La Lettre du Cardiologue - n° 339 - novembre 2000
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La préservation de la valve aortique
On peut tenter de conserver la valve aortique native lors du rem-
placement de l’aorte ascendante (intervention de Yacoub ou de
David). Ces interventions comprennent une résection complète
de l’aorte ascendante, et ne laissent aucune collerette aortique au-
dessus des valves. Le risque, difficile à évaluer actuellement, est
que s’installe plus ou moins rapidement une fuite aortique val-
vulaire. Cependant, cette intervention n’est pas toujours possible,
car les valves aortiques peuvent également s’altérer du fait des
conséquences mécaniques d’une fuite aortique chronique.
La tendance actuelle est de proposer une intervention de rem-
placement du culot aortique précocement, lorsque les valves aor-
tiques n’ont pas souffert d’une régurgitation chronique. En consé-
quence, la préservation de la valve aortique est de plus en plus
souvent possible et proposée. Mais les données sur les résultats
à long terme après chirurgie conservant la valve aortique sont
encore peu nombreuses.
L’indication opératoire
L’indication opératoire est portée sur un faisceau d’argu-
ments :
✔
Le diamètre aortique maximal, généralement au niveau des
sinus de Valsalva : lorsque le diamètre est supérieur à 60 mm,
l’indication est formelle. Elle est également portée lorsqu’il est
supérieur à 55 mm (4). Mais on peut proposer une intervention
lorsque le diamètre aortique est de 50 mm, avec l’idée de limi-
ter le risque de dissection, mais surtout de permettre une chi-
rurgie de remplacement de l’aorte ascendante qui préserve les
valves aortiques natives et évite ainsi au patient (ou à la patiente,
notamment en cas de désir de grossesse) les problèmes liés aux
valves mécaniques et au traitement anticoagulant. L’interven-
tion est également proposée plus facilement lorsqu’il existe une
histoire de dissection aortique dans la famille, d’autant plus que
la dissection est survenue à un jeune âge ou sur une aorte peu
dilatée.
✔
L’augmentation du diamètre aortique, ce qui ne saurait trop
faire souligner l’importance d’une surveillance régulière,
annuelle, et semestrielle lorsque l’on s’approche des diamètres
où la chirurgie est recommandée.
✔
Il faut apporter le plus grand soin à la réalisation de l’examen
(généralement échocardiographique), standardiser les méthodes
de mesure (figure 5), et comparer les résultats obtenus aux valeurs
normales compte tenu de l’âge, du poids, du sexe et de la taille.
Des valeurs normales du diamètre au niveau du sinus de Valsalva
ont été publiées par Roman (7), et sont largement utilisées pour
les adultes.
La surveillance après l’intervention
Après remplacement de l’aorte ascendante, les patients justifient
toujours d’une surveillance régulière : comme il est souligné plus
haut, c’est l’ensemble de l’aorte qui est fragile chez les patients
présentant un syndrome de Marfan. En conséquence :
1. Le traitement bêtabloquant doit être poursuivi après l’in-
tervention. Ce traitement est encore plus impératif lorsqu’une
dissection de l’aorte a touché l’aorte descendante, qui n’a très
généralement pas été remplacée, au moins d’emblée.
2. L’aorte doit être surveillée par un examen permettant de la
visualiser dans son intégralité, tel que le scanner spiralé ou la
RMN, à réaliser dans des centres ayant l’expérience de la mesure
des paramètres aortiques. On peut proposer une surveillance bi-
annuelle en l’absence de dissection ou de dilatation importante,
surveillance à renforcer en cas de complication.
L’INTERVENTION SUR LA VALVE MITRALE
L’intervention sur la valve mitrale n’est nécessaire que chez une
minorité des patients présentant un syndrome de Marfan et un
prolapsus valvulaire. Cela étant, les indications sont les mêmes
que dans la population non Marfan, avec deux particularités :
1. Il est presque toujours possible de faire une plastie valvulaire,
dont les bons résultats sont maintenus dans le temps.
2. Il est parfois délicat de décider ce qu’il faut faire sur l’aorte un
peu dilatée d’un patient chez lequel on réalise une plastie mitrale
ou, inversement, chez un patient qui va avoir une intervention de
remplacement de l’aorte ascendante et qui présente un prolapsus
avec une fuite qui semble augmenter.
CONCLUSION
La chirurgie de l’aorte est le principal facteur ayant permis d’al-
longer l’espérance de vie des patients présentant un syndrome de
Marfan. Il faut savoir la proposer à temps, ce qui peut permettre
de préserver la valve native, mais il faut également savoir ne pas
opérer un patient qui peut attendre dans de bonnes conditions de
sécurité. Les indications opératoires sur les aortes descendantes
sont souvent délicates, et la chirurgie du prolapsus mitral repose
en règle sur la plastie, dont les résultats se maintiennent dans le
temps. Il est important de poursuivre la surveillance et le traite-
ment après l’intervention, car il persiste une paroi aortique fra-
gile dans les segments aortiques non remplacés. ■
ÉDITORIAL
Figure 5. Mesure du diamètre aortique pour la surveillance de la racine
de l’aorte chez les patients présentant un syndrome de Marfan. .../...
Références bibliographiques, p. 8