L’
an 2005 devrait être l’année du véritable démarrage
de deux “nouvelles” mesures destinées à améliorer la
qualité des soins prodigués à nos patients : la forma-
tion médicale continue (FMC) et l’évaluation des pratiques pro-
fessionnelles (EPP), toutes deux obligatoires. Les textes de loi
sont sortis à l’été et à l’automne 2004. Ils concernent tous les méde-
cins praticiens, quels que soient leur discipline, leur mode d’exercice,
libéral ou salarié, hospitalier ou non, et quel que soit leur statut.
LA FMC
La plupart d’entre nous suivent une formation continue. Que
ce soit par la lecture (revues papier ou documents électroniques),
la participation aux congrès, aux réunions d’enseignement post-
universitaire, aux réunions de service ou par l’engagement dans la
recherche clinique, les diplômes complémentaires, etc., chacun
s’implique, plus ou moins, dans le processus de révision de ses
connaissances. Que serait la qualité de notre pratique si l’on agissait
durant toute notre vie professionnelle comme on l’a appris sur les
bancs de la faculté (ou du service de CHU qui hébergeait nos pre-
miers “exploits” de spécialistes…) ? D’ailleurs, dans de nombreux
pays, la FMC est obligatoire, contrôlée, et sa validation nécessaire
au maintien des pleins droits de l’exercice professionnel. Aux États-
Unis, mais aussi en Grande-Bretagne, en Belgique et aux Pays-Bas,
dans plusieurs pays scandinaves, en Australie et en Nouvelle-
Zélande, les médecins ne sont pleinement “recertifiés” que s’ils
satisfont à cette obligation intellectuelle, éthique et déontologique.
Il s’y ajoute souvent l’EPP. Formation contrôlée et évaluation des
pratiques, ce couple complémentaire est souvent considéré comme
une démarche de transparence et d’honnêteté vis-à-vis de la popu-
lation qui nous fait confiance.
Mais revenons à la FMC “2005”, issue d’une réforme dont
l’accouchement n’a pas été sans douleur ni rebondissement. En
1996, une première obligation de formation continue était incluse
dans les ordonnances “Juppé” pour les médecins libéraux. Faute
d’entente entre les structures de formation, les syndicats profes-
sionnels “verticaux” et les autorités de santé, ce texte resta pra-
tiquement lettre morte.
Le 4 mars 2002, la loi dite “des droits des malades et de la qua-
lité des soins” confirmait l’obligation de FMC, à contrôler tous les
5ans, et l’étendait à tous les médecins. La structure nationale faite
de trois conseils nationaux (médecine libérale, médecine salariée
non hospitalière et médecine hospitalière) chapeautés par un “comité
de coordination” était établie. Le décret du 14 novembre 2003 a
permis de nommer les membres de ces comités et de définir les
missions des conseils nationaux (CNFMC), soit :
fixer les orientations et les thèmes nationaux prioritaires ;
agréer les organismes de FMC ;
établir le cahier des charges de leurs programmes ;
évaluer la mise en œuvre du dispositif à l’aune des grands
objectifs nationaux de coordination des soins, de sécurité, des droits
du malade et de réduction des risques ;
fixer les bases de la vérification de l’obligation de FMC.
Enfin, la loi dite “de santé publique” du 9 août 20041réaffirme
la nécessité de faire correspondre ce grand projet avec les objectifs
nationaux de perfectionnement des connaissances et d’amélioration
de la qualité des soins, notamment dans le domaine de la préven-
tion. Elle abolit les sanctions liées à la FMC obligatoire, mais
invite à définir des procédures suffisamment incitatives. Il est pré-
cisé que la preuve de son accomplissement sera une “attestation
de satisfaction”. Les conseils régionaux de FMC sont limités à un
seul par région (mais comportant chacun trois sections). Ils doi-
vent déterminer les orientations régionales de formation en cohé-
rence avec celles fixées au niveau national. Ce sont eux qui vali-
deront le respect de l’obligation de formation et formuleront des
remarques et des recommandations en cas de non-respect. Les
grands objectifs de santé publique sont rappelés par ce texte.
L’indépendance de l’information délivrée, notamment, est essen-
tielle : toute référence à un produit sera interdite. Le financement
de la FMC n’est plus assuré par un fonds national spécifique,
mais par la Direction générale de la santé elle-même.
Ainsi, le grand puzzle de la FMC obligatoire pour tous se met en
place. Tous les organismes de formation publics, privés, associatifs,
en place ou en développement, sont sur les rangs. La centaine de
sociétés savantes de spécialités, comme la Société française d’ORL
et de chirurgie cervico-faciale, sont prêtes à initier des partenariats
avec les conseils nationaux. Tous les moyens devront être validés
FMC, EPP et Haute Autorité
CME, Performance Assessment and “High Authority
P. Contencin*
* Groupe hospitalier universitaire Ouest (Necker et Saint-Vincent-de-Paul), AP-HP,
Paris.
1
Article L 4133-1, loi n° 2004-806, Journal officiel du 11 août 2004 (http://www.
journal-officiel.gouv.fr/accueil.php)
ÉDITORIAL
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La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no296 - janvier-février 2005
ÉDITORIAL
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La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no296 - janvier-février 2005
par ces CNFMC. Les établissements de santé mettent en place
des commissions de FMC pour tous les “métiers médicaux”. Des
barèmes permettant d’évaluer la réalité de la FMC (différente selon
le mode d’exercice) sont actuellement discutés au sein de chaque
conseil national. Rappelons qu’à côté de la formation collective, fré-
quentée par près de 90 % des médecins, mais considérée par les
experts de la qualité comme peu efficace2, il ne faut pas négliger
la formation individuelle : presse médicale, Internet et autres sup-
ports électroniques, travaux scientifiques, enseignement et publi-
cations dans le domaine clinique, entretiens individuels ou en groupe
à l’occasion de l’EPP. Formation et évaluation sont intimement
liées, comme nous allons le voir. Des gisements de qualité sont
ainsi défrichés par la mise en œuvre de l’EPP, amenant à une FMC
ciblée sur les véritables besoins des professionnels que nous sommes,
avec nos domaines d’excellence et… nos points faibles.
L’EPP
Le 13 août 2004, une loi de réforme de l’Assurance-maladie crée
la “Haute Autorité de santé” et lui confie la responsabilité de mettre
en œuvre une évaluation individuelle, obligatoire et “sanction-
nante” des pratiques de tous les médecins. Enfin, le décret du
26 octobre 20043précise les missions, l’organisation et les moda-
lités de fonctionnement de cette “Haute Autorité”. Pour faire simple
et rester dans les limites du propos de cet éditorial, on peut retenir
que cette nouvelle structure reprend le personnel et les missions
(en les élargissant) de l’Anaes auxquels est adjointe une partie
de l’Afssaps4chargée de l’évaluation des produits de santé.
Son rôle est considéré comme purement scientifique et consultatif.
Sa vocation est d’émettre des recommandations. Elle doit aussi
aider à l’agrément des organismes d’évaluation de la FMC des
médecins libéraux et salariés non hospitaliers.
On notera un changement important de terminologie dans les
démarches d’EPP effectuées dans les établissements de santé (pri-
vés et publics) : la procédure connue dans toute la France depuis
la fin des années 1990 comme une accréditation des cliniques et
hôpitaux devient en 2005 une “certification” (art. R. 161-74).
Inversement, la Haute Autorité va très bientôt définir une procé-
dure d’accréditation… des pratiques des médecins ou de celles des
équipes médicales exerçant en établissement (art. R. 161-73). D’une
certaine façon, ce sera la consécration de tous les efforts d’EPP.
Notons que les professionnels paramédicaux devront également
organiser des actions d’évaluation de leurs pratiques, quel que soit
leur cadre d’exercice, et la Haute Autorité habilitera les organisa-
teurs de ces actions.
Enfin, elle habilite les médecins chargés de l’EPP des médecins
libéraux – gérée par les unions régionales (URML) – comme
l’Anaes le faisait jusqu’alors.
Mais au-delà de la forme administrative, qu’est-ce que l’EPP ?
C’est une démarche transparente d’amélioration de la qualité des
soins. Ce n’est pas une évaluation scolaire ou universitaire. Il n’y
a pas de note. Ce n’est pas une évaluation du médecin, mais celle
d’une partie (seulement) de ses pratiques. Qui peut se vanter de tout
faire parfaitement dans sa pratique quotidienne ? Avec le temps,
après une phase de progrès, d’entraînement dynamique, la routine
survient rapidement et, avec elle, un certain degré de régression
intellectuelle, inévitable, ou au mieux une absence de progrès. On
oublie certaines notions de base (notamment dans les domaines
que l’on observe rarement), on perd certains réflexes, on acquiert
de mauvaises habitudes personnelles. À un moment donné, il n’est
pas mauvais de tenter ce qui est à la fois une introspection et une
émulation vis-à-vis de nos pratiques. Il convient à chacun :
de reprendre ses dossiers et de les confronter à des référentiels :
ce sont des adaptations de certaines recommandations en termes
facilement repérables et utilisables, admis par la discipline, par
exemple, sur les bonnes pratiques de tenue du dossier du patient ;
d’utiliser un regard extérieur, celui d’un confrère exerçant dans
des conditions comparables aux siennes et qui, en outre, a reçu une
formation spécifique à l’évaluation constructive. Dans une ambiance
positive, toujours encourageante, le médecin en charge de l’EPP
accompagnera son confrère vers la recherche de “pistes d’amélio-
ration” de sa pratique quotidienne. Les conclusions de l’EPP seront
confiées au médecin lui-même.
Bien sûr, tout cela sera progressif : la “machine à fabriquer l’EPP”
sera encore en rodage en 2005 ! On peut penser que les processus
et les personnels accompagnant la démarche d’EPP ne seront pas
partout disponibles avant quelques années. Mais le mouvement
est lancé.
FMC et EPP : pour s’assurer de leur généralisation, le législa-
teur a le choix entre des mesures incitatives (essentiellement finan-
cières) ou “sanctionnantes” (restrictions de l’exercice). Des décrets
d’application viendront bientôt préciser la manière dont l’obliga-
tion d’évaluation sera vérifiée. De toute façon, comme dans tant
d’autres pays occidentaux, nous entrons dans une nouvelle ère :
celle de la péremption de notre qualification. Celle qui nous a été
délivrée par l’Ordre au terme de notre formation initiale devra être
renouvelée, périodiquement : tôt ou tard, ce sera la règle !
2
Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé. Efficacité des
méthodes de mise en œuvre des recommandations médicales, janvier 2000
(disponible à l’adresse http://www.anaes.fr).
3
Décret n° 2004-1139, Journal officiel du 27 octobre 2004.
4
Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (http://agmed.
sante.gouv.fr)
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© janvier 1985 - EDIMARK SAS - Imprimé en France - DIFFERDANGE - 95100 Sannois - Dépôt légal : à parution.
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