ACTUALITÉ
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La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no288 - décembre 2003
L
e 110eCongrès de la Société française d’ORL et de
chirurgie de la face et du cou, qui s’est tenu du 28 au
30 septembre 2003 au Palais des congrès, à Paris, a
permis de faire le point sur les avancées des connaissances concer-
nant la surdité de l’enfant, tant dans le domaine des explorations
et de la génétique que dans celui de la prise en charge, avec une
part importante consacrée aux résultats des enfants sourds implan-
tés cochléaires.
POTENTIELS ÉVOQUÉS AUDITIFS
Le diagnostic d’une surdité demande souvent de passer par des
explorations objectives comme les potentiels évoqués auditifs
(PEA) précoces. Comme l’a rappelé M. François (hôpital Robert-
Debré, Paris), ce test, qui reste important pour confirmer un dia-
gnostic de surdité évoqué devant un audiogramme pathologique,
devient indispensable chez les très jeunes enfants aux résultats
pas toujours fiables lors des tests subjectifs (ROC et ciné-show)
et chez les enfants présentant des troubles du comportement ou
des atteintes neurologiques ou psychiatriques. Une étude pros-
pective menée pendant l’année 2002 a permis de noter les condi-
tions de recueil des 219 PEA pratiqués chez 212 enfants âgés de
2 semaines à 11 ans. Plus de la moitié de ces enfants avaient moins
de 3 ans (55 %). Au total, seuls 19 enregistrements (< 1 % des
PEA pratiqués) ont nécessité le recours à une anesthésie géné-
rale. Dans 10 de ces cas, l’anesthésie prévue pour un geste chi-
rurgical autre (pose d’aérateurs, etc.) a été mise à profit pour enre-
gistrer les PEA. Dans 29 cas (13 %), une sédation a pu être
obtenue avec l’utilisation de suppositoires de Nembutal®(pen-
tobarbital ; famille des barbituriques). Chez 2 enfants, cette pré-
médication a entraîné des réactions paradoxales avec hyperexci-
tation ; hormis ces 2 cas, tous les enregistrements ont pu être faits
dans de bonnes conditions. La grande majorité des PEA (78 %)
ont été enregistrés pendant le sommeil naturel de l’enfant, et cela
d’autant plus facilement qu’il s’agissait d’un nourrisson ou que
cet enfant faisait encore la sieste. Le très faible pourcentage de
PEA ayant nécessité le recours à une anesthésie générale montre
que l’enregistrement des PEA reste possible en consultation ORL,
même dans un service comme celui de l’hôpital Robert-Debré,
où un fort recrutement des services de neuropédiatrie et de psy-
chopathologie amène à explorer de nombreux enfants présentant
des troubles du comportement.
IMAGERIE DES SURDITÉS
Les diagnostics de surdité chez l’enfant sont maintenant régu-
lièrement accompagnés d’un bilan d’imagerie, soit à la recherche
de signes orientant vers une étiologie, soit de manière systéma-
tique en bilan pré-implantation cochléaire, pour évaluer la per-
méabilité cochléaire et vérifier la présence d’un nerf acoustique.
Le scanner des rochers et l’IRM des rochers apportent des infor-
mations différentes et complémentaires, et doivent donc être cou-
plés dans tout bilan.
M. Elmaleh-Bergès (hôpital Robert-Debré, Paris) a présenté les
résultats obtenus grâce aux nouveaux scanners “multibarettes”,
qui permettent, dans un temps d’examen court, d’obtenir suffi-
samment de données pour des reconstitutions d’images dans tous
les plans. Sont ainsi visualisées des malformations d’oreille
moyenne et/ou interne (aplasie, malformation de type Mondini),
110eCongrès de la Société française d’ORL
et de chirurgie de la face et du cou (1)
The 110th Congress of the French Society of ENT
and Head and Neck Surgery (1)
N. Noël-Pétroff*
* Service ORL, hôpital Robert-Debré, 48, boulevard Sérurier, 75019 Paris.
Mots-clés : Potentiels évoqués auditifs - Imagerie des surdités - Génétique - Maturation des voies auditives - Implants cochléaires.
Keywords: Auditory brainstem responses - CTscan and MRI and deafness - Genetic - Cochlear implants.
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La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no288 - décembre 2003
des fractures, des labyrinthites ossifiées, etc. Les sténoses du
conduit auditif interne, tout comme les sténoses du canal du nerf
cochléaire, doivent faire redouter une absence ou une hypotro-
phie du nerf cochléaire. L’étude de 126 scanners des rochers de
89 enfants témoins (pathologie d’oreille moyenne) et 37 enfants
sourds (24 surdités bilatérales et 13 surdités unilatérales) a per-
mis de corréler un diamètre anormal du canal du nerf cochléaire
(< 1,7 mm ou > 2,5 mm) avec un risque majoré de surdité de per-
ception : ce diamètre anormal était retrouvé dans plus de 90 %
des oreilles sourdes. Par ailleurs, la largeur du tour intermédiaire
de la cochlée était inférieure dans le groupe des oreilles sourdes
par rapport au groupe témoin.
H. Ducou-Le Pointe (hôpital Armand-Trousseau, Paris) a égale-
ment souligné l’intérêt du scanner dans le bilan étiologique des
surdités, dont 75 % sont d’origine génétique. Devant un aspect
normal des cochlées, on s’orientera vers une mutation sur le gène
de la connexine 26, alors qu’une malformation de type Mondini,
même limitée à une simple dilatation de l’aqueduc du vestibule,
devra faire évoquer, par argument de fréquence, un syndrome de
Pendred et donc amener à effectuer des explorations thyroï-
diennes. Une absence de canaux semi-circulaires est très en faveur
d’une association CHARGE ou d’un syndrome de Waardenburg
de type IV. Un abouchement direct du conduit auditif interne sur
la cochlée, chez un petit garçon sourd, doit faire évoquer une sur-
dité génétique transmise par la mère (transmission liée à l’X). Ce
type de malformation expose à un geyser labyrinthique en cas de
chirurgie. Une anomalie de l’oreille moyenne (atteinte ossicu-
laire) devra faire rechercher certains syndromes tels que le syn-
drome de Franceschetti, le syndrome branchio-oto-rénal (BOR)
ou l’association CHARGE.
L’IRM complète le bilan d’imagerie des surdités en permettant
de visualiser les branches du nerf auditif, mais également les
liquides labyrinthiques, une fibrose postméningitique (images en
T2) et peut même objectiver une labyrinthite aiguë (images en T1
avec injection de gadolinium). Par ailleurs, comme l’a montré
J. Casselman (A.Z. St Jan, Bruges), l’exploration de la totalité des
voies nerveuses auditives peut révéler des lésions plus haut situées,
comme pour ce patient atteint de surdité post-traumatique, chez
qui il existait des lésions contusionnelles en regard des noyaux
cochléaires, au niveau du tronc cérébral ! Les appareils d’IRM
actuels, avec utilisation possible d’antennes fixées directement
sur la tête des enfants, permettent d’obtenir des images avec une
résolution de 0,3 mm dans l’oreille. Cette précision permet de
visualiser des structures comme les deux rampes tympanique et
vestibulaire intracochléaires, la membrane spirale (visualisation
d’une partition incomplète, par exemple), les nerfs cochléaire, ves-
tibulaire et facial, le ganglion de Scarpa... Les reconstructions en
3D permettent de mieux appréhender une malformation de la
cochlée ou une zone amputée par de la fibrose ; le rapprochement
des coupes permet de suivre, comme sur un film, le trajet des nerfs,
et donc de mettre en évidence une hypoplasie, une absence d’un
nerf ou un trajet aberrant du VII. L’étude des rampes cochléaires
apporte des informations utiles en vue d’une implantation
cochléaire. Généralement, dans les suites d’une méningite, c’est
la rampe tympanique qui s’ossifie la première. Chez l’enfant, les
pathologies de l’angle pontocérébelleux sont rares, mais peuvent
tout de même se rencontrer : kystes arachnoïdiens, lipomes,
gliomes, tumeurs épidermoïdes et dysplasies du cervelet. Cela
était illustré par le cas clinique d’une association surdité et para-
lysie faciale ayant amené au diagnostic de rhabdomyosarcome.
L’IRM fonctionnelle se développe aussi : une stimulation audi-
tive (musique) ou électrique (électrode placée au niveau de la
fenêtre ronde) entraîne une augmentation d’activité des neurones
dans la zone stimulée qui, par augmentation relative de la consom-
mation locale d’O2, provoque une légère augmentation du flux
sanguin local et, de ce fait, une diminution du signal en T2. Cette
variation de signal de 7 % chez l’adulte n’atteint que 0,5 % chez
un enfant que l’on a dû anesthésier pour l’enregistrement ; de
même, certaines médications, telles que les sympathomimétiques
donnés aux asthmatiques, vont empêcher le recueil de ces don-
nées. Les premiers résultats obtenus montrent une grande plasti-
cité des voies nerveuses : un retour à la bilatéralisation des réponses
auditives corticales est obtenu en quelques semaines après la perte
d’audition sur une oreille. Cette technique pourrait à l’avenir aider
à préciser si la stimulation d’un nerf hypoplasique engendre bien
une stimulation de type auditif, si les noyaux cochléaires sont nor-
malement situés, pour faciliter le positionnement d’un implant du
tronc cérébral, etc.
GÉNÉTIQUE ET SURDITÉ
Sur le plan des explorations génétiques, T. Gérard (hôpital Roger-
Salengro, Lille) a présenté des corrélations entre génotype et phé-
notype chez 39 patients atteints de surdité génétique et porteurs
de l’anomalie la plus fréquente du gène de la connexine 26
(30delG). Dix-neuf de ces patients (48 %) étaient homozygotes :
leur surdité était prélinguale, stable, allant d’un niveau léger à
profond. Le bilan radiologique et vestibulaire était normal. Pour
les personnes avec une surdité évolutive ou fluctuante, il s’agis-
sait, dans 10 à 42 % des cas, de doubles hétérozygotes avec une
atteinte du gène de la connexine 26 et atteinte d’un autre gène tel
que celui de la connexine 30 (mutation 342 kb). Dans certains
cas, le deuxième gène muté suspecté n’était pas encore certain :
gène pathogène ou simple polymorphisme ? (par exemple : la
mutation M34T, très fréquente dans la population générale ; la
mutation 31del38 ou la mutation V153i). Des corrélations sem-
blent donc possibles entre génotypes et phénotypes, qui pour-
raient s’enrichir et être consultables sur une base de données
accessible par Internet.
MATURATION DES VOIES AUDITIVES
La maturation des voies nerveuses auditives chez les enfants
sourds congénitaux implantés cochléaires est un phénomène
maintenant connu et confirmé une fois de plus par l’étude des
potentiels évoqués électriques auditifs (PEEA) faite par l’équipe
du service ORL de H. Thai Van (hôpital Édouard-Herriot, Lyon).
Chez 52 enfants sourds porteurs d’un implant Nucléus CI24®,
dont 38 avec surdité apparue avant l’âge de 1 an et 14 atteints
d’une surdité apparue après l’âge de 1 an, l’enregistrement des
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PEEA sur une électrode de la base (no5) et une électrode de l’apex
(no20) à différents intervalles postimplantation (entre 8 jours et
2 ans) a permis de visualiser un raccourcissement des latences de
l’onde V. Celui-ci, mesuré pour une intensité de stimulation égale
au niveau “confort” du réglage, était d’autant plus marqué que
l’enfant utilisait son implant depuis plus longtemps. Il témoigne
d’une maturation des voies nerveuses probablement due à un
double phénomène de myélinisation des voies nerveuses et de
densification des synapses. Ce raccourcissement des latences de
l’onde V n’était pas significatif chez les enfants devenus sourds
après l’âge de 1 an.
MÉNINGITE ET IMPLANT COCHLÉAIRE
L. Tavernier (CHU de Besançon) a rappelé l’importance d’insti-
tuer une couverture vaccinale chez tout candidat à l’implant ou
tout enfant déjà implanté. Un risque majoré de méningite est main-
tenant reconnu en cas d’implantation cochléaire. Début 2002,
91 cas de méningites chez des porteurs d’implant ont été colligés,
dont 3 en France (2 avec un implant Clarion®avec positionneur
et 1 avec un implant Nucléus®) Le risque de méningite à pneu-
mocoque serait multiplié par 9 en cas de malformation d’oreille
interne, mais par 30 en cas d’implant cochléaire chez les patients
non vaccinés, d’après une étude américaine parue en juillet 2003.
Les principaux facteurs de risque seraient le geste chirurgical
(microtraumatismes), la présence d’un corps étranger, la présence
d’un positionneur, l’âge, une malformation éventuelle de la
cochlée, une fuite de LCR. La bactériologie de ces méningites
correspond à celle des otites aiguës, prouvant qu’il s’agit bien là
de méningites otogènes. Depuis juillet 2002, une recommanda-
tion de vaccinations contre le pneumocoque (vaccin Prévenar®
pour les premières injections puis vaccin Pneumo 23®pour les
rappels) et contre l’Haemophilus influenzae a donc été donnée,
s’adressant à toute personne candidate ou déjà implantée. De
même, toute otite ou infection de la sphère ORL doit être énergi-
quement prise en charge ; une surveillance étroite est à mettre en
place en cas de signes évocateurs de méningite.
RÉSULTATS DES IMPLANTS COCHLÉAIRES CHEZ L’ENFANT
Forte de son expérience à l’hôpital Trousseau (Paris) et dans le
centre parisien COD.A.L.I. de rééducation oraliste des enfants
sourds, N. Loundon a présenté les résultats observés chez les
enfants sourds implantés évoluant en intégration scolaire avec
soutien. En 15 ans, quelques tendances marquantes ont été notées :
de plus en plus de surdités profondes (passées de 85 à 98 % de
l’effectif), des enfants pris en charge beaucoup plus tôt (âge de
prise en charge passé de 5 ans à 3 ans), une plus forte proportion
d’enfants implantés (70 % en 1998 contre seulement 12 % en
1992) avec un rajeunissement marqué de cette population implan-
tée (âge moyen d’implantation passé de 10 ans en 1992 à 3,5 ans
après 1998). La rééducation permet d’obtenir de bons résultats,
avec une compréhension des mots de 60 % par voie auditive,
atteignant 80 % avec l’aide du LPC. Les phrases sont reconnues
à 50 %. La syntaxe reste en décalage. L’implant amène des amé-
liorations significatives dans les reconnaissances en perception
auditive, et entraîne une amélioration de l’intelligibilité surtout
notable si l’implant a été posé précocement. En 2002, la moitié
de l’effectif du centre est en mesure de suivre une scolarité en
intégration avec soutien (codage LPC beaucoup utilisé en pri-
maire) mais l’orientation vers un milieu spécialisé est nécessaire
pour l’autre moitié, dont un tiers des enfants implantés. Ces
échecs à la poursuite d’une scolarité en intégration correspon-
dent à des enfants avec surdité et problème associé, comme un
trouble à l’adaptation scolaire ou un trouble spécifique du lan-
gage. L’implantation à un âge plus précoce devrait améliorer
ces résultats.
Cette hypothèse semble en effet se vérifier avec les résultats de
l’étude prospective d’un groupe de plus de 600 enfants implan-
tés avec un implant Med-El®et évalués à intervalles réguliers à
l’aide de la batterie de tests “EARS” (M.K. Veekmans, Autriche).
Les tests d’évaluation “LI.P.” (détection puis discrimination puis
identification de la parole et des bruits familiers) révèlent une
dynamique de progression plus rapide chez les enfants implan-
tés avant l’âge de 3 ans, avec un effet plafond au bout de 2 années
d’utilisation. Cette tendance est également retrouvée pour le test
“MTP” (reconnaissance de mots mono-, bi- et trisyllabiques) et
pour la reconnaissance de mots monosyllabiques et de phrases
en liste ouverte. Il n’est pas retrouvé de différence entre les enfants
atteints de surdité pré-, péri- ou postlinguale. Les enfants atteints
de surdité postméningitique semblent obtenir des résultats légè-
rement inférieurs aux autres.
Cette réduction de l’âge d’implantation cochléaire, qui devrait
encore s’accentuer avec la mise en place du dépistage néo-
natal des surdités, a conduit l’équipe autrichienne des implants
Med-El®(P. D’Haese, Autriche) à la mise au point d’un profil
développemental auditif des enfants de moins de 2 ans appelé
“LITTLEARS”. Cet outil, servant à évaluer le comportement audi-
tif préverbal, se présente sous forme d’un questionnaire (43 ques-
tions) destiné aux parents. Il a d’abord été validé sur 218 enfants
entendants âgés de 16 jours à 2 ans, recrutés dans des crèches. Les
questions concernent les réactions de l’enfant à des stimulations
acoustiques dans son environnement quotidien. Cette pré-éva-
luation du profil “LITTLEARS” montre que ce questionnaire est
utilisable, pratique, rapide (10 à 15 minutes de passation), qu’il
semble bien refléter le comportement auditif précoce, restant bien
corrélé avec l’âge de l’enfant (score variant entre 0 et 43 selon
une courbe de développement) et d’une bonne fiabilité. Les résul-
tats préliminaires concernant les très jeunes enfants implantés
montrent une tendance à une courbe de développement auditif
plus verticale, plus rapide, comparée à celle des enfants enten-
dants. Les progrès dans le temps se montreront-ils comparables ?
Venant corroborer les 30 % d’enfants implantés ne pouvant pas
suivre en intégration décrits par N. Loundon, G. Lina-Granade
(hôpital Édouard-Herriot, Lyon) a donné les résultats d’une étude
d’enfants implantés présentant un retard notable d’expression
orale après 4 années d’utilisation de leur implant. Quand le groupe
témoin des 21 enfants implantés est maintenant capable de
s’exprimer oralement avec une bonne syntaxe, 11 autres enfants
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présentent un gros retard, puisqu’ils arrivent à peine à associer
deux mots pour faire une phrase. L’analyse des données concer-
nant ces deux groupes a pu révéler que ceux-ci ne présentaient
aucune différence significative concernant l’âge du début de la
surdité, l’âge d’appareillage et l’âge d’implantation. Par contre,
il était noté une différence importante au niveau du mode de com-
préhension avant implantation : la compréhension de l’oral (plus
ou moins soutenue par les signes) donnait de meilleurs résultats
que les autres communications : LSF, mimogestuelle, voire
absence de communication. Les tests cognitifs donnaient les
mêmes capacités pour les processus d’analyse simultanée dans
les deux groupes, mais des différences étaient observées concer-
nant la symbolisation, l’attention et la mémoire visuelle. Dans le
groupe avec retard expressif, un décalage était déjà noté au bout
de 2 années d’utilisation de l’implant puisque, dans ce groupe,
la production était limitée à des vocalises alors que l’autre groupe
était déjà rentré dans la communication orale avec emploi de
mots-phrase. Plus que des arguments en faveur d’un échec de
l’implantation, le retard d’expression après 2 années d’implant
et le faible niveau de communication avant implantation
cochléaire doivent faire craindre un retard à l’émergence du lan-
gage oral, du fait d’une dynamique et d’une vitesse d’acquisition
moins rapides. Des rattrapages plus tardifs peuvent toutefois être
observés. Mais là encore, parmi ces enfants en retard d’expres-
sion, l’implant aura permis de révéler des enfants avec surdité et
troubles spécifiques du langage associés, comme les dysphasies...
Même si l’implant cochléaire amène une nette amélioration des
performances en termes de compréhension et de discrimination
des mots et des phrases (85 % de compréhension de phrases sans
lecture labiale après 12 mois d’utilisation de l’implant), des confu-
sions de voyelles et de consonnes sont régulièrement retrouvées,
essentiellement avec B/D, K/P, F/CH et S/F. Ces confusions ont
été comparées, dans l’étude rapportée par B. Godey (CHU de
Rennes) aux confusions faites par des sourds moyens ou sévères
appareillés avec prothèses conventionnelles. Les seuils auditifs
étaient équivalents dans ces deux groupes composés de 14 adultes
implantés et 71 sourds appareillés. Le pourcentage d’erreurs de
reconnaissance de voyelles et consonnes était équivalent pour les
consonnes (21 % chez les implantés ; 19 % chez les appareillés)
et les voyelles (16 % pour les implantés contre 12 % pour les
appareillés). Le maximum d’erreurs de reconnaissance des
consonnes concernait les traits phonémiques “grave” et “com-
pact” pour les sourds appareillés alors qu’il concernait plutôt les
traits phonémiques “aigu” et “nasal” pour les sourds implantés.
Cette étude tendrait donc à montrer que l’implant est très per-
formant dans la résolution temporelle d’un signal vocal mais
moins dans sa résolution fréquentielle, ce qui serait l’inverse pour
un appareillage auditif conventionnel sur une oreille avec des
restes auditifs utiles.
Les très bons résultats obtenus chez les adultes sourds avec audi-
tion résiduelle, implantés sur les arguments d’une mauvaise dis-
crimination avec appareils (moins de 30 % de reconnaissance de
mots monosyllabiques au test PBK sans lecture labiale), ont amené
l’équipe de M. Mondain (CHU de Montpellier) à évaluer l’évo-
lution postimplantation de 13 enfants (âge moyen : 10 ans) pré-
sentant une surdité de perception profonde grade I (PAM =
107 dB) ayant préalablement un bon gain prothétique mais de
mauvaises performances au test PBK. Les résultats après 18 mois
d’utilisation de l’implant sont sans équivoque avec 100 % de
parents satisfaits, des performances moyennes au test PBK allant
de 70 à 80 % pour les enfants les plus performants en pré-implan-
tation. Bien que l’implant ait été posé sur la moins bonne oreille
et qu’une forte incitation ait été faite pour le port de la prothèse
controlatérale, 50 % des enfants ont abandonné cette prothèse au
bout de 18 mois. Par ailleurs, la rééducation et les acquisitions
scolaires de ces enfants ont été grandement facilitées.
IMPLANTS : LES NOUVEAUTÉS
L’implantation bilatérale fait aussi son chemin et quelques résul-
tats ont été rapportés par P. D’Haese, de la société Med-El
(Autriche). Ainsi, 50 adultes implantés à l’aide de deux implants
indépendants de marque Med-El®, posés en un seul ou en deux
temps chirurgicaux, ont été évalués après 6 mois d’utilisation de
leurs 2 implants. Des tests de reconnaissance de mots monosyl-
labiques et de phrases ont été faits dans le bruit avec un rapport
signal/ bruit de 10 dB, en comparant les performances avec 1 puis
2 implants allumés. Les performances avec 2 implants étaient
toujours supérieures au test avec 1 implant quand celui-ci se
retrouvait du côté du bruit. En revanche, les performances étaient
équivalentes quand l’implant unique se retrouvait du côté du
signal. Cette étude montre donc qu’il existe un “effet d’ombre de
la tête” avec l’implant unique, amenuisé par l’utilisation de
2 implants. Le bénéfice sur la localisation des sons a pu être
mesuré sur 20 adultes qui devaient identifier le haut-parleur à
l’origine du bruit. Si la personne n’utilisait qu’un seul implant,
elle avait tendance à localiser la source sonore à droite s’il s’agis-
sait de l’implant droit et à gauche s’il s’agissait de l’implant
gauche. Avec deux implants, les patients étaient performants
lorsque la source était située entre – 50 oet + 50 o, mais ils étaient
beaucoup moins performants pour des localisations plus
extrêmes, à droite ou à gauche.
Depuis maintenant 1 à 2 ans, l’utilisation des versions contour
(BTE) a permis une amélioration du bien-être quotidien des
enfants sourds implantés. Dans cette optique, et pour coller au
mieux aux besoins spécifiques de la population des jeunes
enfants implantés, la société Clarion a apporté des améliorations
à sa première version BTE. L’équipe d’implantation pédiatrique
de l’hôpital Robert-Debré (V. Couloigner), qui avait évalué
l’année dernière la première version en émettant de nombreuses
critiques, a donc pu comparer l’ancienne et la nouvelle version
des BTE Clarion®. Trois enfants (âge moyen : 10 ans) et déjà
utilisateurs d’un contour Clarion®“CII BTE®” ont ainsi pu tes-
ter le nouveau BTE “Auria®” et ses accessoires pour enfants. Sur
le plan esthétique, ce nouveau contour, avec sa palette de caches
de couleurs, a été très apprécié des enfants comme de leurs
parents. La batterie rechargeable standard tient la journée, et
cette durée d’utilisation peut être améliorée en cas d’utilisation
de piles jetables externes, venant se loger dans un compartiment
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La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no288 - décembre 2003
clipé sur le col de chemise. Aucun des 3 enfants n’a eu besoin
d’utiliser ce système du fait d’une autonomie suffisante des bat-
teries standards. Ces enfants utilisaient deux stratégies de réglage
différentes “PPS” et “SAS”. Pour les trois enfants, le passage à
la nouvelle stratégie de réglage “haute résolution” a été proposé
dans un premier temps, sur leur CII BTE®familier. L’adapta-
tion à cette nouvelle stratégie a été immédiate, avec un confort
d’écoute important. Les tests pratiqués à 3 mois ne montraient
pas de détérioration des performances au test PBK. À cette occa-
sion, le CII BTE®a été remplacé par le nouveau BTE “Auria®”.
Les performances ont continué à s’améliorer puisque, au contrôle
du septième mois, la compréhension était jugée meilleure, et les
parents notaient une amélioration de l’intelligibilité des pro-
ductions de leur enfant. La note de satisfaction donnée par les
familles a été de 8 sur 10.
La tendance actuelle à l’implantation d’enfants sourds très
jeunes, qui n’ont pas toujours eu le temps de développer un
mode de communication efficace, a conduit à la mise en place
d’un accompagnement original de l’enfant sourd au sein du ser-
vice ORL de l’hôpital Robert-Debré, allant du bilan préim-
plantation à la sortie du service après implantation. Fort de plu-
sieurs personnes (Valérie puis Katia, secrétaires ; Sylvie,
infirmière ; deux autres personnes en formation, y compris dans
le service hospitalisation) formées à la langue des signes (LSF),
le jeune enfant sourd et sa famille sont accompagnés par un
binôme de secrétaire-infirmière tout au long de ce périple abou-
tissant à l’implantation. Les deux personnes du binôme peuvent
reprendre les informations données par les médecins, les réex-
pliquer, les traduire en LSF si besoin, les compléter par des
informations pratiques : coupe de cheveux, temps de la chirur-
gie, durée d’hospitalisation, cicatrisation, utilisation d’un drain
ou pas, retour à l’école, reprise du sport, etc. Les parents se sen-
tent plus à l’aise avec ces interlocuteurs privilégiés qu’ils sont
amenés à rencontrer régulièrement à l’occasion des rendez-vous
de bilan, et avec qui ils parlent régulièrement au téléphone.
L’enfant établit alors des repères visuels stables, répétés et donc
rassurants, au travers de ces deux personnes du binôme, qui peu-
vent aussi communiquer avec lui en LSF si cet enfant connaît
et utilise quelques signes. Avec une personne du binôme,
l’enfant va visiter le service. Il fait ainsi connaissance du lieu
où il sera hospitalisé quelques jours, ce qui lui redonne des
repères visuels rassurants. Le binôme travaille aussi en colla-
boration avec le psychologue de l’équipe d’implantation pour
évaluer le cheminement de la famille pendant cette période
anxiogène. Devenu un repère rassurant, une personne du binôme
viendra voir l’enfant dans sa chambre la veille de l’interven-
tion. Elle l’accompagnera au bloc opératoire où elle pourra le
rassurer si besoin et lui expliquer, en LSF le cas échéant, le
matériel autour de lui, ce que dit l’infirmière de bloc ou l’anes-
thésiste. L’endormissement se fait ainsi dans de bonnes condi-
tions. La personne du binôme revient en salle de réveil après
l’intervention et peut exprimer les besoins de l’enfant, sa dou-
leur, le rassurer. Ce mode de fonctionnement a pu être utilisé
pour 15 enfants implantés depuis janvier 2003. Les familles se
sentent soutenues et les à-côtés du geste chirurgical sont mieux
vécus par ces enfants qui ont besoin de repères stables et ras-
surants tout au long de ce périple particulier.
Claudie Damour-Terrasson et son équipe vous remercient de votre fidélité
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