Incontinence D o s s i e r t h... Coordination et rédaction : Pr L. Siproudhis (Rennes)

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La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. IX - n° 5 - octobre 2006
Incontinence
Coordination et rédaction : Pr L. Siproudhis (Rennes)
Définition et prévalence
Definition and prevalence
Pathogénie de l’incontinence
Pathogenesis
Quantifier les plaintes
Quantifying the trouble
Explorations fonctionnelles anorectales dans le bilan d’une incontinence fécale
Physiological evaluation of faecal incontinence
Traitement non chirurgical
Non surgical treatment options
Réparations sphinctériennes
Sphincter repair
Les nouveaux enjeux thérapeutiques de l’incontinence fécale
New goals to treat faecal incontinence
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celle des thérapeutes à rechercher un handicap dont ils ont
des difficultés à assurer la prise en charge (5). Lanalyse des
plaintes, celle des associations symptomatiques et la nature
de la demande de soins peuvent, à ce titre, répondre à un
besoin en matière à la fois d’épidémiologie et de connais-
sance du handicap.
Une étude récentealisée en Région Rne-Alpes quantifie
la prévalence d’un symptôme, après analyse des réponses à
un questionnaire auto-administré adressé par voie postale
à un échantillon représentatif de la population régionale, et
en pcise le contexte de survenue et le retentissement. Elle
analyse enfin, auprès d’un groupe de malades consultant
un spécialiste en gynécologie ou en gastro-entérologie, la
perception qu’a le praticien de la plainte. H. Damon et al.
confirment ainsi, dans lanalyse de cette double enquête, que
le symptôme d’incontinence fécale est fréquent (sinon très
fréquent), qu’il est assocà une altération de la qualité de
vie et que le spécialiste consulté ne dépiste l’incontinence
qu’une fois sur sept (6).
DÉFINITIONS ET PRÉVALENCE DE LA PLAINTE
Lorsqu’on souhaite apprécier la prévalence d’une plainte
dans un champ considéré, l’une des grandes difficultés réside
dans la définition de cette plainte. Lincontinence néchappe
pas à la règle : elle plonge le lecteur critique d’une litrature
aujourdhui abondante dans une certaine perplexité, parce
qu’il existe presque autant de définitions de l’incontinence
que détudes publiées. La comparaison des études est de
ce fait très difficile, et la prévalence de l’incontinence est
éminemment variable. En prenant en considération toute
perte anale incontrôlée, la prévalence du symptôme est
très élevée (34,6 %), et le symptôme est fréquent (13 % des
patients ont au moins un accident d’incontinence hebdo-
madaire) [6]. De ce fait, certains proposent une nouvelle
définition de l’incontinence reposant sur un score sympto-
matique minimal (supérieur ou égal à 5), fondé lui-même
sur la nature et la fréquence des pertes, ainsi que sur leur
retentissement sur la qualité de vie. Cette nouvelle définition
expose à un risque de sous-estimation de la prévalence des
plaintes. Ainsi, une enseignante ayant une incontinence
aux gaz occasionnelle avec un retentissement important
sur la qualité de vie ou encore une personne âgée ayant des
Définition et prévalence
Definition and prevalence
POINTS FORTS
Lincontinence fécale préoccupante concerne au minimum
un français sur vingt (hors institution et contexte neuro-
psychique).
Les associations symptomatiques sont fréquentes : près
de la moitié des personnes sourant d’incontinence sont
également constipées.
Le dépistage des troubles de la continence doit en pratique
clinique reposer plus sur des questionnaires auto-administrés
que sur la consultation avec le praticien.
Le recours aux soins pour prise en charge de l’incontinence
est encore trop peu fréquent.
Mots-clés : Incontinence fécale Prévalence – Qualité de
vie – Dyschésie.
Keywords: Faecal incontinence Prevalence – Quality of life
– Dyschezia.
L
es troubles de la continence et de la défécation
sont des symptômes assez fréquemment rapportés
chez les personnes qui consultent en proctologie et
dans les unités de soins spécialisés (1, 2). En revanche, les
données épidémiologiques françaises sont peu nombreuses,
et l’analyse des filières de prise en charge est imprécise
(3). Par ailleurs, il est rarement fait état des associations
symptomatiques, parce que le thérapeute considère, à tort
ou à raison, que les malades ont habituellement un seul
type de plainte qui motive l’avis dical. On fait le plus
souvent état de tableaux cliniques jugés typiques sur la
base des données publiées d’études monocentriques dont
les biais de recrutement et d’analyse sont nombreux : cette
perception peut conduire à des jugements biaisés dans des
situations d’analyse aussi complexes que celles des troubles
fonctionnels anorectaux après accouchement (4). Finale-
ment, les plaintes fonctionnelles anorectales sont souvent
sous-estimées, du fait de la réticence quont les personnes
malades à évoquer des symptômes jugés dégradants et de
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pertescales postdécatoiresgulières qui la soucient peu
échapperont-elles au recensement du symptôme. En cela,
une définition reposant sur un score offre une démarche à
la fois plus scientifique (quantification de la plainte) mais
aussi plusductrice par rapport à la description isolée des
pertes et de leur fréquence. Réalisée durant la même période
que celle menée en Région Rhône-Alpes, une autre enquête
française par questionnaire auto-administré quantifie la
prévalence des plaintes et leurs associations au sein dune
large population (7) [encadré]. Sil est difficile de s’accorder
sur la définition de l’incontinence (score minimal, nature
cale de la perte, fréquence des pertes), on peut aujourdhui
retenir que l’incontinencepoccupante” concerne 5 à 6 %
des personnes interrogées (3, 6-8).
RECUEIL ET RECONNAISSANCE DE LA PLAINTE
La méthode d’interrogation doit reposer sur l’utilisation de
questionnaires, et idéalement de questionnaires auto-admi-
nistrés, parce que le colloque singulier ne semble pas encore
constituer la démarche optimale pour le dépistage des trou-
bles de la continence. Les médecins méconnaissent la plainte
dans 85 % des cas à l’issue de la consultation (6). L’absence de
reconnaissance du handicap par le médecin peut clairement
s’expliquer par la méconnaissance que celui-ci a du trouble et
par l’estimation imparfaite qu’il fait de sa gravité, ou encore
par le peu d’intét qu’il porte à la prise en charge diagnos-
tique ou thérapeutique des troubles fonctionnels anorectaux.
Cependant, on peut douter qu’il s’agisse de l’explication la plus
plausible, tant les gycologues-obstétriciens et les gastroen-
térologues sont actuellement sensibilisés aux troubles de la
continence fécale, a fortiori dans le contexte d’une étude pros-
pective (6). Dans un pays où le recours aux soins est facilité,
il est possible que le symptôme ne soit pas évoqué par honte,
ambiguïté orificielle ou fatalité : les deux tiers à trois quarts
des femmes souffrant d’incontinence après un accouchement
névoquent pas ce symptôme avec leurs conseillers médicaux
dans des pays aussi différents que les États-Unis ou l’Arabie
saoudite (9-11).
Un message important des travaux conduit au développement
de questionnaires auto-administrés (6, 7). Leur recours est
justifié dans une enquête de population adressée par voie
postale. En revanche, leur utilisation en pratique de soin
l’est moins. Pourtant, la différence d’appréciation de la
plainte, selon qu’elle est recueillie par autoquestionnaire ou
lors du colloque singulier de la consultation, est telle qu’il
devient justifié de recourir à ces deux approches dans un
souci d’exhaustivité et de complémentarité. Cette démarche
dépasse le contexte de la recherche clinique quand elle a
pour objectif de dépister un symptôme difficile à évoquer
ou lorsqu’on souhaite en apprécier le retentissement sur la
qualité de vie.
AUDELÀ DE LA PLAINTE, LES ASSOCIATIONS
SYMPTOMATIQUES ET LEUR RETENTISSEMENT
La perplexité dans laquelle nous plongent les publications
concernant le diagnostic ou la prise en charge thérapeu-
tique de l’incontinence est liée au fait que l’on s’attache à
la description non d’une maladie mais d’un symptôme et,
qui plus est, d’un symptôme rarement isolé. Dans l’en-
quête nationale française, les troubles de l’évacuation rectale
sont présents chez les deux tiers au moins des inconti-
nents fécaux. À l’inverse, les troubles de la continence sont
présents chez plus d’une personne sur deux souffrant de
trouble de l’évacuation (encadré) [7]. Ces constats doivent
désormais inciter à prendre en considération non un symp-
tôme isolé mais un cadre syndromique plus large (troubles
fonctionnels anorectaux), à l’instar du syndrome de l’intestin
irritable. Dans les deux études françaises, l’incontinence
est associée à un retentissement marqué sur la qualité de
vie, sans qu’il soit facile de dire si ce retentissement est lié
à la présence même de l’incontinence ou à l’association des
troubles (6, 7). Lexpérience passée d’un centre référent pour
la prise en charge des troubles fonctionnels anorectaux a pu
montrer que la qualité de vie était également affectée chez
les malades qui souffrent d’un trouble de la continence fécale
ou d’une constipation (1). Le paradoxe que constituent le
retentissement du handicap (qualité de vie), d’une part, et
le faible recours aux soins, d’autre part, doit inciter à une
lecture plus critique des études publiées. Ainsi, les malades
qui consultent les centres de référence le font-ils parce que
leur qualité de vie est particulièrement altérée ? De même,
ceux qui répondent aux enquêtes ne sont-ils pas ceux qui
sont les plus sensibilisés ou les plus affectés par le handicap
de l’incontinence (1, 6) ?
AUDELÀ DE LA PLAINTE, LES MÉCANISMES
Même si la prévalence de l’incontinence fécale est plus élevée
chez la femme que chez l’homme dans certaines études (6),
seules 10 % des personnes interrogées incriminent l’accou-
chement et 70 % ne trouvent aucune cause évidente à la
survenue de leur symptôme. Aussi peu scientifique que soit
cette démarche, elle respire le bon sens et est un excellent
miroir de la perception rencontrée au gré des consultations
pour ce motif. Le clinicien que l’incontinence interpelle à
travers ses lectures scientifiques doit raison garder et éviter
de diaboliser la période de l’accouchement que tant d’études
monocentriques biaisées médiatisent (4). On peut modes-
tement espérer que la reconnaissance du handicap par les
institutions et par les médias facilitera l’accès aux soins : la
proportion de personnes incontinentes qui consultent pour
ce motif semble avoir augmenté dans lintervalle de 14 ans qui
sépare la publication des deux études nationales françaises
(3, 7). Cest une première donnée encourageante… n
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La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. IX - n° 5 - octobre 2006
Tableau I.
Prévalence et association des troubles fonctionnels de la continence et de la
défécation.
Dicultés
d’évacuation
Évacuation
incomplète
Incontinence
aux gaz
Incontinence
aux selles
N 1 448 (%) 963 (%) 1 156 (%) 513 (%)
Dicultés/ 
évacuation - 801 (83,1) 725 (62,7) 424 (82,6)
Évacuation 
incomplète 801 (55,3) - 578 (50,0) 395 (77,0)
Incontinence/gaz 725 (50,0) 578 (60,0) - 461 (80,9)
Incontinence/
selles 424 (29,3) 395 (41,0) 461 (39,0) -
Dyschésie 1 448 (100) 963 (100) 773 (66,9) 438 (85,4)
Incontinence 743 (51,3) 590 (61,3) 1156 (100) 513 (100)
Tableau III.
Fréquence des troubles de la continence et de la défécation.
Dicultés
d’évacuation
Évacuation
incomplète
Incontinence
aux gaz
Incontinence
aux selles
N 1 448 (%) 963 (%) 1 156 (%) 513 (%)
1/jour ou plus 89 (6,1) 41 (4,3) 170 (14,7) 11 (2,2)
1/semaine 
au moins 289 (19,9) 130 (13,4) 229 (19,8) 25 (4,8)
1/mois au moins 434 (30,0) 240 (24,9) 277 (24,0) 41 (8,0)
Plus d’1/mois  603 (41,7) 535 (55,5) 456 (39,7) 420 (82,0)
NC  33 (2,3) 18 (1,9) 23 (2,0) 15 (2,9)
Tableau II.
Signes proctologiques autres associés aux troubles fonctionnels de la
continence et de la défécation.
Dicultés
d’évacuation
Évacuation
incomplète
Incontinence
aux gaz
Incontinence
aux selles
N 1 448 (%) 963 (%) 1 156 (%) 513 (%)
Douleurs 
défécatoires 939 (64,9) 683 (70,9) 705 (61) 442 (82,4)
Douleurs 
non liées 
à la défécation
569 (39,3) 495 (51,4) 516 (44,7) 385 (75,2)
Prurit 799 (55,1) 620 (64,3) 747 (64,6) 433 (84,4)
Saignement 759 (52,4) 560 (58,2) 594 (51,4) 404 (78,8)
Procidence  616 (42,5) 512 (53,2) 529 (45,8) 385 (75,0)
Suintement 415 (28,7) 383 (39,8) 432 (37,3) 378 (73,7)
Les troubles fonctionnels anorectaux :
un handicap fréquent mais trop rare-
ment évoqué
Siproudhis L, Pigot F, Godeberge P et al. Defe-
cation disorders: a French population survey.
Dis Colon Rectum 2006; 49:219-27.
Une enquête française par questionnaire
auto-administ (31 items) adres par voie
postale s’est attachée à préciser les prin-
cipaux symptômes anorectaux survenus
dans l’année qui a précédé l’envoi du
questionnaire : 10 000 personnes de plus
de 15 ans représentatives de la popula-
tion française ont été sollicitées en mai
2003, et 7 196 questionnaires retournés
ont pu être analysés. Les troubles fonc-
tionnels anorectaux concernaient plus
d’une personne sur quatre : des troubles
de la continence étaient rapportés par
17 % (N = 1 208) des personnes interro-
gées et des troubles de l’évacuation par
22 % (N = 1 611). Les éléments marquants
des résultats concernent la fréquence des
associations symptomatiques, le retentis-
sement symptomatique sur la qualité de
vie et le caractère limité de la demande de
prise en charge médicale. Les principales
associations symptomatiques sont rappor-
tées dans les tableaux I et II : les troubles
de l’évacuation rectale sont présents chez
les deux tiers au moins des incontinents
fécaux. À l’inverse, les troubles de la
continence sont présents chez plus d’une
personne sur deux sourant de trouble
de l’évacuation. Les troubles fonctionnels
rencontrés sont au moins hebdomadaires
dans 7 à 34 % des cas (tableau III). Ils sont
au moins mensuels chez la moitié des
patients, pour trois quarts des personnes
pour qui les signes dincontinence (aux
gaz et aux selles respectivement) repré-
sentent la plainte proctologique principale
et chez près de la moitié des sujets pour
lesquels les troubles d’évacuation sont
prédominants. Le retentissement sur la
qualité de vie est plus prononcé en cas
de trouble fonctionnel proctologique
que lorsqu’il s’agit d’une autre plainte
anorectale (saignement, démangeaisons,
douleurs, procidence) : celui-ci est particu-
lièrement marqué en cas de trouble de la
continence. Pour autant, la demande de
soins et de prise en charge médicale reste
perfectible : 58 % des personnes ayant
un trouble fonctionnel proctologique
nont jamais consulté pour ce motif, et
tout particulièrement celles qui sourent
d’incontinence (67 %). Dans la moitié des
cas, il n’a été proposé aucune exploration
complémentaire à celles qui ont consulté :
les examens d’exploration fonctionnelle
(défécographie, échographie et mano-
métrie) ne sont réalisés que dans 0,3 à
3,6 % des cas.
Encadré
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