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La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no288 - décembre 2003
des fractures, des labyrinthites ossifiées, etc. Les sténoses du
conduit auditif interne, tout comme les sténoses du canal du nerf
cochléaire, doivent faire redouter une absence ou une hypotro-
phie du nerf cochléaire. L’étude de 126 scanners des rochers de
89 enfants témoins (pathologie d’oreille moyenne) et 37 enfants
sourds (24 surdités bilatérales et 13 surdités unilatérales) a per-
mis de corréler un diamètre anormal du canal du nerf cochléaire
(< 1,7 mm ou > 2,5 mm) avec un risque majoré de surdité de per-
ception : ce diamètre anormal était retrouvé dans plus de 90 %
des oreilles sourdes. Par ailleurs, la largeur du tour intermédiaire
de la cochlée était inférieure dans le groupe des oreilles sourdes
par rapport au groupe témoin.
H. Ducou-Le Pointe (hôpital Armand-Trousseau, Paris) a égale-
ment souligné l’intérêt du scanner dans le bilan étiologique des
surdités, dont 75 % sont d’origine génétique. Devant un aspect
normal des cochlées, on s’orientera vers une mutation sur le gène
de la connexine 26, alors qu’une malformation de type Mondini,
même limitée à une simple dilatation de l’aqueduc du vestibule,
devra faire évoquer, par argument de fréquence, un syndrome de
Pendred et donc amener à effectuer des explorations thyroï-
diennes. Une absence de canaux semi-circulaires est très en faveur
d’une association CHARGE ou d’un syndrome de Waardenburg
de type IV. Un abouchement direct du conduit auditif interne sur
la cochlée, chez un petit garçon sourd, doit faire évoquer une sur-
dité génétique transmise par la mère (transmission liée à l’X). Ce
type de malformation expose à un geyser labyrinthique en cas de
chirurgie. Une anomalie de l’oreille moyenne (atteinte ossicu-
laire) devra faire rechercher certains syndromes tels que le syn-
drome de Franceschetti, le syndrome branchio-oto-rénal (BOR)
ou l’association CHARGE.
L’IRM complète le bilan d’imagerie des surdités en permettant
de visualiser les branches du nerf auditif, mais également les
liquides labyrinthiques, une fibrose postméningitique (images en
T2) et peut même objectiver une labyrinthite aiguë (images en T1
avec injection de gadolinium). Par ailleurs, comme l’a montré
J. Casselman (A.Z. St Jan, Bruges), l’exploration de la totalité des
voies nerveuses auditives peut révéler des lésions plus haut situées,
comme pour ce patient atteint de surdité post-traumatique, chez
qui il existait des lésions contusionnelles en regard des noyaux
cochléaires, au niveau du tronc cérébral ! Les appareils d’IRM
actuels, avec utilisation possible d’antennes fixées directement
sur la tête des enfants, permettent d’obtenir des images avec une
résolution de 0,3 mm dans l’oreille. Cette précision permet de
visualiser des structures comme les deux rampes tympanique et
vestibulaire intracochléaires, la membrane spirale (visualisation
d’une partition incomplète, par exemple), les nerfs cochléaire, ves-
tibulaire et facial, le ganglion de Scarpa... Les reconstructions en
3D permettent de mieux appréhender une malformation de la
cochlée ou une zone amputée par de la fibrose ; le rapprochement
des coupes permet de suivre, comme sur un film, le trajet des nerfs,
et donc de mettre en évidence une hypoplasie, une absence d’un
nerf ou un trajet aberrant du VII. L’étude des rampes cochléaires
apporte des informations utiles en vue d’une implantation
cochléaire. Généralement, dans les suites d’une méningite, c’est
la rampe tympanique qui s’ossifie la première. Chez l’enfant, les
pathologies de l’angle pontocérébelleux sont rares, mais peuvent
tout de même se rencontrer : kystes arachnoïdiens, lipomes,
gliomes, tumeurs épidermoïdes et dysplasies du cervelet. Cela
était illustré par le cas clinique d’une association surdité et para-
lysie faciale ayant amené au diagnostic de rhabdomyosarcome.
L’IRM fonctionnelle se développe aussi : une stimulation audi-
tive (musique) ou électrique (électrode placée au niveau de la
fenêtre ronde) entraîne une augmentation d’activité des neurones
dans la zone stimulée qui, par augmentation relative de la consom-
mation locale d’O2, provoque une légère augmentation du flux
sanguin local et, de ce fait, une diminution du signal en T2. Cette
variation de signal de 7 % chez l’adulte n’atteint que 0,5 % chez
un enfant que l’on a dû anesthésier pour l’enregistrement ; de
même, certaines médications, telles que les sympathomimétiques
donnés aux asthmatiques, vont empêcher le recueil de ces don-
nées. Les premiers résultats obtenus montrent une grande plasti-
cité des voies nerveuses : un retour à la bilatéralisation des réponses
auditives corticales est obtenu en quelques semaines après la perte
d’audition sur une oreille. Cette technique pourrait à l’avenir aider
à préciser si la stimulation d’un nerf hypoplasique engendre bien
une stimulation de type auditif, si les noyaux cochléaires sont nor-
malement situés, pour faciliter le positionnement d’un implant du
tronc cérébral, etc.
GÉNÉTIQUE ET SURDITÉ
Sur le plan des explorations génétiques, T. Gérard (hôpital Roger-
Salengro, Lille) a présenté des corrélations entre génotype et phé-
notype chez 39 patients atteints de surdité génétique et porteurs
de l’anomalie la plus fréquente du gène de la connexine 26
(30delG). Dix-neuf de ces patients (48 %) étaient homozygotes :
leur surdité était prélinguale, stable, allant d’un niveau léger à
profond. Le bilan radiologique et vestibulaire était normal. Pour
les personnes avec une surdité évolutive ou fluctuante, il s’agis-
sait, dans 10 à 42 % des cas, de doubles hétérozygotes avec une
atteinte du gène de la connexine 26 et atteinte d’un autre gène tel
que celui de la connexine 30 (mutation 342 kb). Dans certains
cas, le deuxième gène muté suspecté n’était pas encore certain :
gène pathogène ou simple polymorphisme ? (par exemple : la
mutation M34T, très fréquente dans la population générale ; la
mutation 31del38 ou la mutation V153i). Des corrélations sem-
blent donc possibles entre génotypes et phénotypes, qui pour-
raient s’enrichir et être consultables sur une base de données
accessible par Internet.
MATURATION DES VOIES AUDITIVES
La maturation des voies nerveuses auditives chez les enfants
sourds congénitaux implantés cochléaires est un phénomène
maintenant connu et confirmé une fois de plus par l’étude des
potentiels évoqués électriques auditifs (PEEA) faite par l’équipe
du service ORL de H. Thai Van (hôpital Édouard-Herriot, Lyon).
Chez 52 enfants sourds porteurs d’un implant Nucléus CI24®,
dont 38 avec surdité apparue avant l’âge de 1 an et 14 atteints
d’une surdité apparue après l’âge de 1 an, l’enregistrement des