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Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 4-5, juillet/octobre 2004
Mise au point
Mise au point
nante (0,01-0,04 mg/kg pendant 18 mois) : parallèlement
à la perte de masse graisseuse, les taux de stéroïdes
sexuels circulants ont significativement augmenté (11).
De la même façon, des cas de femmes porteuses d’une
mutation non-sens du gène LEPR ont été décrits : en plus
de l’obésité précoce, et elles ont une absence de carac-
tères sexuels secondaires et une aménorrhée, avec des
taux très bas d’estrogènes, de LH et de FSH (12). Ces
données indiquent de façon très claire que l’intégrité du
système leptine-récepteur est indispensable pour assurer
un développement correct de la puberté et une fonction
reproductive normale. À la différence des modèles d’obé-
sité monogénique dus à des défauts des gènes LEP et
LEPR, les mutations de l’isoforme 4 du récepteur de la
mélanocortine (MC4-R), qui joue une rôle fondamental
dans les actions inhibitrices de la leptine sur la prise ali-
mentaire, ne modifient pas l’axe reproductif chez la souris
(13) et chez l’homme (14). Les caractères sexuels secon-
daires et la puberté sont normaux, comme le taux circulant
de stéroïdes sexuels et de gonadotrophines. Cela indique
que la fonction des récepteurs MC4-R n’est pas impli-
quée dans les effets neuroendocrines de la leptine sur les
neurones sécrétant la gonadolibérine (GnRH), et donc sur
la fonction reproductive. Afin de tester l’importance de
l’activation de STAT-3 par Ob-R sur les fonctions de la
leptine, un modèle de souris knock-out pour STAT-3 dans
le cerveau a été généré. De façon intéressante, ces souris
étaient hyperphagiques, diabétiques et infertiles, comme
les souris ob/ob et db/db (15). Dans le même but, d’autres
auteurs ont remplacé le gène Lepr par un gène dans lequel
la Tyr 1138 avait été remplacée par une sérine. Ce résidu
est fondamental pour l’activation de la voie de signalisa-
tion JAK-STAT. Les souris porteuses du gène Lepr ainsi
muté étaient hyperphagiques et obèses, mais leur capacité
reproductive était intacte, contrairement à ce que l’on
observe chez les souris knock-out pour STAT-3. Ces
données suggèrent que le contrôle hypothalamique de la
reproduction effectué par la leptine passe aussi par des
voies de signalisation différentes de STAT-3, bien que les
mécanismes intracellulaires par lesquelles Ob-R contrôle
la fonction reproductive au niveau hypothalamique, res-
tent encore obscurs.
La disponibilité d’un modèle murin présentant un taux
constamment élevé de leptine a aussi clarifié certains
aspects de la fonction de cette hormone. Caractérisée par
l’absence de tissu adipeux et par une hyperleptinémie, la
souris femelle transgénique skinny présente une accéléra-
tion de la maturation sexuelle, suivie d’un hypogonadisme
avec réduction de sécrétion de GnRH et de LH (16).
L’hyperleptinémie in vivo semble donc stimuler le début
de la puberté, mais, lorsqu’elle est chroniquement persis-
tante, elle peut aussi inhiber les signaux centraux qui sti-
mulent la fonction reproductive. Il est donc probable qu’il
existe plusieurs niveaux et différents seuils d’action de la
leptine sur la fonction reproductive.
Leptine et sécrétion de gonadotrophines
L’isoforme longue du récepteur de la leptine a été localisée
principalement au niveau hypothalamique, dans les noyaux
arqué et ventromédian, qui contrôlent en même temps la
prise alimentaire et le comportement sexuel. Dans ces
noyaux, la leptine joue le rôle de médiateur entre les mes-
sages périphériques de balance métabolique et la fonction
reproductive. Plusieurs données soulignent que la leptine,
comme signal de jeûne, est responsable des altérations de
l’axe reproductif liées à la sous-nutrition. Cette hypo-
thèse a été confortée par les expériences suivantes : chez
la souris (17) et chez le singe (18), lorsque l’on prévient
la baisse de leptine induite par le jeûne en administrant
cette hormone, on restaure la pulsatilité de la LH et l’on
prévient le retard de l’ovulation chez la femelle. La lep-
tine est donc capable de contrer les effets inhibiteurs du
jeûne sur la sécrétion de gonadotrophines. De plus, lorsque
l’on administre des anticorps antileptine dans les ventri-
cules latéraux de rats nourris de façon normale, dans le
but de mimer la forte baisse de leptine pendant le jeûne,
on observe une diminution de la pulsatilité de la LH et un
arrêt de la cyclicité œstrale. Ces données confirment que
la leptine exerce un effet tonique de facilitation sur les
circuits neuronaux qui contrôlent la sécrétion de gona-
dotrophines. Cependant, dans d’autres modèles animaux,
la leptine n’a pas été capable de corriger l’inhibition
du comportement sexuel observée pendant la restriction
alimentaire (19).
Dans l’anorexie mentale, la sous-nutrition sévère est
associée à des niveaux très faibles de leptine plasmatique
et intracérébrale, à des taux bas et non pulsatiles de
gonadotrophines, à des altérations menstruelles et à une
aménorrhée (20). Une valeur seuil de 1,85 ng/ml a été
identifiée, au-dessous de laquelle on observe régulière-
ment une aménorrhée. Lors de la réascension pondérale
chez ces patientes, la restauration du cycle menstruel est
toujours associée à des valeurs de leptine au-dessus de ce
seuil. Cependant, à la hausse rapide du taux de leptine
plasmatique liée à la prise de poids ne correspond pas
toujours la reprise du cycle menstruel (21). Cela suggère
que d’autres facteurs contribuent à la reprise de la fonction
reproductive, notamment l’activation de l’axe GH-IGF-1,
qui nécessite par ailleurs une période plus longue pour se
rétablir (20). Des taux de leptine au-dessus d’un seuil
minimal pourraient donc être nécessaires, mais pas suffi-
sants, pour la reprise du cycle menstruel chez les patientes
anorexiques.
L’effet de la leptine sur la reproduction pourrait aussi
impliquer le métabolisme intracellulaire et être dépendant
de la disponibilité des réserves énergétiques en périphérie.
Chez le hamster à jeun traité par le 2-désoxyglucose (un
inhibiteur compétitif de l’utilisation du glucose), l’admi-
nistration de leptine n’était pas entièrement capable de
rétablir les cycles menstruels (22). Il est donc possible que
la leptine ne puisse pas rétablir la sécrétion des gonado-