Éditorial

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Éditorial
Gérer l’accès direct au dossier médical
Le laboratoire de la confiance
“
Toute personne a accès à l’ensemble
des informations concernant sa santé
détenues par les professionnels de santé.”
L’accès direct au dossier médical est, à
n’en pas douter, un des points phares de la
loi nouvelle sur les droits des malades.
Cette réforme était demandée avec insistance par les patients, ou ceux qui s’expriment en leur nom. Elle l’était aussi par
certains acteurs de santé, médecins ou
administrateurs, sur le thème : “Nous n’avons
rien à cacher, jouons la transparence.”
Sans doute le temps des mystères ou de
l’ignorance entretenue doit-il prendre fin.
Mais, pour l’essentiel, la page était
– heureusement – tournée. La loi ancienne,
à savoir l’accès au dossier médical par
l’intermédiaire d’un médecin librement
choisi, avait fait la preuve de sa pertinence.
Le patient pouvait disposer de toute l’information, mais celle-ci n’était pas donnée à
l’état brut. Elle était nécessairement
accompagnée du commentaire médical, de
l’explication rendant le fait compréhensible… et ainsi l’information utile. Le
système fonctionnait très bien pour peu
qu’il fût mis en œuvre avec un minimum de
bonne volonté. Bref, était-il vraiment nécessaire de changer la loi ? On peut en douter,
et ce d’autant plus qu’en réalité ce qui
semblait en cause était moins l’accès au
dossier médical que l’existence, au jour le
* Avocat au Barreau de Lyon depuis 1985,
diplômé en droit médical et économie médicale,
Gilles Devers a enseigné à la faculté de
médecine Laennec (université Claude-Bernard) et
à la faculté de droit (université Jean-Moulin) où
il est actuellement coordinateur, au sein de
l’Institut de la santé, du diplôme “Droit, expertise
et soin”. Il a présenté sa thèse de doctorat en
droit en 2001 sur le thème du “Droit médical
ordinal”. Gilles Devers est par ailleurs rédacteur
en chef de la revue Droit, déontologie et soin
aux éditions Masson.
Act. Méd. Int. - Neurologie (3) n° 4, avril 2002
jour, d’une relation confiante et respectueuse, de nature à gérer l’anxiété, si ce
n’est l’angoisse devant la maladie. Il
s’agissait moins de pouvoir lire des mots ou
des chiffres que d’entendre une parole.
Cela étant, la loi nouvelle est là, et la question
est désormais de l’appliquer avec intelligence. Le texte est explicite, mais laisse une
large place à l’interprétation. Ainsi, la loi
sera d’abord ce que l’on en fera. Quelques
points de repère peuvent être proposés.
◗ Si le patient peut accéder directement à
son dossier, le système ancien – soit l’accès
par l’intermédiaire d’un médecin – est
maintenu. Les médecins sont, auprès des
patients, les premiers dispensateurs… de
l’information juridique sur leurs droits, et
ils doivent veiller à en défendre une vision
équilibrée. Conforter la place centrale du
médecin dans la relation de soin ne
constitue pas exactement une atteinte aux
droits de l’homme.
◗ La loi retient pour exception les soins en
santé mentale, lorsqu’il s’avérerait qu’une
consultation du dossier sans accompagnement ferait courir un risque au patient.
Solution pleine de bon sens, mais dont il
sera difficile de définir le champ d’application.
Quid face à un état dépressif dû à la confrontation avec une maladie somatique grave ?
◗ La déontologie fait obligation au médecin
de différer l’annonce d’un diagnostic ou
d’un pronostic grave si cette annonce est de
nature à nuire aux intérêts du patient. Cette
règle, dont le bien-fondé a récemment été
rappelé par la Cour de cassation, peut-elle
être remise en cause par l’accès direct au
dossier ? Rien n’est acquis. Une lecture
juridique stricte donne primauté à la loi sur
le Code de déontologie, mais un tribunal
pourrait-il sanctionner le souci de protéger
l’intérêt du patient ? Et que faire face à un
diagnostic incertain ?
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G. Devers*
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Ce que chacun redoute, c’est que, pour
éviter ce type de difficultés, on en vienne à
la pratique de dossiers réduits au strict
minimum : plutôt ne pas écrire que prendre
le risque d’être démenti ou mis en contradiction ; plutôt ne rien écrire que faire état
d’éléments incertains. Ce serait une dérive et
une régression. Alors, tentons quelques idées.
◗ La loi définit un cap, mais laisse une
large marge dans la mise en œuvre. Les
professionnels de santé doivent – et très
rapidement – proposer par des travaux, des
publications, des conférences de consensus
un contenu pour les pratiques nouvelles. Ce
travail de réflexion et d’élaboration est le
meilleur moyen de se prémunir de réglementations tatillonnes ou de jurisprudences imprévisibles. C’est le moyen de
défendre une déontologie praticienne.
◗ La démarche doit reposer sur un principe
clair, à savoir que la confiance doit
l’emporter sur la transparence. Or, à trop
mettre l’accent sur la transparence, on
risque d’induire l’idée d’une méfiance.
◗ La question devient alors de définir le
contenu du dossier directement accessible.
Passé un certain seuil, l’information est
suffisamment établie sur le plan scientifique pour être affirmée : elle doit figurer
dans le dossier. Mais avant d’atteindre ce
seuil, il ne s’agit que d’une hypothèse,
d’une piste de travail. Il est nécessaire que
le médecin, dans le cadre de sa démarche et
de celle de l’équipe, puisse garder la trace
de ces pistes, sans que ces éléments, non
vérifiés, soient directement accessibles au
patient, car ils seraient déstabilisateurs. La
loi est respectée : le patient a accès aux
informations concernant sa santé et non
pas aux interrogations du médecin.
L’art médical est fait de technique et
d’humanité. Il comporte sa part d’interrogation, et le médecin doit défendre sa
gestion du doute. C’est bien parce qu’il est
capable d’analyse qu’il est digne de
confiance. Le médecin a besoin d’un
laboratoire, d’un lieu hors d’accès où il
puisse, dans la sérénité, nourrir sa
réflexion et préparer sa décision. Défendre
l’intérêt du malade, mais aussi respecter sa
personnalité, c’est lui dire qu’il n’a pas
accès à ce laboratoire. La porte peut d’autant
mieux rester fermée que les informations
scientifiquement établies lui seront données
rapidement et en toute franchise, et moins
en réclamant son dossier par voie d’huissier
que par la voix confiante de ce confident
qu’est le médecin, les yeux dans les yeux.
Quelle place, alors, pour la loi nouvelle ?
Pour le patient, une garantie : en définitive,
il pourra tout savoir. Pour le médecin, une
occasion de rappeler l’humilité qu’impose
la maladie ; que s’il doit combattre les
mystères, il peut avoir à défendre le secret.
Le débat s’ouvre. Il revient aux médecins
de s’en saisir pour baliser ce domaine
qu’ils connaissent si bien.
Campagne de Bourses 2002
6 bourses de 15 000 €
Bourse de recherche médico-sociale Joseph-Roger : 5 000 €
Renseignements, modalités d’organisation, règlement complet : <lfce.epilepsies.free.fr>
Retrait et dépôt des dossiers de candidature :
Dr Franck SEMAH - Service hospitalier F. Joliot - CEA - 4, place du Général-Leclerc 91401 Orsay Cedex
Tél. : 01 69 86 77 09 – Fax : 01 69 86 77 28 – e-mail : [email protected]
La date limite de dépôt des dossiers de candidature est fixée au samedi 27 avril 2002.
Le jury auditionnera les candidats à l’hôpital Robert-Debré (Paris) le vendredi
14 juin 2002.
Ligue
française
contre
l’épilepsie
En partenariat avec les Laboratoires :
GlaxoSmithKline, Janssen-Cilag,
Novartis Pharma, Pfizer,
Sanofi-Synthelabo, UCB Pharma
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