Leptine et reproduction Leptin and reproduction M. Caprio* points FORTS ▲ La leptine est une protéine de 16 kDa, produite principalement par le tissu adipeux blanc. ▲ La leptine circule dans le sang en concentrations proportionnelles à la masse grasse et agit comme facteur anorexigène au niveau hypothalamique. ▲ Le récepteur de la leptine (Ob-R) appartient à la famille des récepteurs des cytokines. Il existe sous différentes isoformes et est principalement exprimé dans l’hypothalamus. ▲ Ob-R est aussi exprimé par les tissus périphériques de l’axe reproductif (hypophyse, ovaire, testicule, surrénale), ce qui suggère que la leptine joue un rôle dans le contrôle de la fonction reproductive à plusieurs niveaux anatomiques. ▲ La souris ob/ob, porteuse d’une mutation homozygote inactivatrice sur le gène de la leptine, est très obèse et infertile. Le traitement avec leptine permet de restaurer une composition corporelle normale ainsi que la fertilité. Cela indique que la leptine est nécessaire dans le contrôle de la reproduction. ▲ Des études in vitro ont montré que la leptine, à concentrations élevées, inhibe directement la stéroïdogenèse ovarienne et testiculaire chez plusieurs modèles animaux. ▲ Dans l’anorexie mentale, une aménorrhée est observée lorsque les taux de leptine circulante sont en dessous d’un certain seuil. ▲ Dans l’obésité, qui est caractérisée par des taux très élevés de leptine circulante, on observe souvent des troubles de la reproduction, notamment une infertilité, un hypogonadisme et des taux réduits de stéroïdes sexuels. ▲ Chez la femme, les taux de leptine sont plus élevés pendant la grossesse, déclinent après l’accouchement et restent bas pendant la lactation, ce qui suggère un rôle important de l’hormone dans ces phases de la vie reproductive. ▲ Des taux de leptine situés dans une fourchette très étroite sont nécessaires pour le bon fonctionnement et le maintien de l’axe reproductif. Mots-clés : Leptine – Stéroïdes sexuels – GnRH – Testicule. C hez les mammifères, la fonction reproductive est strictement dépendante des disponibilités énergétiques environnementales. Il est bien connu que des modifications aiguës de l’état métabolique sont capables d’altérer la fonction de l’axe hypothalamo-hypophysogonadique (HHG). Dans plusieurs modèles animaux et chez l’homme, le jeûne et la restriction calorique déterminent la suppression rapide de la sécrétion pulsatile de l’hormone lutéinisante (LH) et l’hormone folliculostimulante (FSH). Un tel mécanisme prévient probablement la dépense d’énergie dans des conditions où le succès reproductif est très improbable. Par ailleurs, le stockage excessif des réserves métaboliques, notamment dans le cas de l’obésité, interfère aussi avec une régulation correcte de l’axe reproductif. Dans le cadre de ces interactions délicates avec l’environnement, l’état métabolique et la fonction reproductive, le tissu adipeux joue un rôle de relais, informant directement les structures cérébrales supérieures des réserves énergétiques disponibles à travers ses produits de sécrétion. La découverte de la leptine et de son récepteur ainsi que l’existence de modèles animaux de déficience ou de résistance à la leptine ont beaucoup apporté à la compréhension des relations entre réserves d’énergie, tissu adipeux et fonction reproductive. Par ailleurs, les centres de contrôle hypothalamiques de l’axe reproductif sont localisés à proximité des centres anatomiques qui contrôlent la faim. Mise au point Mise au point Leptine et récepteur La leptine est une protéine de 16 kDa, produite principalement par le tissu adipeux blanc (1), mais aussi par le placenta (2), l’estomac (3) et le muscle squelettique. Elle est codée par le gène Lep 1, qui comprend trois exons ; sa structure protéique ressemble à celle des cytokines et des hormones lactogènes. La leptine est constituée de 167 acides aminés et circule dans le sang en concentrations proportionnelles à la masse grasse. Elle inhibe l’appétit au niveau hypothalamique à travers son action stimulante sur la production cérébrale de peptides anorexigènes, * INSERM U478, faculté de médecine Xavier-Bichat, Paris. Chaire d’endocrinologie, département de médecine interne, université deTor Vergata, Rome, Italie. 1. La nomenclature officielle pour le gène codant pour la leptine est LEP pour le gène humain et Lep pour son homologue murin. Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 4-5, juillet/octobre 2004 179 Mise au point Mise au point Ob-Rb Ob-Ra EC 816 aa TM 23 aa 303 aa IC Ob-Rc L’existence d’un modèle animal présentant une mutation homozygote inactivatrice du gène Lep, la souris ob/ob, a été fondamentale pour la compréhension des liens entre tissu adipeux et axe reproductif. La souris ob/ob est infertile et présente une interruption majeure de la spermatogenèse, due à une insuffisance hypothalamo-hypophysaire (1). Le traitement par la leptine est capable de restaurer la fertilité dans les deux sexes (8, 9). En revanche, la seule restriction calorique n’est pas capable de rétablir la fonction reproductive, ce qui suggère que l’obésité per se n’est pas la cause de l’infertilité, et que la leptine constitue un facteur nécessaire au contrôle de la reproduction. Par ailleurs, dans un autre modèle, la souris db/db, une mutation du gène Lepr provoque la synthèse d’un récepteur ne comportant plus une large partie de sa portion intracellulaire. La souris db/db présente des troubles de la reproduction tout à fait similaires à ceux de la souris ob/ob, mais le traitement à la leptine est incapable de restaurer sa fertilité. Des mutations inactivatrices des gènes LEP et LEPR, même si elles sont extrêmement rares, ont aussi été mises en évidence chez l’homme ; elles induisent des anomalies très similaires à celles retrouvées chez la souris ob/ob et db/db (10). La mutation homozygote du gène LEP provoque une obésité sévère associée à l’absence de développement pubertaire. Elle se manifeste chez la femme par une aménorrhée primaire, et par des signes cliniques d’hypogonadisme chez l’homme, avec un profil prépubertaire de sécrétion des gonadotrophines. Chez une patiente de 9 ans ayant un déficit congénital en leptine, le traitement par leptine recombinante a été suivi par une perte rapide de poids et de masse grasse, associée au rétablissement de la pulsatilité des gonadotrophines (10). Des résultats analogues ont été récemment obtenus chez trois patients adultes traités par de la leptine recombi- Ob-Re Ob-Rd 805 aa Cassette 1 Cassette 2 His 796 EC 180 Modèles in vivo de déficience, résistance et excès de leptine notamment la pro-opiomélanocortine (POMC) et ses produits de clivage, parmi lesquels la mélanocortine. De plus, elle inhibe l’expression de peptides orexigènes, comme le neuropeptide Y (NPY) et l’Agouti-Related Protein (AgRP) (4). Sa sécrétion est pulsatile et synchronisée avec celle de la LH, montrant un rythme circadien, avec une augmentation nocturne qui atteint son pic entre 1 h et 2 h. Les taux plasmatiques de leptine ne dépendent pas seulement de la masse adipeuse, mais sont aussi contrôlés par des facteurs hormonaux et nutritionnels. La prise alimentaire détermine une élévation rapide des concentrations plasmatiques de leptine (d’environ 40 %) ; en revanche, l’expression du gène Lep et les taux de leptine circulants sont rapidement réduits par le jeûne (5). Sous condition d’équilibre métabolique, les taux sériques de leptine dépendent donc des réserves adipeuses ; cependant, ils varient de façon indépendante de la masse graisseuse pendant les modifications aiguës de la balance énergétique. Le récepteur de la leptine (Ob-R), codé par le gène Lepr, appartient à la famille gp130 des récepteurs des cytokines. Il présente un seul domaine transmembranaire et existe sous différentes isoformes (Ob-Ra, Ob-Rb, Ob-Rc, Ob-Rd, Ob-Re) issues de l’épissage alternatif de l’ARN messager, qui diffèrent entre elles uniquement dans la portion C-terminale (figure 1) (6). Seule l’isoforme Ob-Rb possède un domaine intracellulaire long et transmet le signal par activation de la voie de signalisation Januskinase (JAK-STAT) en activant signal transducer and activator of transcription 3 (STAT-3). Cette isoforme est principalement exprimée dans l’hypothalamus, son taux d’expression étant beaucoup plus faible dans les tissus périphériques, où Ob-Ra est la forme prédominante. Ob-Ra présente un domaine intracellulaire court (< 30 aa) qui n’est pas capable d’activer la voie de signalisation JAKSTAT. Des observations récentes suggèrent que Ob-Ra pourrait activer la cascade des mitogene-activated protein kinase (MAPK) (7). Lys 889 Lys 889 TM Cassette 1 Cassette 2 Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 4-5, juillet/octobre 2004 Figure 1. Représentation schématique des isoformes du récepteur de la leptine. Le gène code pour au moins cinq isoformes connues (Ob-Ra – Ob-Re) par épissage alternatif de l’ARNm. Toutes les isoformes, à l’exception de Ob-Re, ont une structure identique jusqu’à la Lys 889 ; à partir de cette position, les séquences protéiques divergent. Seul Ob-Rb contient les deux cassettes protéiques capables d’activer la cascade JAK-STAT. Ob-Re est identique aux autres isoformes en amont de l’His 796, et possède ensuite neuf acides aminés additionnels. Cette isoforme est probablement de nature soluble. Abréviations : aa : acide-aminé ; EC : extracellulaire ; IC : intracellulaire ; TM : transmembranaire. nante (0,01-0,04 mg/kg pendant 18 mois) : parallèlement à la perte de masse graisseuse, les taux de stéroïdes sexuels circulants ont significativement augmenté (11). De la même façon, des cas de femmes porteuses d’une mutation non-sens du gène LEPR ont été décrits : en plus de l’obésité précoce, et elles ont une absence de caractères sexuels secondaires et une aménorrhée, avec des taux très bas d’estrogènes, de LH et de FSH (12). Ces données indiquent de façon très claire que l’intégrité du système leptine-récepteur est indispensable pour assurer un développement correct de la puberté et une fonction reproductive normale. À la différence des modèles d’obésité monogénique dus à des défauts des gènes LEP et LEPR, les mutations de l’isoforme 4 du récepteur de la mélanocortine (MC4-R), qui joue une rôle fondamental dans les actions inhibitrices de la leptine sur la prise alimentaire, ne modifient pas l’axe reproductif chez la souris (13) et chez l’homme (14). Les caractères sexuels secondaires et la puberté sont normaux, comme le taux circulant de stéroïdes sexuels et de gonadotrophines. Cela indique que la fonction des récepteurs MC4-R n’est pas impliquée dans les effets neuroendocrines de la leptine sur les neurones sécrétant la gonadolibérine (GnRH), et donc sur la fonction reproductive. Afin de tester l’importance de l’activation de STAT-3 par Ob-R sur les fonctions de la leptine, un modèle de souris knock-out pour STAT-3 dans le cerveau a été généré. De façon intéressante, ces souris étaient hyperphagiques, diabétiques et infertiles, comme les souris ob/ob et db/db (15). Dans le même but, d’autres auteurs ont remplacé le gène Lepr par un gène dans lequel la Tyr 1138 avait été remplacée par une sérine. Ce résidu est fondamental pour l’activation de la voie de signalisation JAK-STAT. Les souris porteuses du gène Lepr ainsi muté étaient hyperphagiques et obèses, mais leur capacité reproductive était intacte, contrairement à ce que l’on observe chez les souris knock-out pour STAT-3. Ces données suggèrent que le contrôle hypothalamique de la reproduction effectué par la leptine passe aussi par des voies de signalisation différentes de STAT-3, bien que les mécanismes intracellulaires par lesquelles Ob-R contrôle la fonction reproductive au niveau hypothalamique, restent encore obscurs. La disponibilité d’un modèle murin présentant un taux constamment élevé de leptine a aussi clarifié certains aspects de la fonction de cette hormone. Caractérisée par l’absence de tissu adipeux et par une hyperleptinémie, la souris femelle transgénique skinny présente une accélération de la maturation sexuelle, suivie d’un hypogonadisme avec réduction de sécrétion de GnRH et de LH (16). L’hyperleptinémie in vivo semble donc stimuler le début de la puberté, mais, lorsqu’elle est chroniquement persistante, elle peut aussi inhiber les signaux centraux qui stimulent la fonction reproductive. Il est donc probable qu’il existe plusieurs niveaux et différents seuils d’action de la leptine sur la fonction reproductive. Leptine et sécrétion de gonadotrophines L’isoforme longue du récepteur de la leptine a été localisée principalement au niveau hypothalamique, dans les noyaux arqué et ventromédian, qui contrôlent en même temps la prise alimentaire et le comportement sexuel. Dans ces noyaux, la leptine joue le rôle de médiateur entre les messages périphériques de balance métabolique et la fonction reproductive. Plusieurs données soulignent que la leptine, comme signal de jeûne, est responsable des altérations de l’axe reproductif liées à la sous-nutrition. Cette hypothèse a été confortée par les expériences suivantes : chez la souris (17) et chez le singe (18), lorsque l’on prévient la baisse de leptine induite par le jeûne en administrant cette hormone, on restaure la pulsatilité de la LH et l’on prévient le retard de l’ovulation chez la femelle. La leptine est donc capable de contrer les effets inhibiteurs du jeûne sur la sécrétion de gonadotrophines. De plus, lorsque l’on administre des anticorps antileptine dans les ventricules latéraux de rats nourris de façon normale, dans le but de mimer la forte baisse de leptine pendant le jeûne, on observe une diminution de la pulsatilité de la LH et un arrêt de la cyclicité œstrale. Ces données confirment que la leptine exerce un effet tonique de facilitation sur les circuits neuronaux qui contrôlent la sécrétion de gonadotrophines. Cependant, dans d’autres modèles animaux, la leptine n’a pas été capable de corriger l’inhibition du comportement sexuel observée pendant la restriction alimentaire (19). Dans l’anorexie mentale, la sous-nutrition sévère est associée à des niveaux très faibles de leptine plasmatique et intracérébrale, à des taux bas et non pulsatiles de gonadotrophines, à des altérations menstruelles et à une aménorrhée (20). Une valeur seuil de 1,85 ng/ml a été identifiée, au-dessous de laquelle on observe régulièrement une aménorrhée. Lors de la réascension pondérale chez ces patientes, la restauration du cycle menstruel est toujours associée à des valeurs de leptine au-dessus de ce seuil. Cependant, à la hausse rapide du taux de leptine plasmatique liée à la prise de poids ne correspond pas toujours la reprise du cycle menstruel (21). Cela suggère que d’autres facteurs contribuent à la reprise de la fonction reproductive, notamment l’activation de l’axe GH-IGF-1, qui nécessite par ailleurs une période plus longue pour se rétablir (20). Des taux de leptine au-dessus d’un seuil minimal pourraient donc être nécessaires, mais pas suffisants, pour la reprise du cycle menstruel chez les patientes anorexiques. L’effet de la leptine sur la reproduction pourrait aussi impliquer le métabolisme intracellulaire et être dépendant de la disponibilité des réserves énergétiques en périphérie. Chez le hamster à jeun traité par le 2-désoxyglucose (un inhibiteur compétitif de l’utilisation du glucose), l’administration de leptine n’était pas entièrement capable de rétablir les cycles menstruels (22). Il est donc possible que la leptine ne puisse pas rétablir la sécrétion des gonadoMétabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 4-5, juillet/octobre 2004 Mise au point Mise au point 181 Mise au point Mise au point trophines en présence de stress métaboliques dûs à l’impossibilité d’utiliser les réserves métaboliques périphériques. Les actions centrales de la leptine pourraient donc s’intégrer avec différents signaux métaboliques afin de contrôler l’activité des neurones à GnRH. Leptine et neurones GnRH Plusieurs observations in vitro ont montré que des concentrations de leptine subnanomolaires stimulent la libération de GnRH à partir d’explants d’éminence médiane et de noyau arqué de rat après une incubation de quelques minutes (23). Par ailleurs, quand des concentrations plus élevées de leptine (de l’ordre du micromolaire) étaient utilisées, la sécrétion de GnRH était supprimée. Ces données ont aussi été confirmées sur une lignée cellulaire immortalisée (les cellules GT1-7) sécrétant la GnRH et exprimant Ob-R. Dans ce modèle cellulaire, la libération de la GnRH était stimulée par l’incubation avec des doses faibles de leptine (10-12 à 10-10 M), mais pas par des concentrations plus élevées (24). L’ensemble des ces données montre que la leptine agit au niveau central sur l’axe reproductif, mais que l’effet stimulateur est observé uniquement dans une fourchette de concentrations de leptine assez étroite. Il est encore difficile de déterminer si les actions de la leptine ont lieu directement sur les neurones sécrétant la GnRH ou à travers un circuit interneuronal. Des études de double marquage chez le rongeur et le primate n’ont pas mis en évidence de coexpression de GnRH et de Ob-R dans les corps cellulaires. L’hypothèse d’intermédiaires neuronaux entre la leptine et la GnRH est donc envisageable (18). L’expression de Ob-R est abondante dans les neurones sécrétant la POMC, le NPY et l’AgRP du noyau arqué chez le rat. Le peptide Cocaine- and AmphetamineRelated Transcript (CART) a été récemment décrit comme inhibiteur endogène de la prise alimentaire (25). Il est impliqué dans l’accélération de la sécrétion pulsatile de la GnRH et est régulé par la leptine. De façon intéressante, les anticorps anti-CART peuvent annuler les effets stimulateurs de la leptine sur la pulsatilité de la GnRH dans des explants hypothalamiques de rat péripubertaire (26). Ces données suggèrent que CART pourrait être un facteur intervenant dans l’action de la leptine sur les neurones sécrétant la GnRH, spécifiquement pendant la phase péripubertaire. Par ailleurs, des études récentes conduites chez la souris knock-out pour le récepteur Y1 du NPY ont montré que la restriction calorique n’empêchait pas la maturation sexuelle dans ce modèle (27) : l’absence des récepteurs Y1 prévient donc la perception de l’insuffisance des réserves métaboliques par l’axe gonadotrope, ce qui suggère un rôle physiologique des neurones NPY dans les circuits neuronaux responsables de l’action de la leptine sur les neurones à GnRH in vivo. Leptine et hypophyse L’ARN messager codant pour Ob-R a été identifié dans l’hypophyse de rat adulte, l’hypophyse fœtale humaine 182 Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 4-5, juillet/octobre 2004 et dans les adénomes hypophysaires. Des études d’immunohistochimie ont montré l’expression de la protéine Ob-R dans les cellules gonadotropes de l’hypophyse ovine (28). D’autres études ont montré l’expression des isoformes longues et courtes de Ob-R et de la leptine dans le tissu hypophysaire humain normal et tumoral (29). Ces données suggèrent que la leptine pourrait réguler la fonction hypophysaire par des mécanismes endocrines et/ou paracrines-autocrines. Des études in vitro ont montré que l’incubation de tissu hypophysaire de rat avec la leptine induit la libération de gonadotrophines de façon dose-dépendante : à doses très faibles (10-10 à 10-9 M), on observe un effet stimulateur, qui disparaît à des doses plus fortes (10-8 à 10-7 M) (23). Cela indique que la leptine, à des concentrations physiologiques, influence positivement la fonction des cellules gonadotropes, amplifiant les actions stimulatrices sur l’axe reproductif exercées au niveau hypothalamique. En revanche, à des concentrations plus élevées (telles qu’on les retrouve chez les patients obèses) la leptine pourrait réduire la fonction reproductive au niveau hypophysaire. En accord avec cette hypothèse, une étude récente réalisée sur une cohorte de 42 adolescentes obèses a démontré que l’index de masse corporelle (IMC) et les taux de leptine étaient des déterminants statistiques négatifs de la sécrétion de gonadotrophines, cela suggérant que l’augmentation de la masse grasse et donc l’excès de leptine autour de la période pubertaire sont associés à une réduction de la sécrétion de gonadotrophines chez la femme. En revanche, cette corrélation n’a pas été démontrée chez l’homme (30). Leptine et puberté Le phénotype reproductif des souris ob/ob et db/db, infertiles et incapables de maturation sexuelle, a indiqué clairement que la leptine pourrait influencer le début de la puberté. Il y a encore de nombreuses controverses sur le rôle putatif de la leptine dans le contrôle de la puberté, et il est difficile de corréler les mécanismes complexes de la puberté aux modifications de signaux isolés, notamment à celles de la leptine. Il est déjà bien connu que la restriction calorique retarde le début de la puberté et que la réalimentation abolit ce retard. De plus, les modèles animaux et les patients atteints de déficience en leptine sont incapables d’arriver à la puberté. Le traitement par leptine peut rétablir la sécrétion pulsatile des gonadotrophines (31), caractéristique de la phase précoce de la puberté. La souris femelle transgénique skinny, qui représente un modèle in vivo d’hyperleptinémie chronique en l’absence de tissu adipeux, arrive précocement à la puberté (16). Les données sur l’effet de l’administration de leptine sur le début de la puberté sont controversées. D’une part, il a été montré que l’administration intracérébroventriculaire de leptine prévenait le retard de l’ouverture vaginale induit par la restriction calorique chronique chez le rat (17). En revanche, dans un autre modèle, des taux artificiellement élevés de leptine n’étaient pas suffisants pour abolir le retard du déclenchement de la puberté dû à la restriction calorique (32). Il reste aussi à savoir si la leptine agit comme un facteur permissif (médiateur tonique), dont les concentrations au-dessus d’un seuil critique sont nécessaires pour la puberté, ou plutôt comme un déclencheur (médiateur phasique), qui détermine la crise pubertaire par une hausse de sa concentration à un moment précis lors du développement. La corrélation temporelle entre l’élévation des concentrations de leptine et le début de la pulsatilité de la LH pendant la puberté a été étudiée chez plusieurs espèces. Chez l’homme, les taux de leptine augmentent d’environ 50 % avant le début de la puberté et diminuent ensuite jusqu’au niveau basal (33). Chez le singe, les données sont plus controversées. Plusieurs études ont montré que les niveaux de leptine ne changent pas significativement chez le singe Rhésus autour de la puberté. En revanche, une étude conduite chez le singe castré a montré une hausse des taux nocturnes de leptine juste avant l’augmentation prépubertaire nocturne de la libération pulsatile de LH, accompagnée par une augmentation nocturne importante de GH et de IGF-1 (34). Il n’est pas aisé de déterminer si les deux signaux métaboliques agissent de concert ou si l’un d’entre eux possède un rôle prédominant. Chez le rongeur, des études récentes ont montré que les concentrations de leptine ne varient pas de façon majeure au cours de la maturation sexuelle, ce qui suggère que la leptine n’est pas le déclencheur principal de la puberté, mais qu’elle y joue plutôt un rôle permissif (35). Le dimorphisme sexuel des concentrations de leptine devient évident après la puberté. Chez l’homme, les niveaux de leptine augmentent pendant l’enfance, atteignent un pic dans les phases précoces de la puberté pour décliner ensuite, alors qu’ils augmentent de façon constante pendant la maturation sexuelle chez la femme. Par conséquent, les niveaux de leptine sont trois à quatre fois plus élevés chez la femme que chez l’homme. Les raisons n’en sont pas très claires. Chez l’homme, après la puberté, les taux de testostérone et le volume testiculaire sont inversement corrélés aux taux de leptine, tandis que chez la femme, après ajustement à la masse grasse, les taux d’estradiol sont directement corrélés aux niveaux de leptine (36). Ces données indiquent que les androgènes et les estrogènes pourraient expliquer, au moins en partie, les différences de taux de leptine entre les deux sexes. Cette hypothèse est aussi confortée par des études in vitro montrant que les androgènes et les estrogènes inhibent et stimulent, respectivement, l’expression et la libération de leptine par les adipocytes humains en culture (37). La puberté représente donc un moment critique dans le dimorphisme sexuel concernant la relation entre l’axe HHG et la leptine, les différences hormonales à l’âge mature régulant de façon opposée la sécrétion de leptine dans les deux sexes. Leptine et stéroïdogenèse gonadique Leptine et ovaire L’identification récente du Ob-R dans différents tissus périphériques (ovaire, testicule, surrénale) a suggéré que la leptine pourrait influencer directement les cibles endocrines en aval de l’axe reproductif. Plusieurs études ont été conduites sur l’ovaire, où l’expression du Ob-R est abondante. Les études in vitro sur les cellules de la thèque et de la granulosa ont montré que la leptine exerce un effet négatif sur la production de stéroïdes ovariens, chez les rongeurs et les bovins. En particulier, il a été montré que la leptine : ✓ inhibe la production d’estradiol et de progestérone induite par l’insuline dans des cellules isolées de la granulosa bovine (38) ; ✓ prévient la sécrétion de la progestérone et de l’androstènedione dans des cellules isolées de la thèque bovine (39) ; ✓ empêche la libération de l’estradiol par les cellules de la granulosa de rat en culture (40). En accord avec ces données, il a été montré que l’incubation de cellules de la granulosa de femme fertile avec des concentrations élevées de leptine (10-100 ng/ml) inhibait significativement la sécrétion d’estradiol stimulée par la FSH et l’IGF-1 (41). Ces observations indiquent que la leptine, à des concentrations identiques à celles retrouvées chez les femmes obèses, peut interférer avec la production d’estradiol par le follicule dominant in vivo, soit directement, soit par la réduction des substrats androgéniques dérivés des cellules de la thèque. De plus, l’excès de leptine pourrait altérer la réponse ovarienne aux stimuli trophiques (pour exemple : IGF-1), produits par le follicule dominant. Si des niveaux élevés de leptine interfèrent avec le développement du follicule dominant, un stimulus adéquat pour la sécrétion de la LH devient impossible, et cela peut déterminer l’anovulation. À l’appui de cette hypothèse, des études récentes ont montré que l’administration in vivo de leptine à des rates immatures et l’exposition in vitro des ovaires intacts à la leptine provoquent un déclin important de la capacité d’ovulation (42). Globalement, ces données pourraient expliquer l’incidence élevée de dysfonctions reproductives ainsi que la reprise de l’ovulation après perte de poids chez la patiente obèse. Par ailleurs, des études plus récentes conduites chez la rate montrent que Ob-R est aussi exprimé dans les ovocytes, dans les cellules endothéliales et dans le corps jaune. L’expression ovarienne de leptine et de Ob-R varie et est régulée par les gonadotrophines pendant le cycle, avec un pic d’expression pendant l’ovulation, indiquant un rôle possible de la leptine dans différents aspects de la fonction ovarienne, comme la maturation ovocytaire, l’angiogenèse, la rupture folliculaire et la formation du corps jaune (43). L’hypothèse a été émise que la leptine puisse jouer un rôle dans la physiopathologie du syndrome des ovaires polyMétabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 4-5, juillet/octobre 2004 Mise au point Mise au point 183 Mise au point Mise au point kystiques (SOPK). En effet, les patientes atteintes de SOPK présentent souvent une résistance à l’insuline et une hyperinsulinémie. Or, l’insuline stimule la synthèse de leptine in vitro par les adipocytes. La contribution potentielle de la leptine dans la pathogenèse du SOPK a été suggérée par une étude montrant que les niveaux de leptine sont plus élevés chez les patientes avec SOPK que chez les sujets témoins (44). Cependant, ces résultats n’ont pas été confirmés par la suite après correction par l’IMC, ce qui exclut un rôle de la leptine dans la pathogenèse du SOPK (45, 46). Afin de mieux évaluer l’importance de la leptine dans la fertilité de la femme, Mantzoros et al. ont mesuré les taux de leptine dans le sérum et dans le fluide folliculaire chez des patientes qui avaient entrepris, avec ou sans succès, une procédure de reproduction assistée. Des taux folliculaires plus bas de leptine étaient un facteur prédictif de succès reproductif. Ces données corroborent l’hypothèse selon laquelle des concentrations intraovariennes excessives de leptine pourraient réduire la production d’estradiol et interférer avec le développement du follicule dominant et avec la maturation ovocytaire, contribuant donc à la pathogenèse de l’infertilité féminine fréquemment repérée chez les femmes obèses. Leptine et testicule Expression du Ob-R Ob-R a été identifié pour la première fois dans le testicule par Hoggard et al., qui ont détecté des ARN messagers de la portion extracellulaire commune à toutes les isoformes dans les cellules spermatiques et dans les cellules de Leydig chez la souris par hybridation in situ (47). Le passage de la leptine à travers la barrière hématotesticulaire a également été étudié, et il a été montré que la leptine rentre dans le testicule par un processus passif et non saturable (48). Dans des études plus récentes, nous avons étudié l’expression de Ob-R dans des testicules de rats d’âges différents, du stade embryonnaire jusqu’à l’âge adulte. L’analyse immunohistochimique a montré que, pendant la vie prénatale, l’immunoréactivité pour ++ Ob-R était absente à l’âge embryonnaire précoce et apparaissait à l’âge embryonnaire tardif. Pendant la vie postnatale, un marquage était évident après maturation sexuelle, mais était absent dans les testicules de rats sexuellement immatures (figure 2). Le signal était toujours confiné aux cellules de Leydig et était absent dans les tubules et les cellules germinales. Des études de RT-PCR ont confirmé par la suite l’expression du Ob-Ra et du Ob-Rb dans les cellules de Leydig, en accord avec les données immunohistochimiques. Bien que cette technique ait également mis en évidence des transcrits dans les cellules immatures, les concentrations d’ARNm étaient plus élevées dans les cellules de Leydig matures (fœtales et adultes). Cela suggère que Ob-R pourrait se comporter comme un marqueur de maturation cellulaire dans les cellules de Leydig, dont l’expression est régulée au niveau transcriptionnel, même si l’hypothèse d’une régulation post-transcriptionnelle ne peut être exclue (49). Après liaison à son récepteur, la leptine exerce une inhibition rapide et dose-dépendante de la production de testostérone stimulée par la gonadotrophine chorionique (hCG) dans les cellules matures adultes de Leydig en culture, avec une augmentation de la production intracellulaire d’adénosine-monophosphate (AMP) cyclique. La suppression de la testostérone s’accompagne d’une réduction parallèle des niveaux d’androstènedione et d’une augmentation concomitante des métabolites précurseurs 17-OH-progestérone (17-OH-P), progestérone et prégnénolone. Cela pourrait être dû à une action inhibitrice de la leptine sur l’activité de la 17-20 lyase, l’enzyme qui convertit les intermédiaires 17α-hydroxylés en androstènedione. Cependant, il a été montré que la leptine ne modifiait pas l’accumulation des ARNm du gène codant pour la 17-20 lyase. Il est probable que cet effet soit dû à une action rapide post-traductionnelle de la leptine sur l’activité de l’enzyme (50). Des concentrations élevées de leptine inhibent donc la stéroïdogenèse testiculaire stimulée par les gonadotrophines, d’une façon analogue à ce que l’on observe dans l’ovaire. En cohérence avec le profil particulier d’expression du Ob-R dans le testicule Maturation sexuelle Naissance + – 14,5e 19,5e 7 22 35 60 Temps (jours) 184 Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 4-5, juillet/octobre 2004 90 Figure 2. Représentation schématique du profil d’expression du Ob-R dans les cellules de Leydig de rat pendant le développement. Avant la naissance, Ob-R n’est pas exprimé dans la phase embryonnaire précoce, et devient détectable dans les cellules de Leydig fœtales matures dans la phase plus tardive de la gestation. Après la naissance, l’expression du Ob-R est absente pendant la période prépubertaire, pour réapparaître dans les cellules de Leydig adultes après la maturation sexuelle. Les cellules de Leydig immatures sont donc protégées des effets négatifs de l’hyperleptinémie sur la stéroïdogenèse, observés dans les cellules matures. (figure 2), les actions inhibitrices de la leptine sur la production de testostérone induite par l’hCG ont également été démontrées dans les cellules testiculaires embryonnaires matures de rat en culture (Caprio M et al., données non publiées), où des études d’immunohistochimie et de RT-PCR ont montré la présence du Ob-R. En revanche, la leptine n’avait aucun effet sur les cellules de Leydig de rats prépubertaires, où l’immunomarquage pour Ob-R était absent, et l’abondance relative de ses transcrits très faible (49). Des résultats similaires ont été obtenus par d’autres auteurs dans des études conduites sur du tissu testiculaire entier de rat incubé en présence de leptine et d’hCG (51). Globalement, ces résultats indiquent que les actions de la leptine sur les cellules de Leydig de rat sont caractéristiques de la phase embryonnaire tardive ainsi que de l’âge adulte, et que le système leptine-récepteur n’est pas fonctionnel avant la maturation sexuelle. La leptine pourrait donc jouer un rôle dans l’embryogenèse testiculaire et la maturation des cellules de Leydig pendant la vie prénatale, ainsi que moduler le contrôle de la production d’androgènes induite par les gonadotrophines. On peut émettre l’hypothèse que les variations du niveau d’expression du Ob-R dans le testicule protègent les cellules de Leydig des possibles effets négatifs de l’hyperleptinémie sur la stéroïdogenèse pendant la période pubertaire, en assurant une maturation correcte du testicule et donc une puberté normale. De façon intéressante, les effets inhibiteurs de la leptine sur la production de testostérone sont observés à des concentrations de leptine de l’ordre des niveaux circulants chez les patients obèses. Plusieurs travaux ont étudié l’association entre leptine et stéroïdes circulants chez l’homme. Les sujets obèses ont des taux élevés de leptine avec des concentrations réduites de testostérone dans le sang (52). De plus, le degré de réduction des androgènes est proportionnel à la masse grasse et aux niveaux de leptine. Nous avons montré que la réponse androgénique à la stimulation par l’hCG est altérée chez le patient obèse, et que la leptine est l’indice hormonal le plus précisément corrélé à la réduction de la réponse androgénique à l’hCG. En fait, chez les patients obèses, cette réduction était associée à la hausse importante des taux de 17-OHP. Cela augmente le rapport 17-OH-P/testostérone, qui était de deux à cinq fois plus élevé chez les sujets obèses que chez les sujets témoins. Une telle augmentation était directement proportionnelle à la masse grasse et à la leptine. En accord avec les données in vitro (50), ces résultats indiquent la présence d’un défaut enzymatique dans la conversion de la 17-OH-P en testostérone, mis en évidence par la stimulation à l’hCG et en relation avec la masse grasse et les taux circulants de leptine (53). Par ailleurs, des études plus récentes ont montré que la perte de poids et de masse grasse chez des hommes obèses était associée à l’élévation des taux de testostérone et de la fonction sexuelle (54). En conclusion, des concentrations excessives de leptine jouent un rôle important dans la réduction des taux d’androgènes chez les patients obèses. D’autres études d’immunohistochimie ont montré que même les cellules germinales du testicule chez la souris expriment Ob-R d’une façon dépendante de l’âge et du stade de maturation (55). De plus, la stimulation in vitro des tubules séminifères par la leptine provoque la phosphorylation de STAT3, indiquant que Ob-R est fonctionnel, et déclenche des voies de signalisation intracellulaires spécifiques dans les cellules germinales (55). Ces résultats suggèrent que la leptine pourrait avoir plusieurs effets sur le testicule, peut-être au niveau de la prolifération et de la différenciation des cellules germinales, et que l’absence de ces actions pourrait être localement impliquée dans la pathogenèse de l’infertilité observée chez la souris déficiente en leptine. Mise au point Mise au point Leptine, grossesse et lactation Chez la femme, les taux de leptine sont augmentés pendant la grossesse, surtout dans les deuxième et troisième trimestres. Cela est retrouvé également dans des modèles animaux (2). Une telle augmentation n’est pas due exclusivement à la prise de poids, mais est le résultat d’autres facteurs, notamment la sécrétion de leptine par les trophoblastes placentaires et les changements hormonaux qui pourraient stimuler sa production (insuline, estrogènes, hCG) (56). L’hyperleptinémie induite par la grossesse n’est pas associée à une baisse de la prise alimentaire, et sa fonction reste encore obscure. Le placenta, en plus d’être un site actif de synthèse de leptine, exprime aussi des quantités élevées des isoformes longues et courtes d’Ob-R (57). Il est donc possible que la leptine produite par le placenta joue un rôle paracrine et/ou autocrine dans la physiologie fœto-placentaire. La leptine pourrait en effet agir comme un important facteur de croissance pour le fœtus ou comme un signal de communication hormonale régulant l’état énergétique de la mère et du fœtus (58) ; d’autre part, elle pourrait être impliquée dans l’implantation de l’embryon grâce à ses effets stimulateurs sur l’expression des métalloprotéases de la matrice via les cytotrophoblastes, participant donc aux phases très précoces de la grossesse (59). Des taux de leptine très élevés ont été mesurés au cours des grossesses compliquées par des pathologies comme le diabète et la prééclampsie (56), suggérant un rôle de la leptine dans le développement de diverses maladies associées à la grossesse. Juste après l’accouchement et pendant toute la période de la lactation, les taux de leptine diminuent chez l’animal et chez l’homme (60). Chez le rongeur, l’hypoleptinémie de la lactation reflète une condition de balance énergétique négative, explicable par l’augmentation de la demande énergétique en absence de thermogenèse adaptative. Une telle réduction des processus d’oxydation métabolique et Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 4-5, juillet/octobre 2004 185 Mise au point Mise au point GnRH FSH Cellule de Leydig Conclusion La découverte de la leptine, de son récepteur et de ses mécanismes d’action a ouvert de nouvelles perspectives inattendues quant à la physiopathologie de la reproduction (62). Il est désormais bien connu que la leptine agit à différents niveaux de l’axe HHG, engageant différents tissus et de nombreuses cascades biochimiques. Son rôle dans la reproduction semble être déterminé par différents seuils d’action dépendants de ses cibles anatomiques (figure 4), et de la régulation tissu-spécifique de l’expression de son récepteur (figure 2), qui représente ainsi un degré supplémentaire de modulation de l’action de la leptine à différents niveaux anatomiques. On peut émettre l’hypothèse que la leptine exerce un effet double sur la reproduction et que le principal site anatomique d’action soit déterminé par ses taux circulants, dans le sang. L’action stimulatrice de la leptine au niveau hypothalamo-hypophysaire pourrait être cruciale comme déclencheur de la puberté. Elle pourrait aussi jouer un rôle pathogénique primaire dans le développement des troubles reproductifs observés dans des conditions com- 186 Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 4-5, juillet/octobre 2004 portant des taux trop faibles d’hormone circulante, notamment chez les patients avec des IMC anormalement réduits (patients anorexiques et dénutris) ou chez les patients porteurs de mutations inactivatrices des gènes LEP et LEPR. Au contraire, dans l’obésité, les récepteurs centraux de la leptine, qui sont sensibles à des concentrations faibles de ligand, sont protégés de l’hyperleptinémie par la saturation du transport de la barrière hémato-encéphalique, tandis que les récepteurs périphériques sont directement exposés à des concentrations très élevées de ligand, avec des conséquences négatives sur la stéroïdogenèse gonadique (figure 3). Notre hypothèse est que des taux de leptine compris dans une fourchette bien précise sont néces- Fonction reproductive de thermogenèse semble être due à l’inhibition de l’expression des protéines découplantes dans le tissu adipeux brun et dans le muscle squelettique (61). De plus, l’hypoleptinémie pendant la lactation n’est pas suivie d’une augmentation conséquente de l’appétit, probablement à cause d’un défaut de la réponse neuroendocrine responsable des effets anorexigènes centraux de la leptine. Enfin, la chute des taux de leptine après l’accouchement pourrait jouer un rôle dans la réduction de la fertilité observée pendant la lactation. Figure 3. La leptine et le tissu adipeux agissent comme modulateurs systémiques de l’axe reproductif. La leptine agit à plusieurs niveaux de l’axe reproductif, avec des effets différents sur la reproduction en relation avec ses concentrations plasmatiques. Le système saturable du transport de la leptine à travers la barrière hémato-encéphalique empêche que des niveaux très élevés de leptine atteignent les récepteurs hypothalamiques, où la leptine exerce des actions stimulatrices sur la sécrétion de GnRH. Par ailleurs, des concentrations excessives de leptine peuvent agir sur les récepteurs périphériques et exercer des actions inhibitrices sur la stéroïdogenèse testiculaire et ovarienne. À long terme, la testostérone et l’estradiol agissent sur le tissu adipeux, respectivement, en inhibant et en stimulant la synthèse et la sécrétion de leptine, fermant ainsi ce circuit de régulation hormonale complexe entre la leptine et l’axe HHG. Lignes pleines : actions stimulatrices ; lignes pointillées : actions inhibitrices. Effet central Effet périphérique Maintien + Seuil – Seuil T1 T2 Concentration de leptine Figure 4. Schéma de la double action potentielle de la leptine sur la fonction reproductive. Des concentrations de leptine au-dessus d’un seuil minimal (T1) sont nécessaires dans l’hypothalamus pour activer l’axe HHG, pour déclencher la puberté et pour maintenir la fonction reproductive. L’excès de leptine au-dessus d’un deuxième seuil (T2), comme on le retrouve dans l’obésité, pourrait inhiber la stéroïdogenèse testiculaire et ovarienne, avec des effets négatifs sur la reproduction. saires pour soutenir une fonction reproductive normale, et que des concentrations inférieures ou supérieures peuvent interférer avec le fonctionnement correct de l’axe HHG (figure 4). Remerciements Je remercie Maria-Christina Zennaro et Damien Le Menuet pour leur soutien et l’aide importante qu’ils m’ont apportés dans la correction du manuscrit, et CatherineTritscher pour la partie graphique. Références 1. Zhang Y, Proenca R, Maffei M et al. Positional cloning of the mouse obese gene and its human homologue. Nature 1994;372:425-32. 2. Masuzaki H, Ogawa Y, Sagawa N et al. 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La fertilité de la souris ob/ob peut être restaurée par la seule restriction calorique. Vrai ou faux ? 3. Les taux de leptine sont très bas chez la femme enceinte et se normalisent pendant la lactation. Vrai ou faux ? 4. La leptine stimule la production de GnRH in vivo au niveau hypothalamique, probablement par des circuits interneuronaux. Vrai ou faux ? 5. Chez le patient obèse, la perte de poids est associée à la hausse des taux circulants de testostérone. Vrai ou faux ? 1. Faux. 2. Faux. 3. Faux. 4. Vrai. 5. Vrai. 188 Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 4-5, juillet/octobre 2004