Des pathologies coliques
électives du sujet âgé
Certaines maladies coliques surviennent
de façon élective chez le sujet âgé. Il
s’agit du syndrome d’Ogilvie (5) et du
volvulus du côlon sigmoïde (6).
Le syndrome d’Ogilvie réalise une dila-
tation aiguë limitée au côlon sans obs-
tacle mécanique. Sa physiopathologie
n’est pas clairement élucidée, mais il
survient dans certaines situations cli-
niques favorisantes : hypokaliémie qu’il
conviendra de corriger, maladies neu-
rologiques, insuffisance cardio-respira-
toire, médicaments (neuroleptiques,
clonidine, inhibiteurs calciques). Ainsi,
le syndrome d’Ogilvie survient électi-
vement chez la personne âgée hospita-
lisée en neurologie et grabataire ou en
réanimation pour décompensation car-
dio-respiratoire. La clinique est assez
stéréotypée associant une distension
diffuse et douloureuse de l’abdomen,
sans fécalome au toucher rectal. La
radiographie d’abdomen sans prépara-
tion reste l’examen diagnostique clé,
confirmant la distension colique dif-
fuse ; elle est également pronostique en
montrant parfois des signes de gravité
(pneumopéritoine, colectasie) devant
conduire à la colectomie en urgence. Le
lavement aux hydrosolubles permet,
dans les formes non compliquées, d’éli-
miner un obstacle colique, en particu-
lier un cancer colo-rectal et un volvu-
lus du sigmoïde. Il peut être aussi un
traitement efficace du syndrome
d’Ogilvie. Après échec des mesures
symptomatiques (réhydratation, cor-
rection d’une hypokaliémie, aspiration
digestive, etc.), la néostigmine à la dose
de 2 mg i.v. en 3 minutes, éventuelle-
ment répétée après 2 heures, peut être
utilisée en l’absence de contre-indica-
tion habituelle, sous scope (risque de
bradycardie et d’hypotension), en sur-
veillant la fonction respiratoire (risque
de bronchospasme), et en ayant à por-
tée de main de l’atropine en cas de com-
plication. La colo-exsufflation avec pose
de sonde de Faucher est à réserver aux
échecs des traitements précédents.
La constipation chronique et la baisse de
la motilité colique sont les principaux
facteurs favorisants du volvulus du sig-
moïde dans les pays industrialisés, ce
qui explique que le volvulus du côlon
sigmoïde soit vingt fois plus fréquent
chez le sujet âgé. Ainsi, dans une étude
rétrospective irlandaise sur 16 patients,
l’âge moyen des malades était de 78 ans
avec un sex-ratio homme/femme de 5.
Les facteurs favorisants retrouvés étaient
dans cinq cas une maladie neurologique
et trois fois une hypokaliémie. La cli-
nique est assez stéréotypée associant des
douleurs coliques, une distension abdo-
minale diffuse avec, au lavement aux
hydrosolubles, l’aspect typique en bec
d’oiseau avec absence d’air au sein du rec-
tum. Le traitement idéal consiste en une
chirurgie élective par sigmoïdectomie,
parfois précédée d’une décompression
colique endoscopique salvatrice. En effet,
le traitement habituellement préconisé
par décompression endoscopique exclu-
sive expose à un taux de récidive de plus
de 90 % et à une mortalité de plus de
35 %.
L’âge, un facteur favorisant
de certaines maladies
coliques
Pour d’autres pathologies coliques,
comme le polype adénomateux et le can-
cer colique (lire chapitre “La patholo-
gie tumorale”), la colite isché
mique, la
diverticulose colique et l’angio
dysplasie
colique, l’âge est un facteur favorisant
reconnu.
La colite ischémique, comme toutes les
maladies cardiovasculaires, est plus fré-
quente après 75 ans, représentant envi-
ron une hospitalisation sur 2 000. Mise
à part la colite ischémique survenant
dans près de 60 % des cas après rupture
d’anévrisme de l’aorte, l’origine phy-
siopathologique en est souvent multi-
factorielle : athérome, médicaments
(digitaliques, AINS, etc.), diabète, obs-
truction colique sur fécalome, etc. Le
diagnostic repose sur la coloscopie avec
biopsies ou sur la tomodensitométrie
abdominale dans les formes atypiques
ou très sévères avec pneumopéritoine.
Le traitement reste identique quel que
soit l’âge, symptomatique dans les
formes non gangreneuses, et il est alors
utile d’éliminer une colite infectieuse
ou inflammatoire. Il reste chirurgical dans
les formes gangreneuses, le pronostic
n’étant pas obéré par l’âge mais par
l’extension de la colite et les comorbi-
dités associées (7).
La diverticulose colique est rare avant
40 ans, sa fréquence augmentant avec
l’âge pour atteindre plus de 66 % des
patients après 80 ans, expliquant la fré-
quence élevée des complications (diver-
ticulite, hémorragie diverticulaire) chez
le sujet âgé (8-10). Le diagnostic de
diverticulite repose sur le scanner, tou-
jours préférable au lavement aux hydro-
solubles qui ne permet pas le diagnos-
tic d’abcès. La diverticulite est également
plus sévère chez le sujet âgé avec un
risque important de péritonite généra-
lisée, ce qui explique en grande partie
l’augmentation de la mortalité chez le
sujet âgé (17 % après 65 ans versus
6 % avant 65 ans) (8). Dans les formes
non sévères, le traitement doit rester
médical, associant un jeûne strict et une
antibiothérapie adaptée. Le recours à la
chirurgie doit être prudent et ne sera
préconisé que dans les formes sévères
ou en cas d’échec du traitement médi-
cal. L’hémorragie digestive est cinq fois
plus fréquente chez le sujet âgé et tou-
jours cause d’une mortalité élevée de
10 % du fait de comorbités importantes
après 75 ans (10). L’hémorragie diver-
ticulaire explique plus de 40 % des causes
d’hémorragies digestives basses chez le
sujet âgé. L’angiodysplasie colique, habi-
tuellement localisée à droite, même si
sa fréquence est élevée chez le sujet âgé
(deux tiers des sujets après 75 ans du
fait de l’association quasi constante à des
maladies cardiovasculaires), ne repré-
sente que la deuxième cause avec seule-
ment 3 à 12 % des cas d’hémorragie
digestive basse ; son traitement repose
sur sa destruction endoscopique, par
plasma argon, par exemple (10). L’in-
cidence réelle de l’hémorragie diverti-
culaire est difficile à évaluer dans la lit-
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Le sujet âgé
Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (17), n
os
8-9, nov.-déc. 2003
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