Tumeurs rachidiennes
et intrarachidiennes
S. M. Diabira, L. Riffaud, C. Haegelen, A. Hamlat, P.-L. Hénaux, G. Brassier,
T. Josseaume, X. Morandi
Les tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes sont susceptibles de causer une morbidité neurologique
importante. Ces tumeurs se révèlent le plus souvent par une douleur rachidienne, véritable maître
symptôme qui peut s’associer à un déficit moteur et/ou sensitif d’apparition progressive ou subaiguë, et à
des troubles vésicosphinctériens. L’imagerie par résonance magnétique est l’examen clé dans le bilan de
ces tumeurs qui peuvent être rachidiennes osseuses, épidurales ou intradurales ou strictement
intramédullaires. Il permet une étude anatomique précise du rachis, de son contenu et des parties molles
environnantes. Le scanner garde son utilité pour l’étude des tumeurs à composante osseuse. Les tumeurs
rachidiennes et épidurales sont essentiellement des métastases dont le schéma thérapeutique a
beaucoup évolué récemment. Si possible, une chirurgie circonférentielle avec stabilisation est proposée en
première intention suivie d’une radiothérapie et/ou chimiothérapie. Les méningiomes et les
schwannomes sont les tumeurs intradurales, extramédullaires les plus fréquentes. Elles sont
habituellement bénignes, et leur traitement est essentiellement chirurgical par une exérèse souvent
complète. Les tumeurs intramédullaires sont très rares et surtout représentées par les astrocytomes et les
épendymomes dont l’exérèse chirurgicale est plus difficile mais reste le seul traitement efficace.
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Mots clés : Tumeur ; Rachis ; Imagerie par résonance magnétique ; Intradural ; Intramédullaire
Plan
Clinique 1
Symptômes cliniques 1
Examens complémentaires 2
Biologie 2
Imagerie 2
Classification des tumeurs 4
Tumeurs vertébrales et/ou épidurales 4
Tumeurs intradurales et extramédullaires 14
Tumeurs intramédullaires 17
Clinique
Les tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes s’expriment
classiquement par trois syndromes, de façon isolée ou associée :
un syndrome rachidien : la douleur est le « maître » symp-
tôme, localisée au niveau de la tumeur, souvent associée à
une contracture musculaire paravertébrale, une raideur
segmentaire du rachis et une douleur provoquée à la palpa-
tion d’un processus épineux ; une tuméfaction douloureuse
paravertébrale est parfois palpée ; des déformations rachi-
diennes comme une scoliose et/ou une cyphose peuvent
parfois exister ;
un syndrome lésionnel : il est caractérisé par l’atteinte d’une
ou plusieurs racines spinales ;
un syndrome sous-lésionnel : il traduit la compression médul-
laire et s’exprime par des signes d’atteinte des voies longues
motrices et/ou sensitives selon la localisation tumorale.
L’examen neurologique est complété par un examen de
l’ensemble du squelette, des aires ganglionnaires, de l’abdomen
et la réalisation de touchers pelviens.
Symptômes cliniques
Les douleurs rachidiennes sont le signe initial précédant
souvent de plusieurs semaines, parfois de plusieurs mois, le
diagnostic. Elles sont localisées au niveau de la tumeur, d’inten-
sité variable au début, ayant tendance à s’accroître avec le
temps, classiquement nocturnes, mais en réalité de rythme
mixte le plus souvent. Parfois, elles peuvent avoir un rythme
mécanique, être accentuées par l’effort physique, la marche,
l’éternuement, la défécation, et ainsi mises sur le compte d’une
affection dégénérative. La douleur majorée à la palpation d’une
épineuse, l’existence d’une contracture paravertébrale, d’une
tuméfaction douloureuse et/ou de l’apparition récente d’une
déformation rachidienne doivent orienter le diagnostic.
Les douleurs radiculaires sont habituellement unilatérales, du
moins au début. Elles ont une topographie systématisée corres-
pondant au trajet et au territoire périphérique de la (ou des)
racine(s) concernée(s). Souvent, ces douleurs s’associent à des
paresthésies ou à des dysesthésies qui conservent toujours une
distribution radiculaire. Classiquement, elles prédominent la
nuit et sont peu ou pas calmées par le repos, à l’opposé des
douleurs radiculaires d’origine discale. Il faut rechercher une
hypoesthésie ou une anesthésie dans le (ou les) territoire(s)
concerné(s), un déficit moteur périphérique associé ou non à
une amyotrophie, une diminution ou une abolition des réflexes
ostéotendineux.
Les signes médullaires sont le plus souvent d’apparition
progressive et associent des troubles sensitifs sous-lésionnels et
des troubles moteurs.
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1Neurologie
Les troubles sensitifs comprennent :
un syndrome cordonal postérieur responsable de douleurs
fulgurantes, d’une sensation de courant électrique et/ou de
brûlures, d’une sensation d’écoulement de fluides chauds ou
froids sur la peau, mais également d’une sensation d’avoir un
ou plusieurs segments de membre serrés comme dans un
étau ;
une atteinte de la sensibilité proprioceptive ;
et un éventuel niveau sensitif concernant particulièrement la
sensibilité superficielle fine épicritique et thermoalgique.
Les signes moteurs peuvent être limités à un syndrome
pyramidal réflexe, une claudication à la marche de type médul-
laire ou radiculaire, et à l’extrême une para- ou tétraparésie. La
sémiologie sous-lésionnelle dépend beaucoup de la localisation
de la lésion par rapport au cordon médullaire. Les compressions
antérieures ont une composante motrice prédominante, tandis
que les lésions postérieures se traduisent d’abord par des troubles
de la sensibilité. Les lésions latérales peuvent provoquer un
syndrome de Brown-Séquard plus ou moins typique associant un
syndrome pyramidal et un syndrome cordonal postérieur
homolatéraux et un syndrome thermoalgésique homolatéral à la
lésion.
En outre, le niveau lésionnel est particulier dans certaines
formes topographiques. Ainsi, dans les compressions de la
moelle épinière cervicale, on peut observer des signes bulbaires
et/ou des dernières paires crâniennes dans les formes hautes, un
syndrome de Claude Bernard-Horner dans les formes basses. Les
compressions du cône terminal et des racines de la queue de
cheval peuvent donner des névralgies obturatrices et/ou abdo-
minogénitales, un déficit génitosphinctérien et des troubles du
transit.
La suspicion clinique de compression médullaire traduit un
risque fonctionnel parfois imminent. En effet, si la plupart des
patients ont des déficits sensitifs et/ou moteurs partiels au
moment du diagnostic, une atteinte flasque est parfois observée.
Dans cette situation, le pronostic fonctionnel est extrêmement
péjoratif. Enfin, parfois, le diagnostic est réalisé dans le cadre de
la recherche systématique d’une pathologie néoplasique primi-
tive ostéophile (prostate, sein, rein, poumon) dont on connaît
le risque de dissémination rachidienne.
Examens complémentaires
Biologie
Outre les examens biologiques usuels, comportant en parti-
culier la numération-formule sanguine (NFS) et la recherche
d’un syndrome inflammatoire, il existe des examens spécifiques
comme l’électrophorèse et l’immunoélectrophorèse des protéi-
nes plasmatiques qui sont envisagés avec les pathologies
correspondantes. Le dosage des marqueurs tumoraux n’a aucun
intérêt dans le diagnostic étiologique des tumeurs rachidiennes.
Il est en revanche utile dans le suivi et la surveillance des
pathologies métastatiques rachidiennes lorsque la néoplasie
primitive est connue.
L’étude du liquide cérébrospinal (LCS), prélevé par ponction
lombaire, est peu contributive car peu spécifique. Une dissocia-
tion albuminocytologique (franche élévation de la protéinora-
chie contrastant avec l’absence de pléiocytose) peut s’observer
dans une compression médullaire. Mais elle s’observe également
dans la polyradiculonévrite aiguë de Guillain-Barré et dans le
diabète ; la recherche de cellules néoplasiques s’avère le plus
souvent infructueuse dans les pathologies malignes intradurales.
De plus, une ponction lombaire sur une compression médullaire
par compression tumorale peut aggraver les signes neuro-
logiques déficitaires.
Imagerie
Radiographies standards
Les examens radiologiques standards conservent tout leur
intérêt lorsque l’on suspecte une atteinte rachidienne. Les
clichés de face et de profil, accompagnés de trois quarts à l’étage
cervical ou lombal et d’un cliché bouche ouverte si besoin,
doivent étudier la totalité du segment considéré. Les clichés
localisés sont nécessaires, soit au niveau d’une région difficile à
analyser (charnière craniorachidienne ou lombosacrée), soit sur
la région cliniquement suspecte. Cependant, si le syndrome
lésionnel ou rachidien est relativement localisateur, il existe
volontiers, dans les syndromes médullaires isolés, un décalage
entre le niveau neurologique et le niveau de la lésion, plus haut
situé. L’analyse des radiographies doit être rigoureuse, avec une
étude à chaque niveau et sur toutes les incidences des contours
et de la structure des corps vertébraux, des pédicules, des lames,
des processus transverses, articulaires et épineux. Il faut vérifier
la hauteur et la régularité des espaces intersomatiques et les
foramens intervertébraux.
Enfin, il ne faut pas oublier de regarder l’aspect des parties
molles paravertébrales qui peuvent être déformées ou envahies
par une prolifération tumorale.
On peut ainsi observer :
un processus expansif d’origine osseuse associant, à des degrés
divers, lyse et condensation, et déformant la structure
atteinte ;
une ostéocondensation localisée, intéressant le plus souvent
le corps vertébral et prenant l’aspect d’une vertèbre
« d’ivoire », qui peut orienter vers une métastase de cancer de
la prostate ou de la thyroïde ;
une ostéolyse localisée, mal limitée, atteignant le corps
vertébral ou encore un pédicule, réalisant un aspect de
vertèbre « borgne », orientant avant tout vers une étiologie
métastatique (Fig. 1);
un aspect de déminéralisation diffuse sur plusieurs vertèbres,
pouvant mimer une ostéoporose ;
un tassement d’un ou plusieurs corps vertébraux (Fig. 1);
une déformation scoliotique et/ou cyphotique, parfois témoin
d’une lésion intrarachidienne, surtout chez l’enfant ;
une déformation localisée comme une augmentation de
l’espace interpédiculaire (signe d’Elsberg), d’un foramen
intervertébral (visible notamment dans le neurinome en
« sablier ») ;
une augmentation de taille des parties molles avoisinantes
(espace prévertébral cervical sur une incidence de profil,
espace prévertébral thoracique sur un cliché de face, élargis-
sement d’un muscle psoas sur un cliché de face du rachis
lombal).
Les radiographies du rachis standards sont souvent anormales
dans les tumeurs d’origine osseuse. En revanche, elles sont
souvent normales lors d’un processus expansif intracanalaire
épidural, intradural extramédullaire ou intramédullaire.
La réalisation d’autres examens radiologiques est impérative
devant toute douleur rachidienne suspecte, a fortiori dans un
contexte de néoplasie connue, et bien entendu devant tout
signe neurologique.
AB
Figure 1. Radiographies standards du rachis lombaire avec tassement
métastatique de L3 et lyse du pédicule droit (B, flèche) réalisant un aspect
de vertèbre « borgne » (A, B).
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Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes
2Neurologie
Examen tomodensitométrique (scanner)
C’est un examen essentiel dans les tumeurs d’origine osseuse.
Les coupes millimétriques permettent dorénavant d’obtenir des
reconstructions sagittales, coronales et tridimensionnelles.
L’analyse des structures osseuses et des parties molles adjacentes
en est grandement améliorée. En revanche, les possibilités
d’analyse des structures neuroméningées sont réduites, en
particulier pour le segment thoracique. L’injection de produit de
contraste iodé en l’absence de contre-indication doit être
systématiquement réalisée pour l’étude de la vascularisation
tumorale. Elle permet également de souligner certaines tumeurs
extra-axiales comme les neurinomes. La sensibilité du scanner
est augmentée s’il est couplé à une myélographie (myélo-
scanner). Cet examen permet une étude plus précise du cordon
médullaire et des espaces épiduraux. Il peut remplacer une
imagerie par résonance magnétique (IRM) rachidienne en cas de
contre-indication absolue à ce dernier examen.
Myélographie opaque
L’avènement de l’IRM a rendu la myélographie quasiment
caduque. Néanmoins, cet examen peut être d’une grande utilité
dans certaines situations d’urgence et en l’absence de disponi-
bilité de l’IRM.
La myélographie implique la réalisation d’une ponction sous-
arachnoïdienne et un prélèvement de LCS. Il en découle que
toute contre-indication à une ponction lombaire est une contre-
indication à la myélographie. Il en découle également que cet
examen peut transitoirement ou durablement aggraver les
signes de compressions médullaires par la ponction de LCS.
Les voies de ponction de LCS sont les suivantes :
la voie lombaire, la plus utilisée, permet chez un patient en
décubitus dorsal de réaliser une position de Trendelenburg en
basculant la table de façon à abaisser la tête par rapport au
bassin ; cette position permet de faire progresser le produit de
contraste vers les régions thoracique et cervicale ;
les voies latérocervicales C1-C2 et sous-occipitales, exception-
nelles, permettent de délimiter le niveau supérieur de
l’obstacle.
Le produit de contraste utilisé doit être un produit iodé
hydrosoluble, exclusivement non ionique.
La lésion dépistée peut être :
épidurale : les espaces sous-arachnoïdiens contenant le
produit de contraste sont rétrécis au niveau de la lésion ; dans
ce cas, l’arrêt du produit de contraste est irrégulier, frangé, en
« bec de flûte » ;
intradurale et extramédullaire, avec élargissement progressif
de la bande opaque périmédullaire, la moelle épinière étant
refoulée du côté opposé ; l’arrêt du produit de contraste
possède un aspect en « dôme » ou en « cupule » ; cependant,
sur l’incidence perpendiculaire, on peut observer un pseudoé-
largissement du cordon médullaire par écrasement ;
intramédullaire, avec un aspect de « grosse moelle », lui
donnant une image fusiforme plus ou moins étendue, le plus
souvent sur toutes les incidences.
Les compressions médullaires peuvent s’accompagner d’une
dilatation des veines périmédullaires du fait d’une stase par
obstacle, qu’il faut différencier des images serpigineuses obser-
vées dans les malformations artérioveineuses.
Scintigraphie
Réalisée à l’aide du technétium 99m (
99m
Tc) polyphosphate,
elle est surtout utilisée pour détecter des localisations secondai-
res dans le cadre d’une néoplasie ostéophile connue. Elle peut
être utile dans la suspicion d’ostéome ostéoïde ou d’ostéoblas-
tome, où elle montre alors une fixation isotopique très intense
bien avant l’apparition de signes radiologiques. Néanmoins
cette technique, très sensible, n’est absolument pas spécifique de
la pathologie tumorale. Une fixation osseuse anormale peut
s’observer dans de nombreux cas de remaniements osseux tels
qu’un traumatisme, une infection, ou un processus dégénératif.
Imagerie par résonance magnétique
C’est l’examen clé en pathologie tumorale vertébromédul-
laire
[1]
. Les modalités d’explorations restent dépendantes des
possibilités techniques des appareillages. Il est impératif
d’obtenir la meilleure résolution spatiale possible pour un bilan
lésionnel optimal. Il est également impératif d’avoir un repérage
topographique précis, en vue d’une chirurgie ou d’une radio-
thérapie. Cet examen est contre-indiqué chez les patients
porteurs d’un pacemaker ou de valves cardiaques mécaniques
(sauf celles en carbone).
L’IRM permet d’obtenir rapidement des coupes dans tous les
plans de l’espace et de réaliser une analyse extrêmement précise
de la morphologie et de la structure des différents éléments
contenus dans le canal vertébral. La rapidité de cet examen est
un facteur important chez des patients le plus souvent très
algiques. Un autre avantage majeur de l’IRM sur les autres
examens radiologiques est de pouvoir détecter des lésions non
contiguës, séparées de plusieurs vertèbres, grâce aux séquences
sagittales.
L’approche tridimensionnelle est possible et permet d’obtenir
des images dans tous les plans en une seule acquisition et des
coupes très fines avec un signal suffisant.
Le radiologue dispose de plusieurs séquences d’acquisition :
les séquences pondérées en T1, définies par un temps d’écho
(TE) et un temps de répétition (TR) courts, fournissent une
bonne analyse morphologique ; elles font apparaître :
Cl’air, le LCS, la corticale osseuse et les ligaments en
hyposignal,
Cla moelle épinière et le spongieux des corps vertébraux en
isosignal,
Cla graisse sous-cutanée ou épidurale en hypersignal ;
les séquences pondérées en T2, définies par un TE et par un
TR longs fournissent un important contraste tissulaire et font
apparaître :
Cl’air et la corticale osseuse en hyposignal,
Cla moelle épinière en discret hyposignal,
Cle LCS en hypersignal, tandis que les ligaments restent en
hyposignal,
Cle tissu graisseux reste en hypersignal.
Ainsi, cette séquence T2 est particulièrement utile pour
détecter les processus expansifs intramédullaires, ou étudier
l’importance d’un rétrécissement canalaire.
L’hypersignal du LCS est annulé dans les séquences T2 FLAIR
(fast low angle inversion recovery). Certaines tumeurs intramédul-
laires peuvent ainsi être repérées par ces séquences.
L’injection de produit de contraste (chélate de gadolinium),
pendant les séquences T1, est indispensable au bilan d’explora-
tion par IRM pour mieux délimiter le processus tumoral.
Les séquences utilisant la technique avec saturation de graisse
(séquences STIR pour short T1 inversion recovery) peuvent être
utiles dans la détection de tumeurs prenant le contraste au sein
de structures spontanément hyperintenses (os spongieux, espace
épidural notamment).
En dehors de l’allergie, le gadolinium n’a pas de contre-
indication formelle. La grossesse est une contre-indication
relative de principe. Les effets secondaires sont modestes hormis
une complication récemment décrite : la fibrose systémique
néphrogénique
[2]
(ou dermopathie fibrosante néphrogénique).
Il s’agit d’une atteinte fibrosante cutanée avec une extension
viscérale possible dans les jours ou les mois qui suivent l’injec-
tion de chélates de gadolinium chez des patients dans un
contexte inflammatoire. L’insuffisance rénale et la transplanta-
tion hépatique seraient des facteurs de risque de cette rare mais
sévère complication.
La séquence de diffusion DWI (diffusion weighted imaging) est
une technique spéciale utilisant de forts gradients magnétiques,
permettant d’annuler le signal des protons des liquides qui
circulent librement comme le LCS. Les protons qui ont un
mouvement plus restreint, comme les protons intracellulaires,
ont un signal détecté par cette technique. L’intérêt est la
détection précoce des œdèmes cytotoxiques des lésions isché-
miques mais également de distinguer les tumeurs de certains
abcès comme les abcès à pyogènes qui apparaissent hyperinten-
ses en DWI
[3]
.
Sur les images IRM rachidiennes on recherche :
une anomalie de la taille et de la structure médullaire
évoquant un processus tumoral ou une cavité kystique ;
Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes
17-275-A-10
3Neurologie
une lésion périmédullaire, de siège intracanalaire, évoquant
un neurinome, un méningiome ou une pathologie ostéo-
discale ;
un processus expansif vertébral responsable d’une déforma-
tion, d’une modification du système osseux et souvent d’un
envahissement des parties molles périrachidiennes.
Toutefois, il peut être difficile, surtout pour les lésions
osseuses, de trancher entre bénignité et malignité. Une lésion
mal définie, hétérogène, avec rupture de la corticale oriente
plutôt vers un processus malin. Une lésion expansive bien
limitée, séparée de l’os spongieux par un liseré régulier hypo-
intense sans image de destruction osseuse, oriente plutôt vers
un processus bénin. Néanmoins, une interprétation judicieuse
des lésions observées ne saurait se passer d’un recueil fidèle de
l’anamnèse, des antécédents, de l’examen clinique et des
circonstances amenant à la réalisation de l’IRM.
Angio-IRM
Technique largement utilisée pour l’étude de la vascularisa-
tion cérébrale, elle n’a encore été que peu utilisée pour l’explo-
ration de la moelle. Mais les premiers résultats semblent
prometteurs.
Angiographie médullaire
Elle est réalisée par cathétérisme rétrograde après ponction de
l’artère fémorale (Seldinger). Elle peut être utile lorsqu’il existe
un processus hypervascularisé (neurinome, hémangioblastome,
etc.). Pour certaines tumeurs vertébrales (métastases de cancer
du rein ou de la thyroïde, hémangiome vertébral) l’embolisation
peut être un complément thérapeutique très utile en
préopératoire.
Enfin, elle peut permettre de définir des rapports de certaines
tumeurs avec des artères majeures (artères vertébrales et neuri-
nome en « sablier », artères de l’intumescence lombale et
tumeur du cône médullaire, etc.).
Explorations neurophysiologiques
Les potentiels évoqués somesthésiques ou PES (exploration
des voies somesthésiques de la périphérie jusqu’au cortex
pariétal) peuvent faire partie du bilan préopératoire des tumeurs
intramédullaires. Ils renseignent sur l’état fonctionnel de la
moelle et peuvent révéler des anomalies infracliniques.
L’électrophysiologie peut également être pratiquée pendant
l’intervention d’une tumeur médullaire. Elle a théoriquement
pour but de limiter les complications postopératoires par la
détection précoce de signes de souffrance médullaire. Alerté par
les anomalies électrophysiologiques, le chirurgien pourrait
modifier sa tactique opératoire.
Le monitorage peropératoire repose alors sur les PES associés
aux potentiels évoqués moteurs (PEM) (exploration de la voie
pyramidale par exploration électrique du cortex moteur et
recueil de la réponse évoquée motrice sur un des membres). De
nombreux auteurs soulignent leur apport dans la qualité de
l’exérèse des tumeurs intramédullaires tout en limitant les
déficits postopératoires
[4-6]
. Néanmoins, de nombreuses équipes
de chirurgie rachidienne et médullaire n’utilisent pas, ou ont
cessé d’utiliser, l’électrophysiologie peropératoire pour diverses
raisons. D’abord il n’existe aucune étude prospective randomi-
sée comparative ni de niveau de preuve suffisant démontrant
l’absolue nécessité d’une électrophysiologie peropératoire durant
la chirurgie médullaire. Ensuite, la technique est assez lourde à
installer et il existe des faux négatifs (PES ou PEM ne détectant
pas d’anomalies durant l’intervention alors que le patient se
réveille avec des signes neurologiques postopératoires). En
conclusion, l’électrophysiologie peropératoire peut être laissée à
l’appréciation de l’équipe chirurgicale en fonction de ses
habitudes et de la présence ou non d’un électrophysiologiste
confirmé et habitué aux pathologies rachidiennes.
Classification des tumeurs
Il est habituel de distinguer plusieurs formes topographiques
selon que la tumeur est localisée au niveau du rachis et/ou dans
l’espace épidural, intradural et extramédullaire, ou intramédul-
laire. Certaines formes pathologiques peuvent s’observer dans
plusieurs de ces localisations.
Tumeurs vertébrales et/ou épidurales
Tumeurs secondaires : métastases
Épidémiologie
Elles représentent la forme tumorale la plus fréquente dans
cette localisation (environ deux tiers des tumeurs rachidiennes).
Le rachis est la première localisation osseuse métastatique et la
troisième localisation métastatique organique après le poumon
et le foie.
L’atteinte métastatique peut être diagnostiquée chez un
malade porteur d’un cancer connu dans 40 % des cas
[7, 8]
ou
révéler un cancer occulte dans 10 % à 20 % des cas.
Toutes les métastases rachidiennes ne conduisent pas à un
déficit neurologique. Mais on estime qu’une compression
médullaire épidurale radiologique survient chez5%à10%des
patients atteints d’un cancer et pour plus de 40 % des patients
avec une métastase extrarachidienne préexistante
[9, 10]
. Parmi
ces patients avec une métastase rachidienne, 10%à20%
développent une compression médullaire clinique. Cette
proportion est amenée à augmenter avec le vieillissement de la
population et l’augmentation de l’espérance de vie des patients
atteints d’un cancer
[8, 11]
.
Le rachis thoracique est le plus souvent atteint de métastases
(70 %) suivi du rachis lombal (20 %) et du rachis cervical
(10 %)
[10, 11]
. Le site métastatique est préférentiellement le
rachis osseux (85 % des métastases rachidiennes) avec une
atteinte débutant le plus souvent dans la moitié postérieure du
corps vertébral. La moitié antérieure du corps vertébral, les
lames et les pédicules sont envahis plus tardivement
[12]
. Les
sites métastatiques paravertébraux sont moins fréquents (10 %-
15 %) et les métastases sous-durales ou intramédullaires sont
exceptionnelles (5 %)
[10, 11]
. Dans ces derniers cas, les tumeurs
primitives sont souvent localisées dans le tissu nerveux.
Par ailleurs, de multiples lésions métastatiques rachidiennes
non contiguës sont observées dans 10%à40%descas
[10, 11]
.
Les tumeurs primitives responsables de près de la moitié des
métastases rachidiennes sont les tumeurs du sein, des poumons
et de la prostate
[10]
. Elles sont suivies des cancers rénaux (5 %),
gastro-intestinaux (5 %), des cancers de la thyroïde (5 %), des
sarcomes et des lymphomes malins lymphoréticulaires.
Points forts
L’IRM rachidienne et médullaire est l’examen clé dans le
bilan des tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes
(contre-indications : patients porteurs d’un pacemaker ou
de valves cardiaques mécaniques).
L’injection de gadolinium est utile pour différencier une
prise de contraste tumorale d’un œdème.
Pour la plupart des processus pathologiques touchant le
rachis : hyposignal en T1 et hypersignal en T2.
Impossible de trancher formellement entre bénignité et
malignité d’une tumeur osseuse rachidienne :
une lésion mal définie, hétérogène avec rupture de la
corticale oriente plutôt vers un processus malin,
une lésion expansive bien limitée, séparée de l’os
spongieux par un liseré régulier hypo-intense sans image
de destruction osseuse oriente plutôt vers un processus
bénin.
Le scanner rachidien reste un examen très utile dans le
diagnostic des tumeurs osseuses du rachis grâce à son
excellente résolution spatiale, et ses études en fenêtre
osseuse. Le myéloscanner peut remplacer l’IRM si cette
dernière est contre-indiquée.
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Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes
4Neurologie
On estime que 90 % des patients atteints d’un cancer de la
prostate et trois patients sur quatre atteints d’un cancer du sein
auront une localisation secondaire rachidienne dans l’évolution
de leur maladie
[13]
. Mais le risque de déficit neurologique varie
avec le cancer primitif. En effet, ce risque est estimé à un
patient sur cinq en cas de cancer du sein, contre un patient sur
sept en cas de cancer du poumon et un patient sur dix en cas
de cancer de la prostate
[11]
.
En résumé, les cancers du sein sont plus agressifs en termes
de neurotoxicité alors que les cancers de la prostate donnent
souvent des localisations osseuses rachidiennes, mais aboutis-
sent plus rarement à une compression médullaire.
Les métastases vertébrales et/ou épidurales pourraient s’effec-
tuer selon trois mécanismes :
la dissémination par voie veineuse, en particulier dans les
cancers rétropéritonéaux et du petit bassin (rein, prostate) :
les épisodes d’hyperpression abdominale favoriseraient le
reflux veineux d’emboles métastatiques vers les plexus
veineux rachidiens et épiduraux de Batson
[14]
qui sont
dépourvus de valves (initialement Batson a conçu sa théorie
des plexus veineux rétrogrades pour expliquer l’incidence
élevée de métastases de cancer de la prostate dans le rachis) ;
la dissémination par voie artérielle par l’intermédiaire des
artères nourricières des corps vertébraux ;
la dissémination par voie lymphatique dont la physiopatho-
logie est plus discutée.
Enfin, certaines tumeurs médiastinales ou rétropéritonéales
(lymphome malin, sarcome, tumeur du rein, etc.) peuvent
envahir par contiguïté les corps vertébraux, voire pénétrer
l’espace épidural via les foramen intervertébraux.
Clinique
Les douleurs rachidiennes sont souvent au premier plan. Elles
peuvent être localisées à un segment rachidien ou bien être
diffuses s’il existe des lésions multiples. De rythme mixte, elles
sont peu ou pas soulagées par les antalgiques habituels. Parfois,
elles sont plus discrètes, d’évolution torpide. Selon une étude,
le temps moyen de diagnostic de métastases vertébrales sur des
douleurs rachidiennes était de 2 mois
[15]
. Des douleurs rachi-
diennes chez un patient aux antécédents même anciens de
cancer font suspecter des métastases vertébrales et/ou épidurales
jusqu’à preuve du contraire.
Les douleurs précèdent habituellement l’apparition de signes
neurologiques qui peuvent être une para- ou tétraplégie d’ins-
tallation progressive le plus souvent. Il peut s’y associer un
syndrome radiculaire, en particulier une névralgie intercostale
dans les localisations thoraciques. Le niveau lésionnel peut être
situé trois à quatre niveaux au-dessous ou au-dessus du syn-
drome rachidien dans les localisations multiples. Enfin, la
symptomatologie déficitaire peut être d’emblée aiguë, avec
apparition brutale d’une para- ou tétraplégie. Dans ce cas, le
syndrome rachidien peut être absent car il peut s’agir d’une
épidurite métastatique isolée. L’examen clinique doit être
attentif à la recherche d’un point d’appel au niveau des seins,
de l’appareil urogénital, des poumons, de la thyroïde, de la
peau, des aires ganglionnaires, et à la recherche d’autres
localisations osseuses. Il convient de rechercher également une
altération récente de l’état général.
Examens paracliniques usuels
Les examens biologiques sont utiles pour rechercher une
anémie inflammatoire par la NFS, des troubles ioniques par
déshydratation ou syndrome paranéoplasique (ionogramme
sanguin), une insuffisance rénale (urée et créatinine plasmati-
que), une insuffisance hépatocellulaire éventuellement associée
à un syndrome de cholestase par métastase hépatique. L’albu-
minémie est importante pour l’état nutritionnel. Il convient de
rechercher une hypercalcémie dans ces localisations osseuses, et
ses éventuelles graves complications cardiaques par un électro-
cardiogramme (ECG). En cas de suspicion de myélome, une
électrophorèse et immunoélectrophorèse des protéines plasma-
tiques sont le minimum à demander. Il est coûteux et inutile de
demander les marqueurs tumoraux car ils n’ont aucun intérêt
diagnostique. Une radiographie de thorax peut être en revanche
très informative pour la recherche d’un primitif ou de métasta-
ses pulmonaires.
Examens radiologiques
Radiographies standards. Étendues à l’ensemble du rachis,
elles peuvent objectiver des lésions des corps vertébraux
(vertèbres cunéiformes ou en « galette »), ou de l’un des
pédicules (vertèbre « borgne »).
Le disque intervertébral est classiquement épargné dans les
métastases rachidiennes, contrairement aux cas de
spondylodiscites.
Les radiographies standards du rachis de face et de profil
objectivent des anomalies chez plus de 90 % des patients avec
des métastases rachidiennes symptomatiques
[16]
. Cependant un
quart des patients avec des métastases osseuses débutantes ont
des radiographies rachidiennes interprétées normales car la lyse
doit intéresser au moins 40%à50%del’os avant d’être
décelée
[17]
. Par conséquent il est primordial de demander
rapidement un scanner et/ou une IRM rachidienne chez les
patients fortement suspects d’avoir des métastases rachidiennes,
même si les radiographies standards sont normales.
Examen tomodensitométrique (scanner). L’examen est
centré sur la zone suspecte cliniquement et sur les radiographies
standards.
L’intérêt principal du scanner réside dans l’excellente analyse
de l’architecture osseuse qui est supérieure à l’IRM. Des recons-
tructions tridimensionnelles peuvent être réalisées pour aider à
la stratégie chirurgicale. Le scanner donne des informations
capitales sur le degré d’envahissement cortical et l’étendue de la
destruction néoplasique. En revanche, il est peu performant
pour apprécier un envahissement tumoral épidural ou pour
explorer rapidement le rachis dans sa totalité. Il constitue le
support radiologique pour la réalisation de ponctions-biopsies à
visée diagnostique.
Chez les patients ayant une contre-indication à l’IRM mais
n’ayant pas de contre-indication au produit de contraste iodé,
le scanner peut être couplé à la myélographie. Le myéloscanner
permet alors d’obtenir de meilleurs détails anatomiques que le
scanner ou la myélographie seuls. Cet examen peut être une
bonne alternative à l’IRM dans certaines situations
[18]
.
IRM (Fig. 2). L’IRM est actuellement l’examen de référence
dans l’étude de la colonne vertébrale et de la moelle épinière.
Sa supériorité sur les autres examens dans la détection précoce
des métastases rachidiennes a été maintes fois démontrée
[19]
.
Cet examen est également supérieur dans la détection d’une
infiltration de l’os spongieux et d’une atteinte épidurale. Il
permet de différencier les tissus mous paraspinaux et les
structures nerveuses des composants mous tumoraux
extraosseux
[20]
.
Certains auteurs considèrent que l’IRM peut différencier les
localisations rachidiennes dans le cadre d’hémopathies malignes
(lymphome, leucémies, myélomes multiples) des métastases
d’origine viscérale
[21]
. L’envahissement tumoral est plus diffus
dans les hémopathies malignes, tandis que les atteintes cortica-
les sont plus fréquentes dans les métastases.
AB
Figure 2. Imagerie par résonance magnétique du rachis lombaire sé-
quences T1 (A) et T2 (B) montrant le tassement métastatique de L3 avec
recul du mur postérieur et infiltration des parties molles postérieures.
Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes
17-275-A-10
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