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Le “red finger’s syndrome” :
une manifestation cutanée de la co-infection VIH-VHC
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C. Vanlemmens (1), C. Drobacheff (2)
C
hez les patients infectés par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), la fréquence et la grande diversité des manifestations dermatologiques
imposent une inspection attentive et minutieuse des téguments.
Chez les patients atteints d’hépatite chronique par le virus de
l’hépatite C (VHC), l’examen dermatologique est là aussi indispensable, orienté sur la recherche de signes cutanés d’insuffisance hépatocellulaire (angiomes stellaires, érythrose palmaire) ; plus rarement sont mis en évidence un purpura ou un lichen
plan.
✔ Le red finger’s syndrome ou syndrome des doigts rouges
récemment décrit chez neuf patients infectés par le VIH par
Pechère et coll. (1), doit être connu des hépatogastroentérologues en raison du rôle pathogène suspecté du VHC. Il s’agit
d’un érythème distal des doigts et des orteils, consécutif à de
multiples télangiectasies péri-unguéales (photos ci-contre). Cet
érythème est indolore, permanent, à limites nettes, isolé, sans
syndrome de Raynaud associé. Il touche préférentiellement les
patients VIH toxicomanes et/ou buveurs excessifs.
✔ Les diagnostics différentiels à évoquer sont un lupus érythémateux disséminé, une dermatomyosite ou un syndrome
viral pieds-mains. Un érythème distal induit par le traitement
antirétroviral peut être éliminé en raison de son caractère douloureux et des fréquentes lésions bulleuses observées (2).
✔ Les examens complémentaires
La capillaroscopie est normale. La recherche d’auto-anticorps
anti-noyaux négative permet d’éliminer un lupus. Les enzymes
musculaires (créatine phosphokinase et aldolase) ne sont pas
augmentées, ce qui élimine une dermatomyosite. La détermination de la sérologie virale C a une importante valeur diagnos-
tique puisqu’elle a été positive dans les neuf cas de la série de
Pechère et coll., ainsi que dans nos deux cas personnels, avec
détection positive de l’ARN du virus C par technique de polymerase chain reaction dans six cas sur neuf et dans nos deux cas.
La présence d’une cryoglobulinémie renforce l’hypothèse diagnostique puisqu’elle s’est avérée positive dans tous les cas où
elle avait été recherchée (trois cas de Pechère et nos deux cas
personnels). L’antigène HBs était présent chez trois de ces
patients avec détection de l’antigène delta chez deux d’entre
eux.
✔ Pathogénie
Pour les auteurs, le facteur déterminant dans la survenue de ces
manifestations vasculaires est l’association de l’infection à VIH
à une hépatopathie chronique virale C dans tous les cas, avec
cryoglobulinémie satellite. La gravité de l’atteinte histologique
hépatique n’a, en revanche, pas été précisée. De façon intéressante, Pechère et coll. ont observé un cas identique chez un
patient au stade terminal d’une cirrhose virale C, non contaminé par le VIH. L’un de nos deux cas personnels concernait également une femme VIH négative au stade de cirrhose virale C
compliquée d’un carcinome hépatocellulaire avec cryoglobulinémie fortement positive. L’immunosuppression induite par la
cirrhose pourrait favoriser la survenue de cette atteinte vasculaire au même titre que l’infection par le VIH. En ce sens, le rôle
du VHC dans la pathogénie du “red fingers syndrome” apparaît
prédominant, probablement favorisé par la prévalence élevée
des cryoglobulinémies au cours des hépatites chroniques liées
au virus C (3). Son évolution sous traitement antiviral reste
méconnue.
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É F É R E N C E S
B I B L I O G R A P H I Q U E S
1. Pechère M., Krischer J., Rosay A. et coll. Red fingers syndrome in patients with
HIV and hepatitis C infection. Lancet 1996 ; 9021 : 196-7.
2. Pedailles S., Launay V., Surbled M. et coll. Erythème acral survenant après la
prise de didanosine. Ann Dermatol Venereol 1993 ; 120 : 837-40.
1. Service d’hépatologie, CHU Jean-Minjoz, Besançon Cedex.
2. Service de dermatologie, CHU Saint-Jacques, Besançon Cedex.
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3. Agnello V., Chung R.T., Kaplan L.M. A role for hepatitis C virus infection in
type II cryoglobulinemia. N Engl J Med 1992 ; 327 : 1490-5.
La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 3 - juin 1998
Red finger’s syndrome chez une patiente âgée de 34 ans, ancienne toxicomane, co-infectée par le VIH et le VHC. La consommation d’alcool, interrompue
depuis un an, a pu atteindre auparavant 100 g/j. La maladie VIH est diagnostiquée depuis 13 ans avec un taux actuel de CD4 à 222/mm3 et une charge
virale indétectable sous trithérapie. La biopsie hépatique a montré une hépatite chronique peu active (score de Knodell à 5 ; Metavir A1F1). La cryoglo bulinémie est fortement positive, de type III (IgG = 51 mg/l, IgA = 11,6 mg/l, IgM = 82 mg/l). Cet érythème des doigts et des pieds a été remarqué par la
patiente il y a cinq ans. Ses conséquences sont limitées à un préjudice esthétique.
La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 3 - juin 1998
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