A C T U A L I T É 110e Congrès de la Société française d’ORL et de chirurgie de la face et du cou (1) The 110th Congress of the French Society of ENT and Head and Neck Surgery (1) ● N. Noël-Pétroff* Mots-clés : Potentiels évoqués auditifs - Imagerie des surdités - Génétique - Maturation des voies auditives - Implants cochléaires. Keywords: Auditory brainstem responses - CTscan and MRI and deafness - Genetic - Cochlear implants. e 110e Congrès de la Société française d’ORL et de chirurgie de la face et du cou, qui s’est tenu du 28 au 30 septembre 2003 au Palais des congrès, à Paris, a permis de faire le point sur les avancées des connaissances concernant la surdité de l’enfant, tant dans le domaine des explorations et de la génétique que dans celui de la prise en charge, avec une part importante consacrée aux résultats des enfants sourds implantés cochléaires. L POTENTIELS ÉVOQUÉS AUDITIFS Le diagnostic d’une surdité demande souvent de passer par des explorations objectives comme les potentiels évoqués auditifs (PEA) précoces. Comme l’a rappelé M. François (hôpital RobertDebré, Paris), ce test, qui reste important pour confirmer un diagnostic de surdité évoqué devant un audiogramme pathologique, devient indispensable chez les très jeunes enfants aux résultats pas toujours fiables lors des tests subjectifs (ROC et ciné-show) et chez les enfants présentant des troubles du comportement ou des atteintes neurologiques ou psychiatriques. Une étude prospective menée pendant l’année 2002 a permis de noter les conditions de recueil des 219 PEA pratiqués chez 212 enfants âgés de 2 semaines à 11 ans. Plus de la moitié de ces enfants avaient moins de 3 ans (55 %). Au total, seuls 19 enregistrements (< 1 % des PEA pratiqués) ont nécessité le recours à une anesthésie générale. Dans 10 de ces cas, l’anesthésie prévue pour un geste chirurgical autre (pose d’aérateurs, etc.) a été mise à profit pour enregistrer les PEA. Dans 29 cas (13 %), une sédation a pu être obtenue avec l’utilisation de suppositoires de Nembutal® (pen* Service ORL, hôpital Robert-Debré, 48, boulevard Sérurier, 75019 Paris. tobarbital ; famille des barbituriques). Chez 2 enfants, cette prémédication a entraîné des réactions paradoxales avec hyperexcitation ; hormis ces 2 cas, tous les enregistrements ont pu être faits dans de bonnes conditions. La grande majorité des PEA (78 %) ont été enregistrés pendant le sommeil naturel de l’enfant, et cela d’autant plus facilement qu’il s’agissait d’un nourrisson ou que cet enfant faisait encore la sieste. Le très faible pourcentage de PEA ayant nécessité le recours à une anesthésie générale montre que l’enregistrement des PEA reste possible en consultation ORL, même dans un service comme celui de l’hôpital Robert-Debré, où un fort recrutement des services de neuropédiatrie et de psychopathologie amène à explorer de nombreux enfants présentant des troubles du comportement. IMAGERIE DES SURDITÉS Les diagnostics de surdité chez l’enfant sont maintenant régulièrement accompagnés d’un bilan d’imagerie, soit à la recherche de signes orientant vers une étiologie, soit de manière systématique en bilan pré-implantation cochléaire, pour évaluer la perméabilité cochléaire et vérifier la présence d’un nerf acoustique. Le scanner des rochers et l’IRM des rochers apportent des informations différentes et complémentaires, et doivent donc être couplés dans tout bilan. M. Elmaleh-Bergès (hôpital Robert-Debré, Paris) a présenté les résultats obtenus grâce aux nouveaux scanners “multibarettes”, qui permettent, dans un temps d’examen court, d’obtenir suffisamment de données pour des reconstitutions d’images dans tous les plans. Sont ainsi visualisées des malformations d’oreille moyenne et/ou interne (aplasie, malformation de type Mondini), La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no 288 - décembre 2003 9 A C T U A L des fractures, des labyrinthites ossifiées, etc. Les sténoses du conduit auditif interne, tout comme les sténoses du canal du nerf cochléaire, doivent faire redouter une absence ou une hypotrophie du nerf cochléaire. L’étude de 126 scanners des rochers de 89 enfants témoins (pathologie d’oreille moyenne) et 37 enfants sourds (24 surdités bilatérales et 13 surdités unilatérales) a permis de corréler un diamètre anormal du canal du nerf cochléaire (< 1,7 mm ou > 2,5 mm) avec un risque majoré de surdité de perception : ce diamètre anormal était retrouvé dans plus de 90 % des oreilles sourdes. Par ailleurs, la largeur du tour intermédiaire de la cochlée était inférieure dans le groupe des oreilles sourdes par rapport au groupe témoin. H. Ducou-Le Pointe (hôpital Armand-Trousseau, Paris) a également souligné l’intérêt du scanner dans le bilan étiologique des surdités, dont 75 % sont d’origine génétique. Devant un aspect normal des cochlées, on s’orientera vers une mutation sur le gène de la connexine 26, alors qu’une malformation de type Mondini, même limitée à une simple dilatation de l’aqueduc du vestibule, devra faire évoquer, par argument de fréquence, un syndrome de Pendred et donc amener à effectuer des explorations thyroïdiennes. Une absence de canaux semi-circulaires est très en faveur d’une association CHARGE ou d’un syndrome de Waardenburg de type IV. Un abouchement direct du conduit auditif interne sur la cochlée, chez un petit garçon sourd, doit faire évoquer une surdité génétique transmise par la mère (transmission liée à l’X). Ce type de malformation expose à un geyser labyrinthique en cas de chirurgie. Une anomalie de l’oreille moyenne (atteinte ossiculaire) devra faire rechercher certains syndromes tels que le syndrome de Franceschetti, le syndrome branchio-oto-rénal (BOR) ou l’association CHARGE. L’IRM complète le bilan d’imagerie des surdités en permettant de visualiser les branches du nerf auditif, mais également les liquides labyrinthiques, une fibrose postméningitique (images en T2) et peut même objectiver une labyrinthite aiguë (images en T1 avec injection de gadolinium). Par ailleurs, comme l’a montré J. Casselman (A.Z. St Jan, Bruges), l’exploration de la totalité des voies nerveuses auditives peut révéler des lésions plus haut situées, comme pour ce patient atteint de surdité post-traumatique, chez qui il existait des lésions contusionnelles en regard des noyaux cochléaires, au niveau du tronc cérébral ! Les appareils d’IRM actuels, avec utilisation possible d’antennes fixées directement sur la tête des enfants, permettent d’obtenir des images avec une résolution de 0,3 mm dans l’oreille. Cette précision permet de visualiser des structures comme les deux rampes tympanique et vestibulaire intracochléaires, la membrane spirale (visualisation d’une partition incomplète, par exemple), les nerfs cochléaire, vestibulaire et facial, le ganglion de Scarpa... Les reconstructions en 3D permettent de mieux appréhender une malformation de la cochlée ou une zone amputée par de la fibrose ; le rapprochement des coupes permet de suivre, comme sur un film, le trajet des nerfs, et donc de mettre en évidence une hypoplasie, une absence d’un nerf ou un trajet aberrant du VII. L’étude des rampes cochléaires apporte des informations utiles en vue d’une implantation cochléaire. Généralement, dans les suites d’une méningite, c’est 10 I T É la rampe tympanique qui s’ossifie la première. Chez l’enfant, les pathologies de l’angle pontocérébelleux sont rares, mais peuvent tout de même se rencontrer : kystes arachnoïdiens, lipomes, gliomes, tumeurs épidermoïdes et dysplasies du cervelet. Cela était illustré par le cas clinique d’une association surdité et paralysie faciale ayant amené au diagnostic de rhabdomyosarcome. L’IRM fonctionnelle se développe aussi : une stimulation auditive (musique) ou électrique (électrode placée au niveau de la fenêtre ronde) entraîne une augmentation d’activité des neurones dans la zone stimulée qui, par augmentation relative de la consommation locale d’O2, provoque une légère augmentation du flux sanguin local et, de ce fait, une diminution du signal en T2. Cette variation de signal de 7 % chez l’adulte n’atteint que 0,5 % chez un enfant que l’on a dû anesthésier pour l’enregistrement ; de même, certaines médications, telles que les sympathomimétiques donnés aux asthmatiques, vont empêcher le recueil de ces données. Les premiers résultats obtenus montrent une grande plasticité des voies nerveuses : un retour à la bilatéralisation des réponses auditives corticales est obtenu en quelques semaines après la perte d’audition sur une oreille. Cette technique pourrait à l’avenir aider à préciser si la stimulation d’un nerf hypoplasique engendre bien une stimulation de type auditif, si les noyaux cochléaires sont normalement situés, pour faciliter le positionnement d’un implant du tronc cérébral, etc. GÉNÉTIQUE ET SURDITÉ Sur le plan des explorations génétiques, T. Gérard (hôpital RogerSalengro, Lille) a présenté des corrélations entre génotype et phénotype chez 39 patients atteints de surdité génétique et porteurs de l’anomalie la plus fréquente du gène de la connexine 26 (30delG). Dix-neuf de ces patients (48 %) étaient homozygotes : leur surdité était prélinguale, stable, allant d’un niveau léger à profond. Le bilan radiologique et vestibulaire était normal. Pour les personnes avec une surdité évolutive ou fluctuante, il s’agissait, dans 10 à 42 % des cas, de doubles hétérozygotes avec une atteinte du gène de la connexine 26 et atteinte d’un autre gène tel que celui de la connexine 30 (mutation 342 kb). Dans certains cas, le deuxième gène muté suspecté n’était pas encore certain : gène pathogène ou simple polymorphisme ? (par exemple : la mutation M34T, très fréquente dans la population générale ; la mutation 31del38 ou la mutation V153i). Des corrélations semblent donc possibles entre génotypes et phénotypes, qui pourraient s’enrichir et être consultables sur une base de données accessible par Internet. MATURATION DES VOIES AUDITIVES La maturation des voies nerveuses auditives chez les enfants sourds congénitaux implantés cochléaires est un phénomène maintenant connu et confirmé une fois de plus par l’étude des potentiels évoqués électriques auditifs (PEEA) faite par l’équipe du service ORL de H. Thai Van (hôpital Édouard-Herriot, Lyon). Chez 52 enfants sourds porteurs d’un implant Nucléus CI24®, dont 38 avec surdité apparue avant l’âge de 1 an et 14 atteints d’une surdité apparue après l’âge de 1 an, l’enregistrement des La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no 288 - décembre 2003 PEEA sur une électrode de la base (no 5) et une électrode de l’apex (no 20) à différents intervalles postimplantation (entre 8 jours et 2 ans) a permis de visualiser un raccourcissement des latences de l’onde V. Celui-ci, mesuré pour une intensité de stimulation égale au niveau “confort” du réglage, était d’autant plus marqué que l’enfant utilisait son implant depuis plus longtemps. Il témoigne d’une maturation des voies nerveuses probablement due à un double phénomène de myélinisation des voies nerveuses et de densification des synapses. Ce raccourcissement des latences de l’onde V n’était pas significatif chez les enfants devenus sourds après l’âge de 1 an. auditive, et entraîne une amélioration de l’intelligibilité surtout notable si l’implant a été posé précocement. En 2002, la moitié de l’effectif du centre est en mesure de suivre une scolarité en intégration avec soutien (codage LPC beaucoup utilisé en primaire) mais l’orientation vers un milieu spécialisé est nécessaire pour l’autre moitié, dont un tiers des enfants implantés. Ces échecs à la poursuite d’une scolarité en intégration correspondent à des enfants avec surdité et problème associé, comme un trouble à l’adaptation scolaire ou un trouble spécifique du langage. L’implantation à un âge plus précoce devrait améliorer ces résultats. MÉNINGITE ET IMPLANT COCHLÉAIRE Cette hypothèse semble en effet se vérifier avec les résultats de l’étude prospective d’un groupe de plus de 600 enfants implantés avec un implant Med-El® et évalués à intervalles réguliers à l’aide de la batterie de tests “EARS” (M.K. Veekmans, Autriche). Les tests d’évaluation “LI.P.” (détection puis discrimination puis identification de la parole et des bruits familiers) révèlent une dynamique de progression plus rapide chez les enfants implantés avant l’âge de 3 ans, avec un effet plafond au bout de 2 années d’utilisation. Cette tendance est également retrouvée pour le test “MTP” (reconnaissance de mots mono-, bi- et trisyllabiques) et pour la reconnaissance de mots monosyllabiques et de phrases en liste ouverte. Il n’est pas retrouvé de différence entre les enfants atteints de surdité pré-, péri- ou postlinguale. Les enfants atteints de surdité postméningitique semblent obtenir des résultats légèrement inférieurs aux autres. L. Tavernier (CHU de Besançon) a rappelé l’importance d’instituer une couverture vaccinale chez tout candidat à l’implant ou tout enfant déjà implanté. Un risque majoré de méningite est maintenant reconnu en cas d’implantation cochléaire. Début 2002, 91 cas de méningites chez des porteurs d’implant ont été colligés, dont 3 en France (2 avec un implant Clarion® avec positionneur et 1 avec un implant Nucléus®) Le risque de méningite à pneumocoque serait multiplié par 9 en cas de malformation d’oreille interne, mais par 30 en cas d’implant cochléaire chez les patients non vaccinés, d’après une étude américaine parue en juillet 2003. Les principaux facteurs de risque seraient le geste chirurgical (microtraumatismes), la présence d’un corps étranger, la présence d’un positionneur, l’âge, une malformation éventuelle de la cochlée, une fuite de LCR. La bactériologie de ces méningites correspond à celle des otites aiguës, prouvant qu’il s’agit bien là de méningites otogènes. Depuis juillet 2002, une recommandation de vaccinations contre le pneumocoque (vaccin Prévenar® pour les premières injections puis vaccin Pneumo 23® pour les rappels) et contre l’Haemophilus influenzae a donc été donnée, s’adressant à toute personne candidate ou déjà implantée. De même, toute otite ou infection de la sphère ORL doit être énergiquement prise en charge ; une surveillance étroite est à mettre en place en cas de signes évocateurs de méningite. RÉSULTATS DES IMPLANTS COCHLÉAIRES CHEZ L’ENFANT Forte de son expérience à l’hôpital Trousseau (Paris) et dans le centre parisien COD.A.L.I. de rééducation oraliste des enfants sourds, N. Loundon a présenté les résultats observés chez les enfants sourds implantés évoluant en intégration scolaire avec soutien. En 15 ans, quelques tendances marquantes ont été notées : de plus en plus de surdités profondes (passées de 85 à 98 % de l’effectif), des enfants pris en charge beaucoup plus tôt (âge de prise en charge passé de 5 ans à 3 ans), une plus forte proportion d’enfants implantés (70 % en 1998 contre seulement 12 % en 1992) avec un rajeunissement marqué de cette population implantée (âge moyen d’implantation passé de 10 ans en 1992 à 3,5 ans après 1998). La rééducation permet d’obtenir de bons résultats, avec une compréhension des mots de 60 % par voie auditive, atteignant 80 % avec l’aide du LPC. Les phrases sont reconnues à 50 %. La syntaxe reste en décalage. L’implant amène des améliorations significatives dans les reconnaissances en perception Cette réduction de l’âge d’implantation cochléaire, qui devrait encore s’accentuer avec la mise en place du dépistage néonatal des surdités, a conduit l’équipe autrichienne des implants Med-El® (P. D’Haese, Autriche) à la mise au point d’un profil développemental auditif des enfants de moins de 2 ans appelé “LITTLEARS”. Cet outil, servant à évaluer le comportement auditif préverbal, se présente sous forme d’un questionnaire (43 questions) destiné aux parents. Il a d’abord été validé sur 218 enfants entendants âgés de 16 jours à 2 ans, recrutés dans des crèches. Les questions concernent les réactions de l’enfant à des stimulations acoustiques dans son environnement quotidien. Cette pré-évaluation du profil “LITTLEARS” montre que ce questionnaire est utilisable, pratique, rapide (10 à 15 minutes de passation), qu’il semble bien refléter le comportement auditif précoce, restant bien corrélé avec l’âge de l’enfant (score variant entre 0 et 43 selon une courbe de développement) et d’une bonne fiabilité. Les résultats préliminaires concernant les très jeunes enfants implantés montrent une tendance à une courbe de développement auditif plus verticale, plus rapide, comparée à celle des enfants entendants. Les progrès dans le temps se montreront-ils comparables ? Venant corroborer les 30 % d’enfants implantés ne pouvant pas suivre en intégration décrits par N. Loundon, G. Lina-Granade (hôpital Édouard-Herriot, Lyon) a donné les résultats d’une étude d’enfants implantés présentant un retard notable d’expression orale après 4 années d’utilisation de leur implant. Quand le groupe témoin des 21 enfants implantés est maintenant capable de s’exprimer oralement avec une bonne syntaxe, 11 autres enfants La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no 288 - décembre 2003 11 A C T U A L présentent un gros retard, puisqu’ils arrivent à peine à associer deux mots pour faire une phrase. L’analyse des données concernant ces deux groupes a pu révéler que ceux-ci ne présentaient aucune différence significative concernant l’âge du début de la surdité, l’âge d’appareillage et l’âge d’implantation. Par contre, il était noté une différence importante au niveau du mode de compréhension avant implantation : la compréhension de l’oral (plus ou moins soutenue par les signes) donnait de meilleurs résultats que les autres communications : LSF, mimogestuelle, voire absence de communication. Les tests cognitifs donnaient les mêmes capacités pour les processus d’analyse simultanée dans les deux groupes, mais des différences étaient observées concernant la symbolisation, l’attention et la mémoire visuelle. Dans le groupe avec retard expressif, un décalage était déjà noté au bout de 2 années d’utilisation de l’implant puisque, dans ce groupe, la production était limitée à des vocalises alors que l’autre groupe était déjà rentré dans la communication orale avec emploi de mots-phrase. Plus que des arguments en faveur d’un échec de l’implantation, le retard d’expression après 2 années d’implant et le faible niveau de communication avant implantation cochléaire doivent faire craindre un retard à l’émergence du langage oral, du fait d’une dynamique et d’une vitesse d’acquisition moins rapides. Des rattrapages plus tardifs peuvent toutefois être observés. Mais là encore, parmi ces enfants en retard d’expression, l’implant aura permis de révéler des enfants avec surdité et troubles spécifiques du langage associés, comme les dysphasies... Même si l’implant cochléaire amène une nette amélioration des performances en termes de compréhension et de discrimination des mots et des phrases (85 % de compréhension de phrases sans lecture labiale après 12 mois d’utilisation de l’implant), des confusions de voyelles et de consonnes sont régulièrement retrouvées, essentiellement avec B/D, K/P, F/CH et S/F. Ces confusions ont été comparées, dans l’étude rapportée par B. Godey (CHU de Rennes) aux confusions faites par des sourds moyens ou sévères appareillés avec prothèses conventionnelles. Les seuils auditifs étaient équivalents dans ces deux groupes composés de 14 adultes implantés et 71 sourds appareillés. Le pourcentage d’erreurs de reconnaissance de voyelles et consonnes était équivalent pour les consonnes (21 % chez les implantés ; 19 % chez les appareillés) et les voyelles (16 % pour les implantés contre 12 % pour les appareillés). Le maximum d’erreurs de reconnaissance des consonnes concernait les traits phonémiques “grave” et “compact” pour les sourds appareillés alors qu’il concernait plutôt les traits phonémiques “aigu” et “nasal” pour les sourds implantés. Cette étude tendrait donc à montrer que l’implant est très performant dans la résolution temporelle d’un signal vocal mais moins dans sa résolution fréquentielle, ce qui serait l’inverse pour un appareillage auditif conventionnel sur une oreille avec des restes auditifs utiles. Les très bons résultats obtenus chez les adultes sourds avec audition résiduelle, implantés sur les arguments d’une mauvaise discrimination avec appareils (moins de 30 % de reconnaissance de mots monosyllabiques au test PBK sans lecture labiale), ont amené l’équipe de M. Mondain (CHU de Montpellier) à évaluer l’évo12 I T É lution postimplantation de 13 enfants (âge moyen : 10 ans) présentant une surdité de perception profonde grade I (PAM = 107 dB) ayant préalablement un bon gain prothétique mais de mauvaises performances au test PBK. Les résultats après 18 mois d’utilisation de l’implant sont sans équivoque avec 100 % de parents satisfaits, des performances moyennes au test PBK allant de 70 à 80 % pour les enfants les plus performants en pré-implantation. Bien que l’implant ait été posé sur la moins bonne oreille et qu’une forte incitation ait été faite pour le port de la prothèse controlatérale, 50 % des enfants ont abandonné cette prothèse au bout de 18 mois. Par ailleurs, la rééducation et les acquisitions scolaires de ces enfants ont été grandement facilitées. IMPLANTS : LES NOUVEAUTÉS L’implantation bilatérale fait aussi son chemin et quelques résultats ont été rapportés par P. D’Haese, de la société Med-El (Autriche). Ainsi, 50 adultes implantés à l’aide de deux implants indépendants de marque Med-El®, posés en un seul ou en deux temps chirurgicaux, ont été évalués après 6 mois d’utilisation de leurs 2 implants. Des tests de reconnaissance de mots monosyllabiques et de phrases ont été faits dans le bruit avec un rapport signal/ bruit de 10 dB, en comparant les performances avec 1 puis 2 implants allumés. Les performances avec 2 implants étaient toujours supérieures au test avec 1 implant quand celui-ci se retrouvait du côté du bruit. En revanche, les performances étaient équivalentes quand l’implant unique se retrouvait du côté du signal. Cette étude montre donc qu’il existe un “effet d’ombre de la tête” avec l’implant unique, amenuisé par l’utilisation de 2 implants. Le bénéfice sur la localisation des sons a pu être mesuré sur 20 adultes qui devaient identifier le haut-parleur à l’origine du bruit. Si la personne n’utilisait qu’un seul implant, elle avait tendance à localiser la source sonore à droite s’il s’agissait de l’implant droit et à gauche s’il s’agissait de l’implant gauche. Avec deux implants, les patients étaient performants lorsque la source était située entre – 50 o et + 50 o, mais ils étaient beaucoup moins performants pour des localisations plus extrêmes, à droite ou à gauche. Depuis maintenant 1 à 2 ans, l’utilisation des versions contour (BTE) a permis une amélioration du bien-être quotidien des enfants sourds implantés. Dans cette optique, et pour coller au mieux aux besoins spécifiques de la population des jeunes enfants implantés, la société Clarion a apporté des améliorations à sa première version BTE. L’équipe d’implantation pédiatrique de l’hôpital Robert-Debré (V. Couloigner), qui avait évalué l’année dernière la première version en émettant de nombreuses critiques, a donc pu comparer l’ancienne et la nouvelle version des BTE Clarion®. Trois enfants (âge moyen : 10 ans) et déjà utilisateurs d’un contour Clarion® “CII BTE®” ont ainsi pu tester le nouveau BTE “Auria®” et ses accessoires pour enfants. Sur le plan esthétique, ce nouveau contour, avec sa palette de caches de couleurs, a été très apprécié des enfants comme de leurs parents. La batterie rechargeable standard tient la journée, et cette durée d’utilisation peut être améliorée en cas d’utilisation de piles jetables externes, venant se loger dans un compartiment La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no 288 - décembre 2003 clipé sur le col de chemise. Aucun des 3 enfants n’a eu besoin d’utiliser ce système du fait d’une autonomie suffisante des batteries standards. Ces enfants utilisaient deux stratégies de réglage différentes “PPS” et “SAS”. Pour les trois enfants, le passage à la nouvelle stratégie de réglage “haute résolution” a été proposé dans un premier temps, sur leur CII BTE® familier. L’adaptation à cette nouvelle stratégie a été immédiate, avec un confort d’écoute important. Les tests pratiqués à 3 mois ne montraient pas de détérioration des performances au test PBK. À cette occasion, le CII BTE® a été remplacé par le nouveau BTE “Auria®”. Les performances ont continué à s’améliorer puisque, au contrôle du septième mois, la compréhension était jugée meilleure, et les parents notaient une amélioration de l’intelligibilité des productions de leur enfant. La note de satisfaction donnée par les familles a été de 8 sur 10. La tendance actuelle à l’implantation d’enfants sourds très jeunes, qui n’ont pas toujours eu le temps de développer un mode de communication efficace, a conduit à la mise en place d’un accompagnement original de l’enfant sourd au sein du service ORL de l’hôpital Robert-Debré, allant du bilan préimplantation à la sortie du service après implantation. Fort de plusieurs personnes (Valérie puis Katia, secrétaires ; Sylvie, infirmière ; deux autres personnes en formation, y compris dans le service hospitalisation) formées à la langue des signes (LSF), le jeune enfant sourd et sa famille sont accompagnés par un binôme de secrétaire-infirmière tout au long de ce périple aboutissant à l’implantation. Les deux personnes du binôme peuvent reprendre les informations données par les médecins, les réex- Nous faisons de vos spécialités pliquer, les traduire en LSF si besoin, les compléter par des informations pratiques : coupe de cheveux, temps de la chirurgie, durée d’hospitalisation, cicatrisation, utilisation d’un drain ou pas, retour à l’école, reprise du sport, etc. Les parents se sentent plus à l’aise avec ces interlocuteurs privilégiés qu’ils sont amenés à rencontrer régulièrement à l’occasion des rendez-vous de bilan, et avec qui ils parlent régulièrement au téléphone. L’enfant établit alors des repères visuels stables, répétés et donc rassurants, au travers de ces deux personnes du binôme, qui peuvent aussi communiquer avec lui en LSF si cet enfant connaît et utilise quelques signes. Avec une personne du binôme, l’enfant va visiter le service. Il fait ainsi connaissance du lieu où il sera hospitalisé quelques jours, ce qui lui redonne des repères visuels rassurants. Le binôme travaille aussi en collaboration avec le psychologue de l’équipe d’implantation pour évaluer le cheminement de la famille pendant cette période anxiogène. Devenu un repère rassurant, une personne du binôme viendra voir l’enfant dans sa chambre la veille de l’intervention. Elle l’accompagnera au bloc opératoire où elle pourra le rassurer si besoin et lui expliquer, en LSF le cas échéant, le matériel autour de lui, ce que dit l’infirmière de bloc ou l’anesthésiste. L’endormissement se fait ainsi dans de bonnes conditions. La personne du binôme revient en salle de réveil après l’intervention et peut exprimer les besoins de l’enfant, sa douleur, le rassurer. Ce mode de fonctionnement a pu être utilisé pour 15 enfants implantés depuis janvier 2003. Les familles se sentent soutenues et les à-côtés du geste chirurgical sont mieux vécus par ces enfants qui ont besoin de repères stables et ras■ surants tout au long de ce périple particulier. Claudie Damour-Terrasson et son équipe vous remercient de votre fidélité et vous souhaitent de Bonnes Fêtes de fin d’année notre spécialité Groupe de presse et d’édition santé Les Lettres et leurs suppléments Les Actualités . Les Correspondances . Les Courriers . Professions Santé . Les Pages de la Pratique Médicale Les articles publiés dans “La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale” le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs. Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés réservés pour tous pays. ALJAC S.A., locataire-gérant de EDIMARK S.A. - © janvier 1985 - Imprimé en France - DIFFERDANGE - 95100 Sannois - Dépôt légal : à parution. Infos Congrès XXXVIIe Symposium international d’otoneurologie (Ipsen) de 12 pages routé avec ce numéro. La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no 288 - décembre 2003 13