I- INTRODUCTION, GENERALITES
[d’après T. Soussi (7)]
La formation dune tumeur résulte d’un
déséquilibre entre des facteurs stimulant la
division cellulaire, et des facteurs inhibant la
division cellulaire.
Ce déséquilibre est en relation avec des
mutations des gènes controlant ces diff é r e n t s
facteurs. Dans la majorité des cas, ces
modifications de l’ADN passent inaperçu, car
des mécanismes réparateurs corrigent ces
défauts. rarement, ces mutations peuvent
atteindre et modifier la structure dun gène
contrôlant la multiplication cellulaire.
La mutation peut modifier un facteur
stimulateur de la prolifération cellulaire en
amplifiant ses propriétés activatrices. Dans ce
cas, la cellule se trouve perpétuellement en
multiplication, car stimulée de façon anormale
par le facteur muté. Les gènes susceptibles de
subir ce type de modifications sont appelés
des proto-oncogènes, car ils sont convertis en
oncogènes par des mutations qui leur
confèrent un phénotype dominant.
La mutation peut inactiver un facteur
inhibiteur de la division cellulaire. Dans ce
cas la cellule perd l’un de ses freins, et se
multiplie sans possibili de sarrêter. Les
gènes susceptibles de subir ce type de
modifications sont nommés anti-oncogènes,
ou gènes suppresseurs de tumeur. Le mode
d’action des gènes suppresseurs de tumeur est
récessif, les deux allèles de ce gène doivent
être inactivés pour que la mutation se
manifeste.
Ce sont les modifications de ces deux
catégories de gènes, proto-oncogènes et gènes
suppresseurs de tumeur qui transforment une
cellule normale en cellule cancéreuse.
Cette transformation nest pas due à une seule
mutation, mais cest un l’aboutissement dun
processus dynamique de cascades
dévènements génétiques provenant de la
modification de plusieurs proto-oncogènes ou
de gènes suppresseurs de tumeur, ou des deux à
la fois.
Actuellement plus de 50 proto-oncogènes ont
été identifiés. Les gènes suppresseurs de tumeur
connus sont moins nombreux, et 3 ont é
caractérisés avec certitude: le gène du
rétinoblastome Rb, situé sur le bras court du
chromosome 13 (13q), le gène DCC (deleted in
colorectal carcinoma), situé sur le bras long du
chromosome 18 (18p), et le gène de la p53 situé
sur le bras court du chromosome 17 (17q).
SEROLOGIE p53 DANS LES TUMEURS DE VESSIE
F. DESGRANDCHAMPS (1), T. SOUSSI (2)
1- Service d’urologie, Pr. A. LE DUC, hôpital Saint-Louis, Paris
2- Unité 301 INSERM, Institut de Génétique Moléculaire, Paris
61
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p53 NORMALE
Le gène de la p53 code pour une protéine de
53 000 daltons.
C’est une protéine nucléaire.
Cest une protéine ubiquitaire, présente dans
tous les tissus normaux étudiés, mais à des
taux intra-cytoplasmiques très faibles.
Sa demi-vie est de 15 minutes.
Son rôle exact reste à définir, mais elle agit au
moment de l’entrée de la cellule dans la phase
de synthèse dADN en bloquant la division
cellulaire. C’est le “gardien du génôme”, dont
le rôle, en bloquant la division cellulaire, est
de permettre dattendre que déventuelles
altérations du génôme puissent être réparées,
en évitant ainsi la multiplication clonale de la
cellule mutée.
p53 MUTEE
Dans la plupart des cas, la mutation ne change
qu’un seul des 20 000 nucléotides du gène, et
la protéine p53 synthétisée ne possède
généralement quun acide aminé modifpar
rapport à la protéine normale.
Le mode daction des gènes suppresseurs
étant récessifs, pour que cette mutation
sexprime, il faut, soit que les deux allèles
soient mutés, soit que l’autre allèle soit perdu,
par perte du bras court du chromosome 17
homologue. Cette perte dallèle sappelle la
perte d’hétérozygotie du chromosome 17.
La protéine mutante perd sa capacité d’inhiber
la division cellulaire
La protéine mutante a une demi-vie
augmentée en rapport avec un changement de
conformation, passant de 15 minutes à 4 voire
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12 heures. Laugmentation de la demi-vie se
traduit par une accumulation intra-nucléaire
de la protéine.
p53 ET CARCINOGENESE HUMAINE
Le gène p53 est altéré dans tous les types de
cancers humains étudiés à ce jour.
Le type de mutation est variable d’un cancer à
lautre, mais leur fréquence tous cancers
confondus est élevée, entre 40 et 45% de tous
les cancers.
La majorité des mutations est regroupée dans
4 régions du gène, correspondant à 4
domaines de la protéine hautement conservés
au cours de l’évalution.
3 mécanismes de mutation sont possibles
Des mutations dites naturelles, ou
spontanées
• Des mutations induites par des carcinogènes
physiques ou chimiques
Des mutations héréditaires, altérations
germinales du gène p53, syndrome de Li-
Fraumeni, où lalle muté se transmet de
façon mendelienne. Les sujets hétérozygotes
ont une copie du gène muté dans chacune de
leurs cellules souches, et ont une forte
probabili de développer un cancer (50%
avant 30 ans, 90% avant 70 ans), dans le tissu
tumoral, la copie du gène normal ayant é
délétée.
METHODES D’ETUDE DES
MUTATIONS DE LA p53
Il existe 3 méthodes d’approche des mutations
de la p53
1- L’amplification et le sequençage du gène,
qui est une technique lourde. Une approche
indirecte peut être utilisée par la mise en
évidence de la perte dhétérozygotie du bras
court du chromosome 17.
2- L’analyse immunohistochimique avec des
anticorps monoclonaux anti-p53. La mise en
évidence de la mutation est indirecte, se
traduisant par une accumulation de la protéine
dans les noyaux des cellules mutées.
3- Lanalyse séro l o g i q u e (1), qui repose sur
la mise en évidence dans le sérum des patients
dauto-anticorps anti-p53. Cest également
une technique indirecte, qui repose sur le fait
que la protéine normale est intra-nucléaire,
non reconnue par le sysme immunitaire.
Lorsque mutée elle saccumule dans les
cellules, elle se trouve au contact du système
immunitaire, soit par nécrose tumorale, soit
par translocation à la surface des cellules. ce
contact se traduit par la formation dauto-
anticorps qui peuvent être mis en évidence en
routine par technique Elisa.
II- MUTATIONS p53 DANS LES
TUMEURS DE VESSIE
- La perte dhétérozygotie du 17p est
constatée dans environ 60% des tumeurs de
vessie étudiées (6). Sur de courtes séries, il
semble que les mutations p53 soient plus
fréquentes dans les tumeurs infiltrantes (2), et
plus fréquente dans les tumeurs de haut grade
(3), mais la fréquence des mutations du gène
p53 en cas denvahissement ganglionnaire
reste discutée (2-6).
- Létude immunohistochimique des
mutations p53 peut avoir des implications
cliniques.
Environ 50% des tumeurs de vessie ont une
positivité en immunohistochimie (8). Pour le
tumeurs pT1, cette positivité pourrait être un
facteur pronostic de progression indépendant
du grade, avec 20,5% de progression par an si
plus de 20% des cellules sont positives, contre
2,5% de progression par an si moins de 20%
des cellules sont positives (5). En cas de
carcinome in situ, la positivité en
immunohistochimie est constatée dans 48%
63
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des cas (4). Dans cette étude de 33 cas et avec
un recul médian de 124 mois, l’importance du
marquage, exprimé par un marquage de plus
de 20% des cellules est aussi un facteur
indépendant de progression tumoral, lié
également au risque de décès par tumeur.
- L’approche sérologique des mutations p53
dans les tumeurs de vessie a été étudiée
grâce à la collaboration de Thierry Soussi
et du sous-comité des tumeurs de vessie
infiltrantes du CCAFU.
Matériel et méthode: Il sagit dune étude
prospective de 98 patients, 77 hommes et 21
femmes de 67 ans dâge moyen (de 38 à 93
ans), ayant une tumeur de vessie. La sérologie
p53 a été déterminée au moment du traitement
de la tumeur, et pour 53 de ces patients, une
étude immunohistochimique de la tumeur a pu
être assoce (Dr. A. Bénali). Les données
cliniques de tous ces patients ont été
rassemblées, et tous les patients ayant une
tumeur bénigne ou maligne d’une autre
localisation, dans leurs ancédents ou
découverte au cours du suivi, ont été éliminés.
Le recul clinique moyen est de 7 mois (de 1 à
13 mois).
La répartition en fonction du stade tumoral est
indiquée dans le tableau 1
Parmis ces patients, 6 ont des métastases
ganglionnaires connues (5N1 et 1 N2), 33
n’ont pas de métastase ganglionnaire, et pour
30 patients, l’état des ganglions est
indéterminé (pas de curage ganglionnaire).
Dans 21% des cas, la tumeur est de grade I,
dans 34% de grade II, et dans 45% de grade III.
RÉSULTATS
La sérologie p53 est positive dans 23% des
cas, et l’immunohistochimie dans 64% des cas.
La positivité de l’immunohistochimie a été
appréce en 4 catégorie en fonction du
nombre de cellules marquées, et de l’intensité
du marquage:
Catégorie 1 (++) à (++++), et >50% des
cellules: 15% des patients
Catégorie 2 (+) à (+++), et de 10 à 50% des
cellules: 21% des patients
Catégorie 3 (+) à (++), et de 1 à 10% des
cellules: 35% des patients
Catégorie 4 (+) à (++), et cellules isolées: 0%
des patients
La catégorie 5 correspond à l’absence de
marquage: 29% des patients.
Pour les analyses statistiques, les catégories 1
et 2 ont été regroupées en positif, et les
catégories 3, 4 et 5 en négatif.
La répartition en fonction du stade tumoral est
représentée dans le tableau 2
64
Tableau 1
pT n %
pTA 29 30
pT1 11 11
pT2 13 13
pT3a 11 11
pT3b 25 26
pT4 9 9
Total 98 100
SEROLOGIE p53 CHEZ PATIENTS AYANT UNE
TUMEUR DE VIESSIE
77%
23%
Positive
Négative
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Il existe une relation significative (Chi-2) entre
le stade tumoral et la positivité de la sérologie
p53 (p = 0,03), et le stade tumoral et la
positivité de l’immunohistochimie (p = 0,0001).
La sérologie n’est pas liée au grade (p = 0,99),
ni à l’envahissement ganglionnaire (p = 0,41).
Limmunohistochimie est liée au grade (p =
0,001), mais nest pas liée à l’envahissement
ganglionnaire (p = 0,42).
Il ny a pas de relation significative entre la
positivité de la sérologie et celle de
l’immunohistochimie (p = 1). Cette absence
de relation peut être en rapport avec des types
de mutations p53 différentes.
Avec un recul de 7 mois, 32% des patients ont
récidivé, et 13% sont morts. Dans cette étude,
le risque de récidive ou de décès n’est lié, ni à
la sérologie, ni à l’immunohistochimie.
CONCLUSION
D’après les donnés de cette étude
préliminaire, la positivité de la sérologie p53
ne concerne environ que 20% des patients
ayant une tumeur de vessie. Il semble que la
sérologie p53 ne soit pas un élément
pronostic. La seule utilité clinique potentielle
de la sérologie p53 dans les tumeurs de vessie
ne pourra donc être qu’un potentiel marqueur
tumoral évolutif, ce qui devra être montré par
un un suivi sérologique des patients.
Ont participé à cette étude, les centres de :
BICETRE: G. BENOIT
CMC CHOISY: D. PRAPOTNICH
GRENOBLE: JJ. RAMBEAU
LYON: JM. MARECHAL
NIMES: N. MOTTET
PONTOISE: P. COLOBY
SAINT-LOUIS:
F. DESGRANDCHAMPS, P. TEILLAC
TOULOUSE: P. PLANTE
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Tableau 2 :
Sérologie p53 Immuno-
positive (%) histochimie p53
positive (%)
pTA 28% 17%
pT1 27% 57%
pT2 23% 100%
pT3a 0% 20%
pT3b 16% 29%
pT4 56% 33%
REPARTITION DES PATIENTS EN FONCTION DU
STADE TUMORAL
SEROLOGIE ET IMMUNOHISTOCHIMIE P53
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