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La Lettre du Cancérologue - volume IX - n° 4 - septembre 2000
ACTUALITÉ
e National Cancer Institute (NCI) organise tous les
ans à Bethesda une conférence sur les tumeurs
malignes associées au syndrome d’immuno-défi-
cience acquise (sida). Cette année, la conférence s’est tenue au
Natcher Conference Center du National Institute of Health
(NIH), du 16 au 18 mai. Le principal objectif de cette confé-
rence était, d’une part, de discuter les progrès réalisés dans le
domaine de la recherche clinique et de la recherche scientifique
concernant la prise en charge des patients infectés par le VIH
atteints de tumeurs malignes et, d’autre part, de stimuler cette
recherche à travers ses différentes disciplines (épidémiologie,
virologie, études précliniques, recherche fondamentale,
recherche de nouvelles approches thérapeutiques…).
[Le programme et les abstracts sélectionnés pour la conférence
2000 sont disponibles dans le volume 23 du mois de mars
(pages A1 à A37) du Journal of Acquired Immune Deficiency
Syndrome.]
ÉPIDÉMIOLOGIE
(Beral V, abstr. S2, A8)
Les données publiées en décembre 1999 comptabilisent envi-
ron 33,6 millions d’individus, adultes et enfants, infectés par le
VIH.
Ces publications décomptaient près de 520 000 individus
concernés en Europe occidentale, 920 000 en Amérique du
Nord et 23,3 millions dans l’Afrique subsaharienne.
En termes de mortalité, on relève 450 000 décès pour l’Amé-
rique du Nord, 210 000 pour l’Europe occidentale et 13,7 mil-
lions pour l’Afrique subsaharienne.
Certains types de cancers ayant été observés chez les patients
infectés par le VIH, une collaboration internationale sur les
tumeurs malignes associées au VIH a été mise en place en
1998. Son but est d’évaluer le risque de survenue de cancers
chez ces patients. Elle a aussi pour vocation de déterminer les
corrélations entre l’infection à VIH et l’incidence des cancers
en termes d’épidémiologie, de physiopathologie et de prise en
charge thérapeutique.
En septembre 1999, des résultats préliminaires ont été élaborés
à partir de 20 études internationales portant sur le risque de
survenue de cancers chez les patients infectés par le VIH. Les
principales localisations tumorales et leurs risques relatifs (RR)
ajustés sur la population générale sont donnés dans le
tableau I.
Force est de constater que, pour un même site, le risque relatif
varie d’une région géographique à l’autre. Il en est de même
des groupes à risque ; ainsi, pour la maladie de Hodgkin, le RR
le plus élevé apparaît chez les consommateurs d’héroïne
(tableau II).
L
4eCongrès international sur les tumeurs malignes
associées au sida
!J.P. Spano*
* SOMPS, service du Pr Khayat, 47, bd de l’Hôpital, 75013 Paris.
Site tumoral RR (IC 95 %)
Anus 28,6 (16,6-45,7)
Maladie de Hodgkin (États-Unis, Europe) 8,5 (6,1-11,4)
Poumon 2,0 (1,5-2,6)
Lèvre, cavité buccale, pharynx 1,6 (1,1-2,2)
Testicule 1,6 (0,9-2,7)
Maladie de Hodgkin (Afrique) 1,2 (0,7-2,0)
Myélome 1,2 (0,5-2,3)
Côlon et rectum 1,1 (0,7-1,6)
Leucémies (États-Unis, Europe) 0,5 (0,3-0,9)
Mélanome cutané 0,9 (0,4-1,6)
Yeux 8,7 (6,9-10,8)
Foie (États-Unis, Europe) 6,7 (3,3-12,2)
Foie (Afrique) 0,8 (0,4-1,4)
Verge 5,6 (2,2-11,6)
Vulve 5,0 (2,1-9,8)
Groupes à risque RR (IC 95 %)
Homosexualité 7,6 (2,1-12)
Toxicomanie 8,8 (3,1-19,6)
Transfusion 6,4 NC
Hétérosexualité 6,0 (0,7-22,0)
Inconnu 10,4 (6,2-19,9)
Population globale 8,5 (6,1-12,4)
Tableau II. Risques relatifs de maladie de Hodgkin en fonction du
mode de transmission du VIH.
Tableau I. Risques relatifs (RR) de cancers non associés au sida :
données mondiales.
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La Lettre du Cancérologue - volume IX - n° 4 - septembre 2000
De même, on note une modification de l’incidence de certains
cancers depuis l’apparition des thérapeutiques antirétrovirales
de type HAART (High Active Antiretroviral Treatment) ; à
titre d’exemple, le RR du sarcome de Kaposi est passé de
15,2 % pour la période 1992-1996 à 4,9 % pour la période
1997-1999.
En revanche, pour les autres cancers non associés au stade de
sida, le risque relatif ne semble pas avoir été influencé par ces
nouvelles combinaisons thérapeutiques antirétrovirales ; les
RR (toutes causes confondues) sont de 1,8 % et 1,7 % respecti-
vement pour ces mêmes périodes (1992-1996 et 1997-1999).
Au total, près de 90 % des cas rapportés de cancers chez les
patients infectés par le VIH ont pu être colligés grâce à ce
groupe international d’épidémiologie. L’ensemble des résultats
pour chacun des sites spécifiques reste conforme d’une étude à
l'autre, en termes de données géographiques, de groupes à
risque et d’analyses statistiques.
Il apparaît évident que d’autres facteurs de risque que l’infec-
tion à VIH jouent un rôle étiologique dans les variations du
taux d’incidence de ces cancers.
Il est nécessaire de se poser la question de l’influence de
l’immunosuppression secondaire à l’infection à VIH sur le
taux d’incidence des cancers dans cette population. Dans un
deuxième temps, il est important de déterminer les types de
cancers qui peuvent être mis en cause.
Les réponses apportées par le National AIDS Cancer Match
Registry (NACMR) permettent de conclure que l’immunosup-
pression augmente le risque de survenue du sarcome de Kaposi
(SK), des lymphomes non hodgkiniens (LNH) et de la maladie
de Hodgkin mais n’influence pas le risque des autres cancers
(Biggar RJ, abstr. S3, A8).
Un cas particulier est celui des cancers anogénitaux liés à
l’infection par le Human Papilloma Virus (HPV), survenant
chez des patients infectés par le VIH ou déjà au stade de sida.
En effet, le risque de développer des cancers invasifs anogéni-
taux est alors proche de 4, excepté pour le cancer du canal anal
chez les hommes, pour lesquels le risque relatif atteint 38.
Les risques relatifs augmentés de ces cancers admettent des
niveaux équivalents que ce soit avant ou après le stade de sida.
En revanche, les lésions prénéoplasiques comme le carcinome
in situ (du col ou du canal anal) restent très influencées par
l’immunosuppression (Frisch M, abstr. S5, A9). Parmi les
autres facteurs de risque de nature virale, on peut citer le virus
de l’hépatite C, responsable de cirrhose hépatique et d’hépato-
carcinome. Un débat existe actuellement sur sa possible impu-
tabilité dans la survenue de LNH de bas grade ou de grade
intermédiaire chez les patients infectés par le VIH (Engels EA,
abstr. S4, A9). Au total, si l’infection par le virus de
l’hépatite C est responsable d’une augmentation du risque de
développer un hépatocarcinome chez les patients infectés par
le VIH, il apparaît cependant que l’immunosuppression secon-
daire au VIH ne joue aucun rôle dans la survenue de ce cancer.
Deux principales études portant sur une large population de
patients infectés par le VIH ont été présentées par des équipes
australiennes et d’Afrique du Sud au cours de cette conférence.
Dans l’objectif de définir un éventuel lien entre l’infection à
VIH et le taux d’incidence des cancers, Grulich (abstr. 1, A15)
a apparié les données du registre national australien du VIH et
du sida (nom “codé”, sexe, date de naissance, lieu de rési-
dence, date de décès) aux données du registre sur le cancer
entre 1982 et 1999. Mille deux cent vingt-trois cancers (dont
1032 sont des cancers associés au sida) ont été identifiés chez
les 7 775 patients infectés par le VIH au stade de sida. Au
total, certains cancers présentaient un risque élevé de survenue
chez les patients infectés par le VIH par rapport à la population
générale.
En revanche, on ne retrouve pas les cancers le plus communé-
ment attendus dans ces régions comme le mélanome, le cancer
bronchique et le cancer du testicule ; en dépit des taux élevés
d’hépatites B et C en Australie, le taux d’hépatocarcinomes
n’apparaît pas pour autant élevé.
Manifestement, l’augmentation de la survie des patients infec-
tés par le VIH au stade pré-sida semble favoriser la survenue
d’un certain nombre de cancers ; même pour des degrés
d’immunodéficience modérés, l’infection par le VIH devient
alors une importante cause de morbidité.
Sitas (abstr. 2, A15) a étudié, selon le même principe que
Grulich, l’incidence et le risque de certains cancers chez des
patients infectés par le VIH en Afrique du Sud. La prévalence
de l’infection à VIH pour une population de 4 883 sujets s’est
révélée être de 8,3 % chez les hommes et de 9,1 % chez les
femmes. Le spectre des cancers est le suivant :
– sarcome de Kaposi : RR = 21,9 ;
– LNH : RR = 5 ;
– cancer de la vulve : RR = 4,8 ;
– cancer du col : RR = 1,6.
Manifestement, la maladie de Hodgkin, le cancer bronchique
et le myélome multiple sont absents de ce spectre tumoral.
En conclusion, certains types de cancers, en dépit d’une cer-
taine discordance, semblent se présenter avec des taux d’inci-
dence plus élevés chez le patient infecté par le VIH que dans la
population générale. Seule une collaboration internationale
permettrait l’enrichissement réciproque des registres pour
répondre à la question suivante : l’immunosuppression secon-
daire au VIH augmente-t-elle le risque de cancers ? Si oui,
quels sont les cancers alors concernés et, éventuellement,
quelle est leur pathogénie ?
Par ailleurs, certaines équipes ont aussi étudié le risque engen-
dré par une greffe de moelle allogénique non myélo-ablative
chez des patients infectés par le VIH et présentant une leucé-
ACTUALITÉ
Site/type de cancer % SIR* IC à 95 %**
Lèvre 7 3,12 1,49-6,54
Anus 6 36,5 16,4-81,2
Maladie de Hodgkin 15 12,8 7,69-21,2
Myélome 5 6,82 2,84-16,4
Leucémie 10 4,46 2,40-8,29
Léiomyosarcome 2 7,98 2,00-31,9
Tableau III. Principaux cancers non associés au VIH.
* SIR : Standardized Index Risk.
**IC : intervalle de confiance.
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mie aiguë angioblastique ou une maladie de Hodgkin. La tolé-
rance a été correcte, en dehors de la présence intermittente
d’une GVH modérée. Après la greffe, le taux de lymphocytes
CD4+ est retrouvé à un taux supérieur au taux de base. Ces
résultats préliminaires semblent encourageants et suggèrent
que l’infection à VIH ne représente pas une contre-indication
absolue à la greffe allogénique (Kang E, abstr. 3, A15).
SARCOME DE KAPOSI : MODE DE TRANSMISSION
DU HUMAN HERPES VIRUS 8 (HHV-8)
Les prévalences du HHV-8 et du sarcome de Kaposi restent
concordantes et se répartissent, de la plus forte à la plus faible
prévalence, de la façon suivante : Afrique équatoriale, Europe
du Sud, Europe de l’Ouest, États-Unis, et populations homo-
sexuelle, hétérosexuelle, puis féminine (Hayward G, abstr.
S6, A9).
L’association directe, démontrée par de nombreuses études,
entre le nombre de partenaires sexuels chez les homosexuels et
le risque d’infection à HHV-8 permet d’admettre avec évi-
dence que l’infection à HHV-8 est une maladie sexuellement
transmissible. Les études épidémiologiques portant sur les
modes de transmission de HHV-8 restent cependant controver-
sées (Martin, abstr. S7, A9).
Une transmission verticale, de la mère à son enfant, a par
ailleurs été retrouvée lors de l’étude de séroprévalence de
HHV-8 réalisée chez 1 337 sujets d’origine africaine résidant
en Guyane française (Gessain, abstr. S8, A9).
En Afrique du Sud, on retrouve, dans les populations à risque
d’infection à HHV-8, les prostituées (en raison des multiples
partenaires), les homosexuels masculins, mais aussi les popu-
lations issues des couches socio-économiques les plus faibles
(odds-ratio de 1,4 avec IC 95 % de 1,1 à 1,7), une mère séro-
positive pour HHV-8 s’exposant à un risque de transmission
materno-fœtale (OR de 30). Par ailleurs, la séroprévalence
semble plus élevée chez les donneurs de sang d’origine noire
américaine par rapport aux donneurs d’origine blanche (20 %
versus 3 %) (Sitas, abstr. S9, A10). D’autres études se révèlent
nécessaires pour identifier les voies possibles de transmission
de HHV-8, en Afrique et dans le reste du monde (en particulier
à travers le lait maternel et la salive).
Cannon et al. (abstr. A, A15) ont alors étudié de façon prospec-
tive la séroprévalence de HHV-8 chez 871 femmes infectées
par le VIH par rapport à 439 femmes non infectées mais ayant
des facteurs de risque de contamination et issues de quatre
sites géographiques différents des États-Unis.
Les facteurs de risque associés de façon significative à l’infec-
tion à HHV-8 sont les suivants :
– population de race noire (p = 0,01) ;
– origine hispanique (p = 0,05) ;
– éducation déficitaire (p = 0,03) ;
– infection à VIH (p = 0,001) ;
– syphilis (p = 0,001) ;
– hépatite C (p = 0,001) ;
– toxicomanie par voie veineuse (p = 0,02).
Si l’association de la syphilis et de l'infection à HHV-8
implique une transmission par voie sexuelle, l’association
hépatite C et HHV-8 semble suggérer une transmission par
voie sanguine (partage de seringues, etc.).
RELATION ENTRE LE SARCOME DE KAPOSI ET HHV-8
(KSHV/HHV-8) : TRANSMISSION IN VITRO ;
PHYSIOPATHOLOGIE DE L’INFECTION CELLULAIRE
Des séquences de HHV-8 ont été retrouvées à plusieurs
reprises dans les cellules fusiformes et endothéliales des
lésions de sarcome de Kaposi ; HHV-8 a en outre été mis en
évidence dans les cellules endothéliales atypiques de lésions
débutantes de ce sarcome. Les cellules fusiformes (caractéris-
tiques des lésions de SK) semblent être d’origine endothéliale ;
l’infection des cellules endothéliales par HHV-8 peut contri-
buer à la prolifération hyperplasique de ces cellules fusiformes
et au développement des lésions de sarcome de Kaposi
(Moses, abstr. S12, A10).
In vitro, des cellules endothéliales humaines de veines ombili-
cales mises en culture avec de l’interféron α (IFNα) ne présen-
tent aucun signe d’infection après incubation avec HHV-8 ;
ces résultats suggèrent un rôle protecteur de l’IFNαvis-à-vis
de HHV-8. En effet, il a été démontré que l’IFNαpouvait
accélérer la perte d’ADN viral par des cellules infectées par
HHV-8 (Offermann MK, abstr. 8, A16).
Ainsi, l’expression de plusieurs gènes antiviraux peut être
induite par l’infection à HHV-8, comme ceux codant pour le
TNFα, l’IFNγ, l’INFα, l’IL1βet certaines protéines kinases
(PKR).
Le cas particulier du TNFαsemble intéressant ; ce dernier
pourrait en effet faciliter l’infection des cellules saines par
HHV-8, alors qu’il contribue à l’élimination de l’ADN viral
dans des cellules déjà infectées par le virus (Offermann MK,
abstr. 8, A16).
LES LYMPHOMES MALINS (LNH) ASSOCIÉS AU VIH
La plupart des études précliniques et cliniques sur les LNH
permettent de suggérer qu’il existe un avantage thérapeutique
à délivrer des agents cytotoxiques sous forme de perfusions
continues (Sparano et al, J Clin Oncol 1993 ; 11 : 1071). Spa-
rano (abstr. S15, A11) nous a présenté une revue de trois
études publiées par Einstein, Aviano et l’ECOG portant sur
182 patients chez qui le protocole CDE a été administré
(tableau IV). Ce protocole comprend du cyclophosphamide
(200 mg/m2/j sur 4 jours), de la doxorubicine (12,5 mg/m2/j sur
4 jours) et de l’étoposide (60 mg/m2/j sur 4 jours) associés à
des facteurs de croissance hématopoïétiques, des antirétrovi-
raux, des antibiotiques et du fluconazole.
L’addition de didanosine comme antirétroviral semble proté-
ger de la neutropénie, de la thrombopénie et de l’anémie. Elle
permet ainsi de diminuer le nombre de transfusions érythrocy-
taires et plaquettaires. L’addition d’une antiprotéase comme le
saquinavir semble provoquer plus de mucites de grades 3-4
(67 % versus 12 %). En dépit de l’utilisation de ces antirétrovi-
raux, le nombre de lymphocytes CD4+ est diminué de 50 %
pour l’ensemble des patients. En analyse multifactorielle, un
faible nombre de lymphocytes CD4+ est associé de façon
significative à un taux plus faible de réponse complète (odds-
ratio de 0,16 ; p = 0,01) et à une survie globale plus courte
(p = 0,01). Douze patients (médiane CD4+ = 138/mm3) ont par
La Lettre du Cancérologue - volume IX - n° 4 - septembre 2000
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La Lettre du Cancérologue - volume IX - n° 4 - septembre 2000
ailleurs reçu le protocole CDE associé à du rituximab
(375 mg/m2) pour un total de 4 à 6 injections ; le taux de
réponse complète a été de 75 % et le risque de complication
infectieuse n’a pas été majoré par rapport aux données histo-
riques (33 % versus 27 %).
Au total, la survie globale des LNH semble avoir été augmen-
tée depuis 1996, probablement en raison de l’instauration en
routine des combinaisons antirétrovirales de type HAART
associées aux agents cytotoxiques.
Les facteurs de mauvais pronostic retrouvés sont l’âge
(> 60 ans), les stades III/IV, le taux élevé de LDH, le score de
l’état général ou Performance Status (> 2), les facteurs spéci-
fiques liés au VIH, la présence d’infections opportunistes, le
nombre de sites et le nombre de CD4 (< 100/mm3).
Little (abstr. S16, A11), au cours de cette conférence, a rap-
porté des résultats remarquables. Son étude a porté sur l’ajus-
tement individuel de doses de chimiothérapie du protocole
EPOCH (perfusion continue de VP16, vincristine, doxorubi-
cine) chez des patients présentant un LNH pour lesquels la thé-
rapie antirétrovirale a été arrêtée transitoirement pendant la
durée de la chimiothérapie afin de réduire la toxicité. Trente-
trois patients ont été inclus : 23 patients (77 %) ont présenté
une réponse complète, et aucun n’a progressé. La survie sans
rechute est de 100 % pour un suivi médian de 29,9 mois.
Après la reprise de la thérapie antirétrovirale, le retour du
nombre de lymphocytes CD4+ au taux de base a été obtenu au
bout de 12 mois pour l’ensemble des patients. Une étude ran-
domisée comparant ce régime ajusté individuellement à un
régime standard avec arrêt de la thérapie antirétrovirale est en
cours.
Dans le cadre de ces études randomisées comparant un bras
standard à un bras ajusté (ou sous-dosé), l’équipe de Tirelli
(abstr. S17, A12) nous a présenté les résultats de l’étude euro-
péenne comparant le régime ACVB (LNH de bas risque) aux
bras CHOP (risque intermédiaire) et semi-CHOP (haut risque)
chez des patients infectés par le VIH et atteints de LNH
(tableaux V et VI). Les inclusions ont débuté en 1993.
Entre le groupe ACVB et le groupe CHOP, il n’existe pas de
différence significative (p = 0,5) en termes de survie à deux
ans (51 % versus 43 %). Quand on compare le groupe CHOP
au groupe 1/2 CHOP, les survies à deux ans (35 % versus
28 %, p = 0,09) ne sont pas significatives. Une différence
significative existe en faveur du groupe CHOP en termes de
survie sans événements (33 % versus 25 %, p = 0,04).
Au total, les taux de réponses objectives des patients infectés
par le VIH et atteints de LNH restent faibles ; le pronostic de
ces patients reste défavorable et principalement lié au VIH ; il
est secondairement lié aux facteurs pronostiques des LNH.
Une amélioration de ces résultats pourrait probablement être
apportée grâce à de nouveaux protocoles de chimiothérapie
intensive et en perfusion continue sur 12 semaines, administrés
de façon concomitante avec une thérapie antirétrovirale de
type HAART.
HHV-8 ET SARCOME DE KAPOSI
APRÈS TRANSPLANTATION D’ORGANES
HHV-8 est dorénavant admis comme cofacteur dans la surve-
nue des lésions de SK. Des cas de SK iatrogènes après trans-
plantation d’organes ont également été rapportés, tant aux
États-Unis qu’en Afrique, en Asie ou en Italie, avec les préva-
lences suivantes, dans l’ordre décroissant :
– 1,24 % après transplantation hépatique ;
– 0,45 % après transplantation rénale ;
– 0,41 % après transplantation cardiaque.
ACTUALITÉ
Étude n Médiane Réponse Survie Survie
CD4/mm3complète médiane à 1 an
(%) (mois) (%)
M-BACOD
dose standard 94 107 45 7,2 24
faible dose 98 100 40 8,2 27
CDE
Janvier 95-déc. 96 48 78 46 8,2 48
Janvier 96-juillet 97 60 227 42 17,8 55
Patients Groupe 1 Groupe 2
ACVB/CHOP CHOP-1/2 CHOP
Homme/Femme 162/24 124/17
Âge 37 ans 39 ans
Intervalle moyen entre 39 mois 43 mois
séropositivité et LNH
Antécédent d’infection 4 % 19 %
opportuniste
CD4/µl (médiane) 229 61
Rémission complète 65 % 56 %
Rémission partielle 16 % 13 %
Stabilité 1 % 4 %
Progression 11 % 22 %
Décès 6 % 3 %
R
0 facteur de risque 1 facteur de risque > 1 facteur de risque
(bas risque) (risque intermédiaire) (haut risque)
Bras 1 : ACVB Bras 3 : CHOP Bras 5 : 1/2 CHOP
Bras 2 : CHOP Bras 4 : 1/2 CHOP Bras 6 : vincristine
Tableau IV. Essais multicentriques (ECOG) comparant M-BACOD
ET CDE.
Résultats pour les 182 patients : réponse complète 44 % ; réponse partielle
12 % ; non évalués 12 % ; temps de progression 24,1 mois ; survie (médiane)
14,8 mois ; causes des 61 décès (57 %) : lymphome : 39 (36,4 %), traite-
ments : 4 (4,8 %), autres causes : 10, inconnues : 7.
Tableau V. Schéma de la randomisation (R).
Tableau VI. Résultats.
179
La Lettre du Cancérologue - volume IX - n° 4 - septembre 2000
Quant à l’incidence du SK après transplantation d’organes, elle
est augmentée d’environ 400 à 500 fois par rapport à la popu-
lation générale (Farge D, abstr. S21, A13). La détection d’anti-
corps anti-HHV-8 chez des patients avant ou après leur trans-
plantation d’organe reste associée à un risque 28 fois plus
élevé de survenue d’un SK par rapport à une population non
infectée. Une immunosuppression plus sévère induite par des
anticorps antilymphocytaires augmente également le risque de
survenue d’un SK, obligeant le praticien à une plus grande
prudence vis-à-vis des patients infectés par HHV-8 (Farge D,
abstr. S21, A13).
En revanche, si l’on compare la séroprévalence de HHV-8
après une greffe de moelle osseuse à celle après une transplan-
tation d’organes, on n’observe aucune augmentation du risque
d’infection ou réactivation virale, celle-ci étant habituellement
révélée par une augmentation du taux sérique d’anticorps anti-
HHV-8. Ces données semblent suggérer que l’aplasie totale
précédant la greffe de moelle osseuse pourrait détruire les cel-
lules infectées par HHV-8 ou favoriserait le passage à une
phase de latence pour HHV-8 (Jenhuis FJ, abstr. S22, A13).
AUTRES APPROCHES CLINIQUES ET SCIENTIFIQUES
À propos des cas de cancers non habituellement associés au
sida, on retiendra les résultats du Groupe français d’études sur
les cancers bronchiques associés au sida, portant sur 16 patients
suivis entre 1993 et 1999 ; les caractéristiques atypiques sont un
âge relativement jeune de survenue, un stade avancé au moment
du diagnostic, ainsi qu’un pronostic très sombre associé à une
progression rapide de la maladie (Massiani, abstr. 67, A31).
Il en est de même pour le mélanome cutané : on retrouve,
comme facteurs de risque, de fortes expositions solaires, une
incidence moindre cependant du syndrome nævodysplasique,
mais une évolution péjorative plus rapide par rapport à la
population normale (Colista D, abstr. 68, A31).
Quant à la maladie de Hodgkin, elle est devenue une complica-
tion néoplasique fréquente du patient infecté par le VIH ; la
présentation clinique regroupe l’ensemble des symptômes les
plus sévères (tous les symptômes cliniques de type B, une
polyadénopathie, une atteinte viscérale…). Au cours de cette
conférence, un cas atypique a été rapporté, dont la présentation
clinique initiale associait un amaigrissement et une pancytopé-
nie, sans adénopathie ni autre signe en faveur d’une maladie de
Hodgkin. Le diagnostic a été posé grâce à la biopsie ostéomé-
dulaire, qui a révélé la présence de cellules de Reed-Steinberg
(Castellano-Sanchez AA, abstr. 64, A30).
CONCLUSION
L’administration de puissantes thérapeutiques antirétrovirales
de type HAART a considérablement amélioré le pronostic
des patients infectés par le VIH. Cependant, alors que les
patients tendent à bénéficier d’une survie prolongée, avec
une restauration partielle (exceptionnellement complète) de
leur immunité, nous assistons à une augmentation du risque
de développement de tumeurs malignes non habituellement
classées au stade de sida. Leur prise en charge thérapeutique,
dans les années à venir, devra se confronter au difficile choix
entre la restauration d’une immunocompétence et le contrôle
tumoral. "
ANNONCEURS
BRISTOL-MYERS SQUIBB (Taxol), p. 169-170 ;
SANOFI~SYNTHELABO FRANCE (Eloxatine), p. 180-181 ;
AMGEN ROCHE (Neupogen), p. 188.
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