I C A A C 9 9 Virologie HORS VIH Le pléconaril : un espoir de traitement des méningites à entérovirus? (S.D. Shafran, Edmonton, Canada [1904]). Quatre-vingt pour cent des méningites virales sont dues aux entérovirus, et aucun traitement n’est disponible à ce jour. Le pléconaril est le premier antiviral d’une nouvelle classe, qui inhibe la réplication des picornavirus en empêchant la phase d’attachement. Il présente une bonne biodisponibilité par voie orale. Après des premiers résultats encourageants chez l’enfant, cette étude randomisée en double aveugle contre placebo cherche à montrer les effets du traitement chez l’adolescent et l’adulte. Cent quatre-vingt-dix-huit patients, âgés d’au moins 14 ans, ayant des céphalées intenses depuis moins de 48 h, reçoivent du pléconaril (68 patients) aux doses de 200 mg trois fois par jour pendant 7 jours ou un placebo (62 patients). La résolution des céphalées et des signes de méningite est raccourcie de deux jours chez les patients recevant du pléconaril, qui retournent au travail ou à l’école deux jours plus tôt que les patients recevant un placebo. Les effets secondaires sont légèrement moins fréquents sous pléconaril, sans que la différence soit significative. Ces résultats encourageants méritent d’être confirmés par d’autres études. Zanamivir plus vaccination antigrippale La grippe, cause importante de morbidité chez les personnes âgées ( 65 ans), peut être prévenue efficacement par la vaccination. Les effets bénéfiques du zanamivir, inhibiteur de la neuraminidase actif sur influenza A et B, ont été montrés dans de nombreuses études. S. Gravenstein et coll. (Norfolk, ÉtatsUnis [1902]) ont cherché à apprécier l’effet conjugué de la prise de zanamivir et de la vaccination sur les symptômes de la grippe. L’étude de phase III, en double aveugle contre placebo, est menée en Amérique du Nord, en Europe et en Australie. Les patients volontaires âgés de plus de 12 ans, ayant de la fièvre ( 37,8 ° ou 37,2 °C si 65 ans dans deux des trois sites) et deux signes de syndrome pseudo-grippal (céphalées, myalgies, toux, mal de gorge) ont été inclus et ont reçu un placebo ou du zanamivir inhalé (10 mg x 2/j). La grippe a été confirmée chez 558 personnes recevant un placebo, dont 41 (9 %) étaient vaccinées, et chez 609 personnes traitées par zanamivir dont 60 (10 %) étaient vaccinées. Une stratification en tranches d’âge a été faite: < 50 ans (vaccinés : 44, non vaccinés : 896), 50-64 ans (vaccinés : 37, non vaccinés : 132) et > 64 ans (vaccinés : 30, non vaccinés : 28). Les auteurs ont étudié la durée moyenne de la maladie jusqu’à l’amélioration des symptômes définie par l’absence de symptômes ou l’existence de signes discrets durant au moins 36 heures. Les résultats montrent : 490 – que la durée de la maladie augmente avec l’âge ; – que la vaccination fait disparaître les différences de durée de la maladie relatives à l’âge ; – que le zanamivir réduit encore la durée de la maladie chez les personnes vaccinées, surtout les plus âgées, sans toutefois que la différence soit statistiquement significative. Cette étude rappelle le bien-fondé de la vaccination chez les personnes âgées, mais des effectifs plus importants sont nécessaires pour confirmer l’effet synergique du zanamivir et de la vaccination. Hépatite E : une zoonose émergente ? L’hépatite E est responsable de grandes épidémies, mais aussi d’infections sporadiques. La transmission du virus se fait par voie orofécale à partir de l’eau contaminée. La transmission interhumaine est très rare. Plusieurs arguments plaident pour l’origine animale de l’infection : la transmission de l’hépatite E aux porcelets et aux agneaux, le fait que l’infection par le VHE a été détectée (anticorps anti-VHE, ARN VHE ) chez des pourceaux domestiques à Katmandou au Népal, que le VHE est isolé chez le cochon domestique aux États-Unis, et présente plus de 90% d’homologie avec le virus humain. L’infection VHE a été mise en évidence chez le rat sauvage au Kirghizstan et la transmission de l’infection au rat a pu être réalisée à partir du virus du Népal. M. Favorov et coll. (CDC Atlanta, États-Unis [2061]), ont recherché la présence d’anticorps anti-VHE dans différentes espèces animales dans des régions où l’infection VHE est endémique ou dans des régions où elle ne l’est pas, ainsi que chez les personnes travaillant au contact du bétail. Du sérum a été prélevé chez 249 vaches, dont 140 provenant de régions endémiques et 109 de régions non endémiques. Des anticorps antiVHE ont été trouvés chez 29 à 62 % des animaux provenant des régions endémiques contre 12 % chez les vaches des régions non endémiques. Dans une région endémique, les anticorps antiVHE sont présents respectivement chez 42 %, 54 % et 67 % des vaches, des moutons et des chèvres. Dans une autre région non endémique, la séropositivité VHE est retrouvée chez 47 % des personnes travaillant au contact du bétail contre 22 % des personnes n’ayant aucun contact avec les animaux (p < 0,001). Le taux de séropositivité augmente de façon significative avec le nombre d’années de travail dans la ferme. Des anticorps antiVHE sont aussi retrouvés chez 38 % des rongeurs américains, avec une prévalence significativement plus élevée dans les zones urbaines (60,5 %) que dans les zones rurales (26,5 %). Le VHE semble donc infecter un grand nombre d’animaux domestiques ou sauvages. La prévalence élevée des anticorps anti-VHE chez les personnes travaillant au contact des animaux suggère que l’infection VHE est une zoonose. P. Lecocq La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIV - n° 10 - décembre 1999 I VIH Primo-infections La prise en charge des malades au stade de la primo-infection à VIH (PIV) a été abordée à la fois dans les sessions orales et les posters. Le bénéfice clinique du traitement antirétroviral des PIV a été étudié dans un travail commencé en 1993 qui comparait l’évolution de 20 patients recevant zidovudine, 3TC et indinavir à 47 patients non traités (M.M. Berrey et coll., Seattle, États-Unis [684]). Chez les patients traités, le taux de lymphocytes CD4+ augmentait en moyenne de 12 par mois, alors qu’il diminuait chez les patients non traités. Le taux global des lymphocytes CD8+ ne changeait pas, mais l’expression du CD38 tendait à rejoindre des valeurs normales. On observait une chute initiale du titre d’ADN proviral chez les malades traités, puis une stabilisation à des taux significativement plus bas que dans le groupe contrôle. Au cours des 78 premières semaines de suivi, 12 % des patients non traités évoluaient vers un stade clinique C des CDC contre aucun dans le groupe traité, des infections respiratoires survenaient chez 40,4 % des patients non traités contre 15 % chez les patients traités, et la survenue de complications cutanéo-muqueuses était respectivement de 59,6 % et 15 % (p < 0,01). Les résultats préliminaires de l’étude QUEST associant Combivir™, Ziagen™ et Agénérase® dans la PIV ont été présentés (B. Hoen et coll., Besançon, France [685]). Cent quarante patients ont été inclus à ce jour avec un suivi moyen de 193 jours et ont été traités très précocement ( 3 bandes sur le Western Blot). Après 28 semaines, 83 % ont un titre d’ARN plasmatique < 50 copies/ml. Le taux de lymphocytes CD4 mémoires, mais aussi naïfs, augmente sous traitement, ainsi que la capacité productrice d’interleukine 2 des cellules. Un sous-groupe de 24 patients de cet essai a été étudié en termes d’activité cytotoxique au niveau sanguin et du tissu lymphoïde (J. Anderson et coll., Stockholm, Suède [686]). Par rapport à des sujets VIH+ non traités, il existait dans le tissu lymphoïde de ces patients un taux plus élevé de lymphocytes CD8+, une forte expression de granzyme A, une faible expression de perforine et une expression accrue du fas-ligand. Dans le sang périphérique des PIV traitées, l’expression de granzyme A et perforine était élevée de façon équivalente. Cela était également le cas de patients présentant une MNI, mais ils exprimaient aussi de façon équivalente granzyme A et perforine dans leur tissu lymphoïde. Comme il est connu que les souris déficientes en perforine sont incapables de résoudre les infections virales, le déficit d’expression en perforine du tissu lymphoïde des patients traités en PIV pourrait être une explication à leur incapacité d’éliminer le VIH. D’autres essais de traitement des PIV ont été présentés. Dans un travail utilisant stavudine, 3TC et indinavir chez 10 patients en PIV (J.M. Miro et coll., Barcelone, Espagne [1820]), le pourcentage de patients ayant < 200, < 50 et < 5 copies d’ARN plasmatique/ml après 1 à 2 ans de traitement était respectivement de 100 %, 89 % et 22 % alors que l’observance était > 90%, ce qui souligne à nouveau l’incapacité des combinaisons actuelles d’obtenir un arrêt complet de la réplication virale. La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIV - n° 10 - décembre 1999 C A A C 9 9 Protocoles de “transfert” De plus en plus de données sont disponibles sur ce qu’il est convenu d’appeler les “protocoles de transfert”, qu’il ne faut pas confondre avec les “protocoles de maintenance”, qui comportent la notion d’allègement thérapeutique dont on connaît le risque élevé d’échec. Dans l’étude CNA30017, des patients préalablement traités par deux inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INTI) + 1 inhibiteur de protéase (IP) et contrôlés en termes de charge virale plasmatique ont été randomisés soit pour poursuivre ce traitement, soit pour recevoir deux INTI + abacavir (traitement simplifié) (N. Clumeck et coll., Bruxelles, Belgique [2194]). L’analyse intermédiaire à 16 semaines démontre que les résultats virologiques se maintiennent dans le bras “simplifié”. Un travail du même genre a randomisé 161 patients selon deux bras : continuer la combinaison avec IP ou la remplacer par Combivir™ + Ziagen™ (M. Opravil et coll., Zurich, Suisse [510]). Les patients avaient une charge virale < 50 copies/ml depuis au moins 6 mois à l’inclusion et l’absence de mutation au codon 215 de la TI était vérifiée. Le suivi médian était de 24-28 semaines, avec un échec virologique observé chez trois patients dans le groupe PI et chez cinq dans le groupe “simplifié”. Dans une étude non randomisée, des patients intolérants aux IP ont été placés sous névirapine (73 patients) ou éfavirenz (43 patients) en relais (V. Munoz et coll., Madrid, Espagne [2195]). Sur ces 116 patients inclus, 67 % avaient une charge virale < 200 copies/ml au départ et 85 % de ces patients ont maintenu ce résultat 3 mois après le changement. Il est intéressant de noter que, en outre, chez 56 % des patients pour lesquels la charge virale était détectable au départ, cette charge virale devenait indétectable à 3 mois. L’observance était meilleure sous inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse (INNTI), et les taux de cholestérol et triglycérides diminuaient. Deux importants travaux français ont été présentés dans ce domaine. L’étude MAINTAVIR a enrôlé de façon prospective 53 patients sous IP depuis au moins un an, qui étaient naïfs d’INNTI et avaient depuis au moins 6 mois une charge virale < 400 copies/ml , 50 patients étant même < 50 copies/ml (F. Raffi et coll., Nantes, France [2198]). Les INTI ont été poursuivis mais les IP ont été changés pour la névirapine (47 cas) ou l’éfavirenz (6 cas). Sept patients ont présenté un échec virologique, en général précocement après la modification de leur traitement. Le risque d’échec était corrélé à l’histoire thérapeutique du patient ; il était plus fréquent chez les malades qui étaient déjà en deuxième ou troisième ligne à l’inclusion. Dans une étude observationnelle de cohorte, 61 patients traités par 2 INTI + 1 IP ayant < 20 copies d’ARN plasmatique/ml ont reçu ces deux mêmes INTI + éfavirenz (D. Rey et coll., Strasbourg, France [2196]). Seuls quatre échecs virologiques ont été observés après un suivi moyen de 33,5 semaines, dont deux étaient corrélés à des problèmes d’observance. A. Lafeuillade Stratégies thérapeutiques De nombreuses controverses émergent, entre traiter “fort et tôt” (R.T. Schooley et coll., Denver, États-Unis [1883]) ou “dou491 I C A A C 9 9 cement et plus tard” (B.G. Gazzardet coll., Londres, RoyaumeUni [1887]). Les arguments en faveur de l’une ou l’autre des stratégies thérapeutiques sont rapportés dans le tableau I. S’appuyant sur les résultats d’essais thérapeutiques chez des sujets en échec de traitement, ils définissent l’organigramme suivant (tableau II). Tableau I. Stratégies thérapeutiques antirétrovirales : controverses. Tableau II. Alternatives thérapeutiques en cas d’échec. (D’après J.W. Mellors) Traiter “fort et tôt” Traiter “doucement et plus tard” ! Contrôle optimal de la réplication virale pour éviter l’émergence de résistances (but : < 20 copies/ml) Avons-nous besoin d’un nombre normal de lymphocytes CD4 ? Pourcentage de patients < 50 copies/ml moins bon quand la charge virale initiale est élevée Efficacité thérapeutique : adhérence >> puissance ! Atteinte immunitaire progressive et partiellement réversible ! Nombreux produits en développement, actifs sur de nombreuses cibles ! ! ! Traitement à proposer 2 INTI 2 nouveaux INTI + INNTI + IP 2 INTI + INNTI 2 nouveaux INTI + 2 IP 2 INTI + IP 2 nouveaux INTI + 2 IP + INNTI Échec aux 3 classes ? – INNTI + DDI/HU + 2 IP + ? – mégaHAART ? – interruption thérapeutique ! Résistances fréquentes et croisées Toxicité métabolique et mitochondriale : primum non nocere Si le problème croissant de la toxicité des antirétroviraux peut amener à temporiser l’initiation d’un traitement, il n’y a, en revanche, selon D.D. Ho et coll. (New York, États-Unis [2013a]), aucun sens à traiter doucement. C. Katlama et coll. (Paris, France [1884]) plaident en faveur d’une adéquation entre efficacité et tolérance, pour optimiser le traitement à long terme. L’avancée de plusieurs études : DMP006, ATLANTIC, CNA3005 montre que les alternatives thérapeutiques de la HAART classique (2 INTI + 1 IP) peuvent comporter 2 INTI + 1 INNTI ou même, en cas de charge virale initiale peu élevée, 3 INTI. Il n’existe cependant pas de données connues chez les patients traités à un stade tardif, avec une charge virale très élevée, ou au stade de sida. J.S.G. Montaner et coll. (Vancouver, Canada [1992]), regroupant les sujets ayant obtenu une charge virale indétectable sous trithérapie dans trois études, a montré que la durée de réponse suppressive sur la réplication virale est nettement plus prolongée sous AZT + 3 TC + IDV (AVANTI 2) et sous AZT + 3 TC + NFV (AVANTI 3) que sous AZT + ddI + NVP (INCAS). G.J. Moyle et coll. (Londres, Royaume-Uni [2064]) ont décrit le maintien de charges virales basses à 19 mois, contemporain d’une régression des signes de lipodystrophie, notamment une diminution de l’accumulation de graisse viscérale abdominale de 12 % à la 48e semaine chez l’ensemble des 9 sujets inclus ayant bénéficié d’un switch en faveur de l’éfavirenz, alors que leur charge virale était inférieure à 500 copies/ml sous IP. En cas d’échec d’une trithérapie, J.W. Mellors et coll. (Pittsburgh, États-Unis [615]) ont proposé de confirmer l’échappement, répéter une nouvelle détermination de charge virale et exclure des élévations transitoires de charge virale liées à une immunisation, une vaccination, une rupture d’adhérence, ou à la concentration insuffisante d’un produit. Ils ont insisté sur la nécessité de tester la résistance pendant le traitement en cours, et de changer précocement, dans les 6 semaines suivant le rebond. 492 Traitement antérieur ! Tests de résistance Deux études prospectives ont déjà montré qu’un changement de traitement antirétroviral, basé sur le résultat d’un génotype, permet un bénéfice sur l’évolution de la charge virale : GART (J.D. Baxter et coll., Camden, États-Unis [LB8 6th CROI]) et VIRADAPT. L’étude VIRADAPT (R. Garrafo, Nice, France [1166]), comparant 43 sujets contrôles à 65 sujets ayant bénéficié d’un génotype avant changement de traitement, montre que l’adaptation thérapeutique en fonction du génotype ainsi que l’obtention de concentrations optimales d’inhibiteurs de protéase constituent deux facteurs indépendants corrélés à une efficacité thérapeutique à 6 mois en termes de réduction de la charge virale VIH comme en termes de pourcentage de sujets ayant obtenu une charge virale inférieure au seuil de 200 copies/ml (respectivement OR : 2,24, p = 0,025 et OR : 2,37, p = 0,017). La réduction de charge virale obtenue est de -0,67 log et de -1,15 log respectivement dans le groupe contrôle et dans le groupe génotypage (p = 0,05), et le pourcentage de patients en dessous du seuil de 200 copies/ml à 6 mois est de 14 % et 32 %. De plus, il n’y a pas de surcoût si l’on effectue un génotypage dans l’étude économique présentée par C. Chaix et coll. (Paris, France [466]). En effet, le coût annuel moyen par patient a été de 20 412 dollars US dans le groupe contrôle, contre 18 484 dollars US dans le groupe ayant bénéficié du génotype (différence non significative). Le surcoût dans le groupe contrôle était expliqué par les traitements antirétroviraux, qui représentent 55 % des coûts de prise en charge (Lancet 1999 ; 353 : 2195-9). C.A.B. Boucher et coll. (Utrecht, Pays-Bas [1368]) ont proposé un algorithme pour tester la résistance, dont la connaissance apporte une information utile dans les différentes situations suivantes : échec thérapeutique, grossesse, primo-infection, prophylaxie post-exposition. En première intention, il faut réaliser un génotype, et, en deuxième intention, en cas de difficulté de choix thérapeutique, ou si une information complémentaire est souhaitée, un phénotype. Au cours de cette session interactive, 54 % des participants réalisent fréquemment des génotypes, 4 % des phénotypes (16 % utilisant les deux méthodes), La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIV - n° 10 - décembre 1999 I et 42 % ne les utilisent pas fréquemment en raison de l’absence de remboursement. R. Schuurman et coll. (Utrecht, Pays-Bas [1168]) ont mis cependant en garde sur la qualité des résultats de génotypes rendus par les laboratoires. En adressant à des laboratoires différents des échantillons de virus sauvages ou mutants connus, les mutations ne sont pas toujours identifiées. La qualité des résultats ne dépend pas de la technologie utilisée. La détermination du génotype est complexe, soumise à des variations inter- et intralaboratoires, devant être réservée à des laboratoires spécialisés et faisant l’objet de contrôles de qualité réguliers. Aucun résultat d’étude basé sur la détermination du phénotype n’est pour l’instant disponible, dans l’attente des résultats du protocole ANRS Narval actuellement en cours. Une étude prospective réalisée chez des sujets en situation d’échec thérapeutique montre cependant que l’existence d’un phénotype sensible au moment du changement thérapeutique représente une bonne valeur prédictive d’une réponse virologique prolongée, avec une réponse d’autant meilleure que le virus était sensible sur le test phénotypique aux trois antirétroviraux prescrits (M. Saag et coll., Birmingham, États-Unis [LB17]). Toxicités médicamenteuses D.E. Boxwell et coll. (Rockville, États-Unis [1284]) ont rapporté un total cumulé de 60 cas d’acidoses lactiques, notifiés à la Food and Drug Administration, sous associations d’analogues nucléosidiques (d4T + 3TC : 36, d4T + ddI : 9, AZT+ ddI : 7, AZT + 3TC : 7, AZT + d4T : 1) venant s’ajouter aux 46 cas déjà décrits avec un seul analogue nucléosidique (AZT : 41, ddI : 2, d4T : 1, 3TC : 2). Une analyse portant sur 36 cas survenus sous d4T + 3TC montre une mortalité atteignant 55 % des cas. Les auteurs ont décrit des symptômes, précédant de 1 à 6 semaines la survenue de l’acidose lactique, incluant nausées, vomissements, douleurs abdominales, perte de poids, malaise, dyspnée. Les mêmes symptômes, diversement associés avec une fatigue anormale ou une dyspnée d’effort, existant malgré un traitement antirétroviral efficace, sont retrouvés dans l’étude de L. Maulin et coll. (Tourcoing, France [1285]) qui décrit la survenue de 11 cas d’hyperlactatémies symptomatiques en 18 mois dans une cohorte de 867 sujets traités, soit une incidence de 0,84 % par an, et atteignant 1,38 % par an des sujets traités par une association comportant d4T. Plusieurs arguments étayaient un dysfonctionnement mitochondrial, en particulier une chute marquée de l’activité du complexe IV de la chaîne respiratoire mitochondriale dans deux biopsies musculaires sur trois. Un dosage du taux de lactates artériels, réalisé devant des symptômes anormaux, pourrait permettre un diagnostic précoce, évitant la survenue d’une acidose lactique potentiellement mortelle. Y. Gérard Nouveaux antirétroviraux Les traitements antirétroviraux actuels trouvent leurs limites dans leur puissance insuffisante, leurs effets secondaires, des problèmes de pharmacocinétique nécessitant des prises fréquentes, et donc des risques de mauvaise observance et, enfin, l’induction de résistances. La recherche de nouvelles molécules reste donc une priorité. La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIV - n° 10 - décembre 1999 C A A C 9 9 L’émivirine est un analogue nucléosidique développé par Triangle Pharmaceuticals qui fonctionne comme un inhibiteur non nucléosidique. Elle a été étudiée à différentes doses en association avec la stavudine et la didanosine chez 196 patients naïfs ou peu prétraités (D. Johnson et coll., Johannesbourg, Afrique du Sud [502]). L’analyse en intention de traiter montre qu’après 24 semaines, 52-64 % des patients ont < 400 copies/ml d’ARN plasmatique selon la dose étudiée, et 38-54 % ont < 50 copies/ml. Les effets secondaires les plus fréquents sont des nausées, des céphalées, des troubles neurologiques centraux rappelant ceux de l’éfavirenz. En outre, 2 rashes de grade 3 ont été observés, mais aucun de grade 4. Dans un autre travail (B. Mc Creedy, Durham, États-Unis [1173]), les mutations de résistance sélectionnées par l’émivirine ont été étudiées chez 23 patients. Plusieurs combinaisons de mutations étaient retrouvées, impliquant le plus souvent les codons 101,103, 108, 181, 190. Seuls les virus mutés au codon 103 étaient résistants à tous les autres INNTI commercialisés. La dOTC est un INTI proche de la 3TC qui a été étudiée en monothérapie en phase I/II à différents dosages chez 48 patients (R. Wood et coll., Le Cap, Afrique du Sud [503]). Après 8 jours, la baisse de charge virale plasmatique était de -1,06 à -1,36 log selon le dosage. Tous les patients recevant 300 mg deux fois/j atteignaient une baisse d’au moins 1 log ou un titre < 400 copies/ml. Le diaminopurine dioxolane (DAPD) est un INTI actif contre le VIH et le VHB, qui est transformé in vivo en dioxolane guanine (DXG). Les travaux disponibles in vitro montrent que cette molécule peut sélectionner des mutants L74V ou K65R (J. Mewshaw et coll., Durham, États-Unis [924]). En revanche, les isolats cliniques résistants à la zidovudine et/ou à la 3TC y restent sensibles, ainsi que certains isolats multirésistants aux INTI. De plus, les isolats porteurs de la mutation K103N ont une sensibilité accrue au DXG. Si ces données se confirment in vivo, le DAPD pourrait prochainement prendre une place de choix dans les échappements thérapeutiques. Le GW420867X est un INNTI de nouvelle classe (quinoxaline) qui possède une demi-vie de 50 heures. Il a été administré chez 45 patients naïfs à différentes doses, d’abord en monothérapie puis, après une semaine, en association à la zidovudine et la 3TC (K. Arasteh et coll., Berlin, Allemagne [504]). La baisse de la charge virale au septième jour de la monothérapie était de -1,5 log. Les effets secondaires étaient ceux des INNTI, avec des rashes dans 15 % des cas. L’amprénavir est la dernière antiprotéase disponible, mais son utilisation est limitée par la taille et la quantité des gélules à absorber. C’est pourquoi une prodrogue de l’amprénavir est en développement. Parmi les différentes formulations de cette prodrogue, le sel calcique appelé GW433908 a une aire sous la courbe (ASC) et une Cmax proches de celles obtenues avec l’amprénavir lui-même, laissant présager la possibilité d’administrer cette molécule en deux prises de 3 à 4 gélules de taille convenable (C. Falcoz et coll., Greenford, Royaume-Uni [918]). Plusieurs travaux effectués in vitro ont été rapportés sur le TAK779, molécule antagoniste de la fixation de RANTES au corécepteur CCR5. Ce produit présente une activité anti-VIH et n’a 493 I C A A C 9 9 pas d’effet sur la fixation des chimiokines aux récepteurs CCR1, CCR3, CCR4, ou CXCR4 (M. Baba et coll., Kagoshima, Japon [914]). Après administration intraveineuse chez le rat, sa demivie plasmatique est de 8,7 heures et sa demi-vie dans le tissu lymphoïde ganglionnaire de 22,9 heures. Des données in vivo chez le patient infecté par le VIH seront nécessaires afin de déterminer si cette approche peut avoir une réelle efficacité en clinique, certaines autres équipes ayant montré que les souches virales qui utilisent préférentiellement le corécepteur CCR5 peuvent en utiliser un autre si celui-ci n’est pas disponible. En marge de ces nouveaux développements en thérapie antirétrovirale, il faut signaler les travaux effectués sur l’acide mycophénolique. Cet immunosuppresseur actuellement utilisé dans les greffes d’organes n’a pas d’activité anti-VIH propre mais montre, à des concentrations bien plus faibles que celles nécessaires en transplantation, une très importante synergie avec l’abacavir ou la didanosine (D.M. Margolis et coll., Baltimore, États-Unis [690]). L’effet est additif avec la 3TC et la ddC. En revanche, le produit est antagoniste avec la zidovudine et la stavudine. En présence de mutations aux codons 184, 74, 41, 67, 215, l’acide mycophénolique “restaure la sensibilité” des souches à l’abacavir. Même en présence d’une mutation au codon 151 de multirésistance, cette molécule accroîtrait de façon importante la sensibilité des isolats viraux. Co-infections VIH/VHC Depuis que le traitement antirétroviral permet d’espérer un accroissement substantiel de la durée de vie des patients infectés par le VIH, la prise en compte des pathologies associées comme l’infection à VHC se généralise. Une étude multicentrique française a été effectuée sur la base du DMI2 (L. Piroth et coll., Dijon, France [99]) et semble montrer que les patients co-infectés par le VIH et le VHC ont une évolution plus sévère de leur infection à VIH. Ces résultats, qui vont à l’encontre d’autres travaux déjà publiés sur ce sujet, méritent confirmation. Sur le plan thérapeutique, nous avons retenu deux études qui ont utilisé l’association interféron alpha + ribavirine. Dans un premier travail (A.O.L. Landau et coll., Paris, France [104]), l’interféron alpha a été administré à la dose de 3 MUII, 3 fois par semaine, avec de la ribavirine (500-600 mg, 2 fois/j) à 20 patients co-infectés. Leur taux moyen de CD4 de départ était de 350 cellules/mm3 et 85 % recevaient des antirétroviraux. Tous étaient naïfs de ribavirine et 4 avaient déjà reçu de l’interféron alpha. À 6 mois, la moitié des patients avaient un taux d’ARN plasmatique du VHC indétectable, avec une meilleure réponse pour les génotypes 3a (100 %) par rapport aux 1a (37,5 %). De fait, la réponse du VHC à la bithérapie de ces patients co-infectés rejoignait celle de la monothérapie par interféron alpha chez les patients infectés seulement par le VHC, et restait inférieure à la réponse à la bithérapie observée chez ces derniers patients. L’autre étude a porté sur 21 patients VIH+ et VHC+ (D. Dieterich et coll., New York, États-Unis [105]) et a comparé la monothérapie par interféron alpha à la bithérapie. Il en résulte que la monothérapie est relativement inefficace alors que la bithérapie produit une baisse conséquente de l’ARN du VHC. Dans le groupe bithérapie, à la différence de la monothérapie, on observait en outre une baisse des CD4 (d’une moyenne de 529/mm3 au départ à 277/mm3 après 3 mois) et une incidence importante d’anémies (23,8 %), avec nécessité de prescription d’érythropoïétine. Par contre, aucune évolution défavorable de l’ARN plasmatique du VIH n’était constatée dans aucun des groupes. Les résultats d’autres études en cours sont attendus avec impatience afin de déterminer les indications actuelles du traitement par interféron alpha + ribavirine de l’infection à VHC chez les patient VIH+, dans l’attente de molécules plus efficaces. A. Lafeuillade Annonceurs Antibioform’2000, p. 460 ; BAYER DIAGNOSTICS (Quantiplex), p. 438 ; DUPONT PHARMA (Sustiva), p. 504 ; GLAXO WELLCOME (Ziagen, encart de 8 pages [Retrovir, Epivir, Combivir, Ziagen] placé entre les pages 470 et 471), pp. 454-455 ; PRODUITS ROCHE (Viracept), p. 499 ; ROUSSEL DIAMANT (Rulid), p. 473 ; SMITHKLINE BEECHAM (Institutionnelle ICAAC, Augmentin), pp. 461-462, p. 483. 494 La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIV - n° 10 - décembre 1999