DOSSIER THÉMATIQUE Journée de la FFCD Imagerie fonctionnelle : quid du RECIST ? Functional imaging: quid of RECIST? F. Tranquart*, C.A. Cuenod** Mots-clés Échographie de contraste Imagerie fonctionnelle IRM Imagerie fonctionnelle scanner Keywords Contrast-enhanced sonography Dynamic contrast enhanced MRI Dynamic contrast enhanced CT * Centre d’innovation technologique Ultrasons, CHRU de Tours. ** Service de radiologie, hôpital européen Georges-Pompidou, Paris. Place de l’échographie de contraste Quelle place en oncologie diagnostique et thérapeutique ? La mise en œuvre de méthodes dites d’échographie de contraste reposant sur l’injection d’agents de contraste spécifiques des ultrasons a ouvert la voie à l’imagerie fonctionnelle ultrasonore. Le caractère strictement intravasculaire des agents de contraste ultrasonores en a fait un outil particulièrement adapté à l’étude des modifications vasculaires consécutives à la mise en œuvre de thérapies ciblées. Une corrélation étroite a été rapportée entre les mesures effectuées en échographie de contraste et celles réalisées en imagerie par résonance magnétique (IRM) pour la détermination du débit sanguin tumoral dans un modèle de tumeur chez la souris, quelle que soit la valeur du débit, ainsi qu’une corrélation entre les études IRM et les études PET scan dans un second modèle. Plusieurs études ont rapporté des modifications des paramètres cinétiques en relation avec les traitements ciblés mis en œuvre dont la constante est une diminution de la pente de montée de la courbe de rehaussement ou du nombre de vaisseaux détectés en relation avec l’efficacité de la thérapeutique. Il est surtout à noter que ces variations sont extrêmement précoces dès la mise en œuvre de ces thérapeutiques, sans modifications du volume tumoral initial. Cela rend compte de l’incapacité de l’imagerie morphologique à objectiver de manière précoce une efficacité thérapeutique et, de ce fait, de l’impossibilité de recourir aux critères RECIST pour cette évaluation. Ces modifications précoces de néo-angiogenèse peuvent servir de marqueur pour le suivi des patients sous traitement. Des différences existent entre les traitements mis en œuvre : apparition rapide d’une dévascularisation et nécrose centrale tumorale pour certains traitements (en particulier à base d’antityrosine kinase) ; dévascularisation progressive et inhibition de nouveaux vaisseaux avec nécrose moins marquée et réduction de volume progressive pour d’autres (en particulier à base d’antiVEGF). La seconde observation pourrait expliquer de façon rationnelle le mécanisme d’action de ces agents en ce qui concerne l’effet de renforcement des autres chimiothérapies par une architecture vasculaire plus propice à une meilleure diffusion des drogues utilisées. Le recours à l’échographie de contraste tridimensionnelle est une nouvelle opportunité en évaluation thérapeutique, du fait de la possibilité qu’elle offre d’obtenir en un seul temps le volume tumoral global mais, surtout, les variations de volume de tissu viable et de tissu nécrotique permettant d’appréhender de façon simple et reproductible l’efficacité thérapeutique. Quels sont les paramètres ultrasonores représentatifs de la néo-angiogenèse tumorale ? À partir des courbes de rehaussement de l’agent de contraste au sein des lésions cibles, un certain nombre de paramètres qui tiennent compte soit du temps d’arrivée de l’agent dans la zone d’intérêt, soit, au contraire, de son élimination, et qui sont dépendants des néo-vaisseaux présents et fonctionnels. L’introduction de l’imagerie ultrasonore tridimensionnelle a permis l’acquisition de données parti­ culièrement pertinentes en ce qui concerne le volume tumoral global, mais surtout l’appréciation fine des volumes de tissu viable et non viable en relation avec la prise de contraste dans la zone étudiée. 136 | La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XI - n° 4 - juillet-août 2008 DOSSIER THÉMATIQUE Le suivi à long terme de ces patients par échographie de contraste permet d’appréhender très tôt la rechute via la détection précoce de néo-vaisseaux dans une zone auparavant dévascularisée, autorisant une adaptation thérapeutique immédiate, sans attendre des modifications de volume plus tardives. L’échographie de contraste fonctionnelle est devenue l’élément pivot de la surveillance rapprochée des patients traités par thérapie ciblée, permettant l’objectivation précoce de modifications vasculaires, avant modification de taille, et l’identification précoce des rechutes. Imagerie fonctionnelle par IRM et CT scan Les critères RECIST (Recist Evaluation Criteria In Solids Tumors) sont actuellement les plus utilisés pour l’évaluation morphologique de la réponse aux traitements des cancers solides. D’après ces critères, une variation de la somme des plus grands dia­mètres (SPGD) des lésions cibles d’au moins – 30 % est nécessaire pour considérer que la réponse est objective (réponse partielle et réponse complète). Les patients dont la SPGD augmente de plus de 20 % sont considérés comme “progresseurs” (PD), et ceux entre ces deux catégories sont considérés comme “stables” (SD). Ces critères classiques d’évaluation morphologique sont mal adaptés à l’évaluation de nouveaux traitements antitumoraux. Les traitements antiangiogéniques, par exemple, ne réduisent pas toujours le volume tumoral, mais asphyxient la tumeur en interrompant la néo-angiogenèse et en détruisant la vascularisation tumorale. Ces effets ont été clairement mis en évidence dans les tumeurs stromales gastro-intestinales (GIST) et ne s’accompagnent pas d’une diminution de la taille de la lésion. Imagerie de la microcirculation tumorale par IRM et scanner dynamiques Avec les techniques d’imagerie en coupe, il est possible, grâce à des acquisitions dynamiques (dynamic contrast enhanced MRI [DCE-IRM], dynamic contrast enhanced CT [DCE-CT]), d’analyser les caractéristiques microcirculatoires des tissus. En effet, le signal des tissus après injection varie dans le temps en fonction de la concentration d’agent de contraste, qui dépend elle-même : ➤➤ de la concentration artérielle (volume injecté, débit, circulation veineuse et pulmonaire, fonction cardiaque) ; ➤➤ du réseau capillaire (perfusion, densité vasculaire, fuite capillaire, interstitium). Grâce à l’utilisation de modèles mathématiques et de logiciels dédiés, les paramètres physiologiques de la microcirculation tissulaire sont calculés en chaque point des images. Il est ainsi possible non seulement d’analyser la néo-angiogenèse tumorale sous la dépendance des facteurs de croissance (VEGF, PDGF, etc.) qui entraîne des modifications majeures du réseau capillaire des tumeurs, mais également d’étudier les modifications de la microcirculation induites par les traitements antitumoraux (chimiothérapie, radiothérapie, thérapies ciblées, etc.). L’imagerie de la microcirculation permet ainsi le suivi des tumeurs de manière non invasive. Elle a le potentiel (comme en cas de métastases de cancer du rein) de prédire avant traitement quel patient sera répondeur, de préciser dès le début du traitement quel patient est effectivement répondeur et de détecter, lors du suivi, les patients qui échappent. En pratique, l’étude de la microcirculation tumorale est réalisée au cours de l’examen morphologique classique par scanner ou IRM. Une “cible fonctionnelle” est choisie par l’investigateur. Cette cible doit être de taille supérieure à 1,5 cm sans être trop volumineuse (pour éviter la présence d’une importante nécrose centrale) ; elle est considérée comme représentative des autres lésions. Une acquisition dynamique centrée sur cette cible fonctionnelle est obtenue pendant 90 s à 10 mn selon les protocoles lors de l’injection rapide d’un bolus d’agent de contraste. Puis l’examen morphologique classique est réalisé, avec, au besoin, une injection complémentaire d’agent de contraste. Les séquences dynamiques sont analysées à l’aide de logiciels dédiés qui, selon les modèles utilisés, fournissent différents paramètres microcirculatoires tels que le débit de perfusion tissulaire, le volume sanguin tissulaire, la perméabilité tissulaire, un coefficient de transfert (Ktrans) et le volume interstitiel. Selon les types tumoraux et les traitements utilisés, les paramètres sont modifiés de façons différentes. Il est nécessaire d’évaluer et de caractériser les réponses spécifiquement pour chaque situation avant de pouvoir utiliser la technique en pratique clinique. L’industrie pharmaceutique utilise de plus en plus cette imagerie fonctionnelle pour sélectionner les nouvelles molécules et optimiser les schémas thérapeutiques. Si les critères classiques d’évaluation morphologique ne paraissent pas adaptés à l’évaluation et au suivi des nouvelles thérapeutiques ciblées, l’imagerie fonctionnelle (DCE-IRM et DCE-CT), en quantifiant les paramètres microcirculatoires, apporte des compléments d’information plus appropriés. ■ Pour en savoir plus… ✔✔ Bertolotto M, Pozzato G, Crocè LS et al. Blood flow changes in hepatocellular carcinoma after the administration of thalidomide assessed by reperfusion kinetics during microbubble infusion: preliminary results. Invest Radiol 2006;41:15-21. ✔✔ Lamuraglia M, Escudier B, Chami L et al. To predict progression-free survival and overall survival in metastatic renal cancer treated with sorafenib: pilot study using dynamic contrast-enhanced Doppler ultrasound. Eur J Cancer 2006;42:2472-9. ✔✔ Lassau N, Lamuraglia M, Chami L et al. Gastrointestinal stromal tumors treated with imatinib: monitoring response with contrast-enhanced sonography. AJR Am J Roentgenol 2006;187:1267-73. ✔✔ Lucidarme O, Kono Y, Corbeil J et al. Angiogenesis: noninvasive quantitative assessment with contrast-enhanced functional US in murine model. Radiology 2006;239:730-9. ✔✔ Pollard RE, Broumas AR, Wisner ER et al. Quantitative contrast enhanced ultrasound and CT assessment of tumor response to antiangiogenic therapy in rats. Ultrasound Med Biol 2007;33:235-45 ✔✔ Yankeelov TE, Niermann KJ, Huamani J et al. Correlation between estimates of tumor perfusion from microbubble contrast-enhanced sonography and dynamic contrast-enhanced magnetic resonance imaging. J Ultrasound Med 2006;25: 487-97. La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XI - n° 4 - juillet-août 2008 | 137