¶ 17-275-A-10 Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes S. M. Diabira, L. Riffaud, C. Haegelen, A. Hamlat, P.-L. Hénaux, G. Brassier, T. Josseaume, X. Morandi Les tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes sont susceptibles de causer une morbidité neurologique importante. Ces tumeurs se révèlent le plus souvent par une douleur rachidienne, véritable maître symptôme qui peut s’associer à un déficit moteur et/ou sensitif d’apparition progressive ou subaiguë, et à des troubles vésicosphinctériens. L’imagerie par résonance magnétique est l’examen clé dans le bilan de ces tumeurs qui peuvent être rachidiennes osseuses, épidurales ou intradurales ou strictement intramédullaires. Il permet une étude anatomique précise du rachis, de son contenu et des parties molles environnantes. Le scanner garde son utilité pour l’étude des tumeurs à composante osseuse. Les tumeurs rachidiennes et épidurales sont essentiellement des métastases dont le schéma thérapeutique a beaucoup évolué récemment. Si possible, une chirurgie circonférentielle avec stabilisation est proposée en première intention suivie d’une radiothérapie et/ou chimiothérapie. Les méningiomes et les schwannomes sont les tumeurs intradurales, extramédullaires les plus fréquentes. Elles sont habituellement bénignes, et leur traitement est essentiellement chirurgical par une exérèse souvent complète. Les tumeurs intramédullaires sont très rares et surtout représentées par les astrocytomes et les épendymomes dont l’exérèse chirurgicale est plus difficile mais reste le seul traitement efficace. © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Tumeur ; Rachis ; Imagerie par résonance magnétique ; Intradural ; Intramédullaire Plan ¶ Clinique Symptômes cliniques 1 1 ¶ Examens complémentaires Biologie Imagerie 2 2 2 ¶ Classification des tumeurs Tumeurs vertébrales et/ou épidurales Tumeurs intradurales et extramédullaires Tumeurs intramédullaires 4 4 14 17 ■ Clinique Les tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes s’expriment classiquement par trois syndromes, de façon isolée ou associée : • un syndrome rachidien : la douleur est le « maître » symptôme, localisée au niveau de la tumeur, souvent associée à une contracture musculaire paravertébrale, une raideur segmentaire du rachis et une douleur provoquée à la palpation d’un processus épineux ; une tuméfaction douloureuse paravertébrale est parfois palpée ; des déformations rachidiennes comme une scoliose et/ou une cyphose peuvent parfois exister ; • un syndrome lésionnel : il est caractérisé par l’atteinte d’une ou plusieurs racines spinales ; • un syndrome sous-lésionnel : il traduit la compression médullaire et s’exprime par des signes d’atteinte des voies longues motrices et/ou sensitives selon la localisation tumorale. Neurologie L’examen neurologique est complété par un examen de l’ensemble du squelette, des aires ganglionnaires, de l’abdomen et la réalisation de touchers pelviens. Symptômes cliniques Les douleurs rachidiennes sont le signe initial précédant souvent de plusieurs semaines, parfois de plusieurs mois, le diagnostic. Elles sont localisées au niveau de la tumeur, d’intensité variable au début, ayant tendance à s’accroître avec le temps, classiquement nocturnes, mais en réalité de rythme mixte le plus souvent. Parfois, elles peuvent avoir un rythme mécanique, être accentuées par l’effort physique, la marche, l’éternuement, la défécation, et ainsi mises sur le compte d’une affection dégénérative. La douleur majorée à la palpation d’une épineuse, l’existence d’une contracture paravertébrale, d’une tuméfaction douloureuse et/ou de l’apparition récente d’une déformation rachidienne doivent orienter le diagnostic. Les douleurs radiculaires sont habituellement unilatérales, du moins au début. Elles ont une topographie systématisée correspondant au trajet et au territoire périphérique de la (ou des) racine(s) concernée(s). Souvent, ces douleurs s’associent à des paresthésies ou à des dysesthésies qui conservent toujours une distribution radiculaire. Classiquement, elles prédominent la nuit et sont peu ou pas calmées par le repos, à l’opposé des douleurs radiculaires d’origine discale. Il faut rechercher une hypoesthésie ou une anesthésie dans le (ou les) territoire(s) concerné(s), un déficit moteur périphérique associé ou non à une amyotrophie, une diminution ou une abolition des réflexes ostéotendineux. Les signes médullaires sont le plus souvent d’apparition progressive et associent des troubles sensitifs sous-lésionnels et des troubles moteurs. 1 17-275-A-10 ¶ Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes Les troubles sensitifs comprennent : • un syndrome cordonal postérieur responsable de douleurs fulgurantes, d’une sensation de courant électrique et/ou de brûlures, d’une sensation d’écoulement de fluides chauds ou froids sur la peau, mais également d’une sensation d’avoir un ou plusieurs segments de membre serrés comme dans un étau ; • une atteinte de la sensibilité proprioceptive ; • et un éventuel niveau sensitif concernant particulièrement la sensibilité superficielle fine épicritique et thermoalgique. Les signes moteurs peuvent être limités à un syndrome pyramidal réflexe, une claudication à la marche de type médullaire ou radiculaire, et à l’extrême une para- ou tétraparésie. La sémiologie sous-lésionnelle dépend beaucoup de la localisation de la lésion par rapport au cordon médullaire. Les compressions antérieures ont une composante motrice prédominante, tandis que les lésions postérieures se traduisent d’abord par des troubles de la sensibilité. Les lésions latérales peuvent provoquer un syndrome de Brown-Séquard plus ou moins typique associant un syndrome pyramidal et un syndrome cordonal postérieur homolatéraux et un syndrome thermoalgésique homolatéral à la lésion. En outre, le niveau lésionnel est particulier dans certaines formes topographiques. Ainsi, dans les compressions de la moelle épinière cervicale, on peut observer des signes bulbaires et/ou des dernières paires crâniennes dans les formes hautes, un syndrome de Claude Bernard-Horner dans les formes basses. Les compressions du cône terminal et des racines de la queue de cheval peuvent donner des névralgies obturatrices et/ou abdominogénitales, un déficit génitosphinctérien et des troubles du transit. La suspicion clinique de compression médullaire traduit un risque fonctionnel parfois imminent. En effet, si la plupart des patients ont des déficits sensitifs et/ou moteurs partiels au moment du diagnostic, une atteinte flasque est parfois observée. Dans cette situation, le pronostic fonctionnel est extrêmement péjoratif. Enfin, parfois, le diagnostic est réalisé dans le cadre de la recherche systématique d’une pathologie néoplasique primitive ostéophile (prostate, sein, rein, poumon) dont on connaît le risque de dissémination rachidienne. ■ Examens complémentaires Biologie Outre les examens biologiques usuels, comportant en particulier la numération-formule sanguine (NFS) et la recherche d’un syndrome inflammatoire, il existe des examens spécifiques comme l’électrophorèse et l’immunoélectrophorèse des protéines plasmatiques qui sont envisagés avec les pathologies correspondantes. Le dosage des marqueurs tumoraux n’a aucun intérêt dans le diagnostic étiologique des tumeurs rachidiennes. Il est en revanche utile dans le suivi et la surveillance des pathologies métastatiques rachidiennes lorsque la néoplasie primitive est connue. L’étude du liquide cérébrospinal (LCS), prélevé par ponction lombaire, est peu contributive car peu spécifique. Une dissociation albuminocytologique (franche élévation de la protéinorachie contrastant avec l’absence de pléiocytose) peut s’observer dans une compression médullaire. Mais elle s’observe également dans la polyradiculonévrite aiguë de Guillain-Barré et dans le diabète ; la recherche de cellules néoplasiques s’avère le plus souvent infructueuse dans les pathologies malignes intradurales. De plus, une ponction lombaire sur une compression médullaire par compression tumorale peut aggraver les signes neurologiques déficitaires. Imagerie Radiographies standards Les examens radiologiques standards conservent tout leur intérêt lorsque l’on suspecte une atteinte rachidienne. Les clichés de face et de profil, accompagnés de trois quarts à l’étage cervical ou lombal et d’un cliché bouche ouverte si besoin, doivent étudier la totalité du segment considéré. Les clichés 2 A B Figure 1. Radiographies standards du rachis lombaire avec tassement métastatique de L3 et lyse du pédicule droit (B, flèche) réalisant un aspect de vertèbre « borgne » (A, B). localisés sont nécessaires, soit au niveau d’une région difficile à analyser (charnière craniorachidienne ou lombosacrée), soit sur la région cliniquement suspecte. Cependant, si le syndrome lésionnel ou rachidien est relativement localisateur, il existe volontiers, dans les syndromes médullaires isolés, un décalage entre le niveau neurologique et le niveau de la lésion, plus haut situé. L’analyse des radiographies doit être rigoureuse, avec une étude à chaque niveau et sur toutes les incidences des contours et de la structure des corps vertébraux, des pédicules, des lames, des processus transverses, articulaires et épineux. Il faut vérifier la hauteur et la régularité des espaces intersomatiques et les foramens intervertébraux. Enfin, il ne faut pas oublier de regarder l’aspect des parties molles paravertébrales qui peuvent être déformées ou envahies par une prolifération tumorale. On peut ainsi observer : • un processus expansif d’origine osseuse associant, à des degrés divers, lyse et condensation, et déformant la structure atteinte ; • une ostéocondensation localisée, intéressant le plus souvent le corps vertébral et prenant l’aspect d’une vertèbre « d’ivoire », qui peut orienter vers une métastase de cancer de la prostate ou de la thyroïde ; • une ostéolyse localisée, mal limitée, atteignant le corps vertébral ou encore un pédicule, réalisant un aspect de vertèbre « borgne », orientant avant tout vers une étiologie métastatique (Fig. 1) ; • un aspect de déminéralisation diffuse sur plusieurs vertèbres, pouvant mimer une ostéoporose ; • un tassement d’un ou plusieurs corps vertébraux (Fig. 1) ; • une déformation scoliotique et/ou cyphotique, parfois témoin d’une lésion intrarachidienne, surtout chez l’enfant ; • une déformation localisée comme une augmentation de l’espace interpédiculaire (signe d’Elsberg), d’un foramen intervertébral (visible notamment dans le neurinome en « sablier ») ; • une augmentation de taille des parties molles avoisinantes (espace prévertébral cervical sur une incidence de profil, espace prévertébral thoracique sur un cliché de face, élargissement d’un muscle psoas sur un cliché de face du rachis lombal). Les radiographies du rachis standards sont souvent anormales dans les tumeurs d’origine osseuse. En revanche, elles sont souvent normales lors d’un processus expansif intracanalaire épidural, intradural extramédullaire ou intramédullaire. La réalisation d’autres examens radiologiques est impérative devant toute douleur rachidienne suspecte, a fortiori dans un contexte de néoplasie connue, et bien entendu devant tout signe neurologique. Neurologie Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes Examen tomodensitométrique (scanner) C’est un examen essentiel dans les tumeurs d’origine osseuse. Les coupes millimétriques permettent dorénavant d’obtenir des reconstructions sagittales, coronales et tridimensionnelles. L’analyse des structures osseuses et des parties molles adjacentes en est grandement améliorée. En revanche, les possibilités d’analyse des structures neuroméningées sont réduites, en particulier pour le segment thoracique. L’injection de produit de contraste iodé en l’absence de contre-indication doit être systématiquement réalisée pour l’étude de la vascularisation tumorale. Elle permet également de souligner certaines tumeurs extra-axiales comme les neurinomes. La sensibilité du scanner est augmentée s’il est couplé à une myélographie (myéloscanner). Cet examen permet une étude plus précise du cordon médullaire et des espaces épiduraux. Il peut remplacer une imagerie par résonance magnétique (IRM) rachidienne en cas de contre-indication absolue à ce dernier examen. Myélographie opaque L’avènement de l’IRM a rendu la myélographie quasiment caduque. Néanmoins, cet examen peut être d’une grande utilité dans certaines situations d’urgence et en l’absence de disponibilité de l’IRM. La myélographie implique la réalisation d’une ponction sousarachnoïdienne et un prélèvement de LCS. Il en découle que toute contre-indication à une ponction lombaire est une contreindication à la myélographie. Il en découle également que cet examen peut transitoirement ou durablement aggraver les signes de compressions médullaires par la ponction de LCS. Les voies de ponction de LCS sont les suivantes : • la voie lombaire, la plus utilisée, permet chez un patient en décubitus dorsal de réaliser une position de Trendelenburg en basculant la table de façon à abaisser la tête par rapport au bassin ; cette position permet de faire progresser le produit de contraste vers les régions thoracique et cervicale ; • les voies latérocervicales C1-C2 et sous-occipitales, exceptionnelles, permettent de délimiter le niveau supérieur de l’obstacle. Le produit de contraste utilisé doit être un produit iodé hydrosoluble, exclusivement non ionique. La lésion dépistée peut être : • épidurale : les espaces sous-arachnoïdiens contenant le produit de contraste sont rétrécis au niveau de la lésion ; dans ce cas, l’arrêt du produit de contraste est irrégulier, frangé, en « bec de flûte » ; • intradurale et extramédullaire, avec élargissement progressif de la bande opaque périmédullaire, la moelle épinière étant refoulée du côté opposé ; l’arrêt du produit de contraste possède un aspect en « dôme » ou en « cupule » ; cependant, sur l’incidence perpendiculaire, on peut observer un pseudoélargissement du cordon médullaire par écrasement ; • intramédullaire, avec un aspect de « grosse moelle », lui donnant une image fusiforme plus ou moins étendue, le plus souvent sur toutes les incidences. Les compressions médullaires peuvent s’accompagner d’une dilatation des veines périmédullaires du fait d’une stase par obstacle, qu’il faut différencier des images serpigineuses observées dans les malformations artérioveineuses. Scintigraphie Réalisée à l’aide du technétium 99m (99mTc) polyphosphate, elle est surtout utilisée pour détecter des localisations secondaires dans le cadre d’une néoplasie ostéophile connue. Elle peut être utile dans la suspicion d’ostéome ostéoïde ou d’ostéoblastome, où elle montre alors une fixation isotopique très intense bien avant l’apparition de signes radiologiques. Néanmoins cette technique, très sensible, n’est absolument pas spécifique de la pathologie tumorale. Une fixation osseuse anormale peut s’observer dans de nombreux cas de remaniements osseux tels qu’un traumatisme, une infection, ou un processus dégénératif. Imagerie par résonance magnétique C’est l’examen clé en pathologie tumorale vertébromédullaire [1]. Les modalités d’explorations restent dépendantes des Neurologie ¶ 17-275-A-10 possibilités techniques des appareillages. Il est impératif d’obtenir la meilleure résolution spatiale possible pour un bilan lésionnel optimal. Il est également impératif d’avoir un repérage topographique précis, en vue d’une chirurgie ou d’une radiothérapie. Cet examen est contre-indiqué chez les patients porteurs d’un pacemaker ou de valves cardiaques mécaniques (sauf celles en carbone). L’IRM permet d’obtenir rapidement des coupes dans tous les plans de l’espace et de réaliser une analyse extrêmement précise de la morphologie et de la structure des différents éléments contenus dans le canal vertébral. La rapidité de cet examen est un facteur important chez des patients le plus souvent très algiques. Un autre avantage majeur de l’IRM sur les autres examens radiologiques est de pouvoir détecter des lésions non contiguës, séparées de plusieurs vertèbres, grâce aux séquences sagittales. L’approche tridimensionnelle est possible et permet d’obtenir des images dans tous les plans en une seule acquisition et des coupes très fines avec un signal suffisant. Le radiologue dispose de plusieurs séquences d’acquisition : • les séquences pondérées en T1, définies par un temps d’écho (TE) et un temps de répétition (TR) courts, fournissent une bonne analyse morphologique ; elles font apparaître : C l’air, le LCS, la corticale osseuse et les ligaments en hyposignal, C la moelle épinière et le spongieux des corps vertébraux en isosignal, C la graisse sous-cutanée ou épidurale en hypersignal ; • les séquences pondérées en T2, définies par un TE et par un TR longs fournissent un important contraste tissulaire et font apparaître : C l’air et la corticale osseuse en hyposignal, C la moelle épinière en discret hyposignal, C le LCS en hypersignal, tandis que les ligaments restent en hyposignal, C le tissu graisseux reste en hypersignal. Ainsi, cette séquence T2 est particulièrement utile pour détecter les processus expansifs intramédullaires, ou étudier l’importance d’un rétrécissement canalaire. L’hypersignal du LCS est annulé dans les séquences T2 FLAIR (fast low angle inversion recovery). Certaines tumeurs intramédullaires peuvent ainsi être repérées par ces séquences. L’injection de produit de contraste (chélate de gadolinium), pendant les séquences T1, est indispensable au bilan d’exploration par IRM pour mieux délimiter le processus tumoral. Les séquences utilisant la technique avec saturation de graisse (séquences STIR pour short T1 inversion recovery) peuvent être utiles dans la détection de tumeurs prenant le contraste au sein de structures spontanément hyperintenses (os spongieux, espace épidural notamment). En dehors de l’allergie, le gadolinium n’a pas de contreindication formelle. La grossesse est une contre-indication relative de principe. Les effets secondaires sont modestes hormis une complication récemment décrite : la fibrose systémique néphrogénique [2] (ou dermopathie fibrosante néphrogénique). Il s’agit d’une atteinte fibrosante cutanée avec une extension viscérale possible dans les jours ou les mois qui suivent l’injection de chélates de gadolinium chez des patients dans un contexte inflammatoire. L’insuffisance rénale et la transplantation hépatique seraient des facteurs de risque de cette rare mais sévère complication. La séquence de diffusion DWI (diffusion weighted imaging) est une technique spéciale utilisant de forts gradients magnétiques, permettant d’annuler le signal des protons des liquides qui circulent librement comme le LCS. Les protons qui ont un mouvement plus restreint, comme les protons intracellulaires, ont un signal détecté par cette technique. L’intérêt est la détection précoce des œdèmes cytotoxiques des lésions ischémiques mais également de distinguer les tumeurs de certains abcès comme les abcès à pyogènes qui apparaissent hyperintenses en DWI [3]. Sur les images IRM rachidiennes on recherche : • une anomalie de la taille et de la structure médullaire évoquant un processus tumoral ou une cavité kystique ; 3 17-275-A-10 ¶ Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes • une lésion périmédullaire, de siège intracanalaire, évoquant un neurinome, un méningiome ou une pathologie ostéodiscale ; • un processus expansif vertébral responsable d’une déformation, d’une modification du système osseux et souvent d’un envahissement des parties molles périrachidiennes. Toutefois, il peut être difficile, surtout pour les lésions osseuses, de trancher entre bénignité et malignité. Une lésion mal définie, hétérogène, avec rupture de la corticale oriente plutôt vers un processus malin. Une lésion expansive bien limitée, séparée de l’os spongieux par un liseré régulier hypointense sans image de destruction osseuse, oriente plutôt vers un processus bénin. Néanmoins, une interprétation judicieuse des lésions observées ne saurait se passer d’un recueil fidèle de l’anamnèse, des antécédents, de l’examen clinique et des circonstances amenant à la réalisation de l’IRM. Angio-IRM Technique largement utilisée pour l’étude de la vascularisation cérébrale, elle n’a encore été que peu utilisée pour l’exploration de la moelle. Mais les premiers résultats semblent prometteurs. Angiographie médullaire Elle est réalisée par cathétérisme rétrograde après ponction de l’artère fémorale (Seldinger). Elle peut être utile lorsqu’il existe un processus hypervascularisé (neurinome, hémangioblastome, etc.). Pour certaines tumeurs vertébrales (métastases de cancer du rein ou de la thyroïde, hémangiome vertébral) l’embolisation peut être un complément thérapeutique très utile en préopératoire. Enfin, elle peut permettre de définir des rapports de certaines tumeurs avec des artères majeures (artères vertébrales et neurinome en « sablier », artères de l’intumescence lombale et tumeur du cône médullaire, etc.). Explorations neurophysiologiques Les potentiels évoqués somesthésiques ou PES (exploration des voies somesthésiques de la périphérie jusqu’au cortex pariétal) peuvent faire partie du bilan préopératoire des tumeurs intramédullaires. Ils renseignent sur l’état fonctionnel de la moelle et peuvent révéler des anomalies infracliniques. L’électrophysiologie peut également être pratiquée pendant l’intervention d’une tumeur médullaire. Elle a théoriquement pour but de limiter les complications postopératoires par la détection précoce de signes de souffrance médullaire. Alerté par les anomalies électrophysiologiques, le chirurgien pourrait modifier sa tactique opératoire. Le monitorage peropératoire repose alors sur les PES associés aux potentiels évoqués moteurs (PEM) (exploration de la voie pyramidale par exploration électrique du cortex moteur et recueil de la réponse évoquée motrice sur un des membres). De nombreux auteurs soulignent leur apport dans la qualité de l’exérèse des tumeurs intramédullaires tout en limitant les déficits postopératoires [4-6]. Néanmoins, de nombreuses équipes de chirurgie rachidienne et médullaire n’utilisent pas, ou ont cessé d’utiliser, l’électrophysiologie peropératoire pour diverses raisons. D’abord il n’existe aucune étude prospective randomisée comparative ni de niveau de preuve suffisant démontrant l’absolue nécessité d’une électrophysiologie peropératoire durant la chirurgie médullaire. Ensuite, la technique est assez lourde à installer et il existe des faux négatifs (PES ou PEM ne détectant pas d’anomalies durant l’intervention alors que le patient se réveille avec des signes neurologiques postopératoires). En conclusion, l’électrophysiologie peropératoire peut être laissée à l’appréciation de l’équipe chirurgicale en fonction de ses habitudes et de la présence ou non d’un électrophysiologiste confirmé et habitué aux pathologies rachidiennes. ■ Classification des tumeurs Il est habituel de distinguer plusieurs formes topographiques selon que la tumeur est localisée au niveau du rachis et/ou dans 4 “ Points forts L’IRM rachidienne et médullaire est l’examen clé dans le bilan des tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes (contre-indications : patients porteurs d’un pacemaker ou de valves cardiaques mécaniques). L’injection de gadolinium est utile pour différencier une prise de contraste tumorale d’un œdème. Pour la plupart des processus pathologiques touchant le rachis : hyposignal en T1 et hypersignal en T2. Impossible de trancher formellement entre bénignité et malignité d’une tumeur osseuse rachidienne : • une lésion mal définie, hétérogène avec rupture de la corticale oriente plutôt vers un processus malin, • une lésion expansive bien limitée, séparée de l’os spongieux par un liseré régulier hypo-intense sans image de destruction osseuse oriente plutôt vers un processus bénin. Le scanner rachidien reste un examen très utile dans le diagnostic des tumeurs osseuses du rachis grâce à son excellente résolution spatiale, et ses études en fenêtre osseuse. Le myéloscanner peut remplacer l’IRM si cette dernière est contre-indiquée. l’espace épidural, intradural et extramédullaire, ou intramédullaire. Certaines formes pathologiques peuvent s’observer dans plusieurs de ces localisations. Tumeurs vertébrales et/ou épidurales Tumeurs secondaires : métastases Épidémiologie Elles représentent la forme tumorale la plus fréquente dans cette localisation (environ deux tiers des tumeurs rachidiennes). Le rachis est la première localisation osseuse métastatique et la troisième localisation métastatique organique après le poumon et le foie. L’atteinte métastatique peut être diagnostiquée chez un malade porteur d’un cancer connu dans 40 % des cas [7, 8] ou révéler un cancer occulte dans 10 % à 20 % des cas. Toutes les métastases rachidiennes ne conduisent pas à un déficit neurologique. Mais on estime qu’une compression médullaire épidurale radiologique survient chez 5 % à 10 % des patients atteints d’un cancer et pour plus de 40 % des patients avec une métastase extrarachidienne préexistante [9, 10]. Parmi ces patients avec une métastase rachidienne, 10 % à 20 % développent une compression médullaire clinique. Cette proportion est amenée à augmenter avec le vieillissement de la population et l’augmentation de l’espérance de vie des patients atteints d’un cancer [8, 11]. Le rachis thoracique est le plus souvent atteint de métastases (70 %) suivi du rachis lombal (20 %) et du rachis cervical (10 %) [10, 11]. Le site métastatique est préférentiellement le rachis osseux (85 % des métastases rachidiennes) avec une atteinte débutant le plus souvent dans la moitié postérieure du corps vertébral. La moitié antérieure du corps vertébral, les lames et les pédicules sont envahis plus tardivement [12]. Les sites métastatiques paravertébraux sont moins fréquents (10 %15 %) et les métastases sous-durales ou intramédullaires sont exceptionnelles (5 %) [10, 11]. Dans ces derniers cas, les tumeurs primitives sont souvent localisées dans le tissu nerveux. Par ailleurs, de multiples lésions métastatiques rachidiennes non contiguës sont observées dans 10 % à 40 % des cas [10, 11]. Les tumeurs primitives responsables de près de la moitié des métastases rachidiennes sont les tumeurs du sein, des poumons et de la prostate [10]. Elles sont suivies des cancers rénaux (5 %), gastro-intestinaux (5 %), des cancers de la thyroïde (5 %), des sarcomes et des lymphomes malins lymphoréticulaires. Neurologie Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes On estime que 90 % des patients atteints d’un cancer de la prostate et trois patients sur quatre atteints d’un cancer du sein auront une localisation secondaire rachidienne dans l’évolution de leur maladie [13]. Mais le risque de déficit neurologique varie avec le cancer primitif. En effet, ce risque est estimé à un patient sur cinq en cas de cancer du sein, contre un patient sur sept en cas de cancer du poumon et un patient sur dix en cas de cancer de la prostate [11]. En résumé, les cancers du sein sont plus agressifs en termes de neurotoxicité alors que les cancers de la prostate donnent souvent des localisations osseuses rachidiennes, mais aboutissent plus rarement à une compression médullaire. Les métastases vertébrales et/ou épidurales pourraient s’effectuer selon trois mécanismes : • la dissémination par voie veineuse, en particulier dans les cancers rétropéritonéaux et du petit bassin (rein, prostate) : les épisodes d’hyperpression abdominale favoriseraient le reflux veineux d’emboles métastatiques vers les plexus veineux rachidiens et épiduraux de Batson [14] qui sont dépourvus de valves (initialement Batson a conçu sa théorie des plexus veineux rétrogrades pour expliquer l’incidence élevée de métastases de cancer de la prostate dans le rachis) ; • la dissémination par voie artérielle par l’intermédiaire des artères nourricières des corps vertébraux ; • la dissémination par voie lymphatique dont la physiopathologie est plus discutée. Enfin, certaines tumeurs médiastinales ou rétropéritonéales (lymphome malin, sarcome, tumeur du rein, etc.) peuvent envahir par contiguïté les corps vertébraux, voire pénétrer l’espace épidural via les foramen intervertébraux. Clinique Les douleurs rachidiennes sont souvent au premier plan. Elles peuvent être localisées à un segment rachidien ou bien être diffuses s’il existe des lésions multiples. De rythme mixte, elles sont peu ou pas soulagées par les antalgiques habituels. Parfois, elles sont plus discrètes, d’évolution torpide. Selon une étude, le temps moyen de diagnostic de métastases vertébrales sur des douleurs rachidiennes était de 2 mois [15]. Des douleurs rachidiennes chez un patient aux antécédents même anciens de cancer font suspecter des métastases vertébrales et/ou épidurales jusqu’à preuve du contraire. Les douleurs précèdent habituellement l’apparition de signes neurologiques qui peuvent être une para- ou tétraplégie d’installation progressive le plus souvent. Il peut s’y associer un syndrome radiculaire, en particulier une névralgie intercostale dans les localisations thoraciques. Le niveau lésionnel peut être situé trois à quatre niveaux au-dessous ou au-dessus du syndrome rachidien dans les localisations multiples. Enfin, la symptomatologie déficitaire peut être d’emblée aiguë, avec apparition brutale d’une para- ou tétraplégie. Dans ce cas, le syndrome rachidien peut être absent car il peut s’agir d’une épidurite métastatique isolée. L’examen clinique doit être attentif à la recherche d’un point d’appel au niveau des seins, de l’appareil urogénital, des poumons, de la thyroïde, de la peau, des aires ganglionnaires, et à la recherche d’autres localisations osseuses. Il convient de rechercher également une altération récente de l’état général. Examens paracliniques usuels Les examens biologiques sont utiles pour rechercher une anémie inflammatoire par la NFS, des troubles ioniques par déshydratation ou syndrome paranéoplasique (ionogramme sanguin), une insuffisance rénale (urée et créatinine plasmatique), une insuffisance hépatocellulaire éventuellement associée à un syndrome de cholestase par métastase hépatique. L’albuminémie est importante pour l’état nutritionnel. Il convient de rechercher une hypercalcémie dans ces localisations osseuses, et ses éventuelles graves complications cardiaques par un électrocardiogramme (ECG). En cas de suspicion de myélome, une électrophorèse et immunoélectrophorèse des protéines plasmatiques sont le minimum à demander. Il est coûteux et inutile de demander les marqueurs tumoraux car ils n’ont aucun intérêt diagnostique. Une radiographie de thorax peut être en revanche très informative pour la recherche d’un primitif ou de métastases pulmonaires. Neurologie A ¶ 17-275-A-10 B Figure 2. Imagerie par résonance magnétique du rachis lombaire séquences T1 (A) et T2 (B) montrant le tassement métastatique de L3 avec recul du mur postérieur et infiltration des parties molles postérieures. Examens radiologiques Radiographies standards. Étendues à l’ensemble du rachis, elles peuvent objectiver des lésions des corps vertébraux (vertèbres cunéiformes ou en « galette »), ou de l’un des pédicules (vertèbre « borgne »). Le disque intervertébral est classiquement épargné dans les métastases rachidiennes, contrairement aux cas de spondylodiscites. Les radiographies standards du rachis de face et de profil objectivent des anomalies chez plus de 90 % des patients avec des métastases rachidiennes symptomatiques [16]. Cependant un quart des patients avec des métastases osseuses débutantes ont des radiographies rachidiennes interprétées normales car la lyse doit intéresser au moins 40 % à 50 % de l’os avant d’être décelée [17] . Par conséquent il est primordial de demander rapidement un scanner et/ou une IRM rachidienne chez les patients fortement suspects d’avoir des métastases rachidiennes, même si les radiographies standards sont normales. Examen tomodensitométrique (scanner). L’examen est centré sur la zone suspecte cliniquement et sur les radiographies standards. L’intérêt principal du scanner réside dans l’excellente analyse de l’architecture osseuse qui est supérieure à l’IRM. Des reconstructions tridimensionnelles peuvent être réalisées pour aider à la stratégie chirurgicale. Le scanner donne des informations capitales sur le degré d’envahissement cortical et l’étendue de la destruction néoplasique. En revanche, il est peu performant pour apprécier un envahissement tumoral épidural ou pour explorer rapidement le rachis dans sa totalité. Il constitue le support radiologique pour la réalisation de ponctions-biopsies à visée diagnostique. Chez les patients ayant une contre-indication à l’IRM mais n’ayant pas de contre-indication au produit de contraste iodé, le scanner peut être couplé à la myélographie. Le myéloscanner permet alors d’obtenir de meilleurs détails anatomiques que le scanner ou la myélographie seuls. Cet examen peut être une bonne alternative à l’IRM dans certaines situations [18]. IRM (Fig. 2). L’IRM est actuellement l’examen de référence dans l’étude de la colonne vertébrale et de la moelle épinière. Sa supériorité sur les autres examens dans la détection précoce des métastases rachidiennes a été maintes fois démontrée [19]. Cet examen est également supérieur dans la détection d’une infiltration de l’os spongieux et d’une atteinte épidurale. Il permet de différencier les tissus mous paraspinaux et les structures nerveuses des composants mous tumoraux extraosseux [20]. Certains auteurs considèrent que l’IRM peut différencier les localisations rachidiennes dans le cadre d’hémopathies malignes (lymphome, leucémies, myélomes multiples) des métastases d’origine viscérale [21]. L’envahissement tumoral est plus diffus dans les hémopathies malignes, tandis que les atteintes corticales sont plus fréquentes dans les métastases. 5 17-275-A-10 ¶ Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes Par une étude de l’ensemble de la colonne vertébrale par des coupes sagittales et coronales, l’IRM détecte l’étendue de l’atteinte tumorale sur plusieurs vertèbres contiguës ou non [22]. En plus de son rôle diagnostique, l’IRM est fondamentale dans la stratégie chirurgicale et dans la prise de décision d’un traitement secondaire ou de première intention par radiothérapie [23]. Scintigraphie osseuse. Réalisée à l’aide du 99mTc, elle n’a aucun intérêt dans le contexte de l’urgence. Elle reste essentielle cependant dans le bilan et la surveillance de certains cancers ostéophiles à la recherche de foyers métastatiques disséminés à l’ensemble du squelette. Une étude scintigraphique [24] a montré que la durée moyenne entre le diagnostic du cancer et la détection scintigraphique d’une métastase rachidienne était très courte dans les cancers pulmonaires (3,6 à 6,1 mois), et beaucoup plus longue dans les cancers du sein (29,4 à 35,5 mois). Traitement La prise en charge des patients porteurs des métastases rachidiennes est souvent palliative. L’espérance de vie est souvent courte après la découverte de métastases rachidiennes, la médiane de survie variant entre 4 et 15 mois en fonction du cancer primitif et de l’existence ou non de déficit neurologique [25]. Le but est essentiellement d’améliorer la qualité de vie en luttant contre la douleur, en préservant la mobilité ou en redonnant de la mobilité si elle est compromise. Cette prise en charge est multidisciplinaire. Elle comporte un volet médical, chirurgical et la radiothérapie. Il peut s’y ajouter des traitements d’appoint comme la vertébroplastie percutanée ou la radiofréquence. Traitement médical. Il est essentiel de soulager au plus vite ces patients en utilisant des morphiniques et dérivés. Il est maintenant clairement établi que les corticoïdes doivent rapidement être prescrits en intraveineux ou per os lorsqu’il existe des signes neurologiques déficitaires [8, 26]. En plus d’une action antalgique, ils ont une discrète action antitumorale dont le mécanisme n’est pas très bien élucidé. Plusieurs études ont cependant montré que les corticoïdes réduisaient l’œdème vasogénique péritumoral de la moelle épinière [27]. La dose optimale de la corticothérapie fait encore débat mais de fortes doses doivent être utilisées. Il est nécessaire de surveiller et de prévenir les effets secondaires de la corticothérapie chez ces patients déjà fragiles (décompensation de diabète, hypertension artérielle, ulcère gastroduodénal, risques infectieux accrus). Néanmoins, devant la suspicion de certaines tumeurs comme les lymphomes ou les thymomes chez des patients jeunes sans antécédents de néoplasie connue, il est recommandé de faire un prélèvement anatomopathologique avant la corticothérapie. En effet, ce traitement peut rendre difficile le diagnostic de ces tumeurs et donc retarder leur prise en charge spécifique par ses effets oncolytiques [9]. Lorsqu’il existe des localisations osseuses multiples, l’ostéolyse par stimulation de la résorption osseuse d’origine ostéoclastique peut provoquer une hypercalcémie imposant des mesures thérapeutiques urgentes (hyperhydratation, corticothérapie, diphosphonates, calcitonine). Enfin, lorsque la tumeur primitive est connue et chimiosensible (cancers du sein, de la prostate, hémopathie maligne), une chimiothérapie anticancéreuse peut être proposée d’emblée s’il n’existe pas de signe de compression médullaire. Radiothérapie et chirurgie. La radiothérapie a longtemps été le traitement de première intention des patients avec des métastases rachidiennes [10, 28] sans ou avec signes neurologiques déficitaires. Des études montraient une réponse positive pour le traitement par radiothérapie seule, en termes de récupération neurologique, jusqu’à 70 % des cas [10]. Ce choix de traitement par radiothérapie en première intention était dicté par des résultats décevants de la chirurgie par laminectomie seule ou en association avec la radiothérapie [29]. La plupart des métastases osseuses rachidiennes concernent d’abord le corps vertébral avant d’atteindre l’arc postérieur. Aussi, une laminectomie réalisée systématiquement sans tenir compte du site anatomique métastatique conduit souvent à un échec dans la 6 récupération neurologique stable, car elle majore une déstabilisation rachidienne par ablation du seul élément de stabilité restant [8]. Les progrès techniques de la chirurgie rachidienne ont été considérables depuis les années 1970. Le concept de décompression chirurgicale circonférentielle qui consiste à libérer le fourreau dural de toute compression par voie postérieure et/ou antérieure et/ou postérolatérale a émergé. Cette chirurgie comprend en outre un temps de stabilisation par ostéosynthèse. Les résultats, tant sur les douleurs que sur la récupération neurologique se sont améliorés de façon spectaculaire [30] . Une preuve de niveau 1 a été fournie par une étude prospective randomisée [31] publiée en 2005 dont les résultats avaient été présentés déjà en 2003 au congrès annuel de la Société américaine d’oncologie clinique. Cette étude démontre la nette supériorité de la chirurgie décompressive circonférentielle associée à une radiothérapie sur la radiothérapie seule dans les compressions épidurales métastatiques avec ou sans signe neurologique déficitaire, sans augmentation de la morbidité ou de la mortalité dans le groupe chirurgie. La recommandation est donc de proposer d’abord une chirurgie décompressive avec ostéosynthèse et non une simple laminectomie comme traitement de première intention chez tous les patients avec un diagnostic récent de métastases rachidiennes (même sans signe de compression neurologique) et qui n’ont pas d’indication à une radiothérapie de première intention. La radiothérapie devient alors un traitement adjuvant en complément de la chirurgie. Une laminectomie sans ostéosynthèse peut être proposée dans les très rares cas de compressions épi- ou sous-durales strictement postérieures sans aucune atteinte du corps vertébral. Par ailleurs, la chirurgie est bien sûr d’emblée proposée dans les indications classiques incluant les tumeurs radiorésistantes (sarcome, adénocarcinome pulmonaire, adénocarcinome du côlon, cancer rénal), une instabilité rachidienne évidente, une compression médullaire de moins de 24 heures cliniquement significative secondaire à une fracture vertébrale tumorale ou une déformation rachidienne, des douleurs rebelles résistantes aux antalgiques majeurs et les échecs de la radiothérapie (progression d’un déficit pendant le traitement ou atteinte de la tolérance médullaire à la radiothérapie). Les indications proposées pour une radiothérapie de première intention [8] sont alors : les tumeurs radiosensibles comme les lymphomes, les myélomes multiples, les carcinomes pulmonaires à petites cellules, les séminomes des testicules, les neuroblastomes et les sarcomes d’Ewing, une espérance de vie de moins de 3 mois, une contre-indication à la chirurgie, un déficit neurologique complet de plus de 48 heures, une atteinte rachidienne diffuse ou sur plusieurs niveaux. Le schéma d’irradiation standard est de délivrer une dose de 30 grays sur 10 à 14 jours avec des doses plus élevées en début de traitement. La radiothérapie se fait sur le site plus 5 cm de marge, ce qui correspond à deux corps vertébraux au-dessus et en dessous du site métastatique [32]. Certains auteurs proposent une dose unique de 8 grays, avec de bons résultats, si la métastase est strictement osseuse, intéressant le corps vertébral, sans compression épidurale [33]. Les effets secondaires de la radiothérapie conventionnelle sont habituellement modérés : une œsophagite radio-induite peut s’observer 1 à 2 semaines après une irradiation du rachis thoracique haut ; l’irradiation du rachis thoracique bas ou du rachis lombaire entraîne plus volontiers des vomissements par inclusion fréquente de l’estomac dans le champ d’irradiation. La complication principale de la radiothérapie conventionnelle rachidienne est la myélopathie radio-induite. Elle reste cependant rare avec les doses standards d’irradiation [34]. Ce risque pourrait être encore diminué en réduisant l’irradiation des tissus sains et/ou fragiles comme la moelle épinière à proximité de la métastase rachidienne. La radiochirurgie stéréotaxique par Cyberknife ® remplit cette fonction. Il s’agit d’un système de radiochirurgie robotisé, guidé par l’image, permettant de délivrer de fortes doses de rayons X en une voire deux séances par un accélérateur linéaire miniature. De nombreux résultats encourageants sur le contrôle de douleurs rachidiennes invalidantes et sur le contrôle du volume tumoral dans des cas sans déficit neurologique grave ont été Neurologie Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes A B C Figure 3. Cimentoplastie par ballonnet ou kyphoplastie d’une métastase rachidienne osseuse lombaire d’un cancer de prostate (A à C). exposés dans la littérature. Mais il n’existe à ce jour aucune étude prospective, randomisée démontrant sa supériorité sur les traitements classiques (chirurgie et radiothérapie conventionnelle). Sa place dans le traitement des métastases rachidiennes reste donc à définir [8, 35]. La vertébroplastie peut faire partie des traitements d’appoint dans les métastases rachidiennes. La technique consiste en l’injection percutanée dans le corps vertébral de ciment de polyméthylméthacrylate, qui peut être précédée de l’inflation d’un ballonnet dans le corps vertébral pour lui redonner de la hauteur (c’est la kyphoplastie par ballonnet [Figure 3]). Initialement développée pour le traitement des angiomes vertébraux [36] et des fractures-tassements ostéoporotiques, son intérêt dans les métastases rachidiennes est d’obtenir un soulagement rapide des douleurs rachidiennes et de pouvoir rapidement mobiliser le patient [37, 38]. Cette technique peut être associée aux traitements conventionnels oncologiques comme la radiothérapie. La sélection des patients pour la vertébroplastie doit néanmoins être drastique : les métastases ne doivent pas entraîner une compression épidurale relevant d’une chirurgie de décompression rapide et le mur vertébral postérieur doit être intact pour éviter une extravasation épidurale du ciment. Cette technique peu invasive trouve progressivement sa place dans l’arsenal thérapeutique. “ Points forts Les tumeurs vertébrales/épidurales rachidiennes sont essentiellement représentées par les métastases. Les primitifs les plus fréquents sont les cancers du sein, de la prostate et du poumon. Une chirurgie d’exérèse avec ostéosynthèse est proposée en première intention chaque fois que possible même en l’absence de signes neurologiques déficitaires. La radiothérapie complète alors la chirurgie. Les indications d’une radiothérapie de première intention : chirurgie récusée, tumeurs radiosensibles, espérance de vie de moins de 3 mois, déficit neurologique complet au-delà de 48 heures, atteinte rachidienne diffuse. Tumeurs primitives du rachis Elles réalisent un groupe de nombreuses tumeurs qui diffèrent selon leur type anatomopathologique, leur difficulté thérapeutique et leur pronostic [39]. Même si elles représentent 15 % à 25 % de l’ensemble des tumeurs du rachis [40], ces tumeurs sont rares et comptent pour moins de 5 % de l’ensemble des tumeurs osseuses [41]. À l’exception du sarcome d’Ewing, ce sont les tumeurs bénignes (ostéoblastome, kyste anévrismal) qui prédominent avant l’âge de 18 ans. Chez l’adulte, ce sont les tumeurs malignes qui prédominent (chordome, chondrosarcome, plasmocytome). Les tumeurs bénignes le plus souvent observées chez l’adulte sont des hémangiomes et des ostéochondromes. Les tumeurs malignes détruisent volontiers l’architecture osseuse du corps vertébral entraînant une perte de sa hauteur. Neurologie ¶ 17-275-A-10 Les tumeurs bénignes et les tumeurs malignes d’évolution lente sont plutôt à l’origine d’une érosion (scalloping) que d’une destruction du corps vertébral ; elles siègent préférentiellement sur l’arc postérieur au niveau cervical, et dans le corps vertébral au niveau thoracique, tandis que les tumeurs malignes intéressent essentiellement le corps vertébral ou bien l’ensemble de la vertèbre à l’exception notable du chondrosarcome qui touche préférentiellement l’arc postérieur [39]. Sur le plan clinique, les douleurs rachidiennes sont quasi constantes, associées ou non à des signes de souffrance radiculaire et/ou médullaire. Les radiographies standards sont très utiles puisqu’elles sont positives dans 99 % des cas, en particulier lorsque la tumeur intéresse les structures osseuses [42]. Le scanner et l’IRM sont les examens indispensables pour définir la stratégie diagnostique et thérapeutique. Pour certaines tumeurs primitives du rachis telles que l’ostéoblastome ou l’ostéome ostéoïde, l’IRM peut donner un signe appelé « phénomène de l’embrasement » (flare phenomenon) [43] qui correspond à des signes d’inflammation des parties molles environnant la tumeur. Ce signe peut conduire à une fausse interprétation d’agressivité locale plus importante qu’en réalité. Tumeurs bénignes Hémangiome vertébral (Tableau 1) et angiome caverneux. L’hémangiome vertébral est un hamartome bénin (anomalie de développement de tissu vasculaire), sans activité mitotique, donc sans potentialité maligne. Il s’agit de la plus fréquente tumeur bénigne du rachis, retrouvée de façon isolée ou multiple (un tiers des cas) dans 9 % à 15 % des séries autopsiques. Les femmes sont plus atteintes que les hommes entre la 4e et la 6e décennie. L’hémangiome vertébral représente plus de 75 % de tous les angiomes osseux [41]. La tumeur touche davantage le rachis thoracique bas et le rachis lombaire avec une atteinte préférentielle du corps vertébral [44]. La lésion peut être asymptomatique ou symptomatique (douleurs radiculaires, voire des signes de compression médullaire). Cette distinction est importante car les signes radiologiques sont différents entre ces deux formes cliniques. Les caractéristiques radiologiques des hémangiomes vertébraux sont les suivantes : • hémangiomes vertébraux asymptomatiques : C radiographies standards et scanner : vertèbre « peignée », ou en « nid d’abeille », corticale indemne, pédicules et parties molles respectées, ostéolyse limitée. Le scanner objective une lésion hypodense (du fait de la graisse), ne prenant pas le contraste, C IRM : la lésion est ronde hyperintense en T1, hyperintense en T2, ne prenant pas le contraste après injection de gadolinium, C l’angiographie spinale ne montre pas de lésion ; • hémangiomes vertébraux symptomatiques : C radiographies standards et scanner : aspect en « rayon de miel » irrégulier. Il existe des zones lytiques plus étendues. La corticale est soufflée, lysée. L’arc postérieur est atteint. La lésion prend le contraste, C IRM : lésion hypo-intense en T1, hyperintense en T2, prenant le contraste. Une extension épidurale et des parties molles est fréquente, C l’angiographie montre un blush vasculaire au niveau de la vertèbre, des parties molles et de l’espace épidural. La vertébroplastie percutanée au méthacrylate de méthyle est actuellement proposée comme traitement de première intention en l’absence de signes neurologiques déficitaires, même s’il existe une extension épidurale sur l’imagerie [45]. A contrario, tout signe neurologique focal impose une décompression neurochirurgicale [46] qui peut être précédée d’une embolisation vertébrale afin de réduire l’hémorragie peropératoire. Une radiothérapie postopératoire est conseillée si l’exérèse est partielle. Les angiomes caverneux ou cavernomes qui sont de véritables hamartomes peuvent également être localisés dans l’espace épidural rachidien. Leur aspect en IRM diffère des localisations intra-axiales car ils sont généralement moins hémorragiques, 7 17-275-A-10 ¶ Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes Tableau 1. Principales tumeurs osseuses primitives rachidiennes bénignes. Type Épidémiologie, sexe, âge (± clinique évocatrice) Localisation Hémangiome vertébral (HV) 2-3 % TOP(a) Corps vertébral+++ 9-15 % séries autopsie F>H Thoracique bas, lombaire 30-50 ans Multiple (30 %) HV asymptomatique TDM (± radios) IRM Autres imageries Angiographie : normale TDM et radios : Lésion ronde - vertèbre peignée, en « nid d’abeille » Hyper T1 - corticale et pédicule respectés Contraste négatif Hyper T2 TDM : - lésion hypodense - contraste – HV symptomatique TDM et radios : Hypo T1 - aspect « rayon de miel » irrégulier Hyper T2 - zones lytiques étendues Extension épidurale et parties molles - atteinte de l’arc post Contraste + Angiographie : blush vasculaire sur vertèbre, parties molles et espace épidural - contraste + Ostéome ostéoïde 12 % TOB(b) Lombaire > cervical 10 % touchent le rachis > thoracique Arc postérieur 90 % M>F < 30 ans Douleur quasi constante calmée par aspirine ou AINS TDM et radios : Hypo T1 Hyper T2 - nidus radiotransparent cerclé d’ostéocondensation Contraste + (aspect en « cocarde ») Aspect de lésion faussement - lésion < 2 cm agressive (flare phenomenon) Scintigraphie osseuse +++ Fixation 100 % IRM < TDM dans ce cas précis Scoliose douloureuse (a) TOP : tumeurs osseuses primitives ; (b) TOB : tumeurs osseuses bénignes ; AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens. l’anneau d’hémosidérine est plus rare et la prise de contraste est franche après injection de gadolinium. Leur traitement est chirurgical. Ostéome ostéoïde et ostéoblastome (Tableaux 1, 2). L’ostéome ostéoïde est une tumeur bénigne caractérisée par l’existence d’un nidus, siège de calcifications entourées par un riche stroma fibrovasculaire, avec une réaction osseuse dense. Il représente environ 12 % des tumeurs bénignes du rachis. Il s’agit habituellement d’une tumeur de l’adolescent et de l’adulte jeune, avec une prédominance masculine. Cette tumeur est le plus souvent localisée aux os longs. La localisation rachidienne représente moins de 10 % des cas. La tumeur est habituellement de petite taille (inférieure à 1,5 cm) intéressant le rachis lombal dans 56 % des cas, le rachis cervical dans 27 % des cas, le rachis thoracique dans 16 % des cas et le rachis sacré dans 1 % des cas [47]. Elle atteint préférentiellement les éléments postérieurs dans plus de 90 % des cas (lames, pédicules, facettes articulaires, processus transverses et épineux). Cliniquement, l’ostéome ostéoïde se manifeste par des douleurs rachidiennes, à prédominance nocturne, associées à une scoliose dans 75 % des cas. Cette scoliose est secondaire à la contracture musculaire provoquée par la douleur, du côté de la lésion. Au niveau cervical, un torticolis est souvent observé. Les douleurs sont souvent améliorées par les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ou les salicylés. Les radiographies standards, ainsi que le scanner, objectivent une lacune osseuse centrale contenant des calcifications (nidus) entourée d’une réaction osseuse périphérique parfaitement limitée donnant à l’ensemble un aspect en « cocarde ». Dans ce cas précis de tumeur rachidienne, l’IRM n’est sans doute pas le meilleur examen. Il montre une lésion hypo-intense en T1 et hyperintense en T2. L’examen peut surtout montrer une vaste plage d’hyperintensité débordant sur les tissus mous et pouvant faire croire, à tort, à une lésion très agressive. Il s’agit d’une réaction œdémateuse, liée à la production de prostaglandines au 8 sein du nidus [48]. C’est le phénomène d’embrasement déjà évoqué plus haut. Devant la suspicion d’un ostéome ostéoïde, la scintigraphie osseuse est beaucoup plus utile que l’IRM. Elle montre clairement et précocement la tumeur, sous la forme d’une hyperfixation intense et bien limitée. Le traitement est classiquement chirurgical avec une exérèse complète. Une exérèse percutanée sous contrôle tomodensitométrique peut être proposée comme alternative dans certains cas. De bons résultats ont par ailleurs été obtenus après ablation percutanée par radiofréquence [47, 49]. L’ostéoblastome est histologiquement proche de l’ostéome ostéoïde, mais représente une tumeur plus volumineuse, plus agressive localement et plus évolutive. Cette tumeur touche les jeunes patients dans la deuxième ou troisième décennie de vie avec une prédominance masculine. La tumeur peut atteindre tout le rachis sans prédominance régionale. Les éléments postérieurs sont concernés dans 55 % des cas. Les manifestations cliniques sont proches de celles de l’ostéome ostéoïde, mais on observe plus souvent des signes de compression médullaire ou radiculaire (dans 25 % des cas). L’IRM peut être utile pour la recherche d’un envahissement épidural. Le traitement est chirurgical en s’efforçant de réaliser une exérèse complète, sinon le risque de récidive est important. Granulome éosinophile [3] (Tableau 2). Il s’agit d’une forme localisée de l’histiocytose X, qui se traduit histologiquement par une prolifération histiocytaire et des cellules de Langerhans, associées à un granulome polymorphe, souvent riche en polynucléaires éosinophiles. Cette lésion est rare et représente moins de 1 % des tumeurs osseuses primitives. L’incidence de l’atteinte vertébrale varie de 8 % à 25 %, avec une légère prédilection masculine dans la première décennie. Le rachis thoracique est préférentiellement atteint (54 % des cas), suivi du rachis lombal (35 %) et du rachis cervical (11 %), avec surtout une atteinte de C2. La lésion intéresse essentiellement le corps vertébral. Neurologie Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes ¶ 17-275-A-10 Tableau 2. Principales tumeurs osseuses primitives rachidiennes bénignes (suite du Tableau 1). Tumeur Épidémiologie, sexe, âge (± clinique évocatrice) Localisation TDM (± radios standards) IRM Ostéoblastome 1 % des TOP(a) cf. ostéome ostéoïde cf. ostéome ostéoïde cf. ostéome ostéoïde Taille > 2 cm < 30 ans Atteinte épidurale et des parties molles Douleurs, scoliose Contraste + M>F Autres imageries Déficits neurologiques (25-50 %) Granulome éosinophile Forme localisée d’histiocytose X Thoracique> TDM et radios Signal variable T1 < 1 % TOP(a) M > F (légèrement) Corps vertébral +++ « vertebra plana », disques adjacents normaux (aspect rare pour rachis cervical) Hyper T2 8 % à 25 % touchent le rachis Lombaire > cervical (atteinte C2 ++) 1re décennie Kyste anévrismal 1 % à 1,5 % TOP(a) Contraste + (intense) Rare extension parties molles et espace épidural Cervical, thoracique TDM et radios Hyper T1 20 % touchent le rachis Arc postérieur Hyper T2 F > H (légèrement) Corps vertébral Aspect en « coquille d’œuf » avec cortical respecté 80 % < 20 ans 30 % à 50 % associés à des lésions préexistantes (TCG(b), ostéoblastome, dysplasie fibreuse) Angiographie : hypervascularisation Lésion lobulée cernée d’une couronne hypointense avec niveau liquide-liquide +++ Contraste + (intense) Douleurs Signes déficitaires Masse palpable (25 %) (a) TOP : tumeurs osseuses primitives ; (b) TCG : tumeurs à cellules géantes. La radiographie standard révèle une vertèbre complètement plate (vertebra plana), avec des disques adjacents normaux. Néanmoins ce signe est rare dans les atteintes cervicales. Sur l’IRM la lésion a un signal variable en T1, et un signal hyperintense en T2, avec une prise de contraste intense à l’injection de gadolinium. L’extension aux parties molles et à l’espace épidural est rare. Après confirmation histologique par ponction-biopsie sous contrôle scanner, une radiothérapie (10 Gy) est proposée, associée à une corticothérapie. Cependant, la plupart des auteurs s’accordent aujourd’hui sur l’intérêt du traitement conservateur associant repos et immobilisation par minerve ou corset. En effet, la diminution des contraintes mécaniques sur la vertèbre permet une reconstitution rapide de la structure somatique. La chirurgie n’est indiquée qu’en cas d’apparition de signes neurologiques déficitaires. La vertébroplastie transcutanée est parfois proposée avec de bons résultats [50]. Jusqu’ici réservée à l’adulte, cette technique a été réalisée récemment avec succès chez un enfant porteur d’un granulome éosinophile vertébral de la deuxième vertèbre cervicale [51]. Kyste anévrismal [3, 39] (Tableau 2). Il s’agit d’une tumeur caractérisée par une dilatation de l’architecture osseuse par des canaux vasculaires. Bien que bénin histologiquement, le kyste anévrismal est une tumeur expansive et destructrice, le diagnostic différentiel peut ainsi être difficile avec une tumeur à cellules géantes, un ostéoblastome et un ostéosarcome. De plus, il est constaté dans 30 % à 50 % des cas une lésion osseuse préexistante de type tumeur à cellules géantes, ostéoblastome, ou dysplasie fibreuse. Il représente 1 % à 1,5 % des tumeurs osseuses primitives. La localisation rachidienne est observée dans 20 % des localisations osseuses. Cette tumeur survient chez l’adolescent et l’adulte jeune (80 % des patients ont moins de 20 ans avec une légère prédominance féminine). Elle prédomine au niveau du rachis thoracique et lombal, et intéresse presque toujours l’arc postérieur de la vertèbre. Il existe une extension vers le corps vertébral dans 75 % des cas. Outre le syndrome rachidien, il peut exister des signes de compression radiculaire et/ou médullaire. On peut retrouver une masse palpable dans un quart des cas. Les radiographies standards et le scanner montrent une lésion lytique soufflante, cernée de microcalcifications, amincissant l’os cortical. Le périoste est respecté. Il existe un aspect en Neurologie « coquille d’œuf ». Dans 20 % des cas on objective un envahissement des parties molles. L’IRM objective une lésion lobulée cernée d’une couronne hypo-intense avec un niveau liquideliquide très évocateur. Il existe une prise de contraste franche à l’injection de gadolinium. Le traitement est chirurgical, en réalisant si possible une exérèse complète souvent par un abord combiné. Une greffe osseuse et une ostéosynthèse sont souvent requises. Une embolisation préopératoire est souhaitable pour diminuer le saignement. Si l’exérèse est incomplète, une radiothérapie peut se discuter. Tumeurs à cellules géantes (TCG) [39, 52] (Tableau 3). Ces tumeurs sont classées bénignes mais elles peuvent être très agressives et ont une véritable transformation maligne dans 10 % des cas. Elles contiennent des monocytes, des macrophages et des cellules géantes multinucléées ostéoclastiques. Leur localisation rachidienne est rare et représente moins de 7 % des tumeurs à cellules géantes. Elles représentent 5 % des tumeurs osseuses primitives et surviennent entre la deuxième et la quatrième décennie, avec une petite prédominance féminine. Elles sont essentiellement localisées au sacrum où elles constituent le troisième type de tumeur le plus fréquent après le plasmocytome et le chordome. Les douleurs rachidiennes sont constantes et un déficit neurologique est observé dans près de la moitié des cas. Les radiographies standards et le scanner montrent une lésion kystique, soufflante, expansive, aux bords mal limités parfois condensants. Il existe de multiples septas et parfois des calcifications. La lésion est souvent destructrice, localisée au sacrum. Sur l’IRM, la TCG apparaît comme une masse kystique, compartimentée avec un signal hétérogène dû à l’hémorragie. La TCG du sacrum donne souvent une image de « beignet » (donut sign) avec un centre fantôme et un liseré périphérique renforcé [53]. Le traitement chirurgical est la règle. L’exérèse totale est souvent difficile lorsqu’il existe une atteinte de la totalité de la vertèbre et/ou un envahissement des parties molles paravertébrales. En outre, il s’agit d’une tumeur habituellement très hémorragique. Ces difficultés rendent compte d’un risque important de récidive. Une radiothérapie adjuvante peut alors être proposée si l’exérèse est incomplète et/ou en cas de récidive. Elle n’est proposée que dans l’une de ces deux situations, car elle peut induire une transformation sarcomateuse. 9 17-275-A-10 ¶ Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes Tableau 3. Principales tumeurs osseuses primitives rachidiennes bénignes (suite du Tableau 1). Tumeur Épidémiologie, sexe, âge (± clinique évocatrice) Localisation Tumeurs à cellules géantes (TCG) 5 % TOP(a) Sacrum+++ TDM (± radios standards) IRM Autres imageries Lésion destructrice +++ Masse kystique multicompartimentée Angiographie : Aspect en « beignet » (donut sign) - envahissement du tissu adjacent 2-4e décennie Kystique, soufflante, expansive, aux bords flous F>H Multiples septas < 7% touchent le rachis - hypervascularisée Hypo T1 Douleurs Iso ou hyper T2 Déficit neurologique 50 % Récidive fréquente Transformation maligne 10 % Ostéochondrome 40 % à 50 % des TOB(b) Cervical 50 % Radios ++ : Signal mixte en T1, T2 (synonymes : chondrome, chondroblastome, fibrome chondromyxoïde) 5 % touchent le rachis (C2 +++) - pertinentes si tumeur volumineuse Recherche d’une extension intracanalaire 3e décennie H=F Forme solitaire ou formes associées à la maladie des exostoses multiples Transformation maligne : - 1 % si forme solitaire - 10 % à 20 % si exostoses multiples (a) - masse multilobée en « chou-fleur », calcifiée, sessile TDM ++ : - exostose avec cortex tumoral en continuité avec cortex os adjacent - capsule cartilagineuse périphérique < 1 cm. Si > 1 cm évoquer une transformation maligne en chondrosarcome TOP : tumeurs osseuses primitives ; (b) TOB : tumeurs osseuses bénignes. Ostéochondrome [39, 54] (Tableau 3). Elle est l’une des tumeurs ostéocartilagineuses bénignes le plus fréquemment retrouvées chez l’adulte, avec une localisation essentiellement dans les os longs. Moins de 5 % des ostéochondromes solitaires se trouvent sur le rachis, durant la troisième décennie. Chez les patients porteurs d’une ostéochondromatose (ou maladie des exostoses multiples ou maladie de Bessel-Hagen), l’atteinte rachidienne est plus précoce (deuxième décennie) et plus fréquente (10 % des ostéochondromes). Le sex-ratio est de 1. Sur le plan anatomopathologique il s’agit d’une tumeur osseuse bénigne de la lignée chondroblastique, encore appelée chondrome, chondroblastome ou fibrome chondromyxoïde. La transformation maligne en chondrosarcome est observée dans moins de 1 % des cas dans les formes solitaires. Elle peut aller jusqu’à 20 % dans les formes associées à une ostéochondromatose. Longtemps asymptomatique, cette tumeur peut être responsable de douleurs rachidiennes associées à une tuméfaction locale dans un quart des cas. La compression médullaire est rare dans les formes solitaires, mais une myélopathie est observée chez près de trois quarts des patients avec une ostéochondromatose. La tumeur touche électivement le rachis cervical (50 % des cas) et surtout C2. Les radiographies standards sont souvent pertinentes en montrant une tumeur d’aspect inhomogène, multilobée en « chou-fleur » à contour plus ou moins net et cernée par un liseré d’hyperclarté. Les calcifications sont fréquentes. Néanmoins, la tumeur doit être volumineuse pour être diagnostiquée sur une radiographie standard. Le scanner rachidien avec des coupes fines est l’examen le plus adéquat pour faire le diagnostic en objectivant une lésion osseuse en forme d’exostose avec une continuité entre le cortex de la lésion et le cortex de l’os sous-jacent. Cette lésion est entourée d’une capsule cartilagineuse périphérique, habituellement de moins de 1 cm d’épaisseur. Une capsule cartilagineuse plus épaisse fait craindre un chondrosarcome. L’IRM donne une image avec un signal mixte en T1 et T2. L’examen permet de mieux analyser une éventuelle extension intracanalaire, éventuellement des signes de dégénérescence maligne. 10 Le traitement est chirurgical avec une exérèse complète. Il est essentiel d’examiner l’ensemble de la pièce anatomopathologique, car il peut exister des plages de dégénérescence sarcomateuse. Angiolipome [55, 56] (Fig. 4). Ce sont des tumeurs exceptionnelles constituées d’une composante angiomateuse et lipomateuse, prédominant dans la région thoracique moyenne au niveau de l’espace épidural. Elles ne représentent que 0,04 % à 1,2 % des tumeurs rachidiennes. Entre 1890 et 2006 il n’a été rapporté que 118 cas, avec une nette prédominance féminine. Il semblerait qu’un index de masse corporel élevé soit un facteur clé dans le développement d’un angiolipome rachidien, mais sans preuve formelle jusqu’à ce jour. Plus fréquentes dans la cinquième décennie, elles s’expriment cliniquement par des signes de compression médullaire lente. L’IRM permet le diagnostic, montrant une tumeur iso- ou hyperintense en T1, hyperintense en T2, prenant souvent le contraste après injection de gadolinium, située dans l’espace épidural postérieur. Parfois, dans les formes infiltrantes, on peut observer un comblement tumoral des foramens intervertébraux. Le traitement est l’exérèse complète. La récidive est exceptionnelle. Tumeurs primitives malignes ou à malignité locale Myélome et plasmocytome solitaire [39, 57] (Fig. 5) (Tableau 4). Le myélome multiple est une prolifération maligne de plasmocytes sécrétant en excès une immunoglobuline le plus souvent de type G, plus rarement de type A. Devant une suspicion clinique, le diagnostic de myélome multiple repose sur : • la biologie : électrophorèse des protides plasmatiques (pic monoclonal d’immunoglobulines souvent de type IgG) ; immunoélectrophorèse plasmatique (détermine le type de chaînes légères et lourdes), protéinurie des 24 heures augmentée, immunoélectrophorèse urinaire (protéinurie de Bence Jones) ; • les radiographies du squelette et du crâne à la recherche de lésions osseuses ostéolytiques ; • le myélogramme, si besoin par biopsie ostéomédullaire, qui objective plus de 30 % de plasmocytes dans la moelle osseuse (pour une normale à 5 %). Neurologie Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes A B ¶ 17-275-A-10 C Figure 4. Tumeur épidurale thoracolombaire postérieure hyperintense en T2 (A) en T1 (B) et prenant le contraste après gadolinium (C) : angiolipome. Figure 5. Imagerie par résonance magnétique cervicothoracique T2. Importante compression médullaire thoracique haute sur tumeur osseuse de la deuxième vertèbre thoracique (Th2) avec tassement vertébral et composante intracanalaire postérieure : plasmocytome. La scintigraphie osseuse n’a aucun intérêt car les lésions de myélome multiple ne fixent pas, sauf si une fracture pathologique est associée. L’âge moyen au moment du diagnostic est d’environ 65 ans avec une prédominance masculine (ratio homme/femme de 2 à 3/1). Les localisations rachidiennes s’observent lors de l’évolution de la maladie dans 25 % à 50 % des cas, le plus souvent au niveau du rachis thoracique. Il s’agit de lésions ostéolytiques (les ostéoclastes sont activés par l’osteoclast activating factor, produit par les plasmocytes myélomateux), avec parfois un envahissement myélomateux épidural. Les douleurs sont au premier plan à type de rachialgies ou de douleurs radiculaires mais les complications neurologiques déficitaires ne sont pas rares. Les radiographies standards et le scanner rachidien objectivent des lésions lytiques focales ou diffuses avec une lyse vertébrale en « mottes ». L’IRM rachidienne objective des zones arrondies lytiques de 1 à 5 mm, sans condensation périphérique, avec des fractures-tassements hypo-intenses en T1, hyperintenses en T2. Le plasmocytome représente la forme solitaire de la maladie, pouvant survenir chez des patients plus jeunes. Son diagnostic ne peut être posé que si la lésion est unique, sans signes Neurologie biologiques de maladie disséminée avec une biopsie ostéomédullaire normale. Le diagnostic histologique est obtenu par biopsie sous scanner. Le traitement du myélome multiple et du plasmocytome associe souvent la radiothérapie à la chimiothérapie, et il convient de noter l’effet fréquemment spectaculaire des corticoïdes sur les phénomènes douloureux. Dans certains cas, la vertébroplastie par ballonnet donne d’excellents résultats, stables dans le temps, sur le contrôle des douleurs rachidiennes invalidantes [58]. La chirurgie peut être indiquée lorsqu’il existe des signes neurologiques et/ou une instabilité rachidienne. La récidive locale est fréquente et la dissémination métastatique s’observe dans plus de la moitié des cas. Le taux de survie est de 85 % à 10 ans. Ostéosarcome [39, 57] (Tableau 4). L’ostéosarcome est la tumeur maligne primitive osseuse la plus fréquente après les myélomes. Mais seulement 3 % des ostéosarcomes sont localisés au rachis et au sacrum, représentant un peu moins de 5 % des tumeurs osseuses primitives du rachis. L’ostéosarcome rachidien survient chez l’adulte entre la quatrième et la cinquième décennie, les patients étant un peu plus âgés que ceux atteints d’un ostéosarcome des os longs. Le sex-ratio est de 1 alors qu’il existe une prédominance masculine pour les ostéosarcomes des os longs. Les douleurs rachidiennes sont constantes et les signes neurologiques présents dans 70 % des cas au moment du diagnostic. Contrairement aux ostéosarcomes des os longs, il n’existe pas de signe radiologique typique sur les clichés standards ou le scanner dans l’ostéosarcome rachidien (comme par exemple l’éperon de Codman, qui correspond à une réaction périostée en forme de spicules perpendiculaires, souvent divergents, en « coucher de soleil »). La lésion peut être initialement ostéolytique ou ostéoblastique ou les deux. Il peut exister des calcifications de la matrice osseuse visibles au scanner. La plupart des lésions rachidiennes affectent la partie antérieure du corps vertébral, mais la moitié postérieure et les pédicules peuvent être atteints. L’IRM permet une meilleure analyse de l’atteinte des parties molles et d’une extension intracanalaire. Le traitement des ostéosarcomes rachidiens est identique à celui des ostéosarcomes des os longs : il repose sur une chimiothérapie néo-adjuvante suivie d’une chirurgie radicale de résection et d’une chimiothérapie postopératoire [59]. La prise en charge est multidisciplinaire. Le pronostic de ces localisations rachidiennes reste médiocre avec une moyenne de survie variant entre 6 et 10 mois. Il n’a pas été rapporté de cas de long survivant [57]. Chondrosarcome [60] (Fig. 6) (Tableau 4). Le chondrosarcome est une tumeur d’origine cartilagineuse, dont les cellules plus ou 11 17-275-A-10 ¶ Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes Tableau 4. Principales tumeurs osseuses primitives rachidiennes malignes. Tumeur Épidémiologie, sexe, âge (± clinique évocatrice) Localisation TDM (± radios standards) Myélome La plus fréquente des TOP(a) Corps vertébraux TDM et radios Âge moyen : 65 ans M > F (ratio 2 à 3/1) Douleurs Myélome : lésions multiples Plasmocytome : lésion unique IRM Zones arrondies lytiques, sans condensation Lésion lytique focale ou diffuse avec lyse vertébrale périphérique en « mottes » Fracture-tassement hypo T1, hyper T2 Intérêt de la radio du Autres imageries Scintigraphie osseuse Négative sauf si fracture pathologique associée squelette et du crâne ++ Fractures spontanées Intérêt de la biologie Ostéosarcome Seuls 3% touchent le rachis Partie antérieure corps vertébral ++ 4 - 5e décennie M=F Douleurs +++ Arc postérieur peut être atteint Signes neurologiques fréquents Chondrosarcome 3 % à 12 % localisés dans le Thoracique > sacrum rachis Arc postérieur 4 - 5e décennie M>F Douleurs, masse palpable, signes déficitaires +++ Primitif souvent Parfois secondaires à ostéochondrome (a) TDM et radios Signal variable Lésion mixte ostéolytique et/ostéoblastique Calcifications matrice osseuse sur TDM TDM et radios Lésion lytique à bords condensés avec calcifications diffuses en « mottes ». Masse au sein d’un tissu mou Signal variable (cartilage hyalin) Intérêt pour bilan extension parties molles et espace épidural Extension vertèbre adjacente TOP : tumeur osseuse primitive. Figure 6. Tomodensitométrie en coupe osseuse passant par la vertèbre Th5. Lésion lytique arrondie à la jonction costovertébrale gauche (flèche). L’histologie conclut à un chondrosarcome. moins différenciées dispersent une substance chondroïde, myxoïde ou œdémateuse. La localisation rachidienne représente 3 % à 12 %. La plupart des lésions surviennent entre la quatrième et la cinquième décennie de vie avec une prédominance masculine. Le rachis thoracique est le plus touché avec une atteinte préférentielle des éléments postérieurs de la vertèbre dans 45 % des cas. Les signes cliniques comprennent des douleurs localisées et une masse palpable au niveau du rachis, ainsi que des signes neurologiques déficitaires dans près de la moitié des cas. Les chondrosarcomes rachidiens sont habituellement des tumeurs de bas grade (grade 1 ou 2) et sont pour la plupart des tumeurs primitives. Il existe néanmoins des chondrosarcomes secondaires à la transformation maligne d’ostéochondromes [61]. Les radiographies standards montrent une destruction lytique. L’aspect caractéristique de calcifications diffuses en « mottes » au sein d’une zone lytique à bords condensés est retrouvé dans 70 % des cas. Les calcifications au-delà de la vertèbre atteinte représentent une masse au sein des tissus mous. Dans un tiers des cas il existe une atteinte de la vertèbre adjacente par 12 extension à travers le disque et les côtes adjacentes peuvent également être infiltrées dans les localisations thoraciques. Le scanner révèle les calcifications au sein d’un tissu mou. L’aspect à l’IRM est variable (cartilage hyalin), mais cet examen est très utile pour l’étude de l’extension dans les parties molles et l’espace épidural. Les diagnostics différentiels sont les tumeurs à cellules géantes, le plasmocytome et le chordome. Le traitement est chirurgical avec une résection la plus complète possible car la radiothérapie conventionnelle et la chimiothérapie n’ont pas fait la preuve de leur efficacité. Une chirurgie radicale est cependant rarement possible, ce qui explique le fort taux de récidive et un pronostic défavorable. Sarcome d’Ewing [62] (Tableau 5). Il s’agit de la tumeur maligne primitive lymphoproliférative du rachis la plus fréquente de l’enfant et de l’adolescent. La moyenne d’âge des patients est de 16,5 ans avec des extrêmes de 10 à 40 ans. Il représente 3,5 % des tumeurs rachidiennes. La localisation rachidienne, essentiellement sacrococcygienne, de tous les sarcomes d’Ewing varie entre 3 % et 10 %. Les signes cliniques sont les douleurs au premier plan, et un déficit neurologique est constaté chez plus des deux tiers des patients. L’intervalle entre le début des symptômes et la prise en charge médicochirurgicale est souvent bref à cause des fréquentes compressions médullaires. L’imagerie ne donne pas de signe spécifique. Devant une suspicion de sarcome d’Ewing il est nécessaire d’organiser une biopsie (éventuellement guidée sous scanner) pour faire rapidement le diagnostic histologique. L’histologie montre des petites cellules rondes et bleues. Le diagnostic anatomopathologique reste cependant difficile à cause des nombreux diagnostics différentiels de tumeurs à petites cellules tels que le neuroblastome, les rhabdomyosarcomes, les lymphomes osseux et les tumeurs neuroectodermiques primitives. Bien que l’histogenèse précise du sarcome d’Ewing ne soit pas encore élucidée, de nombreux éléments plaident en faveur d’une origine neuroectodermique de cette tumeur. Les radiographies standards et le scanner peuvent montrer des lésions de destruction osseuse lytique, ou une expansion osseuse, ou une lésion sclérosante. Une sclérose diffuse associée à une ostéonécrose de la vertèbre atteinte est objectivée dans plus de 70 % des cas. L’intérêt de l’IRM est la délimitation du Neurologie Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes ¶ 17-275-A-10 Tableau 5. Principales tumeurs osseuses primitives rachidiennes malignes (suite du Tableau 4). Tumeur Épidémiologie, sexe, âge (± clinique évocatrice) Sarcome d’Ewing La plus fréquente des TOP(a) malignes chez enfant et adolescent Localisation Sacrococcygienne 3 % à 10 % touchent le rachis IRM Non spécifique Hypo, iso T1 Intérêt d’une biopsie Hyper T2 TDM et radios Étude extension épidurale et tissus mous Lésion lytique ou expansive ou sclérosante Âge moyen 16,5 ans M>F Sclérose diffuse associée à une ostéonécrose vertébrale dans 70 % des cas Douleurs +++ Déficit neurologique > 65 % Chordome TDM (± radios standards) 2 % à 4 % TOM(b) Sacrum 50 % TDM et radios Masse polylobée 1 % à 2 % TOP Clivus 30 % 2 pics : 10-20 ans et 40-60 ans Rachis (C2) 15 % Lésion lytique d’un ou plusieurs corps vertébraux avec condensation périphérique et calcifications Extensions épidurales et parties molles fréquentes M > F (sex-ratio 2/1) Métastases tardives 5-40 % Douleurs Recherche d’une volumineuse masse antérieure présacrée Signal hétérogène : hypo ou iso T1, fortement hyper T2 Contraste + (modéré) Signes rectovésicaux Hypertension intracrânienne Dysphagie (a) TOP : tumeur osseuse primitive ; (b) TOM : tumeur osseuse maligne. Figure 7. Masse polylobée de localisation sacrée, avec extension épidurale et dans les parties molles, fortement hyperintense en T2 : chordome. tissu mou et l’étude de l’extension épidurale. Le traitement de référence est une chimiothérapie agressive associée à une radiothérapie, ce qui permet un excellent contrôle local et une survie à long terme chez plus de 70 % des patients si la tumeur n’est pas de localisation sacrée. Dans ces derniers cas, le pronostic est moins bon avec un contrôle local de 60 % et une survie à long terme de moins de 25 % [39]. Le facteur principal du pronostic est en effet la taille tumorale, qui est nettement plus importante dans la région sacrococcygienne au moment du diagnostic. La chirurgie est indiquée dans les formes déficitaires. Chordome (Fig. 7) (Tableau 5). Le chordome est une tumeur embryonnaire provenant de reliquats de la notochorde. Elle représente 2 % à 4 % des tumeurs osseuses malignes. Le myélome multiple mis à part, le chordome est la plus fréquente des tumeurs malignes primitives du rachis chez l’adulte. Il existe deux pics de fréquence, le premier entre 10 et 20 ans et le second entre 40 et 60 ans avec une prédominance masculine (sex-ratio de 2/1). Cette tumeur progresse lentement et se situe préférentiellement aux deux extrémités du rachis : la région sacrococcygienne (50 %) et le clivus (30 %) [63]. Le chordome est Neurologie localement agressif mais métastase lentement avec une incidence variant de 5 % à 40 %. Le délai d’apparition des métastases est en général au minimum de 1 an et au maximum de 10 ans après le diagnostic initial. Ces métastases intéressent en général les nodules lymphatiques, les poumons, le foie et plus rarement le cerveau, les os et/ou des sites inusuels comme le cœur ou la peau. La doléance principale est la douleur, qui est liée à la pression locale. Il n’est pas rare de découvrir un chordome sacrococcygien devant des signes rectovésicaux du fait de la lente et importante progression de la tumeur. Les chordomes du clivus peuvent être responsables de signe d’hypertension intracrânienne, d’une dysphagie, d’une parésie de paires crâniennes. Les signes sur la radiographie standard et le scanner varient avec la localisation tumorale : les chordomes sacrococcygiens apparaissent le plus souvent sous la forme de lésions lytiques, touchant plusieurs segments avec une condensation périphérique et quelques calcifications. Une importante masse antérieure présacrée est souvent visible. Le principal diagnostic différentiel dans cette région est la tumeur à cellules géantes (TCG). Les autres chordomes rachidiens se localisent volontiers dans le corps vertébral, les éléments postérieurs étant habituellement épargnés. L’IRM recherche une masse polylobée avec une extension épidurale et dans les parties molles. La lésion a un signal hétérogène : hypo- ou iso-intense en T1, fortement hyperintense en T2. La prise de contraste après injection de gadolinium est modérée. Le traitement est chirurgical avec une résection la plus large et la plus complète possible. Dans les chordomes sacrococcygiens, la préservation des racines sacrées, et en particulier S3, est primordiale pour préserver les fonctions vésicosphinctériennes. La radiothérapie est peu efficace et devrait être réservée dans les résections incomplètes. Néanmoins, de bons résultats ont déjà été obtenus sur des chordomes du clivus, car cette région peut supporter de plus fortes doses d’irradiation [64]. Lymphomes. Le lymphome rachidien est rare. Une localisation osseuse du lymphome n’est observée que chez 15 % des patients avec un lymphome et parmi ceux-ci seuls 15 % ont une localisation rachidienne. Le lymphome hodgkinien n’a habituellement pas de localisation osseuse alors que le lymphome non hodgkinien peut donner des lésions osseuses solitaires ou, plus fréquemment, des lésions diffuses. La tumeur envahit préférentiellement la moitié antérieure du corps vertébral. Les signes radiologiques ne sont pas spécifiques. Le traitement est celui de n’importe quelle autre localisation du lymphome malin non hodgkinien et associe chimiothérapie et radiothérapie. Une biopsie vertébrale est alors recommandée 13 17-275-A-10 ¶ Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes Tableau 6. Principales tumeurs intradurales et extramédullaires. Tumeurs Épidémiologie, sexe, âge (± clinique évocatrice) Schwannome (ou neurinome) Les plus fréquentes tumeurs et neurofibrome intradurales extramédullaires Schwannome (ou neurinome) : le plus fréquent Souvent unique Localisation TDM (± radios standards) IRM Intradurale (70-75 %) TDM et radios Iso ou hypo T1 Extradurale (15 %) Hypersignal hétérogène T2 Élargissement du foramen vertébral (forme en « sablier ») Contraste + (intense) TDM Pas de prise de contraste Mixte en « sablier » (15 %) Lésion spontanément hypoou hyperdense Neurofibrome (dans neurofibrome type I) : plus souvent multiple et parfois malin durale linéaire Contraste + H=F 40-60 ans Douleurs radiculaires nocturnes Méningiome 40 % tumeurs intradurales extramédullaires F > H (sex-ratio 3/1) Thoracique (80 %) Peu contributifs Cervical localisation C1-C2 +++ Contraste + (intense et homogène) Surtout > 60 ans Prise de contraste durale linéaire inconstante au contact de la tumeur mais très évocatrice (dural tail sign) 20 % compressions médullaires tumorales 6 mois après ce traitement pour détecter un résidu tumoral. La chirurgie est réservée aux lésions vertébrales avec fractures ou compressions entraînant un déficit neurologique. Il est alors fortement conseillé de préférer une décompression nerveuse chirurgicale par voie antérieure avec stabilisation, suivie d’une chimiothérapie et d’une radiothérapie [65]. Le taux de survie des patients avec une localisation osseuse d’un lymphome non hodgkinien est de 30 % à 10 ans [66]. Hémangiopéricytome [67]. Il s’agit d’une tumeur exceptionnelle au niveau rachidien avec une cinquantaine de cas rapportés dans la littérature. Elle est habituellement localisée dans les tissus mous profonds du pelvis, du tronc et des cavités otorhino-laryngologiques. Cette tumeur est localement agressive avec une potentialité de métastases dans les os et les poumons par voie hématogène. Elle se développe à partir des péricytes de Zimmermann qui sont des cellules péricapillaires, proches des cellules musculaires, mais sans fibres contractiles. L’hémangiome rachidien survient plutôt chez l’adulte entre la quatrième et la cinquième décennie. Il n’y a pas de signe radiologique spécifique et les diagnostics différentiels radiologiques comprennent les métastases, le plasmocytome solitaire, le lymphome, voire la tuberculose. Le traitement de choix est une chirurgie d’exérèse en monobloc. Celle-ci étant difficile (tumeur très hémorragique, infiltrante), un traitement par radiothérapie et/ou chimiothérapie adjuvante est souvent nécessaire. La récidive est fréquente. La médiane de survie des formes anaplasiques est de 62 mois contre 144 mois pour les formes différenciées [68]. Angiosarcome [69]. Il peut être d’emblée malin ou correspondre à la dégénérescence d’un angiolipome épidural. La dissémination métastatique est rapide et le pronostic mauvais malgré un traitement associant chirurgie et chimiothérapie. Fibrosarcome [70]. Exceptionnel, il s’agit d’une tumeur dont l’exérèse complète est souvent difficile compte tenu de son caractère infiltrant et de l’extension locorégionale quasi constante. La radiothérapie est réalisée en complément, tandis que la chimiothérapie est proposée pour les formes différenciées. Tumeurs intradurales et extramédullaires Un certain nombre de traits communs caractérisent ces tumeurs : • elles sont souvent révélées par des signes neurologiques, réalisant des phénomènes douloureux à type de douleurs radiculaires, dysesthésies, causalgies, parfois mal systématisées ; 14 Iso ou hypo T1 Iso ou hypo T2 “ Points forts Les tumeurs primitives du rachis sont rares. Avant 18 ans : nette prédominance des tumeurs bénignes (ostéoblastome, kyste anévrismal, granulome éosinophile) à l’exception du sarcome d’Ewing. Après 18 ans : prédominance des tumeurs malignes (myélome multiple/plasmocytome, chondrosarcome, ostéosarcome) ou à malignité locale (chordome). Les douleurs rachidiennes sont quasi constantes. Les radiographies standards gardent leur utilité car elles montrent des signes dans 99 % des cas. • les signes cliniques sont souvent dissociés, tel un syndrome d’hémicompression de moelle de Brown-Séquard, et l’évolution est généralement lente ; • la plupart de ces tumeurs sont bénignes et sont donc de traitement presque exclusivement chirurgical. Schwannomes [71] (Tableau 6) Les schwannomes ou neurinomes rachidiens sont les plus fréquents dans cette catégorie topographique. Ils se développent à partir des cellules de Schwann, produisant la myéline dans le système nerveux périphérique. La « racine » porteuse est souvent une racine sensitive, expliquant ainsi la fréquence des douleurs radiculaires révélatrices. Plus fréquent chez l’adulte jeune, au niveau cervical inférieur, le schwannome peut s’étendre, dans 15 % à 20 % des cas, à travers le foramen intervertébral qu’il élargit en réalisant le classique aspect en « sablier » (Fig. 8). C’est dans cette configuration que l’on observe habituellement une double composante tumorale, intra- et extradurale. Il convient de rechercher systématiquement un contexte de neurofibromatose de type II, surtout s’il existe des localisations multiples. Dans le cadre d’une neurofibromatose de type I (maladie de von Recklinghausen), la tumeur rachidienne la plus souvent observée est le neurofibrome (Fig. 9), parfois malin, composé de cellules de Schwann, mais également de fibroblastes et de cellules périneurales enveloppées dans une matrice collagène. Le scanner montre une tumeur spontanément isodense, refoulant souvent la corticale osseuse adjacente sans lyse, et Neurologie Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes ¶ 17-275-A-10 Figure 8. Imagerie par résonance magnétique T2 coronale : schwannome géant en « sablier » L2 droit soulevant la loge rénale. A A Figure 9. Imagerie par résonance magnétique T1 gadolinium cervicale sagittale (A) et axiale (B). Tumeur cervicale intradurale extramédullaire, hétérogène, avec extension intraforaminale droite (aspect en « sablier ») dans le cadre d’une neurofibromatose de type I : neurofibrome. prenant le contraste. Cet examen peut montrer un élargissement du foramen vertébral dans les formes « en sablier ». L’IRM est l’examen de choix [72], montrant une tumeur en iso- ou hyposignal en T1, en hypersignal hétérogène en T2 et se rehaussant très fortement après injection de gadolinium. La tumeur est arrondie ou oblongue dans les formes intracanalaires pures (Fig. 10). Dans les formes en « sablier » au niveau cervical, certains préconisent la réalisation d’une artériographie afin d’étudier les rapports entre tumeur et artère vertébrale. Le traitement est chirurgical et il est rarement possible de conserver la racine porteuse. L’exérèse microchirurgicale est relativement aisée, à l’exception de certaines formes en « sablier » et/ou de la localisation intrasacrée de schwannomes géants. Il est parfois nécessaire de réaliser une double approche, antérieure et postérieure. Méningiomes [15, 73] (Tableau 6) Ils représentent 40 % des tumeurs intradurales extramédullaires et 20 % des causes de compressions médullaires d’origine tumorale. Plus fréquents chez la femme (sex-ratio 3/1), surtout après 60 ans, ils prédominent en région thoracique haute et à la jonction craniorachidienne (méningiome du foramen magnum). Ils s’expriment cliniquement par des troubles de la marche et/ou des signes cordonaux postérieurs, selon leur localisation pré-, latéro- ou rétromédullaire. Les méningiomes proviennent de cellules arachnoïdiennes persistantes et non de la dure-mère. Ils peuvent avoir une attache sur la racine nerveuse, la moelle épinière ou la duremère. La plupart des méningiomes spinaux sont bien circonscrits et ont une évolution lente. Neurologie B C Figure 10. Imagerie par résonance magnétique sagittale T2 (A), T1 avec gadolinium sagittale (B), axiale (C). En regard de la vertèbre Th3, tumeur intradurale, extramédullaire, « écrasant » la moelle à droite et en arrière, sans extension extracanalaire, bien limitée, avec prise de contraste intense au gadolinium : neurinome intracanalaire. Le scanner est peu contributif et c’est l’IRM qui montre une tumeur extramédullaire, en iso- ou hyposignal en T1 et se rehaussant franchement d’une manière homogène après injection de gadolinium (Fig. 11). La présence d’un rehaussement linéaire dural au contact de la tumeur (dural tail sign) est inconstante mais hautement évocatrice. Le diagnostic différentiel avec un neurinome strictement intracanalaire n’est pas toujours facile et les séquences IRM pondérées en T2 prennent alors toute leur importance. Le diagnostic de neurinome intrarachidien est hautement probable si la lésion est hyperintense en T2 et qu’il n’existe pas de prise de contraste durale linéaire au contact de la tumeur intraspinale. Dans le cas contraire, le diagnostic de méningiome intrarachidien est hautement probable [72]. Histologiquement on distingue des formes méningothéliales, psammomateuses avec des calcifications, angiomateuses et fibroblastiques. Le traitement est microchirurgical et la difficulté tient compte surtout de la localisation prémédullaire et/ou des formes calcifiées. Les résultats postopératoires sont habituellement satisfaisants, avec une franche amélioration fonctionnelle dans 85 % des cas même si le déficit neurologique était important en préopératoire [74]. La chirurgie est proposée également chez les patients âgés car l’évolution se fait inéluctablement vers l’impotence fonctionnelle en l’absence de traitement. La morbidité de cette chirurgie est faible et les résultats fonctionnels sont souvent très satisfaisants, permettant une reprise de la mobilité dans cette population fragile [73]. Si l’exérèse n’a pu 15 17-275-A-10 ¶ Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes A A B B Figure 11. Imagerie par résonance magnétique T2 coupe sagittale (A) et axiale (B). Tumeur hyperintense étalée, intradurale, prémédullaire cervicale : méningiome. être complète ou s’il existe une récidive précoce, un traitement adjuvant par radiothérapie peut être proposé. Lipomes Les lipomes du cône et du filum terminal s’intègrent souvent dans le cadre des dysraphies lombosacrées congénitales. Les lipomes du cône ou lepto-myélo-lipomes sont insérés sur les 2 derniers centimètres de la moelle terminale. Ils sont habituellement intra- et extraduraux, mais peuvent être intraduraux purs. Ils représentent 75 % des lipomes intrarachidiens. La masse graisseuse se répartit de part et d’autre d’un spina bifida, d’une part en sous-cutané où elle se poursuit avec la graisse voisine normale, et d’autre part en intrarachidien où elle se poursuit dans l’espace sous-arachnoïdien pour se fixer au cône. La moelle est exceptionnellement normale, se terminant presque toujours trop bas. Elle est souvent le siège d’anomalies anatomiques : hydromyélie, torsion, duplication et plus rarement agénésie segmentaire. Les racines sont presque toujours anormales soit dans leur direction, soit dans leur conformation ou distribution. D’un point de vue chirurgical, il convient d’opposer les cas où le trajet sous-dural des racines est extralipomateux à ceux où il est pour partie intralipomateux. Des malformations intralipomateuses sont parfois associées : sinus dermique, kystes dermoïdes, kystes, tératome. Les lipomes du filum terminal ou fibrolipomes représentent 15 % des lipomes intrarachidiens. Ils sont le plus souvent confinés à l’espace sousarachnoïdien, mais ils peuvent s’étendre à l’espace épidural en traversant le fourreau au niveau de sa face postérieure ou de son extrémité distale. D’autres rares formes anatomopathologiques ont été décrites : lipomyélocèle, lipo-myélo-méningocèle, lipomyélo-cystocèle ou lipome sur diastématomyélie. Il existe une nette prédominance féminine. Les manifestations neurologiques sont observées dès la naissance dans un quart des cas et avant 16 Figure 12. A. IRM T1 gadolinium : lésion arrondie de la queue de cheval, avec intense prise de contraste. B. Forte suspicion de schwannome en peropératoire. Anatomopathologie définitive : exceptionnel paragangliome du filum terminal. l’âge de 15 ans dans 80 % des cas. Les anomalies cutanées lombosacrées sont visibles dans 90 % des cas (hémangiome, masse sous-cutanée, hypertrichose, sinus dermique). L’existence de signes neurologiques n’est pas toujours facile à affirmer chez un nouveau-né ou un nourrisson. Il s’agit habituellement de dysfonctionnements vésicosphinctériens (mieux objectivés sur un bilan urodynamique) et de troubles moteurs des membres inférieurs. Un syndrome neuro-orthopédique avec un déficit moteur, un syndrome pyramidal, un pied dysmorphique, une amyotrophie, des maux perforants, peuvent se voir isolément ou en association dans 5 % à 30 % des cas. Des malformations viscérales, en particulier anorectales, génitales ou urinaires sont observées dans 14 % à 20 % des cas. D’autre part, la fréquence des troubles neurologiques évolutifs est difficile à évaluer et il est nécessaire de suivre régulièrement ces jeunes patients sur le plan clinique et radiologique. Le traitement chirurgical du lipome du filum terminal est relativement aisé. Il apparaît bénéfique et efficace à long terme. En revanche, pour le lipome du cône, beaucoup plus complexe et spontanément plus invalidant, la chirurgie est difficile et fonctionnellement risquée. Elle n’apporte pas l’efficacité espérée sur le long terme. En effet, l’exérèse du lipome et la libération médullaire ne mettent pas à l’abri du risque de dégradation neurologique ultérieure puisque, à long terme, 50 % des patients continuent de s’aggraver. Ainsi, il est actuellement préconisé de surseoir à une intervention chirurgicale systématique chez les enfants pauci- ou asymptomatiques et porteurs d’un lipome du cône médullaire. Paragangliome [3] (Fig. 12) Le paragangliome est une tumeur neuroendocrine bénigne qui se développe aux dépens du tissu paraganglionnaire. Il s’agit habituellement d’une tumeur bénigne pouvant sécréter des catécholamines. Dans 70 % des cas elle survient d’une manière isolée. C’est la forme extrasurrénalienne du phéochromocytome, le plus souvent située dans le glomus jugulaire ou carotidien. Le Neurologie Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes paragangliome spinal est rare et souvent localisé au niveau du cône médullaire, de la queue de cheval ou du filum terminal. L’IRM révèle une lésion souvent arrondie, limitée, iso-intense en T1, hyperintense en T2 prenant très fortement le contraste. Les principaux diagnostics différentiels à l’imagerie sont alors l’épendymome et le neurinome de la queue de cheval. Le paragangliome est par ailleurs souvent le siège de remaniements hémorragiques bien visibles à l’IRM. La croissance tumorale est habituellement assez lente, néanmoins elle peut être variable et des cas de tumeurs agressives avec métastases sont possibles [75]. Le traitement est chirurgical par une exérèse complète. . Métastases intradurales Les métastases intradurales leptoméningées sont beaucoup plus rares que les métastases épidurales. Elles sont secondaires de néoplasies en dehors du système nerveux comme les cancers du sein ou du poumon, ou de néoplasies du système nerveux comme les astrocytomes anaplasiques, les épendymomes ou les médulloblastomes. Dans ce dernier cas, on les appelle les métastases en « gouttes » ou drop metastasis. L’IRM n’est pas spécifique et seul l’examen anatomopathologique de la pièce opératoire permet le diagnostic. Néanmoins, si le contexte est évident (comme dans les médulloblastomes où l’IRM spinale fait partie du bilan initial et de la surveillance), il n’est pas nécessaire d’avoir une confirmation histologique. “ Points forts Tumeurs intradurales, extramédullaires : ce sont essentiellement des schwannomes (plutôt chez l’adulte jeune) et des méningiomes (plutôt chez la femme de plus de 60 ans). Elles sont le plus souvent bénignes et leur traitement est chirurgical. Tumeurs intramédullaires Les tumeurs intramédullaires sont des affections rares, représentant 2 % à 4 % de l’ensemble des tumeurs du système nerveux central. Elles sont le plus souvent observées chez l’adulte jeune, avec une moyenne d’âge de 35 ans, sans prédominance de sexe. Elles représentent 20 % des tumeurs intraspinales chez l’adulte et 30 % à 35 % des tumeurs intraspinales chez l’enfant. La grande majorité des tumeurs intramédullaires sont des tumeurs gliales avec 60 % d’épendymomes (dont 10 % à 15 % d’épendymomes myxopapillaires) et 30 % d’astrocytomes [76]. Les astrocytomes sont plus fréquents en région thoracique et cervicale, alors que les épendymomes sont plutôt localisés dans la région du cône médullaire, du filum terminal et de la queue de cheval. L’hémangioblastome est la troisième tumeur intramédullaire la plus fréquente. Les symptômes cliniques ne sont pas spécifiques mais il faut souligner la fréquence des douleurs, souvent révélatrices. Il peut s’agir d’algies et/ou de paresthésies cordonales postérieures, d’algies rachidiennes ou d’origine radiculaire. L’expression clinique est évidemment liée à la topographie lésionnelle et tous les signes habituels d’une atteinte médullaire peuvent être observés : atteinte motrice au niveau des membres inférieurs (fatigabilité à la marche, boiterie) et/ou des membres supérieurs (maladresse manuelle, etc.), atteinte sensitive subjective et/ou objective, troubles vésicosphinctériens. Plus rarement, une hydrocéphalie, une hypertension crânienne avec œdème papillaire [77], voire une hémorragie méningée intracrânienne peuvent être des modes de révélation des tumeurs intramédullaires. Chez l’enfant, une scoliose peut être le premier signe de l’affection. L’évolution peut se faire insidieusement, brutalement ou par poussées. Neurologie ¶ 17-275-A-10 L’IRM est l’examen clé, même si elle ne permet pas de faire le diagnostic histologique. Elle permet la localisation précise de la lésion intramédullaire et l’analyse systématique des composantes tumorales (charnues et kystiques), sans et après injection de gadolinium. Toute infiltration tumorale occasionne un élargissement médullaire, bien que tout élargissement de la moelle ne soit pas toujours d’origine tumorale. La plupart des tumeurs intramédullaires ont un hyposignal plus ou moins marqué ou un isosignal sur les séquences pondérées en T1, et un iso- ou un hypersignal sur les séquences pondérées en T2. Les images kystiques associées à la portion charnue sont fréquentes et il convient de distinguer plusieurs types de kystes. Les kystes intratumoraux ont souvent un signal différent du LCS, surtout s’il est riche en protéines ou s’il existe une hémorragie intrakystique. Ils apparaissent en hyposignal T1 et hypersignal T2. Les kystes polaires ou satellites peuvent être présents aux pôles supérieur et inférieur de la portion charnue et leur signal est celui du LCS. Les cavités hydrosyringomyéliques ont des extrémités effilées et peuvent coexister avec un kyste satellite sans toutefois communiquer avec lui. La paroi de ces deux types de kystes ne se rehausse pas après injection. Enfin, les kystes bulbaires, de même signal que le LCS, bombant sous le plancher du IVe ventricule, sont très particuliers. Ils siègent à distance de la tumeur et communiquent ou non avec la cavité hydrosyringomyélique sous-jacente. La prise de contraste de la portion charnue peut être modérée ou forte, rarement absente. Elle peut être partielle ou totale et il n’existe pas forcément de correspondance entre le volume lésionnel prenant le contraste et le volume réel de la tumeur ; si le rehaussement peut correspondre à une zone d’infiltration tumorale, à l’inverse, l’absence de prise de contraste ne permet pas de conclure [78]. Des explorations neurophysiologiques, avec en particulier l’enregistrement des PES, peuvent faire partie du bilan préopératoire. L’enregistrement des PES renseigne sur l’état fonctionnel de la moelle et objective les signes de souffrance des voies somesthésistes, révélant parfois des anomalies infracliniques. Bien qu’il soit difficile de démontrer l’impact du monitorage peropératoire par l’enregistrement de PES ou PEM sur le résultat fonctionnel postopératoire, l’absence de modification de conduction cordonale postérieure semble être un élément de bon pronostic sensitif [79]. Le seul traitement efficace des tumeurs intramédullaires est la microchirurgie avec parfois l’utilisation du bistouri ultrasonique pour réaliser un évidement intratumoral, en préalable à la recherche d’un plan de clivage. Le risque d’aggravation neurologique postopératoire est relativement élevé, estimé à 30 % dans les plus grandes séries [80] . Le pronostic fonctionnel postopératoire est d’autant meilleur que le diagnostic de tumeur intramédullaire est précoce et qu’il existe un plan de clivage entre la tumeur et la moelle [80] . L’exérèse complète de la tumeur est réalisée chaque fois que cela est possible, c’est-à-dire lorsque la détermination d’un plan de clivage entre tumeur et tissu sain est réalisable sans ambiguïté. La radiothérapie et la chimiothérapie n’ont pas leur place à l’heure actuelle dans l’arsenal thérapeutique, sauf éventuellement pour les tumeurs malignes, qui sont surtout observées chez les enfants. Tumeurs de nature gliale Épendymomes (Tableau 7) Les épendymomes sont les tumeurs intramédullaires les plus fréquentes de l’adulte avec un pic d’incidence entre la quatrième et la cinquième décennie [81]. Le sex-ratio est de 1. Ces tumeurs sont surtout localisées dans la moelle cervicale, où l’anatomopathologie conclut souvent à des épendymomes cellulaires, et dans le cône médullaire ou le filum terminal où les tumeurs sont des épendymomes essentiellement myxoïdes. Cette distinction peut être visible à l’IRM [76], examen de choix permettant de fortement suspecter le diagnostic et de faire le bilan d’extension de ces lésions. Les épendymomes de la moelle cervicale (donc surtout les épendymomes cellulaires) sont habituellement des masses bien 17 17-275-A-10 ¶ Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes Tableau 7. Principales tumeurs intramédullaires (TIM). Tumeur Épendymome Épidémiologie, sexe, âge (± clinique évocatrice) Localisation TDM (± radios standards) 65 % TIM adulte Cône médullaire et filum terminal pour formes myxopapillaires Peu contributifs hormis Cône médullaire et filum terminal élargissement du canal Iso ou hyper T1 rachidien et érosion osseuse Hyper T2 (20 %) Contraste + (intense) 4-5e décennie H=F Douleurs Déficits neurologiques (20-25 %) Moelle cervicale pour épendymome cellulaire IRM Moelle cervicale Évolution lente Élargissement de la moelle Iso ou hypo T1 Hyper T2 Contraste +, hétérogène Formations kystiques polaires fréquentes Position centromédullaire : 30 % Signe de la « coiffe » (absence de signal aux extrémités tumorales): 30 % Astrocytome 30 % TIM adulte TIM la plus fréquente chez enfant Moelle cervicale > moelle thoracique haute Peu contributifs Élargissement de la moelle Limites tumorales irrégulières Âge moyen : 30 ans, mais 1/3 d’enfants < 15 ans Hypo, iso T1 M=F Contraste négatif ou positif homogène ou positif bigarré pour astrocytome grade I Douleurs Hyper T2 Contraste positif uniforme ou hétérogène pour autres astrocytomes . circonscrites responsables d’un élargissement de la moelle, hyperintense en T2 et iso- ou hypo-intense à la moelle en T1. La prise de contraste est souvent marquée mais hétérogène et il existe fréquemment des formations kystiques polaires et des signes d’hémorragie intratumorale. Ils sont en position centromédullaire dans un tiers des cas, et le signe de la « coiffe », décrit par Brotchi et Fisher [78] et correspondant à des plages d’absence de signal aux extrémités tumorales, est observé dans un tiers des cas. Les calcifications sont rares. L’astrocytome intramédullaire est le principal diagnostic différentiel de l’épendymome intramédullaire cervical. Les épendymomes du cône médullaire et du filum terminal (donc surtout les épendymomes myxopapillaires) sont de croissance lente et peuvent être de taille considérable. Sur le plan anatomique les épendymomes du filum terminal ne sont pas intramédullaires stricto sensu mais s’invaginent en « doigt de gant » dans le cône médullaire. De croissance lente, ils peuvent être de taille considérable et s’associer à une érosion du corps vertébral, une scoliose ou un élargissement des foramens intervertébraux. Ils sont habituellement hyperintenses en T2 et iso- ou hyperintenses en T1. Cette possible hyperintensité en T1 est liée à la présence de mucine ou de composants hémorragiques. Ils prennent habituellement fortement le contraste, d’une façon inhomogène à l’injection de gadolinium. Les principaux diagnostics différentiels à ce niveau sont le neurinome intradural de la queue de cheval ou le paragangliome du filum terminal. Les signes cliniques sont très variables, non spécifiques. Les déficits neurologiques apparaissent tardivement à un stade évolué de la maladie. Le traitement est chirurgical et l’exérèse complète est possible dans la majorité des cas. Les épendymomes médullaires sont habituellement bénins sur le plan histologique. En effet, seuls de rares cas de formes malignes ont été rapportés dans la littérature. Les subépendymomes, proches des astrocytomes, sont désormais rattachés aux épendymomes dont ils ne se distinguent que par de faibles particularités histologiques. L’irradiation reste encore controversée dans les cas d’exérèse subtotale et a fortiori totale. Classiquement, elle ne devrait être réservée qu’aux cas d’exérèse incomplète [82]. Même majoritairement bénins, les épendymomes ont un potentiel de récidive non négligeable (variant de 4 % à 29 % selon les séries [82]) ainsi 18 qu’un risque de dissémination à travers les voies d’écoulement du LCS récemment bien mis en évidence [83]. Le pronostic des épendymomes intramédullaires reste cependant très favorable avec une survie globale à 10 ans de 95 %. Astrocytomes [84] (Tableau 7) Moins fréquents que les épendymomes (30 % des tumeurs intramédullaires), les astrocytomes sont observés plus souvent chez l’enfant que chez l’adulte. La moyenne d’âge est de 30 ans avec cependant un tiers d’enfants de moins de 15 ans. Ils siègent plus volontiers dans la moelle cervicale suivie de la moelle thoracique haute. Sur l’IRM les astrocytomes intramédullaires sont responsables d’un élargissement de la moelle. Les limites tumorales sont souvent irrégulières et des composantes hémorragiques associées à l’œdème ne sont pas rares. Les astrocytomes sont habituellement hypo- ou iso-intenses en T1 et hyperintenses en T2. Ils peuvent prendre toutes les caractéristiques IRM des épendymomes. Les astrocytomes pilocytiques de bas grade (OMS grade I) (Fig. 13) peuvent avoir un rehaussement homogène ou bigarré ou ne pas avoir de rehaussement du tout au gadolinium [85]. Mais la plupart des autres types d’astrocytomes (OMS grade II) ont un rehaussement uniforme ou hétérogène. La portion charnue est habituellement plus étendue en hauteur que les épendymomes et ils sont également plus souvent excentrés. Il s’agit pour la très grande majorité de tumeurs primitives de la moelle. Néanmoins de rares cas d’astrocytomes secondaires à une irradiation médullaire ont été décrits [86]. Classiquement considérés comme inextirpables dans leur totalité, l’exérèse complète est cependant possible dans un tiers des cas du fait des progrès des instruments microchirurgicaux et de l’utilisation du bistouri ultrasonique. La difficulté principale est due à l’absence de plan de clivage dans les formes infiltrantes. Les astrocytomes de bas grade (pilocytiques, fibrillaires, protoplasmiques, gémistocytiques) sont plus fréquents que les hauts grades. La radiothérapie n’est habituellement pas prescrite dans les bas grades. Cependant, elle est discutée si l’exérèse est incomplète et dans les formes malignes. Quel que soit le type histologique, le pronostic vital est nettement moins bon que pour les épendymomes (40 % de survie à 10 ans). Dans les formes malignes, la médiane de survie n’excède pas 10 mois. Neurologie Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes ¶ 17-275-A-10 B Figure 13. Imagerie par résonance magnétique T1 gadolinium (A) et T2 (B). Volumineuse tumeur intramédullaire élargissant la moelle avec des limites irrégulières et une importante portion charnue du cône médullaire. Prise de contraste irrégulière : astrocytome pilocytique récidivant intramédullaire. Figure 14. Imagerie par résonance magnétique T1 gadolinium, coupe sagittale. Métastase dans le cône médullaire d’une néoplasie primitive pulmonaire. Autres tumeurs gliales Elles sont exceptionnelles, ne représentant que 3 % des tumeurs intramédullaires. Il convient de citer les oligodendrogliomes, les gangliogliomes et les gangliocytomes. Leur pronostic dépend du grade histologique. Il est comparable à celui des astrocytomes. Tumeurs malignes de nature non gliale [78] Les métastases intramédullaires (Fig. 14) sont rares et représentent moins de 5 % des métastases du système nerveux central. Les principales tumeurs primitives sont les cancers du poumon, du sein, les lymphomes, les mélanomes, les cancers du système nerveux central. La moelle thoracique est la plus souvent atteinte suivie de la moelle cervicale et de la moelle lombaire. L’IRM n’est pas spécifique. Elle peut objectiver un élargissement de la moelle avec une image hypo- ou iso-intense en T1, hyperintense en T2 prenant contraste à l’injection de gadolinium. Il est parfois difficile de distinguer une métastase intramédullaire d’une tumeur primitive intramédullaire, ou d’une lésion non tumorale telle que la sclérose en plaques ou une lésion infectieuse. Le pronostic est très mauvais avec une médiane de survie de 2 à 4 mois [87] mais la chirurgie peut être indiquée pour certaines lésions uniques avec déficit neurologique. Les mélanomes intramédullaires sont également exceptionnels, plus souvent d’origine secondaire que primitive. Les mélanomes secondaires ont également de multiples localisations extramédullaires et réalisent une véritable mélanomatose leptoméningée de très mauvais pronostic. Les lymphomes intramédullaires sont très rares et représentent moins de 1 % de tous les lymphomes non hodgkiniens [88]. Ils surviennent dans la majorité des cas chez des sujets immunocompétents au cours de la cinquième décennie avec une légère prédominance féminine. Les facteurs de risque sont l’immunodépression acquise (virus de l’immunodéficience humaine [VIH], transplantation, chimiothérapie entre autres), ou congénitale. Ils peuvent survenir à partir de la diffusion méningée d’un lymphome cérébral ou s’intégrer dans le cadre d’un véritable lymphome multicentrique du système nerveux central. La fréquence accrue des lymphomes primitifs des lymphomes cérébraux depuis trois décennies, en particulier liée à l’augmentation de fréquence de l’infection par le VIH ne s’est Neurologie pas accompagnée d’augmentation proportionnelle des lymphomes intramédullaires. L’immunophénotype B est le plus souvent retrouvé à l’examen anatomopathologique [89]. La plupart des lymphomes intramédullaires sont localisés dans la moelle thoracique haute ou cervicale. L’IRM montre une lésion le plus souvent en isosignal en T1 et hypersignal en T2 avec une prise de contraste homogène. Le traitement est le même que dans les autres localisations du lymphome non hodgkinien, et repose sur la chimiothérapie, la corticothérapie, et l’irradiation après une confirmation histologique par biopsie. Bien que légèrement meilleur que dans les formes encéphaliques, le pronostic des lymphomes intramédullaires reste pauvre avec une durée moyenne de survie de 15 à 17 mois [88]. Tumeurs bénignes de nature non gliale La plupart de ces tumeurs ne sont pas simplement intramédullaires dans la mesure où elles affleurent largement la surface du cordon médullaire (hémangioblastomes, lipomes), ou ont un développement intra- et extramédullaire (schwannomes, méningiomes). Les hémangioblastomes sont des tumeurs bénignes, bien limitées, souvent accompagnées d’un kyste, parfois multifocales, et représentant 2 % à 4 % des tumeurs intramédullaires de l’adulte. Ces tumeurs surviennent surtout chez l’adulte avec un pic d’incidence dans la quatrième décennie [90]. La majorité (75 %) des hémangioblastomes est intramédullaire avec une atteinte préférentielle de la moelle thoracique suivie de la moelle cervicale. Dans 80 % des cas les hémangioblastomes se présentent sous la forme de tumeur solitaire. Chez 30 % des patients porteurs d’un hémangioblastome médullaire, il est retrouvé une maladie de Von Hippel-Lindau (VHL). Il s’agit d’une maladie autosomique avec des hémangioblastomes médullaires et/ou cérébelleux, des angiomes rétiniens, un carcinome rénal et/ou un phéochromocytome à des degrés variables. Le pronostic de cette maladie est lié au carcinome rénal [91]. L’hémangioblastome médullaire est responsable de troubles sensitivomoteurs. Dans les cas de maladie de VHL, la symptomatologie est souvent liée à l’atteinte cérébelleuse. 19 17-275-A-10 ¶ Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes Histologiquement, l’hémangioblastome est composé d’une portion solide très vascularisée avec de petites artères, des capillaires et de larges veines de drainage. Ce nidus tumoral est essentiellement composé de cellules endothéliales. Un large kyste délimité par des cellules fibrillaires entoure le nidus. La plupart des hémangioblastomes sont responsables d’un élargissement de la moelle avec un aspect hypo- ou iso-intense en T1 et hyperintense en T2. Le kyste apparaît avec un signal proche du LCS, mais sa richesse en protéines peut lui donner un signal plus intense en T1. L’IRM avec injection montre une forte prise de contraste, homogène, limitant parfaitement le nodule tumoral. L’embolisation préopératoire peut être utile pour faciliter le geste chirurgical, mais est en pratique rarement réalisée. La chirurgie doit permettre une exérèse complète mais ne doit pas être proposée systématiquement dans les formes silencieuses s’intégrant dans une atteinte multifocale de maladie de VHL. Les lipomes strictement intramédullaires sont rares et doivent être distingués des lipomes de la queue de cheval. Leur exérèse chirurgicale est souvent difficile avec des risques fonctionnels importants. Il convient de n’opérer que les formes franchement symptomatiques. Les schwannomes intramédullaires [92] sont exceptionnels (moins de 50 cas dans la littérature) et prédominent au niveau de la moelle cervicale. Il est difficile d’évoquer le diagnostic sur l’IRM qui montre une tumeur bien limitée, prenant fortement le contraste et parfois associée à une cavité syringomyélique. La pathogénie reste obscure car ces tumeurs naissent toujours à partir des cellules de Schwann qui sont normalement absentes des tissus médullaires. La chirurgie permet l’exérèse complète dans la majorité des cas. Enfin, les méningiomes intramédullaires sont encore plus exceptionnels, avec moins de dix cas rapportés. “ Les tumeurs intramédullaires sont rares, le plus souvent observées chez l’adulte jeune. Elles sont essentiellement représentées par les tumeurs gliales : • les épendymomes : habituellement bénins. Le traitement est chirurgical avec une exérèse complète possible, • les astrocytomes : formes bénignes plus fréquentes que les malignes. Mais ces tumeurs sont infiltrantes. Le traitement est avant tout chirurgical mais l’exérèse complète est difficile et le pronostic est moins bon que pour les épendymomes. Le risque d’aggravation neurologique postopératoire est relativement élevé. Cet article a fait l’objet d’une prépublication en ligne : l’année du copyright peut donc être antérieure à celle de la mise à jour à laquelle il est intégré. . ■ Références [1] [2] Pseudotumeurs intramédullaires . Les cavernomes sont de véritables hamartomes vasculaires. Rares dans cette localisation, ils peuvent rester longtemps silencieux ou bien s’exprimer selon une forme lente ou aiguë (hémorragie). L’aspect en IRM est très évocateur, en particulier sur les séquences en T2 montrant un hypersignal central entouré d’un liseré d’hyposignal périphérique correspondant à un dépôt d’hémosidérine. La chirurgie doit être réservée aux formes symptomatiques. Les kystes dermoïdes et épidermoïdes sont exceptionnels et sont souvent associés à des anomalies de fermeture du type neural ou à un sinus dermique. Dans ce cas, la localisation est souvent lombosacrée et la communication entre le kyste et le sinus dermique peut être une source de complications infectieuses comme un abcès intramédullaire. Il convient également de n’opérer que les formes symptomatiques, ceci d’autant plus que l’exérèse complète n’est pas toujours aisée. Cependant, la conduite est résolument chirurgicale dans le cas du traitement d’un sinus dermique relié à un kyste dermoïde ou épidermoïde, pour prévenir des complications infectieuses qui peuvent être redoutables [93]. Les kystes intramédullaires épendymaires pseudotumoraux sont des lésions kystiques qui se comportent comme de véritables tumeurs [94]. Ils peuvent être à l’origine de signes neurologiques déficitaires conduisant à leur marsupialisation ou leur exérèse. L’histologie infirme leur nature tumorale : ils sont d’origine neurogliale. Ces kystes seraient produits par des cellules épendymaires histologiquement normales mais en position aberrante, proches des cordons antérieurs de la moelle au moment de la fermeture du tube neural. Ces cellules épendymaires se seraient détachées du plancher du tube neural durant l’embryogenèse pour des raisons inconnues [95]. Enfin, il faut citer l’existence de granulomes sarcoïdosiques qui peuvent survenir dans le cadre d’une sarcoïdose systémique ou être primitifs. Dans ce cas, le diagnostic différentiel avec une tumeur intramédullaire est difficile, et c’est souvent l’histologie qui conclut. Cependant, il s’agit d’une lésion infiltrante et inextirpable, et toute tentative d’exérèse est dangereuse et inutile. Seul le traitement médical suppresseur est susceptible d’améliorer l’état fonctionnel neurologique. 20 Points forts [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9] [10] [11] [12] [13] [14] [15] [16] [17] [18] Cook AM, Lau TN, Tomlinson MJ, Vaidya M, Wakeley CJ, Goddard P. 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Disponibles sur www.em-consulte.com Arbres décisionnels 22 Iconographies supplémentaires Vidéos / Animations Documents légaux Information au patient Informations supplémentaires Autoévaluations Cas clinique Neurologie