 2011
• Question. En 1993, les accords d’Oslo prévoient la création d’une Autorité palestinienne
sur Gaza et une partie de la Cisjordanie. En
2005, Israël s’est retiré de la bande de Gaza et y
a démantelé ses colonies. Tel n’est pas le cas en
Cisjordanie, où trois zones ont été distinguées :
– une zone A : elle est placée en principe sous
l’entière responsabilité de l’Autorité palestinienne, notamment en ce qui concerne le maintien de l’ordre. Elle comprend les principales
agglomérations de Jénine, Ramallah, Naplouse
ou Bethléem, soit environ 20 % de la population.
– une zone B : elle est placée sous responsabilité
partagée de l’Autorité Palestinienne (l’administration) et d’Israël (la sécurité).
– une zone C : elle reste placée sous contrôle
israélien, en particulier pour assurer la sécurité
des nombreuses colonies juives dispersées en
Cisjordanie
Les territoires contrôlés par l’Autorité palestinienne sont donc très morcelés, d’où leur aspect
en « peau de léopard » sur la carte. Pour certains, c’est la preuve que les dirigeants israéliens
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
Doc. 2. La Charte du Hamas (août 1988)
• Question. Comme pour l’OLP en 1968, l’objectif du Hamas est d’aboutir par la lutte armée
à la destruction de l’État d’Israël. Pour l’OLP
cependant, la lutte contre Israël est présentée
comme un mouvement de libération nationale,
qui se revendique du nationalisme arabe. Le
Hamas se présente lui comme un mouvement
islamiste, agissant au nom de principes politicoreligieux. Les initiatives de paix sont jugées
contraire aux intérêts de l’islam. En prônant le
jihad contre Israël, le Hamas condamne l’évolution de l’OLP qui, sous l’impulsion de Yasser
Arafat, a reconnu l’existence de l’État d’Israël
et accepté de négocier avec lui. En Palestine
comme dans d’autres pays du Moyen-Orient,
l’islamisme a pris le relais du nationalisme
arabe, en particulier dans les catégories les plus
jeunes de la population.
Doc. 3. L’Intifada : les Palestiniens en révolte
(Dessin de l’un des enfants pris en charge par le
Centre de traitement des troubles psychologiques
de Gaza, 10 janvier 2005.)
• Question. Ce dessin d’enfant représente
l’Intifada telle qu’elle est vécue du côté des
155 •
Palestiniens : un affrontement inégal entre une
armée régulière dotée d’armes modernes (des
blindés à droite du dessin) et de jeunes manifestants aux visages masqués pour ne pas être
reconnus, armés de simples frondes : allusion à
la « guerre des pierres ». L’un d’entre eux brandit
le drapeau palestinien. Le décor est celui d’une
guérilla urbaine : des immeubles à l’arrière-plan,
un affrontement dans un terrain vague, où des
pneus ont été incendiés. Ces affrontements font
des victimes civiles : en bas à gauche du dessin,
un homme porte le corps d’un enfant blessé.
Du côté israélien, on ferait cependant valoir que
Tsahal ne fait bien souvent que riposter aux
tirs de roquettes ou aux attentats-suicides qui
font aussi de nombreuses victimes civiles dans
la population israélienne. Les autorités israéliennes accusent par ailleurs le Hamas de disperser sciemment ses combattants au milieu des
populations civiles.
Quoi qu’il en soit, un tel dessin, diffusé par une
agence de presse, montre comment l’image d’Israël s’est renversée dans l’opinion internationale
depuis le déclenchement de la première Intifada,
en 1987 : jusqu’à la guerre de Six-Jours, c’est
Israël qui faisait figure de David dans son affrontement avec les pays arabes, tous coalisés contre
lui. Désormais, c’est le sort des Palestiniens qui
suscite la sympathie d’une partie de l’opinion
publique internationale, la force étant désormais
du côté de l’État hébreu.
Doc. 4. La « feuille de route » (2003)
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
• Question. La feuille de route, élaborée en
2003 par la communauté internationale, vise à
relancer le processus d’Oslo et à créer les conditions progressives d’une paix définitive entre
Israéliens et Palestiniens. Pour cela, elle prévoit
qu’Israël obtienne des garanties pour sa sécurité : les Palestiniens doivent ainsi renoncer sans
condition à toute forme de violence, et ce, avant
même que les négociations aient abouti. De son
côté, Israël doit aider l’Autorité palestinienne à
s’imposer auprès de sa population, en apportant
la preuve concrète que la négociation est préférable à la violence : Israël doit donc « normaliser
la vie des Palestiniens », c’est-à-dire améliorer
leur situation économique et sociale, précarisée
par le bouclage récurrent des territoires. Surtout,
la feuille de route engage Israël à geler sa politique d’implantations juives en Cisjordanie et à
• 156
it
Jérusalem-Est. Il lui est enfin demandé, dans la
phase II, d’accepter, avant la conclusion d’un
accord définitif, la formation d’un État palestinien indépendant, doté de réels attributs de souveraineté (l’Autorité palestinienne ne dispose
pas d’une armée par exemple, mais seulement
de forces de maintien de l’ordre).
La feuille de route reste pour l’heure lettre
morte : une partie des Palestiniens, derrière
le Hamas, n’a pas renoncé à la violence. Les
Israéliens ont repris leur politique d’implantations et condamné la proclamation de la création
d’un État palestinien par Mahmoud Abbas, en
2012.
◗ Étude
L’évolution du problème palestinien
depuis 1948
� MANUEL, PAGES 276-277
Réponses aux questions
1. Les réfugiés palestiniens résident principale­ment :
– dans les territoires occupés par Israël après
1967 et administrés partiellement par l’Autorité
palestinienne depuis les accords d’Oslo, dans la
bande de Gaza et en Cisjordanie ;
– dans les pays voisins d’Israël, en Jordanie et
au Liban. Une partie de ces réfugiés vit dans
les camps gérés par l’UNRWA, organisme des
Nations unies créé en 1948. Le nombre de ces
réfugiés, qui comprend aussi les enfants des
familles des réfugiés de 1948, s’est considérablement accru du fait de la forte croissance
démographique : le taux de fécondité par femme
palestinienne est l’un des plus élevés au monde,
8 en Cisjordanie, 9 à Gaza. La population croît
ainsi au rythme de 5 % par an.
2. On relève d’emblée la signification très différente que revêt naturellement la guerre de 1948
pour les Israéliens et les Palestiniens. Dans la
version israélienne, la guerre de 1948 est présentée comme une guerre d’indépendance, qui
consacre l’idéal sioniste d’un retour des juifs
en terre promise, au lendemain d’un génocide
qui a conduit à l’extermination de 6 millions de
juifs européens. Dans la version palestinienne, la
guerre de 1948 est la Nakba, la « Catastrophe »,
puisque des centaines de milliers de réfugiés
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
palestiniens ont dû quitter leur terre et que le
peuple palestinien a été privé depuis du droit de
posséder un État en Palestine.
Pour les mêmes raisons, la participation des États
arabes dans cette guerre est envisagée de manière
très différente. Dans la version israélienne, la
création de l’État d’Israël a été arrachée de haute
lutte contre les pays arabes agresseurs. Dans le
texte palestinien, les pays arabes sont accusés
d’avoir sacrifié la cause palestinienne sur l’autel
de leurs propres intérêts nationaux. La fin du
texte fait allusion à l’annexion de la Cisjordanie
par la Jordanie, dont le roi Abdallah est assassiné
deux ans plus tard par un Palestinien.
Mais on relève certains points de convergence
sur la question des expulsions. La version israélienne – dont il faut rappeler qu’elle a été rédigée par des enseignants pacifistes qui ne sont pas
représentatifs de l’opinion israélienne dans son
ensemble – prend en compte les travaux effectués ces dernières années par les « nouveaux
historiens » israéliens, comme Benny Morris
par exemple. Ces recherches, fondées sur les
archives israéliennes et occidentales, ont remis
en cause la thèse officielle d’Israël, qui a été
longtemps de nier les expulsions et d’affirmer
que les Arabes palestiniens avaient fui volontairement ou y avaient été incités par les États
arabes. Les responsables arabes ont au contraire
prétendu que ces expulsions avaient fait partie
d’un plan prémédité, en particulier dans le cadre
du plan Daleth, lancé en avril 1948 pour sécuriser les frontières du nouvel État juif institué par
l’ONU, en prévision de l’attaque fort probable
des pays arabes.
Le texte israélien évoque donc lui aussi, comme
le texte palestinien, les expulsions d’Arabes
palestiniens, en reprenant l’argumentation nuancée des « nouveaux historiens ». Au début de la
guerre, la plupart des départs ont été volontaires.
C’est ensuite, dans le cadre de la prévention de
l’attaque arabe, qu’il y a eu des expulsions intentionnelles : la version israélienne admet donc la
responsabilité des dirigeants sionistes dans ces
expulsions, ainsi que leur volonté de réduire
au maximum l’effectif de la minorité arabe qui
continuerait de vivre dans les frontières du nouvel État juif. Mais, « tous les Arabes ne furent
pas chassés, et il n’y eut pas d’instructions officielles dans ce sens ». Comme a pu l’établir en
it
effet l’historien Benny Morris, il y a bien eu « des
expulsions brutales » et un « harcèlement délibéré » pour contraindre les populations arabes
au départ, d’abord dans le cadre du plan Daleth,
puis au lendemain de l’invasion des armées
arabes. « De toute évidence, conclut B. Morris,
Ben Gourion voulait que demeurent à l’intérieur
de l’État juif le moins d’Arabes possible. Mais
il n’y avait toujours pas de politique systématique d’expulsion ». On relève cependant que la
version palestinienne évoque les massacres de
civils palestiniens, comme celui de Deir Yassine,
(massacres également mentionnés dans le texte
israélien dans un passage non reproduit dans le
manuel), en omettant de rappeler cependant les
massacres également perpétrés par des Arabes
contre des civils juifs.
Enfin, les deux versions s’accordent pour rappeler qu’au lendemain de la guerre, les réfugiés
furent systématiquement empêchés de revenir chez eux, les autorités israéliennes effaçant
toutes les traces d’une présence arabe antérieure.
La version israélienne rappelle toutefois que ce
sont entre autres les nombreuses infiltrations de
terroristes en Israël qui ont fait capoter toutes les
négociations, donc la possibilité du retour d’au
moins une partie des réfugiés : elle renvoie finalement dos-à-dos les Arabes, qui ont continué
d’avoir recours à la violence, et les dirigeants israéliens, qui y ont répondu par des opérations punitives. Ici encore, Benny Morris rappelle qu’en
effet, « les documents israéliens et occidentaux
révèlent qu’entre la fin de l’année 1948 et le mois
de juillet 1952, plusieurs occasions de paix entre
Israël et certains de ses voisins arabes se présentèrent effectivement » Elles ne furent pas mises
à profit, en tout cas pas autant qu’elles auraient
pu l’être, « parce qu’Israël ne se montra jamais
disposé à transiger pour la paix, et que les dirigeants arabes se sentaient trop faibles et menacés
par leur propre peuple ainsi que par leurs voisins
pour tenter ou même envisager la paix, à moins
qu’elle n’implique de réelles concessions de la
part d’Israël ». Si Israël avait été plus accommodant, les dirigeants arabes auraient-ils accepté la
paix ? Morris se dit incapable de répondre à la
question. De même, à supposer qu’un traité ait
été conclu, aurait-il été durable ? Seule certitude :
des propositions de paix ont bien été formulées,
mais chaque partie a trouvé alors plus profitable
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
157 •
de les écarter. « Aucun des dirigeants, dans un
camp comme dans l’autre, ne se montra à la hauteur de la situation, ni capable de saisir comme il
se devait les occasions offertes ».
Au total, 700 000 Arabes palestiniens se sont
enfuis ou ont été expulsés des régions intégrées dans l’État juif. À la fin de la guerre de
1948-1949, moins de la moitié des Palestiniens
habitent encore chez eux. On rappellera cependant que la guerre de 1948, comme la crise de
Suez ensuite (1956), n’ont pas été non plus sans
conséquence pour les communautés juives dispersées dans les pays arabes : des centaines de
milliers de juifs du Moyen-Orient et du Maghreb
ont été à leur tour contraints au départ, pour un
grand nombre vers Israël (seuls les juifs d’Algérie ont massivement opté pour la France après
1962). De nos jours, il n’y a plus que l’Iran et la
Turquie, deux pays non arabes qui comptent une
communauté juive importante (respectivement
40 000 et 25 000 personnes en 2000). Hormis ces
deux pays, il n’y a plus aujourd’hui que 8 000
juifs vivant dans un pays musulman.
3. Selon la Charte de l’OLP, un Palestinien est
à la fois un habitant ou un ex-habitant de la
Palestine d’avant 1947 et/ou une personne née
d’un père palestinien, lui-même né en Palestine
ou hors de Palestine. La citoyenneté palestinienne serait ainsi fondée sur le droit du sol et
le droit du sang. Le futur État palestinien que
l’OLP entend construire a donc pour vocation de
rassembler la diaspora palestinienne dans toutes
ses composantes.
La Charte de l’OLP prévoit que les juifs pourront eux aussi accéder à la citoyenneté du nouvel État palestinien, ce qui laisse entendre qu’il
sera laïque. Toutefois, elle ne serait accordée
qu’aux seuls juifs résidant en Palestine avant
« l’invasion sioniste » : implicitement, cela signifie qu’une immense majorité de juifs, qui ont
immigré depuis la fin du XIXe siècle, serait alors
expulsée de Palestine.
4. La Charte de l’OLP revendique à plusieurs
reprises la « libération de la Palestine ». Elle affirme clairement que la lutte armée est la seule
manière d’y parvenir. Selon l’OLP, il ne peut y
avoir deux États, juif et arabe, en Palestine. On a
vu par ailleurs qu’en vertu de l’article 6, seul un
petit nombre de juifs pourraient devenir citoyens
de l’État palestinien.
it
La fin de la guerre froide a privé l’OLP de
l’appui que les Soviétiques lui avaient apporté.
Yasser Arafat a ainsi modéré les positions de son
Organisation. En visite officielle en France, en
1989, il déclare ainsi « caduque » (en employant
ce mot en français) la Charte de l’OLP. C’est
une manière de reconnaître l’existence de l’État
d’Israël, ce qui a permis d’ouvrir des négociations directes entre Israéliens et Palestiniens.
Cette position est aujourd’hui celle de l’Autorité
palestinienne, mais elle est violemment contestée par le Hamas.
5. La Charte de l’OLP appelle l’ensemble du
monde arabe à se solidariser avec la cause palestinienne. Elle place le mouvement national
palestinien à l’avant-garde du combat destiné à
réaliser l’unité arabe. Mais les pays arabes sont
eux-mêmes très divisés et le soutien apporté aux
Palestiniens n’est souvent qu’un moyen de masquer leurs divisions profondes et de servir leurs
intérêts propres. C’est ce que rappelle amèrement
le récit palestinien de la guerre de 1948 (doc. 5) :
les Arabes n’ont pas su préserver leur unité face
à Israël et on a vu que la Jordanie avait profité de
l’occasion pour annexer une partie du territoire
palestinien. À l’époque où est rédigée la Charte
de l’OLP, le mouvement national palestinien
cherche précisément à s’affranchir de la tutelle
des États arabes, sous l’impulsion de Yasser
Arafat. Deux ans plus tard, en septembre 1970,
l’OLP est pour cette raison expulsée de Jordanie
au terme de violents affrontements qui font des
milliers de morts.
6. L’ampleur du taux de chômage dans les
Territoires palestiniens révèle la dégradation
de la situation économique et sociale, depuis la
deuxième Intifada et la rupture entre l’Autorité
palestinienne et le Hamas, qui a pris le contrôle
de Gaza. Depuis la fin des années 1990, le taux
de chômage a grimpé d’environ 10 % à 30 %
des actifs. À Gaza, il a même approché les 40 %
et se maintient à un niveau plus élevé qu’en
Cisjordanie. Les attentats-suicides et les tirs de
roquettes opérés par le Hamas depuis la bande de
Gaza ont amené les dirigeants israéliens à boucler régulièrement les territoires palestiniens,
empêchant leurs habitants de venir travailler
en Israël. L’érection d’une « barrière de séparation » perturbe également les échanges entre les
différentes enclaves arabes de l’Autorité pales-
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
• 158
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
tinienne en Cisjordanie. Les ressources sont par
ailleurs insuffisantes pour absorber la très forte
croissance démographique dans les territoires.
7. Le conflit israélo-arabe a provoqué le départ
de centaines de milliers de réfugiés palestiniens.
Le peuple palestinien est toujours en quête d’un
État. La reconnaissance de l’État d’Israël par
l’OLP lui a toutefois permis d’obtenir des avancées significatives dans la reconnaissance de ses
droits politiques. Depuis la fin des années 1990
cependant, le blocage du processus de paix et les
surenchères du Hamas voient les affrontements
entre Arabes et Israéliens se poursuivre, au prix
d’une dégradation de la situation économique et
sociale dans les Territoires palestiniens.
◗ Étude
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
Quelle paix entre Israéliens et Palestiniens ?
� MANUEL, PAGES 278-279
Réponses aux questions
it
ces questions n’auraient pas dû être écartées au
départ, même pour faciliter la conclusion des accords d’Oslo. Car elles ont constitué des bombes
à retardement : l’Autorité palestinienne s’est trouvée d’emblée en difficulté face à la poursuite des
implantations juives dans les territoires. Face aux
surenchères du Hamas et des opposants palestiniens au processus de paix, Yasser Arafat a durci
sa position en relançant la question des réfugiés,
ce qui a bloqué durablement le processus de paix.
Elie Barnavi estime qu’à défaut de trancher sur
les questions les plus « explosives » à Oslo, il
aurait fallu s’engager par un calendrier précis à
ce qu’elles le soient un peu plus tard. Il ajoute
qu’Israéliens et Palestiniens auraient dû prendre
des engagements plus contraignants, sous le
contrôle de la communauté internationale. Elie
Barnavi pense sûrement ici à la « feuille de
route » élaborée en 2003 (voir doc. 4 p. 275),
qui a tenté de combler les lacunes du processus d’Oslo. En fin de compte, les ambiguïtés
ou l’imprécision des accords d’Oslo ont été
instrumentalisées par ceux qui n’ont jamais eu
l’intention d’en respecter l’esprit : les partisans
de la poursuite de la colonisation côté israélien,
les adversaires de l’existence d’un État juif en
Palestine côté palestinien.
Comme Elie Barnavi (issu de la gauche israélienne), le Premier ministre de droite Benjamin
Netanyahu met l’échec des accords d’Oslo au
compte de l’extrémisme, mais seulement de
celui des islamistes. B. Netanyahu évoque ainsi
la prise du pouvoir par le Hamas à Gaza, ainsi
que l’influence grandissante du Hezbollah au
Liban et des Frères musulmans en Égypte : tous
ces mouvements, rappelle-t-il, « ne s’opposent
pas aux politiques d’Israël, mais à l’existence
d’Israël » : manière de dire que toute concession
éventuelle du gouvernement israélien ne servirait à rien face à des interlocuteurs qui n’ont pas
l’intention de négocier quoi que ce soit.
Le chef du gouvernement se défend ainsi d’être
jugé responsable du blocage du processus de
paix. Il rappelle qu’Israël, par le passé, a bien
rendu ou évacué certains territoires, en particulier Gaza et le Sud-Liban ; la sécurité d’Israël
n’en est pas mieux assurée pour autant et les
islamistes radicaux ont fini par l’emporter sur
les modérés. Il estime enfin qu’Israël ne peut pas
prendre le risque de placer sa sécurité entre les
1. Cette photographie immortalise la poignée de
main qui scelle les débuts de la réconciliation
entre deux adversaires irréductibles, l’ancien
chef d’état-major israélien durant la guerre des
Six-Jours, devenu Premier ministre, Yitzhak
Rabin (doc. 1 p. 267), et le chef charismatique
de l’OLP, Yasser Arafat, perçu jusque là comme
un terroriste en Israël. Ce geste symbolise une
double reconnaissance : celle de l’OLP comme
représentant légitime du peuple palestinien par
Israël, et celle de l’existence de l’État d’Israël
par l’OLP. Il vaut à ces deux hommes, ainsi qu’à
Shimon Peres, l’obtention du prix Nobel de la
paix en 1994. Yitzhak Rabin, assassiné par un
extrémiste israélien en 1995, l’a payé de sa vie.
2. Elie Barnavi comme Elias Sanbar sont tous
deux favorables au processus de paix israélopalestinien : la reconnaissance mutuelle de
l’OLP et de l’État d’Israël a marqué une étape
décisive dans l’évolution récente du conflit israélo-palestinien. Ils regrettent cependant tous
deux l’imprécision de ces accords sur le calendrier et le contenu des négociations : les litiges
les plus délicats ont été délibérément écartés, à
savoir le statut de Jérusalem, les colonies juives
et les réfugiés palestiniens.
Mais c’est également sur ce point que les deux
hommes se séparent : Elias Sanbar estime que
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
159 •
mains de forces internationales, qui ne sont pas
montrées particulièrement efficaces jusqu’ici.
Pour B. Netanyahu, la sécurité d’Israël prime
donc la reprise de négociations, par ailleurs difficiles, voire inextricables, sur Jérusalem, les
réfugiés et les colonies.
3. Dans son célèbre discours à l’université alAzhar du Caire adressé au monde musulman,
le président Obama a longuement abordé la
question palestinienne. Il a voulu justifier le rôle
d’arbitre que jouent les États-Unis dans le processus de paix, alors qu’ils sont souvent perçus
comme unilatéralement pro-israéliens au sein de
l’opinion arabo-musulmane. Dans un discours
qui se veut équilibré, il appelle ainsi Palestiniens
et Israéliens à faire des concessions mutuelles.
L’Autorité palestinienne doit se montrer davantage en mesure de gouverner efficacement, autrement dit de s’affranchir des luttes de clans et
de la corruption, afin d’apporter la preuve auprès du peuple palestinien que la poursuite du
processus de paix est préférable à la reprise des
hostilités envers Israël. Le président américain
ne désespère pas non plus d’amener le Hamas,
qui dirige désormais Gaza, à prendre ses responsabilités en renonçant à son tour à la violence
et en reconnaissant l’existence de l’État d’Israël.
Le président Obama enjoint les Israéliens, de
leur côté, à renoncer à poursuivre la colonisation
juive dans les territoires : il y voit clairement le
principal obstacle à la reprise des négociations.
Par ailleurs, il demande aux Israéliens de soutenir la tâche difficile de l’Autorité palestinienne :
la crédibilité de ses dirigeants auprès du peuple
palestinien dépend en grande partie de leur capacité à améliorer la situation économique et les
conditions de vie, qui se sont dégradées depuis
la fin des années 1990. Barack Obama évoque
ainsi la crise humanitaire qui sévit à Gaza, du
fait du blocus israélien (ripostant aux tirs de roquettes du Hamas sur Israël). Il retourne enfin
l’argument souvent employé par les dirigeants
israéliens, qui justifient au nom de la sécurité
d’Israël la poursuite de la colonisation et le
bouclage des Territoires palestiniens : pour le
président américain, en rendant plus difficile la
vie des Palestiniens, ces mesures ne peuvent que
faire le jeu de l’extrémisme et du terrorisme.
4. Fondé en 1978, le mouvement « La Paix
maintenant » se veut le porte-parole des paci-
it
fistes israéliens. Ces derniers, très minoritaires
en Israël, manifestent contre la poursuite de la
colonisation dans les Territoires palestiniens, qui
constitue l’un des principaux facteurs de blocage
du processus de paix. Entre 1968 et 2006, le
nombre de colons juifs installés en Cisjordanie
est passé de 5 000 à 230 000, auxquels s’ajoutent
180 000 personnes installées à Jérusalem-Est.
Ces militants pacifistes protestent également
contre l’influence des partis religieux, qui soutiennent vigoureusement la colonisation, financée par les crédits du gouvernement : ces partis
religieux sont eux aussi très minoritaires, mais
leur soutien est souvent indispensable à la formation d’une majorité gouvernementale à la
Knesset.
En brandissant un drapeau israélien et un drapeau palestinien, les manifestants expriment
par un symbole fort leur aspiration à ce que
Palestiniens et Israéliens puissent chacun vivre
en paix dans leur État respectif, aux frontières
sûres et reconnues.
5. Les principaux obstacles à l’instauration d’une
paix durable entre Israéliens et Palestiniens sont
au nombre de trois :
– Le statut de Jérusalem, revendiquée comme
capitale par les deux peuples.
– La colonisation juive : à l’origine, les premières
implantations juives dans les territoires alors occupés par Israël ont été justifiées par un besoin
de sécurité. De fait, l’État hébreu a démantelé
les colonies, parfois manu militari contre les
colons qui y résidaient, dans les territoires qu’il
a restitués, à savoir le Sinaï et Gaza. Mais pour
une partie de la droite israélienne comme pour
les partis religieux, les implantations sont destinées à pérenniser la présence juive sur au moins
une partie de la Cisjordanie. À l’heure où ces
lignes sont écrites, la question d’un gel éventuel
des implantations juives, ou d’une partie d’entre
elles, continue de bloquer les négociations.
– Les réfugiés palestiniens : pour les Palestiniens,
le droit au retour des Palestiniens expulsés
en 1948 est une question de principe. Pour les
Israéliens, cette revendication est un moyen détourné de continuer à nier l’existence de l’État
d’Israël, puisqu’en raison de la forte croissance
démographique de la population palestinienne,
les Arabes deviendraient majoritaires au sein de
l’État hébreu.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
• 160
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
◗ Étude
La question libanaise et ses répercussions
internationales
� MANUEL, PAGES 280-281
Réponses aux questions
1. La cohésion nationale du Liban est fragile,
du fait de la coexistence de nombreux groupes
confessionnels : les liens claniques et communautaires y limitent fortement l’emprise de
l’État sur la société, surtout lorsque les communautés sont bien ancrées sur un territoire donné
(cas des Druzes dans la montagne libanaise par
exemple). Ni les chrétiens, ni les musulmans ne
forment des communautés homogènes. Les institutions libanaises reposent sur le Pacte national
établi en 1943, qui prévoit un partage du pouvoir
entre chrétiens maronites, sunnites et chiites. Cet
équilibre a été partiellement remis en cause par
l’évolution démographique (légèrement majoritaires lors de la création du Liban par la France,
les chrétiens sont ainsi devenus minoritaires),
mais surtout par l’ingérence des États qui soutiennent tel ou tel groupe en fonction de leurs
intérêts respectifs (la Syrie, Israël et plus récemment l’Iran).
2. C’est après avoir été expulsée de Jordanie en
1970 (« septembre noir ») que l’OLP, emmenée
par Yasser Arafat, se replie au Liban. L’arrivée
des combattants palestiniens au Liban, où existaient déjà de nombreux camps de réfugiés
depuis 1948, remet en cause le fragile équilibre entre les diverses communautés du pays.
Les Druzes de Kamal Joumblatt s’allient aux
Palestiniens et s’opposent aux milices chrétiennes. En 1975, le Liban plonge dans la guerre
civile, qui s’amplifie en raison de l’ingérence de
la Syrie et d’Israël dans le conflit libanais. Le
Liban devient ainsi l’un des théâtres extérieurs
du conflit israélo-palestinien. En 1982, Israël
lance l’opération « Paix en Galilée » afin de
déloger l’OLP du Liban. Yasser Arafat est alors
contraint de quitter Beyrouth pour Tunis. C’est
dans ce contexte que se produit le massacre d’un
millier de Palestiniens des camps de Sabra et
de Chatila, par des membres des milices chrétiennes, alliées des Israéliens. Devant l’émotion
suscitée par ce massacre dans l’opinion publique
israélienne, une commission d’enquête a été
confiée à un membre de la Cour suprême d’Is-
it
raël (la commission Kahane), qui a conclu à la
responsabilité indirecte des autorités militaires
israéliennes qui, alors que les camps palestiniens
étaient sous leur contrôle, ont laissé s’introduire des phalangistes chrétiens. Le rapport de
la commission a contraint le premier ministre,
M. Begin, à démissionner.
Le conflit libanais, comme le conflit israélopalestinien, s’est lui aussi « islamisé » dans la
période récente, avec la création du parti chiite
Hezbollah, en 1982. Comme le Hamas palestinien, le Hezbollah refuse de reconnaître le droit
à l’existence de l’État d’Israël, qualifié pour cette
raison d’« entité sioniste ». L’État d’Israël est
présenté comme une entité complètement étrangère à la région, réduite à son identité arabomusulmane, et comme une création de toute
pièce de l’impérialisme occidental : il s’agit bien
entendu d’un anachronisme complet quand on
sait que la création de l’État d’Israël marque
d’abord la défaite de l’impérialisme britannique.
Pour le Hezbollah, Israël est une puissance coloniale qui constitue l’avant-poste de l’Occident
pour établir son hégémonie sur l’ensemble du
Moyen-Orient. Israël est jugé seul responsable
des guerres qui ont ensanglanté la région, la
Charte du Hezbollah omettant les nombreux
conflits qui, dans la région, n’ont aucun rapport
avec le conflit israélo-arabe. Le soutien apporté
à la cause palestinienne permet ainsi aux islamistes du Hezbollah de reprendre le flambeau
anti-impérialiste naguère brandi par les nationalistes arabes.
3. L’accord de Taëf est un accord de réconciliation nationale qui tente de mettre un terme à la
guerre civile que connaît le Liban depuis 1975.
Le « Document d’entente nationale » prévoit ainsi un rééquilibrage des pouvoirs entre les représentants des différentes communautés confessionnelles, l’élection d’un nouveau président
de la République et la formation d’un gouvernement d’union nationale. Ce gouvernement
reçoit la mission de restaurer la souveraineté de
l’État libanais sur l’ensemble de son territoire. Il
s’agit notamment d’obtenir le retrait de l’armée
israélienne du Sud-Liban, qu’elle occupe depuis
1978.
En revanche, l’accord prévoit le maintien des
forces armées syriennes, au nom des « relations
fraternelles qui lient la Syrie au Liban ». Elles
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
161 •
assisteront l’État libanais au cours d’une période
qui, en principe, ne doit pas excéder deux ans :
en réalité, l’accord prévoit, au terme de ces deux
ans, un « redéploiement » de l’armée syrienne
dans la plaine de la Bekaa. L’accord de Taëf établit une sorte de tutelle de la Syrie sur le Liban,
la Syrie se faisant la gardienne de l’entente
nationale (« l’entente entre ses fils ») et de la
souveraineté du Liban. C’est pourquoi l’accord
de Taëf a été dénoncé comme pro-syrien par le
général chrétien Michel Aoun, qui voulait alors
restaurer l’autorité de l’État libanais en transcendant les clivages confessionnels. Il est toutefois
contraint par les forces syriennes de se réfugier
à l’ambassade de France, puis de s’exiler, en
octobre 1990.
4. Trois éléments principaux ont conduit à l’internationalisation du conflit libanais :
– La Syrie n’a jamais accepté la partition du
Liban par la France, considérant le Liban comme
partie intégrante d’une grande Syrie. D’autant
que la France, puissance mandataire, a opté pour
la création d’un Grand Liban, débordant largement les régions où les chrétiens constituaient
la grande majorité de la population. Dès 1976,
la Syrie occupe la plaine de la Bekaa. L’accord
de Taëf officialise cette présence de l’armée
syrienne, qui n’évacue le pays qu’en 2005, au
lendemain de l’attentat qui a coûté la vie au
Premier ministre libanais Rafic Hariri (probablement commandité par la Syrie, mais l’enquête
n’a toujours pas abouti).
– Le repli des bases de l’OLP au Liban après
1970 amène Israël à intervenir dès 1978 au SudLiban. Le Conseil de sécurité de l’ONU dépêche
l’envoi de la FINUL (Force intérimaire des
Nations unies au Liban), qui permet d’obtenir le
retrait israélien, à l’exception d’une zone tampon de 10 km à la frontière. Soutenu par les milices chrétiennes (rebaptisées Forces libanaises)
de Bachir Gemayel, Israël déclenche l’opération
Paix en Galilée en 1982. L’objectif est de neutraliser les bases de l’OLP au Liban et d’en déloger
la Syrie. L’armée israélienne parvient jusqu’à
Beyrouth. En août 1982, les combattants palestiniens sont évacués sous la protection d’une
force d’interposition composée de soldats américains, français et italiens. L’opération Paix en
Galilée se solde finalement par un fiasco pour
Israël. Son armée s’enlise au Liban. Le combat
it
des Palestiniens contre Israël est repris par les
milices chiites Amal et le Hezbollah, qu’Israël
affronte sans succès en 2006.
– La période récente est marquée par les progrès
de l’islamisme, le Hezbollah étant fortement
soutenu par l’Iran.
5. On retrouve au Liban la plupart des facteurs
de conflictualité du Moyen-Orient :
– La difficile coexistence de groupes ethniques
ou confessionnels qui mine la cohésion nationale et affaiblit l’autorité de l’État.
– La non-reconnaissance ou la contestation des
frontières du pays : par la Syrie, mais aussi par
Israël où certains projets sionistes ambitionnent
de porter la frontière nord d’Israël jusqu’au
fleuve Litani.
– La non résolution du problème palestinien, qui
a fini par « s’exporter » en territoire libanais.
– La progression de mouvements islamistes qui
refusent toute négociation avec Israël et justifient le recours au terrorisme.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
• 162
◗ BAC
Étude critique de document
Étudier un document autobiographique
� MANUEL, PAGES 284-285
RÉPONSES AUX QUESTIONS des encadrés
Sujet : La Palestine, un foyer de conflit depuis
la fin de la Première Guerre mondiale.
1. En 1975, aucun dirigeant arabe n’a encore
reconnu l’existence de l’État d’Israël. La guerre
de Kippour a eu lieu deux ans auparavant.
2. Il s’agit de la première guerre israélo-arabe.
L’État d’Israël a été proclamé la veille.
3. Les termes employés peuvent être qualifiés de méprisants : motivations « ridicules »,
dirigeants « désespérément primitifs dans leurs
raisonnements ».
4. Cette référence au sionisme permet de rappeler que l’immigration juive est bien plus ancienne que l’État d’Israël.
5. Voir la note 3 du texte, page 284.
BAC BLANC
Sujet : La Palestine, genèse d’un conflit.
Ce document permet d’évoquer la situation de la
Palestine avant la création de l’État d’Israël. Le
premier ennemi pour les Arabes est bien l’occu© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
pant britannique. Les cris de « À bas la résolution Balfour ! » montrent que les Arabes ne sont
pas dupes des promesses des Anglais. Le futur
royaume arabe indépendant prévu n’inclue en
effet pas la Palestine. Les grèves dont il est question dans ce texte marquent le début d’un mouvement de révolte qui s’étend jusqu’en 1939.
Les Arabes de Palestine réclament la fin du
mandat britannique, mais aussi la fin de la colonisation juive. Ces juifs sont considérés comme
un « autre occupant » et l’enfant qu’est Georges
Habache a conscience qu’il sera « dangereux ».
Mais les Arabes à cette époque sont « davantage
préoccupés par les Britanniques ». L’auteur fait
aussi la distinction, entre les juifs « ostensiblement sionistes » et les autres, avec qui les relations sont « parfois même, bonnes ».
◗ BAC BLANC
Étude critique de documents
e
s
s
it
� MANUEL, PAGE 287
• Composition
Sujet 1 : Juifs et Arabes en Palestine du
lendemain de la Première Guerre mondiale à
nos jours.
Proposition de plan :
I. Les origines du conflit israélo-arabe (1917-1948).
II. Le conflit israélo-arabe pendant la guerre
froide (1949-1989).
III. Le processus de paix israélo-palestinien
entre avancées et impasses depuis 1990.
o
B
it
e
s
s
o
B
� MANUEL, PAGE 286
Sujet : L’islamisme en Iran.
◗ BAC BLANC
L’islamisme émerge dans un contexte de guerre
froide. Il se caractérise notamment par son refus
de s’aligner, « ni Est, ni Ouest ». Il s’agit là du
« slogan fondamental de la révolution islamiste »
selon Khomeiny. La banderole du document 2,
empruntant à la signalétique routière, le traduit
en image. Ces deux camps sont également impies. Il s’agit de mener contre eux une guerre
sainte, un « jihad ».
Une autre caractéristique de l’islamisme visible ici est l’opposition radicale au sionisme,
« cellule maligne et cancérigène ». Khomeiny
annonce son « soutien sans limites » à la lutte
contre Israël dans ce discours de 1987. La photographie du document 2 montre que ce soutien
était déjà explicite et acquis en 1979, dès le
début de la révolution iranienne. On y voit des
manifestants brandir le portrait de Yasser Arafat,
chef de l’OLP depuis 1969.
Bien qu’en 1987 la guerre Iran-Irak fasse encore
rage, Khomeiny s’adresse dans ce discours de manière univoque à tous les musulmans. À l’occasion
du pèlerinage à La Mecque, il insiste sur l’unité de
l’Umma qu’il s’agit d’étendre afin de connaître « la
liberté ». L’appel à la lutte armée est clair. La possibilité du martyre aussi, qui annonce les méthodes
terroristes (attentats-suicides notamment) qui se
développent dans les années qui suivent.
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
Sujet 2 : Les conflits au Proche et MoyenOrient de 1945 à nos jours.
Proposition de plan :
I. Le conflit israélo-arabe (1945-1979).
II. Les autres sources de conflictualité depuis
1979.
III. Le processus de paix israélo-palestinien depuis 1979.
• Étude critique de document
Sujet : Le conflit libanais au Proche-Orient.
Françoise Demulder est, pour ce cliché, la première femme à recevoir la plus haute récompense du photojournalisme : le prix World Press
photo de l’année. Cette photographie est prise en
1976, un an après le début de la guerre civile au
Liban. Ce pays, créé par la France en 1922, fait
cohabiter diverses communautés. L’équilibre est
fragile et l’arrivée de l’OLP en 1970 le rompt.
La Quarantaine est un quartier pauvre du nordest de Beyrouth. Le massacre que les milices
chrétiennes y perpétuent contre les Palestiniens
qui y sont réfugiés depuis 1948 est un exemple
de la violence que subissent les populations pendant cette guerre civile. Deux jours plus tard,
les milices palestiniennes, en représailles, massacrent plusieurs centaines de chrétiens dans la
ville de Damour, à 20 km environ au sud de la
capitale. En septembre 1982, à Sabra et Chatila,
les phalangistes se rendent coupables d’un massacre qui reste, davantage que la Quarantaine
encore, le symbole des exactions commises pendant la guerre du Liban.
163 •
Chapitre
10
it
Gouverner la France depuis 1946
e
s
s
� MANUEL, PAGES 290-319
◗ Présentation de la question
• La séquence intitulée « Gouverner la France
depuis 1946. État, gouvernement et administration. Héritages et évolutions » s’inscrit en ouverture du thème sur les « échelles de gouvernement
dans le monde ». La France est donc le support
d’une réflexion sur l’échelle de l’État-nation
dans la seconde moitié du XXe siècle.
• Il ne s’agit pas, comme c’était le cas dans
l’ancien programme, de proposer une histoire
politique classique de la France contemporaine, retraçant la succession des dirigeants
et de leurs politiques respectives. On n’a plus
à entrer dans le détail de la vie politique sous
la IVe République (Tripartisme, Troisième
Force, MRP, Poujadisme, etc.) puis sous la
Ve République (histoire détaillée des partis). Il
est bien sûr encore nécessaire de connaître les
institutions des deux dernières républiques (étudiées en classe de Première), mais on insistera
plutôt ici sur la continuité entre les deux régimes,
c’est-à-dire à la permanence de l’État, de son
appareil et de son action. Il ne s’agit pas pour
autant de donner un cours de droit administratif ou d’éducation civique. Il faut plutôt mettre
en perspective l’histoire de l’État et faire comprendre aux élèves qu’il est un objet historique.
L’État s’est construit dans la longue durée et il
reste aujourd’hui l’objet de débats idéologiques
sur ses compétences et son rôle.
• L’État a connu un net élargissement de ses compétences à partir de 1945 : à côté de ses fonctions « régaliennes » traditionnelles (la sécurité,
la justice, la défense), il a dû prendre en charge
de nouveaux domaines (sécurité sociale, planification économique, aménagement du territoire,
démocratisation de l’enseignement, politique
culturelle). De ce point de vue, la Ve République
est largement l’héritière de la IVe, contrairement
à ce qu’une histoire politique traditionnelle, très
marquée par la rhétorique gaulliste de la rupture, laisse entendre. Puis le rôle de l’État a été
profondément modifié à partir des années 19701980 sous l’effet de plusieurs phénomènes :
construction européenne, mondialisation libérale (avec critique de l’État-providence), décentralisation. Dépassé en quelque sorte par le haut
(l’Europe, le marché mondial) et par le bas (les
régions), l’État a été contraint de redéfinir son
champ et ses moyens d’action.
• Après avoir été interventionniste et omniprésent, l’État s’est donc recentré sur son « cœur de
métier ». On se gardera cependant de conclure
trop hâtivement à une perte d’influence, voire à
un déclin de l’État. Celui-ci reste un acteur essentiel, même s’il délègue une partie de ses compétences aux collectivités territoriales et à l’Union
européenne. Surtout, une forte demande sociale
de protection étatique, face aux bouleversements
de la mondialisation, entraîne aujourd’hui une
critique des politiques de libéralisation menées
depuis les années 1980, ce qui montre que l’État
est loin d’avoir dit son dernier mot.
o
B
it
e
s
s
o
B
• 166
◗ Bibliographie
S. Berstein et M. Winock (dir.), La République
recommencée, de 1914 à nos jours, Éditions du
Seuil, 2004.
S. Berstein (dir.), Les Années Giscard. Institutions
et pratiques politiques (1974-1978), Fayard, 2003.
P. Bezes, Réinventer l’État, les réformes de l’administration française (1962-2008), PUF, 2009.
P. Birnbaum, Les Sommets de l’État. Essai sur
l’élite du pouvoir en France, Éditions du Seuil,
1994 (rééd.).
P. Birnbaum, La Classe dirigeante française,
Éditions du Seuil, 1978.
D. Chagnollaud et J.-L. Quermonne, Le
Gouvernement de la France sous la Ve République,
Fayard, 1996.
« Les collectivités territoriales : dix ans de décentralisation », revue Cahiers français n° 362,
La Documentation française, 2011.
J.-M. Gaillard, L’ENA, miroir de l’État de 1945 à
nos jours, Complexe, 1999.
J. Garrigues (dir.), La France de la Ve République,
1958-2008, Armand Colin, 2008.
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
P. Rosanvallon, L’État en France de 1789 à nos
jours, Éditions du Seuil, 1990.
P. Rosanvallon, Le Modèle politique français. La
société civile contre le jacobinisme de 1789 à
nos jours, Éditions du Seuil, 2006.
« Serviteurs de l’État », revue Pouvoirs n° 117,
Éditions du Seuil, 2006.
J.-F. Sirinelli (dir.), J. Garrigues, S. Guillaume,
Comprendre la Ve République, PUF, 2010.
Y. Thomas, Histoire de l’administration, La
Découverte, 1995.
M. Zancarini-Fournel et C. Delacroix, La France
du temps présent, Belin, 2010.
◗ Plan du chapitre
it
Le chapitre est ensuite organisé selon un plan
chronologique. Une approche purement thématique aurait sans doute été trop complexe pour
les élèves.
Le premier cours est consacrée à la refondation
de l’État républicain au lendemain de la Seconde
Guerre mondiale, insistant notamment sur la redéfinition de ses domaines de compétences et la
constitution d’une nouvelle administration performante. L’ENA qui joue un rôle crucial dans
ce processus fait ensuite l’objet d’une étude. Le
deuxième cours montre en quoi l’État gaullien
des premières décennies de la Ve République
perpétue par delà les ruptures institutionnelles la
tradition centralisatrice et interventionniste de la
IVe République. Il élargit également le champ du
gouvernement à de nouveaux domaines comme
la culture et les arts, ce dont témoigne la double
page Histoire des Arts qui suit, qui analyse le
rapport étroit tissé par le président Pompidou
entre les arts et la politique. Le troisième cours
montre enfin comment depuis 1974, l’État s’est
délesté de certaines de ses attributions et a vu son
efficacité et sa légitimité remises en question.
Le chapitre se clôt sur quatre études qui s’intéressent respectivement à la place des femmes
dans le gouvernement de la France, au processus
de décentralisation, aux problèmes spécifiques
posés par le gouvernement des outre-mers et à
la manière dont les périodes de cohabitation ont
pu modifier les modes de gouvernement du pays.
Ces dossiers transversaux permettent à l’enseignant de mettre en perspective, à partir d’un fil
thématique de son choix, les grandes tendances
vues dans la partie cours du manuel.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
La double page d’ouverture, qui montre le
président de la République aux côtés d’une présidente de région d’une part, d’une chancelière
allemande de l’autre, permet de poser d’emblée
la problématique du chapitre : comment et pourquoi l’État doit-il aujourd’hui partager ses compétences en matière de gouvernement ? Et cela
a-t-il toujours été le cas ? Pour replacer cette problématique dans la longue durée, la double page
suivante (Retour sur…) permet de familiariser
les élèves avec l’histoire spécifique de l’État en
France, en retraçant les moyens et les moments
de son affirmation. Une double page Repères
complète ce triptyque liminaire, proposant les
principaux organigrammes institutionnels et
cartes administratives nécessaires à la bonne
compréhension du chapitre par les élèves. Elle
a été conçue, comme la double page précédente,
de manière à ce qu’ils puissent s’y référer à tout
moment au fil du cours, afin de trouver rapidement les informations fondamentales qui pourraient leur faire défaut.
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
167 •
it
Commentaire des documents et réponses aux questions
◗ Ouverture de chapitre
� MANUEL PAGES 290-291
Doc. 1. Le pouvoir central doit composer
avec les pouvoirs locaux
e
s
s
l’État a accru son poids et son rôle par-delà les
changements de régimes. La page de droite fournit la définition des principaux mots clés utiles à
la compréhension du chapitre et qui peuvent être
source de confusion pour les élèves. Un tableau
montre comment l’État a achevé la construction
nationale du pays au cours du XIXe siècle. Enfin,
deux textes permettent de mettre en perspective
l’ensemble du dossier, qui insistent sur la continuité du processus de centralisation depuis la
monarchie jusqu’à la République (Tocqueville)
et sur le rôle souvent négligé de l’administration
dans le gouvernement de la France (Bernstein).
o
B
it
e
s
s
o
B
(Photographie d’une visite en Poitou-Charentes du
président de la République Nicolas Sarkozy, le 6 juin
2011.)
Cette photographie illustre le poids grandissant pris par les exécutifs locaux, élus au suffrage universel direct depuis les lois Defferre
de 1982. Cette relation entre pouvoir local et
pouvoir national peut être d’autant plus problématique quand, comme c’est le cas ici, ils sont
aux mains de dirigeants issus de camps politiques opposés. C’est d’autant plus évident ici
que la présidente de région, Ségolène Royal, fut
la rivale de Nicolas Sarkozy à l’élection présidentielle de 2007. La présence d’un préfet en
uniforme, à l’arrière-plan, montre toutefois que
l’État conserve, malgré la décentralisation, des
moyens de contrôle sur la gestion des collectivités locales.
Doc. 2. …Et avec ses partenaires européens
(Photographie de la chancelière allemande Angela
Merkel et du président français Nicolas Sarkozy,
à Paris, le 5 décembre 2011.)
Cette photographie montre à quel point, du fait
de l’intégration européenne de la France, les dirigeants nationaux sont désormais tenus de penser
et de coopérer à l’échelle supranationale. C’est
particulièrement vrai ici, dans un contexte de crise
économique internationale, qui nécessite de trouver des solutions adaptées et acceptées par l’ensemble des pays de la zone euro, sur laquelle on
sait que l’Allemagne exerce une forte influence.
◗ Retour sur…
Comment la France est-elle gouvernée ?
� MANUEL, PAGES 294-295
Cette double page réunit les outils indispensables à la compréhension du chapitre pour les
élèves. Elle a été conçue non pour être étudiée
en soi, mais pour que les élèves s’y réfèrent régulièrement au fil du chapitre afin de bien comprendre les mécanismes institutionnels auxquels
il est fait référence.
La page de gauche présente d’une part les
institutions de la France depuis 1946 (IVe et
Ve République) ainsi que leurs évolutions, et le
« millefeuille » institutionnel créé par la décentralisation et l’intégration européenne d’autre
part. La page de droite permet aux élèves de
localiser les différentes collectivités territoriales
de métropole et d’outre-mer.
1. La refondation de l’État républicain
(1946-1958)�
� MANUEL, PAGES 297-298
L’État en France
� MANUEL, PAGES 292-293
Cette double page est destinée à permettre une
rapide mise en perspective de la place de l’État en
France sur la longue durée. Remontant à la mise
en place de la monarchie absolue, elle montre
au travers de cinq « grands repères » comment
• 168
◗ Repères
Doc. 1. Le plan d’équipement
et de modernisation
Ce texte est issu des Mémoires de Jean Monnet
qui, à la tête du Commissariat au Plan ou de la
CECA, incarne la figure du haut fonctionnaire
serviteur de l’État typique de la IVe République.
Il est relatif à la création du Commissariat gé© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
néral au Plan, qui témoigne de l’extension du
champ de compétence étatique au lendemain de
la Seconde Guerre mondiale.
• Question 1. L’objectif du Plan est double.
D’une part reconstruire la France ravagée par
des années de guerre et d’occupation. D’autre
part, faire en sorte que cette reconstruction ne
soit pas une simple restitution à l’identique de
la France d’hier, mais l’occasion de créer une
France nouvelle, moderne et innovante. Il s’agit
donc de faire d’un désastre une opportunité pour
un nouveau départ.
• Question 2. Jean Monnet relativise l’impact
concret de l’instabilité gouvernementale caractéristique de la IVe République. En effet, si
les présidents du Conseil et leurs ministres ne
cessent de changer, les hommes qui gèrent au
quotidien le pays sont les mêmes d’un gouvernement à l’autre. Ce fut le cas de J. Monnet, qui
vit passer six présidents du Conseil durant ses
sept années à la tête du Plan. Les vingt années
suivantes virent se succéder vingt-huit gouvernements, mais seulement trois commissaires au
Plan.
it
absolue (soit au moins 314 députés) nécessaire
pour gouverner. Il faut donc, pour constituer des
alliances, au moins quatre partis, ce qui rend
celles-ci fragiles. On conçoit dès lors que ces
coalitions sont souvent rompues par la défection
d’un des partis, provoquant un changement de
gouvernement.
e
s
s
Doc. 4. L’œuvre de la IVe République
(Panneau scolaire Rossignol, 1953.)
o
B
it
e
s
s
o
B
Doc. 2. De nouvelles missions pour l’État
Ce texte est extrait du célèbre préambule de la
Constitution de la IVe République, repris dans la
Constitution de la Ve République. Il résume les
grandes orientations fixées par le Conseil national de la Résistance en vue de la refondation
d’un État républicain.
• Question. En plus de ses champs d’action
traditionnels que sont la justice, la police et la
défense, l’État intervient dans trois domaines :
– l’économie, par la nationalisation des entreprises en situation de monopole ou assurant un
service public ;
– la protection sociale, avec la création de la
Sécurité sociale ;
– l’instruction et la culture, notamment en permettant à tous d’accéder à un enseignement public gratuit et laïque.
Doc. 3. L’Assemblée nationale élue en 1951
• Question. Le recours au scrutin proportionnel permet la représentation au Parlement d’une
multitude de partis, plus de sept ici. En conséquence, aucun parti ne possède à lui seul, ni
même en coalition avec un autre, la majorité
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
Cette image à usage scolaire dresse un portrait
élogieux de l’œuvre de la IVe République. Elle
montre, par-delà son caractère laudateur, qu’il
convient de déconstruire avec les élèves, comment l’instabilité gouvernementale n’a pas empêché l’État d’agir concrètement et rapidement
pour la reconstruction du pays.
• Question. Ce document est une illustration
produite par la société Rossignol en 1953. Elle
est destinée à être affichée dans les salles de
classe. Elle veut montrer que la France s’est
mise au travail (usines, bus de ramassage des
ouvriers), reconstruite (omniprésence des chantiers), et modernisée (tracteur dans les champs,
avion dans le ciel). Cela permet aux Français,
qui sortent d’une période de pénurie et de rationnement, d’être bien nourris (camions du laitier
et du boulanger), bien logés (lotissements modernes) et en bonne santé (stade municipal offrant des loisirs sportifs).
◗ Étude
Apprendre à gouverner : l’École nationale
d’administration (ENA)
� MANUEL, PAGES 298-299
réponses aux questions
1. La création de l’ENA en 1945 a pour but de
doter la France de hauts fonctionnaires formés
aux techniques modernes de l’administration. Ils
auront pour tâche d’encadrer la reconstruction et
la modernisation du pays. Il s’agit également de
renouveler les élites gouvernementales et administratives, dont une bonne partie se sont compromises durant la guerre et doivent donc être
écartées. Dans l’optique de ce renouvellement,
une attention particulière est apportée à la diversité des profils des élèves recrutés, le concours
d’entrée devant laisser toute leurs chances aux
candidats issus de milieux modestes ou n’ayant
pas suivi une formation universitaire très poussée.
169 •
2. Afin de disposer de fonctionnaires adaptés à la
France nouvelle, l’ENA forme ses élèves « aux
techniques de la vie administrative et politique »,
techniques qui se sont compliquées à mesure que
les compétences de l’État se sont accrues. L’École
tient également à leur dispenser un enseignement
propre à « développer en eux le sentiment des
hauts devoirs que la fonction publique entraîne »,
notamment en termes d’éthique. Il s’agit ainsi
de tourner la page du régime de Vichy qui a vu
nombre de hauts fonctionnaires républicains
mettre en œuvre des politiques contraires aux
idéaux républicains.
3. L’ENA est censée former des hauts fonctionnaires pour l’administration publique. Mais
les anciens élèves de l’école exercent souvent
d’autres fonctions. Beaucoup se lancent en politique et exercent des fonctions électives (député,
président de la République) ou gouvernementales (ministre). Certains choisissent de « pantoufler » en occupant des postes dans le secteur
privé, ce qui pose un problème déontologique
(risque de conflits d’intérêts, de trahison de secret d’État, etc.).
4. L’ENA fait l’objet de nombreuses critiques,
dont témoigne bien le terme péjoratif « énarque »
désormais passé dans le langage courant : les
anciens élèves de l’École se seraient en quelque
sorte approprié l’ensemble des leviers du pouvoir en France, tant dans le secteur politique
qu’économique. Il y a là selon Mendès-France
une « confiscation antidémocratique de l’appareil d’État » par un réseau d’initiés. Ces élites
sont également critiquées pour leur présumée
arrogance (les « Jeunes Messieurs ») et leur
suffisance : « de moins en moins, le doute les
effleure ». La caricature de Plantu présente
l’énarque (ou le candidat à l’ENA) comme un
jeune bourgeois issu des beaux quartiers de la
région parisienne (Neuilly).
5. Créée au lendemain de la Libération afin de
doter la France de nouvelles élites administratives tout à la fois républicaines, compétentes et
efficaces, l’ENA a parfaitement joué son rôle.
À tel point que ses anciens élèves sont désormais omniprésents dans la direction politique,
administrative et économique du pays. On les retrouve aux plus hautes fonctions politiques, dans
les cabinets ministériels et à la tête de quelques
unes des plus grandes entreprises nationales.
it
2. L’État gaullien (1958-1974)
e
s
s
� MANUEL, PAGES 300-301
Doc. 1. La Ve République vue par F. Mitterrand
Cet extrait du célèbre réquisitoire écrit par
François Mitterrand en 1964 est intéressant à
double titre. D’une part pour ce qu’il dit des institutions de la Ve République et de la présidence
gaullienne. D’autre part, parce qu’une fois devenu président en 1981, son auteur s’est bien gardé
de changer ces institutions qu’il n’avait pourtant
cessé de critiquer.
• Question. François Mitterrand accuse le général de Gaulle d’avoir doté la France, avec la
Ve République, d’institutions monarchiques (« la
possession du pouvoir par un seul homme »).
Mais il va plus loin, comparant cette monarchie
aux pires dictatures du XXe siècle (« Duce,
Führer, caudillo, conducator, guide »). En personnalisant le pouvoir autour de la personne
d’un président tout puissant, de Gaulle dépossèderait de tout pouvoir réel les autres élus.
o
B
it
e
s
s
o
B
• 170
Doc. 2. Un président charismatique
(Photographie du président de Gaulle à Verdun,
février 1968.)
• Question. Le président de Gaulle est ici vêtu de
son uniforme de général. Il utilise ainsi son passé
héroïque de chef de la France libre pour légitimer
et sacraliser sa fonction présidentielle. La pratique du bain de foule, qui met le chef de l’État au
contact direct du peuple, sied parfaitement à un
homme qui a théorisé la nécessité d’une relation
directe entre le Président et la Nation.
Doc. 3. L’État entrepreneur
(Le président de Gaulle et le ministre de l’Industrie
Jean-Marcel Jeanneney visitent l’usine gazière de
Lacq, 17 février 1959.)
Cette photographie du président de Gaulle et de
son ministre de l’Industrie à Lacq illustre l’importance prise par l’État dans la vie économique
de la France à la Libération. L’État est en effet
propriétaire de 54 % du capital de cette entreprise gazière, qui incarne la volonté de moderniser le pays en développant des activités innovantes dans lesquelles la France peut montrer ses
compétences technologiques.
Doc. 4. Les « technocrates » et les « politiques »
Dans cet ouvrage publié à la fin de sa vie, le
président Pompidou s’inquiète de la place croissante des « technocrates » dans l’appareil d’État.
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
• Question 1. Pour Pompidou, un gouvernant
doit d’abord et avant tout faire preuve de qualités humaines. Il doit connaître son peuple par
une fréquentation assidue du terrain. Il doit toujours privilégier l’analyse du concret par rapport
aux modèles théoriques. Le suffrage universel
est précisément destiné à contraindre les prétendants au gouvernement à la rencontre direct avec
les gouvernés.
◗ Histoire des Arts
Pompidou et les arts
it
• Question 2. Pompidou appelle « technocrates »
les membres des cabinets ministériels issus
de l’ENA ou des autres grandes écoles. Il leur
reproche de ne pas correspondre à son idéal de
bons gouvernants : ils sont capables d’élaborer
de brillantes théories mais ne sortent pas de leur
bureau, ils ont énormément de pouvoir mais ne
se sont jamais soumis au suffrage universel. Il
les compare aux nobles de l’Ancien Régime qui
monopolisaient les offices et ne sortaient pas de
Versailles.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
� MANUEL, PAGES 302-303
Analyse de l’œuvre
Observer
Interpréter
1. Construit en plein cœur de Paris, dans un quartier
dont les bâtiments les plus récents datent du XIXe siècle
et dont le bâti est très dense, le Centre Pompidou, avec
son architecture futuriste et son gigantisme, est clairement en rupture avec son environnement urbain.
2. Le mobilier futuriste de Pierre Paulin, tant dans sa
forme que dans les matériaux utilisés, est installé à
l’intérieur du palais de l’Élysée, une demeure de style
classique du XVIIIe siècle. Le contraste entre l’intérieur et l’extérieur du Palais est saisissant.
Au travers de ses choix esthétiques, Pompidou veut
montrer que la France ne doit pas rester figée dans le
passé, accrochée à ses traditions, mais doit savoir les
redynamiser en innovant en permanence. Il veut montrer que la France n’est pas qu’un passé, mais aussi un
avenir, un pays capable de se moderniser et de rivaliser
avec les grandes puissances du XXe siècle.
3. Le Centre Pompidou, situé en plein cœur de Paris,
accueillant des millions de visiteurs du monde entier,
est destiné au grand public. Au contraire, l’Élysée qui
est la résidence du chef de l’État, n’est accessible qu’à
ses invités.
Le Centre Pompidou est destiné à devenir, au même
titre que la tour Eiffel en son temps, un emblème populaire d’une France moderne, innovante et tournée
vers l’avenir. Les intérieurs de l’Élysée cherchent à
transmettre le même message, mais principalement
à l’égard des hôtes étrangers qui y sont reçus par le
Président.
4. Selon Pompidou, il existe un lien étroit entre l’art et
le pouvoir politique. En effet, tous les grands moments
de l’histoire politique universelle ont correspondu à de
grands moments de l’histoire des arts. Les grands dirigeants ont souvent été des mécènes, encourageant les
créateurs et cherchant à mettre les arts au service du
prestige de l’État.
Parce que le rayonnement artistique d’un pays est traditionnellement la manifestation de sa prospérité économique et politique, il est important pour la France de
ne pas négliger ce domaine. Il s’agit pour Pompidou
d’affirmer aux yeux du monde l’ambition et le rang du
pays qu’il dirige.
5. Le président Pompidou a placé l’art au cœur de son mandat présidentiel. D’abord en créant le Centre Pompidou,
destiné à être à la fois un lieu d’initiation populaire aux arts contemporains et un lieu de création des œuvres de
demain. Par ailleurs, Pompidou s’est toujours soucié du caractère esthétique de ses décisions : pas un meuble,
pas un bâtiment n’a été commandé sans une réflexion sur sa forme autant que sur son usage. L’esthétique pompidolienne ainsi promue se caractérise par un caractère résolument novateur qui témoigne des rêves de grandeur
et de modernité qui imprégnait la France des Trente Glorieuses.
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
171 •
3. L’érosion du pouvoir de l’État
(1974-2012)
� MANUEL, PAGES 304-305
Doc. 1. La présidence : alternance et continuité
Cette photographie de la passation de pouvoir
entre le président Giscard d’Estaing et le président Mitterrand a été prise sur les marches du
palais de l’Élysée en mai 1981. Elle illustre à la
fois la rupture que constitue l’alternance, et la
continuité des lieux, du décorum et de la fonction présidentiels.
◗ Étude
it
Le gouvernement est-il une affaire
d’hommes ?
e
s
s
� MANUEL, PAGES 306-307
Réponses aux questions
1. En 1988, plus de quarante ans après qu’elles
ont obtenu le droit de vote et d’éligibilité, Michel
Rocard dresse le constat de la sous-représentation des femmes parmi le personnel politique.
À l’Assemblée nationale comme au Sénat, elles
sont moins de 10 %.
2. Selon Valéry Giscard d’Estaing, la sous-représentation des femmes en politique a pour cause
les réticences des hommes à leur céder des postes
de pouvoir. Cette réticence ne serait selon lui pas
tant la manifestation d’une misogynie que de la
rareté des postes en question, qui poussent leurs
détenteurs à s’y accrocher, au détriment des prétendants hommes ou femmes.
3. Michel Rocard et Valéry Giscard d’Estaing
sont tous deux d’accord pour dire qu’il faut accroître la présence des femmes dans la vie politique. Le premier pense que cela se traduirait par
une meilleur efficacité du gouvernement, car les
femmes sont « habituées à gérer un emploi du
temps chargé […] pour concilier vie professionnelle et vie familiale ». Le second estime que la
présence féminine permettrait d’introduire « un
plus grand réalisme, davantage de prudence
[…], une intuition plus juste des réalités de la
vie quotidienne ». Si le souhait de promouvoir
la présence de femmes au gouvernement peut
être qualifié de féministe, les arguments utilisés par ces deux hommes de pouvoir ne le sont
guère : ils reconduisent en effet certains clichés
sexistes sur une prétendue nature féminine (faite
de « prudence », d’« intuition », etc.).
4. La présence des femmes en politique s’est accrue à partir des années 1970 grâce à l’action de
certains hommes de pouvoir qui ont usé de leurs
prérogatives pour nommer des femmes à des
postes clés. C’est notamment le cas de Simone
Veil, qui après avoir été ministre de la Santé, fut
choisie pour présider le Parlement européen.
5. Cette couverture du magazine Paris Match,
publiée à l’occasion de l’arrivée à Matignon de
la première femme Premier ministre, comporte
de nombreuses formulations qui témoignent
des différences de traitement entre hommes et
o
B
it
e
s
s
o
B
Doc. 2. L’État, entre les régions et l’Europe
• Question. Pour François Mitterrand, la décentralisation qu’il a initiée dix ans plus tôt était
nécessaire afin de corriger les excès des institutions de la Ve République, qu’il avait dénoncées
dans son livre Le Coup d’État permanent (cf.
doc. 1 p. 301 du manuel). Elle a « créé les contrepouvoirs indispensables à notre démocratie trop
axée sur Paris et l’administration d’État ». Il critique ici un pouvoir central trop fort.
Doc. 3. Une nouvelle forme de cohabitation
• Question. Traditionnellement, le terme de
cohabitation désigne le partage de l’exécutif
entre un président d’un bord politique et un gouvernement issu d’une majorité parlementaire
d’un camp opposé. En 2004, le chef de l’État
et le Premier ministre sont tous les deux issus
des rangs de l’UMP. La France n’est donc pas
dans une période de cohabitation. Mais la victoire de la gauche dans la quasi totalité des scrutins régionaux crée une situation inédite, que le
chroniqueur Jean-Christophe Giesbert qualifie
de cohabitation : une séparation entre un pouvoir
central (présidence, gouvernement, Parlement) à
droite, et un pouvoir local (collectivités territoriales) majoritairement à gauche.
Doc. 4. Un État « écrasant »
• Question. En bon libéral, Pascal Salin reproche
à l’État son interventionnisme qu’il estime excessif et inefficace : « la France bat des records d’interventionnisme étatique, mais elle bat aussi des
records de croissance faible, de chômage, d’insécurité ». En plus d’être intrusif, omnipotent et
inefficace, l’État serait spoliateur, car il a besoin
d’argent pour financer ses multiples actions, et il
découragerait les initiatives en écrasant les entrepreneurs de « contrôles » et de « sanctions ».
• 172
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
femmes politiques. On imagine mal notamment
un tel luxe de détails sur la tenue vestimentaire
et les goûts en termes de shopping s’il s’était agi
d’un homme.
6. Mariette Sineau met en évidence un paradoxe.
Alors que des mesures concrètes ont été prises
pour accroître la présence féminine dans les assemblées élues (loi sur la parité), elles ont obtenu de très faibles résultats. Cela s’explique par le
fait que les partis parviennent à contourner cette
loi, soit en payant des amendes, soit en présentant des femmes dans des circonscriptions « ingagnables ». D’un autre côté, d’indéniables progrès ont été fait quant à la présence de femmes
dans les gouvernements, alors qu’aucune loi n’a
été adoptée pour cela. Cela s’explique par le fait
que les membres des gouvernements sont nommés par le chef de l’État selon son bon vouloir,
sans en passer par le processus électoral. Il est
donc plus simple de faire « bouger les choses »
rapidement dans ce domaine.
7. Depuis 1958, des progrès considérables ont été
accomplis dans la féminisation du personnel politique. Une femme a accédé au poste de Premier
ministre (Édith Cresson) et une autre au second
tour de l’élection présidentielle (Ségolène Royal).
Par ailleurs, la prise de conscience du problème
que constitue la sous-représentation féminine en
politique est allée croissant, provoquant l’adoption d’une loi visant à y remédier. Si les effets
de celle-ci sont encore loin d’avoir résolu le problème, ils ont cependant permis des progrès notables. Le souci paritaire est désormais au cœur
des politiques de nomination aux postes clés du
gouvernement et de l’administration. Pour la première fois, en mai 2012, le gouvernement Ayrault
a respecté une stricte parité avec 17 femmes sur
34 ministres et ministres délégués.
it
L’hypercentralisme français a selon lui un effet
néfaste : « c’est en effet le signe et la raison du
sous-développement français ». L’État s’évertuerait à tuer toute velléité d’autonomie locale pour
conserver le monopole du pouvoir, quitte à nuire
à la prospérité des territoires locaux gérés maladroitement depuis Paris.
2. D’après Laurent Fabius, si les socialistes sont
soucieux d’introduire la décentralisation en
1981, c’est qu’ils ont pendant longtemps exercé
des fonctions dans les collectivités locales et
ont pu constater la faiblesse de leurs marges de
manœuvre à l’égard de l’État. Il s’agissait plus
largement de maquer une rupture symbolique
avec l’État gaullien hypercentralisé.
3. Les lois Defferre donnent aux collectivités
territoriales une plus grande autonomie. Le
contrôle de l’État sur leurs décisions n’est plus
effectué a priori mais a posteriori. Ce faisant,
elles rapprochent les lieux de décision des citoyens qui en bénéficient.
4. La monumentalité du siège du conseil régional de Languedoc-Roussillon, le caractère charismatique de son président décédé, témoignent
du poids croissant pris par les régions dans le
gouvernement de la France. La taille du bâtiment
laisse en effet imaginer le nombre important de
fonctionnaires qui y sont employés, et par là
même l’ampleur des dossiers qu’ils ont à gérer.
5. La réforme constitutionnelle de 2003 introduit
le principe de subsidiarité, selon lequel les collectivités territoriales sont compétentes sur l’ensemble des décisions « qui peuvent être le mieux
mises en œuvre à leur échelon ». Elles peuvent
même déroger à la loi nationale pour mettre en
place des expérimentations ou des adaptations
locales. Par ailleurs, elles peuvent organiser des
référendums locaux.
6. Jean-Michel Guérineau dénonce le fait que la
décentralisation donne lieu à un transfert massif de compétences de l’État vers les collectivités territoriales, sans que les moyens financiers
d’y faire face soient donnés à ces dernières.
En conséquence, il envisage de déposer plainte
contre l’État pour obtenir une compensation
financière, car la loi prévoit que « tout transfert
de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution
de ressources équivalentes à celles qui étaient
consacrées à leur exercice » (cf. doc. 4 p. 309 du
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
◗ Étude
La décentralisation : une nouvelle façon
de gouverner la France
� MANUEL, PAGES 308-309
réponses aux questions
1. Jean-Jacques Servan-Schreiber souligne
l’excep­
tion française que constitue le clivage
entre Paris et « la province », terme dont il souligne qu’il n’a pas d’équivalent en langue étrangère, précisément parce qu’il n’existe pas de
pays où un tel fossé sépare la capitale du reste.
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
173 •
manuel). Une première condamnation de l’État
par le Conseil d’État a été obtenue par le conseil
général de Saône-et-Loire en 2010.
7. Afin de rapprocher le processus de décision
des citoyens et de pouvoir adapter les lois et règlements aux spécificités des territoires auxquels
ils s’appliquent, la France a mis en œuvre à partir des années 1980 un processus de décentralisation. Celui-ci s’est traduit par le renforcement
des compétences des collectivités territoriales au
détriment de l’État. Le caractère décentralisé de
la France est depuis 2003 un principe constitutionnel. Les régions disposent même du pouvoir
d’expérimenter, dans certains domaines qui ne
remettent pas en cause la cohésion nationale, des
politiques locales dérogatoires au droit commun
national.
◗ Étude
Gouverner la France d’outre-mer
1. Selon Aimé Césaire, le maintien des « vieilles
colonies » dans un statut différent de celui du
reste de la France constitue l’ultime vestige de
leur infériorisation du temps où elles étaient
soumises au système esclavagiste : « il ne doit
plus y avoir de place, pas plus entre les individus qu’entre les collectivités, pour des relations de maîtres à serviteurs ». Étant par ailleurs
« arrivées à leur maturité », elles posent des problèmes tout aussi complexes que ceux d’un territoire métropolitain, et ne peuvent donc plus être
gouvernées par le seul ministère des Colonies.
2. La départementalisation réclamée et obtenue
par Aimé Césaire en 1946 n’a pas tenu toutes ses
promesses. En effet, elle n’a pas mis fin au retard
économique et social dont souffrent, pour des raisons historiques et géographiques, ces régions.
Par ailleurs, l’assimilation voulue par Césaire a
pu être vécue comme une entreprise d’effacement
des spécificités culturelles locales, provoquant en
retour un mouvement de défense de celles-ci.
3. Pour répondre aux critiques suscitées par la
départementalisation, et dans le prolongement
des politiques de décentralisation mises en
œuvre à partir des années 1980 en métropole, les
collectivités d’outre-mer se sont vu octroyer la
possibilité de mener des politiques locales spé• 174
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
� MANUEL, PAGES 310-311
réponses aux questions
it
cifiques. Elles peuvent donc obtenir des aménagements de la loi, sauf dans les domaines essentiels où l’égalité et la souveraineté nationale ne
peuvent être adaptées. L’alternative à la départementalisation, pour certains militants, serait une
autonomie beaucoup plus large (doc. 2).
4. En devenant un département français à part
entière, Mayotte va devoir appliquer beaucoup
plus strictement les lois françaises que quand
elle n’était qu’une COM. Le choix de la départementalisation par les Mahorais peut surprendre,
dans la mesure où il va à rebours de la tendance
générale de l’outre-mer français : alors qu’on
y constate une aspiration à plus d’autonomie,
Mayotte va au contraire vers plus de convergence avec la métropole.
5. Parce que l’histoire et la géographie ont fait
des territoires d’outre-mer des régions aux
populations et aux économies très différentes
de celles de la métropole, la nécessité de leur
appliquer un gouvernement spécifique s’est vite
imposée. Cela passe par la création de statuts
divers (DOM et TOM d’abord, DROM et COM
ensuite), la délégation de compétences dans
le cadre des politiques de décentralisation, ou
encore la possibilité de procéder à des adaptations locales du cadre législatif et réglementaire
national.
◗ Étude
Gouverner en période de cohabitation
� MANUEL, PAGES 312-313
réponses aux questions
1. Lorsque survient la première cohabitation
en 1986, le problème se pose de la répartition
des rôles et des pouvoirs entre un Président et
un Premier ministre que la Constitution de 1958
avait imaginés nécessairement du même camp.
Chacun des deux disposant de moyens d’entraver l’action de l’autre, un risque de blocage
existe, ce dont témoigne le refus par François
Mitterrand de signer l’ordonnance préparée par
le gouvernement en 1986.
2. La politique étrangère est le domaine le plus
complexe à gérer en période de cohabitation,
parce qu’elle révèle très clairement le caractère
bicéphale de l’exécutif. Le Président, qui est
également le chef des armées, est le représentant
légitime de la France sur la scène internationale.
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
Mais il ne peut pas ne pas tenir compte de l’avis
du Premier ministre et du ministre des Affaires
étrangères, soutenus par la majorité parlementaire. Par ailleurs, le Premier ministre, même s’il
est en désaccord avec le Président, ne doit pas
écorner l’image internationale de la France, et ne
peut donc pas ouvertement critiquer le Président
dans ce domaine sensible et considéré par lui
comme « réservé » qu’est la politique étrangère.
3. D’après Lionel Jospin, le Président est avantagé par rapport au Premier ministre en période de
cohabitation, car il peut attaquer sans retenue les
choix de politique intérieure du gouvernement.
Le Premier ministre, lui, est contraint de modérer ses critiques à l’égard du Président, pour
préserver la dignité de la fonction présidentielle
et éviter de brouiller l’image internationale de
la France. Cet avantage présidentiel en période
de cohabitation tend à être confirmé par le fait
que François Mitterrand puis Jacques Chirac ont
tous deux été réélus à la présidence au terme des
épisodes de cohabitation.
4. L’adoption du quinquennat a permis de caler la
durée du mandat présidentiel sur celui du mandat des députés (5 ans). Président et députés sont
désormais élus à quelques semaines d’intervalle,
ce qui rend peu probable une nouvelle cohabitation. L’inversion du calendrier est destinée à faire
de la présidentielle l’élection suprême, qui parce
qu’elle se produit avant les législatives, leur sert
de prélude et annonce leur probable résultat.
5. Les trois expériences de cohabitation ont
conduit à des modifications du fonctionnement
de la Ve République. Elles ont d’abord contribué à préciser les attributions respectives du
Président et de son Premier ministre, dont la distinction n’était pas toujours claire dans le texte
de 1958. Elles ont ensuite conduit à l’adoption
de la réforme du quinquennat, afin de faire en
sorte que le Parlement soit désormais du même
camp que le Président. Mais le droit de dissolution dont dispose ce dernier, et les aléas du suffrage universel, ne rendent cependant pas totalement impossible une nouvelle cohabitation.
◗ BAC
Étude critique de documents
Étudier une caricaturee
e
s
s
it
� MANUEL, PAGES 316-317
réponses aux questions des encadrés
Sujet : Gouverner la France au début
du XXIe siècle.
1. Les élections législatives de juin 
2002
consacrent la victoire de la droite. Elles font suite
à l’élection de Jacques Chirac à la présidence le
mois précédent pour un deuxième mandat.
2. En 1997, la dissolution de la Chambre des
députés par Jacques Chirac, président de la
République depuis 1995, a mené à une cohabitation qui a duré jusqu’en 2002. De fait, c’est
le Premier ministre socialiste Lionel Jospin qui
gouvernait la France.
3. La Ve République est un régime unique en
Europe, avec un double exécutif composé ici du
Premier ministre Jean-Pierre Raffarin et du président Jacques Chirac.
4. Les socialistes font face à une double défaite.
Le 21 avril 2002, le candidat socialiste n’a pas
été présent au second tour des présidentielles. En
juin, l’UMP remporte 33 % des voix à l’Assemblée nationale contre 24 % pour les PS.
5. La voiture et son conducteur représentent
l’économie française dans un contexte de mondialisation libérale.
6. Plantu veut montrer que l’économie mondialisée et en crise laisse très peu de marge de
manœuvre à un gouvernement dont les décisions sont imposées par le contexte international. On peut aussi ajouter que cet affaiblissement de l’État, qui ne « conduit » plus, au sens
littoral, la politique de la Nation, est dû au fait
qu’il a délégué une partie de ses compétences
à d’autres pouvoirs (régions, Union européenne
par exemple).
o
B
it
e
s
s
o
B
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
BAC BLANC
Sujet : Gouverner la France en période de
cohabitation.
Ce dessin de Wolinski paru dans Libération
le 15 janvier 1987 présente le président de la
République socialiste François Mitterrand au
côté de son Premier ministre de droite Jacques
Chirac (RPR). Cette situation de cohabitation
dure depuis presque une année. Elle est issue
175 •
des élections législatives de mars 1986. Les
Français expriment lors de ce scrutin leur mécontentement vis-à-vis du gouvernement socialiste qui n’a pas réussi à trouver une réponse à
la crise économique et à la montée du chômage.
Les promesses de relance de 1981 n’ont pas été
tenues et le tournant de la rigueur pris par le pouvoir, à l’encontre des promesses de campagne,
n’a pas été efficace non plus.
Les représentants de ce double exécutif sont
représentés de manière identique, en Dupond
et Dupont du Tintin de Hergé. Wolinski laisse à
penser que leur action est très réduite (ils s’en
tiennent à des constatations météorologiques) et
que l’un ne fait que répéter l’autre. Il est vrai
que, parfois, la répartition des pouvoirs dans la
Constitution est trop floue pour permettre de
départager les attributions de chacun. C’est le
cas par exemple en politique étrangère, lorsqu’il
s’agit de représenter la France lors d’un sommet
(cf. doc. 3 page 313). Cependant, l’exercice du
pouvoir en politique intérieure est clairement attribué au Premier ministre. Loin de ne faire que
« doubler » le Président, Jacques Chirac mène
la politique de la Nation, souvent en désaccord
avec le premier.
◗ BAC BLANC
Étude critique de documents
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
� MANUEL, PAGE 318
Sujet : Le rôle de l’État français à l’heure de la
mondialisation libérale.
Ces deux documents permettent de comparer
deux manières très différentes de concevoir le
rôle de l’État. Ces divergences de vue sont à la
fois dues à l’orientation politique divergente de
leurs auteurs mais aussi à l’évolution du contexte
économique mondial en cette fin de XXe siècle.
Le premier document est un extrait des « 100
propositions pour la France » de Mitterrand
pour les élections présidentielles de 1981. On y
trouve des propositions inspirées par une vision
très interventionniste de l’État. L’État est planificateur, bien que de manière indicative. Son
intervention se traduit par des nationalisations
(de « neuf groupes industriels », de la sidérurgie, de l’armement et de l’espace, « du crédit et
des assurances ») et s’appuie « sur le dynamisme
du secteur public ». Cet interventionnisme n’est
cependant pas l’apanage de la gauche. L’État
• 176
it
gaullien, par exemple, n’a jamais remis en cause
ce rôle central accordé à l’État aménageur dans
la direction économique. L’État selon le PS en
1981 est aussi un État social, héritier de l’Étatprovidence né au lendemain de la Seconde
Guerre mondiale, comme le prouve la volonté
de relever le SMIC et les prestations sociales,
notamment familiales.
Le discours de Jacques Chirac, lui, annonce un
tournant dans la capacité d’action de l’État. Il
s’agit d’un recul net et d’une remise en cause
de son rôle. La crise économique et la hausse
du chômage ont porté la droite au pouvoir en
mars 1986. Jacques Chirac prône un désengagement de l’État important, et se fait le champion
du libéralisme économique. Cela se traduit par
une vague de privatisations, dont la liste « sera
clairement indiquée ». Sans remettre en cause la
Sécurité sociale, Chirac évoque la nécessité de
faire face à des « déséquilibres financiers » qui
annoncent des mesures d’économies, autant de
brèches dans l’État-providence, qui selon lui, se
« détruit lui-même, par obésité ».
Cette évolution de la manière dont se conçoit le
rôle de l’État est donc spectaculaire en 5 ans. Elle
s’explique par l’opposition idéologique entre la
gauche socialiste et la droite libérale (l’interventionnisme est « une menace d’amoindrir les libertés
individuelles » selon Chirac), mais aussi par l’évolution du contexte économique qui fait peu à peu
triompher l’idéologie libérale dans un contexte de
mondialisation et de crise économique.
◗ BAC BLANC
� MANUEL, PAGE 319
• Composition
Sujet 1 : Gouverner la France (1958-1974).
• Proposition de plan :
I. Un pouvoir présidentiel renforcé par les institutions de la Ve République.
II. Un État gaullien fortement interventionniste.
Sujet 2 : Gouverner la France depuis 1981.
I. Alternance et cohabitation, de nouvelles manières de gouverner la France.
II. L’affaiblissement du pouvoir central au profit
des collectivités territoriales.
III. Les nouveaux défis de l’État face à la libéralisation économique et la construction
européenne.
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
• Étude critique de document
Sujet : Les échelles de gouvernement en
France.
La France est un pays historiquement très centralisé. La loi de 1983 entame un changement
majeur. Les pouvoirs dévolus aux préfets sont
peu à peu transférés aux collectivités territoriales élues. La décentralisation suscite au départ
beaucoup d’inquiétudes. Michel Charasse écrit
en 2003, date à laquelle elle est renforcée et devient un principe constitutionnel.
Les causes de la décentralisation évoquées par
Michel Charasse sont multiples ici.
Elles sont d’une part purement politiques : il
s’agit pour une gauche reléguée dans l’oppo-
it
sition depuis les débuts de la Ve République de
permettre « un début d’apprentissage de la gestion des affaires publiques », « une formidable
école de formation ».
D’autres part, l’objectif est civique : les élections
locales permettraient de donner du sens et de
rendre concrète la nécessité d’un suffrage universel, « parfois bien contestée ».
Enfin, il s’agit surtout de pouvoir régler « directement sur le terrain » les problèmes quotidiens
des Français, et en même temps d’alléger la lourdeur de l’administration centralisée. Il s’agit là
d’une « vision à long terme », pour un État plus
efficace, « une démocratie qui respire mieux ».
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
177 •
Chapitre
11
it
Le projet d’une Europe politique
depuis 1948
e
s
s
� MANUEL, PAGES 320-345
◗ Présentation de la question
n° 60, octobre-décembre 1998, pp. 82-101). Le
traumatisme de la Seconde Guerre mondiale,
puis le contexte de la guerre froide, poussent
les Européens à se rapprocher afin d’éviter un
nouveau conflit, de reconstruire l’économie
européenne et d’éviter la propagation du communisme ; l’idée européenne connaît alors un
âge d’or. Le début des années 1950 marque un
véritable tournant : la « méthode Monnet », méthode à la fois fonctionnaliste et sectorielle, qui
doit déboucher in fine sur l’Europe politique,
s’impose : la CECA est créée. En parallèle du
projet de la CED, un premier projet politique, la
Communauté politique européenne, est proposé
en 1953. Mais le rejet de la CED en août 1954
par les parlementaires français conduit à une
crise du projet européen. Le passage de l’économique au politique (de la CECA à la CED, et
à la CPE) a échoué. La construction politique
est abandonnée pour un temps, et la relance est
économique lors de la conférence de Messine en
1955, qui conduit à la signature des traités de
Rome en 1957. Dans les années 1960, de Gaulle
tente de relancer la construction politique en proposant une union politique intergouvernementale (plans Fouchet en 1961 et 1962), mais il se
heurte à l’hostilité des autres États membres. La
crise de la chaise vide en 1965 et le « compromis
de Luxembourg » en 1966 bloquent toute évolution fédérale des Communautés européennes.
L’arrivée au pouvoir du nouveau couple francoallemand – Valéry Giscard d’Estaing et Helmut
Schmidt – se traduit par un retour des projets
politiques, avec la création du Conseil européen
et l’élection du Parlement européen au suffrage
universel direct. Mais l’élection de Margaret
Thatcher et la crise économique empoisonnent
les relations européennes : l’Europe politique
semble en panne. La situation se débloque lors
du sommet de Fontainebleau avec le règlement
de la question de la contribution britannique.
L’Acte unique (1986) entraîne un renforcement
o
B
it
e
s
s
o
B
• L’étude de la construction européenne s’insère
dans le cadre d’une réflexion sur les échelles de
gouvernement dans le monde. Pour l’échelle
continentale, l’étude porte sur le cas européen,
qui est l’exemple le plus abouti de régionalisme,
c’est-à-dire d’un rapprochement entre États
d’une même région du monde. Il ne s’agit pas
d’étudier la construction européenne dans son
intégralité, mais de se focaliser sur la construction politique et les questions qu’elle soulève.
Par conséquent, il ne faut évoquer les aspects
économiques de la construction européenne
que s’ils ont une portée politique. La problématique générale du chapitre est d’étudier les tensions entre les intérêts nationaux et les intérêts
européens. Ces tensions sont visibles à travers
la concurrence entre les deux logiques de la
construction européenne : la voie intergouvernementale et la voie fédérale (ou supranationale). Les unionistes sont partisans d’une simple
coopération intergouvernementale, qui ne porte
pas atteinte à la souveraineté nationale. Ils s’opposent aux fédéralistes, qui se prononcent en
faveur d’un dépassement de l’État-nation par la
création d’institutions supranationales placées à
la tête d’un État fédéral européen.
• L’étude commence avec le congrès de La Haye,
en 1948, qui marque un renouveau de l’idée
européenne et définit l’esprit de la construction
ultérieure. Elle se poursuit jusqu’à nos jours. Il
faut veiller à ne pas présenter la construction
européenne comme un phénomène linéaire, ce
qui conduirait à une approche téléologique. La
construction européenne ne répond pas à un processus planifié, elle s’est faite au gré des circonstances. L’historien Robert Frank définit ainsi
différents cycles, avec une alternance de phases
ascendantes de relance et de phases descendantes
de blocage (voir R. Frank, « Les contretemps
de l’aventure européenne », Vingtième siècle
• 178
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
de l’intégration économique et du vote à la majorité qualifiée. Le Traité de Maastricht en 1992
relance la dynamique européenne dans tous les
domaines, malgré l’émergence de l’euroscepticisme. Avec la disparition du bloc soviétique et
les élargissements successifs de l’Union européenne, l’Europe des 27 doit réformer ses institutions pour être plus efficace, tout en comblant
le déficit démocratique de plus en plus dénoncé
par les opinions publiques. Le rejet du Traité
constitutionnel par la France et les Pays-Bas
en 2005 et les hésitations actuelles pour faire
face à la crise financière montrent que l’Union
européenne connaît aujourd’hui une période de
doute.
• Dans l’intitulé du programme, le terme « projet » est important. En effet, si les objectifs politiques de l’Union européenne ont été définis
dès 1948, l’Europe politique n’est toujours pas
achevée et reste encore au stade de projet. La
question de sa forme entre États-Unis d’Europe
ou simple association intergouvernementale
n’est ainsi pas tranchée. Jacques Delors, pour
désigner cette construction inédite, parle d’une
« Fédération d’États-nations ». Malgré la création de la PESC en 1992, renforcée par le traité
de Lisbonne en 2007, l’Union européenne peine
aussi à s’affirmer comme une grande puissance
sur la scène internationale. Le sentiment européen reste faible par rapport au sentiment national et l’existence d’une identité européenne ne
va pas de soi. Enfin, il faut souligner des différences profondes entre les États et au sein même
des pays, entre les partis politiques et les catégories socio-professionnelles. Ainsi, les conceptions de l’Europe politique diffèrent d’un État
à l’autre ; les objectifs des États évoluant aussi
dans le temps en fonction du contexte international et des personnalités au pouvoir.
it
ropéenne », Vingtième siècle n° 60, octobredécembre 1998, pp. 82-101.
R. Frank, « L’histoire de l’Europe : l’histoire
d’un problème et une histoire du temps présent », Vingtième siècle n° 71, juillet-septembre
2001, pp. 79-89.
R. Girault, L’Europe en chantier 1945-1990,
La Documentation photographique n° 6015, La
Documentation française, 1990.
J.-L. Mathieu, Quelle Union pour l’Europe ?,
La Documentation photographique n° 8008, La
Documentation française, 1999.
Ch. Réveillard, Les dates-clefs de la construction européenne : histoire, institutions, traités,
politiques communes, Union économique et monétaire, élargissements, perspectives, Ellipses,
2004 (rééd.).
Pour une bibliographie exhaustive, voir
Historiens-géographes n° 399, juillet-août 2007,
pp. 145-183 : bibliographie à l’occasion de la
question au CAPES et à l’agrégation « Penser et
construire l’Europe de 1919 à 1992 ».
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
◗ Bibliographie
Pour commencer
B. Angel, J. Lafitte, L’Europe : petite histoire
d’une grande idée, Gallimard, coll. Découvertes
Gallimard, 2008 (rééd.).
J.-F. Drevet, Une Europe en crise ?, La
Documentation photographique n° 8052, La
Documentation française, 2006.
R. Frank, « Les contretemps de l’aventure eu© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
Ouvrages généraux sur la construction
européenne
M.-T. Bitsch, Histoire de la construction européenne de 1945 à nos jours, Éditions Complexe,
2008 (rééd.).
G. Bossuat, Les Fondateurs de l’Europe, Belin,
coll. Histoire sup., 2001.
B. Bruneteau, Histoire de l’unification européenne, Armand Colin, coll. « Prépas », 1996.
É. du Réau, L’Idée d’Europe au XXe siècle : des
mythes aux réalités, Éditions Complexe, 2008
(rééd.).
P. Gerbet, La Construction de l’Europe, Armand
Colin, coll. U, 2007 (rééd.).
D. Hamon, I.-S. Keller, Fondements et étapes de
la construction européenne, PUF, 1997.
B. Olivi, A. Giacone, L’Europe difficile, Folio
Histoire, 2007 (rééd.).
C. Zorgbibe, Histoire de la construction européenne, PUF, coll. Premier cycle, 1993.
Ouvrages sur la construction politique
de l’Europe
M.-T. Bitsch (dir.), Jalons pour une histoire du
Conseil de l’Europe, Peter Lang, 1997.
J.-C. Masclet, L’Union politique de l’Europe,
PUF, coll. Que sais-je ?, 2001 (rééd.).
179 •
Ph. Moreau Defarges, Les Institutions européennes, Armand Colin, coll. Compact, 2005
(rééd.).
Sources
J. Monnet, Mémoires, Fayard, 1988 (rééd.).
N. Roussellier, L’Europe des traités. De Schuman
à Delors, CNRS Editions, 2007.
Sitographie
http://europa.eu/index_fr.htm : site d’information officiel sur l’histoire de l’Union européenne.
www.touteleurope.eu : portail français sur les
questions européennes avec des outils (frise
chronologique, biographie).
www.cvce.eu : site de référence sur l’histoire de
la construction européenne, contient une documentation très riche.
◗ Plan du chapitre
it
les années 1969-1992 sont un tournant décisif
dans la construction d’une Europe politique.
Enfin, le cours 4 souligne le fait que l’Europe
politique reste au stade de projet et n’est toujours
pas achevée.
Ces leçons sont complétées par trois études. La
première étude concerne la première organisation politique européenne, le Conseil de l’Europe, et les limites de son action. La deuxième
étude invite à réfléchir sur l’existence d’un sentiment européen et montre les différences entre
les États membres. Enfin, la dernière étude
permet à l’enseignant d’évoquer la question européenne comme un enjeu majeur de la vie politique française, à partir du référendum sur le
projet de Constitution européenne organisé en
mai 2005.
Le chapitre comprend aussi deux doubles pages
qui sont des outils à utiliser tout au long des
séances. La première est composée de cartes
qui montrent les élargissements successifs de
l’Europe et l’existence de différents espaces au
sein de l’Europe en construction. La seconde,
une double page Repères, propose un organigramme des institutions européennes après le
traité de Lisbonne.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
Les quatre leçons suivent un plan chronologique
reprenant les différents cycles de la construction
européenne. Le cours 1 présente l’émergence
de l’idée européenne après-guerre. Le cours 2
explique pourquoi la construction européenne
a d’abord été économique et pourquoi les projets politiques ont échoué dans les années 19501969. Dans le cours 3, il s’agit de montrer que
Commentaire des documents et réponses aux questions
◗ Ouverture de chapitre
Le contraste entre les deux documents résume
la problématique du chapitre : la volonté de
construire un espace européen se heurte parfois
à la défense des intérêts nationaux.
symboles nationaux par excellence, sont regroupés derrière une banderole « Europe » tenue par
des jeunes. Le slogan « À l’unité de l’Europe,
les jeunes disent oui » reprend cette même idée
d’unir les pays européens. Cette affiche a été
publiée afin de promouvoir l’idée européenne au
sein de la jeunesse italienne.
Doc. 1. La volonté de construire l’Europe
Doc. 2. La défense des intérêts nationaux
(Affiche publiée par différentes associations italiennes, 1952.)
(Photographie prise lors d’une manifestation contre
le traité de Maastricht en Grande-Bretagne, le
16 octobre 1992.)
� MANUEL PAGES 320-321
Cette affiche a été publiée par plusieurs associations (dont les noms sont rappelés en bas).
Les drapeaux des différents États européens,
• 180
La résistance des États-nations et la défense des
intérêts nationaux peuvent être illustrées par cette
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
photographie d’un manifestant britannique tenant
dans sa main droite le drapeau du Royaume-Uni,
et dans sa main gauche une pancarte où il est inscrit « La Grande-Bretagne avant l’Europe ». Les
Britanniques se sont farouchement opposés au traité de Maastricht, signé en février 1992, notamment
en raison de la création d’une monnaie unique. Ils
ont ainsi bénéficié d’une clause d’exemption leur
permettant de ne pas adopter l’euro.
1. L’après-guerre, la naissance
d’une Europe politique
e
s
s
Doc. 3. La guerre froide et l’Europe
(Caricature britannique, février 1949.)
o
B
it
e
s
s
o
B
� MANUEL PAGES 324-325
Doc. 1. La Résistance et l’Europe
it
la création des « États-Unis d’Europe » et de la
disparition des frontières nationales. L’affiche
présente la frontière comme quelque chose de
négatif (associé à l’armée, à la guerre), qu’il faut
détruire. Elle appelle explicitement à « faire les
États-Unis d’Europe » sur le modèle fédéral des
États-Unis d’Amérique.
L’idée européenne est très présente au sein de la
Résistance. Les chefs des différents mouvements
de résistance, notamment Ernesto Rossi, Altiero
Spinelli et Henri Frenay, se réunissent à plusieurs reprises à Genève pour penser le monde
d’après-guerre. Le 7 juillet 1944, ils adoptent
une version définitive de la « Déclaration des
résistances européennes » dont nous avons ici un
extrait. Dans ce texte, ils réclament une union
fédérale entre les peuples européens et appellent
les États à dépasser le dogme de la souveraineté
nationale afin de préserver la paix.
• Question 1. Selon les auteurs de ce texte, la
construction européenne est une source de paix
pour deux raisons. D’abord parce que l’existence de nombreux États souverains en Europe
est à l’origine de « l’anarchie » qui y a régné et
qui a produit les deux guerres mondiales. En
renonçant à leur souveraineté au profit d’un État
fédéral, ces États cesseraient d’être en concurrence, voire en conflit. Ensuite parce qu’une
organisation européenne permettrait d’intégrer
l’Allemagne à la vie européenne et ainsi de réconcilier la France et l’Allemagne.
• Question 2. Les auteurs défendent un projet
fédéraliste, puisqu’ils veulent une union fédérale et un abandon par les États d’une partie de
leur souveraineté nationale, avec par exemple la
disparition des armées nationales au profit d’une
armée européenne.
Doc. 2. Construire l’Europe pour maintenir
la paix
(Affiche italienne, vers 1948.)
• Question. Le message défendu par cette affiche est un message fédéraliste, en faveur de
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
• Question 1. Le caricaturiste veut montrer que la
guerre froide est un accélérateur de la construction européenne, évoquée ici sous la forme d’un
chantier, d’un bâtiment en construction.
• Question 2. Ce qu’il appelle l’« inspiration »
de Staline, c’est la menace soviétique, incarnée
par Staline. Sous la pression des États-Unis, les
pays d’Europe de l’Ouest se rapprochent pour
éviter l’expansion du communisme.
Doc. 4. Message aux Européens
Lors de la séance finale du Congrès de La Haye,
le 10 mai 1948, les participants votent à l’unanimité un « Message aux Européens » qui définit
l’esprit de la construction européenne ultérieure.
• Question 1. En 1948, la construction européenne est une nécessité pour mettre fin aux
divisions entre les Européens et empêcher un
nouveau conflit mondial, pour reconstruire l’Europe ruinée après la Seconde Guerre mondiale et
pour lutter contre l’expansion du communisme
en Europe de l’Ouest.
• Question 2. Le Message aux Européens met
en avant l’union des peuples, la défense de la
démocratie avec l’existence de plusieurs partis
politiques et la défense des droits de l’homme
et des libertés individuelles (notamment les
libertés de pensée et de réunion). Le Conseil de
l’Europe, créé en mai 1949 à la suite du Congrès
de La Haye, a pour principale fonction la défense
de ces valeurs (démocratie et droits de l’homme).
• Question 3. Les participants du Congrès de
La Haye envisagent la libre circulation des
biens, des hommes et des idées à l’intérieur d’un
espace européen unifié. Cet objectif n’est pas
réalisé dans l’immédiat, il faut attendre le traité
de Rome instituant la CEE en mars 1957 qui
prévoit la mise en place progressive du marché
commun.
Les participants souhaitent aussi une Charte
des droits de l’homme ainsi que l’établissement
181 •
d’une Cour de justice chargée de son application. La Convention européenne des droits de
l’homme est adoptée par les États membres du
Conseil de l’Europe en 1950. Elle entre en vigueur en 1953. La Cour européenne des droits
de l’homme est créée en 1959, elle est chargée
de veiller au respect de la Convention européenne des droits de l’homme.
Enfin, ils envisagent la création d’une assemblée représentant tous les États membres. Cette
assemblée a vu le jour en mai 1949 avec la
création du Conseil de l’Europe. L’assemblée
du Conseil de l’Europe est une émanation des
Parlements des États membres. Elle ne dispose
d’aucun pouvoir de décision et ne peut faire que
des recommandations.
◗ Étude
Le Conseil de l’Europe
Cette étude est composée de cinq documents :
une carte présentant les pays membres et la
chronologie de leur adhésion ; une photographie du nouveau bâtiment abritant le Conseil de
l’Europe depuis 1977 ; deux articles du journal
français Le Monde et une déclaration du Comité
des ministres du Conseil de l’Europe.
1. Le Conseil de l’Europe est une organisation
intergouvernementale qui permet une simple
coopération entre les États membres. La souveraineté nationale n’est pas touchée, il n’y a
aucune délégation de pouvoirs. L’Assemblée,
qui n’est pas élue directement mais composée
de délégations des Parlements nationaux, n’a
aucun pouvoir de décision, elle émet de simples
recommandations au Conseil des ministres. Le
Conseil des ministres, formé par les ministres
des Affaires étrangères des États membres, lui
aussi, n’a pas de pouvoir de décision : il émet des
recommandations aux gouvernements des États
membres.
2. En mai 1949, les États fondateurs décident
d’établir le siège de l’organisation à Strasbourg.
Cette ville frontière entre l’Allemagne et la
France se trouve en Alsace, région longuement disputée. Le choix de Strasbourg n’est pas
neutre : ayant été pendant des siècles au cœur
• 182
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
� MANUEL, PAGES 326-327
Réponses aux questions
it
des conflits franco-allemands, la ville est choisie
en tant que lieu symbolique de la réconciliation
européenne.
3. Les domaines d’action du Conseil de l’Europe
sont assez limités. Le Conseil se consacre à la défense de la démocratie et des droits de l’homme.
(Depuis 1950, le Conseil de l’Europe est à l’origine de toute une série de traités internationaux
par lesquels les États signataires s’engagent à
protéger les droits et les libertés de toute personne relevant de leur juridiction. La Convention
européenne des droits de l’homme de 1950 protège les droits civils et politiques dont les droits
de la personne, du citoyen et du justiciable. La
Charte sociale européenne de 1961 protège les
droits économiques et sociaux. La Conventioncadre de 1996 protège les droits des personnes
appartenant à des minorités nationales, dont les
droits culturels et linguistiques.) Il œuvre aussi
pour le rapprochement des peuples européens
en contribuant à la formation d’une opinion et
d’une identité européennes.
4. Les États fondateurs de l’Europe sont les pays
de l’Europe de l’Ouest, qui défendent, aux côtés
des États-Unis, la démocratie et les libertés individuelles. Il faut y ajouter la Grèce et la Turquie,
qui font partie dès l’origine du camp occidental, même si les droits de l’homme n’y ont pas
toujours été respectés. La chute des régimes
dictatoriaux au Portugal en 1974 (Salazar) et en
Espagne en 1975 (Franco) permet l’entrée de ces
deux pays au Conseil de l’Europe. La chute du
bloc soviétique entre 1989 et 1991 et l’organisation d’élections libres permettent aux pays d’Europe centrale et orientale d’adhérer au Conseil
de l’Europe. La Finlande y adhère en 1989 :
jusque-là ce pays, bien que n’appartenant pas au
bloc de l’Est, était tenu à une neutralité contrôlée
par l’URSS (on parlait de « finlandisation » pour
désigner cette forme de souveraineté limitée).
5. Après la chute du mur de Berlin le 9 novembre
1989, et la disparition du bloc soviétique, la
construction européenne peut désormais s’envisager à l’échelle de tout le continent. À l’occasion du 40e anniversaire du Conseil de l’Europe,
le 5 mai 1989, le Comité des ministres adopte
une déclaration (dont nous avons ici un extrait)
qui marque le début de la politique d’ouverture
de l’organisation à l’égard des pays d’Europe
centrale et orientale. Le Conseil de l’Europe
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
devient le cadre privilégié pour veiller à la démocratisation de ces pays. Il lance, dès 1989,
des programmes spécifiques de coopération juridique avec les États candidats pour promouvoir
la démocratie et le respect des libertés individuelles, et favoriser l’émergence d’une identité
européenne. Pour ces États, adhérer au Conseil
de l’Europe est une première étape et un moyen
de préparer leur adhésion à la CEE. Le premier
pays d’Europe de l’Est à rejoindre le Conseil de
l’Europe est la Hongrie, en 1990.
6. L’adhésion de la Russie au Conseil de l’Europe en 1996 suscite des débats. En effet, la vocation première de l’institution est de défendre
la démocratie et les libertés individuelles. Les
États membres ont signé la Convention européenne des droits de l’homme, qui protège les
droits civils et politiques dont les droits de la
personne (droit à la vie, interdiction de la torture, par exemple), les droits du citoyen (notamment liberté de pensée, d’expression et d’association) et les droits du justiciable (droit à un
procès équitable, pas de peine sans loi). Or, la
Russie ne respecte pas les droits de la personne
(torture, disparition des opposants) notamment
en Tchétchénie et les droits du citoyen (cf. lignes
8-11 du document 5). Le non respect des principes fondamentaux du Conseil de l’Europe par
un de ses États membres remet sérieusement en
cause son efficacité et sa légitimité.
7. Plusieurs idées peuvent être développées
pour montrer que le Conseil de l’Europe est
une avancée limitée : sa forme (une organisation intergouvernementale), ses pouvoirs (pas de
réel pouvoir de décision), ses domaines d’action
qui sont réduits (promotion d’une identité européenne et défense de la démocratie et des droits
de l’homme), les limites de son action (prendre
l’exemple de la Russie).
it
magne (« l’opposition séculaire de la France et
de l’Allemagne soit éliminée »). La construction
européenne doit être fondée sur le rapprochement franco-allemand. Mais pour R. Schuman,
l’Europe ne peut pas « se faire d’un coup, ni dans
une construction d’ensemble ». Il faut d’abord
créer des rapprochements sectoriels (« une action sur un point limité »), puis une coopération
économique, la construction politique ne venant
qu’en dernier lieu. Ainsi, la CECA est une première étape. Il s’agit de mettre en commun la
production du charbon et de l’acier sous l’autorité d’une institution supranationale. Ce premier
pas, concret, doit créer « une solidarité de fait »,
point de départ pour une future organisation européenne de type fédéral.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
2. Le temps des communautés
européennes (1950-1969)
� MANUEL PAGES 328-329
Doc. 1. La « déclaration Schuman »
• Question. La génération de Robert Schuman
a été traumatisée par la guerre. L’objectif premier du ministre des Affaires étrangères français est ainsi d’empêcher le déclenchement
d’un nouveau conflit entre la France et l’Alle© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
Doc. 2. La querelle de la CED en France
(Affiche française de Paul Colin, 1954.)
• Question. Face à l’aggravation de la guerre froide,
les États-Unis veulent réarmer la RFA. La France
veut éviter la reconstitution d’une armée allemande
indépendante. Elle propose une CED, c’est-à-dire
une armée européenne où les soldats allemands
seraient intégrés dans un ensemble plus vaste.
Ratifié par les autres États, le traité de la CED de
1952 est rejeté par la France. Le 30 août 1954, une
majorité de députés (319 voix contre 264), surtout
des gaullistes et des communistes, le repoussent au
nom de la perte de la souveraineté française et du
danger du réarmement allemand. Ce vote a été précédé d’une vive campagne entre les partisans et les
adversaires du traité. Nous avons ici une affiche en
faveur de la CED. Elle est symbolisée par un bouclier sur lequel sont représentés les drapeaux des
États membres. Elle est donc montrée comme une
alliance défensive face à deux types de menaces
incarnées par des corbeaux. Le premier volatile
qui porte une faucille et un marteau, symboles du
communisme, représente la menace soviétique. Le
second corbeau, dont les pattes sont des croix gammées, évoque le souvenir de l’Allemagne nazie. Le
slogan reprend ces idées : la CED est un moyen de
garantir la paix en Europe et de lutter contre les
totalitarismes nazi et soviétique.
Doc. 3. Les institutions de la CEE (1957-1992)
Les institutions de la CEE s’inspirent des institutions de la CECA mais atténuent leur caractère
supranational. Avant de répondre aux questions,
présentons rapidement chaque institution.
183 •
L’Assemblée, qui prend le nom de Parlement
européen en 1962, est composée de représentants des États membres de la CEE choisis au
sein de leurs parlements respectifs. Le nombre
de représentants est lié à la population des États
(en 1957, 36 pour la RFA, la France et l’Italie,
14 pour la Belgique et les Pays-Bas et 6 pour
le Luxembourg). À partir de 1979, les députés
européens sont élus au suffrage universel direct.
L’Assemblée au départ a peu de latitudes : elle
n’a pas de pouvoirs législatifs, elle dispose
seulement de possibilités de délibération et de
contrôle. Ses pouvoirs se sont accrus tout au
long de la construction européenne.
Le Conseil des ministres dispose de l’essentiel
du pouvoir de décision. Il est composé de représentants des gouvernements. Il assure la politique
économique commune des États membres et dispose d’un pouvoir de décision dans la plupart des
cas. Il se prononce soit à l’unanimité, soit à la majorité qualifiée, soit à la majorité simple.
La Commission européenne constitue un des
éléments les plus originaux de la construction
communautaire. Elle est initialement composée de neuf membres. La Commission dispose
surtout d’un pouvoir d’initiative : c’est elle qui
propose les lois européennes. Elle est l’organe
d’exécution des Communautés : elle veille à
l’application des traités et des lois européennes.
Elle représente les Communautés et négocie des
accords dans le cadre des relations extérieures.
La Cour de justice comprend au départ sept
juges. Elle assure le respect des traités et des
lois européennes et juge les différends entre les
États membres et entre ceux-ci et les organes
communautaires.
Le Conseil européen est une institution qui
n’était pas prévue à l’origine par les traités, il
est créé en 1974. Il réunit les chefs d’État et/ou
de gouvernement des États membres ainsi que le
président de la Commission. Il doit se réunir au
moins deux fois par an, pour régler les questions
les plus importantes et fixer les grandes orientations. Il est le lieu d’impulsion générale de la
construction européenne.
• Question 1. Le pouvoir est détenu par le
Conseil des ministres qui prend les décisions
et la Commission qui propose les décisions et
les exécute. L’Assemblée et la Cour de justice
sont des organes de contrôle. Il est important de
it
faire comprendre aux élèves que les institutions
de la CEE ne peuvent pas être analysées avec
la grille de lecture « classique » utilisée pour les
institutions françaises par exemple. Ainsi, le
pouvoir législatif est ici détenu par le Conseil
des ministres.
• Question 2. Les institutions de la CEE sont
un compromis entre unionistes et fédéralistes.
Elles sont moins supranationales que celles de la
CECA. La Commission dispose de pouvoirs réduits par rapport à ceux de la Haute Autorité de
la CECA. Le Conseil des ministres et le Conseil
européen sont plutôt des organes de coopération
intergouvernementale (même si l’instauration
du vote à majorité qualifiée érode la souveraineté des différents États). La Commission, l’Assemblée et la Cour de justice sont des organes
à vocation fédérale. Le pouvoir exécutif est aux
mains de la Commission, mais les décisions sont
prises par le Conseil des ministres.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
• 184
Doc. 4. L’Europe politique selon de Gaulle
Charles de Gaulle désire la construction d’une
Europe politique et souhaite réformer la CEE
dans le sens d’une Europe des États fondée sur la
coopération intergouvernementale et le respect
de l’identité des peuples et des États membres. Il
propose ainsi les Plans Fouchet qui prévoient un
Conseil réunissant les chefs de gouvernement,
une Assemblée parlementaire européenne et une
Commission politique européenne (« les propositions de la France » évoquées dans le texte).
Peu de temps après l’abandon du projet (les
autres États membres l’ayant rejeté), de Gaulle
organise une conférence de presse le 15 mai
1962 dans laquelle il revient sur sa conception
de l’Europe.
• Question. Les opposants à de Gaulle, notamment dans les pays du Benelux, dénoncent sa
conception intergouvernementale de l’Europe.
En même temps, ils souhaitent faire aboutir
l’adhésion de la Grande-Bretagne à la CEE avant
de poursuivre la mise en œuvre d’une Union politique. Ces deux objectifs sont contradictoires,
car le Royaume-Uni est hostile au fédéralisme.
De Gaulle rappelle dans sa conférence de presse
que les Britanniques souhaitent une Europe
des États et sont farouchement opposés à tout
abandon de souveraineté nationale. (On pourrait d’ailleurs retourner la contradiction contre
de Gaulle : pourquoi a-t-il bloqué l’entrée de
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
la Grande-Bretagne dans la CEE en 1963 et en
1967, alors que les Britanniques avaient la même
conception que lui de l’Europe ?) De Gaulle
n’est pas anti-européen, il défend une conception unioniste de la construction européenne et
s’oppose ainsi à toute avancée fédérale.
3. Des années décisives pour l’Europe
politique (1969-1992)
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
� MANUEL PAGES 330-331
Doc. 1. Le Conseil européen
it
membres de la CEE en 1984. Il symbolise
l’union des membres pour écrire une histoire
commune. Le slogan met l’accent sur la démocratie, ciment de la construction européenne.
Il insiste aussi sur l’aspect démocratique de
l’élection du Parlement européen : les citoyens
peuvent choisir directement leurs représentants
européens : « le Parlement européen : votre voix
en Europe ? ». Voter aux élections européennes
est, pour l’auteur de cette affiche, un moyen
d’influencer la construction européenne, de faire
entendre sa voix à l’échelle européenne.
Le Conseil européen est une institution non
prévue à l’origine par les traités constitutifs des
Communautés européennes. Sa mise en place
a eu lieu, lors de la conférence au sommet de
Paris, en décembre 1974, à l’initiative du président de la République française, Valéry Giscard
d’Estaing, et du chancelier allemand, Helmut
Schmidt. Dans sa déclaration à la presse à l’issue du sommet, V. Giscard d’Estaing revient sur
cette création.
• Question 1. Le Conseil européen réunit les chefs
d’État et/ou de gouvernement plusieurs fois par
an (« trois fois par an et éventuellement davantage si nécessaire »). Il s’agit du véritable centre
de décision politique : le Conseil donne les impulsions nécessaires à la construction européenne
(« un élément de dynamisme irremplaçable »), en
définit les orientations politiques générales. Il assure une approche globale des problèmes. Il doit
œuvrer pour une unification politique de l’Europe
(« une vie européenne politique supplémentaire
résultera de cette procédure »). Mais il n’a pas le
pouvoir de faire adopter des textes législatifs.
• Question 2. Le Conseil européen est une organisation intergouvernementale dans la mesure
où il s’agit d’un organe réunissant tous les chefs
d’État et/ou de gouvernement des États membres
et où les décisions sont prises par consensus.
Doc. 2. L’élection du Parlement européen
(Affiche italienne pour les élections du Parlement
européen, 1984.)
Les députés du Parlement européen sont élus
pour la première fois au suffrage universel direct en 1979. Les élections sont organisées tous
les cinq ans. Nous avons ici une affiche italienne
pour les élections de 1984.
• Question. Le crayon est composé des drapeaux, symboles nationaux, des dix États
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
Doc. 3. L’élargissement de l’Europe
(Caricature de Plantu, 1977.)
• Question 1. Les régimes dictatoriaux de
Salazar au Portugal, de Papadhópoulos en Grèce
et de Franco en Espagne sont renversés dans les
années 1970 (respectivement en 1974, 1975 et
1975). Pour symboliser la chute des dictatures,
Plantu représente trois sportifs qui brisent leurs
chaînes et retrouvent leur liberté.
• Question 2. Les trois sportifs se tiennent debout sur un podium formé par trois urnes évoquant l’organisation d’élections libres et donc
le rétablissement de la démocratie. Les trois
pays d’Europe désirent adhérer rapidement à la
CEE, notamment pour consolider leur ancrage
dans la démocratie. Les étoiles symbolisent ici
l’adhésion à l’Europe. La CEE s’élargit à la
Grèce en 1981, à l’Espagne et au Portugal en
1986. Le coureur grec arrive ainsi à la première
place, les coureurs espagnols et portugais sont
ex aequo.
Doc. 4. Margaret Thatcher et l’Europe
Le 20 septembre 1988, lors de l’ouverture de
la 39e année du Collège de Bruges, Margaret
Thatcher, Premier ministre britannique, prononce un discours sur l’avenir de l’Europe.
Le Collège de Bruges a été fondé en 1949,
dans le prolongement du Congrès de La Haye
(mai 1948). Il a pour vocation de former les
futurs dirigeants européens. Margaret Thatcher
est au pouvoir depuis le 4 mai 1979, première
femme Premier ministre en Grande-Bretagne.
Au niveau européen, elle bloque le fonctionnement de la CEE, entendant garder cette attitude
jusqu’à ce que la contribution britannique au
budget communautaire soit diminuée et n’excède plus ce que le Royaume-Uni percevait de
185 •
Bruxelles. Cette différence constituait le fameux
« chèque britannique » que M. Thatcher cherchait à récupérer sous le leitmotiv resté célèbre :
« I want my money back ». Lors du Conseil européen de Fontainebleau en 1984, une solution est
trouvée (Margaret Thatcher ne reçoit pas l’intégralité de son chèque, mais elle obtient un remboursement égal à 66 % de la différence entre le
montant de ce que la Grande-Bretagne versait à
la CEE et le montant de ce que son pays recevait).
À partir de là, Margaret Thatcher n’entrava plus
les décisions au sein de la Communauté jusqu’à
sa démission en 1990. Dans son discours, elle
revient sur sa conception de l’Europe.
• Question. Tout comme de Gaulle, M. Thatcher
n’est pas anti-européenne, elle a une conception
unioniste de la construction européenne. Elle
veut une coopération intergouvernementale
(« une coopération volontaire et active entre des
États souverains »). Elle refuse tout abandon de
souveraineté nationale et s’oppose à toute forme
supranationale de l’Europe : elle critique ainsi les
pouvoirs de la Commission et s’oppose à l’augmentation de ses pouvoirs (fin du texte). Elle
souhaite une plus grande collaboration entre les
États membres (« je voudrais nous voir coopérer
plus étroitement ») qui respecte la souveraineté
de chacun, dans les domaines de la défense et
des relations extérieures.
� MANUEL PAGES 332-333
Doc. 1. La question de l’adhésion de la Turquie
(Caricature d’Hassan Bleibel, 2010.)
Depuis 1945, la Turquie se rapproche du camp
occidental en participant à l’Organisation européenne de coopération économique (OECE) créée
en 1948, au Conseil de l’Europe dès sa création
en 1949 et à l’OTAN à partir de 1952. Le 12 septembre 1963, la Turquie signe un accord d’association avec la CEE (l’accord d’Ankara) : il s’agit
d’un accord commercial. En 1987, la Turquie a
déposé sa demande d’adhésion à la CEE. La CEE,
en 1989, juge sa candidature prématurée. Elle précise, en 1997, dans l’Agenda 2000, que la Turquie
doit poursuivre son processus de démocratisation
et de protection des droits de l’homme, établir
des relations de bon voisinage avec la Grèce et
• 186
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
4. Une Europe politique toujours
en chantier (depuis 1992)
it
rechercher un règlement équitable du problème
chypriote. En 1999, l’Union européenne reconnaît son statut de candidat. Les négociations d’adhésion débutent en 2005. Elles n’ont toujours pas
abouti, l’adhésion de la Turquie faisant débat en
Europe. (voir cours 4. A)
• Question. La France, l’Allemagne, le
Royaume-Uni et la Turquie sont symbolisés par
leur drapeau, symbole national, tout comme
l’Union européenne. L’UE est représentée
comme une forteresse (représentation récurrente
dans les caricatures), la France et l’Allemagne,
pays moteurs de la construction européenne, formant les deux tours de la muraille. La présence
de ces deux pays s’explique surtout par leur
position sur l’entrée de l’adhésion de la Turquie
à l’UE. En France, si Jacques Chirac, président
de la République française de 1995 à 2007, était
très favorable à l’entrée de la Turquie, son successeur Nicolas Sarkozy est très réservé sur la
question. En Allemagne, la moitié de l’opinion
se déclare hostile à une adhésion éventuelle de
la Turquie. Alors que le gouvernement Schröder,
composé de sociaux-démocrates et de verts,
soutenait la candidature turque, la chancelière
Angela Merkel doute des capacités de l’Union
européenne à « absorber » la Turquie. À l’instar de Nicolas Sarkozy, Angela Merkel favorise
l’établissement d’un « partenariat privilégié ».
La Turquie est représentée ici par son dirigeant
sur un cheval britannique. Cela s’explique par le
fait que le Royaume-Uni est favorable à l’entrée
de la Turquie dans l’Union européenne (notamment parce qu’il souhaite élargir le grand marché plus que construire une Europe politique
déjà rendue plus problématique par l’accroissement du nombre de membres).
Doc. 2. Le traité constitutionnel
selon un populiste néerlandais
Les Pays-Bas ont organisé, le 1er juin 2005,
un référendum sur le Traité constitutionnel. Il
s’agissait d’un référendum consultatif, le gouvernement avait annoncé qu’il se rallierait à son
résultat sous deux conditions : que la participation atteigne au moins 30 % et que le résultat
soit « sans ambiguïté », c’est-à-dire que le « oui »
ou le « non » rassemble au moins 60 % des suffrages. Les électeurs néerlandais se sont massivement prononcés contre la ratification du texte :
le « non » a recueilli 61,6 % des voix (le taux de
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
participation s’élevant à 63,4 %). L’ensemble
des partis de gouvernement – l’Appel chrétiendémocrate (CDA), le Parti populaire pour la liberté et la démocratie (VVD), le Parti des démocrates 66 (D’66), le Parti du travail (PvdA) et la
Gauche verte (GL) – s’étaient prononcés en faveur de la ratification du texte. L’opposition à la
Constitution européenne rassemblait, aux PaysBas comme en France, une coalition de partis
allant de l’extrême gauche (Parti socialiste, SP)
à l’extrême droite (la Liste Pim Fortuyn, LPF, le
Groupe Geert Wilders et le Leefbaar Nederland),
en passant par les formations religieuses comme
le Parti politique réformé (SGP) et l’Union chrétienne (ChristenUnie). Pour les annalistes politiques, le « non » néerlandais exprime le refus de
voir la Turquie entrer dans l’Union et, plus largement, la crainte de l’étranger. Les Néerlandais
redoutent aussi une dissolution de leur pays dans
une Union européenne élargie. Premiers contributeurs nets par habitant au budget de l’Union
européenne, ils ne veulent plus payer pour les
« grands » États.
Nous avons ici un extrait d’un article de Geert
Wilders, homme politique d’extrême droite publié avant le référendum qui appelle les électeurs
à voter « non » lors du référendum.
• Question 1. Geert Wilders développe plusieurs
arguments contre ce traité. Tout d’abord, il ne
souhaite pas une évolution fédérale de l’Europe
(« les Pays-Bas deviendraient une vague province de l’Europe ») : il rejette toute perte de
souveraineté nationale. Pour lui, il n’y a pas de
réelle identité européenne et de peuple européen qui justifieraient cette évolution fédérale :
« les Néerlandais ne sont pas des Slovaques » ;
« L’Europe est trop grande et trop diverse ». Il
dénonce aussi le caractère bureaucratique et
opaque des institutions européennes (« caprices
des institutions bureaucratico-technocratiques
de Bruxelles », « discours incompréhensibles »).
On observe ainsi deux arguments classiques mis
en avant par l’extrême droite : la défense de la
souveraineté nationale et un discours populiste
contre la technocratie de Bruxelles.
• Question 2. Enfin, il se prononce contre une
adhésion de la Turquie et lie cette question à
celle du Traité constitutionnel. G. Wilders est
contre l’entrée de la Turquie dans l’UE, car,
avec ses 70 millions d’habitants, elle aurait un
it
poids considérable. Dans une structure fédérale, les Pays-Bas auraient peu de pouvoir et la
Turquie aurait une influence importante sur les
décisions européennes et donc sur la politique
néerlandaise.
e
s
s
Doc. 3. Les changements institués
par le traité de Lisbonne (2009)
• Question 1. Les élargissements successifs ont
obligé l’Union européenne à repenser son mode
de fonctionnement. Le traité de Lisbonne facilite
le fonctionnement des institutions, notamment le
vote des décisions au sein du Conseil de l’UE,
tout en renforçant leur aspect supranational. En
effet, le vote à majorité qualifiée est étendu au
sein du Conseil de l’UE. (Le vote à l’unanimité
étant limité à quelques domaines précis comme
la sécurité, les affaires extérieures ou la fiscalité ;
cela signifie que pour ces questions délicates,
un État peut opposer son veto). Le processus
décisionnel est ainsi plus efficace. Le traité de
Lisbonne crée aussi un Président du Conseil
européen élu pour deux ans et demi, pour assurer une plus grande stabilité. Le Président
du Conseil, qui ne peut pas exercer de mandat
national, représente l’UE sur la scène internationale et permet de donner une voix et un visage à
l’Union européenne. Dans les faits, Herman Van
Rompuy, Président du Conseil européen depuis
le 1er janvier 2010 n’a que peu d’influence sur la
scène internationale.
• Question 2. Le traité de Lisbonne comble en
partie le déficit démocratique des institutions
européennes en renforçant les pouvoirs du
Parlement européen, élu au suffrage universel
direct, et en instaurant un droit d’initiative européenne (les citoyens européens peuvent proposer
un texte de loi).
o
B
it
e
s
s
o
B
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
◗ Étude
Citoyenneté européenne et sentiment
européen
� MANUEL, PAGES 334-335
Ce dossier est composé de cinq documents :
trois documents statistiques – un camembert
montrant que les Européens connaissent peu ou
pas leurs droits en tant que citoyens européens ;
un diagramme sur la représentation qu’ont les
Européens de l’UE et un diagramme sur le taux
de participation aux élections européennes dans
187 •
différents États membres –, un extrait du traité
de Maastricht sur la citoyenneté européenne et
une carte sur le sentiment européen. La plupart des informations sont tirées de l’Eurobaromètre, sondage d’opinion publique effectué
par la Commission européenne deux fois par an
depuis 1973. L’Eurobaromètre repose sur une
série de questions identiques pour tous les États
membres, posées à des échantillons représentatifs de l’ensemble de la population.
Réponses aux questions
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
1. Les citoyens européens disposent de droits
définis notamment par le traité de Maastricht.
Ils peuvent tout d’abord circuler et séjourner librement sur le territoire de tous les États
membres. Ils disposent aussi de droits civiques
et politiques : droit de vote et d’éligibilité (être
élu) aux élections municipales dans l’État où ils
résident et aux élections au Parlement européen.
Ils peuvent soumettre des pétitions au Parlement
européen. (Ce droit a été complété par le traité de
Lisbonne par un droit d’initiative européenne :
les citoyens peuvent demander à la Commission
de faire une proposition de loi). Enfin, ils bénéficient de certaines garanties juridiques (protection diplomatique et consulaire).
2. Plus de la moitié des citoyens européens
(57 %) connaissent peu ou pas leurs droits en tant
que citoyens de l’UE. Cela peut s’expliquer par
un manque d’informations sur le sujet, les institutions de l’UE restant lointaines et méconnues.
Si on analyse les chiffres dans le détail, cette
méconnaissance varie selon les États et selon le
niveau social : les classes supérieures et aisées
ont le sentiment de bien connaître leurs droits,
à l’inverse des classes populaires et modestes.
3. Le Parlement européen a été élu au suffrage
universel direct pour la première fois en 1979 ;
depuis, les élections européennes ont lieu tous
les cinq ans. Le taux de participation des électeurs français connaît une chute constante depuis
1979 : il est de 60,7 % en 1979, 52,7 % en 1994
et 40,6 % en 2009, soit une baisse de 20 points
entre 1979 et 2009. Dans le même temps, la
moyenne européenne passe de 42,9 % en 1979
à 56,7 % en 1994 et 62 % en 2009. Ainsi, la
France qui était plutôt « un bon élève » en 1979
connaît une désaffection plus importante que la
moyenne européenne en 2009 (différence de 20
points entre la moyenne européenne et le taux
• 188
it
en France en 2009). Le taux de participation aux
élections européennes est un bon indicateur de
la popularité de l’Union européenne. La faible
connaissance de l’Union européenne est avancée comme le principal facteur de l’abstention :
les citoyens ne savent pas pour qui, ni pour quoi
ils votent. Peu d’électeurs savent que 80 % de la
législation nationale est conçue au niveau européen avant d’être transposée au niveau national : les eurodéputés restent des personnes peu
visibles et leur pouvoir réel est en grande partie
méconnu. L’Europe reste pour une majorité de
Français une réalité lointaine et complexe. La
baisse de la participation peut aussi s’expliquer
par la montée de l’euroscepticisme en France
et l’absence d’un réel sentiment européen. En
France, ces élections sont ainsi considérées
comme un scrutin de « second ordre », sans enjeu
réel et peu susceptible de provoquer une réelle
alternance politique. Par ailleurs, l’objectif de
ces élections est souvent détourné par l’opposition et les citoyens, qui y trouvent un moyen de
sanctionner le gouvernement en place.
4. Deux représentations attachées à l’UE se
détachent nettement des autres propositions : la
liberté de voyager, d’étudier et de travailler partout dans l’UE (pour 45 % des personnes interrogées) et l’euro (38 %), qui sont deux aspects
qui touchent à la vie quotidienne des Européens.
Outre ces aspects concrets, les objectifs de la
construction européenne sont assez bien représentés (la paix : 22 %, une voix plus importante
dans le monde : 21 %, la démocratie : 20 % et la
prospérité économique : 14 %). Enfin, l’UE est
aussi associée à des aspects négatifs : le gaspillage d’argent (24 %) et la bureaucratie (21 %) ;
les critiques des souverainistes (pas assez de
contrôles aux frontières extérieures : 18 %, la
perte de notre identité culturelle : 11 %) ; et l’UE
est souvent rendue responsable des problèmes
nationaux (le chômage : 14 %, plus de criminalité : 13 %).
5. Le document 3 nous montre que dans leur ensemble, les citoyens européens ne sont pas contre
la construction européenne et reconnaissent ses
avantages (voir réponse à la question 4). Mais ils
dénoncent l’aspect bureaucratique de l’UE et sa
relative inefficacité (« un gaspillage d’argent »
arrive en 3e réponse). Le document 4 montre
qu’une majorité des habitants (à quelques ex© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
ceptions près comme la Bulgarie, la Grèce,
la Lettonie ou le Royaume-Uni) se sentent citoyens européens. Mais rares sont les pays où
l’engouement est important : trois pays ont des
pourcentages supérieurs à 75 %. Si le sentiment
européen est une réalité, il peine cependant à
s’affirmer massivement dans tous les pays.
6. Les taux de participation aux élections européennes au Royaume-Uni sont très faibles (il y
a un écart de presque 30 points entre le taux de
participation au Royaume-Uni et la moyenne
européenne en 2009). Seulement environ 35 %
des électeurs se déplacent pour élire leurs députés européens ; en 1999, à la suite de l’adoption
de l’euro par les autres États de l’UE, ce taux
est encore plus bas (24 %). De même, le sentiment européen est très faible : moins de 50 %.
Les Britanniques ont par ailleurs refusé de participer à la zone euro et à l’espace Schengen.
Ils sont majoritairement eurosceptiques et cela
depuis les débuts de la construction européenne.
Ils refusent ainsi de participer à la CECA puis à
la CEE (cours 2). S’ils se résolvent à adhérer à la
CEE, c’est pour des raisons d’ordre économique.
Très attachés à la souveraineté nationale, ils sont
très hostiles aux aspects fédéraux de la construction européenne (ce qui peut expliquer leur refus
de l’euro et de la Convention de Schengen). Ils
souhaitent une Europe économique.
7. Points à développer : la création de la citoyenneté européenne par le traité de Maastricht et
les droits du citoyen ; la méconnaissance de
l’UE, des institutions jugées trop complexes et
opaques, un faible enthousiasme pour les élections européennes ; un sentiment européen qui
peine à émerger, mais la reconnaissance des
avantages de la construction européenne. Les habitants de l’Europe ne sont pas réellement antieuropéens, ils méconnaissent le plus souvent
leurs droits, le fonctionnement des institutions
et surtout l’impact réel de la construction européenne sur leur vie quotidienne.
it
rendum, deux affiches en faveur du « non », les
résultats du référendum avec un sondage sur les
motivations du vote et un extrait d’une allocution
télévisée de Jacques Chirac en faveur du traité.
e
s
s
Réponses aux questions
1. Le document 1 permet d’analyser les arguments de deux types d’opposants au traité. Le
Front national appelle les électeurs à voter
« non » au nom de la souveraineté nationale et
contre l’entrée de la Turquie dans l’UE. Les
communistes sont contre ce traité pour des raisons sociales : ils refusent la conception d’une
Europe libérale définie dans ce traité. On retrouve ces arguments dans les motivations du
« non » d’après le sondage Ipsos réalisé à la sortie des urnes le 29 mai 2005 : les arguments mis
en avant par le Front national (c’est l’occasion de
s’opposer à l’entrée de la Turquie dans l’Union
européenne : 35 % ; cette constitution représente
une menace pour l’identité de la France : 32 %),
ceux défendus par le PCF (la Constitution est
trop libérale sur le plan économique : 40 %). Les
électeurs qui ont rejeté le traité ne l’ont pas fait
pour les mêmes raisons. Le camp du « non » est
très hétérogène.
2. En réalité, plus de la moitié des gens qui ont
voté « non » l’ont fait pour des raisons nationales : ils voulaient exprimer leur mécontentement à l’égard de la situation économique et sociale de la France (52 %) et à l’égard de la classe
politique en général (31 %).
3. Le vote « oui » est avant tout un vote
d’adhésion à la construction européenne. 34 %
des partisans du traité mettent en avant qu’une
victoire du « non » remettrait en question la poursuite de la construction européenne, 28 % que
la Constitution est une étape historique dans le
processus vers une Europe politique, 26 % que la
Constitution représente une avancée sur le plan
de l’Europe sociale, 25 % que cette Constitution
présente des avancées importantes par rapport
aux traités précédents. L’aspect pragmatique
est aussi important : 44 % de ceux qui ont voté
« oui » pensent que la Constitution est nécessaire
pour assurer le fonctionnement de l’Europe à
25. La défense des intérêts de la France a aussi
joué : 43 % pensent qu’une victoire du « non »
affaiblirait le poids de la France en Europe et
19 % que le bilan de la construction européenne
est positif pour la France. Enfin, la motivation
o
B
it
e
s
s
o
B
◗ Étude
Pour ou contre la Constitution européenne :
les Français et l’Europe en 2005
� MANUEL, PAGES 336-337
Ce dossier comprend un tableau rappelant la
position des partis politiques français sur le réfé© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
189 •
la plus importante du « oui » est le fait que cette
Constitution renforce le poids de l’Europe par
rapport aux États-Unis et à la Chine. La dimension Europe-puissance est ainsi le facteur qui a
le plus compté pour les partisans du traité.
4. Jacques Chirac reprend un à un les arguments
des opposants au traité et tente de montrer qu’ils
ne sont pas justifiés. Par exemple, le premier paragraphe est une réponse à l’argument selon lequel la Constitution représente une menace pour
l’identité de la France. Dans le deuxième paragraphe, le président de la République s’oppose à
l’idée selon laquelle le traité remettrait en cause
la souveraineté de la France et irait dans un sens
plus fédéral : « on fait une Europe unie des États
et des peuples et non pas du tout les États-Unis
d’Europe ». Dans le troisième paragraphe, il
tente de montrer que l’idée que la Constitution
est trop libérale est une mauvaise interprétation
du texte qui, selon lui, permettrait au contraire
de définir un modèle social européen. Dans son
allocution télévisée, Jacques Chirac veut ainsi
montrer que les arguments des opposants du
traité ne sont pas valides et que l’opposition est
en fait fondée sur une méconnaissance du traité.
5. Points à développer : les partis de gauche et
de droite n’ont pas une position commune sur
l’UE. La césure ne se fait pas entre la gauche et
la droite, mais au sein de la gauche et au sein de
la droite. Les extrêmes sont contre l’Europe telle
qu’elle est définie dans le traité, mais l’extrême
gauche et l’extrême droite ne s’opposent pas au
traité pour les mêmes raisons. Le camp du non
est très hétérogène. En revanche, la droite et la
gauche ont des discours qui se ressemblent.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
◗ BAC
Étude critique de documents
Confronter deux documents de nature
différente
� MANUEL, PAGES 342-343
RÉPONSES AUX QUESTIONS des encadrés
Sujet : La construction d’une Europe
de la défense.
1. Il s’agit de la CECA, fondée en 1951.
2. Il s’agit du contexte de guerre froide. L’invasion
nord-coréenne a démarré en juin 1950. La guerre
de Corée est donc commencée.
3. Alors que la construction européenne n’est
• 190
it
pas encore entamée, René Pleven propose
une Assemblée commune et un ministre de la
Défense commun, ce qui suppose qu’à quelques
années de la guerre mondiale qui a déchiré l’Europe, les Européens aient une politique étrangère
commune. Ce qui n’est toujours pas le cas en
2012.
4. Il s’agit du traité de l’Atlantique nord signé
entre les États-Unis, le Canada et plusieurs pays
d’Europe occidentale en 1949 (OTAN).
5. Cette association de déportés tient sa légitimité du combat dans la Résistance de ses membres.
6. Dans les orbites du crâne, on peut lire le nom
des camps de concentration et d’extermination
où ont été déportés résistants et juifs. Sur la
bouche, les noms rappellent les massacres perpétrés sur les civils en France (Oradour), sur les
maquis résistants (Vercors) ou les exécutions
d’otages (Châteaubriant). La peur du nazisme
est mobilisée ici.
7. L’armée de la RFA dont la capitale est à Bonn
est assimilée à l’armée nazie.
BAC BLANC
Sujet : Le projet d’une Europe politique.
René Courtin est un des fondateurs du
Mouvement européen, association internationale
créée au lendemain de la guerre qui regroupe audelà de leur appartenance politique des hommes
qui veulent s’engager en faveur de la construction européenne dans une perspective fédérale.
C’est un économiste libéral convaincu. Il présente le projet d’une Europe politique comme un
moyen d’échapper à « l’ours moscovite », qui a
déjà procédé à « l’asservissement » de l’Europe
de l’Est à cette date. C’est aussi pour lui une
manière de « renverser la vapeur ». Pour René
Courtin, la France d’après-guerre est sur le déclin, comme le reste de l’Europe d’ailleurs. Sans
espoir ici, les plus entreprenants émigrent vers
« une terre plus heureuse et moins menacée ».
On peut supposer qu’il s’agit des États-Unis.
Les raisons de son engagement semblent aussi
personnelles. René Courtin est un résistant, qui
après avoir combattu pour son pays, n’imagine
pas l’abandonner « malade et sans espoir ». C’est
aussi pour cet économiste « la seule chance » de
ces « vieux pays » de résister politiquement, mais
probablement aussi, de résister économiquement
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
aux deux Grands. Comme chez de nombreux résistants traumatisés par la guerre, on peut supposer que pour l’auteur la construction européenne
est le meilleur moyen de garantir la paix.
Enfin, René Courtin est conscient que les
Français venant de se libérer d’une puissance
occupante, n’accepteront pas aisément de renoncer à une partie de leur souveraineté retrouvée.
◗ BAC BLANC
Étude critique de documents
◗ BAC BLANC
e
s
s
it
� MANUEL, PAGE 345
• Composition
Sujet 1 : Les débuts de l’Europe politique
(1948-1969).
Proposition de plan :
I. La naissance d’une Europe politique dans un
contexte d’après-guerre au congrès de La Haye
(1948-1949).
II. Le temps des communautés européennes
(1950-1969).
o
B
it
e
s
s
o
B
� MANUEL, PAGE 344
Sujet : L’Europe des Neuf et la relance
de la construction européenne
dans les années 1970.
Le début des années 1970 marque une réelle avancée de la construction européenne. La CEE s’élargit en 1973 à la Grande-Bretagne, à l’Irlande et au
Danemark. En 1974, le Conseil européen, organe
politique intergouvernemental, est créé. Il devient
le lieu d’impulsion de la construction européenne.
Enfin, les pouvoirs du Parlement sont renforcés,
notamment par son autonomie financière, et par
son élection au suffrage universel direct (la décision en est prise en 1976, même si le premier suffrage se tient en 1979).
Leo Tindemans est représentatif de la volonté
des fédéralistes de poursuivre ces avancées : il
veut « des institutions communes plus fortes et
plus efficaces ». Plusieurs domaines doivent être
explorés pour mener à bien cet approfondissement. La crédibilité à l’extérieur de la CEE est
primordiale. Il faut pouvoir « parler d’une seule
voix dans les principaux problèmes mondiaux ».
Tindemans appelle-t-il ici à un ministre des
Affaires étrangères commun ?
L’UE doit aussi pouvoir « proposer un modèle de
société », c’est-à-dire intervenir davantage dans
le domaine économique et social. Mais pour
« renforcer sa capacité d’agir », elle se heurte
aussi à un problème de crédibilité. En effet, si
la majorité de l’opinion publique est favorable à
la construction européenne, celle-ci reste « sceptique » devant ce qu’elle perçoit comme une « absence de réalisations et de volonté politique ».
Ces approfondissements sont poursuivis dans
l’Acte unique européen signé en 1986 et qui prévoit un grand marché unique pour 1993. L’étape
majeure suivante est celle de Maastricht en 1992.
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
Sujet 2 : La France et le projet d’une Europe
politique.
Proposition de plan :
I. La France aux origines d’une Europe politique
mais aussi de son blocage (1945-1969).
II. La France moteur de la construction européenne mais aussi victime de l’euroscepticisme
(1969 à nos jours).
• Étude critique de document
Sujet : La réforme des institutions de l’Europe
politique.
Ce document permet de mettre en valeur à la
fois les avancées de la construction européenne
mais aussi ses limites. Il en révèle en effet les
blocages puisque ce traité de Lisbonne est créé
pour permettre une avancée du projet politique
à la suite du rejet du traité constitutionnel par la
France, puis les Pays-Bas. Ce traité de Lisbonne
reprend cependant « dans ses grandes lignes »
son prédécesseur. Il tente de faire de l’UE un
réel acteur sur la scène mondiale en nommant un
« haut-représentant ». Cet extrait ne précise pas
qu’il en facilite le fonctionnement, notamment le
processus de décision, et qu’il renforce les pouvoirs législatifs du parlement européen. L’extrait
retenu ici permet de mettre en valeur ce qui différencie les deux traités. Il s’agit surtout d’éléments symboliques : on retire les « symboles
de l’Union » ; les termes sont modifiés : plus de
« ministre des Affaires étrangères », bien que le
haut-représentant en assure la fonction, plus de
« loi » ni de « loi-cadre », mais des « directives »
et « règlements ». Ces termes heurtaient trop les
sentiments nationaux bien plus développés que
le sentiment européen.
191 •
Chapitre
12
La gouvernance économique
mondiale depuis 1944
e
s
s
it
� MANUEL, PAGES 346-369
◗ Présentation de la question
question et d’une revue (Global Governance) qui
lui est même entièrement consacrée, le terme [de
gouvernance] reste flou. Néanmoins, son message est clair : c’est celui d’une aspiration à trouver mieux que la loi du marché et celle de l’Étatnation pour réguler le rapport des individus aux
évolutions économiques internationales ».
• Si le terme de gouvernance ne revient à la mode
qu’à la fin du XXe siècle, la volonté d’approfondir
la coopération internationale pour limiter l’instabilité économique est plus ancienne. Dès les lendemains de la Seconde Guerre mondiale, le désir
d’assurer au monde une paix durable conduit les
grandes puissances à mettre en place plusieurs
institutions pour encadrer la reconstruction économique. C’est pourquoi le programme de terminale invite à étudier la gouvernance économique
mondiale depuis les accords de Bretton Woods
de 1944. Cette question prolonge l’étude de certaines thématiques vues en classe de première.
Les élèves ont en effet analysé les étapes de la
mondialisation à travers les exemples de l’économie-monde (britannique, américaine puis multipolaire). Les effets négatifs de la globalisation
(multiplication des crises économiques et financières, croissance des inégalités de développement, aggravation des problèmes environnementaux, etc.) ont alors fait naître l’exigence d’une
gouvernance économique.
• Trois étapes peuvent être distinguées dans les
tentatives pour réguler la croissance et la mon­dia­lisation :
– De 1944 à la fin des années 1960, le processus de coopération commerciale et financière
mis en place après les accords de Bretton Woods
et du GATT semble suffire. Après les désastres
de la guerre, l’urgence pour les vainqueurs est
de reconstruire un système économique viable.
L’objectif des grandes puissances occidentales
est d’éviter le retour à la situation des années
1930. Les gouvernements ont été alors incapables
o
B
it
e
s
s
o
B
• Le terme « gouvernance » est dans le langage
politique médiéval du XIIIe siècle un synonyme
de gouvernement. C’est au XVIe siècle que ce
mot devient autonome, notamment chez Jean
Bodin dans les Six Livres de la République
(1576). La gouvernance désigne alors la science
du gouvernement, la manière de gérer adéquatement la chose publique. L’expression tombe
en désuétude en France, mais s’exporte dans ce
sens aux États-Unis. Dans les années 1970, elle
est couramment employée : elle s’applique essentiellement pour désigner le mode de gestion
de l’entreprise (corporate governance). À partir de là, ce terme revient progressivement dans
le langage politique et administratif du monde
anglo-saxon, puis il s’impose dans les années
1990 sur la scène internationale.
• En effet, de nombreux chercheurs s’interrogent
alors sur le rôle de l’État dans un monde profondément transformé par la mondialisation et
la multiplication des acteurs non étatiques. Ils
constatent que le territoire national n’est plus
le champ d’action pertinent pour faire face au
défi de la globalisation et que l’influence de
l’État s’affaiblit dans trois domaines : les relations internationales, les régulations économiques et le rapport aux pouvoirs locaux. Pour
ces chercheurs, dans ce nouveau cadre, la prise
de décision nécessite de repenser les rapports
entre les différents acteurs, qu’ils soient étatiques ou autres, pour privilégier le mode de la
coopération notamment au niveau international.
Naissent alors plusieurs courants de pensées qui
réfléchissent à l’institution d’une gouvernance
mondiale capable de régler des problèmes qui
désormais dépassent les frontières, en particulier dans le domaine économique, où toute crise
devient rapidement mondiale.
• Christian Chavagneux remarque ainsi en 1997
qu’« en dépit d’une abondante littérature sur la
• 192
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
de coopérer pour résoudre la crise de 1929. Les
politiques des États pour protéger leur marché
ou pour relancer leur économie par des dévaluations ont ainsi conduit à des tensions jugées en
partie responsables du conflit. Puis, la Seconde
Guerre mondiale a créé des déséquilibres qui
rendent impossibles le retour au statu quo ante.
En 1944, l’Europe et le Japon ruinés n’ont pas
les capacités financières pour faire face aux exigences de la reconstruction. Parmi les grandes
puissances capitalistes, seuls les États-Unis sont
en 1944 plus riches qu’en 1939. Ils sont alors
particulièrement soucieux d’assurer la stabilité
financière et la libéralisation des échanges nécessaires à une paix solide et à la poursuite de
leur croissance. Les États-Unis décident donc
de réunir en 1944 une conférence internationale dans le but de créer un cadre solide pour la
reconstruction et l’expansion économique. C’est
donc à leur initiative et sur le sol américain que
sont signés les accords de Bretton Woods qui
organisent le nouvel ordre économique.
La principale innovation est la fondation de deux
institutions de coopération internationale : le
FMI et la BIRD ou Banque mondiale. Chacune
intervient dans un domaine précis : le FMI veille
au fonctionnement du système monétaire international, la Banque mondiale est chargée d’aider
au financement des projets de reconstruction des
anciens belligérants et des projets de développement du Tiers-Monde. En outre, l’OIC, organisation internationale du commerce, fondée en
1948 par la charte de La Havane, doit harmoniser les politiques commerciales des 53 pays
signataires. La Banque mondiale et le FMI sont
rapidement constitués, mais la mise en place
de l’OIC s’avère impossible. En 1950, le Sénat
américain refuse en effet de ratifier la charte de
La Havane. Cet échec n’empêche pas une forme
de coopération plus informelle dans le domaine
commercial. L’accord tarifaire du GATT, signé
dès 1947, permet en effet la tenue régulière de
négociations en vue de libéraliser les échanges.
Ces mesures renforcent la suprématie américaine
sur l’économie mondiale. Le nouveau système
monétaire institue un régime de changes fondé
sur la parité fixe du dollar par rapport à l’or. La
monnaie américaine devient ainsi la principale
devise utilisée dans les transactions internationales. Les États-Unis apportent la plus forte
it
contribution financière au FMI et à la Banque
mondiale, ils disposent donc du plus grand
nombre de voix. Cette hégémonie américaine se
manifeste d’ailleurs dans le choix d’installer le
FMI et la Banque mondiale à Washington.
Les accords de Bretton Woods jouent un rôle non
négligeable en rétablissant le climat de confiance
indispensable pour la reprise économique : le système de changes fixes fonctionne en effet jusqu’à
la fin des années 1960 et les États européens
peuvent rétablir la convertibilité de leur monnaie
dès 1958. Cependant la Banque mondiale n’a
jamais eu les moyens financiers nécessaires aux
besoins de la reconstruction. Les États européens
souffrent du manque de dollars (dollar gap), ce
qui les empêche d’acheter aux États-Unis les
matériaux et les biens d’équipement nécessaires à
leur relèvement économique. Les États-Unis décident alors de mettre en place une aide financière
massive, le plan Marshall, dès 1947. 16 nations
(France, Royaume-Uni, Italie, Portugal, Irlande,
Grèce, Pays-Bas, Islande, Belgique, Luxembourg,
Suisse, Turquie, Autriche, Danemark, Suède,
Norvège) – auxquelles s’ajoute la République
fédérale d’Allemagne après sa création en 1949
– acceptent ce soutien, qui s’accompagne d’un
programme de reconstruction prévoyant le renforcement de la coopération économique transatlantique. L’Administration pour la coopération économique, agence du gouvernement des
États-Unis, distribue les crédits et l’Organisation
européenne de coopération économique (OECE)
se charge de les dépenser. En 1961, l’OECE est
remplacée par l’Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE), qui élargit
le champ de la concertation transatlantique.
La coopération économique internationale qui
s’est développée depuis 1944 reste géographiquement limitée. Les pays communistes, à l’initiative de l’URSS, doivent en effet refuser et le
système de Bretton Woods et le plan Marshall.
En outre, les pays du Tiers-Monde considèrent
de plus en plus que les grandes organisations
économiques internationales ne servent que les
intérêts des pays industrialisés. Ils obtiennent
alors de l’ONU l’instauration d’institutions
plus soucieuses des intérêts des pays pauvres
(CNUCED, PNUD).
– À la fin des années 1960 et jusqu’au début des
années 1990, le monde entre dans une période de
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
193 •
difficultés économiques qui affaiblit la coopération internationale. Le stock d’or de la Banque
fédérale diminue dangereusement, à cause du
déficit croissant de la balance des paiements
des États-Unis. En 1971, Washington met alors
fin sans concertation avec ses partenaires à la
convertibilité du dollar en or. Le système monétaire créé par les accords de Bretton Woods
s’effondre. S’ouvre une période de changes
flottants, dont le principe est entériné lors des
accords de la Jamaïque en 1976. À cette crise
monétaire s’ajoute un net ralentissement de la
croissance économique : c’est la fin des Trente
Glorieuses pour les pays industrialisés. Pour
rendre leur système productif plus compétitif, de
nombreux États, sur le modèle du Royaume-Uni
et des États-Unis, font alors le choix de la dérégulation. La mondialisation s’accélère et l’économie échappe au contrôle des gouvernements.
Cette libéralisation accroît aussi l’instabilité et
les crises financières deviennent plus fréquentes
à partir de 1987.
Le FMI a perdu son rôle de garant de la stabilité
monétaire. Avec la Banque mondiale, il devient
l’instrument privilégié de la communauté internationale pour régler les problèmes de surendettement du Tiers-Monde. Le FMI est alors à
l’origine de plusieurs programmes d’ajustement
structurel qui visent à imposer une politique de
rigueur aux États les plus endettés, afin de rétablir leur santé financière. Ces programmes sont
très vite contestés, à cause de leur manque d’efficacité et de leur logique comptable, qui oublie
les besoins vitaux des populations pauvres. La
plupart des États, contraints à une diminution
de leurs dépenses publiques, s’enfoncent dans
la récession et peinent à financer leur système
de santé, leurs écoles, etc. Le FMI et la Banque
mondiale apparaissent ainsi complètement
dépassés par la nouvelle donne économique et
financière. Les grandes puissances créent donc
en 1975-1976 le G7 pour tenter de réduire l’instabilité mais les résultats sont décevants.
– C’est dans ce contexte difficile que s’impose
peu à peu dans le débat public, l’aspiration à une
gouvernance économique mondiale dépassant la
simple coopération entre des États, jaloux de leur
souveraineté. En effet, à la fin des années 1980,
les mouvements qui critiquent la façon dont le
FMI et la Banque mondiale gèrent les problèmes
it
de surendettement du Tiers-Monde se multiplient ; ces mouvements donnent naissance au
courant de pensée altermondialiste, qui s’oppose
aux effets négatifs de la mondialisation libérale. Les altermondialistes, mais aussi d’autres
acteurs non étatiques (ONG, économistes, scientifiques…), jugent que la coopération internationale classique, fondée sur un fonctionnement
interétatique et dominée par les grandes puissances, ignore trop souvent les enjeux environnementaux et les inégalités sociales. Beaucoup
pensent que les États ne peuvent régler seuls ces
problèmes et qu’il faut mettre en place un nouveau mode de gestion international assurant à la
planète un développement durable. Cette gouvernance associerait les États et tous les autres
acteurs (organisations internationales, ONG,
etc.). Sous la pression de l’opinion publique,
sensibilisée par les actions très médiatisées des
altermondialistes, et sous celle des grands pays
émergents qui réclament la fin de l’hégémonie
des nations riches sur les institutions internationales, le système de coopération internationale
se transforme alors peu à peu.
En 1995 est mise en place l’OMC, qui, dans sa
charte, proclame la nécessité d’un développement
durable et d’un rééquilibrage du commerce international en faveur des pays en développement.
Mais cette nouvelle organisation est très vite critiquée, parce que les pays pauvres peinent à faire
valoir leurs droits devant son Organisme de règlement des différends et parce que les négociations
en son sein semblent toujours aller dans le sens
d’un libre-échange qui profite aux multinationales
des pays riches. Les années suivantes semblent
enregistrer cependant de nouveaux progrès dans
la mise en place d’une véritable gouvernance économique. Les pays émergents obtiennent la création en 1999 du G20, qui, en intégrant les pays
émergents au processus de décision, tente depuis
la crise financière de 2007 de renforcer la régulation du système financier international. Est aussi
décidée par la communauté internationale une
nouvelle répartition des droits de vote au FMI et
à la Banque mondiale, qui donne plus de poids
aux États en développement. En outre, l’ONU,
avec l’appui du FMI et de la Banque mondiale
et en concertation avec certaines ONG, lance en
2000 un vaste programme pour lutter contre la
pauvreté. Enfin, des normes environnementales
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
• 194
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
s’imposent peu à peu notamment avec l’entrée en
vigueur du protocole de Kyoto en 2005. Mais tous
ces progrès restent modestes au vu des enjeux et
des difficultés ; le renforcement de la coopération
internationale est plus le résultat de négociations
classiques entre les États que de la mise en place
d’un mode de gestion véritablement nouveau
associant tous les autres acteurs. En fait, comme
le dit Christian Chavagneux, seuls de rares « utopistes » sont partisans d’un véritable gouvernement mondial. Le chemin vers la « gouvernance »
passe donc par « un rôle accru des organisations
économiques internationales », lesquelles « n’ont
jamais été aussi nombreuses et aussi visibles
qu’aujourd’hui ». Cette présence accrue est en
grande partie un leurre, car elles ne disposent pas
d’une réelle autonomie par rapport aux États et
n’ont donc pas vraiment « une influence significative sur la détermination des règles du jeu du
système économique international ».
◗ Bibliographie
Ouvrages
it
économique de la mondialisation, Éditions du
Seuil, 2004.
J. Pisani-Ferry, « Quelle gouvernance pour l’économie mondiale ? », Alternatives Économiques
n° 186, novembre 2000.
« Réguler l’économie mondiale au XXIe siècle »,
Problèmes économiques, n° 2958, 12 novembre
2008.
J.-P. Thérien, « Un demi-siècle d’aide au développement », Lien social et Politiques, n° 45,
2001.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
C. Bastidon Gilles, J. Brasseul, P. Gilles,
Histoire de la globalisation financière, Armand
Colin, 2010.
R. Canet, « Qu’est-ce que la gouvernance ? »,
Conférences de la Chaire MCD, 16 mars 2004.
C. Chavagneux, « Les institutions internationales et la gouvernance de l’économie mondiale », L’Économie en 1998, Coll. Repères, La
Découverte, 1997.
C. Chavagneux, « Ce qui s’est vraiment passé
à Bretton Woods », Alternatives économiques,
n° 227, juillet 2004.
J.-P. Gaudin, Pourquoi la gouvernance ?, coll.
La bibliothèque du citoyen, Presses de la FNSP,
2002.
J.-C. Graz, La Gouvernance de la mondialisation, Coll. Repères, La Découverte, 2008.
« Mondialisation, une gouvernance introuvable », Questions internationales, n° 46, maijuin 2010.
P. Moreau Defarges, La Gouvernance mondiale,
Coll. Que sais-je ?, PUF, 2008.
J. Mistral (dir.), Le G20 et la nouvelle gouvernance économique mondiale, Les cahiers du
Cercle des économistes, PUF, 2011.
P. Norel, L’Invention du marché, une histoire
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
Sitographie
http://www.wto.org/indexfr.htm : site officiel de
l’OMC.
http://www.wto.org/french/forums_f/students_
f/students_f.htm : une vidéo sur l’histoire de
l’OMC.
http://www.imf.org/external/french/index.htm :
site officiel du FMI.
http://www.banquemondiale.org/ : site officiel
de la Banque mondiale.
http://www.oecd.org/home/0,3675,fr_2649_
201185_1_1_1_1_1,00.html : site officiel de
l’OCDE.
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/
dossiers/banque-mondiale-fmi/index.shtml :
Banque mondiale, FMI et développement sur le
site de la documentation française.
◗ Plan du chapitre
Une double page de cartes ouvre ce chapitre.
Elle montre notamment comment, depuis leur
création, les principaux organismes de coopération économique ont progressivement intégré
les différents États de la planète. Puis le chapitre
s’articule autour des trois périodes qui ont été
distinguées dans la présentation du programme.
Il commence donc par une analyse des débuts de
la coopération économique mondiale de 1944 à
la fin des années 1960. Le premier cours étudie la mise en place du FMI, de la Banque mondiale et du GATT, tout en en évoquant les limites
de ce système (insuffisance des moyens mis
en œuvre et nécessité du plan Marshall, refus
soviétique de coopérer et insuffisance de l’aide
au développement). Ensuite le deuxième cours
montre comment la crise monétaire de 1971,
le ralentissement de la croissance économique
dans les pays riches après les chocs pétroliers
195 •
et la dérégulation fragilisent ce processus de
coopération économique. Ceci permet d’envisager dans le troisième cours les transformations
commencées depuis le début des années 1990.
On y explique comment et pourquoi, sous la
pression notamment des altermondialistes et des
pays émergents, naît l’aspiration à une nouvelle
gouvernance économique mondiale. Ce désir
d’encadrer la mondialisation libérale pour en
éviter les effets les plus négatifs (insécurité financière, inégalités de développement, désastres
écologiques) entraîne des réformes dont les résultats restent encore très en-deçà des ambitions
affichées.
Pour compléter ces trois leçons, le chapitre comporte quatre études. La première fait un gros
plan sur le système monétaire de Bretton Woods.
it
Les documents permettent de faire comprendre
aux élèves comment il fonctionne et conduit
à un renforcement de la coopération économique internationale. La deuxième étude invite
à réfléchir sur le rôle du FMI et de la Banque
mondiale dans la gestion du surendettement des
pays du Tiers-Monde. La troisième étude prend
l’exemple de « la guerre de la banane », le plus
long conflit commercial de l’histoire de l’OMC
pour analyser le processus de règlement des
différends commerciaux mis en place en 1994
et ses limites. Enfin, la quatrième étude traite
du projet de gouvernance mondiale porté par
l’altermondialisme, un courant de pensée dont
l’influence est devenue planétaire en quelques
années.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
Commentaire des documents et réponses aux questions
◗ Ouverture de chapitre
� MANUEL PAGES 346-347
Doc. 1. Une gouvernance économique organisée par les grandes puissances…
(Photographie du 35e sommet du G8, Italie, 8 au
10 juillet 2009.)
Ce type de sommet économique et politique a
d’abord réuni régulièrement les chefs de l’exécutif des « sept pays les plus industrialisés » :
le Canada, la France, l’Allemagne, l’Italie, le
Japon, la Grande-Bretagne et les États-Unis. Le
G7 s’est constitué de façon informelle à partir
des réunions organisées entre Valéry Giscard
d’Estaing, alors président de la République française et Helmut Schmidt, à cette époque chancelier de la République fédérale d’Allemagne dans
les années 1970. Depuis le milieu des années
1990, la Russie est associée aux discussions et le
G7 devient le G8.
Actuellement le G8 réunit une fois par an, non
seulement les chefs d’État ou de gouvernement,
mais aussi les présidents de la Commission et
• 196
du Conseil européens dans le but d’échanger des
informations et des idées, notamment dans le
domaine économique, de discuter des questions
d’ordre international et de réfléchir à d’éventuelles stratégies.
Le G8 n’est pas une organisation internationale
comme l’OMC, le FMI et la Banque mondiale. Il
ne dispose pas d’administration propre, chaque
sommet est préparé dans le pays qui doit l’accueillir par des réunions ministérielles plusieurs
semaines avant que ne commencent les discussions entre les chefs d’État et de gouvernement,
lesquelles ne durent que deux ou trois jours.
Doc 2. … Mais violemment contestée
(Dessin de Matiz paru dans Solidaire, journal du Parti du travail de Belgique, 24 septembre 2003.)
On trouve ici trois personnages vêtus de façon
traditionnelle qui symbolisent les trois continents
encore marqués par d’importants problèmes de
développement. Le premier personnage avec
son poncho et son sombrero de paysan mexicain
représente l’Amérique latine, le second avec son
chapeau de paille et son pantalon blanc est un
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
agriculteur d’Afrique subsaharienne, enfin le
troisième avec son chapeau conique est un fermier d’Asie.
Ces trois personnages s’unissent pour chasser un
homme représentant les grands pays industrialisés d’Occident. Cet individu porte les attributs
typiques du riche capitaliste, notamment le chapeau haut de forme et le cigare. Il est en outre
affublé du sigle de l’Organisation mondiale du
commerce et du symbole du dollar. Il s’agit ici
de dénoncer le fait que l’OMC est une organisation au service des grandes puissances économiques d’Amérique du Nord et d’Europe.
◗ Étude
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
Les accords de Bretton Woods : un nouveau
système monétaire (1944)
� MANUEL, PAGES 350-351
Réponses aux questions
it
sur le marché des changes, les autres banques
centrales doivent donc se constituer des réserves
en dollars et en or.
3. La tâche principale du FMI est de « favoriser
la stabilité des changes », afin de faciliter le commerce international. Pour ce faire, il dispose des
fonds que lui ont versés les États membres ; les
États-Unis financent d’ailleurs 31 % de son budget. Le FMI peut grâce à ces moyens financiers
venir en aide à des pays qui doivent « remédier
aux déséquilibres de leur balance des comptes ».
Il leur accorde alors des prêts à court terme. Le
FMI a aussi un pouvoir de contrôle sur la parité
des monnaies : un pays qui désire changer la valeur de sa monnaie par rapport au dollar doit au
préalable consulter le FMI.
4. Selon l’auteur, le premier avantage du FMI
et de la Banque mondiale est d’éviter un retour
aux difficultés financières et économiques des
années 1930, qui ont aggravé les tensions internationales et conduit à la guerre. En effet, grâce
aux accords de Bretton Woods, les États qui subissent une crise économique et financière n’ont
plus à demander l’aide des grandes puissances
et à subir en retour leur impérialisme. Le FMI et
la Banque mondiale sont désormais là pour les
aider et accorder des prêts « sans conditions politiques ». Les deux nouveaux organismes internationaux ont aussi été créés pour favoriser la reconstruction des pays ruinés par la guerre. Cette
volonté américaine n’est pas désintéressée. Les
États-Unis ont connu une forte croissance économique pendant la guerre et ils doivent trouver des débouchés pour leurs entreprises. Il faut
donc que leurs partenaires commerciaux traditionnels qui, comme les pays d’Europe, sont très
endettés, puissent à nouveau recourir au crédit
pour financer leur reconstruction et acheter des
produits américains.
5. La photographie représente une réunion du
FMI et de la Banque mondiale en 1948. Le mur,
à l’arrière plan, porte les logos des deux organisations internationales. Dans la vaste pièce est
disposée une immense table autour de laquelle
ont pris place les représentants de chacun des
États membres. Le photographe veut insister sur
le caractère international de cette réunion et sur
la présence de pays n’appartenant pas au groupe
des grandes puissances. On peut ainsi lire les
cartons qui indiquent le nom de certains pays :
1. La plupart des États n’ont plus les moyens de
revenir à l’étalon-or au lendemain de la guerre,
parce qu’ils ne disposent pas d’une réserve suffisante en métal précieux. En effet, si les ÉtatsUnis ont accumulé une importante quantité d’or
valant environ 21 milliards de dollars, tous les
autres pays, sauf la Suisse, possèdent moins de
700 millions de dollars en or. Le Royaume-Uni
apparaît comme le pays qui, parmi les grands
vainqueurs de la guerre, a la plus faible réserve
de métal précieux. Cette situation s’explique
pour l’essentiel par le coût exorbitant de la guerre
qui a obligé le Royaume-Uni à échanger son or
contre des armes ou des matières premières,
pour résister à l’agression nazie. Les États-Unis,
eux, se sont enrichis en devenant « l’arsenal des
démocraties ».
2. Le nouveau système monétaire international est fondé sur le dollar. Il devient à la fois la
monnaie de référence et la monnaie de réserve
pour la plupart des banques centrales. Le dollar
dispose d’une parité fixe par rapport à l’or. Afin
d’inspirer confiance, les réserves de la Banque
fédérale sont donc uniquement constituées de ce
métal précieux. La parité des autres monnaies
est définie par rapport au dollar, leur cours sur
le marché des changes peut varier mais seulement de + ou – 1 % par rapport à la valeur choisie. Ainsi en 1945, un dollar vaut 119,11 francs.
Pour émettre de la monnaie et défendre sa parité
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
197 •
Honduras, Guatemala. Cette disposition donne
une impression d’égalité entre les États : ils sont
placés par ordre alphabétique sur le même plan :
la France est ainsi à côté de la Grèce.
6. Le nouveau système monétaire international issu des accords de Bretton Woods repose
sur le dollar. Celui-ci est la seule monnaie dont
la parité est fixe et définie par rapport à l’or, il
demeure l’unique monnaie convertible en or au
lendemain de la guerre. En effet, seule la Banque
fédérale américaine dispose alors des réserves
en or suffisantes pour inspirer confiance dans la
valeur du dollar. Toutes les autres monnaies ont
une parité variable et définie par rapport au dollar. Les banques centrales, qui doivent défendre
cette parité mais manquent d’or, peuvent acheter
des dollars afin de disposer de réserves suffisantes. Les besoins en dollars font de celui-ci la
monnaie principale des échanges internationaux
et une arme pour la diplomatie américaine.
7. Ce système monétaire renforce la coopération
économique mondiale en créant deux nouveaux
organismes internationaux. Le FMI doit assurer
la stabilité des changes en surveillant la parité
des monnaies et la Banque mondiale doit aider à
la reconstruction des pays ruinés par la guerre et
au développement du reste du monde. Ces deux
organismes disposent de moyens financiers apportés par chaque État membre et peuvent ainsi
accorder des prêts aux pays qui en ont besoin.
Le fonctionnement de ce système, même s’il est
en 1944 dominé par les États-Unis qui financent
31 % du budget du FMI, nécessite des réunions
régulières des représentants de chaque État
membre.
it
économique (Economic Cooperation Act) est
votée par le Congrès en 1948. Elle fixe officiellement les buts et les modalités de l’aide.
L’objectif est de donner naissance en Europe de
l’Ouest à une économie saine et indépendante
d’ici à 1952. Deux organismes sont créés pour
gérer l’aide : l’Administration de Coopération
Économique (ECA) côté américain, et l’Organisation Européenne de Coopération Économique
(OECE) côté européen, chargée de répartir les
crédits entre les bénéficiaires.
• Question. Cette affiche met l’accent sur le fait
que le plan Marshall ne peut réussir que s’il existe
une étroite coopération entre les États-Unis et
les pays d’Europe qui bénéficient de l’aide américaine. Le mot « Together » (Ensemble) est ainsi
mis en valeur. La coopération est symbolisée par
une éolienne, un appareil qui ne peut fonctionner
correctement qu’avec toutes ses pales. Chacune
d’entre elles représente l’État européen dont elle
porte le drapeau. À l’arrière, un gouvernail aux
couleurs des États-Unis semble là pour diriger
cette éolienne dans le sens où souffle le vent le
plus favorable à son fonctionnement.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
1. Les débuts de la coopération
économique mondiale (1944-fin
des années 1960)
� MANUEL PAGES 352-353
Doc. 1. Les débuts de la coopération économique entre l’Europe et les États-Unis
C’est le 5 juin 1947, lors d’un discours à l’Université de Harvard que le Secrétaire d’État
George C. Marshall lance l’idée d’une aide
américaine massive pour restaurer l’infrastructure économique de l’Europe. L’Europe de
l’Ouest répond favorablement et Marshall propose un texte législatif. La loi de coopération
• 198
Doc. 2. La charte de l’Atlantique (1941)
La charte de l’Atlantique (ou Charte atlantique)
est une déclaration solennelle, faite le 14 août
1941, après la Conférence de l’Atlantique, tenue
à bord du navire de guerre USS Augusta, dans
l’Atlantique, au large de Terre-Neuve, entre le
président américain Franklin D. Roosevelt et le
Premier ministre britannique Winston Churchill.
L’influence américaine sur ce texte est très
forte : la charte reprend en partie le discours sur
les quatre libertés de Franklin Delano Roosevelt,
discours sur l’état de l’Union prononcé le 6 janvier 1941 devant le Congrès et exprimant la volonté du président américain « de jeter les fondements d’une nouvelle politique internationale ».
• Question 1. La paix future doit être construite
sur deux principes : le libre-échange et le progrès
social. La charte de l’Atlantique a pour objectif de mettre fin au protectionnisme, et donc de
favoriser le libre-échange : il faut « ouvrir à tous
les États […] l’accès aux matières premières du
monde et aux transactions commerciales ». Cela
permettra aussi « de garantir […] l’amélioration
de la condition ouvrière […] et la sécurité sociale » ainsi qu’une « existence affranchie de la
crainte et du besoin ».
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
• Question 2. Les deux grands affirment ici leur
volonté « de réaliser entre toutes les nations la
collaboration la plus complète dans le domaine
de l’économie ». Cette coopération économique
s’oppose à ce qui s’est produit dans les années
1930, quand la crise a conduit chaque pays à se
replier sur lui-même.
Doc. 3. L’évolution des droits de douane
grâce au GATT
it
• Question. Le but des pays de l’OCDE est
« d’assurer l’expansion du volume global de ressources mises à la disposition des pays moins
développés et d’en accroître l’efficacité ». Pour
aboutir à ce résultat, l’OCDE veut développer une aide « sous forme de dons ou de prêts
assortis de conditions favorables notamment de
longs délais de remboursement ». Chaque pays
membre de l’organisation doit participer à cet
effort en fonction de sa richesse économique.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
• Question 1. L’action du GATT a permis une
nette diminution des droits de douane sur les
produits industriels. Chaque round de négociations a entraîné une baisse égale ou supérieure
à 34 % en moyenne des taxes sur ces marchandises, seul le round Dillon n’a abouti qu’à une
faible diminution (-7 %).
• Question 2. Le GATT apparaît de plus en
plus attractif, car le nombre de pays qui sont
présents aux différents rounds augmente fortement. 23 pays ont participé au premier round
qui s’est déroulé à Genève en 1947, ils sont 119
à assister à l’Uruguay round. C’est à partir des
années 1960 que la progression est la plus forte.
Cette période marque la fin des grands empires
coloniaux et les nouveaux pays indépendants
décident d’adhérer au GATT.
Doc. 4. Les pays riches et l’aide au développement
Le Groupe d’aide au développement (GAD) –
aujourd’hui appelé le Comité d’aide au développement – a été créé le 13 janvier 1960. C’est
le sous-secrétaire d’État du président américain
Eisenhower, C. Douglas Dillon, qui a été l’artisan de cette initiative.
C’est un forum de discussion et de collaboration
pour les principaux donateurs d’aide publique au
développement. En 1961, il réunit les représentants de la Belgique, du Canada, de la France, de
la RFA, de l’Italie, du Portugal, du RoyaumeUni, des États-Unis, du Japon, des Pays-Bas et de
la Commission de la Communauté économique
européenne. Tous sont membres de l’OCDE.
C’est au cours de la quatrième réunion du GAD,
qui s’est tenue à Church House à Londres (2729 mars), qu’a été adoptée cette résolution sur l’effort commun d’aide. En 1960-1961, les États-Unis
étaient à l’origine de plus de 40 % de l’aide publique totale accordée aux pays en développement,
un tiers venant de la France et du Royaume-Uni.
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
2. La coopération économique
menacée (1971-fin des années 1990)
� MANUEL PAGES 354-355
Doc. 1. La diminution du stock d’or américain
• Question. Ce dessin de presse présente un
gigantesque réservoir. Il contient les réserves
en or de la Banque fédérale américaine. Ces
réserves assurent la confiance dans la valeur de
la monnaie américaine, dont la parité est fixe
par rapport au métal précieux ; le dollar est alors
convertible en or en tout moment. Un homme
penché sur l’ouverture de cette cuve mesure ce
qu’il reste de métal précieux à l’intérieur et il
s’inquiète du faible niveau d’or qu’elle contient
encore. En effet, un tuyau muni d’un robinet part
de ce réservoir et déverse l’or américain à l’extérieur des États-Unis. Cette caricature dénonce
ici le déficit croissant de la balance des paiements américaine. Les États-Unis doivent alors
financer la guerre froide et venir en aide à leurs
alliés, d’où la légende « distribution de cadeaux
et aides à l’étranger ». Mais ce déficit s’explique
aussi par les investissements à l’étranger des
firmes américaines.
Doc. 2. Pour un nouvel ordre économique
international
Houari Boumédiène (1932-1978) fut un des
chefs de la rébellion algérienne contre les colonisateurs français. Après les accords d’Évian,
en mars 1962, et l’indépendance algérienne,
Boumédiène est ministre de la Défense du président du nouvel État, Ahmed Ben Bella. En juin
1965, avec le soutien de l’armée, il renverse Ben
Bella. Dès lors, Boumédiène gouverne autoritairement l’État algérien jusqu’en 1976, en cherchant à industrialiser son pays et à affirmer son
indépendance économique. Il se fait l’ardent
défenseur d’un « nouvel ordre économique inter199 •
national », après la Ve Conférence des pays nonalignés en 1973.
• Question. Selon Boumédiène, l’ordre économique des années 1970 est injuste parce que
« tous les leviers de l’économie mondiale sont
entre les mains d’une minorité constituée par des
pays hautement développés ». Ces États abusent
de leur puissance car ils peuvent « fixer à leur
guise, tant les prix des matières premières de
base qu’ils prennent aux pays en voie de développement, que ceux des biens et des services
qu’ils fournissent à ces derniers ». Ils sont donc
en grande partie responsables du déséquilibre
croissant des termes de l’échange, un déséquilibre qui gêne l’essor économique du TiersMonde et le conduit à un endettement croissant.
it
annuellement afin de traiter les questions économiques et financières de façon informelle. Il
n’existe donc pas d’administration particulière,
le G6 se présente comme une simple réunion de
dirigeants, qui a pour objectif de « discuter des
affaires du monde […] en toute franchise et sans
protocole, dans une ambiance décontractée »
(cf. http://www.g8.fr/evian/francais/navigation/
le_g8/historique_du_g8.html) Le G6 devient le
G7 avec, en 1976, l’ajout du Canada. Puis, dès
1977, la CEE participe aussi au G7 en tant qu’invitée, en étant représentée par le président de la
Commission européenne.
• Question 1. Ce groupe de discussion se donne
pour objectifs de discuter des grands problèmes
économiques et de développer les efforts « en
vue d’une coopération internationale accrue et
d’un dialogue constructif entre tous les pays »
quelle que soit leur situation économique ou politique. Il s’agit donc ici de nouer de meilleures
relations avec les pays en développement et les
pays communistes.
• Question 2. Les chefs d’État et de gouvernement réunis à Rambouillet pensent que leur
action est nécessaire pour assurer « la prospérité
de l’ensemble du monde industriel et des pays
en développement ». Ces pays se sentent investis
d’une mission particulière parce qu’ils sont les
représentants des plus grandes puissances économiques de la planète, chacun d’entre eux « a
la responsabilité d’assurer la prospérité de l’économie d’un pays industriel important ». En effet,
jusqu’en 1989, les membres du G7, le Canada
qui rejoint les 6 États signataires de la déclaration de Rambouillet en 1976, l’Allemagne, les
États-Unis, la France, le Royaume-Uni, l’Italie
et le Japon représentent plus de 60 % du PIB
mondial.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
Doc. 3. L’aide au développement des pays de
l’OCDE
Ce schéma présente des statistiques sur l’aide
publique au développement (APD) des pays
membres de l’OCDE. L’APD comprend tous les
dons et les prêts préférentiels prévus au budget
public des pays riches et transférés vers les pays
pauvres.
• Question. Entre 1960 et 2010, l’aide au développement des pays de l’OCDE augmente fortement : en 1960, elle s’élève à 40 milliards de
dollars et en 2010 à plus de 120 milliards de dollars, elle a donc triplé. Mais cette augmentation
est trompeuse, elle cache en fait une diminution
de l’effort consenti par les pays de l’OCDE par
rapport à leur richesse. En effet, en 1960, l’aide
au développement représente 0,5 % du revenu
national brut des pays de l’OCDE et seulement
un peu plus de 0,3 % en 2010. Contrairement
aux promesses faites en 1961 (doc. 4 p. 353), les
pays de l’OCDE se montrent de moins en moins
généreux.
Doc. 4. La fondation du G7
◗ Étude
Juste après le premier choc pétrolier, commence à partir de 1974 une série de réunions
entre les États-Unis, le Japon, la France, l’Allemagne de l’Ouest et le Royaume-Uni. Puis, a
lieu un sommet au Château de Rambouillet du
15 au 17 novembre 1975 auquel se joint l’Italie. À l’initiative du président français Valéry
Giscard d’Estaing, est alors fondé le G6. Six
chefs d’États et de gouvernement des nations
les plus riches du monde s’engagent à se réunir
Le FMI et la Banque mondiale face à la dette
du Tiers-Monde
• 200
� MANUEL, PAGES 356-357
Réponses aux questions
1. La dette totale des pays en développement
est en constante augmentation depuis 1960. À
cette date, elle représente 8 milliards de dollars ; en 2009, elle atteint 3 545 milliards de
dollars. L’endettement croît à un rythme ef© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
fréné entre 1960 et 1980, il est multiplié par
72 en 20 ans, dans une période marquée par la
confiance liée à une forte croissance économique
mondiale. Le rythme de l’endettement est moins
élevé après 1980, alors que le monde connaît un
ralentissement économique, malgré cela la dette
quadruple encore entre 1980 et 2002. Au début
du XXIe siècle, la dette représente ainsi plus de
la moitié du produit national brut des pays en
développement.
2. Pour Léopold Sédar Senghor, c’est l’attitude
égoïste des pays riches qui est en grande partie
responsable de l’essor de cette dette. En effet, les
pays développés consacrent une part de plus en
plus faible de leur revenu national à l’aide au développement, ils n’ont jamais été capables de lui
consacrer 1 % de leur PNB comme le conseillait
l’ONU dès le début des années 1960. En outre
« la part des dons diminue et celle des prêts
augmente ». Le remboursement de ces prêts fait
qu’une « fraction de plus en plus importante de
l’aide financière retourne en fin de compte aux
donateurs ». Les pays en voie de développement
sont en effet obligés désormais de consacrer une
grande partie de l’aide venue des pays riches à
« rembourser les prêts antérieurs » contractés
auprès de ces mêmes États voire à ne pouvoir
payer que les intérêts de leur dette.
3. Léopold Sédar Senghor constate une nette
« détérioration des termes de l’échange » : les
pays en voie de développement ont de plus en
plus de mal à vendre leurs exportations de produits bruts (produits énergétiques, miniers ou
agricoles) à un prix convenable et leurs importations de produits manufacturés leur coûtent de
plus en plus cher. Les revenus tirés des exportations ne peuvent donc que diminuer. Or la
Banque mondiale pensait, au début des années
1960, que ces revenus augmenteraient, permettant ainsi aux pays en développement de
s’acquitter de leurs dettes. La chute des prix
des produits bruts exportés empêche tout remboursement et oblige même les pays du TiersMonde à solliciter de nouveaux prêts auprès des
banques des nations industrialisées pour financer
leur dette. Ils finissent donc par être incapables
de rembourser l’argent emprunté.
4. La politique d’austérité économique imposée par le FMI et la Banque mondiale aux pays
endettés, sous le nom de « programme de stabi-
it
lisation et d’ajustement structurel » (PAS) est
accusée d’accroître la pauvreté des populations.
Selon F. Chéru, « les niveaux de vie de la majorité des Africains ont baissé ». Les PAS n’ont pas
permis un retour à la croissance économique ni
au développement, la majorité des États africains
ont « replongé dans des inégalités croissantes, la
dégradation écologique, la désindustrialisation
et la misère ».
Les PAS obligent les États à diminuer leurs
dépenses publiques. Certains gouvernements
ont dû se retirer « de secteurs clés des services
sociaux ». En Afrique subsaharienne, on a donc
assisté à un effondrement des systèmes de santé
« faute de médicaments », « les écoles manquent
de livres » et « les universités souffrent d’une
pénurie paralysante de bibliothèques et de laboratoires ». La caricature canadienne accuse ainsi
le FMI de travailler à augmenter la pauvreté.
5. Le FMI réfute en bloc ces accusations. Il
prétend que s’il demande en effet une diminution des dépenses publiques, il n’impose pas les
domaines dans lesquels celle-ci doit avoir lieu.
Pour le FMI, « la détermination des dépenses
publiques […] des États relève de la souveraineté nationale ». Le FMI se contente d’un « rôle
de surveillance et de conseil », les programmes
d’ajustement sont conçus par les responsables
de chaque pays et appliqués par eux. Le FMI
rappelle en outre que la restructuration des entreprises en faillite est nécessaire, même si cela
entraîne une augmentation du chômage, afin
d’éviter une aggravation de la situation financière des États qui doivent les soutenir.
6. Les pays du Tiers-Monde ont emprunté de
manière massive depuis les années 1960. Ils ont
pensé que cet argent leur permettrait de moderniser rapidement leur système de production et
d’augmenter leur production de produits miniers
et agricoles, qui représentaient l’essentiel de
leurs exportations. L’augmentation des revenus
tirés de la vente de ces produits bruts aux pays
industrialisés devait faciliter le remboursement
rapide de leurs emprunts. Cependant, la faiblesse de l’aide au développement, la détérioration des termes de l’échange avec notamment
une chute des prix des produits d’exportation
liée à une offre supérieure à la demande ont mis
à mal leurs capacités financières. Les pays en
développement ont dû alors emprunter encore
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
201 •
plus pour financer leur dette, ce qui les a conduit
à une situation de surendettement. Incapables de
rembourser leurs prêts, ils ont été contraints de
faire appel au FMI et à la Banque mondiale.
7. La Banque mondiale et le FMI ont accepté
d’apporter leur concours financier aux pays surendettés, à condition que ces derniers adoptent
un programme de stabilisation et d’ajustement
structurel. Celui-ci oblige les gouvernements
à libéraliser leur économie en privatisant les
entreprises d’État, en mettant fin à tout protectionnisme et en dévaluant leur monnaie. Le but
du FMI et de la Banque mondiale était d’obtenir ainsi une modernisation rapide du système
économique grâce à la concurrence et aux
investissements étrangers, une baisse des prix
pour favoriser les exportations et donc un redémarrage de la croissance économique. Le FMI
et la Banque mondiale ont aussi demandé aux
États de diminuer leurs dépenses publiques pour
limiter leur déficit budgétaire. Ces programmes
n’ont pas eu les effets escomptés : certains États
se sont désindustrialisés, la misère a augmenté,
alors que les services de santé et d’éducation se
sont dégradés avec la baisse drastique des dépenses sociales.
� MANUEL PAGES 358-359
Doc. 1. Les revendications du Brésil
Luiz Inácio Lula da Silva (né en 1945) a été le
président de la République fédérale du Brésil de
2003 à 2011. Né de parents paysans et analphabètes, il devient ouvrier tourneur puis contremaître. En 1975, il est président du syndicat de
la métallurgie. En 1980, il décide de passer du
syndicalisme à la politique et fonde le Partido
dos Trabalhadores (Parti des travailleurs),
d’inspiration socialiste. En 2002, il remporte
les élections et devient le premier président
brésilien de gauche. Profitant de l’essor économique de son pays, fondé notamment sur l’agriculture et l’agro-industrie, Lula part en guerre
contre le protectionnisme des pays industrialisés. Il se présente en leader des pays en voie de
développement.
• Question 1. Le président du Brésil réclame la
fin des « subventions accordées par les pays les
• 202
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
3. Vers une gouvernance économique
mondiale (depuis 1995)
it
plus riches, en particulier dans l’agriculture ». Il
accuse ces subventions, qui, selon lui, s’élèvent
à « un milliard de dollars par jour », de condamner 900 millions de personnes à la pauvreté. En
effet, cette aide financière rend les produits agricoles des pays développés plus compétitifs sur
le marché mondial que ceux des pays en voie de
développement. Ces derniers ne peuvent donc
développer leurs exportations et le sort de leurs
paysans se détériore.
• Question 2. D’après Lula, la création du G20
en 1999 « a changé les dynamiques des négociations à l’OMC ». En effet, dans ce groupe de
discussion influent sont présents des pays émergents comme le Brésil. Ils ont pu exiger que
l’OMC discute officiellement des problèmes de
développement au cours du cycle de Doha et
que des négociations soient ouvertes sur l’agriculture et l’amélioration de l’accès aux marchés
des pays riches pour les produits des pays en
développement. Cependant les espoirs du président Lula sont illusoires car les réticences des
États-Unis et de l’Union européenne ont conduit
à l’échec du cycle de Doha.
Doc. 2. Le G20 face à la crise financière
mondiale
• Question. Pour les pays du G20, une des raisons
de la crise économique que connaît le monde
depuis 2007 est le manque de surveillance des
acteurs financiers. Le G20 s’engage donc ici à
mieux réglementer le fonctionnement des marchés « afin d’éviter de futures crises ». Le G20
veut « renforcer les normes internationales » et
« intensifier la coopération internationale entre
régulateurs ». En outre, il s’engage à promouvoir
une réforme des institutions issues des accords
de Bretton Woods (FMI et Banque mondiale). Il
s’agit de faire en sorte qu’elles « reflètent mieux
l’évolution des poids économiques respectifs
dans l’économie mondiale ». Les économies
émergentes et même les pays les plus pauvres
devront pouvoir « mieux faire entendre leur voix
et y être mieux représentés ».
Doc. 3. Les plaintes déposées auprès de l’OMC
• Question. L’OMC est surtout un instrument au
service des pays développés, parce que ce sont
eux qui déposent le plus de plaintes. En effet,
l’ensemble des pays développés représente 66 %
des litiges commerciaux qu’a dû régler l’insti© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
tution depuis sa création. L’Union européenne
comme les États-Unis ont déposé environ 22 %
des plaintes. L’Afrique en développement qui
comprend la plupart des pays les moins avancés du globe n’a jamais pu utiliser l’OMC pour
défendre ses intérêts commerciaux.
Doc. 4. Les objectifs du millénaire
pour le développement
• Question. Les objectifs de l’ONU apparaissent
extrêmement ambitieux. Elle veut en 15 ans à
la fois faire disparaître la faim dans le monde,
développer l’éducation primaire, réduire la mortalité infantile, améliorer la santé et assurer un
développement durable. Le tout doit se faire
grâce à la coopération internationale ; or l’aide
au développement des pays riches reste insuffisante (cf. doc. 3 p. 355).
Certains résultats sont encourageants, mais un
rapport a constaté l’extrême retard dans la réalisation de la plupart de ces objectifs. En effet, en
Afrique subsaharienne plus de 50 % de travailleurs vivent encore avec moins d’un dollar par
jour. L’Asie du Sud et l’Afrique subsaharienne
restent des zones très touchées par la sous-nutrition infantile. En Afrique subsaharienne, 30 %
des personnes contaminées par le VIH ont accès
aux antirétroviraux, et dans l’ex-URSS seulement 14 %, etc. (voir le site officiel de l’ONU :
http://www.un.org/fr/millenniumgoals/)
◗ Étude
it
2. Dans le régime douanier mis en place par
l’Union européenne en 1993, il existe deux types
d’obstacles à la liberté du commerce. Le premier
est la fixation d’un droit de douane. C’est une
taxe qui est prélevée sur une marchandise importée lors de son passage à la frontière. En rendant
plus chers les produits étrangers sur un marché,
cette pratique cherche à en freiner la consommation et à favoriser les productions locales. C’est
pourquoi le droit de douane constitue l’un des
principaux instruments du protectionnisme. Le
deuxième type d’obstacles au libre-échange est
la mise en place d’un quota d’importation. À
chaque pays, l’Union européenne a alloué une
quote-part précise, seule une certaine quantité de
bananes provenant d’un État exportateur bénéficie des conditions les plus favorables.
3. Les pays qui déposent la première plainte
devant l’OMC sont le Guatemala, le Honduras,
le Mexique et les États-Unis. Ils reprochent
à l’Union européenne d’avoir mis en place un
régime douanier dont les mesures sont « incompatibles avec les obligations qui incombent à la
communauté européenne en vertu de l’accord
général sur les tarifs douaniers et le commerce
(GATT) de 1994 ». Il est question ici des accords signés à l’issue du cycle de négociations
de l’Uruguay (doc. 3, p. 353). Ce cycle de négociations a abouti à la fondation de l’OMC et à
la volonté de développer le libre-échange dans
le domaine agricole en mettant fin aux pratiques
les plus discriminatoires comme les quotas
d’importation.
4. Les pays d’Amérique non ACP sont les principaux producteurs de bananes de la planète.
L’Équateur exporte plus de 3,6 millions de
tonnes de bananes, la Colombie et le Costa Rica
plus de 1 million de tonnes, le Guatemala, le
Honduras et Panama plus de 500 000 tonnes. Ils
sont donc particulièrement touchés par les restrictions mises en place par l’Union européenne,
qui cherche à privilégier les pays ACP. Les
bananes non ACP sont plus chères sur le marché européen à cause des droits de douanes plus
élevés. Or l’Union européenne est un débouché
majeur pour les pays exportateurs, car elle « est
le principal marché mondial de la banane ».
5. Les pays d’Amérique latine non ACP ont
accentué la pression sur l’Union européenne en
s’unissant pour faire entendre leurs revendica-
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
La guerre de la banane, un conflit à l’OMC
(1995-2009)
� MANUEL, PAGES 360-361
Réponses aux questions
1. Les pays ACP bénéficient d’un régime douanier très favorable pour leurs exportations de
bananes vers l’Union européenne. Jusqu’à un
certain quota, fixé à 947 000 tonnes en 1993, ils
ne paient pas de droits de douane. Les pays non
ACP, eux, doivent verser une taxe de 100 euros
par tonne jusqu’à un quota de 1,91 million de
tonnes. Lorsque la quantité de bananes exportées est supérieure aux quotas fixés par l’Union
européenne, les pays ACP disposent encore d’un
avantage. Ils acquittent un droit de douane inférieur de 100 euros à celui que payent les pays
non ACP.
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
203 •
tions. Ils ont ainsi organisé plusieurs sommets,
notamment à Quito (Équateur) en janvier 2005,
pour médiatiser leur lutte et discuter des propositions de l’UE au sujet de la réforme de son tarif
douanier. Leur refus unanime de ce projet leur a
permis de faire condamner l’Union européenne
devant l’OMC en 2005. Ils ont en effet jugé que
le nouveau régime douanier que voulaient mettre
en place les Européens n’était pas satisfaisant.
6. La guerre de la banane s’est terminée en 2009.
Un accord a alors été signé entre l’Union européenne, les pays latino-américains non ACP et
les États-Unis. L’UE s’engage à « réduire progressivement ses droits d’importation sur les
bananes en provenance d’Amérique latine […]
ce qui rendra les bananes d’Amérique latine
plus compétitives sur le marché de l’U.E. » En
échange, les pays latino-américains ont promis
de « mettre fin aux litiges en suspens introduits
auprès de l’OMC ».
7. Le rôle de l’OMC a été central dans le règlement du conflit commercial qui s’est déroulé
entre, d’une part, l’Union européenne et, d’autre
part, les États-Unis et les pays latino-américains exportateurs de bananes. Ces derniers
reprochaient à l’Europe de privilégier les importations en provenance des pays ACP en ne
respectant pas les règles du commerce international décidées en 1994 lors de l’Uruguay
round. L’existence depuis cette date d’un processus de règlement des différends a permis aux
États-Unis et aux principaux pays exportateurs
de bananes de faire condamner plusieurs fois
l’Union européenne par l’OMC. Celle-ci a ainsi
autorisé les plaignants à prendre des sanctions,
ils ont alors augmenté leurs droits de douane sur
certains produits européens. Ces mesures ont été
suffisantes pour conduire l’Union européenne à
réformer son régime douanier.
Cependant, cette guerre de la banane a duré
14 ans, ce qui en fait le plus long conflit commercial de l’histoire de l’OMC. La solution n’a
été en effet trouvée par un accord entre les différents partis qu’après d’âpres discussions et a
nécessité la pression conjointe de tous les grands
pays exportateurs de bananes d’Amérique latine
qui se sont associés aux États-Unis, première
puissance économique de la planète. Cette
guerre commerciale montre donc que le rôle
de l’OMC se limite à favoriser les négociations
it
entre les États, que les sanctions qu’elle autorise
peuvent mettre très longtemps à avoir un effet et
enfin que les plaignants doivent mobiliser d’importants moyens pour se faire entendre.
e
s
s
◗ Étude
L’altermondialisme, le désir d’une autre
gouvernance économique mondiale
� MANUEL, PAGES 362-363
o
B
it
e
s
s
o
B
• 204
Réponses aux questions
1. Le Forum social mondial est la réponse du
mouvement altermondialiste au forum de Davos,
la réunion annuelle des décideurs politiques et
économiques de la planète qui s’emploie à favoriser la mondialisation libérale. Le Forum social
mondial a pour but de faire se rencontrer des
organisations du monde entier « qui s’opposent
au néolibéralisme et à la domination du monde
par le capital ». Il s’agit d’envisager des solutions alternatives, le Forum social se présente
donc comme un « espace ouvert de rencontres
pour l’approfondissement de la réflexion, le
débat démocratique d’idées, la formulation de
propositions ».
2. Le manifeste des intellectuels et la charte du
Forum social insistent tous deux sur la nécessité
de trouver de « nouvelles règles de l’économie ».
L’objectif principal est de construire « une société planétaire centrée sur l’être humain » et de
faire « respecter le droit à la vie pour tous les
êtres humains ». Ce projet est fondé sur le refus
des « règles libre-échangistes de l’OMC » et le
« processus de globalisation capitaliste commandé par les grandes entreprises multinationales et
par les gouvernements et institutions internationales au service des intérêts de celles-ci ».
Les deux textes mettent en avant les principes
d’égalité, de justice sociale, de souveraineté des
peuples et de protection de l’environnement.
3. Le manifeste demande aux pays développés de
faire d’importants efforts financiers en faveur des
États en développement : il veut l’annulation de la
dette publique des pays du Sud, il exige une augmentation de l’aide publique au développement,
celle-ci devant atteindre 0,7 % des PIB des pays
riches comme le réclame l’ONU. Ces derniers
doivent aussi accepter de taxer les transactions
financières, les ventes d’armes et les « activités à
fortes émissions de gaz à effet de serre ». Enfin,
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
l’Union européenne et les États-Unis doivent cesser de subventionner leurs exportations agricoles.
Quant à l’OMC, le libre-échange ne doit plus
être son seul dogme. Elle doit favoriser le « commerce équitable » et ne doit pas intervenir dans le
domaine de l’éducation, de la santé, des services
sociaux et de la culture.
4. Les altermondialistes cherchent à donner
un impact médiatique à leurs idées afin de
convaincre l’opinion publique. C’est une des raisons qui expliquent l’organisation d’un Forum
social mondial ou la rédaction par des intellectuels célèbres (dont deux prix Nobel) d’un manifeste. Les altermondialistes organisent aussi de
nombreuses manifestations sur des thèmes qui
leur sont chers. En 2009, plus de 1 000 personnes
se réunissent ainsi pour former l’expression
« Sauver l’Amazonie » près de Bélem au Brésil.
Les organisateurs espèrent que la photographie
aérienne de cette action spectaculaire et inédite
sera publiée dans les médias du monde entier.
Chaque sommet d’une des grandes organisations
de coopération économique est aussi l’occasion
pour les altermondialistes de se réunir pour protester. En 1999, au sommet de l’OMC à Seattle,
leur manifestation a dégénéré : elle a conduit à
de violents affrontements entre la police et les
altermondialistes.
5. Le journaliste du Quotidien d’Oran souligne
que le mouvement altermondialiste souffre
« d’insurmontables contradictions ». Les forums
sociaux ne sont que des « happenings sans substance » qui ne réunissent que des « militants professionnels ». Les divisions entre eux sont telles
que ces forums n’aboutissent qu’à « des déclarations vagues et sans commune mesure avec les
défis qui pèsent sur la paix du monde ».
6. Cette photographie évoque le problème de la
déforestation de l’Amazonie. En effet l’exploitation économique de cette région conduit à la
destruction du milieu de vie traditionnel des
tribus indiennes et à la disparition progressive
d’une forêt à la très riche biodiversité, considérée comme « le poumon du globe ». Les manifestants veulent le respect des principes du développement durable, c’est-à-dire d’une conception de
l’exploitation économique qui prenne en compte
les aspects environnementaux et sociaux. Il faut
répondre aux besoins des populations du présent
sans compromettre ceux des générations futures
it
en préservant l’environnement et le juste accès
aux ressources naturelles. Chaque être humain
doit donc avoir accès aux ressources naturelles
de la Terre et leur utilisation par l’homme doit
veiller à en assurer la pérennité pour les générations futures.
7. Pour les altermondialistes, la gouvernance
économique telle qu’elle est voulue par les
grandes organisations internationales, les États
et les multinationales, ne fait qu’approfondir
les inégalités, tout en mettant en danger l’avenir
de la planète. L’altermondialisme refuse que le
fonctionnement de l’économie mondiale privilégie le libre-échange et laisse les entreprises accaparer et surexploiter les ressources naturelles de
la Terre. Les gouvernements et les organismes
internationaux doivent imposer aux acteurs économiques des règles strictes : il faut davantage
préserver l’environnement et défendre les intérêts des plus démunis. Ce n’est pas la croissance
économique qui doit être au centre des préoccupations mais le développement durable et la
justice sociale. Il faut une mondialisation plus
maîtrisée et solidaire. Cependant, le mouvement
altermondialiste regroupe des personnes et des
organisations d’horizons très divers, dont le seul
point commun est le refus de la mondialisation
libérale ; il peine donc à défendre un projet vraiment cohérent de gouvernance mondiale.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
◗ BAC
Étude critique de document
Étudier un article de presse
� MANUEL, PAGES 366-367
RÉPONSES AUX QUESTIONS des encadrés
Sujet : La gouvernance économique mondiale
au début du XXIe siècle.
1. Comme l’ONU, l’OMC est une organisation
intergouvernementale.
2. Le GATT est un accord général sur les tarifs
douaniers et le commerce négocié en 1947.
L’OMC, qui prend sa suite, entame le cycle
de négociations de Doha (Qatar) en 2001. Ces
négociations ont pour objectif de faciliter l’accès par les PED aux marchés des pays riches et
concernent surtout l’agriculture.
3. Cette lenteur s’explique notamment par le
refus des États-Unis et de l’UE de baisser les
subventions accordées à leurs agriculteurs.
205 •
4. Ces subventions empêchent les agriculteurs
des pays en développement ou émergents d’être
compétitifs face à ceux des pays riches.
5. Les ONG, le groupe de Cairns et les pays
ACP, ont des intérêts communs dans leur lutte
contre les politiques agricoles de Washington et
Bruxelles. Cependant certains de ces pays sont
déjà de grandes puissances agricoles tandis que
d’autres sont des PMA.
6. Un contre sommet est une réunion altermondialiste organisée pour diffuser des idées qui
s’opposent à celles défendues pendant le sommet qui se tient au même moment.
7. Le lectorat visé est de droite et d’un niveau
socio-culturel plutôt élevé. Formé de nombreux
cadres et chefs d’entreprises, les questions économiques lui sont familières.
BAC BLANC
e
s
s
◗ BAC BLANC
Étude critique de documents
� MANUEL, PAGE 368
Sujet : La gouvernance économique mondiale
et la question de la dette africaine.
Thomas Sankara dirige le Burkina Faso de 1983
à son assassinat en 1987. Porté au pouvoir par
une révolution marxiste, il est anti-impérialiste
et panafricaniste. C’est lui qui fait changer le
nom de la Haute-Volta en Burkina Faso (pays
des hommes intègres), indépendant depuis 1960.
Ce discours est prononcé trois mois avant son
assassinat lors du coup d’État qui porte au pouvoir Blaise Compaoré.
Dans ce discours, Thomas Sankara reprend des
thèmes qui lui sont chers. Il dénonce le colonialisme et le néo-colonialisme, phénomènes pour
lui à l’origine de la dette africaine. Il reproche
aux pays du Nord, « ces assassins techniques »,
d’avoir « proposé des sources de financement
[…] des montages financiers alléchants, des
dossiers ». Le document 2 montre qu’entre 1970
et 1987, date du discours, la dette du pays a
été multipliée par 25 passant de 20 à plus de
500 millions de dollars. En 2005, elle atteint les
2 milliards. La solution prônée par le président,
et qui semble plaire à son auditoire, est, tout
simplement et de manière révolutionnaire, de
cesser de payer la dette. Elle ne sera cependant
pas retenue. En 2005, on constate que grâce à
l’intervention du FMI et de la Banque mondiale,
la dette du pays baisse de manière significative,
presque de moitié. Cependant, elle remonte en 4
ans pour retrouver son niveau antérieur. Ce phénomène montre les limites d’une gouvernance
mondiale qui ne permet qu’un allègement très
ponctuel. Les organisations internationales n’ont
pas réussi à régler le problème structurel de la
dette africaine.
o
B
it
e
s
s
o
B
Sujet : Gouvernance mondiale et la crise de la
dette en 1998.
La crise économique touche les pays du sudest asiatique à partir de l’été 1997. Cette crise
a diminué en quelques mois de moitié la valeur
de la roupie par rapport au dollar, la hausse des
prix a atteint plus de 50 % en avril et le chômage
explose. Ce document permet d’aborder le rôle
du FMI face à la dette des pays en développement. L’organisme international prête de l’argent
à l’Indonésie, mais exige en échange une politique de rigueur et des réformes structurelles.
Or, si l’accord a été « renégocié pour la troisième
fois en l’espace de six mois », c’est que le président Suharto tarde à les appliquer, notamment
celles qui « portent atteinte aux privilèges de (sa)
famille ». Suharto est à la tête depuis 1967 d’un
État corrompu et clientéliste. Ce document ne
met pas en avant les autres demandes du FMI,
qui réclame le démantèlement de certains monopoles, la fermeture de banques, le licenciement
de nombreux fonctionnaires et l’ouverture économique. Cette politique de rigueur est ensuite
reconnue comme en partie inadaptée et ayant
aggravé la pauvreté.
En mai 1998, Michel Camdessus, directeur du
Fonds monétaire international, est classé par
le magazine Asiaweek au premier rang des 50
personnalités les plus puissantes d’Asie (le président chinois Jiang Zeming descend alors à la
seconde place). À la fin du même mois, Suharto
• 206
it
est poussé à la démission par des émeutes à
Jakarta et quitte le pouvoir.
◗ BAC BLANC
� MANUEL, PAGE 369
• Composition
Sujet 1 : L’approfondissement de la gouvernance économique mondiale depuis 1995
(réalités et limites)
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
Proposition de plan :
I. Une meilleure organisation du commerce
mondial ?
II. La multiplication des contestations et des
crises.
III. Vers une redéfinition des règles économiques.
Sujet 2 : La gouvernance économique mondiale de 1944 à 1995.
Proposition de plan :
I. Les débuts de la coopération économique
mondiale (1944-fin des années 1960).
II. La coopération économique mondiale en
temps de crise (des années 1970 à 1995).
• Étude critique de document
it
nisation mondiale du commerce contre plusieurs
pays européens qui refusent, en 1996 en pleine
crise de la vache folle, l’accès à leurs marchés
du bœuf aux hormones américain. En 1997,
l’OMC condamne l’Union européenne, qui fait
appel de la décision. La longueur des procédures
s’explique par la difficulté pour les Européens
de faire reconnaître la nocivité de ces hormones.
Les études scientifiques se contredisent et l’article précise que l’Europe ne se fonde pas sur
les mêmes études que les Américains. D’autre
part, le principe de précaution, sur lequel se
fonde l’Europe pour refuser le bœuf aux hormones, n’est pas interprété de la même manière
en Amérique. Ce principe n’a d’ailleurs pas été
retenu dans le traité de Marrakech qui institue
l’OMC. Il est souvent perçu de l’autre côté de
l’Atlantique comme une résistance au changement. Seuls la France, l’Allemagne et le Brésil
l’ont reconnu comme un principe constitutionnel.
Dans le cas du bœuf aux hormones, les
Européens refusent de céder et le litige est réglé
par des sanctions commerciales imposées aux
Européens.
e
s
s
o
B
it
e
s
s
o
B
Sujet : OMC et gouvernance économique
mondiale.
Ce document permet de mettre en valeur le rôle
de l’OMC dans le règlement des litiges commerciaux entre ses États membres. Le conflit du
bœuf aux hormones, à l’instar de la guerre de
la banane, est un des plus longs conflits commerciaux de l’histoire de l’OMC. Le Canada et
les États-Unis portent plainte auprès de l’Orga-
© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012
207 •
Téléchargement