Seul, naturellement des temps de crises comme ceux que vit le Vieux continent depuis
2007-2008 provoquent une telle interrogation : Qui décide ? Sachant que l'on se trouve
en démocratie, et qu'en démocratie, c'est le peuple et les suffrages qui décident.
Mais le problème de l'Europe, exacerbé par la crise économique et sociale avec des
taux de chômage supérieurs à 20% en Espagne, en Grèce et au Portugal et supérieur à
10% en Italie, en France et en Irlande, est illustré par les transferts de souveraineté au
profit de Bruxelles, sachant que l'Europe existe pour éviter les conflits meurtriers, les
guerres comme celles de 14-18 ou de 39-45.
Paradoxalement, la construction européenne mise sur les rails à partir des années 50
pour assurer paix et prospérité au Vieux continent a entrainé de nécessaires transferts de
souveraineté, devenus aujourd'hui les boucs émissaires des problèmes économiques et
sociaux du continent.
Ancien chef du gouvernement irlandais, Berty Ahern rappelle les énormes problèmes
vécus en Irlande depuis la crise économique : des plans d'ajustement, des missions de
la troïka, FMI-Banque mondiale et UE en visites à répétition à Dublin, du chômage, une
chute du marché immobilier dans un pays à la mémoire historique fortement marquée par
l'émigration et les guerres de religion. «Et comme si cela ne suffisait pas, souligne B.
Ahern, nos voisins et partenaires européens vivaient des situations similaires».
«Le plus grave dans un processus de crise, indique B. Ahern qui a gouverné à Dublin
au cœur de la crise financière, ce sont les rêves et les ambitions des gens qui sont
cassés». La première conséquence souligna-t-il est que «les gens sont convaincus que
les décisions politiques prises à Dublin ne sont pas les plus importantes. Dublin n'existe
que pour faire ce que Bruxelles dit et pour anticiper sur les désidératas des marchés».
C'est un fait, mais les peuples ont la mémoire courte parfois. Intégration et union
signifient renoncements à des parts de souveraineté purement nationale.
Marchés interconnectés
Pour la députée européenne et ancienne présidente du parlement européen Rodi
Kratsa (Grèce), il est clair que «les marchés financiers ont gagné en importance avec la
crise car ils décident de l'agenda politique». «Dans la crise, poursuit-elle, les marchés
financiers sont allés plus vite et ils ont attaqués l'euro, la monnaie unique, le symbole de
la souveraineté (déjà) partagée, pour faire plier les politiques». Conclusion préliminaire
de la députée grecque, tout comme celle du ministre irlandais auparavant : «Une
question nationale, économique ou financière, devient internationale car les marchés
sont interconnectés. «Du coup, ajoute l'élue grecque, la responsabilité des élus et du
peuple entre en jeu».
Pour l'actuel ministre des Affaires étrangères tchèque et ancien Chef du gouvernement
à Prague, Cyril Svoboda, «les Européens et les Etats-Unis croient qu'ils sont toujours
des pouvoirs dominants, mais cela n'est plus vrai. «Le monde est post-américain
mais aussi post-européen», comprendre par là, un monde moins conduit par des
intérêts strictement occidentaux.
Page 2/4