G Y N É C O L O G I E E T S O C I É T É La mesure de qualité centrée sur le patient ● J.P. Daures* L a qualité des soins inclut des choix techniques appropriés utilisés avec compétence, la possibilité pour les patients de participer aux choix et de discuter de leur anxiété et de leurs contraintes, l’atteinte d’objectifs appropriés aux problèmes. La qualité a en pratique trois définitions : celle de Donabedian (structure, processus, résultat), celle de Maxwell (efficacité pragmatique, coût/efficacité, justesse pour le patient, acceptabilité, accessibilité aux soins, équité) et celle sur l’aspect des soins de santé (techniques, aspect multiprofessionnel des soins, environnement humain et physique dans lesquels ils sont réalisés). Ces trois classifications ont finalement un seul but : pouvoir évaluer les résultats. L’évaluation des procédures n’ayant de sens que si leur amélioration est directement corrélée à celle des résultats, ce qui mériterait d’être prouvé avant de les évaluer. Les résultats ont pour définition un changement de la santé du patient imputable à sa prise en charge. Cette évaluation des résultats doit être faite soit à partir des résultats finaux, soit à partir de résultats intermédiaires. Par exemple, les résultats intermédiaires peuvent concerner les paramètres physiologiques, biologiques ou les symptômes. Mais cette amélioration est-elle corrélée avec celle du statut de santé ? Les outils de mesure de l’amélioration de l’état de santé sont-ils pertinents ? Le but de cet exposé est de recentrer la notion de qualité avec ses véritables objectifs, de montrer pourquoi il est indispensable de l’introduire dans les processus d’accréditation et de montrer son importance pour stabiliser les budgets des systèmes de santé des pays de l’OCDE. LA QUALITÉ DES SOINS SELON MAXWELL Nous allons préciser quelques points des six composants de mesure de cette qualité. ❒ L’efficacité pragmatique consiste à savoir si l’intervention réalisée atteint les objectifs attendus. Cela doit permettre de promouvoir les interventions efficaces et de limiter celles qui ne le sont pas ou n’ont pas fait la preuve de leur efficacité. ❒ L’efficience est la mesure du rapport coût/efficacité. Cela signifie que pour une année de vie gagnée avec une nouvelle * CHU Nîmes, IURC Montpellier. 12 prise en charge, on choisi la technologie qui aura le surcoût le plus faible. La légitimité du choix d’une technique trop chère par rapport aux gains attendus reste posée. ❒ La prise en charge sera juste pour le patient si, parmi la prise en charge la plus efficace, on choisit celle dont les résultats attendus seront les plus proches de ceux désirés par le patient. ❒ L’acceptabilité de la prise en charge doit tenir compte du point de vue du patient et de celui de la société. Ces points de vue peuvent être contradictoires. Tout cela suppose que le médecin donne une information intelligible aux patients, que les patients soient à même de la comprendre, sans la déformer, et puissent faire en conséquence des choix à titre individuel. ❒ L’accès aux soins peut se mesurer de diverses manières en fonction des types de système de santé. Quand il y a liste d’attente, il est facile de mesurer la réduction de la durée de cette liste d’attente, sinon on peut mesurer le délai de la première consultation et/ou de la consultation de suivi. ❒ L’équité est un mot qu’il faut utiliser avec précaution. On se limitera au fait que l’accès aux soins prouvés scientifiquement ou admis par les consensus d’experts ne doit pas être limité par la possibilité de payer. Cela est valable aussi bien pour le diagnostic que pour le traitement et le suivi. En résumé, la qualité technique des médecins est essentielle, mais seule, elle ne garantit pas la qualité des soins. Les médecins doivent pouvoir discuter des risques et des bénéfices des interventions et décrire les résultats possibles avant l’intervention surtout si les patients participent à la décision. DOIT-ON INCLURE L’AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ DANS L’ACCRÉDITATION ? Une obligation au vu de l’évolution du système de santé L’évolution des systèmes de santé des 17 pays de l’OCDE se caractérise par une certaine cohérence et de grandes orientations communes. On peut citer notamment : répartition des ressources en fonction des besoins calculés a priori, possibilité d’acquérir des prestations en dehors du système d’assurance principal, efficience microéconomique, liberté des choix du prestataire, modifications des méthodes de rémunérations des prestataires (médecins, hôpitaux), en introduisant notamment des systèmes mixtes de rémunération des médecins ou le plafonnement du paiement du médecin à l’acte, les solutions permettant d’éviter les hospitalisations, l’orientation vers le libre La Lettre du Gynécologue - n° 250 - mars 2000 exercice de la concurrence (soit par les médecins, soit par les assureurs), la séparation des fonctions d’achats et de prestataires des services, l’autonomie des hôpitaux. Malgré diverses expérimentations, la maîtrise des dépenses de santé est plus ou moins bien réalisée en fonction du pays. Tous s’orientent donc vers la mesure et la normalisation de la qualité des soins, cela pour deux raisons principales : dans les systèmes de soins organisés, les économies peuvent se faire aux dépens de la qualité et la non-définition statistique d’une normalisation des pratiques reposant sur les données scientifiques ou les conférences de consensus conduit à un excès de prescriptions qui est préjudiciable aussi bien au malade qu’au système de santé. La qualité doit alors être centrée sur les résultats beaucoup plus que sur les procédures. L’inclusion de l’amélioration de la qualité dans les systèmes d’accréditation Les grands systèmes d’accréditation CCHSA, JCAHO ont compris dès 1991 et 1986 qu’il fallait introduire l’évaluation de la qualité des soins à partir des résultats. Jusque-là, l’accréditation reposait essentiellement sur les politiques organisationnelles et les procédures plutôt que sur l’organisation de l’activité clinique. Mais ces acteurs ayant constaté que la relation entre les caractéristiques structurelles et les processus de soins était plutôt faible, l’introduction de l’évaluation des résultats devenait essentielle. Ainsi, le nombre de standards (description de l’organisation qui fournit les soins) a diminué au profit des indicateurs d’amélioration de la qualité. L’amélioration continue de la qualité garantit que les besoins des consommateurs sont satisfaits. L’accréditeur est donc passé du rôle de consultant à celui de régulateur médico-économique puisque la notion de qualité inclut à la fois les soins et les ressources utilisées pour atteindre les résultats. QUELLES CONSÉQUENCES SUR LA PRISE EN CHARGE DES PATIENTS ? La limitation sur des critères strictement budgétaires des prescriptions pharmaceutiques, prothétiques, et l’incitation à des modes particuliers de prise en charge est inacceptable car elle pénalise le malade, le système de santé et ralentit les innovations. La véritable question est quelle stratégie de diagnostic, ou thérapeutique ou de suivi qui, compte tenu des caractéristiques médico-sociales du patient, est la plus optimale en termes médico-économiques donc en termes de qualité ? Toute structure, tout médecin qui prétend assurer des soins de qualité doit d’abord répondre à cette question. Le rôle des structures est de s’adapter pour atteindre ces objectifs ; les financements étant globalement suffisants si on définit les vraies priorités et si on se limite aux prises en charge dont l’efficacité et le rapportcoût/efficacité ont été démontrés. La présence de deux systèmes publics et privés complique le mode de fonctionnement tout en permettant artificiellement de répondre aux besoins. En effet, quand les quotas de prescripLa Lettre du Gynécologue - n° 250 - mars 2000 tions dans le système public sont atteints, les patients seront traités dans des structures de statut privé dans lesquelles les prescriptions seront encore possibles, si non elles risquent de ne pas bénéficier des innovations technologiques, ce qui correspond à une perte de qualité. Ce dysfonctionnement se retrouvera aussi dans le cas de bilans nécessaires à une intervention (par exemple : examen faisant partie d’une prise en charge et qui est réalisé en privé hors de la structure qui prend en charge le patient), il alourdit les coûts et n’améliore pas la qualité des soins. PLACE DES RÉSEAUX, FILIÈRES, MÉDECINS RÉFÉRENTS DANS L’AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ DES SOINS Si ces modes de prises en charge ont donné lieu à des textes, à la création de groupes et à des revendications corporatistes de tout ordre, c’est avant tout parce que des personnes ou des structures ont perçu la possibilité de création de nouveaux monopoles avec toutes les conséquences notamment budgétaires que cela peut avoir. En réalité, ce qui est intéressant en termes de santé publique, c’est de connaître avec précision la trajectoire du patient afin de savoir s’il a été correctement pris en charge en termes médico-économiques. C’est bien cette transparence qui est au cœur du problème puisqu’on peut constater par des études spécifiques lourdes que, pour les pathologies cancéreuses par exemple, les réseaux sont constitués depuis quelques années, qu’ils sont opérationnels et que le nombre de patients qui sortent volontairement d’un réseau est, en fonction de la localisation, peu important. Quant aux médecins référents, la référence peut être budgétaire (c’est le médecin qui gère le budget et la stratégie de prise en charge d’une pathologie, le plus souvent en faisant appel à des prestations de confrères) ou la référence peut être médicale. Dans le premier cas, le choix est beaucoup plus politique que technique et il est directement lié au mode de régulation du système de santé tel que l’État le définira. Dans le deuxième cas, il faut accepter que la référence médicale ne s’impose ni par l’appartenance à une structure, ni par des moyens. La référence médicale se mérite, elle peut disparaître ou apparaître au cours du temps et elle est la reconnaissance par les confrères d’une spécialité, des qualités médicales et humaines d’un médecin dans un contexte donné. C’est pourquoi l’autorisation de plateaux techniques “pointus” non ouverts biaise fortement cette notion puisque, indirectement, on essaye d’imposer aux patients des filières par le biais de l’environnement technique sans aucune préoccupation de la qualité globale de la prise en charge incluant la liberté de choix par le patient de son médecin. Les diverses propositions de réseaux, filières, médecins référents sont soit inutiles (car elles existent et fonctionnent bien dans certaines spécialités), soit dangereuses car elles vont conforter des monopoles et rentes de situation en aliénant la liberté de choix du patient. 13 G Y N É C O L O G I Le seul vrai but est budgétaire, mais il n’est même pas sûr qu’elles répondent à cet objectif. Connaissant la trajectoire du patient sur des durées fonction des pathologies, la budgétisation des trajectoires de qualité (définie par les professionnels médicaux, épidémiologistes et économistes) a posteriori permettra d’optimiser au sens médico-économique le système de santé. Le principe de base que “l’argent doit suivre le patient” est admis par tous les spécialistes des systèmes de soins et si cet argent ne sert qu’à payer les procédures de qualité, les patients seront bien soignés, auront le libre choix de leur médecin en prenant leur responsabilité et l’enveloppe actuelle sera suffisante. Il faut noter que même dans les pays les plus libéraux (États-Unis) les systèmes un peu contraignants (HMO) évoluent sous la pression des patients vers un choix plus libre accompagné d’une responsabilité budgétaire. CONCLUSION L’évaluation de la qualité des soins par l’intermédiaire des résultats doit être l’élément essentiel de l’accréditation des structures et/ou des hommes. Cela suppose un système d’information performant qui est de toute façon indispensable et devrait garantir la qualité médico-économique des soins pour E E T S O C I É T É la satisfaction des patients et des acteurs des systèmes de soins. La focalisation sur des procédures qui n’ont pas fait la preuve de leur lien avec la qualité des résultats est très consommatrice de ressources, démotive les acteurs et ne permettra que peu d’amélioration des résultats (voire une dégradation en conséquence du détournement des ressources humaines de leurs buts de soins). Finalement, la régulation médico-économique du système de santé est surtout un problème de volonté politique, basée avant tout sur un système d’information performant, sur la prise en compte des données épidémiologiques validées et sur le libre choix des patients qui doivent être conscients des conséquences budgétaires individuelles de leur choix. Dans ces conditions, le budget consacré aux soins est suffisant à condition qu’il soit géré et pas seulement administré. Il conviendrait de ne pas perdre de vue que la seule justification de l’existence de structures de soins et de soignants est d’obtenir les meilleurs résultats en termes médico-économiques en tenant compte de la satisfaction des patients. Cette dernière variable prendra à l’avenir de plus en plus d’importance ; cependant, si on ne veut pas verser dans la démagogie, il conviendra de bien définir ce que cela signifie et de standardiser le corps du questionnaire utilisé dans ce type d’enquête. ■ ANNONCEURS ROCHE NICHOLAS (Gynhydralin), p. 2 ; ARKO MEDIKA (Phyto Soya), p. 7 ; SCHERING AG (Melodia, Gestodène), p. 27-28 ; BESINS ISCOVESCO (Œstrodose, Utrogestan), p. 4, p. 21 ; CERIN (Institutionnelle), p. 35 ; WYETH-LEDERLÉ (Minesse), p. 18-19 ; SERONO (Gonal F), p. 29, 30, 31 ; LABORATOIRES IPRAD (Saforelle), p. 36. 14 La Lettre du Gynécologue - n° 250 - mars 2000