Éditorial
Éditorial
69
Toute personne a accès à l’ensemble
des informations concernant sa santé
détenues par les professionnels de santé.”
L’accès direct au dossier médical est, à
n’en pas douter, un des points phares de la
loi nouvelle sur les droits des malades.
Cette réforme était demandée avec insis-
tance par les patients, ou ceux qui s’expri-
ment en leur nom. Elle l’était aussi par
certains acteurs de santé, médecins ou
administrateurs, sur le thème : “Nous n’avons
rien à cacher, jouons la transparence.”
Sans doute le temps des mystères ou de
l’ignorance entretenue doit-il prendre fin.
Mais, pour l’essentiel, la page était
–heureusement – tournée. La loi ancienne,
à savoir l’accès au dossier médical par
l’intermédiaire d’un médecin librement
choisi, avait fait la preuve de sa pertinence.
Le patient pouvait disposer de toute l’infor-
mation, mais celle-ci n’était pas donnée à
l’état brut. Elle était nécessairement
accompagnée du commentaire médical, de
l’explication rendant le fait compréhen-
sible… et ainsi l’information utile. Le
système fonctionnait très bien pour peu
qu’il fût mis en œuvre avec un minimum de
bonne volonté. Bref, était-il vraiment néces-
saire de changer la loi ? On peut en douter,
et ce d’autant plus qu’en réalité ce qui
semblait en cause était moins l’accès au
dossier médical que l’existence, au jour le
jour, d’une relation confiante et respec-
tueuse, de nature à gérer l’anxiété, si ce
n’est l’angoisse devant la maladie. Il
s’agissait moins de pouvoir lire des mots ou
des chiffres que d’entendre une parole.
Cela étant, la loi nouvelle est là, et la question
est désormais de l’appliquer avec intelli-
gence. Le texte est explicite, mais laisse une
large place à l’interprétation. Ainsi, la loi
sera d’abord ce que l’on en fera. Quelques
points de repère peuvent être proposés.
◗Si le patient peut accéder directement à
son dossier, le système ancien – soit l’accès
par l’intermédiaire d’un médecin – est
maintenu. Les médecins sont, auprès des
patients, les premiers dispensateurs… de
l’information juridique sur leurs droits, et
ils doivent veiller à en défendre une vision
équilibrée. Conforter la place centrale du
médecin dans la relation de soin ne
constitue pas exactement une atteinte aux
droits de l’homme.
◗ La loi retient pour exception les soins en
santé mentale, lorsqu’il s’avérerait qu’une
consultation du dossier sans accompagne-
ment ferait courir un risque au patient.
Solution pleine de bon sens, mais dont il
sera difficile de définir le champ d’application.
Quid face à un état dépressif dû à la confron-
tation avec une maladie somatique grave ?
◗ La déontologie fait obligation au médecin
de différer l’annonce d’un diagnostic ou
d’un pronostic grave si cette annonce est de
nature à nuire aux intérêts du patient. Cette
règle, dont le bien-fondé a récemment été
rappelé par la Cour de cassation, peut-elle
être remise en cause par l’accès direct au
dossier ? Rien n’est acquis. Une lecture
juridique stricte donne primauté à la loi sur
le Code de déontologie, mais un tribunal
pourrait-il sanctionner le souci de protéger
l’intérêt du patient ? Et que faire face à un
diagnostic incertain ?
Gérer l’accès direct au dossier médical
Le laboratoire de la confiance
G. Devers*
* Avocat au Barreau de Lyon depuis 1985,
diplômé en droit médical et économie médicale,
Gilles Devers a enseigné à la faculté de
médecine Laennec (université Claude-Bernard) et
à la faculté de droit (université Jean-Moulin) où
il est actuellement coordinateur, au sein de
l’Institut de la santé, du diplôme “Droit, expertise
et soin”. Il a présenté sa thèse de doctorat en
droit en 2001 sur le thème du “Droit médical
ordinal”. Gilles Devers est par ailleurs rédacteur
en chef de la revue Droit, déontologie et soin
aux éditions Masson.
“
Act. Méd. Int. - Neurologie (3) n° 4, avril 2002