Godefroid KURTH Professeur émérite à ^Université de Liège l^V' ûuet^Âpens Prussien en Belgique Avec une Préface de S. E. le Cardinal D,-J. Mercier Archevêque de Mafines Avant-Propos de M. Qeorges Ooyau -^ BRUXELLES PARIS Honoré 5, DEWIT CHAMPION Albert 53, RUE Royale, 53 QUAI Malaquais, 5 1919 Le Quet=Apens Prussien en Belgique DU MÊME AUTEUR Les Origines de la Civilisation moderne, 6« édition, Bruxelles-A. Dewit, 1912, 2 vol. in-S^ fr. Notger de Liège et la Civilisation au X« siècle, Paris- .... Champion, Bruxelles-Dewit, 1905, 2 vol. in-8o La Cité de Liège au moyen âge, Paris-Champion, Bruxelies-Dewit, 1910, 3 vol. in-8o Clovis, 2« édition (sous presse), Bruxelles-Dewit, 2 vol. 8.00 Etudes Franques, Paris-Champion, Bruxelles-Dewit, vol. in-8o 1919, , Clotilde, 6^ édition, Paris, V. Lecoffre Sainte Boniface, 4® édition, Paris, V. Lecoffre .... .... Saint Mizrain. Souvenir d'Egypte, Paris-Champion, BruxellesDewit, 1912 La Nationalité belge, 2e édition, Bruxelles-Dewit, 1919 . Notre 10.00 15.00 in-8« 2 8.00 Nom national, Bruxelles-Dewit Manuel d'Histoire universelle, 2® édition, 20.00 2.00 2.00 3.50 3.00 1.00 augmentée de gravures et de cartes, 1919, première année, Bruxelles- Dewit Manuel 2.75 d'Histoire augmentée de nombreux numéros, 1919, universelle, 2^ de gravures et de cartes et édition, seconde année, Bruxelles-Dewit Manuel d'Histoire 2.75 de Belgique, blement augmentée, avec gravures 3® édition, considéraet cartes, Bruxelles- 2.75 Dewit, 1919 Abrégé d'Histoire de Belgique, et cartes, Bruxelles-Dewit, Sommaire 8e édition, avec gravures 1919 Belgique, 9e d'histoire de gravures et cartes, Bruxelles-Dewit, 1919 1.25 édition, avec 0.50 Ces cinq derniers ouvrages sont traduits en flamand, BruxellesDewit, Gand-Siffer. Qodefroid KURTH Professeur émérite à l'Université de Liège Le Guet=Apens Prussien en Belgique Avec une Préface de S. E. le Cardinal D.-J. Meircier Archevêque de Matines Avant-Propos de M. Georges Qoyau BRUXELLES Albert DEW^IT PARIS Honoré 5, CHAMPION QUAI Malaquais, 5 53, 1919 RUE Royale, 53 Tous droits réservés. « Entre civilisés et barbares, la lutte n'est pas Les nations civilisées appliquent les neuf dixièmes de leurs forces à la paix et au travail; les barbares appliquent à la guerre égale. tous leurs bras et toute leur âme. » FUSTEL DE COULANGE, L'invasion germaniquey p. 327. « Das eben ist der Fluch der bosen That Dass sie fortzeugend immer boses muss ge[bàren. » Schiller, Die Piccolo7;nini, V. I. AVERTISSEMENT Nous accomplissons le désir d^ Godefroid Kurth en publiant, comme son testament patriotique, Lorsque il avait mort la pages du et les qu'il le surprit, le entièrement achevé chapitres gique, dernières les Guet-apens avait confiés ait écrites. 4 janvier 1916, les cinq preniiers prussien en Bel- à M. Eug, Bâcha, conservateur des manuscrits à la Bibliothèque Royale. Dans la pensée de l'auteur, ces cinq chapitres formaient un tout complet se suffisant à lui- même. Mais Godefroid Kurth entendait bien y donner une Il une suite. avait réuni et classé des série d'autres chapitres, matériaux pour dont il avait déjà — VIII — tracé le plan et rédigé certaines parties. ébauches portent Comment [Chap. VI.] nié le voici : l'Allemagne a calom- Gouvernement belge ; Comment TAllemagne [Chap. VII.] la que les sous-titres Ces a calomnié Belgique. [Chap. VIII.] Comment l'Allemagne a traité Belgique. la [Chap. IX.] La légende des francs-tireurs. [Chap. X.J les femmes Comment l'Allemagne calomnie belges. [Chap. XI.] Cynisme et résipiscence. Nous avons cru devoir ajouter en appendice les premier dont premiers de ces chapitres, trois entièrement rédigé et était le deux les suivants relativement fort avancés. Si éloignés soient-ils encore de la que Fauteur s'apprêtait à leur donner, forme ils con- tiennent des pages qui méritent d'être sauvées de l'oubli. sur L'étude volume, est Aerschot, qui enquête le une monographie indépendante, un épisode des événements qui l'appendice termine II. font le sujet de L'auteur Ta rédigée après une personnelle et sur des témoignages IX écrits, qui — composent un volumineux dossier du plus poignant intérêt. Godefroid Kurth a apporté dans ces pages son émotion d'homme, son cœur de patriote et sa critique d'historien. La vue du passé claire qu'il devait à ses veilles laborieuses lui de tait la en 4915, transporter jusque dans l'avenir, humiliée... pas à écrire en n'hésitait il de l'Allemagne lant (1). de son génie, Il la sur débâcle finale. pour paix, mais son par- pressentait, dans la certitude la Victoire qu'il n'est plus là et, vaincue, Aujourd'hui, : Ainsi est mort Godefroid fixés permet- Kurth, et yeux voyait s'avancer, et assister à nos nom les il lendemains de son œuvre continueront d'élargir leur lumière sur la terre patriale qui fut la sienne et une en l'avenir de laquelle, il avait foi invincible. Les Éditeurs, (1) Page 125. PREFACE Malines, il Combien juillet. nous manq^ie^ le cher et vaillant Godefroid Kurth I Lorsqu'un événement, joyeux ou pénible avait secoué les couches profondes de la. patrie belge, nous nous étions accoutumés à trouver dans la presse du lendemain une inte7'prétaiion vibrante, claire^ de nos sentiments. Kurth posait l'oreille sur le cœur il j de son pays, en recueillait les palpitations, les traduisait en quelques phrases brèves, chaudes, décisives. Au lendemain de V armistice; après le retour du Trône; lors de la reprise des travaux de VAcadémie royale; triomphal du Roi et le discours après la signature de la Paix; après la journée grandiose de Kœkelberg nous nous attendions , du du grand toujours a réentendre la voix de l'historien, démocrate^ celle du grand patriote, chrétien, que tous les Belges vénéraient et que nous avons tant aimé. — Elle XII s'est éteinte^ cette noble voix. Jusqu'à notre dernier souffle, nous garderons présente à l'imagination la visite que nous fîmes à Godefroid Kurlh dans sa maison de retraite d'Assche. Cétait le 3 janvier 1916 Nous eûmes vers le soir (1). de Cètreindre la consolation fraternellement dans nos hras. Avec l'humi- d'un enfant^ il nous demanda une suprême bénédiction. Ce que son puissant org anisme put recueillir d'énergie fut pour nous redire, en paroles entrecoupées, avec quelle lité et la foi sincérité il avait aimé l'Eglise catholique^ sa Mère, notre Mère combien les horreurs de ïinvasion allemande l'avaient meur: et puis, tri. Kurth aimait l'Allemagne il avait suivi de très près les travaux scientifiques de ce pays; ; il en fréquentait assidûment congrès ; les avait étudié les aspirations populaires eu confiance en ; il il en avait elle. L'invasion, son iniquité originelle, ses atrocités, ses perfidies, le renversèrent. Kurth porter une arme, mais Blessé à mort, n'est il plus capable de ne lâchera pas sa plume. Elle vengera sa patrie. (1) Cette même nuit à 1 Il donnera au heure du matin, Godefroid Kurth s'endormait dans le Seigneur. XIII traître, qui a tente de nous déshonorer^ dernier soufflet. un Nos compatriotes liront dans « Le guet-apens prussien en Belgique » et dans « La tragédie d'Aerschot » la dernière protestation d'une grande âme contre riniquité, un hommage suprême à la vérité méconnue. Ces pages, à la date et dans exceptionnellement laborieuses où écrites, elles ne pouvaient être complètes sont pas moins fortes, conditions les ^ furent elles n'en émouvantes. Puissent nos chers compatriotes garder au cœur le double amour qui forgea la person- morale de Godefroid Kurth, V amour de Vunitè de la patrie belge, l'amour du Christ et nalité de son Église t / S. E. Gard. Mercier, arch. de Malines. AVANT-PROPOS LE TÉMOIGNAGE DE GODEFROID KURTH y a quelques années, à l'occasion du jubilé de Vhistorien belge Godefroid Kurth, nous présenIl tions aux lecteurs de la Revue cette nalité de savant et de lutteur grande person- (1). Kurth, dans œuvre historique, unissait à des scrupules d'érudition minutieuse un don permanent d'éloquente synthèse; on trouvait en lui ces deux toute son qualités qui sont rarement réunies chez homme et le : un même du chercheur, Son Clovis, sa la perspicacité pointilleuse souffle du généralisateur. Sainte Clotilde, son Histoire poétique des Mérovingiens, ses Origines de la civilisation moderne, son Eglise aux tournants de trent en lui une méthode de service d'une dissection la vie. (1) vier âme mJme l'histoire, nous mon- « chartiste » d'orateur, et mise au comment de des a documents » il la fait jaillir Ce fondateur d'un laboratoire historique Voyez 1907. la Revue des Deuœ Mondes du 15 jan- XVI était, tout en même temps, un se mêlait intimement, taire du homme non point à d'action la vie : il parlement parti catholique belge, mais à cette vie plus profonde, plus remuante, qui fermentait quo- tidiennement dans dans les groupements ouvriers, longue échéance les démocratiques, les associations qui préparait à et futures campagnes politiques: cet intellectuel aimait le contact des masses, tantôt pour ausculter l'âme nationale et tantôt pour l'entraîner. Et c'était avec tout lui-même, avec sa connais- sance approfondie de toutes les initiatives sociales du moyen âge chrétien, avec sa compréhension, toujours éveillée, des besoins populaires actuels, que Godefroid Kurth, dressant parmi les catholi- ques belges sa haute stature de tribun, leur apparaissait comme un docteur de générosité sociale, La Grande Guerre surprit Godefroid Kurth en Belgique il arrivait de Rome, où il était directeur : de l'Institut historique belge; sous ses regards étonnés, accablés, la ruée allemande déferla. Ayant^ toujours voulu, d'une volonté très stricte, une Belgique impartiale entre il avait toujours respectée. France compté que cette et l'Allemagne, Belgique serait Le crime germanique fut pour plus affreuse déception. certes, la On lui la ne pouvait l'accuser, de malveillance préconçue pour ses mau- vais voisins de VEst, Il avait toujours revendiqué l'autonomie linguistique pour les divers groupes XVII — de populations qui formaient l'unité belge, non et point seulement pour les Flainands, mais aussi pour certains Belges de langue allemande, voisins des provinces rhénanes. Ses relations scientifiques nombre de professeurs des univer- avec un sités allemandes lui étaient très chères; certain ses meilleurs disciples, en Godefroid Kurth, au M. Kai^l et l'un de Hanquet, saluait moment de son jubilé, le maître qui, en « gardant avec une fidélité jalouse la méthode française d'exposition », avait « intro- duit dans les universités belges la méthode d'investigation allemande ». Tel était l'ouvrier d'histoire dont nous allons publier les ultima verba. Avec ments dont disposait, il le peu de docu- mais avec toute l'acuité sa vision et avec toute Vacuité de sa conscience, fit pour une dernière racontant time. le Sous fois œuvre de il d'historien, en guet-apens dont sa patrie était vic- le joug allemand, son éloquence devenue muette; mais dans le secret de savant, sa plume restait libre, était de son cabinet et les pages qui suivent nous montrent l'usage qu'il fit de cette dernière liberté, jusqu'à son dernier souffle. commença ce travail « au fond d'un Il village bra- bançon, sans chemin de fer, sans poste, sans journaux, loin de toute bibliothèque, communiquer ne pouvant avec Bruxelles qu'au prix de démar- ches et de passeports; » disposition, et pour il n'eut d'abord à sa cette besogne, que « les journaux 2 — XVIII allemands abandonnés par C'était dur, sous ce bler des documents les troupes de passage». régime allemand, de rassem: des journaux, les col- lire porter, les garder, pouvait entraîner la mort. Gode- quand même, ne froid Kurth, pour les écrire; il voulait pas attendre pour empêcher tenait à « parler tôt légendes de la calomnie de prendre racine dans les esprits », et puis, peut-être pressentait-il qu'il fallait parler tôt Et dans parce que la mort allait venir les chapitres successifs qu'il jeta papier, on tôt... sur le appliquer aux perfides arguments le vit de VAllemagne ses méthodes sévères de critique du Hohenzol- historique, et poursuivre la thèse lern, et celle de le même Bethmann, et celle de Jagow, avec souci d'examen scientifique que fût agi de quelque fraude commise dans tain passé. C'est au nom même un se loin- de ses procédés d'historien qu'il demandait des comptes aux bour- reaux. Et cédant à sa naturelle éloquence, en un grand tableau trait ensuite, s'il il mon- d'histoire, ce du guet-apens. Une fois achevé ce manuscrit, Godefroid Kurth ne le conserva pas son ami M. Bâcha l'emporta, qu'avait été l'âme belge vis-à-vis : pieusement, à et l'y la bibliothèque royale de Bruxelles, mit à l'abri des regards ennemis, La veuve de Godefroid Kurth a bien voulu nous en donner communication. Le ministre Beernaert déclarait naguère que Kurth était le un Manuel d'histoire de Belgique de « merveilleux abrégé » d'histoire XIX nationale : commenté — l'héroïsme belge, Kurth, tel à ajoute que ce l'a décrit et a merveilleux abrégé » une page plus merveilleuse encore. Georges Goyau. (1) Revue des Deuœ Mondes, l®"" mai 1919. (1). INTRODUCTION La Belgique jardin de la civilisation européenne plus aujourd'hui que 1914 jusqu'au 3 août était : elle le n'en est le cimetière. Ses villes sont détruites, ses villages brûlés, ses plus beaux monuments réduits en cendres, ses bibliothèques anéanties, ses habitants massacrés ou déportés en Allemagne ou réduits à Pourquoi ? Parce qu'elle a Elle avait la misère. été fidèle au devoir. assumé devant l'Europe l'obligation de garder sa neutralité. Un jour, un des cinq protecteurs de cette neutralité lui a proposé marché déshonorant : trahir la foi jurée en lui ouvrant une porte qu'elle s'était fermée. Elle a refusé : il un l'en a châtiée. engagée à tenir LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 2 Que tous amis de l'humanité viennent voir les dans ce livre comment cela S'il s'était s'est fait. borné au massacre, à et à l'incendie, cela ne la destruction serait rien. Nous y sommes habitués. Pendant quatre souffre-douleur de chez sont été champs Les l'Europe. internationales batailles nous avons siècles, nous les des : les nations ont vidé leurs querelles sur notre sol; nous avons été foulés par armées de tous les les peuples, et les quatre-vingt-trois années de paix que nous avons goûtées de 1831 à 1914 n'ont été qu'un intermède heureux dans une longue chaîne d'infortunes imméritées. Mais cabler n'a pas suffi à l'ennemi de nous ac- il au point de ne nous formule prussienne, que Nous avions honneur: c'est tout les laisser, selon la yeux pour pleurer. sacrifié pour sauver notre notre honneur qu'il a entendu nous enlever, semblable au bourreau antique qui violait sa victime avant de l'égorger. Pendant cri qu'il nous bâillonnait pour empêcher de notre douleur de retentir, l'Europe nos prétendus crimes il le racontait à et s'employait à lui LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE démontrer que nous ne méritions pas le nom de nation civilisée, mais qu'on devait nous abattre conmie des bêtes fauves. Le gaz empoisonné qu'il a appelé à son secours sur les bords de l'Yser n'est du gaz rien auprès accumulé les fétide de la calomnie dont il a nuages sur notre malheureuse patrie. n'a rien épargné: ni notre gouvernement, ni Il notre clergé, ni notre paisible population civile; il n'a pas même nos femmes; ter comme filles, a poussé l'atrocité jusqu'à présen- des monstres de cruauté nos jeunes des enfants de quatorze et de dix ans. Si le tions, il su s'arrêter devant la douleur de monde le devait ajouter foi à leurs accusa- peuple belge serait l'opprobre de l'hu- manité. C'en est trop, idra la voix muette. Je mutilée et, de pour la le coup, l'univers enten- victime l'élève, cette voix, au jusqu'aujourd'hui nom de ma patrie et sanglante. Je cite l'Allemagne devant le tribunal de la conscience humaine: qu'elle essaie de répondre à mon acte d'accusation! Elle ne trouvera ici que des faits qu'elle avoue; je parle d'après ses jour- naux et ses revues; lorsque je cite des témoignages LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 4 belges, mon ils ont été soigneusement contrôlés par enquête personnelle. pendant quarante ans j'en ai appliqué la J'ai enseigné et pratiqué critique historique et la méthode ici, de rigueur que je sens toute avec d'autant plus la responsabilité que j'assume. Est-il nécessaire de dire que ceci n'est pas une œuvre de haine, ni de vengeance. Ceux qui chercheront dans ces pages des hymnes à ou des imprécations contre latine tudesque feront bien de ne pas ne la civilisation les les satisferont pas. Etranger la barbarie parcourir elles : aux misérables querelles de races qui sont l'opprobre de la civilisation contemporaine, je n'avais pas de rêve plus ancien que celui de réconcilier, sur libre Belgique, le génie des faits pour consacré se ma comprendre vie à cette et le sol de la deux grands peuples pour s'aimer. tâche. J'avais Je dirai plus : l'Allemagne n'avait pas en Belgique de meilleur me ami que moi. Il à l'heure où un Belgique (1) plaît de le déclarer hautement, pareil aveu peut constituer, en et ailleurs, un titre à l'impopularité (1) Certains Belges en profitent pour me : présenter en France comme un pangermaniste et un gallopliobe; je ne LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE il sera, que en attendant, le gage de toute l'impartialité le lecteur a le droit de demander à un Belge racontant les douleurs de sa patrie. je me tivité On verra que suis efforcé d'arriver à la plus stricte objec- possible. J'ai battre et à que 5 dit ma plume mon cœur à de ne pas de ne pas trembler pendant je traçais ces tristes pages. Si, à j'avais été désobéi çà et là, le lecteur nerait pas, et j'espère qu'il me mon insu, ne s'en éton- pardonnerait. Qui pourrait exiger une impassibilité absolue du qui voit frapper sa mère et fils qui ne peut venir à son secours? Ce qui l'a écrit était et la carrière les la main encore capable de tenir un fusil, livre n'aurait jamais vu le jour si de l'auteur se serait achevée dans tranchées de l'Yser. Mais puisque la mort, comme la fortune, méprise s'étonnera pas que, n'ayant l'offrande de tribut de mon mon les vieillards, pu on ne faire à la patrie sang, je lui apporte l'humble témoignage. lour fais l'iionneur. ni de leur répondre, ni de prononcer leurs noms. La neutralité belge depuis i83i La Belgique {^). donné au monde, pendant a quatre-vingt-quatre dernières années, un les spectacle qui a été bien des fois contemplé avec étonnement et avec envie. Petite par l'étendue, mais dépassant tous les pays de l'Europe par la densité de sa population, elle était le centre d'une activité industrielle et intellectuelle sans pareille. Elle était devenue, avec ses sept millions d'habitants, la cin- quième puissance économique du monde, dépassant de grandes l'Autriche et nations l'Italie. comme la Son entente de Russie, la vie blique était merveilleuse, et nulle part, pas en Angleterre , on n'avait mieux pu- même concilié les exigences d'une liberté presque illimitée avec le respect (1) et la dû aux pouvoirs établis. Les artistes, les Voir Ch.Woeste, La Neutralité belge. La Belgique France, Bruxelles 1891. C'est une étude magistrale de la question; j'en ai fait largement usage. LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE poètes, les savants de la Belgique avaient conquis dans l'univers entier un renom qui rehaussait réclat de la patrie; l'univers civilisé regardait avec sympathie du côté de la Belgique, et lorsqu'elle célébra en 1903 le 75^ anniversaire de son in- dépendance, presse la française pour trouva mot charmant: une grande nation l'apprécier ce sur un petit territoire. Cette grande petite nation pacifique. Non aux jeux de une nation qu'elle fût inapte guerre ou qu'elle tremblât devant la l'effusion de point, certes, était son sang. Il eût fallu, pour cela, qu'elle reniât tout son passé, qu'elle oubliât son histoire et qu'elle cessât enfants de ses écoles, le clamant que les un aux mot fameux de César pro- Belges sont les plus braves des Gaulois, Mais la Belgique de l'Europe, de faire répéter, était, de par la volonté Etat neutre. Les grandes puis- sances qui avaient reconnu son droit à la vie qui lui avaient garanti dépendance nationale tralité Et le le la et jouissance de son in- lui avaient fait de la neu- une condition d'existence sine qua non. c'était, si les historiens allemands disent vrai, représentant de la Prusse, Biilow, qui avait eu premier l'idée de proposer que la Belgique sa neutralité serait placée sous serait neutre et que la garantie des puissances (1). Quoi qu'il en (1) soit, l^iums\\km),Geschichte Frankreichs von der Thron- LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 9 XVI articles comment, voici 26 juin 1831, le annexés en protocole de les Conférence de Londres la arrêtaient la situation internationale de la Bel- gique. Ils disaient — La Belgique, dans « Art. 9. qu'elles : ses limites telles seront tracées conformément aux prin- Ludwig Philipps hesteigung zum his Faite Napoléons III. Erste Abteilung. Geschichte des Juli-Konigthums, 178; p. t. IV, schichte Deutschlands IV, 235; p. im 19. von Treitschke, Jahrhundert, Cela est loin d'être établi. p. 53. traire, I, Stern, Geschichte Europas seit den Ver- A. tràgen von 1815, t. t. par une lettre que le On 2. voit Ge- Auflage, au con- de la Russie représentant à la Conférence de Londres, Matucziewicz, adressait à son gouvernement sous la date du 15 novembre 1830, que nom, la chose, sans le diplomate, et la mise en avant dès lors par ce 17 janvier suivant, ïalleyrand proposait le chose avec est le nom dans un projet d'ailleurs trop manifestement inspiré des intérêts français pour être accepté. Comme réalisée, Talleyrand se vante d'en avoir eu la paternité {Mémoires, soit, le on pouvait s'y attendre, une fois l'idée IV, pp. 16 et suivantes). Quoi qu'il en rôle du représentant de la Prusse n'aura eu, dans aucun t. cas, l'ampleur riens allemands; il que lui attribuent les histo- se sera borné à concrète à une idée qui était dans donner une forme l'air. Cf. sur la ques- De Lannoy, Les Origines diplomatiques de Vi/ndépendance helge. La Conférence de Londres (1830-1831),tion. pp. 122 et 128-131, d'A. SciiULTE, Von et les récentes considérations der Nentralitàt Belgiens, pp. 36-50, qui ne modifient pas les résultats de l'historien belge. LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 10 cipes posés dans les présents préliminaires, for- mera un Etat perpétuellement neutre. Les cinq Puissances: France, T Angleterre, la Prusse, la l'Autriche et la Russie, sans vouloir s'immiscer dans le régime intérieur de la Belgique, lui garan- tissent cette neutralité perpétuelle, ainsi que tégrité et l'inviolabilité de son territoire dans limites mentionnées « Art. 10. — Par au présent une juste l'in- les article. réciprocité, la Bel- gique sera tenue d'observer cette même neutralité envers tous les autres Etats et de ne porter aucune atteinte à leur tranquillité intérieure ni extérieure, en conservant toujours le droit de se défendre contre toute agression étrangère. » Cette disposition fut reprise et résumée dans le traité des forme elle (( XX articles du 15 novembre l'article 7 ainsi La Belgique, dans articles 1, 2 et 4, 1831, dont conçu: indiquées aux les limites formera un Etat indépendant et perpétuellement neutre. « Elle sera tenue d'observer cette lité même neutra- envers tous les autres Etats. » Ce traité même du 19 Hollande. Et article a passé littéralement avril le jour 1839 entre même où la dans Belgique et la ce traité mettait fin au différend des deux nations, un autre conclu entre la le traité Belgique d'une part, et l'Autriche, LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE France, la Russie Grande-Bretagne, la d'autre part, premier que Prusse la la et dans son article stipulait du les dispositions 11 traité belgo-hol- landais se trouvaient placées « sous la garantie de leurs dites Majestés ». Tels sont les instruments de droit public qui, depuis bientôt un ont réglé la situation siècle, internationale de la Belgique et les conditions de son entrée dans La Belgique ments la famille des peuples européens. n'a cessé de respecter les engage- qu'elle avait pris vis-à-vis des cinq puis- sances garantes de sa neutralité. Elle a toujours considéré le de 1831 traité comme la charte Heureuse des constitutive de son indépendance. droits qu'il lui reconnaissait et de la protection qu'il lui promettait, elle acceptait sans répugnance les obligations qu'il lui imposait. Elle n'ignorait pas que la protection des puissances garantes ne la dispensait pas du devoir de veiller la première à la défense de sa neutralité dans la mesure de ses forces. Tous les gouvernements qui en Belgique ont compris ce devoir malgré les répugnances de la se sont succédé et l'ont rempli population, qui n'aimait pas les dépenses militaires et qui avait foi dans les traités internationaux. Sous l'in- fluence de ses rois, qui ont toujours vu dans les dépenses militaires elle a la plus impérieuse nécessité, successivement majoré le chiffre de contin- LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 12 gent, créé le réduit national d'Anvers (1859), construit fortifications les de Meuse la (1868), complété celles d'Anvers (1905-1906), décrété le service personnel (1909), puis le service général (1912). Toutes ces mesures disaient assez que la Belgique n'entendait pas s'en remettre à l'Europe seule du soin de protéger ses frontières; elle Aucun de ses deux pu l'accuser d'opposer voulait y contribuer aussi. puissants voisins n'aurait une barrière trop de voir dans notre pays était tenté celui-ci chemin faible à l'invasion de l'autre, le C'est ce si le plus facile pour pénétrer chez l'ennemi. que Léopold le roi II rappelait en 1870 avec une autorité sans pareille: « La Belgique, la position que disait-il dans son discours, dans le droit international lui fait, ne méconnaîtra ni ce qu'elle doit aux autres Etats, ni ce qu'elle se doit à elle-même. « Elle saura, pendant la guerre, consciencieuse neutralité conserver à sa le caractère loyal et sin- cère qu'elle s'est toujours efforcée de donner à ses relations vœux pendant la paix. Conformément aux des belligérants eux-mêmes, elle se tiendra prête à la défendre avec toute l'ardeur de son patriotisme et toutes les ressources qu'une nation puise dans l'énergie de sa volonté. « Le peuple belge son droit. Il connaît a la le profonde conscience de prix des biens que depuis , LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE quarante ans il a heureusement acquis, si rablement possédés. Il 13 si hono- n'est pas près d'oublier que ce qu'il a à "conserver, c'est le bien-être, la liberté, l'honneur, l'existence même de sa patrie. (1) » Cette stricte et rigoureuse observation de notre devoir international n'allait pas sans difficultés. Quand l'un ou nos deux voisins l'autre de était en délicatesse avec l'autre, alors tout, de notre part, devenait matière à suspicion tantôt à Paris, commune on tantôt à Berlin, et, que nous faisions cause criait avec la France ou avec l'Allemagne. Il serait long et oiseux de reproduire ici toutes les récriminations allemandes contre les prédilections françaises de la Belgique, contre la prépondérance de la culture française dans ce pays. instructif pour le lecteur et sera plus d'apprendre que des ob- servations en sens opposé ne épargnées en France, Il nous ont pas été qu'à diverses reprises on y a dénoncé je ne sais quelle mystérieuse entente de la Belgique avec l'Allemagne. Ces récriminations ont pris une particulière acrimonie lors de la construction des forts de la Meuse, en 1888, et pen- dant les années suivantes. Tandis que le comte de Moltke disait au colonel belge Lahure: au moins de vos fortifications de (1) Cité par Decamps, p. 624> La la « Une partie Meuse semble Neutralité de la Belgique, - ' , LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 14 tournée contre nous, » on se persuadait sans doute à Paris que l'autre partie était tournée contre la France, et on ne s'apercevait pas que ces soupçons en sens opposé se détruisaient mutuellement. eut à Paris une Il y véritable levée de boucliers; la Nouvelle Revue, dans une interminable série d'articles s'échelonnant de 4888 à 1891, dénonça un Belgique et l'Allemagne. Un traité secret entre la aventurier qui signait tour à tour Foucault de Mondion, Charles de Maurel synthétisa les révélations comte Paul et de La Belgique livrée à Nouvelle Revue la dans un volume qui portait ce titre sensationnel: VAllemagne (1), tendu par quantité de Français qu'un avait été conclu par gouvernement avec Léopold Vasili, il fut en- traité secret à l'insu de son II celui de Berlin pour l'invasion de la France. Notre ministre des affaires étrangères, prince de c'était tenir (( Chimay, avait beau déclarer que inventer une fable ridicule que de sou- que la Belgique aurait violé son devoir de neutralité par des traités (2) la », rien n'y faisait; Nouvelle Revue écrivait gravement: a Tous (1) Foucault de Mondion, La Belgique livrée les à V Al- lemagne (1886-1891). Paris 1891. Le Figaro imprimait: « Aujourd'hui, je viens vous dire simplement qu'il faut considérer désormais la Belgique non plus comnue un pays neutre, mais bien comme une province de l'empire germanique ». 8 août 1890. (2) LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE démentis du que j'ai monde ne changeront pas annoncée Russie possèdent allemande (1). » », et elle le texte Et, ajoutait: « de la 15 la situation Nos amis de convention léopold- encore en 1893, comme pour confirmer ce propos, un complice de Foucault, qui signait Nicolas Notoyich, avait « rétablir » le texte de notre l'impudence de prétendue convention militaire avec l'Allemagne (2). (1) X. NoTOViCH, L'Empereur Alexandre III et son entourage. Paris, 1893. La Belgique donne libre passage sur son territoire aux armées allemandes et leur permet d'y établir à leur convenance des de fourrages. Les chemins de magasins de vivres et fer, avec tout le matériel roulant, sont mis à leur entière disposition. Enfin, l'ar- mée belge elle-même passe sous la dépenda,nce de l'étatmajor allemand et ses chefs supérieurs sont désignés par le généralissime des coalisés. La seule restriction apportée à cet acte de vassalité, c'est que les troupes belges ne dépasseront pas la Flandre conquise et annexée. Tous les frais résultant du passage des armées allemandes en Belgique, indemnités aux propriétaires et aux c( industriels, dommages-intérêts quelconques, restent bien entendu k la charge du gouvernement de Berlin. ce En cas de guerre heureuse, l'Allemagne garantit à la Belgique l'annexion des France. Une carte départements du Nord de la annexée à la convention délimite exactement la part de conquête qui doit être attribuée au successeur de Charles (2) le Téméraire. » Voir un historique de cette méprisable campagne dans Ch. V^oeste, La Neutralité helge. LE GUEÏ-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 16 Que reste-t-il aujourd'hui de toute cette littéra- ture de faussaires et d'espions? Des écrivains qii, sur la foi des Foucault et des Notovich, se sont échauffés au sujet de notre complicité avec magne, y en a-t-il un ne rougirait seul qui yeux lui remettait sous les l' ses folles Alle- si on dénoncia- tions? Ce qui est vrai, et nous pouvons le procla- mer hautement, c'est que notre France n'a jamais la été un vieille amitié pour obstacle à la sincère sympathie que nous portions à l'Allemagne. Dans ces conditions, la Belgique avait le droit de croire que les puissances garantes de sa neutralité seraient satisfaites de ses efforts, qu'elle ne serait pas attaquée par ceux qui avaient assumé de la le devoir défendre, et que les signataires du traité de Londres, en particulier de Prusse, resDec- le roi teraient des engagements solennels. Nous avions d'autant plus le droit de compter sur cette protec- que nous croyions tion L'Allemagne n'avait reçu de témoignages de confiance mieux méritée. Belgique que des l'avoir et la d'amitié. Confiance un peu naïve, il est vrai, et que la création du camp d'Elsenborn à deux pas de notre frontière orientale, aurait bien ouvrions toutes larges dû ébranler. Mais non: nous les portes de notre pays à la pénétration germanique, et on en profitait outre- Rhin. Il y avait des Allemands partout; notre industrie, LÉ GUET-APENS prussien en BELGIQUE 17 notre commerce faisaient dans mie large mesure appel au concours allemand; une partie de notre matériel de guerre, de tous nos canons nous était fournie par la maison Krupp. L'optimisme qui, depuis 1870, nante de l'opinion belge sur ne se rieures, laissait est la note domi- relations exté- les pas déconcerter par les aver- tissements discrets que lui donnaient des patriotes clairvoyants. « écrivait On s'est trop habitué en Belgique, en 1886 Emile Banning, à ne voir de péril pour notre nationalité que du côté du midi, » Et, envisageant l'éventualité d'un conflit entre l'Alle- magne tiques: et la // est aisé (( moment de de la France, il de ajoutait ces paroles prophéle deviner, UAllemagne, au l'ouverture des hostilités, aura l'avance concentration de ses forces; elle a un puissant intérêt à passer par la vallée de la Meuse, Si les un motif, elle entrera surle-champ en Belgique comme garante de notre neu- Français lui fournissent tralité; si prétexte tout lui fait défaut, elle invoquera d'impérieuses nécessités militaires, » Anvers, notre métropole comme au temps allemande; des le des haut mains tudesques, l'esprit de parti s'était trouvé forcer le commerciale, Fugger, quasi une commerce et, explique par chiffre de ses ville dans une faute sans un gouvernement était y était l'excuser, qui, électeurs, que il pour renavait ac- LE GUEt-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE J8 cordé en bloc cette légion tous qui la étrangère. de belge races, peu toute Allemands, chez Placés eux. au confluent de deux civilisations par à étaient visitées 20,000 comme considéraient s'y Nos plages par plus ans les naturalisation et partagés deux nous faisions au génie germanique une moitiés large place à dans notre vie appelions les versités : près égales intellectuelle. savants allemands Schv/ane, Spring, entre Nous dans nos uni- Maynes, Schwerling, Warnkonig, Winiscliwarter, Ahrens, Arntz, Philippson, Jungmann, allaient passer Sclieler. une année Nos jeunes docteurs à Paris, l'autre à Berlin ou à Leipzig. Quantité d'enfants belges fréquentaient les écoles que ouvertes à Bruxelles la et à colonie allemande avait Anvers. Nous prenions volontiers les leçons de l'Allemagne; nos congrès de Malines étaient nés sous ses auspices, et l'in- fluence allemande était visible dans nos congrès des œuvres sociales. Verein à Arlon et Nous avions un Deutscher un Schiller Verein à Liège; l'Académie royale de Belgique décidait que mand était l'alle- une des quatre langues admises dans ses publications; elle mettait au concours l'étude d'un dialecte allemand de Belgique; elle couronnait un important mémoire sur Lenau dont l'impression était commencée quand éclata la guerre. La Commission royale d'histoire imprimait des dis- LE GUEÏ-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 19 sertations écrites en allemand qui lui étaient en- voyées d'outre- Rhin. L'Allemagne avait salué avec sympathie ces initiatives belges, qui marquai 3at un cordial rapprochement (1), et ceux de S3s si savants et de ses taient hommes d'affaires qui ne cessaient de faire nous visi- l'éloge de l'hospitalité belge. ^ Nos voisins de l'Est n'avaient donc pas à se plaindre de nous. Nous tenions la balance égale entre eux et la France. Et si, dans les parties wal- lonnes du pays, les sympathies pour la France trouvaient parfois une expression peu en rappjrl avec les devoirs que nous imposait notre situation internationale, par contre l'Allemagne rencontrait dans nos régions flamandes, parmi exaltés du parti dit éléments flamingant, des partisans bien autrement sérieux que la les France. Sans doute, les il Wallons ne Tétaient de s'était rencontré quelques combistes belges qui, rêvant pour leur patrie les beautés du régime abject, avaient fêté le bruyamment centenaire de la bataille de Jemappes, moins d'ailleurs par (1) Ajoutons amour de ici la France qu'en haine de que ceux qui s'y occupaient étaient dénoncés à Paris par de mauvais Belges comme panger- manistes; voyez par exemple l'article intitulé; « L'influence allemande en Belgique » (Revue de Paris, 1er oc- tobre 1907, pp. 653-672), où est particulièrement visé l'auteur de ce livre. LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 20 notre gouvernement catholique. Mais il paraissait à une revue intitulée Gerr à proprement parler un organe Bruxelles, depuis 1898, mania, qui était pangermanique, et auquel îoîlaboraient, sans trop apercevoir la portée de leur action, des Flamands éminents. En un. mot, tout ce qu'il pouvait y avoir d'excessif dans les sympathies françaises de cer- tains Wallons, trouvait un contre-poids dans l'amitié tudesque professée par certains flamin- gants. Le peuple belge n'était pas engagé par des exercices plutôt littéraires; tous les esprits géné- reux en Belgique appréciaient les deux cultures et voulaient pour leur patrie les bienfaits de chacune; ils tendaient cordialement une et l'autre à la France, et ils main à l'Allemagne se réjouissaient de leur amitié à toutes les deux. Surtout, ils n'entendaient pas trahir les devoirs de leur neutralité au profit de l'une et au détri- ment de l'autre, et ils veillaient à ne donner à aucun des deux rivaux le moindre sujet d'inquiétude ou de mécontentement. Un mot du général Eenens exprime avec une parfaite netteté le sentiment qui était sous ce rapport celui de la Bel- comme gique entière. Il avait, de guidé en 1867 l'artillerie, Lahure, envoyé de Napoléon camp de Brasschaet, visite, il lui et, inspecteur général le III, général français dans sa visite du au banquet qui suivit cette demandait ce qu'il pensait de l'artil- LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE lerie belge. Lahure répondit mer qu'un désir, c'est qu'il ne quoi le gauche de l'aile général Eenens répon- manquerait pas, à moins, dit qu'elle n'y qu'elle A ne pouvait for- qu'en cas de guerre franco- allemande, l'armée belge formât l'armée française. soit obligée 21 de devenir l'aile dit-il, droite de l'armée allemande pour repousser l'invasion française se produisait. si celle-ci La même idée était exprimée sous une autre forme par l'auteur de ces lignes l'année qui précéda le guet-apens. Après avoir raconté les tentatives faites au par France pour prendre pied dans la Bas par voie de pénétration pacifique, les XIV® il les siècle Pays- montrait Brabançons résistant avec non moins de fer- meté aux exigences de l'empereur Sigismond, qui reprochait avec colère leur Français. Et « il de vouloir devenir terminait son étude par ces mots : Les pages qui précèdent miontrent à suffisance que les çais, Brabançons ne voulaient pas devenir Fran- mais ils n'entendaient pas sacrifier leur in- dépendance une fois acquise, et depuis cinq siècles, entre la France et l'Allemagne, la Belgique reste fidèle à cette attitude (1).» En somme, gique (1) était le rêve des esprits généreux en Bel- de voir leur patrie devenir une espèce KuiiïH. Dass Brabant keine Lust batte, franzo- sisch zu werden, erhellt zur Geniige aus den vorhergeben- den Seiten^ aber die einmal gewonnene Unabbângigkeit LE GUEl'-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 22 de terre amphictyonique, une espèce d'Olympie, où tous les peuples de la grande famille européenne se seraient trouvés chez riiospitalité belge. Cette primée par Riflewers. le roi eux sous la protection de grande pensée a Léopold II dans la été ex- Au moment où nous sommes loin de ce Lut que jamais, il Belge de se retourner avec de heures où un tel idéal des fête plus sera permis à un la colère vers les semblait promettre sa réali- sation. woUte es nient preisgeben^ iind seit funf Jalirhunderten bleibt JBelgien zwisclien sem Staiidpunkte Deutschland und Frankreich treu. (Festschrift der schaft fur Georg von llertling, p. 288.) die- Gorresçesell- II La Belgique à la veille de l'attentat Telle était la sérénité de l'atmosphère publique en Belgique lorsque let soudain éclata, le 23 juil- 1914, Yultimatum signifié par l'Autriche à la Serbie. C'était la torche jetée dans la poudrière. Les exigences formulées par l'Autriche étaient d'une nature tellement draconienne qu'aucune nation pu s'y conformer sans suicide: sir Edward pu dire sans exagération que c'était le plus n'aurait Grey a formidable document que jamais, à sa connaissance, un Etat eût adressé à un autre. Aussi fut-il m.anif este, pour tous ceux que préoccupait la situation politique de l'Europe, qu'à Berlin la guerre. Je dis à Berlin, été concerté le parce que on voulait c'est là qu'avait plan dont l'Autriche venait d'amor- cer la réalisation, et dont, en dehors de l'Allemagne, aucun esprit sérieux ne contestera la princi- pale paternité à Yîmperator et Rex. L'ultimatum avait pour corollaire fatal la LE GUEt-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE â4 guerre de TAutriche — tout le la Russie. monde Et dès et de — le savait l'entrée en vertu lors, par suite la Serbie, et en scène de même de leurs France devaient à leur alliances, l'Allemagne et la tour descendre sur le terrain, et la guerre devenait européenne. Tout cela était clair même pour des intelligences d'enfant, et la diplomatie allemande a fait preuve de peu de respect pour l'Europe en essayant de contester des vérités aussi évidentes. La force de la vérité ne devait pas tarder à lui arracher un aveu dont il serait oiseux de commenter l'immense portée. Dans le Livre Blanc, après avoir raconté à sa manière les origines austro-serbe, elle ajoute (( conflit : Nous approuvâmes de dans sa conception de du tout cœur notre la situation, et râmes de notre consentement à tout ce nous alliée l'assu- qu'elle esti- merait nécessaire de faire pour mettre fin à l'agi- tation dirigée en Serbie contre l'existence de la monarchie. Nous avions parfaitement conscience en ceci qu'une action militaire quelconque de VAutriche-Hongrie contre la Serbie aurait pour conséquence immédiate une intervention russe, et par suite pouvait nous entraîner dans une guerre en raison de nos obligations d'alliance Et quand, après (1) JAvre Blanc, cela, la p. 5. (1). » diplomatie allemande, LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 25 qui n'a cessé d'entraver l'intervention pacificatrice de l'Angleterre ter, et de la France, s'acharne à répé- contre toute sincérité: « Dès le début du conflit notre point de vue a été qu'il s'agissait là d'une affaire la purement personnelle entre l'Autriche Serbie (1).», trait la elle et fournit au lecteur le plus dis- preuve éclatante de ses^ contradictions et de sa duplicité. Dans ces graves conjonctures, qui allaient met- aux prises toutes tre les grandes nations de l'Occi- dent, le devoir de la Belgique était tout tracé. formément à ses obligations internationales, elle avait à observer entre les belligérants lité si une neutra- absolue, leur fermer ses frontières à tous celles-ci armée. Elle que Con- les étaient violées, les avait, dans ce et, défendre à main cas, le droit d'espérer puissances garantes de son indépendance viendraient à son secours. Le gouvernement belge n'attendit pas rouverturo des hostilités pour prendre les précautions re- quises par les circonstances. En même temps se préparait à la mobilisation générale à toutes les éventualités, il qu'il pour parer chargeait ses représen- tants auprès des puissances garantes de ne leur me- laisser aucun doute sur sures « Elles n'ont d'autre but, leur écrivait-il, (1) : Livre Blanc, p. 7* le caractère de ces 26 LE- GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE que de mettre la Belgique en situation de remplir internationales; elles ne sont et ses obligations n'ont pu^ être inspirées, cela va de ni par le soi, dessein de prendre part à une lutte armée des puissances, ni par aucune un sentiment de défiance envers d'elles (1). » Après de guerre de l'Autriche à la déclaration la Serbie (28 juillet), la mobilisation fut décrétée fallut faire il le un pas de plus, 31 juillet. Et, bien qu'à cette date personne en Belgique ne s'attendît au guet-apens prussien, le gouvernement, par un arrêté royal publié dans le Moniteur du 2 août, ne négligea pas de rappeler au public les graves péna- qu'encourrait quiconque, par ses actes, aurait lités exposé l'Etat à des hostilités de sance étrangère. l'Intérieur, En même la part d'une puis- temps, ministre de le M. Paul Berryer, lançait la circulaire suivante aux gouverneurs des provinces « Au : milieu des événements qui se préparent, Belgique est décidée à défendre sa Celle-ci doit être respectée, mais la neutralité. la nation a pour devoir de prendre à cet effet toutes les mesures que peut comporter « Il la situation. importe donc que efforts à ceux la population unisse ses du gouvernement en évitant toute manifestation qui serait de nature à attirer au (1) Livre Gris, LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 27 pays des difficultés avec l'un ou l'autre de ses voisins. « très A cet effet, il MM. convient aue les bourojmes- prennent immédiatement des arrêtés interdi- sant tout rassemblem.ent qui pourrait avoir pour objet de manifester des sympathies ou des antipathies à l'égard de l'un « Il ou de l'autre pays. importe également que par application de l'article 97 de la bourgmestre et loi communale, le Collège des échevins interdise tous spectacles cinématographiques ou autres qui auraient pour objet de représenter des scènes militaires de nature à exciter les passions et à provoquer des émotions populaires dangereuses pour l'ordre public. Vous voudrez bien, Monsieur le Gouverneur, prendre immédiatement les mesures pour que ces « instructions soient annliauées sans retard. » X X -S. D'autre part, les bourgmestres des grandes villes invitaient par voie d'affiches leurs administrés à ne pas se départir de la ligne de conduite mandée par le recom- gouvernement. C'était l'accomplissement devoir de neutres, tel pur et simple de notre que nous l'avions rempli en 1870 dans des circonstances semblables, et baron de Broqueville, dans une entrevue M. le qu'il accorda aux journalistes belges, exprimait l'espoir que, comme violé* alors, le territoire belge - ne serait pas ' LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 28 La situation de la Belgique à ce moment était ne paraissait pas alarmante. sérieuse, toutefois elle Ses deux puissants voisins lui avaient donné dans les derniers n'eût temps des assurances auxquelles pu refuser gnait sa foi sans les outrager. moins que jamais une invasion D'ailleurs, même « française. jour affirmer à M. Davi- pacifiques de son gouverne- les intentions ment: crai- M. Klobukowsky, ministre de France en Belgique, venait ce gnon On elle Les troupes françaises n'entreront pas en Belgique, même si des forces considérables étaient massées aux frontières de votre pays. La France ne veut pas encourir tre le premier acte la responsabilité de commet- d'hostilité contre la Belgique. Des instructions seront données dans ce sens aux autorités françaises. » Il renouvela cette déclaration seulement ne : a le l^"" Dans l'hypothèse où serait pas respectée août ajoutant cette neutralité par une autre puissance le gouvernement français, pour assurer sa propre défense, pourrait être amené à modifier son atti- tude. » On était donc tranquille de ce côté avoir tout lieu de l'être et on croyait également du côté de l'Allemagne. Le public était encore sous l'impression des multiples assurances d'amitié que, dans les dernières années, la Belgique. l'Allemagne avait données à LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 29 t On se rappelait l'énergie particulière avec quelle, en 1903, la- représentant de la Prusse, M. von le Wallwitz, avait affirmé les sentiments de sa patrie à notre égard. « C'est, avait-il dit à Anvers dans son toast du 28 une Belgique, juillet, forte que nous désirons, tant au point de vue politique qu'au point de vue commercial. En que pour nous, Allemands, de garantie conclu à actuelle est passant, je puis dire le maintien du traité naissance de la Belgique la une espèce d'axiome politique, auquel nul ne saurait toucher sans commettre la plus grave des fautes (1). » Depuis un lors, acte international « rafraîchis- sant », comme 1831 et de 1839, était venu augmenter de la disent les diplomates, les traités de la confiance Belgique dans la loyale amitié de sa grande voisine. La Convention de La Haye du 18 bre 1907, à laquelle magne avait comme suit le apposé octo- plénipotentiaire de l'Allesa signature, s'exprimait : Article premier. — Le territoire des puissances neutres est inviolable. Article second. — Il est de faire passer à travers interdit aux belligérants le territoire d'une puis- sance neutre des troupes ou des convois, soit de munitions, (1) Le soit XZ* d'approvisionnements. Siècle du 14 août 1914. LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 30 Certes, si à cette date un Belge se fût avisé de prédire à ses compatriotes que, quelques années plus tard, une des puissances signataires de cette convention violerait traiterait de chiffon de papier et la elle-même une neutralité qu'elle venait de s'engager à respecter, dignation chez tous les il n'eût rencontré qu'in- hommes qui s'intéressent à l'avenir de notre pays et on lui aurait dit que c'est outrager les grandes puissances que les croire capables de déchirer leur propre signature. Les années qui suivirent ne cessèrent de nous apporter de nouveaux témoignages de la bienveillance de l'Allemagne à l'égard de la Belgique. En 1911, lorsque le projet hollandais de fortifier Flessingue suscita des alarmes dans une partie de l'opinion et que des journaux exprimèrent la crainte que dans le cas d'une guerre avec la France, l'Allemagne ne respectât pas la neutralité belge, le chancelier de l'Empire, M. von Bethmann-Hollweg, crut devoir rassurer la Belgique dit-il, <( L'Allemagne, n'a aucune intention de violer la neutralité belge, seulement, ajouta-t-il, avec l'avenir devait pas : le déclarer nous dévoiler une réserve dont la portée, elle ne peut publiquement sans affaiblir sa po- sition militaire vis-à-vis de la France, qui, déchar- gée de toute inquiétude pour sa frontière septentrionale, pourrait concentrer toutes ses forces la région de l'Est. » dans LE GUEi-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE Les visites que 3l reine des Belges et le roi et la l'empereur Guillaume II avaient échangées en 1910 semblaient avoir resserré les liens d'amitié entre les me deux pays. On permettra de placer ici les paroles par lesquelles l'empereur, hôte de nos souverains, terminait le toast qu'il leur portait à Bruxelles en octobre 1910 : de bon « Puissent les relations de confiance et voisinage dont tout récemment les négociations entre nos gouvernements ont donné un témoignage se resserrer encore. Puisse de Votre Majesté répandre rité le bonheur dans sa maison royale C'est là le cœur et vœu qui part du ! Nous ! et la règne prospé- plus profond de avec lequel je m'écrie Hourrah le dans son peuple. et : « Vivent leurs jestés le roi et la reine des Belges gique amical si I Vive mon Ma- la Bel- » étions reconnaissants à l'empereur de ses protestations d'amitié, formulées dans des termes si chevaleresques, et je crois, hélas ! que ses appels à notre confiance nous avaient particulièrement conquis. Et comment la refuser souverain de la terre, quand il au plus puissant vous la demande avec tant de chaleur? L'empereur développait là Aux grandes manœuvres de son thème favori. l'ar- mée allemande qui suivirent de près sa visite à Bruxelles, au général Heimburger, notre il répétait envoyé militaire : « La Belgique a bien raison LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 32 d'avoir confiance en core, à la forme moi (1). » N'était-ce pas en- près, identiquement le langage que, dès les premiers temps de notre le Gouvernement de Berlin xelles? « 1842 le La Belgique nationalité, faisait tenir à Bru- doit apprendre, écrivait en ministre prussien à son représentant en Belgique, que, de tous ses voisins, la Prusse et l'Allemagne sont ses meilleurs amis, les moins égoïstes (2). » Beaucoup plus récemment, que la situation le 29 août 1913, alors générale de l'Europe apparaissait déjà plus inquiétante, M. von Jagow, le secrétaire d'Etat ^pour les affaires étrangères, avait dit au Reichstag, en réponse à une question posée par membre du parti socialiste : « La un neutralité de la Belgique est fixée par des conventions internationales que l'Allemagne est décidée à respecter. » Et le général von Heeringen, ministre de la guerre, faisait une déclaration non moins rassurante: Belgique n'est pour rien dans les motifs de « La la loi militaire, dont les raisons gisent exclusivement à l'Est de l'Allemagne. La neutralité de la Belgique, garantie par acte international, ne sera pas perdue de vue par l'Allemagne. » En juin de la même année, l'empereur Guillaume II avait fait siennes (1) Le Patriote du 2 août (2) Denis, L'Allemagne .tSlO-1852, 1914. p. 191. LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE Le 31 ces paroles de ses ministres. 33 juillet 1914, le ministre d'Allemagne à Bruxelles, M. von Below, les renouvelait encore dans un entretien avec M. le chevalier van der Elst, secrétaire général de notre département des affaires étrangères. Le lendemain, rencontrant le lui-même, le il des affaires étrangères ministre rassure : « Jusqu'à présent je n'ai pas été chargé de faire une communication officielle, mon mais vous connaissez opinion sur la sécurité avec laquelle la Belgique a le droit de con- sidérer ses voisins de l'Est. » Enfin, en réponse à un journaliste qui lui demandait son gouvernement l'eût « Je n'ai était vrai chargé d'assurer que l'Allemagne respecterait gique en cas de guerre, s'il il le territoire le de que nôtre la Bel- prononçait ces paroles pas fait cette déclaration et, : personnel- lement, j'estime que je n'avais pas à la faire, parce qu'elle était inutile. L'idée a toujours prévalu chez nous que la neutralité violée. Si le ministre ration, c'est de la Belgique ne serait pas de France a fait cette décla- que sans doute la constatation il a voulu ajouter à de faits évidents quelques paroles rassurantes. Les troupes allemandes ne traverse- ront pas le territoire belge. Des événements graves vont so dérouler. Peut-être verrez-vous brûler toit tre le de votre voisin, mais l'incendie épargnera vo- demeure. » Ce n'est pas que tout le monde en Belgique LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 34 eût confiance.Les militaires craignaient une entrée allemande en Belgique. Banning avait écrit des paroles prophétiques, que je reproduis au chapitre I. Le Roumanie nous roi de Déjà cependant, à l'heure où avertissait. le représentant de l'Allemagne s'exprimait ainsi, des nuages apparaissaient à l'horizon de la Belgique. L'Angleterre ayant, ce même jour (31 juillet), interrogé les gou- vernements français qu'ils allemand sur l'attitude comptaient prendre vis-à-vis de la neutra- lité belge, la 1®' août, et France répondait dès par une déclaration des le lendemain plus rassu- rantes (1), tandis que M. von Jagow, le sous-secrétaire d'Etat allemand pour se réfugiait derrière des réticences embarrassées. tions; celier; il il il Il laissait et des n'avait pas d'instruc- entendre qu'il ne pouvait réponle plan de campagne éventuel; se plaignait de ce (1) C'est cette déclaration Belgique communiqua comme formules vagues devait en référer à l'empereur et au chan- dre sans dévoiler enfin, les affaires étrangères, je l'ai le que que même le la Belgique avait ministre français en jour à M. Davignon, dit plus haut, p. 28. Il ne faisait cette réserve très légitime : « que Seulement dans l'hypo- thèse où la neutralité de la Belgique ne serait pas res- pectée par une autre puissance, le Gouvernement français examinerait quelles mesures il conviendrait prendre dans l'intérêt de sa propre défense. » de •.*.^ LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 35 . déjà pris des mesures hostiles à l'Allemagne, et il un exemple « La douane belge avait arrêté le 31 juillet un convoi de grains à destina» Le fait était vrai, mais il tion de TAllemagne en citait : ! est étrange qu'il ait tre prussien, car il retenu l'attention d'un minis- d'un simple malen- s'agissait tendu. Le convoi en question avait été mis sous embargo, en vertu d'un arrêté royal du 31 juillet interdisant, en prévision de la guerre, l'exporta- tion des grains. Le ministre d'Allemagne à Bru- xelles ayant fait remarquer qu'il ne s'agissait d'une exportation, mais d'un transit, pas et l'observa- tion ayant été trouvée fondée, l'embargo fut levé dès le l®"" août (1). Tel était l'incident minuscule dont faisait état d'un grief contre la la diplomatie de Berlin en quête Belgique: était-ce, oui ou non, une querelle d'Allemand? Le lendemain du jour où (1) Van den Heuvel, la pp. 6 et lement bien informé, Waxweiler, douane belge s'em- 7. Un écrivain généra- La Belgique loyale (Paris, 1915), p. 29, dit que, ce même neutre et 31 juillet, l'administration des chemins de fer belges avait été in- formée par l'administration allemande que les trains ne pouvaient plus dépasser la frontière de l'Allemagne. (Sur l'incident, voir Waxweiler, pp. 108-109.) Ce qui n'empêche pas la Kôlnische Zeitung du 10 août d'im- primer que ce fut de la part de la Belgique illégal et hostile au plus haut degré ». « un acte 36 —^M^»— i^l——— I I »» LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE ^P«»^ll—I—M^MM———^^— ^^1^^».^^1^ ^. I I M 1^ «Il pressait de réparer sa légère erreur administrative, de fâcheuses nouvelles arrivaient à Bruxelles que disait : on troupes allemandes avaient violé la les du Grand-Duché de Luxembourg et qu'elles occupaient la capitale de ce petit pays. La neutralité nouvelle mais l'Allemagne trouvait vraie, était sans doute que la diffusion en était prématurée, car M. von Below tint à rassurer une fois de plus les Belges : « Nous tenons la nouvelle pour aussi fausse que les précédentes, déclara-t-il, due par des gens qui ont et répan- intérêt, sans doute, à égarer l'opinion belge et à l'exciter contre l'Alle- magne (1). » Quelques heures après ces rassurantes paroles, disons le le même belge dimanche 2 août, à sept heures du soir, M. von Below remettait au gouvernement Yultimatum de l'empereur d'Allemagne ! L'après-midi, le ministre d'Allemagne alla trouver le directeur des affaires politiques au ministère des affaires étrangères et négocia avec lui le rapa- triement des jeunes Allemands rappelés par bilisation. les Le directeur meilleures, pour (1) la ajoutant qu'on en Siècle, 3 mo- lui consentit les conditions ferait France afin de ménager toutes Le XX« la autant les suscep- août 1914. Waxweiler, p. 330, ajoute des détails émanant évidemment de la rédaction du journal lui-même. LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE tibilités : « Cela va de soi, répondit le 37 ministre d'Allemagne, mais vous savez bien qu'en ce qui vous concerne, fiance (1) (1). vous » Waxweilek, p. 32. pouvez avoir toute con- III L' " et la Ultimatum " allemand réponse de la Belgique Une demi-douzaine d'heures s'étaient écoulées entre la dernière déclaration rassurante de M. von Below et la remise de Vultimatum, Etant donné le coup que projetait le temps, c'était le gouvernement allemand, de l'argent, et il valait bien un pareil gain, de se résigner au prême mensonge du dernier moment. peine, pour Voici le texte de l'ultimatum « Le gouvernement allemand la su- : a reçu des nou- vellep sûres d'après lesquelles les forces françaises auraient l'intention de marcher sur la Meuse par Givet et Namur. Ces nouvelles ne doute sur l'intention de l'Allemagne par la laissent aucun France de marcher sur le territoire belge. Le gouverne- ment impérial allemand ne peut s'empêcher de craindre que la Belgique, malgré sa meilleure volon- LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 39 ne sera pas en mesure de repousser sans secours té, une marche en avant française d'un veloppement. Dans ce suffisante magne. d'une fait se menace si grand dé- trouve la certitude contre dirigée l'Alle- un devoir impérieux de conservation C'est pour l'Allemagne de prévenir cette attaque de l'en- nemi. Le gouvernement allemand regretterait très vivement que la comme un Belgique regardât d'hostilité contre elle le fait que les acte mesures des ennemis de l'Allemagne l'obligent de violer de son côté le territoire belge. Afin de dissiper tout malentendu « le gouverne- L'Allemagne n'a en vue aucun acte d'hostilité ment allemand (( 1** déclare ce qui suit : contre la Belgique. Si la Belgique consent dans la guerre qui va commencer à prendre une attitude de neutralité bienveillante vis-à-vis de l'Allemagne, le gouvernement allemand de son côté s'engage, aw moment de royaume la paix, à garantir et ses intégralement le possessions dans toute leur éten- due; « 2^ L'Allemagne s'engage, sous la condition énoncée, à évacuer le territoire belge aussitôt la paix conclue; « 3® Si la Belgique observe une attitude amicale, l'Allemagne est prête, d'accord avec les autorités du gouvernement belge, à acheter contre argent comptant tout ce qui sera nécessaire à ses troupes LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 40 indemniser pour et à les dommages causés en Bel- gique; « 4° Si la Belgique se tile comporte d'une façon hos- contre les troupes allemandes et fait particuliè- rement des difficultés à leur marche en avant, par une opposition des fortifications de la Meuse ou par des destructions de routes, chemins de fer, tunnels ou autres ouvrages d'art, l'Allemagne sera forcée de considérer la Belgique en ennemie. « Dans ce cas l'Allemagne ne prendra aucun engagement du royaume, mais vis-à-vis elle lais- sera le règlement ultérieur des rapports des deux Etats l'un vis-à-vis de l'autre à la décision des armes. Le gouvernement allemand a l'espoir jus- que tifié que le cette éventualité ne produira pas se gouvernement belge saura prendre les et me- sures appropriées pour l'empêcher de se produire. Dans ce cas, les relations d'amitié qui unissent les deux Etats voisins deviendront plus étroites et du- rables (1). » = Jamais langage aussi ignominieux n'avait été parlé au peuple belge depuis deux mille ans d'histoire. A l'offre inique de violer sa foi s'ajoutait la menace de (1) le punir s'il Je donne ce texte journaux l'observait. Des intentions que je trouve dans nos tel et tel qu'il a été belges dans leur séance le communiqué aux Chambres du 4 août. La traduction à désirer au point de vue de la langue. laisse LE GUET-APËNS t'RÙSSlÈN EN BELGIQUE attribuées arbitrairement à un nent des nouvelles sûres, où autre Etat devien- complicité s'ap- la pelle « neutralité bienveillante » et libre et fière est invitée à tion de son territoire Il 41 où une nation ne pas regarder comme un la viola- acte d'hostilité. suffira de remarquer que Yultimatum ne repro- duisait pas le grief articulé le 31 juillet par M. Jagov^ : la nuit avait avoir trouvé mieux porté conseil à Berlin. von et l'on croyait Par malheur pour la chancellerie allemande, l'historiette des Français marchant ou et Namur se proposant de marcher par Givet contre l'Allemagne se produisait au len- demain du jour où la manière la la France venait de déclarer de plus formelle son intention de res- pecter la neutralité de la Belgique. Si on l'avait su en temps utile à Berlin, on y aurait sans doute imaginé une troisième justification de Mais si il est à noter l'attentat. qu'au lieu de nous demander nous sommes prêts à repousser l'invasion et de nous offrir un concours, on nous annonce qu'on nous envahira ! Présenté à sept heures du laissait un délai de Nous devions délibérer en hâte, la nuit, sans avoir le Un la Yultimatum nous douze heures pour faire con- naître notre décision. était calculé soir, temps de réfléchir. Tout pour nous énerver. frisson d'indignation et de colère parcourut nation à la nouvelle de cet odieux attentat. L'im- LE GÙÈT-APEisrS PRUSSIEN EN BELGIQUE 42 pression qu'elle éprouva peut se comparer à celle d'uR8 honnête femme un goujat à qui faire de honteuses propositions. Elle viendrait sentait se blessée dans sa dignité: de quel droit l'Allemagne se permettait-elle de lui demander son honneur? Ce sentiment de le sacrifice était tellement vif et universel qu'il ne laissait presque pas de place à l'inquiétude que pouvait faire naître la démarche allemande. Si l'Allemagne avait cette illusion La réponse compté sur notre lâcheté, ne dura pas plus de douze heures. de' la Belgique fut telle que la vou- laient son devoir et le respect d'elle-même (1). Les Allemands ont l'impudence de dire pondit pas : écrit encore (( qu'elle ne ré- Die Antwort blieb gànzlich aus en 1915 Holscher (2). Dans la », séance historique tenue par le conseil des ministres pen- dant les la nuit du 2 au 3 août, et à laquelle assistaient ministres d'Etat, c'est à l'unanimité que fut suivante aux injonctions prus- votée la réponse siennes. Après avoir résumé dans une courte analyse (1) avoir Croirait-on reproduit que la le Frankfurter Zeitung, après V ultimatum, écrit que le gouver- nement belge n'y a pas répondu et qu'elle réimprime purement et simplement cette contre-vérité dans Der Grosse Krieg, p. 87 (2) P. 34. ? LE GUET-APENS l^RUSSIEN contenu de ïultimatum, ces termes BELGIQUE EJSf 43 réponse continue en la : « Cette note a provoqué chez le gouvernement du Roi un profond étonnement. « Les intentions qu'elle attribue à en contradiction avec qui nous ont été faites vernement de les le France sont la déclarations formelles 1^'' août au nom du République. D'ailleurs, la si, goucon- trairement à notre attente, une violation de la neutralité belge venait à être la commise par la France, Belgique remplirait tous ses devoirs internatio- naux et son armée opposerait à l'envahisseur la plus vigoureuse résistance. Le traité de 1839, con- firmé par dance tie traité le et la neutralité des puissances et roi de Prusse. de 1870, consacre l'indépende la Belgique sous la garan- notamment de Sa Majesté La Belgique a toujours le été fidèle à ses obligations internationales. Elle a accompli ses devoirs dans n'a négligé un lesprit aucun de loyale impartialité. Elle effort pour maintenir et faire respecter sa neutralité. L'atteinte à son indépen- dance, dont la constituerait menace le gouvernement allemand, une flagrante violation du gouvernement belge, en acceptant les droit. Le propositions qui lui sont notifiées, sacrifierait l'honneur de la nation en même temps qu'il trahirait ses devoirs vis-à-vis de l'Europe. Conscient du rôle que la Bel- gique joue depuis plus de quatre-vingts ans dans LE GUET-APENS PHUSSIEN EN BELGIQUE 44 )i , la civilisation du monde, l'indépendance de la se refuse à croire il que Belgique ne puisse être con- servée qu'au prix de la violation de sa neutralité. Si cet espoir était déçu, le gouvernement belge est fermement décidé à repousser par tous moyens la violation A de son droit. » ce viril langage, qui fut notifié sans tarder au ministre allemand, heures du matin, M. Davignon « celui-ci le fit, mardi à six réponse suivante adressée à la : Monsieur « J'ai été chargé le Ministre, et j'ai l'honneur d'informer Votre Excellence que, par suite du refus opposé par le gouvernement de Sa Majesté le Roi aux pro- positions bien intentionnées que lui avait soumises le gouvernement impérial, celui-ci se verra à son plus vif regret forcé d'exécuter, au besoin par la force des armes, les mesures de sécurité exposées comme indispensables. » C'était la guerre. Ainsi l'Allemagne réalisait en 1905 par son ministre « Le respect de le la parole prononcée baron de Wallwitz la neutralité belge est axiome politique pour l'Allemagne et : comme un nul ne pour- LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE méconnaître sans rait la aller 45 ^ au devant des plus graves conséquences (1). » En se défendant, la Belgique ne commet pas un acte d'hostilité envers l'Allemagne. L'article 10 de Convention de La Haye sur la les droits et les devoirs des puissances neutres est formel. Quand donc, dès les premiers jours, la presse allemande disait que nous étions avec mentait sciemment menaçant de nous tions. et la Triple Entente, elle l'empereur se trompait en traiter en ennemxi si nous résis- Nous n'avons appelé au secours qu'après l'invasion de notre territoire. Dans les une action drames de Shakespeare, latérale qui il y a souvent reproduit en des propor- tions réduites les lignes et l'allure de l'action principale et se déroule parallèlement à elle. die La tragé- que l'Allemagne venait jouer en Belgique pré- sente le même caractère : elle est flanquée d'une tragédie en miniature qui, pour avoir pé l'attention du monde, n'en d'intérêt. En même de celle la pas moins digne termes, la neutralité d'autres Grand-Duché de Luxembourg temps que est moins frap- a été violée Belgique; manière odieuse, en elle l'a été elle l'a été sous le du même de la même prétexte. du Grand-Duché de Luxembourg La neutralité (1) Waxweilee, p. 22. LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 46 était, comme celle de la Belgique, garantie acte de droit international du 11 mai : de Londres le traité 1867, auquel la Belgique est intervenue. Voici ce que dit l'article 2 de ce traité (( par un : Le Grand-Duché de Luxembourg, dans limites déterminées par l'acte annexé au traité 19 avril 1839 sous la garantie des cours du d'Au- de Grande-Bretagne, de Prusse triche, de France, et les de Russie, formera désormais tuellement neutre. Il un Etat perpé- sera tenu d'observer cette neutralité envers les autres Etats. Les Hautes Puis- sances contractantes s'engagent à respecter le principe de neutralité stipulé par le présent article. Ce principe est et demeure placé sous la garantie collective des présent la sanction et puissances signataires du traité, à l'exception de la Belgique, qui est elle-même un Etat neutre. » Ironie de l'histoire! Ce dernier paragraphe avait été adopté sur la proposition du plénipotentiaire prussien, M. de Bernstorff, qui s'était pas trouver dans tie, et l'article la ému mention de la de ne garan- qui avait déclaré « qu'il désirait assurer au Grand-Duché la même jouissait la Belgique. » garantie que Sur quoi le celle dont prince de la Tour d'Auvergne, plénipotentiaire de France, avait fait remarquer que, bien qu'en fait l'engagement pris par les puissances de respecter la neutralité du Luxembourg eût, selon lui, une valeur presque LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE égale à la garantie formelle, il 47 ne pouvait nier que M. l'ambassadeur de Prusse ne fût fondé dans ses observations. Il fut donc tenu compte des nobles scrupules de la Prusse, la garantie fut solennelle- ment inscrite dans l'acte et les durent se dire que parmi sur laquelle ils les pouvaient le Luxembourgeois cinq puissances, celle plus compter était la Prusse (1). Voici comment la Prusse entendait la garantie : Le dimanche 2 août 1914, à huit heures du ma- un tin, train blindé débarquait à Luxembourg deux cents soldats prussiens, qui prirent possession de la gare, et, quelques heures après, l'armée allemande entrait en ville. En même temps, un télégramme adressé par M. von Jagow au gouver- nement grand-ducal « Nos mesures lui mandait ceci militaires, à notre : grand regret, sont devenues indispensables, par suite du que nous connaissons de source digne de foi, des forces françaises sont en marche sur Luxem- fait, que bourg. Nous devons prendre les mesures nécessidéfense de notre armée et par la sécu- tées par rité de nos voies ferrées. » la Comme on (1) le voit, la garantie que la Prusse avait Voir Servais, Le Grand-Duché de Luxembourg Traité de Londres du 11 suivantes. - mai 1867, pp. et 161-166 et LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 48 réclamée en 1867 comme était bien, le disait même plénipotentiaire le comte de Bernstorf f, (da que celle Ce dont jouissait son Belgique. » la n'est pas tout. L'avant-garde prussienne était accompagnée d'un officier chargé de distribuer dans le Grand-Duché une proclamation du général Tulff von Tscheppe und Weiden, imprimée Luxembourgeois stupé- blence, et apprenant aux que faits, (( (l^^'août), six cents militaires français étaient arrivés dans cyclistes leur samedi précédent le à Co- ville, la France le droit que leur neutralité et que l'Allemagne d'en efforts de Sa Majesté notre conserver la avait par conséquent Tous autant. faire avait été violée par prudents les Empereur et paix ont échoué, ajoutait Roi pour le général allemand. L'ennemi a obligé l'Allemagne à tirer l'épée. Après que tralité luxembourgeoise, a commencé la France, au mépris de la neules hostilités — établie sans contestation possible — contre l'Allemagne en territoire grand-ducal chose qui est Sa Majesté Impériale s'est trouvée dans la pénible nécessité d'ordonner aux premières divisions de l'armée allemande d'occuper le Luxembourg (1). » « L'information sur laquelle repose cette pro- clamation, écrit M. Emile peuple (1) luxembourgeois Van den Heuvel, Prûm, tout p. 16. est inexacte entier en est : le té- 49 LE GUËT-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE moin (1). » Le chef du gouvernement grand-ducal, M. Paul Eyschen, est encore plus explicite. « n'y Il un mot de vrai là-dedans», déclare-t-il à la Chambre luxembourgeoise. «Au contraire, dès sa- a pas medi Français s'étaient eux-mêmes coupé soir, les toute voie de communication avec en détruisant le tin. chemin de le Luxembourg fer de Mont-Saint-Mar- Cela ne peut laisser aucun doute sur leurs intentions. Je Berlin. l'ai immédiatement télégraphié à Nous avons donc puisque le les faits qui, d'après droit d'espérer que des ministres et un général allemand ont déterminé l'invasion sont prouvés faux, l'occupation ne sera que passa- gère (2). » Il ne déplaira pas au lecteur d'apprendre, par les révélations de M. Eyschen à la Chambre luxem- bourgeoise, que la proclamation Tulf f von Tschep- pe avait été imprimée à Coblence, donc avant 1^^ août, qu'un officier en devait être distribuée à était porteur le et qu'elle Luxembourg, mais qu'il fut ensuite décidé qu'elle ne serait pas répandue. « Par malheur, ajoute M. Eyschen, le chauffeur de Emile Prum, Die Deutsche KriegfilJirung in Belyien, Diekircli, 1915. M. Prùm est un des principaux hommes politiques du Grand-Duché; il a été pendant des années, à la Chambre luxembourgeoise, le leader du (1) parti catholique. (2) Le XX^ Siècle, 9 août 1914. 50 LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE l'officier ainsi que en perdit quelques exemplaires le Il serait et c'est public en eut connaissance. » intéressant de savoir si c'est un scru- pule d'honnêteté ou un ordre venu d'en haut qui a décidé le général prussien à ne pas lancer clamation, mais, quoi qu'il en sa pro- soit, elle reste ac- quise à l'histoire et elle aide à caractériser le pro- cédé du gouvernement de Berlin. La Prusse a fait à Luxembourg comme à Bruxelles; elle ignore le droit, ou elle ne le constate que pour le violer. Mais ne faut-il pas admi- rer l'indigence intellectuelle des metteurs en scène dont on vient de raconter les exploits? Avec une audace qui confond, mais avec une gaucherie qui fait sourire, ils servent des deux côtés à la fois la plaisante histoire de je ne sais quels Français fan- tômes, visibles aux yeux des seuls Prussiens, qui auraient en même temps paru à Luxembourg et en Belgique, et qui auraientforcél' Allemagne à passer les frontières des même pas de la deux pays. ne s'aperçoivent Ils choquante contradiction que la hâte fiévreuse de l'invention laisse subsister dans légendes les qu'ils servent aux Luxembourgeois. Quand ils ils Belges et aux s'adressent aux Belges, leur disent (le 2 août) que la France a l'inten- tion d'entrer en Belgique. Luxembourgeois, que les ils Quand ils leur disent, le Français marchent sur le parlent aux même jour, Luxembourg. Or, LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE dans la proclamation qu'ils ont imprimée un ou deux jours auparavant à Coblence, mé que 51 ils avaient affir- occupaient les cyclistes militaires français un phénomène de militaires du genre hu- déjà le Luxembourg. Ainsi, par régression dont les fastes main n'offrent pas d'exemple, une armée commence par envahir un pays le 30 ou le 31 juillet, puis se met en marche pour l'envahir le lendemain, et enfin, le surlendemain, n'a plus que tention de l'envahir ! En vérité, il l'in- y aurait lieu de renouveler le personnel de la chancellerie berlinoise, trop fraude et manifestement inférieur à l'œuvre de de mensonge qu'il est chargé d'accréditer auprès des populations (1). La Belgique a de prendre acte devant monde le le droit des contradic- tions prussiennes; elles sont caractérisées par ce mot de l'Ecriture sainte (1) Pour ÂX^ Siècle n'y pas du 10 août : Mentita est revenir, 1914. noter ce iniquiias que dit le IV Comment Prussiens essaient de les justifier l'attentat. Le lendemain de l'attentat, dans espoir de le fol décider l'Angleterre à assister les bras croisés à la destruction d'un pays qu'elle a toujours considéré, selon l'expression d'un des siens, von Jagow escarpe, M. à Londres écrivit comme sa contre- au ministre allemand : « Veuillez dissiper la core subsister chez le méfiance qui pourrait en- gouvernement anglais au sujet de nos intentions, et lui réitérer bien posi- tivement l'assurance formelle que, conflit à main armée avec même la Belgique, en cas de l'Allemagne ne voudra sous aucun prétexte annexer le terri- toire belge... « Veuillez aussi dire à sir Edward Grey que forces allemandes ne peuvent être exposées à les une LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 53 attaque française se produisant à travers la Beldes gique, attaque projetée d'après informations qui ne juraient être suspectées. « L'Allemagne tralité de la donc obligée de violer est Belgique : c'est pour elle la neu- une question de vie ou de mort de prévenir l'attaque fran- », çaise (1). Ainsi, tandis que Yultimatum du 2 août mena- çait la Belgique, si elle ne allemandes, de voir « le livrait passage aux forces règlement ultérieur des rapports des deux Etats laissé à la décision des armes, » le message du surlendemain, destiné au cabinet britannique, lui donnait « bien positive- ment l'assurance formelle que, même en cas de conflit à main armée avec la Belgique, l'Allemagne ne voudrait, sous aucun prétexte, annexer La contradiction toire belge. » elle le terri- est manifeste, et s'explique. Il s'agissait d'obtenir à tout prix la neutralité de l'Angleterre, coûtait rien de lui écrire, à et dès lors il n'en deux Jours de distance, tout juste le contraire de ce qu'on avait dit à la Belgique. Ce n'est pas tout. Après avoir laissé dire, par leur maître, que la France avait l'intention de nous envahir magne (1) et que c'était pour cette raison que l'Alle- entrait chez nous, les diplomates berlinois BUie BooTc, dépêche du 4 août. LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 54 un démenti infligent à Guillaume II oubliant totalement, dans l'attentat, la leur implicite en justification de raison alléguée par Tempereur. Dans son entrevue du 8 août avec Goeschen, sir E. ambassadeur d'Angleterre à Berlin, M. von Jagow expose plus longuement indiqué le 4 du même le point de vue qu'avait mois son télégramme au ministre allemand à Londres. M. von Jagow, « de nouveau écrit sir E. les raisons vernement à violer qu'il lui fallait, la Goeschen, m'expose qui ont contraint son gou- la neutralité de la Belgique; notamment, prendre l'avance sur France aussi rapidement que possible; vait prendre le cile; que chemin le plus direct et le plus fa- pouvoir être la bataille décisive devait immédiatement qu'il de- me livrée. « C'est, disait-il, une question de vie ou de mort. Si les Allemands avaient pris le chemin du sud, ils auraient perdu énormément de temps. Les routes sont forteresses puissantes et les il fallait les rares, les tourner ou prendre, ce qui eût rencontré une opposition formidable. Cette perte de temps pour eux était un gain pour la Russie, car les Allemands, après avoir battu la France, devaient ramener leurs troupes sur la frontière russe. L'atout de l'Alle- magne est est la rapidité d'action^ celui de la Russie son réservoir inépuisable de troupes. » Voilà une déclaration qui ne laisse rien à désirer LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE SOUS le rapport de la franchise et qui est mentaire éloquent de même le com- opposée par la réticence le M. von Jagow, une semaine auparavant, à question formelle de l'Angleterre la 55 relative à notre neutralité. Entre cette déclaration et celle de TEmpereur, il y a, je le répète, une contradiction flagrante que l'histoire peut se borner à signaler, laissant à la conscience de tout honnête homme le soin de l'apprécier. Selon l'Empereur, l'Allemagne est obligée d'envahir la Belgique pour repousser M. von Jagow, l'invasion française. Selon pas d'invasion, un plan l'Allemagne se borne à exécuter et II doit être médiocrement de son secrétaire d'Etat pour A n'y a stratégique. Il est bien permis de penser que Guillaume gères. il la vérité, il satisfait les affaires doit l'être tout aussi étran- peu de son chancelier. Celui-ci ne se met pas en peine, lui non en invoquant plus, de colorer l'attentat quelque légendaire offensive française. Il se gêne encore moins que M. von Jagow pour démentir implicitement son auguste maître. ment la violation du droit. Il avoue crû- Ecoutons encore tion de l'ambassadeur britannique « Je trouvai le chancelier dans la rela- : une grande agi- Son Excellence commença une harangue qui dura vingt minutes. Il me dit que la décision tation. de Sa Majesté britannique pour le mot de neutralité, était terrible; tout cela un mot auquel en temps LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 56 de guerre, on n'a jamais fait attention, tout cela un chiffon de papier enfin pour (( ... (1). Je protestai vigoureusement contre son lan- Jagow m'a gage. M. von que dit, lui répliquai-je, pour des raisons stratégiques, qui sont pour vous une question de la neutralité vie ou de mort, vous deviez violer de la Belgique. Souffrez que Je vous dise qu'au point de vue honneur, le respect de cette neutralité lest Nous devons aussi une question de faire respecter vie les ou de mort. sinon traités, quelle confiance aura-t-on encore dans la signa- ture de l'Angleterre? » Rendons Cette leçon était sévère. toutefois au chancelier la justice de reconnaître qu'il n'a pas cherché à pallier gique; il se le crime commis contre borne à invoquer la nécessité la Bel- dans son discours du 4 août au Reichstag, qui, à cause de la du solennité de l'heure et considéré (1) C'est comme le lieu, pourrait être Confiteor de la nation une tradition chez les alle- ministres prussiens de traiter de a chiffon de papier » les actes les plus solennels, quand ils ont intérêt à les violer. Le roi Frédéric- Guillaume IV avait longtemps refusé de signer la cons- titution qui lui fut imposée après la révolution de 1848, mais son ministre Manteuffel l'apaisa, lui et son en- tourage réactionnaire, « en leur insi;puant qu'il ne convenait pas d'attacher trop d'importance à un morceau de papier». (E. Denis, L'Allemagne 1810-1852, p. 283.) LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 57 mande elle-même. Ecoutons ces graves paroles La nécessité ne connaît pas de loi. Nos troupes : <( ont occupé le Luxembourg, peut-être déjà gique {mouvement atteinte et la Bel- applaudissements). C'est une au droit des gens. La France, à la vérité, a déclaré à Bruxelles qu'elle respectera la neutralité ' de la Belgique aussi longtemps que celle-ci sera respectée par l'enenmi, mais nous savions que la France une invasion. La France pou- était prête à vait attendre, nous pas. Une attaque des Français sur notre flanc aurait pu nous être fatale. C'est pour que nous avons été forcés de pas- cette raison ser outre aux légitimes protestations du Luxem- du Gouvernement belge, avec l'intention de réparer dès que notre but militaire sera atteint. Quand on est menacé comme nous le sommes, bourg et quand on lutte ser qu'aux pour son existence, moyens de il ne faut pen- se tirer d'affaire {tempête d'applaudissements) (1). » A part l'humiliant aveu que la forcé de la vérité arrache au chancelier allemand, tout est uniformé- ment mauvais dans ses paroles. Sans doute, le chancelier atténue autant qu'il peut les téméraires déclarations de l'Empereur quant aux intentions attribuées à la France; sans doute encore, (1) Je traduis le il évite texte allemand de la Franhfurter Zeitung, réimprimé dans Der Grosse Krieg, I, p. 60. LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 58 de reproduire et semble même menaces de valeresques M. von Jagow, il retirer les Guillaume peu che- Comme II. n'invoque plus que des nécessités stratégiques. Mais n'est-il pas déplorable ce gardien jurisconsulte, du droit, que ce homme cet d'Etat qui devrait être la seconde conscience de son souverain ne trouve pour excuser banale raison du chien qui porte la maître ? Il dit : « TSot ne connaît pas de crime que dîner de son kennt kein Gebot, nécessité loi.» Il ruine du droit. Car le le si le proclame par là même droit n'était pas supérieur à tout intérêt quelconque, national ou collectif, ne serait plus rien. ment Ce qui constitue le droit, c'est qu'il la il essentielle- n'y a pas de nécessité con- tre lui. C'est lui seul qui est nécessaire à l'humanité. Et si les intérêts de la Prusse sont vraiment en opposition avec humain lui, alors la n'a plus qu'à dire Borussia ! ( 1 Même : conscience du genre Fiat justitia et pereat ) l'Allemagne avait possédé la preuve absolument convaincante de son affirmation, même si la (1) c( si France n'avait pas fait à l'Angleterre la promet ie for- melle qui lui était demandée, l'Allemagne ne pouvait se croire autorisée à trahir l'engagement qu'elle avai^ ' pris vis-à-vis de la Belgique. Elle alléguait, il est vrai,, du basRhin, qui était plus exposée que celle du haut-Rhin. Mais cette circonstance justifiait-elle la violation du droit. la faiblesse de sa frontière occidentale le long Si l'Allemagne ne se croyait pas en sûreté de ce côté, elle LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE En attendant, reste établi il que 59 l'Allemagne si a envahi la Belgique, c'est parce que l'état-major prussien a trouvé que notre pays était le chemin le plus avantageux pour entrer en France. Et comme, en Prusse, stratégie, diplomatie est à la remorque de la la on a fait ce qu'exigeaient les généraux. y a longtemps qu'on Il en France, mais en soit fait par en Belgique n'est pas indifférent il le le prédisait que l'aveu chancelier de l'Empire allemand. Les militaires allemands se moquent de tralité. Ils la trouvent immorale; ils ne la la neu- suppor- tent pas; ils trouvent les plus belles raisons s'en débarrasser. et Bien hardies par exemple : pour ima- giner que la Belgique a elle-même renoncé à sa neutralité en annexant le Congo; baron Beyens, le ils oublient, dit qu'elle l'a fait avec le consen- tement de l'Allemagne. Et pendant moque qu'on se de la neutralité belge, on félicite la Suisse de garder la sienne (1). aurait dû prendre les mesures de précaution que lui dictait le danger. lité Déjà elle la mobilisation de ses camps et de lignes de pouvait en fortifier on Heuvel, (1) la forces par la création de chemin de fer stratégiques, les défenses et elle de manière à en rendre Quand on a peur de voir forcer sa munit de solides verrous » (Van den l'entrée fort difficile. porte, avait dans cette région faci- p. 6.) Waxweileb, p. 89. LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 60 Chose remarquable lier de l'Empire a eu Cette vérité ! le que chance- le mérite de reconnaître en parlant aux législateurs de son pays, le gouverne- ment allemand semble l'ignorer totalement dans sa déclaration de guerre à la France, qui est 3 août il : revient au thème de Y ultimatum, du et ce sont de prétendues violations de notre neutralité par la France, qui, à ce qu'il prétend, lui donnent le droit d'ouvrir les hostilités contre ce pays. Mais, tandis que l'ultimatum ne faisait état que des «intentions » de la France, la déclaration de guerre lui reprochait des actes. Et quels actes? plane français, qui doit avoir survolé belge, a été « Un aéro- le territoire descendu dès hier pendant qu'il essayait de détruire la voie ferrée près de Wesel. Plusieurs autres aéroplanes français ont été recon- nus hier, sans contestation possible, au-dessus de l'Eifel; ceux-là aussi doivent avoir survolé le terri- toire belge (1).)) Voilà donc, pour justifier un acte d'une portée incalculable quant à ses conséquences prochaines et éloignées, trois versions officielles qui se con- tredisent mutuellement. L'une, la vraie, communique à l'usage on se la entre augures; les deux autres sont du grand public et des soldats. Il va sans dire que ceux-ci ne sauraient trouver leur compte (1) Der Grosse Kricg, I, p. 80. LE GUEf-APËNS PRUSSÎEN EN BELGIQUE dans aveux de M. von Bethmann-Holiweg. les obéissent au maître; magne 61 mot d'ordre donné par Ils leur impérial ont besoin de se persuader que l'Alle- ils a été traîtreusement attaquée, et que, s'ils ont franchi notre frontière, c'est que l'ennemi l'avait fait avant eux. C'est le thème que leurs chefs vont développer en lui donnant une ampleur légendaire. D'emblée, dans la proclamation von Emmich, « intentions les du général françaises » sont transformées en actes. « C'est à mon plus grand regret, dit le général s'adressant au peuple belge, que les troupes alle- mandes se voient forcées de franchir la frontière de la Belgique. Elles agissent sous d'une nécessité inéluctable, la contrainte la neutralité de la Bel- gique ayant été violée par des officiers français, qui, sous un déguisement, ont traversé le territoire belge en automobile pour pénétrer en Allemagne. » On a bien lu des gens déguisés qui traversent : un pays en automobile ont violé par là même sa neutralité et autorisé l'armée allemande à l'enva- hir ! Le gouvernement allemand ne paraît pas avoir fait sienne la découverte Emmich : le fait du général von qu'il la lui laisse pour compte nous dispense de discuter une allégation aussi peu en rapport avec le sérieux de l'affaire et avec la gravité de l'histoire. 6 LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 62 Le général von Biilow n'est guère plus sérieux que son collègue von Emmich. Nous combattons l'armée belge, écrit-il dans proclamation du 8 août, uniquement pour for- « sa cer le passage vers la France, que votre gouverne- ment nous a refusé à tort, quoiqu'il eût toléré la reconnaissance militaire des Français, fait que vos journî^ux vous ont laissé ignorer. » Mais la palme revient incontestablement au quartier-maître général de l'armée allemande, M. von Stein. Je m'en voudrais de priver de le lecteur découverte qu'a faite cet éminent person- la nage. « Nous avons été informés, dit-il, qu'avant l'ou- verture de la guerre, des officiers français et peutêtre aussi quelques troupes avaient été envoyées à Liège pour initier les soldats belges au service des fortifications (1). A cela il n'y avait rien à redire avant l'ouverture des hostilités. moment que la guerre Au contraire, éclatait, c'était une du viola- tion de la neutralité de la part de la Belgique et de la France (2). » (1) Le (2) Hainhurger Nuchrichten, 18 août (édition du maVON Strantz, p. 53. tin). fait est absolument controuvé. LE GUEt-ÀPENS PRUSSIEN EN BELGIQUE Si ces déclarations ont un évidemment que signifient moment où é3 sens quelconque, elles guerre a éclaté au la des officiers français se trouvaient à Liège pour enseigner soldats belges, le service que et cet de forteresse aux événement imprévu a subitement transformé en violation de neutralité un incident auquel, sans cela, à redire. En n'y aurait eu rien d'autres termes, l'attentat allemand commis contre la assez bizarre, tif il Belgique a, par un effet rétroac- communiqué son caractère crimi- nel à une action française qui autrement eût été inoffensive. il De pareilles choses ne se réfutent pas, suffit de les souligner; elles attestent le désarroi moral des plus hautes autorités militaires de l'Alle- magne. Pendant que dans des proclamations destinées aux Belges et lues par l'étranger, les généraux prussiens se bornaient à ces généralités vagues et obscures, leurs subordonnés se gênaient avec la vérité et racontaient tout soldats des contes à lit par le la conquête de major Victor von Strantz. un Allemand qui reproduit ses compatriotes « tion Le matin du du bonnement aux dormir debout. Voici ce qu'on dans une Histoire de écrite moins le la Belgique Il fait parler témoignage d'un de : 3 août, c'est-à-dire avant l'expira- délai fixé par l'ultimatum allemand, des gens de sa connaissance lui racontèrent qu'ils ve- LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 64 naient de voir à la gare soldats français. Comme mon bailleur blable à du Midi, à Bruxelles, des ceci paraissait invraisem- de renseignements, il se ren- lui-même, à trois heures de l'après-midi, à dit que deux régiments français droit indiqué et vit campés sur étaient même l'en- la place devant constatation a été faite sur la station. un La tout autre point de la Belgique par une jeune gouvernante qui était en service dans une Paliseul, c'est-à-dire et villa entre dans le Bouillon voisinage de la bonne Allemande frontière française. Elle, aussi bien que la d'enfants qui l'accompagnait et qui était comme tin, elle, un proche virent le 3 août, à sept heures cavalier français qui s'enquérait village. du plus Et effectivement, deux heures plus garçon tard, le du ma- laitier, qui venait du village en question, raconta dans la villa que les Français venaient d'y entrer. Je suis autorisé par ces deux témoins à faire connaître leurs noms adresses. Dieu leurs » me garde de révoquer en doute de la gouvernante ter la et bonne nos Guides et du garçon laitier, la sincérité sans comp- d'enfants, qui auront rencontré de et qui, trompés par leur pantalon rouge, les auront pris pour des soldats français. Ils auront partagé l'erreur de ces fugitifs mands qui ont alle- vu, dès le 1^^ août, Erquelinnes 65 LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE occupé par les Français (1). Mais mômes d'accorder le bénéfice des major il von est impossible circonstances n'avait atténuantes au pas de professer en matière de stratégie le droit des idées de bonne Strantz. d'enfant, et il Il est impossible cru un traître mot des historiettes qu'il qu'il ait raconte sans sourciller (2). Der Grosse Krieg, Urkunden, Depesclien und Be- (1) riclite (2) dor Frankfurter Zeitung, Voir pages suivantes. Le éprouve si le le besoin d'insister. Je II, p. même major von se reporter que celle-ci qu'elle est fidèle. « et de la La du galimatias, au texte allemand que duis immédiatement à la suite de convaincra n'est Strantz traduis littéralement; le lecteur se plaint que je lui serve voudra bien 124. ma je repro- traduction; inintelligible il il se que parce déclaration de guerre de la Russie France força notre patrie de faire front non seulement contre nos voisins, mais aussi contre la perfide Angleterre. faux A ces intérêts' et ennemis se joignirent, guidés par de de ma.uvaises influences, la Belgique et Le Eoi des Belges ayant repoussé les exigences allemandes en comptant sur le secours de la France et de l'Angleterre, ]a rupture de la neutralité pour la le Japon... Belgique était par là constatée après que, dans valle, il l'inter- eut été établi que déjà avant l'explosion de la guerre, des officiers et des soldats français avaient été envoyés à Liège pour instruire la pratique du les troupes belges dans service de forteresse. » Die Kriegserkliirung seitens beiden Landern (il s'agit de la Russie et de la France qui, d'après l'auteur,- ont déclaré la guerre à l'Allemagne ! ) zwang unser Vater- LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 66 Mais la surenchère des insanités continue. Ecou- tons le lieutenant von Trotha Une « de : nouvelle qui se répandit avec la rapidité l'éclair vint subitement illuminer la situation dans tout son ensemble. Des officiers français déguisés en lieutenants allemands, avaient franchi la frontière belgo-allemande à Touest de la Gueldre et voulaient pénétrer dans la province rhénane. Ils furent arrêtés et jetés en prison et ainsi échoua l'entreprise si bien imaginée. « On sait aujourd'hui que la Belgique avait tout préparé pour une invasion en Allemagne tit livre n'a pas à et ce pe- en parler longuement. Nous nous contenterons de constater les que l'écusson de l'Allemagne faits, nous savons est resté sans tache nur gegen unaere Nachbarn, sondern auch gegen das treulose England... Front zu machen. Den beîden letztgenannten schlossen sîch dann, von falschem Inland nîclit teresse imd Eînfluss geleîtet, das Konîgreich Belgîen iind das ferngelegene Japan... an. Belgien die deutsche Forderung . . Da der Konîg von îm Vertrauen auf Frankreîchs und Englands Hîlfe ablehnte, so war, nach- dem sîch înzwîschen heransgestellt hatte,dass bereits vor Ausbruch des Krîeges franzSsîsclie Offîzîere nnd Mannschaften nach Lûttich entsanndt worden waren, um die belgîschen Tnippen în der Handhabnng des Festungsdîenstes zu nnterricliten, damit eîn Neutralitâtsbruch seitens der Belgîer konstatiert nnd SchneUîgkeît des Handelns geboten. (von Strantz, Die Erohermig Belgiens 1914. Sellsterleltes, Minden 1915, pp. 12 et 16.) LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE et qu'on ne peut lui imputer la guerre qui s'est livrée Nous savons « 67 la responsabilité de en Belgique (1). » tous, écrit le même auteur, que des officiers français se sont trouvés dans les forteresses belges et devaient y faire le service de la défense. On ne peut donc plus nier que Belgique aient violé et la La parole Selon lui, il forces est la que la France la neutralité (2). » maintenant au général Bernhardy. a existé un plan d'enveloppement allemandes par Dans ce plan, un Sur la l'armée des franco-anglaise. rôle était réservé à la Belgique. base de cette double supposition, Belgique n'était plus un il constate Etat neutre, et en conséquence de cette constatation, il déclare que l'Allemagne avait non le devoir d'en- le droit mais vahir la Belgique (3). C'est avec cette simplicité que, dans les conseils de l'état-major prussien, on résout les questions de droit international. La découverte du général von Bernhardy a rendu jaloux un officier néerlandais qui s'appelle le général Prins. Celui-ci, après avoir, sur l'invitation du gouvernement allemand, allemand en France (1) et (3) le front en Belgique, croit devoir VON Teotha, Mit den Feldgrauen nach Belgien hinein. (2) visité Ouvrage cité, p. 35. Het Vaderland, 25 mars 1915. LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 68 payer son écot à ses hôtes en leur servant ceau suivant le mor- : L'invasion de la Belgique était pour les Alle- (( mands une nécessité. Depuis des années, le traité garantissant la neutralité de la Belgique n'était plus qu'un chiffon de papier. Depuis 1870, toutes les personnes compétentes savaient que dans d'une guerre entre l'Allemagne et la le cas France c'en La Belgique ellecomme un chiffon de serait fait de la neutralité belge. même considérait le traité papier, puisqu'elle avait forts de la Meuse le traité devait non la et mis des millions dans les dans ceux d'Anvers. D'ailleurs, son origine au besoin de protéger Belgique contre l'Allemagne, mais l'Europe contre la France. traité s'était La situation ayant changé, survécu à lui-même, et le chancelier, de l'Empire avait parfaitement raison quand l'appelait un chiffon de papier le il (1), » Der EinfaU in Belgien war fur die Deutsclien eine Notwendigkeit. Seit Jahren war der Vertrag iiber Belgiens Neutralitiit ein Papierfetzen. Seit dem Jahre 1870 wusste jeder Sachverstândige, dass es im Falle eines neuen Krieges zwischen Deutschland und Frankreich mit (1) der belgisclien « Neutr alitât » aus sein wiirde. Belgien selbst betrachtete denn den Vertrag wie einen Papierfetzen, es steekte Millionen in die Maasforts und in die Forts bei Antwerpen. Ausserdem verdankte der Vertrag seinerzeit sein Entsteben nicbt dem Schutze Belgiens j^ LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE Chiffon de papier Chiffon de papier ! Le bon général Prins le avec une visible volupté Bethmann de papier ! : tent de lui. M. Prins guments dont il ne Chiffon dit trois fois doit être con- lui fournit d'ailleurs des ar- se servira pas. M. von Bissing a trouvé, pris le refrain ! 69 lui, du chiffon de ce couplet, y com- papier, tellement dé- monstratif qu'il a fait afficher la déclaration du général Prins, donnant une fois de plus la preuve de ceéte inconscience qui semble caractériser ce représentant de l'Allemagne en Belgique. Dans la fable de La Fontaine, quand l'ours a lancé son pavé à la tête de l'amateur des jardins, nous ne lisons pas que celui-ci ait mis le projectile sous globe et sur sa cheminée. En réalité, toutefois, on a par se rendre fini compte à Berlin que toutes ces versions passe — ne servaient qu'à aggraver le cas — de et j'en l'Alle- magne. Leur grand défaut base dont le s'était la nas j. de s'appuyer sur une mensonger caractère Loin d'avoir envahi France ne était crevait les yeux. Belgique avant même le 2 août, la trouvée en mesure de gegen Deutschland, sondern dem Scliutze Europas gegen Frankreicli. Durch die Aenderung der Lage hatte der Vertrag sich ûberlebt, und der deutsclie Keichskanzler hatte volkommen recht, Papierfetzen nannte. als er diesen Vertrag einen LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 70 venir au secours du peuple belge en temps utile, et seule notre énergique résistance à l'envahisseur allemand donné lui avait le temps de s'organiser pour faire face à une agression injuste et inatten- due. Persister, dans ces conditions, à accuser la France, 'c'était s'exposer à se faire siffler par tout l'univers. qu'on C'est alors s'est mis en quête de quelque chose de plus sérieux. Et comme, en travaillant séparément, diplomates les n'étaient parvenus qu'à mettre et au jour des légendes qui se détruisaient mutuellement, cette fois de milftaires les ils imaginèrent combiner leurs facultés inventives. De cette collaboration du sabre née une nouvelle version représente le maximum pour rassurer la — et la de la plume quatrième — qui de l'effort germanique conscience nationale et pour for- du monde civilisé. Abandonnant donc le thème jusqu'alors mer est l'opinion loppé par l'Empereur sistait à en cause et ses ministres, et déve- qui con- accuser la France, on imagina de mettre la perfide Albion, et de nous associer à son crime. La neutralité de notre pays avait été violée par la Belgique elle-même, d'accord avec l'Angleterre. Sans doute, la nouvelle version, pour trouver plus de crédit que les précédentes, devait des documents et s'appuyer sur non plus sur des raisonnements. LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE Mais était-il mande donc impossible que documents néces- ou du moins, à son défaut, d'écriture qui suffisent, dre le Dieu ! la « science alle- maîtresse de la Belgique et de ses ar- », chives, parvint à se procurer les saires, plus honnête vœu le 71 pondant à était à on deux lignes pour faire pen- le sait, homme du monde? Eh, mon peine formulé que déjà, ré- l'appel tudesque avec presque miraculeuse, les les une complaisance documents sauveurs sur- gissaient. En guerre à Bruxelles sur du département de la Allemands mirent la main pillant les archives les un rapport adressé au du 10 avril 1906, ministre, sous la date parlechef del'état-major belge, général Ducarne, sur une série d'entretiens qu'il avait eus avec l'attaché militaire anglais, le lieute- nant-colonel Barnardiston. Dans ces conversations, l'officier anglais avait entretenu son interlocu- teur d'une intervention anglaise en Belgique qui pourrait se produire dans le cas où belge serait violée par l'Allemagne. la neutralité Il exposait les mesures, qui, à son sens, devaient être prises dans ce cas pour protéger efficacement notre pays; ajoutait au surplus, que « l'entrée des Anglais Belgique ne se ferait qu'après la violation neutralité par l'Allemagne (1). » Le en de notre texte de cette Cette phrase est ajoutée en marge de la général Ducarne, (1) il main du 72 GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE T^E pièce porte à chacune de ses lignes le cachet d'un sur privé entretien des questions militaires intéressant les deux pays. Les deux interlocuteurs un thème discutent en techniciens preuve que général belge n'avait aucune mission le pour recevoir confidences de son collègue an- les glais, c'est qu'il se croit obligé quer (( aussi du pouvoir politique que stratégique; la cette de lui faire remar- question d'intervention relève tenu d'en entretenir et que, dès lors, ministre de le il est la guerre. » Ces conversations, au sujet desquelles certes ministre avait ^{ rent à aucun d'ailleurs même le droit d'être que renseigné, n'abouti- résultat pratique, les le montrent elles deux interlocuteurs n'étaient pas d'accord sur le point capital, puisque selon l'Anglais son pays pouvait protéger notre neutralité malgré nous, tandis que, selon le Belge, des forces anglaises ne pouvaient débarquer en Bel- gique qu'avec notre consentement. Des recherches ultérieures dans nos archives firent découvrir un autre fensif encore, à savoir le document plus inof- résumé d'une conversa- tion qui avait eu lieu entre l'attaché militaire anglais lieutenant-colonel Bridges et- le général Jungbluth, qui avait succédé dans l'intervalle au général Ducarne La comme partie substantielle chef de notre état-major. de cette datée pièce, 23 avril 1912, portait textuellement ceci : du LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 73 Le gouvernement britannique^ lors des derniers événements, aurait débarqué immédiatement (( même chez nous, secours. si Le général nous n'avions pas demandé de pour a objecté qu'il faudrait cela notre consentement. répondu « L'attaché militaire a qu'il le savait, même mais que comme nous n'étions pas à pêcher d'em- Allemands de passer chez nous, l'An- les gleterre aurait débarqué en tout ses troupes état de cause. » Sur quoi le général Jungbluth répliqua que nous étions parfaitement à mands de pour mations d'empêcher passer, et l'entretien en resta Le croirait-on? juste même le les agents l'intérêt d'infor- de tout pays civilisé en adressent tous les jours à leurs Allemands leur ont trouvé une qu'ils que voici l'oreille supérieurs, les telle importance ont publiés par voie d'affiches dans les toutes les là. ces documents, qui avaient tout gouvernement belge comme les Alle- communes du : « pays, avec le commentaire Le gouvernement belge, en prêtant aux suggestions anglaises, s'est rendu cou- pable d'une grave infraction aux devoirs qui lui incombaient en sa qualité de puissance neutre. L'accomplissement de ces devoirs aurait exigé que le gouvernement belge, dans ait également prévu la neutralité ses projets de défense, la violation par la France de belge et ait fait pour ce cas, avec LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 74 rAUemagne, des conventions analogues à celles conclues avec la France et l'Angleterre. Les pièces découvertes constituent une preuve documentaire de la connivence belge avec tente, fait connu des puissances de l'En- les services compétents allemands dès avant la guerre (1). Elles justifient notre action militaire reçues par mande le et confirment haut commandement de l'armée concernant intentions les Qu'elles ouvrent les yeux auxquels s'est il informations les alle- françaises. au peuple belge sur ceux doit la catastrophe qui maintenant déchaînée sur ce malheureux pays. » Pour communication, l'intelligence de cette faut savoir que la traduction allemande port du général Ducarne commettait il du rap- un contresens des plus graves et impardonnable dans la repro- duction d'une pièce à laquelle gouvernement de le Berlin attache une importance capitale. où le général Ducarne écrit insista sur le fait : « Mon A l'endroit interlocuteur que notre conversation était absolument confidentielle,» la traduction remplace (1) Mensonge maladroit. Si l'Allemagne avait connu la « convention » belgo-anglaise avant la guerre, elle se serait bien gardée de cherclier des prétextes ridicules pour justifier son attentat au sujet de : elle aurait, dès lors, fait la chose le bruit qu'elle a fait depuis. LE GUET-APENS PRUSSIEN BN BELGIQUE mot conversation par le celui de convention (1) et parvient ainsi à présenter vues entre deux officiers un simple échange de supérieurs comme un en règle entre leurs deux Etats. Admettons traité qu'il n'y ait pas là d'intention frauduleuse, l'apparence du contraire, ne que dit malgré mais comment justifier l'omission de la note marginale où ment 75 il est claire- en Belgique « l'entrée des Anglais se ferait qu'après la violation de notre neutra- lité sens par l'Allemagne? » C'est grâce à ce contreet à cette le caractère magne, et omission que vous voulez que nous ne vous accu- erreur, que dire, encore une qui ne s'épargne pas de telles <( prend pièce délictueux que veut lui donner l'Alle- sions pas de falsification? Et (1) la s'il fois, y a simplement d'une diplomatie bévues ! (2). Et n'a- Dass unser Abkommen absolut vertraulich sein soUte. » (2) Veut-on savoir coniment le gouvernement aUemand se disculpe ? « Il a déjà été établi, écrit-il, que sur l'ori- ginal du rapport du général Ducarne, on peut effective- ment, en raison de l'écriture peu distincte, avoir lu mot «convention» et là où il y a en le réalité «conversation» avoir traduit en conséquence. Vouloir tirer d'une faute de. traduction sans importance la preuve d'une falsification intentionnelle de tout le document, est déjà d'une mentalité assez faible, mais la tentative devient plus ridicule encore du moment que le fac-similé du document, joint à la traduction, permet à tout lecteur LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 76 t-on pas le droit, tout au moins, de croire interprétation du document tout entier est aussi fausse que sa traduction du elle-même comme ait mot considéré par capital ? Si la prétendue conven- tion avait existé, magne n'en comment se fait-il pas publié dans n'ont-elles pas laissé, ont dû les Où l'Alle- pourquoi préparer la archives du minis- tère de la guerre, d'autres traces ports en question? que le texte, et toutes les négociations qui que les deux rap- l'Allemagne voit-elle du gouvernement belge de gation que son courant de ces entretiens privés l'obli- mettre au la et confidentiels? Assez de causes de dissentiment existaient entre les grandes puissances nos voisines sans qu'il vînt jeter entre elles un nouvel élément de suspi- cion (1). Quelle confiance la diplomatie étrangère aurait-elle belges, dû s'ils dans avoir avaient les à livré hommes d'Etat l'Allemagne les entretiens en question, et jeté inutilement entre attentif de se rendre compte de bornerons à retenir de ceci que l'erreur. » Nous nous même les lecteurs et les traducteurs de Berlin ne sont pas « attentifs » et que leurs maîtres ne sont pas difficiles, puisque leurs plus lourdes bévues sont à leurs yeux des fautes sans importance. ce Et Grasshoff, Warum \</ortliclie (1) lui, ne craint pas d'écrire sollte sicli die tV. A. Z, so angstlich Uebertragung der Conversation halten Beyens^ p. 7. : an wort? w LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE elle et l'Angleterre 77 un nouveau brandon de dis- corde? Quant à contester aux généraux étrangers belges de recevoir les ouvertures de généraux le droit étrangers au sujet de certaines éventualités militaires qui les intéressent et d'en faire rapport à leur supérieur hiérarchique, la prétention est trop plaisante pour qu'on s'arrête à la discuter sérieu- sement Où (1). cela est-il écrit? soit neutre ou non, a avec un le droit Tout Etat, qu'il d'échanger des vues autre Etat au sujet de ses intérêts primor- diaux; ce sont ses actes qui le jugent, et les actes de la Belgique, l'Allemagne elle-même leur a rendu hommage. L'Allemagne, dit M. von Jagow au « baron Beyens le 4 août, ne peut rien reprocher à la Belgique et l'attitude de la Belgique a tou- jours été d'une correction parfaite (2). » C'est après l'invasion, le 4, que la aux puissances garantes. Le 2 Belgique s'adresse et le 3, elle ne Fa Le Nieuwe Courant, reproduit par la Kôlnische Zeitung du 23 octobre, ment donc lorspas fait. qu'il écrit guerre, Sir (1) : « Trois jours avant le début de la Edward Grey Le lecteur désireux de fit savoir au Gouverne- lire une réfutation péremp- toire des allégations allemandes la trouvera chure de M. Jules belge, (2) Il Van den Heuvel, dans la bro- ministre d'Etat laquelle j'ai fait plus d'un emprunt. Waxweiler, p. 57. LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 78 ment belge que qu'il espérait la Belgique ferait son possible pour faire respecter sa neutralité; il promettait l'appui de l'Angleterre et des Alliés dès que l'Allemagne aurait pénétré sur le terrià condition que la Belgique parti- toire belge, une action commune en vue de résister à la violation de sa neutralité. La Belgique accepta. Dès ce moment, elle faisait partie de l'Entente cipât à : ne elle combattait plus exclusivement pour Le vrai caractère des conversations belgoanglaises apparaît d'ailleurs avec une évidence elle (1).» lumineuse dans sir Edward dépêche suivante adressée par la Grey, en avril 1913, au ministre bri- tannique à Bruxelles. Postérieure d'un an au dernier entretien belgo-anglais, elle montre que les deux Etats, à cette date, étaient à cent lieues de se comme considérer liés l'un à l'autre vention quelconque ' (( « j'ai Au Monsieur : le Ministre, cours d'une conversation non officielle que eue aujourd'hui avec j'ai dit que le ministre de Belgique, j'avais appris qu'il cette crainte règne en Belgique, que nous ne soyons violer la neutralité belge. Je (1) par une con- Waxweiler, p. 132. les premiers à ne croyais pas que LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 79 appréhension pût avoir sa source en Angle- cette terre. « Le ministre de Belgique m'a déclaré été question — mais il n'a pu me — du débarquement de troupes anglaises où dire en Angleterre qu'il avait en Belgique pour prévenir l'envoi possible de troupes allemandes vers la France à travers la Belgique. répondu « J'ai ment ne être certain serait pas le violation; que je premier à se livrer à une telle ne croyais pas non plus qu'aucun gouvernement anglais ainsi, et que notre gouverne- serait premier à agir le qu'en outre l'opinion publique anglaise ne l'approuverait jamais. Ce que nous avons eu à examiner, ai-je continué, quelque peu embarrassante, c'est de savoir ce qu'il serait désirable et nécessaire de faire, lité de puissance garante de dans le cas où une question et c'était là en notre qua- la neutralité belge, cette neutralité serait violée par une puissance quelconque. (( Si nous étions les premiers à la violer et à envoyer des troupes en Belgique, nous donnerions ainsi à l'Allemagne, par exemple, un motif d'en- voyer également des troupes en Belgique. Ce que nous .désirons, comme en ce qui concerne les autres pays neutres, tralité soit respectée, et aussi sera pas violée par c'est la Belgique, que la neu- longtemps qu'elle ne une autre puissance, nous n'en- LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 80 verrons certainement pas de troupes en territoire neutre (1). » Voilà quelle à la veille de était, l'attentat, la situation de la Belgique vis-à-vis de l'Angleterre. Les conversations n*y avaient rien changé; on en 22 novembre 1912, pouvait dire ce que, le du Foreign Office écrivait à l'ambassadeur de France à Londres « A le chef : différentes reprises; les états-majors mili- taires et navals de France ont échangé des vues. de Grande-Bretagne et a toujours été Il entendu que ces échanges ne portent pas atteinte à la liberté de l'un ou de l'autre gouvernement de décider à n'importe quel moment dans l'avenir s'il doit ou non soutenir l'autre Etat avec ses forces armées. Nous avons admis que les échanges de vues entre nos techniciens ne constituaient pas pas être considérés comme gement qui obligerait l'un ou ments à intervenir dans et ne doivent un enga- constituant l'autre des gouverne- l'éventualité qui ne s'est pas encore présentée. » Mettez Belgique à la place de France rez, mutatis mutandis, la valeur vous au- formule diplomatique de de l'incident. Chose instructive, (1) la et Van den Heuvel, la révélation p. 31. du « gouverne- LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 81 ment allemand en Belgique» a été accueillie outreRhin par un inmiense soupir de soulagement. Jusque-là, la conscience de l'Allemagne n'était pas compte tranquille; elle se rendait sa charge un qu'elle avait ?i attentat contre le droit des gens, et les déclarations lénifiantes de l'empereur et du chancelier ne parvenaient pas à calmer ses inquiétudes. Désormais, elle se voyait débarrassée de ces honorables scrupules. que la neutralité mais c'était... par vernement belge les de la Il restait établi, la à vrai dire, Belgique avait été violée, Belgique elle-même, était et le gou- seul responsable de toutes souffrances que les Allemands avaient dû infli- ger, malgré eux, à ce malheureux pays. Voilà ce qui est devenu, pour l'Allemagne entière, lettre d'Evangile, et, tres justifications, le sans plus attendre d'au- mot d'ordre a été redit d'un bout du pays à l'autre depuis Memel jusqu'à Waldshut. Ce ne sont pas seulement auxquels on peut, une fois la les soldats, guerre commencée, faire croire tout ce qu'on veut, et qui n'ont pas l'habitude de « penser dans les rangs pas seulement les », ce ne sont modestes abonnés à qui le fac- teur apporte chaque matin leur opinion toute faite dans les colonnes de leur journal, ce sont les re- présentants les plus éminents de la pensée alle- mande, ce sont des savants comme Ehrlich, Haeckel, Harnack, Lamprecht, Roentgen, Wassermann, LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 82 Wuiidt, ce sont des littérateurs, comme Gérard Hauptmaim, Sudermami, Richard Voss, ce sont des artistes comme Defregger et Hans Thoma qui font les complaisants propagateurs de l'argu- se ment fourni à la patrie leurs bruxellois. d'écrire ne craignent civi- pas : Il n'est (( cambrio- les Dans leur appel au monde quatre-vingt-treize les lisé, allemande par pas vrai que nous avons commis un attentat criminel contre la neutralité belge. Il est établi que la France dées à la violer. d'accord avec Il est établi elles. de ne pas prendre L'Allemagne, penseurs. » et l'Angleterre étaient déci- que la Belgique était C'aurait été nous suicider que les c'est devants (1). » convenu, est une Gomment donc se fait-il (( nation de que pas un de ces « penseurs » ne se soit avisé d'une réflexion qui vient d'emblée à l'esprit du premier venu en possession d'un peu de bon sens? des (( homme En quoi chiffons de papier » découverts en octobre peuvent-ils changer la nature de l'attentat perpétré le 3 août et avoué allemand? (1) Es tralitât Ils ist le lendemain par chancelier prouveront tout au plus, dans l'hy- nicht wahr, dass wir freventlîch die Neu- Belgiens verletzt Frankreich und England zu sen. le Nacliweislich liaben. Nachweislich waren ilirer Verletzung entschloa- war Belgien damit einverstanden. Selbstvernichtung ware es gewesen, ihnen nicht zuvorzukomiBen. {Kolnische Zeitung, 4 octobre, matin.) LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 83 pothèse la moins défavorable à nos ennemis, qu'il y a eu deux coupables Ils : FAllemagne ne sauraient faire que et la Belgique. la foi jurée n'ait été tra- hie par les Allemands. Des montagnes de docu* ments n'y changeront rien; toutes juristes et vingt-treize le toutes les les arguties des imprécations des quatre- ne sauraient faire qu'un crime contre droit des gens n'ait pas été commis : non tamen irritum Quodcumque retrost, efficies. Mais ce n'est pas tout. Afin que rien ne manque à l'abaissement de la conscience allemande, on va entendre le chancelier de l'Empire avaler ses pro- pres paroles. M. von Bethmann-Holweg avait, est vrai, à se faire pardonner par les il pangerma- du 4 août, dans lequel il y avait plus de droiture que d'habileté. Il avait eu le temps nistes son aveu de réfléchir depuis lors sur la sincérité qu'il tint les inconvénients de en matière politique, au Reichstag le et le discours 2 décembre 1914 montre qu'il s'est converti à des idées plus dignes, paraîtil, il d'un ministre prussien. Voici en quels termes crut devoir formuler son « Lorsque, le meâ culpâ : 4 août, je parlai d'un tort que nous aurions commis en entrant en Belgique, pas certain que le se déciderait pas, il n'était gouvernement de Bruxelles ne au moment suprême, à épargner LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 84 le pays et à se retirer, tout Pour des raisons vers. sibilité militaires, au 4 août, la pos- de pareille éventualité devait de toute façon rester ouverte. Déjà alors pour en protestant, sur An- il existait divers indices du gouvernement la culpabilité belge. Des preuves écrites, positives, n'étaient pas encore en notre pouvoir en ce ves étaient moment; par contre, ces preu- parfaitement connues des hommes d'Etat anglais. « Si maintenant, verts à Bruxelles, il par suite des documents découest constaté de quelle façon la neutralité (belge) fut sacrifiée au profit de l'Angleterre, dès à présent, pour tout le monde rent dans la nuit : deux faits sont évidents lorsque nos troupes passè- du 4 au 5 août sur le territoire belge, elles se trouvaient sur le sol d'un Etat qui avait lui-même renoncé depuis longtemps à la neu- tralité. » La réponse tardé. Du à ces audacieuses assertions n'a pas Havre, le gouvernement belge a fait en- tendre une protestation solennelle dont j'extrais passage suivant le : Le gouvernement belge déclare sur l'honneur que, non seulement aucune convention ne fut « jamais conclue, mais encore que jamais il de la part d'un gouvernement, quel qu'il n'y eut soit, ni pourparlers ni proposition au sujet de semblable convention. LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 85 « D'ailleurs, jamais le représentant de la Grande- Bretagne, qui, seul, celle-ci, n'intervint avait qualité pour engager dans ces conversations. D'autre part, tous les ministres belges, sans exception, peu- vent l'attester sous la foi du serment, jamais une conclusion quelconque de ces conversations ne fui proposée, soit en conseil des ministres, soit à un ministre en particulier. » A cette noble déclaration, qui suffisait tre fin à toute controverse, sait-on ce trouve à répondre? Lisez et jugez « Si maintenant lui que Berlin : gouvernement belge le pouvoir faire disparaître pour pour met- les documents accablants au moyen d'une déclaration l'honneur, par laquelle il croit faite sur nie la conclusion d'une convention quelconque ou même l'existence conversations ou de pourparlers, c'est là de un pro- cédé dont la candeur naïve convaincra difficile- ment ceux qui ont eu sous matérielles du contraire. » Avant d'apprécier cette les yeux réponse, les preuves remarquons que décidément on a au ministère des affaires étrangères de Prusse la spécialité des contresens. Le gouvernement belge ne nie nullement l'exis- tence de conversations ou de pourparlers anglobelges, comme on le lui fait dire, et le passage reproduit ci-dessus fournit « la preuve matérielle du contraire. » Mais, s'il reconnaît la réalité des LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 86 entretiens entre officiers, il conteste qu'il y ait eu des pourparlers de la part du gouvernement, cette déclaration, notons-le, engage la garantie gouvernement anglais lui-même. Quant au casme avec lequel le et du sar- gouvernement prussien ac- d'honneur d'hommes exilés de- cueille la parole puis un an pour avoir été fidèles à la foi jurée, suffit d'en de la prendre note. Certes, il il peut y avoir candeur à parler d'honneur à un adversaire qui ne comprend pas ce langage : cela tient à ce qu'en Belgique on n'est pas au courant du point de vue prussien en matière de foi jurée, mais aussi, peut-être, à ce qu'en Prusse on n'est pas mieux renseigné sur notre manière de faire cesser le malentendu, il voir. Pour suffira sans doute d'apprendre aux ministres de Sa Majesté Guil- laume que les neur comme la II Belges considèrent la parole d'hon- chose la plus sacrée qu'ils pos- sèdent, qu'ils ont prouvé qu'ils souffriront tout plutôt que d'y être infidèles, et qu'ils ne sauraient faire à leurs pires ennemis l'affront de les croire capables d'un autre sentiment. Ils auraient repoussé avec an, que mépris celui qui leur aurait la de papier Prusse considérait le traité comme un : « y a un chiffon au bas duquel son roi avait mis sa signature, et lorsque l'empereur a dit en 1910 dit, il La Belgique confiance en moi, » ils Guillaume leur a bien raison d'avoir ont écouté cette parole LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 87 royale avec une confiance pleine de gratitude. Apparemment, mais on peut c'était là certifier de la candeur encore, aux ministres prussiens qu'à force de les avoir pratiqués, les Belges se sont corrigés Ce du défaut qui amuse ces Messieurs de Berlin. n'est d'ailleurs pas à eux, lisé, que et le monde mais au monde gouvernement belge le civilisé n'hésitera civi- adressés, s'est pas entre la décla- du gouvernement belge et les palinodies d'un chancelier qui dément le 2 décembre ce ration avoué qu'il avait Mais le bien, 4 août. gouvernement belge aurait dû prévenir l'Allemagne Eh le Cela est douteux, mais admettons-le. 1 l'a fait, et il vous avez sous ce rapport une déclaration que personne, je pense, ne même en Allemagne, s'avisera de contester : c'est celle du roi Albert lui-même. Dans une entrevue accordée au correspondant du grand journal New York Sun, le roi déclare ceci : « Je tenais tellement à éviter jusqu'à l'apparence d'un manquement à la neutralité, que j'avais fait informer l'attaché militaire allemand de l'incident dont on aujourd'hui tant de bruit. fait Allemands ont fouillé nos archives, Quand ils les savaient exactement ce qu'ils y trouveraient; leur surprise et leur indignation sont feintes. » Cette parole de héros foudre sur le tombe comme un coup de misérable échafaudage de mensonges LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 88 de sophismes par lesquels les Prussiens ont et cherché à déshonorer la Belgique. Ils ont pu se gausser de la parole d'honneur de nos ministres; ils ont pu traiter de parjures de la — eux! — le guerre russe, M. Soukhomlinow, et ministre même le pu douter des tsar Nicolas II en personne, ils ont formelles assurances du gouvernement français, ils n'ont pas osé contester la parole Et ils roi Albert. ont eu raison, car l'univers entier a ratifié les paroles par lesquelles conclut auquel j'emprunte « Certes, les du pays Après ma relation le journal neutre : on apprendra avec émotion, dans tous civilisés, la déclaration cette parole royale, du roi des Belges... prononcée par une per- sonnalité aussi noble et aussi digne de respect que le roi Albert, et à laquelle nous accordons une foi sans réserve, nous considérons la question des do- cuments trouvés à Bruxelles comme close (1). » Oui, la question est close et l'on peut se borner à conclure. Toutes les insanités Mot que les avocats de aUe beschaafde landen zijn vernomen de verklaring van Z. M. Koning Albert van België... Na dit koninklijk woord, waaraan wij, nu (1) het ' is nobele oiitroering zal ze]:er in iiitgesproken figuur geloof hechten, als door een zoo aclitenswaardige en Koning acliten wij Albert, de zaak van de gevonden Brusselsehe documenten voor goed 27 mars, 2e avondblad.) onvoorwaardelijk uit. {Het Vaderland, LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE TAUemagne ont geance de nous les 89 alléguées sont en définitive la ven- nous aurions la Belgique. Oui, vaincus écrasés sous le le droit, talon prussien, de contempler avec un sentiment de pitié hautaine la détresse morale de nos maîtres en face de leur iniquité ! Nous aurions le droit de rire à l'aspect d'une grande nation se débattant dans le bourbier du mensonge, s'accrochant vainement, tour aux plus misérables arguties pour à tour, justifier son crime, et ne s'apercevant pas qu'elle le rend plus manifeste par les choquantes contradictions de ses versions successives. la Nous donnons rendez-vous à conscience allemande au lendemain de la guerre. Quand, au sortir de l'ivresse homicide, elle repren- dra possession d'elle-même, que la seule rendra compte elle se chose qui restera, c'est, sur l'écusson de l'Empire, une tache que des siècles ne laveront pas. Ce chapitre m'a apporté, était écrit le lorsque 10 août 1915, Gasparri à M. Jules Van den la Libre Belgique ïa lettre du cardinal Heuvel, ministre plé- nipotentiaire de Belgique près le Saint-Siège. Le diplomate belge avait demandé au cardinal une interprétation authentique des paroles prononcées par le Saint-Père dans son allocution consistoriale du 22 janvier 1915, où il « réprouvait toute injustice, de quelque côté et hautement pour quelque motif qu'elle fût commise. » Le secrétaire d'Etat LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 90 répondit que rinvasion de la Belgique tement comprise dans ces paroles. documents d'établir par que moment de lesquels était direc- Et, parlant des rAllemagne essayait la neutralité belge n'existait plus l'invasion, il ajouta : au « Il n'appartient pas au Saint-Père de trancher cette question historique et pareil jugement n'est pas nécessaire à son but. Même mand, encore si on admettait le point de vue alle- resterait-il toujours vrai de dire que du chancelier, pénétra sur le l'Allemagne, de l'aveu territoire belge avec la conscience d'en violer la neutralité et par conséquent de commettre justice. Gela suffit sidéré comme pour que Roma locuta est. in- cet acte doive être con- directement compris dans de l'allocution pontificale. » une les termes La résistance de la Belgique à l'attentat prussien. Le géant terre était étaient aux portes; surprises, loin, l'agression criminelle. un contre Que faire? tre Il dans Nous France et l'Angle- comme nous, par allions devoir combat- vingt. n'y eut pas le la un instant d'hésitation, pas plus peuple que dans le gouvernement. Ils furent dignes l'un de l'autre, et dignes, l'un et l'autre, de la majesté de l'heure. Le gant qui venait de lui être jeté, la Belgique le releva sans forfan- terie et sans peur. Nous n'avions qu'une petite armée qui, avant 1913, ne dépassait pas sur pied de guerre le chiffre de 180,000 année, mais il hommes. Une loi du 31 août de cette est vrai, avait décrété le service général, cette mesure n'avait pu encore augmenter LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 92 qu'une classe de milice, celle de 1913, en et, la comptant, notre effectif de guerre ne dépassait pas 200,000 hommes. En y joignant quarante mille volontaires qui se firent inscrire pendant la pre- mière quinzaine d'août, cela mes qui faisait 240,000 allaient devoir tenir tête hom- aux innombra- bles cohortes allemandes. Qu'importe? L'honneur et le devoir étaient en jeu : ils nous trouvèrent fidèles. Dans la séance historique 4 août, toute ratifia la la des Chambres le nation sans distinction de partis réponse du gouvernement à l'ultimatum. Ce fut une de ces journées inoubliables comme les annales d'une nation n'en comptent pas deux au cours d'un siècle. Il faudrait pouvoir dire l'atten- drissement avec lequel le peuple belge acclama sa jeune souveraine venant avec assister à la séance des ses Chambres, enfants trois le délire d'en- thousiasme qui se déchaîna autour du roi lorsque, sortant de son palais pour aller au Parlement, apparut à cheval, botté et éperonné, dans cette même tenue de lieutenant-général avec laquelle allait, au sortir du Palais de il la nation, se il mettre à la tête de l'armée. Heures réconfortantes et qui feraient presque bénir l'agression puisqu'elle provoquait triotisme dans un tel de l'ennemi, déchaînement de pa- un peuple généralement froid et LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE contenu. titude; dans Une ivresse sacrée avait passé sur la on eût dit l'air et se que Tâme de 93 mul- la patrie circulait une posait sur chaque tête dans espèce de nouvelle Pentecôte. Les cœurs les plus bronzés étaient en feu; des yeux qui n'avaient jamais pleuré connurent ce jour larmes. Dans un la saveur des élan d'amour, la Belgique célé- brait ses fiançailles avec la mort. Etait-ce la fièvre d'un jour, était-ce mouvements inconscients tion, et auxquels, au lendemain de cèdent l'abattement et lui-même a fourni à la que son héroïsme trer les catastrophes. Après ces et irréfléchis qui se dé- un moment de gagent des foules dans un de le regret ? surexcita- l'ivresse, suc- Non. L'ennemi Belgique l'occasion de monétait à l'épreuve la prise de toutes de Liège, honteux de son triomphe et sans doute aussi se figurant que la défaite nous avait rendus traitables, le gou- vernement allemand nous réitéra sa demande de ne pas nous opposer à son passage. Le 9 août, le ministre de Belgique à La Haye transmettait à du ministre des affaires étrangères des Pays-Bas, le document suivant, que M. Davignon, de le la part ministre des Etats-Unis d'Amérique fusé à transmettre (1) « s'était re- : Les forts de Liège ont été pris d'assaut après (1) M. le baron Fallon, en envoyant le document à 8 LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 94 une Le gouvernement allemand déplore profondément qu'à la suite de l'attivaillante résistance. tude hostile du gouvernement belge à l'Allemagne, on en soit arrivé à un conflit sanglant. L'Allema- gne ne vient pas en ennemi en Belgique. C'est surtout sous l'empire de la nécessité et à raison des mesures militaires de la France qu'elle a dû pren- dre la pénible résolution d'entrer en Belgique, et d'occuper Liège comme point d'appui pour ses opé- rations militaires ultérieures. (( Après que l'armée belge, par sa résistance hé- roïque à des forces très supérieures en nombre, a maintenu de de ses armes, la le manière la plus brillante l'honneur gouvernement allemand prie le roi des Belges et son gouvernement d'épargner à leur pays horreurs intérieures de les vernement allemand Le gou- la guerre. est disposé à conclure avec la Belgique toutes conventions pouvant se concilier avec les nécessités de son conflit avec la France. L'Allemagne proteste encore une fois, de la ma- nière la plus solennelle, qu'elle n'est pas guidée par l'intention de s'annexer qu'une telle Bruxelles, le y le territoire belge, et pensée lui est absolument étrangère. joignait une note dans laquelle gouvernement belge de il cette particularités informait « Le mi- nistre (néerlandais), ajoutait-il, a accepté sans enthou- siasme cette mission. Je m'en suis chargé pour lui faire plaisir. » LE GUEt-APËNS PRUSSIEN EN BELGIQUE Elle est toujours prête à évacuer le Belgique aussitôt que Tétat de la 95 royaume de guerre le lui per- mettra. » La tentation, on l'avouera, parlait un langage séduisant. Si nous acceptions la proposition, nous retrouvions la paix et la sécurité, nous épargnions au pays les horreurs d'une guerre atroce, dont massacres et les incendies les venaient de nous don- ner Tavant-goût. Nous ne cédions qu'à une supériorité numérique écrasante, et l'aveu de l'ennemi, « non sans maintenu de la avoir, de manière la plus brillante l'honneur de nos armes. » On me pardonnera sans doute le mouvement de fierté patriotique avec lequel je transcris ici la réponse du gouvernement belge datée du 10 août. La « voici dans sa noble simplicité La proposition que nous allemand reproduit la : fait le gouvernement proposition qui avait été formulée dans l'ultimatum du 2 août. Fidèle à ses devoirs internationaux, la Belgique ne peut que réitérer sa réponse à cet ultimatum, d'autant plus que depuis le 3 août sa neutralité a été violée, qu'une guerre douloureuse a été portée sur son territoire et loyalement que et les garants de sa neutralité ont immédiatement répondu à n'y eut plus de séance des Cham- son appel. » Cette fois, il bres belges pour ratifier la réponse du gouverne- LE GUÈT-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 96 ment parole était au canon. la : même qu'avec la unanimité que gique acclama la parole des le Mais je jure 4 août, hommes de cœur qui avaient la responsabilité de ses destinées. demain de ses la Bel- premiers désastres, elle Au leur était reconnaissante de maintenir haut et ferme peau national Depuis sur elle. sacre, de ne pas désespérer de et lors, la le dra- la patrie. tempête de fer et de feu a passé Pendant des mois, au len- elle a été livrée au mas- pillage, à l'incendie. Ses malheurs ont étonné l'univers. Mais ce qui Ta émerveillé plus encore, c'est la splendeur de sa résistance. Ce petit peuple pacifique, qui depuis près de trois générations s'était déshabitué des travaux de la guerre et dont l'armée n'inspirait au fier Teuton qu'un sentiment d'orgueilleuse pitié, a tenu tête aux pre- mières armées du monde. Cinq armées ont fondu sur lui: celles des généraux Kluck, Hausen, Bûlow, du prince Wurtemberg héritier de et du prince héritier de Prusse. Surpris par le guet-apens prussien, il a brisé à Liège la première vague de l'inva- sion en arrêtant pendant une semaine devant nos forts des soldats qui croyaient menade ne faire qu'une pro- militaire à travers nos provinces. Là, l'hé- roïque général Léman s'est couvert d'une gloire immortelle en arrachant des mains de l'Allemagne cet « atout de la rapidité » qui .était pour elle la condition sine qua non du succès. Retiré à moitié LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 97 asphyxié de dessous les ruines du fort de Loncin, écrit à il que son roi cette apprendre par cœur aux enfants des l'on fera écoles désormais historique lettre : « Je suis certain d'avoir soutenu Thonneur de nos armes. Je n'ai rendu ni la forteresse, ni les forts. Daignez « me pardonner, Sire, cette lettre. Je suis la physiquement négligence de abîmé par très l'explosion de Loncin. En Allemagne où « je vais être dirigé, mes pen- sées seront ce qu'elles ont toujours été: la Belgique son et les roi. J'aurais volontiers mieux servir, mais la donné ma vie pour mort n'a pas voulu de moi. » La prise de Liège n'a pas découragé le peuple belge, avec il comme un l'ennemi Repoussant s'y attendait. tranquille mépris ses offres insidieuses, lui a disputé pied à pied le sol dans une série d'engagements, où de la Belgique la victoire a été du côté du nombre et la gloire du côté du vaincu. L'énorme supériorité numérique de l'ennemi ne permettait à notre armée d'opérer autre chose qu'une retraite savante : elle n'a cédé que pas à pas, après avoir, à Tirlemont h Perwez que le le le le 18 août, 19 août, lutté courageusement. gouvernementse retirât à Anvers mais l'armée continua de couvrir cette terrain le Il fallut 20 août, grande for- LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 98 — - — teresse. Les sorties d'Anvers, le furent un superbe qui effort 28 ~j. et le 26 août, honore notre armée. Celle-ci continua, par une série de sor- Tennemi en échec et c'est seulement le 3 octobre, deux mois après l'invasion, qu'elle a repassé la Nèthe et que l'armée ail .mande a pu commencer le bombardement d'Anvers. Ici une douloureuse surprise attendait le paties vigoureuses, triotisme belge. à tenir La défense d'Anvers, créée en 1859, avait été successivement complétée depuis lors par une avoir fait une des places série de travaux qui semblaient les une double ceinture de 40 formait autour en plus fortes du monde; forts et de 17 redoutes de notre métropole commerciale une ligne de plus de 130 kilomètres avec un rayon de 15 à 18 kilomètres, dont formaient l'escarpe sur la Nèthe la rive droite et le Rupel de l'Escaut, tandis que, sur la rive gauche, s'échelonnaient les nord une zone inondable ache- forts et que vers vait cet ensemble de travaux dus au général Brial- mont, Le le le premier ingénieur militaire de son temps. roi et son gouvernement, qui s'y étaient retirés, semblaient pouvoir y attendre tranquillement rivée de l'armée de secours anglaise et, dans tous les cas, arrêter l'ar- ou française, l'ennemi pendant de longs mois. Ces espérances devaient être déçues. Un engin de guerre, fabriqué dans le plus grand secret par les LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 99 usines Krupp, le canon de 0.42, allait apparaître ici pour la première fois tiles triomphe de le sur toutes les combinaisons de la force brutale rintelligence et comme du génie militaire. « d'un mètre de longueur et A ces projec- d'un poids de 14 quintaux (1,350 kilogrammes) rien ne pouvait résister. Les forts les plus solides cuirassés d'acier, des voûtes bétonnées de plusieurs mètres d'épais- seur volaient en éclats structions qui croulaient n'est le verre, et des con- semblaient faites pour l'éternité comme donc ni comme du des châteaux de cartes (1). » Ce courage, ni la stratégie qui ont eu raison d'Anvers : c'est M. Krupp qui conquérant d'Anvers. Après la est le vrai formidable brèche pratiquée dans la première ligne de forts, la place était à la merci des bombes allemandes, qui pou- vaient passer par-dessus dans la seconde enceinte. La ville tomba au pouvoir de l'ennemi le 9 octobre. La déception a été amère pour la Belgique, mais, faut-il le dire? elle n'a pas été moindre pour l'en- nemi, une fois passée l'ivresse du premier de son triomphe. Il comptait, en notre réduit national, mettre la s' moment emparant de main sur notre roi, sur son gouvernement et sur son armée: toutes les forces de notre résistance transportées en Alle- magne, c'était la fin (l)voN Strant^, de p. 54. la Belgique. LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 100 Mais Belgique n'était plus à Anvers la donnant I place devenue indéfendable, la Albert avait fait, à la tête Abanle roi de son armée, une retraite siperbe, que l'histoire enregistrera à Tégal d'une grande Franchissant en 24 heures 90 kilo- victoire. mètres, protégés par leur cavalerie troupes de flanc chargées de ralentir de l'ennemi, les marécages de la et la par des poursuite Belges s'étaient retirés dans les Flandre occidentale Allemands s'aperçurent de et lorsque les la faute qu'ils avaient commise en ne prévoyant pas cette retraite, il était trop tard pour l'empêcher, les vaincus les avaient gagnés de vitesse et avaient mis l'infranchissable ligne de l'Yser entre eux et leurs ennemis; devenaient l'aile gauche de l'armée glaise (1). Et l'Yser ils franco-an- nous a consolés d'Anvers. Nul n'aurait cru que ce canal de vingt mètres de lar- geur maximum serait inexpugnable que le pour la patrie belge le refuge génie de Brialmont et les mil- lions de notre trésor n'avaient pu faire d'Anvers. L'Yser sera désormais, dans l'histoire de Belgique, ce que les Thermopyles ont été dans celle de la ( p. 1 ) 177 Il est : « comique, après cela, de Mit lire dans Hoelschetî, allen Mitteln suchten die Deutschen die Vereinigung der aus Antwerpen entkommenen Streitkrâfte mit dem linken franzosisehen Flûgel zu verliin- deren, als ilinen anch gelang. » Vraiment, les lecteurs allemands sont bien renseignés! LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE Grèce l'Argonne dans celle de la France, et nom le Grâce à les don- se plus glorieux souvenirs de la Albert, après plus d'un lui, le roi an de guerre, n'a jamais quitté le duquel autour prestigieux nent rendez-vous patrie. 101 le sol de son pays : royaume de Belgique, bien que ramené aux fron- tières plus les exiguës, existait toujours, et donnait un éclatant démenti à l'audacieuse affir- mation de la tobre, avait (( imprimé en vedette Toute la Belgique le : par évacuée est 18 oc- les (1). » alliés Donnons gique mois Kôlnische Zeitung, qui, dès » ici une idée de cette « plus petite Bel- sur laquelle ont été fixés pendant de longs les yeux de tout l'univers : revendiquer dans l'histoire du elle a le droit monde une de place hors de toute proportion avec son étendue. Deux petits cours d'eau naissent dans la flamande à une médiocre distance l'un de l'un venant de l'ouest et l'autre jumeaux ayant même plaine l'autre : du sud; ce sont des même étendue, même même nom. L'un s'appelle patrie, destinée et presque le l'Yser et l'autre l'Yper (2) .Ils se jettent l'un dans (1) Ganz Belgien von den Verbûndeten geraumt. (2) L'Yper, après d'Ypres, c*est le avoir laissé son ne s'appelle plus sort commun des devenue plus importante nom à la ville aujourd'hui que l'Yperlée: rivières qu'elles. arrosant une ville LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 102 Tautre près des ruines de Tancien fort de Knocke, célèbre dans les annales de notre puis XVIIP cheminent, confondus, dans ils du nord jusqu'à la siècle, la direction mer, qu'ils atteignent après cinquante kilomètres de parcours commun. C'est l'Yper qui jusqu'au confluent forme la ligne de défense confiée aux forces anglaises, l'Yser étant réservé à l'armée belge. Cette ligne est d'un intérêt majeur il la : on y rencontrait trois nobles villes ne reste plus aujourd'hui que des ruines : Ypres, grande fourmilière industrielle du moyen dont les halles étaient tations une des plus âge, fières manifes- de l'esprit communal; Dixmude, cieuse, étendue dont la gra- au milieu des plus opulents pâtu- rages de la Belgique et offrant au voyageur les plus beaux de nos paysages urbains, après ceux de Bruges tait aux guerres le et de Malines; Nieuport enfin, qui racon- flots et de la mer du Nord l'épopée de nos de nos douleurs d'autrefois. Derrière ruban d'eau qui reliait entre elles ces trois villes sœurs, resserré entre lui et les dunes, s'étendait un petit nombre de kilomètres royaume de Belgique tel que l'avait fait sur carrés le l'invasion. Et pourtant, qu'il eût été beau encore, sans le voile de deuil qui dissimulait ses charmes aux yeux des héros chargés de sa défense ! grasse terre de Flandre, verte féconde comme la C'est cette riche et comme l'Irlande et Lombardie, dont on ne saurait LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE dire au juste si elle est la mère ou qui l'habite, tant la main de la fille Thomme à celle de la nature pour en faire d'un peuple libre de l'activité Qt humaine : les le sol; les le ciel, séjour digne filent canaux bordés de en ligne droite vers quelque rendez-vous du travail; quent associée campagnes ont conscience de servir à fertiliser saules, s'est ruisseaux qui flânent les de du peuple heureux. Tout y évoque l'idée paresseusement dans têtards le 103 parfois inclinés sur les un clochers pi- sol qui affecte de vouloir se dérober à la tyrannie de l'homme; les toits le rouges des fermes s'enlèvent vivement sur fond vert des prairies; d'innombrables vaches pâturent au loin dans dans les les campagnes ou, couchées herbages, contemplent « de leurs yeux languissants et superbes » ces paysages bucoliques, dignes de tenter gile. la lyre Et par dessus de quelque nouveau Vir- le tout, dans une atmosphère éternellement humide, que visite l'haleine saline de l'Océan, flotte une lumière de rêve, qui se réfracte à chaque instant en auréoles magiques et produit les jeux les plus inattendus et les plus variés de La race qui peuple ce pays de l'idylle, c'est, par un étrange contraste, la race tragique et farouche des Kerels du XIV^ siècle, que les chevala couleur. liers français crurent à plusieurs reprises avoir exterminée sur les champs de renaissait sans cesse, comme bataille, les mais qui héros de la fable LE GUEÏ-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 104 Scandinave, pour reprendre sans relâche les mêmes combats. Furnes, sa capitale, a un trésor de souveniis, où ardentes du les luttes quent parmi les travaux pacifiques de moderne. C'est Furnes qui bienvenue à Léopold P"* la s'évo- Belgique première a souhaité la la sur la terre de Belgique, lorsque, débarqué à Calais, le moyen âge entra chez nous par il chemin du rivage pour prendre possession de son royaume, auxacclamations délirantes d'un peuple ivre de joie. visité la Combien de fois ce souvenir aura pensée de son royal petit-fils, lorsque, le du large et salué par le visage fouetté par le vent vol des obus, il montait la garde, avec ses soldats, au seuil de ce dernier morceau de Belgique indépendante. Mais quer le roi des Belges n'a pas eu le temps d'évo- souvenirs historiques. C'est l'heure pré- les sente, c'est la lutte de tous les instants qui réclame toutes les forces de son intelligence et de sa volonté. Car reste de c'est là, sur la frontière de ce qui lui royaume, que vont se livrer les combats plus acharnés et les plus meurtriers de Du 23 au 30 novembre 1914, témoin d'un drame comme ont pas encore vu depuis l'histoire. Pendant cette forces de l'homme aux œuvres de la et le la guerre. pays de l'Yser est le ciel et la terre le n'en commencement de semaine tragique, toutes de la les les nature sont employées mort; des luttes désespérées se LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE pour quelques mètres carrés; chaque motte livrent de terre est trempée de sang; en nuages compacts le ciel les obus traversent comme des vols de sau- à la grosse artillerie allemande répond terelles; celle 105 de la flotte anglaise, dont rauquements les font trembler Tair dans les environs de Bruxelles. Plusieurs fois, en sacrifiant des milliers d'hom- mes, les Allemands parviennent à franchir l'Yser, chaque fois ils sont rejetés sur l'autre rive par notre vaillante armée, qui fait là des prodiges d'en- durance et — de courage. Mais elle est décimée par la mort a perdu 600 hommes en quatre jours. Ne le septième régiment de ligne, à lui seul, va-t-elle pas à la fin succomber sous l'immense supériorité numérique d'un ennemi de ce combat de géants ? Il qui, lui aussi, est digne n'en sera pas ainsi. Le 30 octobre, se produit l'événement extraordinaire, inattendu, qui arrête l'immense effort germanique hisseur Que : « Tu s'est-il et qui dit à l'enva- n'iras pas plus loin ! » donc passé, qui a permis à une plaine unie et indéfendable de devenir pour reste de la de la patrie Pour le campagne l'infranchissable boulevard belge ? s'en rendre compte, il faut connaître la nature des lieux. La plaine flamande n'a dans la région de Veurne-Ambacht que trois mètres au- dessus du niveau de la mer, et comme celle-ci, à LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 106 marée haute, s'élève jusqu'à quatre mètres 6S au- dessus de ce niveau, le pays serait périodiquement couvert par avait été 1 mètre 65 centimètres d'eau, pourvu à la fois par main de l'homme. Le long du la nature rivage, et s'il n'y par la une chaîne de collines sablonneuses, les dunes, protège efficace- ment l'intérieur des terres contre l'invasion des flots. La marée, canaux et par il est vrai, les fleuves côtiers, les autres sont garnis écluses que peut y entrer par l'eau de digues et mais les uns les et fermés par des ne parvient jamais à déborder. Détruisez les digues, ouvrez les écluses et l'océan furieux se précipitera sur ces riches campagnes, qui disparaîtront sous ses vagues. Or, le 30 octobre, les Allemands virent avec éton- nement les canons belges s'aligner au sommet du remblai du chemin de fer de Dixmude-Nieuport, commencer et à diriger leurs feux dans la direc- tion des canaux de l'Yser et de Plasschendaele. D'abord, et se Ils ils ne comprirent rien à demandèrent à qui en ne tardèrent pas à cette manœuvre avait l'artillerie belge. être édifiés lorsque, les digues de ces canaux ayant cédé sous l'action des boulets, leurs tranchées se remplirent d'eau. « Ce fut, écrit un témoin, comme une foudroyante surprise pour les Teutons. Les premiers flots avaient envahi les positions occupées par plusieurs batteries lourdes. Quand les officiers don- LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE ramener lièrent l'ordre de était les pièces trop tard. Vainement en arrière, hommes aux pesants canons; s'attelèrent 107 et chevaux fallut les il donner. Puis l'inondation se faufila dans seaux des tranchées hissement fut si et il aban- les ré- sur certains points l'enva- rapide que des centaines d'hom- mes furent noyés. Le en heure. Ignorant désastre grandissait d'heure causes de les l'inondation, s'imaginant qu'elle ne serait pas de longue durée, des régiments entiers restaient place, jusqu'à ce de la ceinture. que Mais l'eau leur le péril officiers se décidèrent à retraite, le stoïquement en montât à la hauteur devenant pressant, donner le les signal de la long des chaussées qui surplombaient les flots. C'était l'heure qu'attendaient les Belges, l'heure vengeresse. Portés sur le talus de fer, leurs blement les canons à tir du chemin rapide balayèrent effroya- chaussées encombrées de fuyards et de transports militaires. Les rafales d'obus faisaient des trouées terrifiantes dans ces masses, en temps que les mitrailleuses installées dans barques ou des radeaux flancs. même les des harcelaient sur les Ce fut un massacre indescriptible. Sur cent mètres de chaussée, on pouvait compter des milliers de morts. En une journée, Allemands périrent dans vyse, (1) Ramscapelle et plus de douze mille le triangle formé par Per- Schoore (1). » L'ennemi dut se résigner à avouer partiellement LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 108 Quant aux Belges, protégés par le remblai du chemin de fer qui opposait une barrière à l'inondation du côté de l'ouest, étaient désormais ils inexpugnables. Voilà comment, après quatre mois de guerre, il y avait toujours une Belgique indépendante, que le pied du conquérant ne foulait pas. C'était une bien au plus SOO kilomètres petite Belgique ayant tout que notre armée aurait pu arpenter tout carrés, et entière en un seul jour, du nord au sud et à l'ouest. Elles se réduisait à deux villes et Poperinghe et à un parmi lesquels tous les l'est Fumes : nombre de certain de villages, Belges connaissent les riantes stations maritimes qui duinkerke, Coxyde, La Panne, s'appellent Oost- noms évocateurs de souvenirs de journées ensoleillées et heureuses, au bord d'une mer souriante. Furnes, où établi son quartier général, la catastrophe. était Un communiqué, le roi avait devenue la capi- daté de Berlin le 3 no- vembre 1914, narre le fait en ces termes voilés: « L'inondation au sud de iSTieuport rend toute opération impossible dans cette région. Les terres y sont dévastées pour longtemps. Par endroits, l'eau est plus qu'à hauteur d'homme. » Le communiqué ajoute que mandes sont sans perte ni troupes alle- du terrain inondé saines et sauves, en hommes, ni en canons, ni en chevaux, ni sorties en véhicules, miracle qui consolera rire le reste les du genre humain. les Allemands et fera LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE de la Belgique entière, taie provisoire mel le fut de la Prusse, 109 comme Mé- aux jours sombres qui comme virent la bataille d'Iéna. Et sui- alors la reine Louise, ainsi de nos jours on voit la jeune reine des Belges, âme vaillante dans aux épreuves socier communiquer et aux un corps luttes frêle, s'as- de son époux, et à la nation entière sa confiance dans l'indéfectible avenir de la patrie. comment parler de lui en termes dignes de son grand cœur et de sa superbe Et lui, endurance notre ? roi, La Belgique le connaissait à peine avant cette guerre qui Ta mis à sa vraie place, dans en l'auréole des héros. Elle respectait dien fidèle de la constitution, conscience avec laquelle de roi, pour les il lui le gar- elle l'aimait pour la s'acquittait de son rôle beaux exemples que sa vie pu- blique et privée donnait à la nation entière. Mais sous ses dehors modestes qui aurait deviné que le c'est à l'heure et réservés, héros? Elle sait du danger qu'un voire timides, maintenant ce roi. Elle l'a vu, infatigable, tranquille sous la pluie des balles, des- cendre dans les tranchées, partager le pain noir des troupiers, les encourager par son exemple et par sa parole, apparaissant au milieu d'eux, dans sa froide et souriante intrépidité, dieu devant lequel ils comme un demi- tombaient à genoux, les yeux rouges de larmes, la gorge pleine d'acclamations délirantes, fous d'enthousiasme, de dévouement 9 et LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 110 d'orgueil De pareils souvenirs ne mémoire d'un peuple, et la patriotique. s'effacent pas de la dynastie s'en apercevra. Le Roi a cru ne travailler que pour pour patrie la les siens, car les racines reille à il a, il : par surcroît, travaillé a Jeté dans notre vieux sol d'une popularité prodigieuse qui, pa- un chêne superbe, ombragera pendant des générations tous ceux qui descendront de lui Non, Furnes; la Belgique n'oubliera pas elle les un avare compte les . jours de comme comptera précieusement ses trésors; elle les inscrira au tableau d'honneur de ses annales, elles les redira avec orgueil aux générations à venir. Nous n'avons pas été témoins de cette épopée, nous qui, prisonniers de l'ennemi, notre propre patrie, heures mornes avons porté dans exilés le poids des et lourdes, et ce sont les vaillants revenus des batailles patriotiques qui nous rediront les jours de l'Yser. Il en est un toutefois, par- ticulièrement mémorable, dont la connaissance est arrivée jusqu'à nous, à travers les épaisses rangées des troupes allemandes : c'est la veillée des du jeune duc de Brabant, qui faisait armes son appren- tissage de souverain dans les tranchées à l'âge de quatorze ans. Ce jeune prince fut présenté par son père au 12® régiment de ligne, dans lequel gagner ses grades. « On ne saurait trop Roi, mettre les jeunes princes à l'école il allait tôt, dit le du devoir, Hl LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE et il n'y en a pas de meilleure que notre armée. amène mon Je lui honorer particulièrement conduite vaillante la pendant la de Visé, voulu, J'ai fils. Douzième le cessé n'a qu'il ajouta-t-il, pour de tenir campagne, depuis sa défense du pont 4 août, jusqu'à le de Dixmude, où et Honneur lui et brillante défense a repoussé quinze perdu allemandes à il la le tiers de son attaques effectif. son colonel Jacques, qui, à blessé à deux reprises, le 20 et le 21 septembre, est resté ^ Voilà chaque fois à la tête de ses troupes (1)! » comment la Belgique d'aujourd'hui, repré- sentée par le roi Albert, enseignait la Belgique de demain, incarnée dans un ciel le où rougeoyaient duc de Brabant. Et sous les feux de l'artillerie, le chant du Lion de Flandre sortant du fond des tranchées allait apprendre aux Allemands que petite nation, après un an de guerre, était encore debout en face d'eux, frémissante d'orgueil courage. Non, ils le disent chant patriotique dont « vaux hommes d'armes et des et de eux-mêmes dans un les paroles pour nous, cette non, ce n'est pas le semblent faites nombre qui affermit des chele trône des rois, c'est le patriotisme, c'est le dévouement (1) et Le Roi a rendu hommage aussi aux majors Colyns Van Rolleghem, colonel. qui se montrèrent dignes de leur LE GUET-ÂPENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 112 hommes des qui leur donnent une base libres aussi inébranlable qu'un rocher dans la De l'armée belge, digne de son devoir. (1).» suffit de dire qu'elle a été il admirablement son roi. Elle a fait Aucune autre dans permis de soit mer le constater la guerre actuelle, qu'il sans diminuer la gloire de personne, n'a eu à soutenir une lutte plus rude, une campagne plus épuisante. Son courage, son endurance, sa foi dans et rien n'est touchant la patrie ont été superbes, comme le culte qu'elle a voué au héros couronné qui conduit à la la gloire et à la mort. Les volontaires ont afflué sous les drapeaux dès le premier jour; 40,000 la première semaine; il il y en avait y en a eu plus de 100,000 ensuite. Parmi eux, les porteurs des plus beaux noms nobiliaires du pays fraternisent avec les enfants du peuple, qui ont quitté la charrue ou Toutil pour la carabine. Huit fils de ministres ou d'anciens ministres ont apporté les prémices de leur jeunesse. Trois d'entre eux Levie et Delbeke sont tombés au (1) Paul Renkin, champ d'honneur: Nicht Ross, nicht Reisige Sichern die steile HôKe, V7o Fiirsten stelm; Liebe des Vaterlands, Liebe des freien : Manns Grûnden des Herrscher» Thron Wie Fels im Meer, LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE deux autres, de Broqueville gagné 113 Jean Renkin, y ont épaulettes de sous-lieutenant; quatre les et autres, Berryer, de Lantsheere, Nyssens, PouUet font le coup de feu à l'âge de 16 ou de 17 ans. Ce sont des volontaires encore, on peut jeunes gens des classes de 1914 gouvernement l'appel d'un exilé, le dire, ces de 1915 qui, à et bravant les inter- menaces de l'ennemi, passent dictions et les les frontières hérissées de sentinelles et de fils de fer souvent électrisés, rhéroïque folie après du patriotisme audacieuses fictions de aventures des où a réalisé les plus la légende. Ah 1 les pathé- tiques odyssées, et quels beaux sujets d'histoires à raconter plus tard dans les veillées, auprès des foyers belgiques En ! vain M. von Bissing menace-t-il les familles des réfractaires ou frappe-t-il d'amendes énormes les comrnunes fusillent-ils, qu'ils habitent! comme En vran ses soldats à Ternath, les jeunes mili- ciens qui se présentent à l'appel des Allemands en exhibant un portrait du roi Albert au bout d'un bâton! Rien n'arrête l'élan patriotique de la jeunesse belge, et l'on a calculé que, dans les régions limitrophes de la frontière, 80 pour 100 des classes de 1914 et 1915 sont déjà de l'autre côté de l'Yser, ce petit fleuve patriotique qui ne se laisse franchir que par des Belges. Mais la Belgique militante n'est pa3 seule à sou- LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 114 du drapeau tenir l'honneur : il y a une Belgique souffrante. Prisonnière et vinculée, accablée de menaces, d'interdictions, d'amendes, bon, et elle n'a elle a tenu pas humilié devant l'arrogance de l'ennemi la fierté du pavillon national. Son gou- vernement n'est plus munaux compour l'encourager, pour la là, sont restés mais soutenir, et l'histoire aura pour nom du le M. Adolphe Max en vie et toutes mes en magne premier magistrat de : « le Aussi longtemps que je serai Max mes con- constaté lui-même en se débarrassant 26 septembre pour l'interner en Alle- (1). devenue 1. de a tenu cette belle promesse, et Et puis, notre épiscopat a parlé, celle de la patrie et sa voix est elle-même, qui fait re- Voici deux affiches de M. (1) spéciale la capitale, forces le droit et la dignité de l'a de lui dès une mention liberté, avait-il dit, je protégerai citoyens. » M. l'ennemi ses magistrats Max : «J'apprends que dans certains quartiers de la des gens, prétendant agir au nom ville, de l'administration communale, ont été de porte en porte inviter les habi- tants à retirer le drapeau national de la façade de leur demeure. Je tiens à faire connaître que l'administration communale n'a donné à personne un mandat aussi peu compatible avec les sentimentâ patriotiques dont est animée. 2. « — Bruxelles, le elle 20 août 1914. » Le gouverneur allemand de la ville de Liège, lieu- LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 115 un Sursum corstupeur Tennemi a écouté le man- tentir à travers toute la Belgique da. Avec quelle dement de Noël de S.E. cardinal Mercier, arche- le vêque de Malines, pendant que tous les cœurs belges tressaillaient de fierté à ces accents qui ven- geaient l'honneur de la patrie calomniée et dénonçaient sans crainte les crimes de nos oppresseurs M. von Bissing n'a eu que au clergé croire la lecture la ! ressource d'interdire de ce mandement, en faisant mensongèrement qu'il avait pour cela le consentement du cardinal. Ce grossier stratagème tenant-général von Kolewe, a fait afficher hier l'avis suivant : Aux Jial/itants de la ville de Liège, Le bourgmestre de Bruxelles a fait savoir au commandant allemand que le gouvernement français a déau gouvernement "belge l'impossibilité de Vassister offensivement en aucune ma/nière, vu quHl se trouve lui- claré même forcé à la défensive. J'oppose à cette affirmation le démenti mel. — Bruxelles, Aussitôt ficher ceci le plus for- 30 août 1914. » gouvernement militaire allemand fit af- : Avis important, (sic) le le — strictement défendu, aussi Il est à la municipalité de la ville, de publier des affiches sans avoir reçu une permission spéciale. Bruxelles, le 31 août 1914. Le gouverneur militaire, Baron von Luttwitz, général-major. LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 116 a été déjoué aussitôt, le cardinal a insisté, et le «gouvernement allemand en Belgique» a eurhumiliation de se voir formellement désobéi par l'im- mense majorité du clergé du diocèse de Malines. Les courageux évêques de Liège parlé le et de Namur même langage ferme et fier à leurs et si celui ont ouailles, de Tournai ne les a pas imités, c'est qu'il a succombé, en partie, aux mauvais traitements que les soldats allemands n'ont pas craint d'infliger à ce saint vieillard. Fidèle aux exhortations réitérées des évêques, le clergé belge n'a cessé de soutenir le moral de vérité, il la nation ; du haut des chaires de a laissé tomber les paroles qui vengent l'innocence persécutée et flétrissent l'injustice victorieuse; le drapeau national, interdit dans les rues, a flotté librement dans nos églises, et les accents de la Brabançonne retentissaient à l'issue de nos grand'messes au milieu des larmes d'émotion et de joie. La nation belge tout entière a gardé cette atti- tude d'irréprochable correction et de courageuse dignité. Elle s'est interdit les violences et les festations tapageuses, mais elle mani- a accueilli avec mé- pris les avances de nos maîtres et elle a fait le vide autour d'eux. Ils voudraient laisser croire à l'étran- ger que la situation est redevenue normale en Bel- du public belge démenti à cette mensongère gique, et l'abstentionnisme obstiné donne un éclatant LE GUET-APENS TRUSSIEN EN BELGIQUE allégation. La 117 sponta- vérité, c'est que, tacitement, nément, sans accord préalable, la nation a organisé autour d'eux la grève sacrée. Les rares journaux qui paraissaient encore depuis leur entrée ont cessé de paraître pour ne pas supporter leur cen- sure; les universités, qu'ils auraient voulu rouvrir, sont restées fermées; académies, qu'ils ont les invitées à reprendre leurs séances, nies ne se sont réu- que pour décider de s'ajourner sine die; les ouvriers de Malines, de Luttre et d'ailleurs, qu'ils ont tenté d'embaucher en leur offrant de forts travailler tourné ont leur salaires pour de roi le dos, le de refusant Prusse. ont Ils essayé d'allécher le public bruxellois en orga- nisant des concerts où chefs-d'œuvre les de devaient être entendus la musique allemande exécutés par les meilleurs artistes d'outre-Rhin; mais entendre, et l'Université de Bruxelles a exclu de son sein un ils sont restés seuls à les professeur qui avait eu la mauvaise idée d'y assister. Ils 21 ont interdit toute manifestation pour qui est l'anniversaire juillet, de la procla- mation de notre indépendance nationale, 21 juillet, ils villages, manifestation dimanche, et le ont été témoins, à Bruxelles, à Anvers, à Gand, à Liège, dans toutes nos villes et dans nos le : les même et émouvante magasins fermés, comme le Te Deum; d'une grandiose les églises bondées pour le LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 118 toute la population endimanchée circulant dans les rues, portant à la boutonnière ou au corsage, à la place des couleurs nationales prohibées, la feuille de lierre qui est remblème de notre fidélité à notre Roi les et à notre patrie. Ainsi nous réalisions dans chaînes prononçait la belle parole que M. de Broqueville 4 août 1914, dans le Chambres « La Belgique peut ne sera jamais soumise. » : C'est ce que toutes les séance de nos la être vaincue; elle semaines, avec autant de courage que d'à-propos, rappelle au ment allemand en Belgique, » le seul « gouverne- journal belge qui paraisse sans se soumettre à sa censure. s'appelle la Libre Belgique et tout le pays, depuis le il Il circule à travers mois de février 191S, distri- bué de proche en proche par des mains de confiance. M. von Bissing a fait des efforts désespérés pour découvrir mettre la l'officine de ce journal main sur ses rédacteurs, mais ou pour les joyeux conspirateurs belges ont plus d'esprit que les détectives de la police allemande, et la Libre Belgique continue d'entretenir pour ses lecteurs l'espérance et la flamme du patriotisme. La Belgique a donc le droit d'être contente de tous ses enfants. Mais l'Europe, de son côté, doit être contente de la Belgique. nous-mêmes, En nous c'est sa liberté à elle défendant que nous avons sauvée. Les Allemands comptaient,par une marche - LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE foudroyante à travers rorisée, la 119 Belgique surprise et ter- gagner en trois fois vingt-quatre heures frontière française, culbuter la mobilisation la de ce pays, amener murs de le gros de leurs forces sous les Paris, qui aurait cédé au bout de quel- ques jours à leurs canons de 0,42; puis,maîtres de la capitale avec une armée intacte, au milieu d'une nation découragée, tie ils auraient renvoyé une par- considérable de ces forces vers Test, où, unis à FAutriche-Hongrie, mis fin à russe, la ils auraient refoulé l'invasion campagne en quelques mois, dicté des conditions de paix en territoire ennemi. Après et cela, l'Angleterre isolée était à leur merci, l'empire mondial de l'Allemagne était achevé. Tel était le plan résumé dans la formule apodic- tique de M. von Jagow : « L'atout de l'Allemagne, c'est la rapidité. » Ce plan, la résistance belge l'a faussé dès le pre- mier jour. En faisant perdre à l'envahisseur une semaine devant donné les forts de Liège, nous avons à la France et à l'Angleterre le s'organiser et de se concentrer pour laquelle pour une heure de gagnée pouvait la destinée du monde. Au frontière française le S août, espéré, une les temps de lutte dans être décisive lieu d'être à la comme ils l'avaient Allemands n'y sont arrivés que 26 août, à un moment où on était pjrêt voir le choc de leur attaque brusquée. le pour rece- Un instant. LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 120 ils ont pu croire qu'il n'était pas trop tard, même parviendraient quand saire, mais ce bords de la n'était culbuter l'adver- à qu'une illusion Marne sur ceux de depuis six mois dans et qu'ils rejetés des : l'Aisne et terrés ont vu se les tranchées, ils un retranchement formidable qui va de Dunkerque à Thann et qu'ils ne franchidresser devant eux ront pas. Nous sonmies sacrifices qu'il fiers de ce résultat nous a coûtés et il : ceux valait les qu'il peut nous coûter encore. Lorsque l'agression criminelle aura été repoussée définitivement, nous remettrons notre épée au fourreau, avec la joie de la savoir sans tache. la défense de Nous ne nos biens neur national, notre les l'avons tirée plus sacrés liberté, : que pour notre hon- nos foyers. Nos mains sont restées pures; nous n'avons pas versé le sang innocent; nous n'avons pas porté la mort et la dévastation chez les autres peuples; aucune larme n'aura coulé à cause de nous. jugement de la postérité, Et l'incorruptible qui choses en leur place, dira que remettra la toutes Belgique s'est acquis, à l'une des heures les plus calamiteuses de son histoire, de nouveaux manité. titres au respect de l'hu- CONCLUSION Après avoir raconté la lugubre histoire de ma patrie pendant des mois d'indicibles souffrances, je me recueille et je me demande comment il est possible qu'une des nations les plus civilisées du monde, et qui avait d'ailleurs vis-à-vis de nous des obligations sacrées, ait consenti à martyriser avec cette cruauté un peuple inoffensif et ami. Il y a là, après tous les progrès que semblait avoir réalisés le droit international, Haye, après après les conventions de La les déclarations pacifiques de tous les grands Etats, une espèce d'énigme devant laquelle l'esprit s'arrête avec stupeur. En réalité, l'énigme n'existe pas pour qui con- naît les choses d'outre-Rhin. Le génie allemand a été empoisonné par l'esprit prussien, et c'est dans l'esprit prussien que se trouve l'explication claire et lumineuse des phé- nomènes qui paraissent à première vue inexpli- cables. Les nations, comme les individus, subissent la LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 122 fatalité du péché Née d'une originel. apostasie, qui a profané l'idéal religieux et militaire des chevaliers teutoniques, la Prusse n'a jamais démenti ses origines frauduleuses larronnes. D'Albert et de Brandebourg à Frédéric II, de Frédéric II à Bismarck, de Bismarck à l'attentat du 2 août 1914, c'est toujours par la violation des droits les plus sacrés, par le parjure et par l'iniquité qu'elle est arrivée à ses fins. C'est ainsi qu'a été sécularisée Prusse propre, qu'a été conquise la la Silésie, qu'a été envahie, puis dépecée la Saxe, qu'a été partagée Pologne, qu'a été annexé la falsifiée la le Schleswig, qu'a été dépêche d'Ems, qu'a été envahie la Bel- La Prusse sourit des protestations de la justice et du droit outragé, elle rit des traités qu'on invoque, elle sait que le droit n'est qu'un mot et gique. les traités qu'un chiffon de papier, outre, avec un et elle passe tranquille mépris aux protestations de la conscience humaine. Elle ne croit qu'à force. La force ne prime pas c'est le droit. Telle est le droit; depuis Hegel la la la force, doctrine des maîtres, mais Hegel lui-même n'a fait que formuler en termes philosophiques les axiomes qui sont à la base de la politique prussienne depuis l'ori- gine de la Prusse. Il s'agit les petits donc avant tout de devenir un Etat Etats fort: sont ridicules. Mais tout Etat sera faible vis-à-vis d'un plus grand : il faut donc LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE rendre non seulement se alors, on aura la plus fort; le seul le droit d'exister. Tout ce qui tend à rendre moral; mais fort, 123 l'Etat fort est morale chrétienne bon et est individuelle, elle ne s'applique pas aux Etats. La moralité des lité. pour ceux-ci, actes, c'est l'uti- L'égoïsme, a dit encore Bismarck, est (( la seule politique digne d'un grand Etat. » Mais quel est, dans cette conception meilleur instrument de force Pour utilitaire, le C'est l'armée. ? être l'Etat le plus fort, il faut avoir la meilleure armée. Toute l'énergie, toute l'activité de l'Etat doit être mée la absorbée par cette tâche plus redoutable possible, et, : créer l'ar- à cette fin, lui livrer tous les enfants de la patrie et toutes les res- sources de son trésor. C'est pour cela que la Prusse établi a le principe du service universel, ra- vivé et devenu loi à partir de 1815. Toute l'Europe s'est vue contrainte successivement de dans cette voie; qu'aux dents, le. si aujourd'hui c'est le elle est la suivre armée jus- cadeau de joyeuse entrée que royaume de Prusse a fait à la famille des Etats européens en y venant prendre place. L'idéal de la Prusse a toujours été là première armée du monde. L'armée est : avoir la devenue l'unique objet de sa fierté nationale; l'officier prussien est devenu l'homme, ce qu'était le le type le plus complet de gentleman pour l'Anglais, LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 124 le caballero pour homme pour l'Espagnol, Vhonnête la vieille France. « Ce qu'il y a de meilleur en moi, disait Bismarck, c'est l'officier prussien. » L'officier prussien consiste dans son sabre, dont sur le cliquetis de son maître. vert le pavé des rues scande chaque pas On une épée en dit que les Huns, ayant décou- terre se mirent à l'adorer : est-ce d'eux ou des Prussiens que cette légende est vraie? L'armée Prusse est ainsi est le seul devenue l'Etat monde où pays du La incarné. dispose elle pour ainsi dire légalement des destinées de nation. Partout ailleurs, elle est au service blic, elle obéit, elle est la c'est elle dirige les événements. On s'est du pu- En Prusse, grande muette. qui commande, qui a la la préséance, qui souvent étonné des fautes de la diplomatie prussienne; à cela rien d'étonnant elle n'est : elle est au service des vues militaires, en Prusse qu'un accessoire de la stra- tégie. L'armée, naturellement, a un idéal : c'est la guerre. Dans tous les pays civilisés, ses aspirations sont tenues en bride par l'intérêt supérieur de la civilisation; la guerre n'est but. En qu'un moyen et non un Prusse, la guerre est son but à elle-rmême; elle est civilisatrice, et l'armée loin d'être tenue en bride donne l'impulsion à L'esprit la nation. prussien a empoisonné mand. Nation de penseurs et le génie de poètes, alle- l'Aile- LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE magne, assise au milieu de l'Europe blait appelée à être la 125 civilisée, sem- gardienne des principes de justice et de moralité politique, qui sont le patri- moine de la civilisation. vement de 1813, par lequel on eût pu Après l'admirable mouelle reconquit sa liberté, l'espérer. Pour son malheur, ce fut la Prusse qui présida à son unification. L'unité allemande passa des mains des poètes et des philosophes aux mains du chancelier de fer, qui ne connaissait que la force brutale. La force prime vous ferai la le droit. Il lui a dit : « Je première nation militaire du monde; vous aurez une armée invincible, avec laquelle vous pourrez faire ce que vous voudrez; que vous importent désormais la justice et l'honneur, des mots, et qu'avez-vous besoin de respecter les traités, des chiffons de papier ? » Et l'Allemagne enivrée laissé entraîner. Elle n'a plus elle qui l'éternelle avait dit tant cru qu'à la force, de belles choses sur majesté du droit. Elle a connu le rêve napoléonien de dominer le monde, qu'elle n'avait pas de Napoléon, et léons s'est finissent à Sainte-Hélène. que oubliant les Napo- Aujourd'hui, vaincue, mutilée, trouvera-t-elle dans sa droiture naturelle la claire vue des causes de son malheur C'est le secret de l'avenir. 10 ? APPENDICES V* I Comment TAllemagne le Gouvernement a calomnié belge. Naturellement, devant Tindignation du civilisé dont la monde voix lui arrive de toutes parts, l'Allemagne a éprouvé le besoin de se disculper. On peut bien, quand on s'appelle von Stein, se du crime et déclarer que toutes les atrocités sont pour nous punir de n'avoir pas obéi aux injonctions allemandes. Mais quand on est, comme le gouvernement allemand, en face du tribunal de la conscience humaine et responsable devant le genre humain, on éprouve le besoin de tenir un autre langage. Seulement, en habile tacticien, on ne se mettra pas apparemment dans l'attitude de l'accusé qui se disculpe; on prendra hardiment l'offensive, on accusera la victime des crimes dont on est l'auteur et on protestera contre glorifier ces atrocités, représailles ». q i ont entraîné « de nécessaires LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 130 Au programme comprend magne à le traditionnel de la guerre, qui massacre, le viol et l'incendie, l'Alle- un cinquième a cru devoir ajouter de l'usage Belgique la article récalcitrante : la calomnie. Au cielle début, on se contente de la suivante, qui n'introduit note demi-offi- que sous forme dubitative le grief fait au gouvernement belge. « Des nouvelles qui nous parviennent au sujet des opérations militaires aux environs de Liège, il résulte lutte et que la population civile participe à la que des particuliers en embuscade ont tiré sur des soldats allemands et sur des médecins. Des rapports parvenus de la frontière française disent également que la population, aux environs de Metz, a tiré sur des patrouilles allemandes. est possible que ces faits soient dus à la popu- lation très mêlée de ces districts industriels, il est possible aussi que la France aient décidé contre nos troupes et la Il mais Belgique une guerre de francs-tireurs. Si le fait s'avère par de nouvelles hostilités analogues, nos adversaires porteront la responsabilité de nous avoir entraînés à une» ré- pression impitoyable contre les populations coupables. Les soldats allemands ne sont habitués à lutter que contre les forces armées d'une puis- sance ennemie et ne peuvent être blâmés si, en LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE état de légitime défense, tier (1). » ils Mais bientôt on s'enhardit sans quar- luttent dès le 18 août, et, journaux hollandais publient d'après les allemande une nouvelle note où 131 le la presse gouvernement belge semble être rendu responsable de la participation des civils, bien que l'on n'ose pas encore l'accuser formellement de l'avoir organisée. « le Contrairement à la gouvernement belge mité avec les faisait savoir usages de la guerre, trait qu'avec des breux note du 8 août, par laquelle qu'en conforil ne combat- troupes en uniforme, de ont pris part au combat de Liège civils sans porter d'uniforme : non seulement raient sur les troupes allemandes, mais vaient cruellement les blessés; les ils ils ils tuaient aussi En temps, la population anversoise dévastait les propriétés bare ti- ache- médecins qui exerçaient leur mission. même et des allemandes de femmes mort d'une manière « nom- et la façon plus bar- des enfants furent mis à bestiale. L'Allemagne s'adresse au monde entier et la civilisé tout demande compte du sang de ces inno- cents et de cette manière belge de faire la guerre, qui se * (1) rit de toute civilisation. Si Le XX' Siècle, 12 août 1915. la guerre prend LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 132 dès maintenant un caractère cruel, c'est la Bel- gique qui en est responsable (1). Faut-il le dire en passant ? » Ces histoires de blessés cruellement massacrés, de médecins tués dans l'exercice de leur charitable mission, elles traînent toutes dans les journaux de tous les belligérants. Les Français, les redisent à la Anglais et les Belges les honte de l'Allemagne, et la de mensongères, en d'outre-Rhin, qui les traite colporte d'autres qui sont accueillies avec le qualificatif dans le presse camp des alliés. même Les lecteurs d'esprit rassis savent ce qu'il faut en croire; ils que des sont convaincus possibles celles dans tous les atrocités qu'on les sont camps; sans contester qu'on allègue de part mettent pas isolées et d'autre, ils n'ad- généralise, et attendent pour prononcer leur jugement que des témoins impartiaux et bien informés viennent leur four- nir les éléments de leur conviction. Aucun gou- vernement, jusqu'ici, n'a pris sous sa responsabilité les relatives ne affirmations aux s'est avisé atrocités de sa presse nationale de l'ennemi; aucun de rendre un autre gouvernement responsable des excès individuels attribués à ses Le XX* du 19 août, reproduisant le Vaderland hollandais du 15, qui donne le texte d'après le (1) Siècle yorddeutsohe Allgemeine Zeîtung. LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE nationaux. Seul, exception; seul, le il gouvernement allemand admet sans contrôle tars de la presse de son pays; seul, pour accuser 133 la Belgique. Est-il il fait les racon- en fait état donc plus cré- dule ou doué de moins d'esprit critique que tout autre ? Non sans doute, mais son cas est trop mauvais pour qu'il puisse se passer du dérivatif suspect qu'il croit trouver dans les légendes des journaux. Le monde civilisé, qui n'a pas les mêmes raisons que le gouvernement allemand d'accepter pour lettre d'Evangile les historiettes de la presse teutonne, ne semble pas avoir pris au sérieux la protestation berlinoise. bas, et on couronne qui même s'en a éprouvé le besoin arguments de plus gros la On est aperçu là- d'employer des calibre. Cette fois, c'est se découvre, et se fait l'accusateur de Guillaume la II lui- victime qui gît pantelante à ses pieds. Voici les oracles qui sortent de sa bouche auguste, parlant au nom des soixante-cinq millions d'Allemands au président de la république américaine. Après avoir raconté des balles la sempiternelle légende dum-dum employées par (elle est à l'usage devait trouver de tous des l'adversaire les belligérants et elle oreilles impériales un peu moins ouvertes), l'empereur continue « Non seulement nos ennemis emploient contre : LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 134 nous ces armes mais cruelles, le gouvernement belge a en outre excité ouvertement la population civile à prendre part à la guerre, et préparé avec soin depuis longtemps cette participation. « Les atrocités conmiises par des femmes des ecclésiastiques dans cette guerre de gué- et rillas et même sur des blessés, sur le personnel sanitaire sur des infirmières (des médecins furent tués, des hôpitaux bombardés) étaient de telle nature que mes généraux ont prendre les été obligés à la fin de plus sévères mesures pour punir les coupables, afin de détourner par la terreur une population sanguinaire de la continuation de ces actes scandaleux. Quelques villages « et même la vieille ville Louvain, à l'exception du bel hôtel de dû être dévastés ville, de ont par nos troupes, dans un intérêt de défense personnelle. « Mon cœur pareilles que de saigne lorsque je vois mesures sont inévitables lorsque je et songe aux innombrables innocents qui ont tout perdu, à la suite malfaiteurs Avant plus (1). » d'aller plus loin, constatons que l'empereur d'Allemagne par ses agents. (1) de l'intervention barbare de ces On une est fois de contredit a entendu tout à l'heure M. von Le Bien PuUic du 14 septembre. LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE que déclarer Stein mesures les 135 d'impitoyable rigueur prises contre la Belgique étaient dues à son refus d'accueillir la nouvelle proposition allemande : La Belgique ayant repoussé nos « ouvertures, elle aura à en porter elle-même les conséquences que « ces Et l'empereur, » (1). mesures ont été lui, déclare rendues nécessaires par défense personnelle et pour détourner par la la terreur ces malfaiteurs belges de continuer leurs sinistres exploits ». On le voit : du IS août au 7 septembre, les légendes sont allées en se développant et celles qu'on accueille dans les documents officiels alle- mands prennent plus d'ampleur. L'empereur ne dit pas expressément, les Jeunes courent blessés mais il comme ces journaux, filles et les ecclésiastiques que belges par- champs de bataille pour mutiler les ennemis et pour leur crever les yeux, les le laisse entendre. On verra plus loin ce qui en est de ces accusations; ici nous avons à relever celle qui est formulée contre le gouver- nement belge, selon l'empereur, a préparé qui, avec soin, et depuis longtemps, la participation des cidls à la guerre. sation a été si haut, l'accu- immédiatement relevée par toute presse allemande; (1) Tombant de Voir ci-dessus, il n'est pas p. 32. un journal la d'outre- LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 136 Rhin, et pas un polémiste teuton qui ne duise en l'ornant — besques de sa façon. nement belge même cela va sans dire Ils a envoyé tration de leur « crime la date aux d'ara- civils les fusils, voire », et qu'il par dépêche télégraphique; a fait partir des gardes civiques les — savent que le gouver- mitrailleuses ijjécessaires les la repro- à la perpé- leur en a fixé ils savent qu'il pour les villages plus reculés de l'Ardenne, afin d'apprendre aux paysans le maniement des armes et d'orga- niser leur résistance aux Allemands. C'est le lieu- tenant Mannheim, du sixième régiment des uhlans, qui a reçu cette confidence d'un habitant de Chiny. « Il me un Français. que le gogo. prenait, dit-il, Pardon, » pour un Anglais ou lieutenant, je crois malin Ardennais vous prenait pour un Il y en a qui ont vu de leurs yeux la pièce officielle appelant les civils aux armes et leur promettant une certaine prime pour chaque Alle- mand tué. Le lieutenant Boehm, du 165® régiment d'infanterie, Mannheim. Il veut damer le pion au lieutenant , a tenu en main, à Retinne (1), « le nn lieutenant du 165* régiment d'infanterie de réserve, nommé Bœhm, qui a vu la pièce à Retinne; c'était une copie faite à la machine et munie d'un sceau, (1) elle (Test avait été trouvée à l'hôtel de ville d'une localité voisine. Et VAuswârtiges Amt reproduit gravement découverte, p. 72. cette LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE document écrit à la machine 137 d'un sceau, et revêtu trouvé à rhôtel de ville d'une localité voisine »; comme quatre de ses camarades ont vu lui ce document horrifiant; d'autres sont plus heureux encore, puisqu'ils naître le sont montant de la en de faire con- état prime : c'est La preuve, francs par soldat allemand tué (1). c'est une carte postale envoyée par cinquante un soldat à sa famille à Pôssneck, et disant « qu'il a appris que le gouvernement belge promet à la population civile cinquante francs pour chaque soldat mand qu'elle tuera ». Cette l'ouvrage, est confirmée d'un lieutenant de la alle- communication, ajoute et complétée par celle réserve à ses proches, Leutenberg. Celui-ci écrit que, sur un à franc-tireur on a trouvé un billet par lequel le gouvernement français le confirme comme franc-tireur et lui alloue un salaire mensuel de cinquante francs. tué, Et> chose incroyable, dans le mémoire où il pré- tend prouver les crimes qu'il reproche aux Belges, le ministère des affaires étrangères à Berlin reproduit gravement de pareilles découvertes. Je croirais faire injure au lecteur en défendant (1) Die Beîgischen Qreueltaten, 8taatliche Schurkereien in Belgien p. 38, sous le titre und Frankreich; le recueil affirme ne contenir que « des rapports officiels et dignes de foi » (amtliche und glaubwûrdige Berichte). LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 138 gouvernement de le mon pays contre ces puériles imputations, mais le respect dû à la personnalité d'un souverain comme Guillaume II ne me per- met pas de passer outre purement et simplement aux accusations qu'il formule. Sorties de toute autre bouche, elles ne mériteraient pas l'honneur d'une discussion sérieuse; formulées par la sienne, elles ont tout au moins En montrer l'inanité, pondre à toute mands qui les S'il est vrai, le la le droit d'être relevées. c'est du même, coup multitude des journaux alle- ont reproduites. comme gouvernement belge l'affirme l'empereur, que ait ouvertement excité population civile à prendre part à la lutte, la et longtemps préparé cette partici- qu'il ait depuis ne doit pation, rien ré- être plus facile à prouver. Les documents excitateurs auront paru dans journal officiel; ils toute la presse belge; le auront été reproduits par ils se trouveront dans les archives de tous les gouvernements provinciaux et dans tous les secrétariats communaux; ils au- ront été lus et souvent conservés par des milliers de lecteurs et le gouvernement allemand de la Belgique aura pu s'en procurer des exemplaires à foison. Pourquoi donc n'en les a-t-il ne fait-il pas état, ne pas communiqués à la presse allemande, les a-t-il pas fait parvenir, par l'intermédiaire de ses agents diplomatiques, aux gouvernements LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE de tous les pays civilisés autrement probantes que 139 Ce seraient des pièces ? les fameuses conversa- anglo-belges; elles mettraient fin à toute tions bouche aux apo- controverse, et fermeraient la logistes de la Belgique. Tant que TAUemagne ne publiera pas ces documents, elle nous laissera le droit de dire que son empereur a calomnié le gouvernement belge. semble bien que ce Il l'arrière-pensée soit là de réminent destinataire de la missive impériale. La réponse du président Wilson au passionné de l'empereur contre un petit chef-d'œuvre de fine On peut se figurer sourire tait le la réquisitoire Belgique est et discrète ironie. moqueur qui flot- sur ses lèvres, pendant qu'avec toutes les for- mules de la politesse protocolaire, il rappelait à son impérial correspondant qu'on ne pouvait pas s'en rapporter à ses seules déclarations, et qu'il aurait été comme prématuré pour une nation neutre l'Amérique de se prononcer muler un jugement définitif avec cette liberté, ajoute-t-il, que parce que je suis je sais lui parle sûr : et Je m'exprime « non sans que Votre Majesté d'ami à ami, qu'en réservant mon de for- et malice, attend parce que je jugement jus- qu'après la fin de la guerre, quand on pourra se procurer une vue d'ensemble des faits et de leur LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 140 véritable enchaînement, je vous présente Texpres- sion réelle d*une sincère neutralité » (1). P;.ndant qu'ainsi le chef de la plus grande monde nation neutre du refusait de s'en rap- porter aux seules déclarations de l'empereur Guil- laume plaidant pour allemands cistes développaient thème qui leur maître. avec ardeur le fourni par leur impérial était toutefois bien remarquable qu'au- Il est cun d'eux sa propre cause, les publi- osé aller aussi loin que lui n'ait : ma connaissance, n'a accusé le gouver- nement belge d'avoir excité ouvertement la popu- aucun, à lation civile à participer à la guerre; s'avisa aucun ne de dire qu'il avait préparé cette partici- pation avec soin et depuis longtemps. Le fait tomber qu'ils ont laissé cette partie des assertions impériales atteste qu'ils la tiennent pour indéfendable, mais pour en sauver avis, n'en déploient que plus de zèle ils le reste. Le plus fort, à mon parmi tous ces avocats officieux du calom- niateur impérial, c'est M. Grasshoff, auteur d'un ouvrage intitulé : La culpabilité de la Belgique, dont j'aurai l'occasion de m' occuper plus d'une fois au cours de ces pages. M. Grasshoff peu plus au courant des choses belges que (1) du 8 Je traduis octobre. le texte d'après le est un la plu- Kdlnîsche Zeitung LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE part de ses compatriotes, et ne manque pas d'une certaine vigueur de dialectique; il en appelant à active que le donc pas n'est inutile d'entendre ici son plaidoyer lui, 141 C'est, selon : garde civique non l'activité la gouvernement belge aurait en réalité organisé la participation des civils à la guerre. Pour comprendre ce raisonnement, qu'en Belgique, il existe, faut savoir il à côté de l'armée, une milice citoyenne qui se recrute dans la population mâle de vingt à quarante ans, partage en deux catégories active, dans les villes : la et qui se garde civique de deux à dix mille habi- non active, dans les autres localités, villes et campagnes. La première est organisée; elle est commandée par des chefs; elle fait des exercices réguliers; elle a un unitants et plus, et la garde civique forme des armes. L'autre, celle des campagnes, et que sur n'existe à l'activité à la l'intérêt le papier, mais peut être appelée demande des communes ou dans de l'ordre public. Or, dit M. Grasshoff, en l'appelant à l'activité « dans l'intérêt de la défense public le », comme et de l'ordre s'exprime l'arrêté royal du S août, gouvernement belge n'a pas déchaîner contre l'armée cohue de du pays civils « fait autre chose que allemande toute une n'ayant jamais fait partie d'une milice régulière quelconque reçu la moindre formation et n'ayant militaire. jamais Chaque 11 LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 142 misérable paysan s'est cru un défenseur de la patrie et autorisé à tirer sur l'ennemi (1)». y a là Il un sophisme reposant sur une sière erreur de fait. Il n'est pas exact, le persuade M. Grasshoff, que non comme 20 à 40 ans (2). Si M. Grasshoff il se garde civique la active comprît toute la population renseigné, gros- mâle de s'était mieux aurait su d'abord que la loi de 1897 sur la garde civique dispense du service « ceux qui n'ont pas forme les moyens de (3) ». Il aurait appris ensuite que, d'après les Instructions générales rieur, non se pourvoir de l'uni- datées du 2 avril du ministre de 1901, la garde civique ne devait pas con- active appelée à l'activité tenir plus de deux pour cent de comme dans tout les l'Inté- coramunes où la population, Les Instructions ajoutent que si elle est active. le nombre des personnes aptes au service est supérieur à deux pour cent, « le collège échevinal l'effectif (1) zur pourra ramener à ce chiffre en ne désignant pour le Jedes Bâuerlein fûhlte sich von seinem KSnige Verteidigung des Vaterlandes berufen (Belgiens Schuld, p. 48). (2) In Warheit bedeutet also die Bewaffnung der Bûrgerwehr denjenigen Best and an Waffen im Volke, der notig war, aile Mânner vom unter den Waffen zu halten (3) Article 39. 20. bis (p. 47). zum 40. Jahre LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE que service 143 personnes qui, à raison de leur les position sociale, sont intéressées au maintien de Tordre (1) ». Si Ton de la population en état généralement est du total, que réfléchit de porter les armes évaluée on constatera que moyenne la pour dix à cent loin de se confondre avec cette population, la garde civique n'en re- maximum que présente au la cinquième partie. L'affirmation de M. Grasshoff est donc à la vérité comme un Cette est à cinq. un garde civique rurale dont ministériel du 6 août arrêté fixait l'uniforme : bras- sard, cocarde, blouse bleue, avait-elle le droit de participer à la guerre même être posée, tant évidente. est civique, les ou non Active de par de l'armée; La question ne devrait pas la réponse qu'elle comporte ? la elle a législature belge, même le cérémonies publiques; contribuer à défendre le pas sur elle se (1) Article (2) (( celle-ci dans a la mission de du 5 août conformait à à la lettre de notre législation. garde fait partie pays (2), et en attribuant par l'arrêté royal gouvernement belge la active, A le lui 1914, le l'esprit la vérité, et avant 4. La garde civique est chargée de veiHer au main- tien de Tordre et des lois, à la conservation de l'indépen- dance nationale et de l'intégrité du territoire. » (Loi de 1897, art. 1, du 9 septembre.) LE GUET-APÉNS PRUSSIEN EN BELGIQUE 144 aux combats, qu'elle eût l'occasion de participer le gouvernement se rendit compte qu'elle était insuffisamment préparée à un rôle militaire. Dès le 15 août, pas dans il informe les intentions d'utiliser actuellement gardes civiques l'activité, et eux de les non qu'il n'est des autorités militaires en service de guerre actifs appelés qu'en conséquence, renfermer se communes dans il les récemment à y a lieu pour leur mission de police et de défense de l'ordre public. Puis, le 18 août, aucune il faisait inviter tous les habitants, sans distinction, à faire remise à la communale de toutes armes à feu ainsi maison que de toutes munitions qu'ils auraient en leur possession. Tel fut tout le rôle de la garde civique. Elle n'avait pas participé à la lutte et elle n'avait pas tiré un seul coup de feu lorsqu'elle fut désarmée, du gouvernement et communales. La présenter dès la mi-août, sur l'ordre par les comme autorités ayant été l'instrument par lequel gou- le vernement belge aurait organisé indirectement participation des civils à la guerre est donc contre-vérité évidente. La thèse des Le gouvernement bonne heure; aussi une défenseurs de l'empereur Guillaume est fausse dans semble conrnie dans la l'en- le détail. allemand s'est-il l'a compris gardé de la de faire LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE sienne, ou du moins à en faire il voir, que Ta atténuée de manière disparaître les plus énormes. C'est la les affaires l'empereur le 145 invraisemî)îances les seconde fois, on va le de Belgique ont réservé à désagrément de se voir désavoué, propres agents de du moins en partie, sa politique l'Allemagne depuis longtemps con- : par les naît l'inconvénient d'avoir à sa tête qui parle trop vite et un souverain sans entente préalable avec son gouvernement. Donc voici ce que le ministre de la Guerre, dans son rapport du 22 janvier 191S au chancelier, croit devoir retenir des affirmations impé- riales. Je le laisse parler, me réservant de reve- nir sans tarder sur les parties de sa note qui ne visent pas directement le point en discussion « Toutes jusqu'ici ' ^ les du : affirmations qui se sont produites côté belge, au sujet de prétendus actes de violence des troupes allemandes, appa- raissent clairement elles conrnie des inventions, car sont muettes sur le fait tout simple, établi par des centaines de témoins entendus sous serment, et qui d'ailleurs n'est mis en doute par commencement de la population civile, du consentement de aucun Belge guerre, la (!), qu'au l'autorité, se laissa aller, et cela dans une mesure très étendue, à des attaques sournoises. Le sep- tième rapport de la commission belge d'enquête LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 146 doit même reconnaître que le gouvernement fit afficher partout des proclamations sur la guerre populaire, dans lesquelles la partie peu instruite du peuple devait voir un appel à la guerre popu- laire générale. (( être Induite par là en erreur, la population croyait en droit d'attaquer brusquement dans villages, surtout la nuit, du haut des arbres du fond des maisons, et d'autres cachettes, ayec des armes qui restaient dissimulées sous ments et dans les les vête- maisons, les troupes confiantes quelques instants qui, les auparavant, reçues amicalement par la même avaient été population (1). » Ainsi, d'après le ministère de la guerre, le gour vernement belge n'a plus organisé ouvertement et depuis longtemps la participation des la lutte; il a même un langage clamations en partie peu éclairée de prendre qu'on excité, fait afficher il est la civils à partout des pro- tellement vague que la population a cru com- l'excitait à la guerre. S'il n'y a pas donc coupable tout au moins d'y avoir consenti. Laissant aux logiciens des bords de la Sprée le soin de montrer que la conclusion de ce syl- logisme est d'accord avec ses prémisses, je (1) Publié dans 23 avril X91Ç. le me Nieuwe Rotterdamsche Gourant le LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE borne à prendre acte de nouvelle version ber- la qui croit n'être qu'une atténuation de la linoise, première et qui, en réalité, éclatante. Il n'y a rien de ouvertement temps 147 qu'il et en est la contradiction commun entre organiser consentir tacitement. Aussi long- y aura un langage humain, ces deux choses seront parfaitement différentes tre de la guerre de et le Sa Majesté Guillaume minisII don- nera un démenti implicite à son auguste souverain. Cela ne veut pas dire plus près de la vérité il : qu'il soit lui-même s'en écarte par un autre chemin, et c'est tout. La version du ministère de la guerne a rallié en Allemagne l'adhésion de quelques publicistes, qui l'ont accueillie un sort ments en (1). la et se sont efforcés de lui faire munissant de Selon ces Messieurs, vernement belge consiste à nouveaux le tort s'être tu argu- du gou- d'abord, à n'avoir parlé que le 8 août, à l'avoir fait en ter- dû fatalement induire en erreur des civils, en bonne partie analphabètes, mes trop sibyllins, qui ont comme nier le sont les Belges. trait, je ferai Laissant de côté ce der- trop facile à rétorquer aux Allemands, remarquer que c'est ajouter une nouvelle Voir notamment Gkasshoff, Belgiens ScTiuld, Der Franhtireur-Krieg in Bélgien. pp. 64 et suivantes (1) : LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 148 du rap- contre-vérité aux inexactitudes flagrantes port ministériel que d'accuser le gouvernement belge de n'avoir parlé que le 8 août. Est-il nécessaire de rappeler que le septième rapport de la commission d'enquête ne dit nulle- ment et ce me triotes que le ministre prussien lui fait dire, demandera-t-on de justifier mes compa- du plaisant reproche qu'on leur fait de n'avoir pas compris les circulaires de leur gouver- nement. « Il suffit, écrit Monseigneur Heylen, évêque de Namur, de relire clamations si le texte de ces pro- claires et si honnêtes, qui furent reproduites et affichées par la plupart des administrations communales. Il est par trop naïf et c'est avoir une singulière opinion du peuple belge, de croire qu'il aurait lu dans ces instructions juste le contraire de ce au' elles disent Les lecteurs allemands doivent même l'appui de MM. du ministère le que Mgr réflexion ministre essaie-t-il Grasshoff s'être fait la car, malgré et consorts, la version Heylen, paraît avoir fait Iqng feu. Aussi des affaires étrangères à Berlin de sauver la situation en présentant une troisième version encore plus atténuée, mal- gré le ton d'assurance avec lequel, (1) (1). w"^!^'''^'^^ Lettre du 10 avril 1915. comme son LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE collègue de la guerre, du fond sous vide « Il il 149 essaie de dissimuler le le cliquetis des paroles : n'y a pas le moindre doute que le Gou- vernement belge responsable soit de l'attitude contraire au droit des gens que la population a gardée allemande. l'armée de vis-à-vis Car, abstraction faite de ce que, de toute manière, gouvernement doit répondre de faits pareils, un qui sont l'expression de la volonté collective de sa on nation, le doit tout au moins retenir contre grave reproche de n'avoir pas empêché cette guerre de francs-tireurs, alors qu'il Il lui lui aurait été facile, certainement, à ses organes garde civique, les de donner bourgmestres, les soldats, la les : le pouvait. instructions nécessaires pour un mouvement populaire excité par des moyens artificiels. Le Gouvernement belge a donc enrayer la pleine responsabilité que porte la de l'énorme tache de sang Belgique (1). » Arrêtons-nous ici un instant avant d'aller plus loin. La Prusse formule contre sations consécutives Au mois (]) sa victime trois accu- : de septembre 1914, Tempereur Guil- Answartîges Amt. Die vôlîcerrecMswîdrige Fûh- rung des heïgischen YoUcsTcriegs, daté de Berlin, 10 mai 1915. p. 5. Le mémoire est LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 150 laume II écrit vernement au président Wilson que belge gou- ouvertement organisé a le et préparé depuis longtemps la guerre de francs- Au mois tireurs. de janvier 1915, le ministre prussien de la guerre ne l'accuse plus que de l'avoir favorisée sous main; enfin au mois de mai, ministère des affaires étrangères trouve cette le accusation encore trop forte et estime seulement que gouvernement n'a pas empêché le l|i dite guerre. Pourquoi ces contradictions ? Pourquoi, après avoir lancé des accusations aussi retentissantes jusque par delà l'océan, les accusateurs de la Bel; gique évacuent-ils à deux reprises des positions en apparence formidables pour se retrancher modestement, à la fin, derrière la formule du ministère des affaires étrangères C'est ne que une force à la vérité a résiste, et que, ? laquelle rien devant son retour offensif, maîtres de la plus puissante armée du les monde sont obligés de battre en retraite. Et la vérité la voici Loin que le gouvernement belge qu'il n'ait parlé hoff) 1" il : que le se soit tu, ou 8 août (variante Grass- a pris au contraire la parole dès le août, c'est-à-dire à la veille de Vultimatum, pour rappeler aux Belges leur devoir de neutralité vis-à-vis de tous les belligérants. Voici corn- LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 151 ment s'exprimait M. Berryer, ministre de Flntérieurj dans une circulaire aux gouverneurs des provinces Au « : milieu des événements qui se préparent, la Belgfîque est décidée à défendre sa neutralité. Celle-ci doit être respectée, mais la nation a pour devoir de prendre à cet effet toutes les mesures que peut comporter que la la situation. Il importe donc population unisse ses efforts à ceux du gouvernement en évitant toute manifestation qui serait de nature à attirer au pays des difficultés avec l'un ou l'autre de ses voisins. convient que MM. A cet effet, prennent Bourgmestres les il immédiatement des arrêtés interdisant tout ras- semblement qui pourrait avoir pour objet de manifester des sympathies ou des antipathies à l'égard de l'un ou de l'autre pays. également que, par application de la loi communale, le collège des échevins interdise tout Il importe l'article 97 de bourgmestre spectacle et cinématogra- phique qui aurait pour objet de représenter des scènes militaires de nature à exciter les passions à provoquer des émotions populaires dange- et reuses pour l'ordre public. Vous voudrez bien, Monsieur les le Gouverneur, prendre immédiatement mesures pour que ces instructions soient appliquées sans retard. » Et le lendemain, quelques heures avant la LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 152 remise de ruitimatum, M. Carton de ministre de la justice, faisait saisir Wîart, un journal bruxellois, le Petit Bleu, qui venait de contre- venir aux instructions ministérielles en prenant parti trop chaleureusement contre l'Allemagne. Nul, même en Allemagne, ne contestera que cette du gouvernement belge de vue du droit international, de attitude fût, au point la plus impec- cable correction. Après la violation de notre territoire, lorsque, par suite du guet-apens prussien, vit la Belgique se entraînée malgré elle dans les rangs des belli- gérants, d'autres devoirs s'imposèrent à notre gou- vernement, et il n'hésita pas à les remplir avec la plus scrupuleuse probité. Dès le 4 août (1), une nouvelle circulaire de M. Berryer aux 2,700 com- munes du pays, instruisait la population civile sur la conduite qu'elle avait à tenir vis-à-vis de ^Hg^^^^^is^ii l'armée envahissante. Il importe de reproduire textuellement la partie substantielle de cette pièce. « D'après les lois de la guerre, dit le Ministre, les actes d'hostilité, c'est-à-dire la résistance et l'attaque par les armes, l'emploi des les soldats ennemis isolés, armes contre l'intervention directe Et non le 8 août, comme dît mensongèrement brochure Der FranJctireur-Krîeg in Belgîen, p. 18. (1) la LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE dans 153 combats ou rencontres ne sont jamais per- les mis à ceux qui ne font partie ni de l'armée, ni de garde civique, ni des corps volontaires obser- la vant les lois militaires, obéissant à tant « un faire des actes d'hos- sont qualifiés belligérants ou mettent bas pris et por- signe distinctif apparent. Ceux qui sont autorisés à tilité un chef les armes, lorsqu'ils sont : ont droit au ils traitement des prisonniers de guerre. « Si la population d'un territoire qui n'a pas encore été occupé par l'ennemi prend spontané- ment les armes à l'approche de l'envahisseur sans avoir eu le temps de s'organiser militairement, elle comme sera considérée armes ouvertement les lois de la guerre belligérante et si elle se si elle porte conforme aux (1). Ce paragraphe^ reproduit d^une manière à peu près textuelle l'article .2 du Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre annexé k la Convention de La Haye du 18 octobre 1897. Le croirait-on? (1) M. Grasshoff en tire la preuve que le gouvernement belge a sournoisement excité la population civile à la guerre et il a l'audace d'écrire : « Ces circulaires font penser à une conférence qu'un avocat de contrebande ferait sur le droit pénal dans 11 un cercle de criminels. » faut à M. Grasshoff une maladresse toute prussienne pour mettre sous linois, où il les yeux du lecteur cet instantané ber- figure en si fâcheuse posture. LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 154 aucune « L'individu isolé qui n'appartiendrait à de ces catégories ne tilité qui commettrait un acte d'hos- et comme serait pas considéré plus rigoureusement S'il était pris, il serait traité qu'un prisonnier de guerre belligérant. pourrait être mis à et mort. «A plus forte raison les habitants du pays ils seront- tenus de s'abstenir des actes qui sont défendus même aux soldats; ces actes sont notamment : em- ployer du poison ou des armes empoisonnées, tuer ou blesser par trahison des individus appartenant à l'armée ou à la nation de l'envahisseur, tuer ou blesser un ennemi ou n'ayant plus mis bas qui, ayant moyen de le rendu à discrétion. armes, les se défendre, s'est » Ainsi, c'est dès le lendemain de l'invasion, au milieu des angoisses que causait l'avenir de la pa- trie traîtreusement assaillie et des troubles inévi- tables d'une mobilisation imprévue, nement belge pense à marquer civils et à enlever que le gouver- les obligations des aux envahisseurs tout prétexte à réclamation. Ce n'est pas tout. culaire Le 11 du ministre de août, une troisième l'intérieur cir- précisait les 4. La popu- lation civile, y était-il dit en substance, ne devait instructions contenues dans celle pas combattre l'ennemi; ser, ni elle du ne devait pas proférer des menaces; elle devait l'offen- dans les LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE où localités et fermer ces passerait, se tenir il dans les 155 maisons les fenêtres; elle devait enfin, si maisons était occupée par une de les soldats belges, la pour qu'on ne pût pas l'accuser quitter aussitôt, Le ministre ajoutait « Toute agression commise par un civil serait un crime punisd'avoir tiré. : sable par la loi, graves plus puisqu'il entraînerait les excès les contre populations les inoffensi- ves (1). » A ce langage du ministre faisait écho, en termes d'une énergie expressive, une proclamation du général Clooten, gouverneur militaire en date du 10 août. Elle rappelait à civile qu'à l'autorité seule du Brabant, la population appartient le droit Toute personne qui tenterait de se substi- d'agir. tuer à elle serait arrêtée et jugée, et le jugement serait appliqué sans délai (2). Les instructions du ministre ont été affichées communes du pays. Celle du 4 août, Allemands ont pu la lire sur les murs à Liège dans toutes les les en entrant dans cette tres en les ville. Beaucoup de bourgmes- portant à la connaissance de leurs ad- ministrés, y ont joint la recommandation la plus urgente de l'affiche que M. Max, bourgmestre de Bruxelles, (1) (2) Le XZ« Le XX^ s'y conformer. Siècle Siècle du 11 août. du 11 août. Il suffira de citer LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 156 faisait apposer aux murs de Elle est ainsi conçue « Les lois cette ville le ; de la guerre interdisent à la popula- tion civile de prendre part aux hostilités les dérogations à cette règle représailles, exprimé 12 août. et, toutes pouvant entraîner des beaucoup de mes concitoyens m'ont le désir de se débarrasser des armes à feu qu'ils possèdent. « Ces armes peuvent être déposées missariats de police, où « Elles seront dans les com- en sera donné récépissé. il mises en sûreté à l'arsenal central d'Anvers et seront restituées à leurs propriétaires après la fin des hostilités. » Voilà les faits. Ils établissent gouvernement belge à l'évidence que le et les autorités qui dépendent de lui ont rempli consciencieusement leurs devoirs, en ce qui concerne la guerre. la stricte Les accuser de observation des lois de s'être tus alors qu'ils parlé haut dès le premier jour, fois, les On se c'est, ont encore une calomnier. demande, en présence de ces faits, sur quelle espèce de lecteurs compte M. Gra&shoff, quand il écrit que c'est en vain que le gouvernement belge se réfère à ses proclamations, et que celles-ci sont une preuve de plus de sa culpabilité (1). » Serait-il vrai qu'on peut désormais • (1) Grasshoff, p. 73. LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 157 tout se permettre vis-à-vis d'eux et qu'on leur per- suade que c'est une supériorité que de s'émanciper du sens commun? des lois Il faudrait le croire en constatant que M. Grasshoff n'est pas seul à faire une nouvelle ces raisonnements insensés. Veut-on preuve de Eh la culpabilité bien, écoutez! térielles, Au du gouvernement belge? reçu des in^^tructions minis- beaucoup de Belges empressés de se sont porter aux hôtels de ville de leurs communes res- pectives leurs armes à feu et autres; les autorités communales les ont prises en dépôt et en ont dressé des listes spécifiant la nature de chaque posée indiquant et le nom arme dé- de leurs propriétaires. Ceux-ci, parfois, avaient pris la précaution d'atta- cher eux-mêmes à leur arme leur carte de visite ou un autre qu'elle de nom, pour écriteau portant leur ne fût confondue avec la restitution. celle Des précautions éviter d'un autre lors si naturelles, si inoffensives et rassurantes pour l'ennemi auraient dû, ce semble, lui ouvrir les yeux sur les dispositions pacifiques des populations. les vu les Au contraire, imaginations échauffées des Allemands y ont la preuve que communes chaque le gouvernement belge « organisé des fusil portait le était destiné. » l'ont colportée avait dans dépôts d'armes où nom du citoyen auquel il Et cette invention saugrenue, ils diplomatiquement dans toutes les cours d'Europe, notamment à Bucarest, au dire de 12 LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 158 Y Indépendance roumaine du 23 août (3 septembre 1914) que et (1), cette il venu à n'est ï'esprit d'aucun d'eux prétendue preuve de culpabilité au était contraire une éclatante preuve d'innocence. Loin de pouvoir fournir des armes aux nement n'en appelée à l'activité, munes, dès dont il avait pas le s'agit même pour et il gouver- civils, le la garde civique faisait savoir aux com- 6 août, que « les milices citoyennes auraient à pourvoir provisoirement elles-mêmes à leur armement La ». circulaire même commissaire d'arrondissement, datée du jour, est formelle sur ce point. « on ne distribue pas d'armes, en recevoir d'abord. Pour le moment les militaires » Ensuite, le 10 août, du devant le com- missaire d'arrondissement rappelle que ce sont les communes qui aux gardes doivent procurer les armes . -u-r^-.- (2). Matin de Pai-is, 5 janvier 1915. On la lit aussi dans un communiqué du consulat d'Allemagne à Genève, reproduit par Waxweiler, p. 155. (1) (2) Citée par le Pour illustrer ce que je viens de dire, je Le 4 septembre 1914, deux jeunes maréchaux des logis du 6* hussards de la réserve (corps d'armée du général von Bœhn), MM. Rettig et Predoell ce dernier fils du bourgmestre de Hambourg, logés chez moi, à Assche, au dire de son camarade me racontèrent que, dans un village voisin, à Cobbeghem, on avait trouvé un dépôt de deux cents fusils chez le citerai le fait suivant: — — LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE On 159 peut, aî-je dit, faire désormais tout accroire au peuple allemand. Si quelqu'un en doutait, manière dont veuille prendre connaissance de la les livres à l'usage qu'il de la jeunesse présentent aux générations grandissantes le cas de la Belgique. On y était raconte que depuis longtemps la Belgique vendue à France la c'est avec l'argent fait les forts de la et à l'Angleterre, et que de ces deux pays qu'elle avait Meuse, pour leur procurer un point d'appui dans la lutte contre l'Allemagne. s'agissait, ajoute-t-on, de leur ouvrir une porte de sortie sur les riches provinces rhénanes sans dé- curé, et ils en conclurent à la complicité du clergé avec gouvernement, qui destinait ces armes à être le Il buées aux habitants. Je leur fis remarquer que distri- c'était précisément la preuve du contraire, et que ces armes, tant qu'elles resteraient en dépôt au presbytère, ne serviraient pas à tirer sur les soldats allemands. Depuis lors, une enquête personnelle m'a permis d'établir ce qui suit: 1* Ce n'est pas munale que maison comcuré de Cobbeghem au presbytère, mais à se trouvait le dépôt; le la doit donc être laissé absolument hors cause; 2® Le dépôt comprenait en 32 armes à feu non pas 200, mais (fusils, revolvers, etc.) 3® Je possède par devers ces tout, moi ; l'original de la liste de armes dressée par l'autorité communale, signée par tous les dépositaires; elle est intitulée hewaarnis gegeven aan Jiet : Vuurwapens in gemeente-'bestuur. LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 160 Le gouvernement allemand fense. était depuis longtemps au courant de ces criminelles conventions de la Belgique avec ses ennemis, etc. (1). livre ces écrits que nation (1) au mépris de tous ceux qui, à quel- qu'ils appartiennent, ont sentiment de Je la justice et l'amour de au cœur le la vérité. Voir Delutsche Jugendschriften (Lauer, Donau- worth). Xt> 32: pp. 2 et 3. ^ Von Luttich uber Namur nach Mauhcuge, II Comment TAUemagne a traité la Bel- gique. Nécrologe des villes et villages de Belgique. Le gouvernement allemand, irrité de la résis- tance inattendue que nous avons opposée à l'agression criminelle et vexé du tranquille dédain avec lequel nous avons repoussé sa déshonorante invitation du 8 août, a décidé de recourir contre nous à la manière forte qui est dans la tradition prus- Le quartier-maître général, M. von Stein, a pris la peine de nous en prévenir en même temps qu'il le notifiait à l'armée allemande pour la gousienne. verne de « celle-ci : La Belgique ayant repoussé nos aura à supporter toutes les avances, elle conséquences de sa conduite (1). » Pour bien (1) Da se rendre compte de ce que M. von Belgien unser Entgegenkommen hat, so hat es aile Folgen tragen. dièses (Communiqué du 23 août abgewiesen Handelns allein zu 1915.) LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 162 Stein entend par les conséquences de sa conduite, est indispensable il de savoir ce que l'état-major prussien enseigne au sujet du droit de guerre et de ses applications. Partant de ce principe que but de la guerre est la victoire sert à faire atteindre ce but le que tout ce qui et est licite, voire même louable, l'état-major repousse bien loin toutes les considérations étrangères et envisage de très haut exigences formulées au les nom de la justice et de l'humanité. Plein de mépris pour cette phraséologie des professeurs de droit international, mule nettement sa manière de voir il for- : Une guerre énergiquement conduite ne peut (( être uniquement dirigée contre l'ennemi combat- tant et contre ses moyens de défense, mais elle tendra et devra tendre également à la destruction de ses ressources matérielles et morales. Les con- que sidérations humanitaires, telles ments relatifs aux personnes peuvent faire question que de la et si la les ménage- aux biens, ne nature et le but guerre s'en accommodent (1). » Cette doctrine sauvage appartient en propre à la Prusse; ses généraux, qui en sont les inventeurs, communiquée à ses hommes d'Etat, en ont imbu tous les défenseurs de leur l'ont (1) p. Kriegsgehrauch im Landkriege, 185). p. 3. et ceux-ci politique, (Waxweiler, LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 163 en sorte qu'on peut la considérer comme la marque distinctive du prussianisme. La Prusse en a eu longtemps le monopole. Mais après avoit fait l'em- pire allemand à son image et à sa ressemblance, elle l'a inculquée à tous les enfants de l'Allemagne; aussi voyons-nous qu'elle infecte aujourd'hui toute la presse de ce grand pays ses orateurs la procla: ment, ses écrivains militaires la formulent en axiomes, et s'il y a en Allemagne des consciences qu'elle révolte, ces consciences se contentent d'une répro- bation silencieuse. Chez la grande masse des Alle- mands qui ont la parole, il est acquis que, pour triompher, tous les moyens sont bons; que les plus cruels, les plus atroces sont les meilleurs, s'ils sont les plus efficaces et qu'il n'y a pas lieu de douter de leur efficacité. Aussi considèrent-ils qu'il faut ceux qui y mettent quelque pudeur ajoutent, par acquit de conscience, y recourir sans scrupule, que c'est encore, et en définitive, humain, puisqu'en terrorisant le procédé les le plus populations on brise plus vite leur résistance et on diminue la durée de la lutte : « L'officier, dit le Kriegsge- brauch, se rendra compte que la guerre comporte forcément une certaine rigueur, la seule véritable et, bien plus, que humanité consiste souvent dans l'emploi rûcksichtslos de ces sévérités (1). » Cette- (1) Kriegsgehratich, p. 7. LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 164 comment député Erzberger, membre doctrine a gagné tout le monde. Ecoutez s'exprime à ce sujet le de ce parti du Centre qui naguère se couvrit de gloire en défendant contre la tyrannie bismarc- kienne les droits imprescriptibles humaine et de la conscience qui aujourd'hui, séduit, ce semble, par l'espoir de devenir un parti gouvernemental, pa- raît avoir oublié les traditions de Mallinckrodt et de Windhorst : Le manque « nagement pendant la plus absolu de mé- le guerre est en on réalité, si l'applique d'une manière raisonnable, le procédé le plus humain. Si l'on est en par un moyen état, quelconque, d'anéantir tout Londres, cela est plus humain que de laisser son sang sur champ de le moyen de plus vite à le cette un seul bataille, cure radicale la paix. ments, les égards Allemand verser parce que, par (sic), Les hésitations, et les on les arrive le atermoie- ménagements ne sont qu'impardonnable faiblesse. L'action énergique et sans scrupule, c'est de la force et elle conduit à la victoire (1). » Ces paroles se passent de commentaire. Bornons- nous à souligner la définition toute l'humanité que nous offre je m'en emparais pour dire (1) Erzberger dans PRiiM, p. 22. le ici le prussienne de naïf orateur. Si qu'il est plus Tag, no 30 1915, humain cité par LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE ^m ^——^ 11 II I I I iM^^— w^^^»^—^—i— I d'anéantir tout Berlin que de laisser verser son sang sur le bien' que champ de 165 un seul Belge bataille, je crois dans toute l'Allemagne je serais considéré comme le plus monstrueux représentant de ce pays de criminels qui s'appelle la Belgique. M. Erzberger, lui, n'est pas une triste exception dans son peuple. Si l'on veut entendre un voici M. Walter Blum qui formule sées en mêmes pen- appliquant à la conduite des armées les allemandes en Belgique écrit-il, les lettré, que les miers jours de « Il n'est pas douteux, : incendies et les fusillades des prela guerre ont enlevé aux grandes villes belges la tentation de s'en prendre aux gar- nisons relativement faibles que nous y laissions. nous y circulons librement comme chez nous, il ne faut pas Si Bruxelles est occupée par nous, douter un instant que si la capitale a peur encore de notre vengeance eu peur et a (1). » Ces déclarations ne sont pas moins édifiantes que celles de M. Erzberger. Comme le député du Centre, le romancier nous avoue que les atrocités ont été voulues. Si Ton a versé des flots de sang innocent, c'est si l'on a martyrisé pour que Messieurs une nation les officiers entière, prussiens puissent se promener à Bruxelles, « librement. (1) Kôlnische Zeitung, cité par Waxweiler, p. 212. LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 166 comme chez eux » I On ne d'ingénuité dans l'aveu saurait mettre plus du crime (1). C'est cette perversion de la conscience d'un peuple qui explique la manière dont les ont fait la guerre en Belgique. Mais plique, elle n'en donne pas grand Allemands si elle l'ex- le motif. Les pouvaient faire une guerre de peuple Allemands civilisé. Ils comme en 1870, où horreurs comme celles pouvaient se contenter d'agir se sont abstenus des ils qu'ils ont commises en Belgique. La vraie raison de leurs cruautés, notre causait c'est, outre la colère que leur résistance inattendue, le besoin d'avoir raison le plus tôt possible de cette résis- Je suis en état de confirmer (1) En les aveux de M. Blum. visitant les ruines de nos villes et de nos villages, mes constatations fait j'ai C'est que les instructives. quartiers détruits par les Allemands sont d'ordinaire ceux qui avoisinent, voire où ils même campaient. Pourquoi s'isoler ? entourent les bâtiments Parce qu'ils tenaient à pour n'avoir pas à craindre une attaque. Louvain, ils occupaient la gare, et toutes les rues en- tourant la gare sont brûlées. Pour masquer la chose, ont inventé qu'on avait tiré sur eux songe que les pleine lumière. sont intactes, Mais telle les maisons d'où cription ; : « ils pitoyable men- prochaines monographies mettront en l'on aurait tiré à Aerschot la maison du bourg- mestre. Pourquoi? parce qu'ils ïermonde : A y logeaient. l'une de ces maisons porte De même à même cette ins- Epargner cette maison, Streckfuss. » LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 167 tance pour ne pas perdre cet atout de rapidité qui était, dans leur pensée, Nous étions sur leur chemin, rout^ de Paris, où la dans ils gage de leur triomphe. le nous leur barrions devaient être à tout prix les huit jours; se laisser arrêter, dans leur course au clocher vers la Babylone moderne, par d'une guerre conduite selon les lois les lenteurs de l'humanité, perdre l'atout et avec lui la mot d'ordre ne pouvait être que: Tue Tue Pas de quartier Feu et sang » Je sais qu'il y a une autre explication encore Dès partie. « c'était lors, le ! ! 1 ! : la colère contre les francs-tireurs. Il n'y a jamais eu de francs-tireurs en Belgique, sinon dans l'imagination des soldats allemands hypnotisés par les chefs. Mais enfin les soldats l'ont cru dès le pre- mier jour de leur entrée en Belgique comme d'Evangile. le On lettre leur a dit que le franc-tireur était dernier des misérables et que tous les Belges étaient des francs-tireurs. C'est sous l'empire de cette suggestion qu'ils se sont livrés à la homicide. du On fureur peut dire que depuis la dévastation Palatinat, l'Europe n'a plus été témoin d'une guerre qui semble nous ramener directement aux horreurs et aux atrocités de la guerre de Trente Ans. Aucune des nations qui sont aux prises dans ce terrible conflit n'a pâti gique, et l'on dirait que la comme a pâti la Bel- mesure des souffrances qui nous ont été infligées est en raison inverse LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 168 de nos responsabilités. Les autres belligérants n'ont vu l'ennemi occuper qu'une partie relative- ment petite de leur territoire, et ils ont gardé dans de celui-ci une réserve suffisante de res- le reste sources pour soulager l'infortune des régions enva- hies.Nous autres, au contraire, nous avons vu notre petite patrie tout entière, de l'est à l'ouest et nord au sud, occupée militairement depuis le du début des hostilités sans qu'aucun secours ne vînt d'au- cun côté; l'ennemi qui a brûlé nos villes et vil- lages et massacré nos populations a emporté tout que nous avions de ce vivres, et, sans la charité de l'Amérique, nous mourrions de faim. Que l'on m'entende bien Je n'accuse pas en I bloc les soldats allemands. Le patriotisme endolori ne me et je fera pas dépasser les limites de la justice, ne m'associe en rien aux cris de fureur des fanatiques qui dénoncent dans tout Allemand un monstre qui doit être mis au ban du genre humain. L'armée allemande a toutes les qualités l'armée d'un grand peuple le patriotisme, le rage, la discipline, : dignes de l'endurance. C'est cou- donc un instrument merveilleux aux mains de ses chefs, instrument merveilleux pour le bien selon les dispositions de celui qui auquel elle obéit perinde et le mal, commande, et ac cadaver. Aussi les excès individuels, s'ils n'y ont pas disparu, y sontils ramenés à une espèce de minimum; si nom- LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE breux Il ne seront jamais qu'ils soient encore, ils que des exceptions à 169 la règle (1). y aurait donc sous ce rapport un immense progrès sur les guerres précédentes d'autrefois, l'Europe civilisée aurait lieu de Mais ce progrès n'est pas le si s'en féliciter. grand qu'on pourrait croire à première vue. Si les atrocités indi- diminué, ont viduelles les collectives atrocités n'ont pas cessé; la férocité a passé des simples soldats à leurs chefs ou plutôt elle s'est chez ceux-ci, tandis que dans la masse nuait au souffle d'humanité qui (1) conservée elle s'atté- sortait Exceptions d'aiUeurs nombreuses, et de si je le la note pour répondre à l'outrecuidante assurance de la presse allemande, qui les nie avec une en passant, c'est audace sans pareille. Je renvoie aux rapports de notre commission d'enquête, où toutes doute, ne sont pas garanties, titue les je défie les apologis- que notre commis- tes prussiens d'anéantir. Je rappelle se nommée le 7 sans mais dont l'ensemble cons- un document formidable que sion d'enquête, dépositions, août par M. Carton deWiart, compose du président de la Cour de cassation, de deux conseillers à la Cour d'appel et de deux professeurs de l'Université de Bruxelles. Plus tard, elle fut présidée par l'ancien président de la Chambre, M. Cooreman, dont l'impartialité fut toujours reconnue par tous les partis. M. Grasshoff ricane. Cette commission est nommée par un politicien! Eh! par qui donc voulez-vous qu'elle soit nommée, sinon par le ministre de la justice ? JJ ajoute : (( On a fait rapport sur les atrocités aile- LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 170 société civilisée du XIX^ du XX^ et siècles. C'est commandement, haut et bas, de l'armée allemande qui prend la responsabilité des crimes; le c'est lui qui ordonne, les c'est lui qui préside à leur exécution. Toutes les horreurs dont la Bel- gique a été par des déformé le le théâtre ont été froidement décidées dont officiers conscience la Kriegsgebrauch; le et elles prussianisme avait qui avaient pour code ont été exécutées par des malheureux soldats qui parfois obéissaient en pleurant, sous On taine. en a femme dont menace du browning du capivu tomber à genoux devant la la venaient de fusiller ils mari, et le d'autres s'écrier, au spectacle des scènes de Ter- monde Là incendiée : « C'est une honte est la particulière gravité mandes avant qu'elles de ! la » situation. fussent commises. » Mais votre ultimatum, crime par excellence, est du 2 août, et vos premières atrocités des et cela promettait Au dire 4, 5 et G. C'était déjà assez bien, I du même Grasshoff, la commission accepte tout hritilclos (p. 32). Pour Louvain, il cite von Ermach et Graven (p. 36-46). Pour Andenne, un major. Pour Tamines, l'ouvrier allemand Graf. Pour Aerschot, il ment (p. 42). Pour Dinant, il ment (p. 43). Et voilà comment Grasshoff se flatte d'avoir écarté notre commission d'enquête. Non, non, monsieur» LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE En plein cœur de XX® honnêtes régions où bat le les moderne, des hommes civilisation la intelligents, dans siècle, 171 et accessibles à la pitié sont convertis en valets de bourreaux par des autorités militaires à qui semblent faire défaut les plus élémentaires notions de la justice et du droit. Qu'on lise dans maintenant son ensemble le communiqué suivant du Quartier-maître général von Stein, dont J'ai cité une phrase plus haut « La sommation adressée pour la seconde fois à : la Belgique de conclure magne avec l'Alle- a fait naître dans notre peuple la crainte que l'Allemagne ne concessions. s'agissait, nière un accord disposée soit crainte Cette n'est pas fondée. tentative pour ramener en porter pour son propre bien. Mais elle-même les démarche belge; elles faite seront la elle aura conséquences. Nos opérations n'ont pas été arrêtées la belge l'opinion Belgique ayant repoussé nos ouvertures, par îl après nos premiers succès, d'une der- égarée. C'eût été à des faire à un seul instant auprès du gouvernement continuées avec une impi- toyable énergie. » (23 août). Voilà comment parle ce puissant, et j'invite tous les lecteurs à bien peser ses paroles. M. von Stein, qui n'a pas réussi à ramener l'opinion belge, entend être plus nion allemande. Il heureux auprès de fait à l'opi- son peuple l'injure de LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 172 le rassurer contre la crainte que Tétat-major alle- mand ne soit accessible à un gentiment d'huma- nité vis-à-vis de la Belgique coupable de défendre son honneur. la Il lui promet que, tout au contraire, coupable sera traitée avec la dernière rigueur: mit rûcksichtslos Energie, la On admirera surtout beauté de ce rûcksichtslos, mot allemand intra- que duisible, faite j'ai rendu d'une manière par impitoyable, et au pied de signifie sans ménagement ou plutôt, sans égard la lettre rien, et c'est bien appliquées rien, ni impar- qui dit beaucoup. Fabri- qué en Prusse, rûcksichtslos pour fort les pour dans ce sens qu*ont été Pas d'égard pour instructions. le sexe, ni pour ni pour ces l'âge, grandes choses qui sont le patrimoine de l'humanité : pour ces la religion, la science, l'art; ni sentiments élémentaires qui ne sont pas absolu- ment ignorés des sauvages eux-mêmes : le droit, la justice, la pitié. Rûcksichtslos, c'est-à-dire à la prussienne, en exterminant, entière pour punir attribué à le s'il moindre le faut, « ? ville ou réel, délit, fictif un Belge contre un soldat allemand. Dira-t-on que je calomnie le haut allemand une commandement Qu'on écoute donc ceci : Si les braves enfants de notre peuple qui vont au danger et à la mort pour la patrie, si nos blessés, nos médecins, nos infirmiers sont cours d'Europe, notamment à Bucarest, au dire de LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE tion aveuglée et en délire, armée est compromise sur hordes de bandits, un tion et si la c'est pour saint devoir taires d'y mettre ordre sécurité de notre ses derrières une 173 loi de la par des conserva- les autorités mili- au moyen des mesures les plus sévères. Dans ces cas, les innocents doivent comme pâtir les contres, les chefs de notre En diverses ren- armée n'ont pas laissé coupables. douter que la vie humaine ne peut pas respectée lorsqu'il mies. de réprimer les infa- Que des maisons, voire de florissants villages même et s'agit être des villes entières soient anéanties à cette occasion, cela est sans doute déplorable, mais ne doit pas donner lieu à un déploiement de senti- mentalité déplacée. Ces villes et ces villages ne doivent pas valoir pour nous la vie d'un seul soldat. dit, Cela va de soi et n'a pas besoin d'être etc. (1). » L'auteur de cette parole de monstre est le général von Bissing, qui commandait alors d'armée est et aujourd'hui le VIP corps gouverneur-général Comme il est évident que cet homme pas même compte de la portée de son de Belgique. ne se rend langage, dans la il pousse l'inconscience jusqu'à écrire même comprendre le proclamation que cette manière de devoir est l'expression d'une civi- lisation supérieure, (1) Kblnlsche Zeitung^ 3 septembre 1914. 18 LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 174 Ce innocents les von Bissing qui veut que n'est pas le seul même voire punis avec soient pour coupables. Son prédécesseur les au gouvernement général de la Belgique, le chal von der Goltz, écrit de son côté lités coupables, les : maré- Les loca- « seront punies sans miséricorde^ peu importe qu'elles soient complices von Micher dit à la ville ou non, » Wavre de ». On n'y a qu'à prendre acte de Il ces paroles et à constater sienne n'est pas la (1) fallait citer toutes les décla- s'il rations de ce genre. Les inno- « : cents souffriront avec les coupables n'en finirait pas Le général même que que la culture prus- celle de l'humanité. Les Allemands se plaignent souvent du peu de sympathie que leur nation rencontre à l'étranger, et leurs journaux aiment à expliquer ce phéno- mène par la jalousie que leur supériorité inspi- aux autres peuples. rerait comme il est est détestée de tions bourg (2) se Ils malheureusement presque partout, race germanique, si trompent. Si, vrai, l'Allemagne même des popula- comme et l'Alsace, se jettent du le Luxem- côté français par horreur du casque à pointe, n'en cherchez pas la cause ailleurs. Allemands, que dans (1) (2) Waxweiler, la « cul- p. 206. Le Grand-Duché de Luxembourg possède une chanson populaire due à son meilleur poète, Michel LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE î 7S ture supérieure » à la Bissing, que le militarisme prussien vous a inoculée. Tant que traîne-sabre venu pourra en votre digne d'Attila jargon homme nom parler ce Gengiskhan, de civilisé redira avec le poète : tout „ au Ciel de n'être pas Germain « Je rends grâce « et premier le Pour conserver encore quelque chose d'humain. Mais, m'objectera-t-on, responsabilité la adage : allemande l'armée ici avec quelque vraisemblance le vieil Ab uno disce omnes. Mais ce qui permet de conclure de Bissing à tous ses collègues, le fait tout tombe d'accord, encore qu'on paisse entière. J'en appliquer de un général n'engage pas qu'ayant à choisir le gouverneur de c'est la Bel- gique occupée par ses troupes, l'empereur Guil- laume II n'a trouvé personne plus digne de ces hautes fonctions que ce On livré même peut se figurer ce qu'est devenu un pays à de pareils maîtres. L'homme maître de l'homme devient une brute; Lftnz, et la bête qui som- contenant ces deux vers qui sont devenus pro- verbiaux dans Men Men (« Bissing. le pays Avilie : kéng Pruisse wille bleven zên. wât men sîn. Nous ne voulons pas devenir Prussiens, nous vou- lons rester ce que nous sommes. ») LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 176 humaine meille au fond de toute conscience réveille et hurle Tue Tue ! ! On de joie à se rue à la se pensée du carnage. la viande; on n'épargne rien, ni Tâge, ni le sexe, ni sacré ni profane; tout doit être tué, tout doit être brûlé, tout doit être enlevé; reste des vivants s'il il leur suffira de gar- der des yeux pour pleurer. Le général sera content voit le carnage; s'il qui s'attendrit; c'est de n'aime pas il le soldat Gefûhlsduselei, et la il n'en faut pas. Ainsi le veut le Kriegsgebrauch. Et voilà d'après quelles lois gique sera réglé Néorologe des Qu'on me de la Bel- le sort I villes et villages de la Belgique. permette de tracer un rapide ta- bleau. Je isuis à la trace les massacreurs, dont néraire est ruines, marqué par des tombes comme celui des et Vandales dont l'iti- par des la célèbre lettre de saint Jérôme à Ageruchia énumère cités gauloises détruites : Mayence, Reims, Amiens, Arras, Tournai, etc.. nait, les Worms, S'il reve- son catalogue serait plus lugubre encore; LE GTTET-APENS PRUSSII^N EN BELGIQUE rien que dans la seule petite Belgique, à compter vain, 177 il aurait Visé, Hervé, Ancienne, Aerschot, : Tamines, Dixmude, Termonde, Dinant, Lou- Ypres, Nieuport, sans parler de la multitude des villages incendiés et des ruines faites à Liège, à Namur, Malines, à qu'alors les barbares et etc.. destructions qu'elles le La différence, l'ouvrage étaient sont aujourd'hui peuple qui prétend marcher à la c'est tête de d'un de la civi- lisation. Le début, Hervé c'est et anéantis. Visé A Hervé, 50 civils sont fusillés et 300 maisons brûlées; parmi les fusillés, mon ancien élève Denis Lequarré, docteur en sciences historiques. Puis les Allemands entrent à Liège. Le où Aerschot, 400 maisons fusillent ils 149 et pillent tout. arrivent à Louvain; ils civils, Le même brûlent jour, ils y sont tranquilles jus- qu'au 2S, puis, sous prétexte que tiré, ils fusillent la 19, ils sont à ont les civils population, brûlent la plus belle partie de la ville; la bibliothèque de l'Université est réduite anéantie. en cendre; l'Université elle-même Le recteur magnifique et les est professeurs de la faculté de théologie sont poussés sur le che- min de Tervueren à coups de crosses, couverts d'ignobles injures et de menaces de mort. M. Van der Linden, de l'Université de Liège, tiré hors LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BET^GIQUE 178 de sa cave à Louvaiii, arraché à sa famille, est maltraité et menacé de mort. Vaii GBhucliten, lustre physiologiste, admiré dans le monde l'il- entier, après avoir vu piller, puis brûler sa maison, dans laquelle périt le manuscrit de son chef-d'œuvre sur système nerveux, fruit du travail de sa vie le en Angleterre entière, se retire en exil, à Cambridge fusillent ils 100 sont à Tamines; 6S0 les 22. et n'allait ils vite, sont à Andenne, Le personnes. hommes 23 août sur pas assez meurt peu après (1). Quelques jours plus tard, où et 22, ils y ont été fusillés place publique; cela la on acheva le reste à la mitrailleuse; 264 maisons furent incendiées, des femmes et des asphyxiées. Le enfants même périrent brûlées jour,' ils atteignent Dinant. Arrêtons-nous quelques instants dans cette Dinant et ou ville. toute sa vallée étaient la perle de la Belgique, et il est peu de Belges qui n'aient charme de ce séjour. Dinant n'existe plus. Elle n'avait donné aucun grief à l'ennemi dès les premiers jours de l'invasion, 300 armes pas goûté le : avaient été déposées à l'hôtel de ville; les instructions (1) du gouvernement sur l'attitude à garder FunéraiUes du professeur bridge, le 14 décembre 1914, Van Gehuchten, décrites Rotterdaynsche Courant du 22 décembre. par le par à CamNieuive LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 179 population civile avaient été affichées la pandues les à profusion. et ré- Mais lorsqu'ils y arrivèrent, Allemands rencontrèrent les Français, qui leur disputaient la ville et leur firent perdre beau- coup de monde. Comme toujours, Fennemi exas- péré se vengea sur la population désarmée et inoffensive. sans, La ville fut incendiée: sur 1,6S0 mai- 900 à 1,000 furent réduites en cendres. Ce qui restait de la population, dont la plus grande partie avait fui dès le 23 ^oût, fut exterminée: entre 600 et 700 personnes, sans compter ceux qui moururent de leurs blessures dans taux. De 606 ont cet liste et on en a avec nom, prénoms, profession, âge de chacun. Je l'avoue, je me dans un encadrement de deuil, répondent à l'ap- mort tant de pauvres gens pacifiques. En parcourant la liste, vous pouvez compter que des familles entières ont été exterminées rents, grands-parents et enfants des deux Il y a des noms qui figurent et onze fois dans ce martyrologe (1); mais (1) Sept Six fois fois suis en ouvrant ce sinistre document où, senti pâlir pel de la hôpi- épouvantable nombre de victimes, été identifiées jusqu'à présent; publié la domicile les : : six, sept, huit, CoUignon, Laforêt, Toussaint. Gaudinne, Monin. pa- : sexes. neuf il en LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 180 Le sexe féminin y est représenté par 69 noms; on y rencontre 23 seppeu qui soient est dont 5 femmes, tuagénaires, dont : isolés. et 3 octogénaires, Florent Gaudine, âgé de 80 ans, Marie Toussaint-Delimoy, âgée de 81 ans, André, qui en avait 88! On trouvera peut-être que c'était gaspiller les balles allemandes que de les tirer sur ces pauvres ruines humaines. D'autre part, je me persuade que estiment qu'on fauves bêtes dans doit les penseurs allemands, qui nous abattre comme des trouveront plus la petite liste suivante, de satisfaction qui montre que leur conseil a été bien suivi, puisque l'on a exterminé les francs-tireurs gné Il même en herbe et qu'on n'a pas épar- ceux qui tétaient encore leur mère. y a parmi les victimes 20 enfants de moins de 14 ans, parmi lesquels 17 en ont moins de 10; je m'en voudrais de substituer mes réflexions à la sobre éloquence du tableau que voici Marthe Beaujot, 13 ans; Henriette Roulin, 12 ans; Marguerite Morelle, 11 ans; Dupont (fils), 10 ans; Georgette Charlier, 9 ans; Huit Neuf Onze fois : Charlier, Lion. fois : Bultot, Georgea. fois : Jacquet. : LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 181 Robert Bultot, 9 ans; Dupont (fils), 8 ans; Emile Meurar, 7 ans; • Eva Meurat, 6 ans; Marie Beaujot, 5 ans; Marcel Bovy, 4 ans; Michat André, 3 ans; Gilda Marchot, 2 ans; Claire Struvay, 2 ans; Maurice Bétemps, 1 an 7 mois; Félix Balleux, 1 an 6 mois; Gilda Gevon, 1 an 6 mois; Edmond Bourguignon, 1 an 4 mois; Nelly PoUet, 1 an; Jean Rodrigue, 5 mois; Fivet, 3 semaines. Pour passé; le il coup, Charles le Téméraire n'a pas fait périr les femmes; pecté leur dignité et leur deuil; acharné sur les enfants; il il ne dé- est il a res- s'est pas a laissé à Guillaume l'Exterminateur l'honneur de l'avoir fait oublier. Et maintenant, vers la mer les flots de la Meuse qui charriez cadavres d'une race impure, allez apprendre aux nations que Dinant n'est plus, et dites-leur de laisser passer la justice de l'Alle- magne! Le dimanche 23 août, les troupes allemandes LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 182 arrivent à sur le le Herineton. C'est dans une là, villa flanc du coteau, que passait ses vacances professeur Ponthière. Fils de ses œuvres, était devenu par sa science il par son talent pro- et fesseur à l'Université de Louvain. L'étranger con- nom, que naissait et respectait son l'on trouvait au bas de plus d'un article paru dans anglaises, françaises et allemandes (1). lui avait valu la croix Léopold et celle de les revues Son mérite de chevalier de l'Ordre de Légion d'honneur. C'est ce la savant distingué que les Prussiens fusillèrent avec son beau-frère, l'abbé Schloegel, curé d'Hastièrepar-Delà, le 14 août, à Hermeton. Pendant ce temps, les Allemands envahissaient Hastière-par-Delà. Ils fusillaient le docteur Halloy, médecin de Croix-Rouge; la prendre dans sa maison Aigret et le fusillaient boucher Alphonse le avec son sillaient encore le fermier Jules mier Bodon avec bitants; en et ses même deux temps, fils aîné; Rifon fils et ils allaient ils ils fu- et le fer- dix autres ha- pillaient le village incendiaient la plupart des maisons. La vieille odieusement pro- église d' Hastière-par-Delà fut fanée. Jusqu'à présent, il est établi que dans la seule province de Namur, qui compte 364,000 habi(1) Notamment dans Stahl und Eisen. LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE de près tants, personnes 2,000 homnies, fenunes 183 inol'fensives, et enfants, ont été massacrées. Vingt-et-un villages ont été brûlés dans Tarrondissenient de Dinant, outre ont été pillés, chef-lieu; vingt le saccagés et en partie incendiés dans celui de Philippeville; dans celui de Namur, pour lequel on n'a que les chiffres de trois can- on connaît actuellement 1,100 maisons brûlées; ce chiffre sera probablement matons sur six, joré du double quand on possédera relevé le total. La province de Luxembourg n a pas été mieux traitée. Là aussi, les Allemands ont eu à lutter contre les Français; là aussi, ils ont assouvi leur rage sanguinaire sur la population tendant toujours qu'elle avait civile, participé préà la lutte. Voici, d'après Y Ami de VOrdrey qui paraissait à Namur sous le contrôle de l'autorité allemande, un aperçu sommaire de cette région La ce qui s'est passé dans : partie la plus éprouvée est la partie sud- ouest de la province. Les grands combats entre Allemands et Fran- çais se sont déroulés surtout à partir de Neuf- chàteau vers A la frontière Neufchàteau, il 30 maisons brûlées. du sud. y a eu 28 hommes tués et 184 r.TJET-APENS PRUSSIEN T.E A Bertrix, 20 EN BELGIQUE fusillés. Les villages d'Anloy, Glaireuse, Villance, Maissin, Porcheresse, Jéhonville ont été fort éprou- vés. De même Jamoigne, A les villages Isel, de Rulles, Houdemont, Les Bulles. Ethe, tout a été détruit, y compris l'église. Plusieurs fusillés, fparmi lesquels M. le Vicaire.} Tintigny est anéanti. M. le Il y a eu 33 fusillés, dont Curé, M. Lefèbvre, notaire, ancien prési- dent du Conseil provincial, M. Lamotte A et Etalle, son fils, le bourgmestre M. Draine, instituteur. 30 maisons brûlées et plusieurs per- sonnes fusillées, parmi lesquelles M. et le Vicaire M. Lebrun, brasseur. A Rossignol, 128 hommes fusillés. A Houdemont,Qe curé est tuéj A Musson, 110 maisons incendiées, 5 hommes vivants. A Baranzy, population décimée, 15 maisons brûlées. A Signeulx, tout est détruit. ^ A Virton, pas de dégâts. Un ' ^ obus seul est tombé sur l'infirmerie du collège Saint-Joseph, où se trouvaient 10 blessés allemands çais, et fran- qui ont été tués. Le R. P. Bernard Maredsous, a Gillet, des Bénédictins de été tué à Anloy. C'est le cinquième LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE membre 185 de cette famille qui succombe au cours de cette épouvantable guerre. Puisque l'autorité militaire a autorisé blication de cet inventaire, la pu- on peut conclure que Y Ami de VOrdre n'a pas exagéré, dit le Journal de Roubaix du 13 octobre 1914. énumération né donne pas une idée de l'horreur des massacres qui ont dépeuplé les Cette riche humbles villages forestiers de ce pays, qui est le mien dont j'ose dire que tous et déchiré mon cœur. Quand vous les deuils lisez ont qu'à Rossi- gnol on a fusillé 125 hommes, cela vous fera sans doute frémir d'indignation à la pensée d'une si odieuse hécatombe humaine. Mais que direz- vous lorsque je vous aurai appris que ce village comptait une population de 825 habitants par conséquent tous hommes ment. A hommes les chefs de famille que tous les adultes y ont été massacrés indistincte- Musson, où l'on vous dit qu'il reste vivants, il cijig y avait 1,750 habitants avec 383 maisons. L'esprit se refuse à la et et la pensée de boucherie dont ce malheureux village a dû être témoin, et on se réfugie dans l'idée que la majorité de la population avait pris la fuite. Dans le beau et grand village d'Ethe, il reste une demi-douzaine de maisons oubliées par les incendiaires. L'église n'a pas été épargnée; isolée l LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 186 sur sa colline, ce noble monument, qui faisait du l'orgueil contagion village, semblait protégé contre la de l'incendie; des mains fallait il exercées au métier pour en faire la proie des La plume tremble à reproduire le 300 au dire de la commischiffre de fusillés soin d'enquête, 250 selon des témoins dignes de foi. Aucun de ces malheureux n'était coupable; flammes. : mais eux les soldats français étaient abrités avec dans leurs maisons devant nombre, le plus que les et lorsque ceux-ci eurent fui les Allemands ne trouvèrent Tous, civils. hommes furent extraits de leurs caves et du les on mit d'un côté village; là l'autre les femmes, qui virent dans quelques femmes, emmenés hors hommes et de fusiller sous leurs frères, leurs fils. Des rensei- yeux leurs maris, leurs gnements personnels et me détails. permettent d'entrer M^"^ ici Capon-Masoin, sœur de feu M. Ernest Masoin, professeur à l'Université de Louvain, avec son fils, s'était réfugiée dans sa cave sa fille et son gendre. Quand ils entendirent les Allemands dans la maison, sa fille, alla, une bouteille de vin les apaiser, et, les (( Grâce tant, ! à la voyant à l'entrée de Messieurs, » leur dit-elle. un coup de feu aux pieds de main, pour la Au même : ins- retentit et elle vint rouler sa mère. Celle-ci fut ensuite du supplice de son cave fils et témoin de son gendre, après LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE quoi, on la laissa repartir, 187 pour contempler sa maison qui flambait. Les généreux vainqueurs lui laissaient, selon leur formule, les yeux pour pleurer. fallait enterrer toute la chair Il se décomposait humaine qui là au la flamme, dégageait au milieu moitié rôtie par soleil d'août, qui, et à des vapeurs de l'incendie, d'affreuses exhalations. Partisans de la du division travail, les Prus- du bourreau; celle do aux victimes survivantes. siens se réservaient celle fossoyeur était laissée Comme il n'y avnit plus personne à Ethe, on alla requérir la population masculine de Latour, à une On lieue de là. Fut-ce n'a pas su rent, me une le dire, invitation ou mais les un ordre? hommes parti- au nombre de soixante-dix, ayant à leur leur curé M. Glouden et M. l'abbé Zender. Ils un prêtre en tête retraite, partaient rassurés, puisqu'il n'y avait eu aucune rencontre à Latour et que, par conséquent, il n'existait pas sévir contre eux; ils de charité. Quand même de prétexte pour allaient ils donc à leur arrivèrent à Ethe, mission ils n'y trouvèrent pas les soldats qui les avaient réquisitionnés; on prétendit qu'ils étaient les habitants du village et on les fusilla tous! Et cependant, l'abbé Zender, qui parlait allemand, put expliquer aux massacreurs qu'il y avait un malentendu; mais ceux-ci trouvèrent plus simple de tout exter- LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 188 miner, bien qu'à Latour si des veuves A ne reste plus que il ! Saint-Léger, où n'y a eu ni soldats belges il ni français, onze personnes ont été fusillées; les hommes ont été enfermés dans l'église. Les villages de langue allemande n'ont pas été épargnés. Je que Freylange il mon enquête brûlé. A Fouches par sais, est personnelle, (Offen), où n'y avait pas eu de lutte, le bourgmestre Nico- Schnock fut arrêté par las 23 août, entre les soldats, le deux messes, pendant les menait son bétail des champs, donné le pendu; moindre grief. corde casse, la dimanche et Conduit à il se qu'il ra- sans qu'il eut Etalle, il sauve mais y est les sol- dats le rattrappent et le fusillent près de la Se- mois. C'est seulement en octobre qu'on le sut; emmené en Allemagne. Le curé l'avait cru été arrêté aussi; on le qu'il portait sur lui et on avait dépouilla de tout l'argent on le laissa partir. L'épilogue des tueries dans les vallées de la Semois lon. et de la Vire se passa les 23 et 2S à Ar- Arlon a miracle; à Lempereur, épargné par été part un agent de fusillé dans la Lejeune pour un crime dont pas daigné rendre les compte, une espèce de police, cour de nommé YHôtel bourreaux n'ont aucun n'a été tué. Cela tient sans doute à ce Arlonais que les LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 189 metteurs en scène voulaient un public pour spectacle dont commença Il hommes cour de allaient ils le matin régaler du 23 cette le ville. deux août; d'Etalle furent fusillés dans la paisible l'église Saint-Donat, sous les tilleuls sé- culaires qui contemplent de là-haut les paisibles campagnes. L'après-midi, sur ce fut le tour d'une ses deux fils, la place Léopold, femme qui fut fusillée avec âgés de 18 et de 16 ans; le troi- sième, âgé de 13 ans, avait été relâché. Des officiers allemands prétendaient, les aux Français servi d'espionne et uns qu'elle avait causé la mort de 2,000 soldats allemands, les autres, qu'elle avait crevé les yeux à pas à la un de leurs blessés. malheureuse mère, ni à On ne permit ses enfants de du haut de sa fenêtre, l'abbé Becker leur donna l'absolution in extremis (1). Le 25, ce fut mieux encore. On recevoir les secours de la religion; avait razzié dans les villages tout ce qu'on n'avait pas massacré les jours précédents, et plus de cent personnes, tant sillées à la hommes que femmes, gare, par groupes de furent fu- dix, les uns après les autres. Telle a été la destinée (1) Témoignage de M. du beau pays gaumais. l'abbé Becker, aumônier des Maristes d'Arlon. 14 190 Î.E GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE un des plus doux que le Créateur ait départi aux enfants des hommes, et qu'habitait une population si intelligente et si joyeuse! aujourd'hui orphelins. que le pays des Ce n'est plus veuves et des m Comment T Allemagne clergé belge. le Il était juste a traité que dans le martyre d'une nation catholique, le clergé obtint la première place. C'est là le seul privilège qui lui reste et que ne lui ont jamais contesté ses ennemis. C'est sur lui que se sont particulièrement acharnés les bourreaux. pouvant ni pendre ni fusiller tous on les a atteints par la calomnie. A les Ne prêtres, entendre les Prussiens, c'est le clergé catholique qui n'a cessé d'exciter les civils à tirer sur eux; ce sont ses lâches suggestions qui ont fait tout le mal, et c'est lui qui est responsable de tous les malheurs déchaînés sur la patrie belge par ses criminelles menées. Tel par est le la presse thème développé avec ensemble complice des tortionnaires et dont l'empereur Guillaume n'a pas craint de se faire l'écho (1). (1) KUBT VON Stbantz, p. 70. 192 GTTKT-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE T.E C'est une et lâche vile faire justice, il me calomnie. Avant d'en convient de citer quelques-uns de ceux qui, à l'exemple de leur empereur, s'en sont faits les propagateurs responsables. un médecin Voici d'abord d'état-major du nom de Witke. Ce personnage, dont j'aurai encore à m' occuper par la suite, déclare avoir essuyé des coups de feu partis de ne nomme pas : l'église d'une localité qu'il on pénètre dans l'église et on y trouve une mitrailleuse desservie par le curé et par quelques habitants, qui avaient tous le bras- sard de la Croix-Rouge, et qui furent naturelle- ment ne fusillés. Cela est déjà fort suffit pas à notre homme des Belges est affreux; sous la ne ils Rouge Un de abus de la Croix passé deux mains Beaulieu (?), guerre de 1914, et notamment la de un les ecclésiastique. sac à la ceinture et munitions c'est Schiessen aus un la barricade, également qu'il le Der Fanatîâmus der Belgier il y puise à distribue... A curé qui a excité ist grauenhaft; das dem Hinderhalt, der Mlssbrauck des roten Kreuzen unter glaublichesi la jeunesse, des barricades à Louvain. Au sommet Il s'est f eige « Monsieur Stauffer raconte à la bataille (1) faire Le fanatisme conduite du clergé : (1). » les épisodes « de cessent beau, mais cela Fûhrung der Pfarrer etwas un.:.;.. tJ LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE la population contre nous. Et dans tout mêmes le pays. en est de il même Les gens abandonnés à eux- seraient raisonnables, mais ce messieurs noirs qui attisent « C'est le 193 crime du clergé le 1 feu (1). sont ces » » hurlait l'officier qui, après l'incendie de Louvain, poussait devant lui la foule des prêtres et des civils et les faisait assister au martyre du Père Dupierreux, Tervueren sous Wo les der Priester ist fusillé à yeux de son frère jumeau. ? criait cet autre qui pénétrait dans une tranquille maison de Lebbeke où dormait le ici absolument dignes de laires à narrateur. Je cite moi-même le récit deux témoins ocufoi, qui m'ont fait de leurs aventures, mais mille autres Belges déposeront des témoignages plus accablants encore pour les fanatiques colporteurs de calomnies anticléricales. Ces mensonges ont indigné jusqu'à et à la presse allemande elle-même, plusieurs reprises la Kôlnische Volkszeitung a protesté contre ces scandaleuses calomnies (2). Das ist im ganzen Lande so. Die Lfeute an sicli wûrden ganz vernûnftig sein^ aber die schwarzen Herren (1) sind es, die das Feuer schûren. (K.F. Stauffer, Der Fah- nentràger in Verdun, Eine Geschichte aus der Kriegszeit des JaJires 1914, der reiferen produit par le Jugend Niederrheinische er^àhlt, p. 177, re- Taghiatt, 4 janvier 1915). (2) lCi4 Kôlnische Volkszeitung, 4 septembre et 3 octobre LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 194 Cette légende mensongère, fabriquée dans les officines protestantes d'outre-Rhin, les Prussiens l'ont apportée en Belgique toute faite, même en temps qu'ils y amenaient leurs pompes à incendier. Ils en avaient trop besoin pour détourner de leur criminelle entreprise l'attention du civilisé, et ils s'en sont servis comme monde d'un déri- vatif qu'ils ont cru efficace. Aussi l'ont-ils débitée dès le premier jour avec n'ont cessé de et ils un ensemble la redire, significatif malgré son caractère d'énorme invraisemblance. Je veux admettre qu'à l'origine de cette légende, la part du préjugé était plus grande que celle de la mauvaise foi. Elle a été construite sur la base d'un syllogisme qui pourrait se formuler suit le : la comme Belgique est une nation catholique, donc clergé y a tout à dire, et si des civils ont tiré sur les troupes allemandes, c'est donc à l'insti- gation des prêtres. Raisonnement fallacieux dont la mineure est une conjecture clusion est une contre-vérité. le Il et dont con- la n'est pas vrai clergé ait tout à dire en Belgique; que une bonne partie de la nation, spécialement dans les villes, combat son influence au point de revendiquer le nom (1) d'anticléricale (1), Mais à quoi bon des Cela est vrai en particulier de Louvain, une administration communale anticléricale. qiii a LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE raisonnements lorsque clarté aveuglante c'est le clergé belge sont donne un démenti cependant sur Et faits les a la à la légende. menacé, traqué, que bafoué, emprisonné, et dont là, de cette légende que la foi été 195 insulté, de plusieurs ses membres ont péri fusillés ou pendus (1). La vérité est, cette fois encore, aux antipodes ! des affirmations prussiennes. Le clergé belge, dès premier jour de le guerre, la avant et même qu'elle fût portée sur notre sol, n'a cessé d'adresser aux fidèles des conseils par dictés le pur esprit de l'Evangile. Je voudrais pouvoir citer tout entière la noble lettre pastorale que S. E. le Car- dinal Mercier, archevêque de Malines, adressait aux fidèles le jour même où Belgique devait la recevoir le fatal ultimatum; c'est celle d'un père s'attendrissant sur les enfants appelés par le de- mères qui voient partir leur voir, et aussi sur les fils. Il glorifie le courage de ceux-là, à la douleur de celles-ci, pour les uns et pour son regard par delà patrie, et se il les l'Eglise universelle, il Voyez pp. 200, est ajoute « Elargissez votre charité, (1) 201, 202. : frontières souvenant qu'il s'associe décide des prières autres les il un puis, jetant de l'étroite des chefs de : nos très chers frères, LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 196 priez pour tous ces braves, à quelque nation qu'ils appartiennent, qui exposent leur vie, Timmolant ou l'ont Le 11 immolée déjà au service de août, il nouveau à son s'adresse de se réjouit de leur zèle, Il lignes leur mission de la Patrie (1). » il clergé. leur trace à grandes dévouement pendant les jours d'épreuve de la patrie, tant aux aumôniers le devoir pastoral dans leurs paroisses. Ceux-ci, dit-il « ont aussi une qu'aux prêtres retenus par mission patriotique à remplir. Qu'ils se dévouent aux troupes cantonnées dans leurs paroisses, qu'ils tions, maintiennent le sang-froid de nos popula- encouragent à terminer les les récoltes, consolent les familles inquiètes ou éplorées, éclairent la piété des fidèles, contiennent certaines ardeurs inconsidérées à Végard de ceux que nous avons Et la douleur de devoir appeller nos ennemis. » la lettre continue ainsi, sans une parole amère pour l'envahisseur, rien que des expressions de mansuétude Et cette et de charité. admirable lettre du 14 août, toute vibrante d'enthousiasme patriotique et d'indéfectible espérance, qui a fait passer un frisson sacré à travers la nation entière, elle aussi ne parle que de dévouement, de (1) XX« Siècle, 4 sacrifice, août 1914. d'union des âmes LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE dans Tamour de On la relira dans de confiance dans la patrie, triomphe du droit et dans 197 la protection de Dieu. plus tard, on l'apprendra par les écoles, et les détracteurs du cœur clergé belge comment le chef de ce clergé a son peuple succombait l'heure où sauront à le l'iniquité triomphante. L'histoire dira parié sous que jamais langage plus noble et plus élevé n'a été tenu à une nation éprouvée. Et ce langage du Cardinal Mercier, c'est celui A l'heure où de tous ses frères dans l'épiscopat. peut-être de toutes les bouches belges sortaient des cris d'indignation, le clergé a su s'élever jus- qu'à cette hauteur morale sublime où la charité ne voit dans l'ennemi qu'un le vénérable évêque de Gand frère, et l'on s'écrier notre cœur se réjouit de voir le la générosité avec lesquels : « entend Combien zèle, la libéralité, de tous côtés, dans notre ville épiscopale et dans la plupart de nos provinces, on prépare des locaux pour y secourir les soldats blessés, Belges (1) )) tant les étrangers 4W^xr"ir^-^ :. que les ---'::---: Et qu'on ne vienne pas dire que dans ces manifestations solennelles il de l'épiscopat belge n'y a autre chose que des paroles sans effica- cité. (1) Le clergé belge écoute la voix Volksstem, 23-24 août 1914. de ses évêques LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 198 n'y en a pas de plus discipliné); (il retentir cette voix conformé en est dans tous a fait il les villages, il s'y esprit et en vérité. Je défie ses calomniateurs prussiens de trouver un seul curé belge à qui ils puissent reprocher d'avoir excité leurs fidèles au lieu de les calmer, et je pense j'attendrai relevé. avant que ce longtemps défi que soit Pour ne parler que de mon expérience personnelle, dans la paroisse que j'habite, pen- dant trois dimanches consécutifs, j'ai entendu du mêmes paroles de paix et de mansuétude, les mêmes exhortations au calme et à la prudence, les mêmes recommanhaut de la chaire tomber les dations d'accueillir l'ennemi avec politesse, de ne pas lui refuser ce qu'il demande, de se vis-à-vis de lui de toute attitude hostile garder ou fron- deuse. C'était le doyen d'Assche qui parlait ainsi aux fidèles, mais il tenait le même langage aux prêtres de sa circonscription, et tous se sont con- formés scrupuleusement à ses intentions. Aussi, dans sa lettre pastorale de Noël 1914, le cardinal Mercier a-t-il rendu lennel témoignage que voici à son clergé le so: Vous avez beaucoup souffert. Vous avez été durement calomniés. Soyez patients. L'histoire (( vous vengera. Dès aujourd'hui, témoignage. Partout où je les populations, le clergé, l'ai j'y apporte mon pu, j'ai interrogé notamment un nombre LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 199 déjà considérable de prêtres qui avaient été déportés dans les prisons sentiment humanitaire, d'Allemagne auquel je et me qu'un plais à rendre hommage, a remis en liberté. Or, j'affirme sur l'honneur foi et je suis du serment, que rencontré un prêt à déclarer sous la je n'ai pas jusqu'à présent seul ecclésiastique, séculier ou ré- gulier, qui ait excité la population civile à se servir au con- d'armes contre l'ennemi. Tous, traire, ont obéi fidèlement aux instructions épisavaient reçues dès les premiers copales qu'ils jours d'août, et qui leur prescrivaient d'user de leur influence morale auprès de nos populations pour les porter au calme et au respect des règle- ments militaires. « Persévérez pour vous la dans ce ministère de paix, qui forme la est plus saine du patrio- tisme (1). » Prêtres et religieux fusillés 1. fj. — Diocèse de Malines. L'abbé Lombaerts, curé de Beven-Loo; L'abbé Goris, curé d'Autgaerden; (1) Lettre pastorale de (2) Liste publiée par le cardinal archevêque de lines 'Noël, 1914, p. 18. dans sa lettre pastorale de Noël 1914, p. 65. Ma- 200 LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE L'abbé De Clerck, curé de Bueken; L'abbé Dergent, curé de Gelrode; L'abbé Wouters, curé de Pont-Brûlé; L'abbé Van Blaedel, curé de Herent (71 ans) ; Le P. Dupierreux, de la Compagnie de Jésus; Le Fr. Sébastien Allard, de la Congrégation des Joséphites ; Le Fr. Candide, de la Congrégation des Frères de la Miséricorde; Le P. Maximin, capucin; Le P. Vincent, conventuel (de nationalité landaise) hol- ; L'abbé Carette, professeur au collège épiscopal de Louvain. 2. — Diocèae de Liège. L'abbé Labeye, curé de Bligny-Trembleur L'abbé Thielen, curé de Haccourt; L'abbé Janssen, curé d'Heure-le-Romain; L'abbé Chabot, curé de Forêt; L'abbé Dossigne, curé de Hockai; L'abbé Ransonnet, vicaire d'Olne. 3. — Diocèse de Tournai. L'abbé Druet, curé d'Acoz; L'abbé Pollard, curé de Roselies. ; LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 4, 201 — Diocèse de Namur. L'abbé Schloegel, curé d'Hastière; L'abbé Gilles, curé doyen de Couvin; L'abbé Piéret, vicaire à Etalle (pendu) ; L'abbé Alexandre, curé de Mussy-la-Ville; L'abbé Poskin, curé de Surice; L'abbé Hotlet, curé des AUoux; L'abbé Georges, curé de Tintigny; L'abbé Glouden, curé de Latour; L'abbé Zender, curé retraité à Latour; L'abbé Bilande, aumônier des sourds-muets à Bouge; Le Le Le Le R. P. Gillet, bénédictin de Maredsous; R. P. Nicolas, prémontré de Leffe; curé d'Anthée; curé d'Onhaye; L'abbé Gaspard; Le Fr. Célestin Boné, prémontré, 74 ans; Le Fr. Jean Antoine Bovy, prémontré, 60 ans; Un Frère de la Congrégation des Oblats; L'abbé Docq. Aucun été aucun mauvais traitement n'a épargné aux membres du clergé. Il faut lire dans les blessé, un outrage, rapports le supplice du curé de Buecken, mené par des soldats qui lui avaient fait cortège dérisoire, trois fois relâché et repris LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE 202 du 21 août au 26 août, et, après plusieurs jours de supplice qui ont fait de lui la parfaite image de Jésus supplicié au Calvaire, fusillé le 27 août (1). un vieillard maladif, le plus doux des hommes; on lui avait donné pour coadjuteur un C'était conventuel de Louvain, le Père Vincent, de natio- nalité hollandaise, qui partagea son sort. Le sup- du curé de Hérent n'est pas moins révoltant, dans la relation que nous en a faite son vicaire, plice M. l'abbé Kuypens. Il des maintenant reste faits, établi, par celui du par cardinal le témoignage Mercier, par l'enquête des prêtres allemands et par les déclarations des autorités allemandes elles-mêmes, que les accusations lancées contre le clergé belge sont Teotha, pp. 196-197, raconte ainsi la mort du curé de Buecken. «Dans une tranchée aux environs de ce village, les Allemands remarquent que les Belges tirent mieux (1) que d'habitude (tout le monde sait que les Belges tirent mal on envoie une patrouille s'enquérir de la cause du fait; on s'aperçoit que l'église est reliée par un fil; ! ) ; on enfonce la porte, et dans assis devant un téléphone tillerie belge. {In l'église on trouve le curé et dirigeant le feu de l'ar- der Kirche sass der Herr Pfarrer an und On met einen Telephon dîrigierte die 8ch4lsse de Belgischen Artillerie,) le feu à l'église et bientôt se balance entre ciel et terre. M. le curé LE GUET-APENS PRUSSIEN EN BELGIQUE autant d'atroces calomnies. ces calomnies ont trouvé 203 Quand on pense que pour organe la bçuche plus auguste de l'Allemagne et que tous les la journaux prussiens les ont répétées aux soldats allemands qui sévissaient en Belgique, comment défendre de faire remonter plus haut se la res- ponsabilité des assassinats de nos prêtres martyrs ? Oui, à n'en pas douter, c'est après la lecture du manifeste de leur empereur et des journaux de leur pays que les officiers allemands ont vu un rouge, et qu'ils ont cru remplir devoir patrio- tique en passant par les armes, les membres de ce clergé perfide et inhumain, qui poussait les populations à tirer sur eux et de batailles faisait arracher les sés par des Que le filles qui sur les champs yeux à leurs bles- de 14 à 15 ans. sang de nos martyrs sacrés retombe donc sur vous, ô empereur Guillaume, et sur vos journalistes, dont les mensonges ont armé têtes, le bras des meurtriers et pressé la détente de leurs fusils. Et que vous gardiez cette tache pour vous seul, ô empereur, ou que vous la partagiez avec vos complices, vous en laver elle n'est il ; elle au pouvoir de personne de pèsera sur vous dans ce monde, descendra avec vous dans le tombeau, elle vous accompagnera au jour du jugement devant le tribunal de Dieu. La Tragédie d'Aerschot 15 La Tragédie Dans truites le sinistre par les catalogue de villes belges dé- Allemands, un de ceux qui évoquent venirs. d'Aerschot. le les nom d'Aerschot est plus douloureux sou- n'a pas suffi aux envahisseurs de Il mas- sacrer sa population et d'incendier ses maisons; ils ont voulu encore, norer leur victime prétextant qu'elle comme à Louvain, désho- eux-mêmes en avait mérité son sort. Pendant et se disculper près d'une année, toute la presse allemande a été remplie d'une légende d'après laquelle un général allemand, qui dînait chez été tué en pleine table par le bourgmestre, avait le fils de celui-ci, qui aurait déchargé son revolver sur lui à bout portant. Un impuni : si infâme assassinat ne pouvait rester la destruction de la ville et le massacre de ses habitants pouvaient seuls l'expier. mandera le peut-être s'il On de- ne suffisait pas d'immoler coupable; mais la doctrine prussienne, for- mulée par les les officiers, généraux et mise en pratique par veut que des villes entières périssent LA TRAGÉDIE D'AERSCHOT 208 pour venger Aerschot s'est aujourd'hui mort d'un seul soldat allemand. la vu appliquer la loi du la méthode. On trouve talion barbare; c'est sans doute parce qu'elle est trop humaine. De dans la presse, les la légende a passé d' Aerschot tranchées; toute l'armée allemande l'a redite avec horreur. Dix jours après le fait, des soldats logés chez moi me l'ont apprise; ils la tenaient pour lettre d'évangile. Encore aujourd'hui, elle fait loi; elle est déjà passée dans les livres populaires et demain comme elle sera, de l'incendie de Magdebourg par Tilly, dogmes protestants qu'on met des ces celle un de siècles à extirper de Thistoire. J'ai voulu, événements, mon au cours de mes enquêtes sur me renseigner moi-même les et j'ai fait enquête. J'ai interrogé tour à tour le doyen d' Aerschot, ses vicaires, le directeur du collège épiscopal et des professeurs, le juge de paix, le greffier de la justice de paix, l'inspecteur can- tonal l'imprimeur scolaire, rieure de l'hospice. Tuerlinx, Chacune de la supé- ces personnes m'a remis un rapport détaillé. J'éprouve besoin de faire une déclaration. le Souvent j'ai été dant récit le ému jusqu'aux larmes en enten- de tant de douleurs imméritées, mais ce qui m'a touché plus que dire, ce sont les sentiments que je ne pourrais je remarquais. LA TRAGÉDIE d'AERSCHOT Î^^OO Plusieurs de ces témoins étaient tristes jusqu'à la mort, ayant perdu tout ce qu'ils avaient de aucun d'eux n'a proféré une parole d'amertume contre les bourreaux ces âmes chrétiennes ne connaissaient pas la vengeance. La simplicité cher; : de leur modestie de leur héroïsme méri- foi, la taient ce témoignage. L'accent de la vérité était sur les lèvres dans leurs expressions une sin- et cérité inimitable. J'ai utilisé aussi de M^^ Tielemans, la lettre veuve de l'infortuné bourgmestre d'Aerschot, les trois et rapports de la commission d'enquête instituée par gouvernement belge. le Un ami, M. l'abbé van Buggenhout, qui a été six ans professeur à Aerschot visite assidûment renseignements et qui, établi à Louvain, la petite ville, a complété ces par des indications nouvelles. Les Allemands faisaient la deuxième enquête pendant que je faisais la mienne. Grâce à tout cet ensemble, je toire me flatte d'écrire une page d'his- qu'on pourra compléter, mais qu'on n'effa- cera pas. I Aerschot est une vieille cité brabançonne de 8,000 habitants située sur mi-chemin entre les villes le Démer. à peu près à de Louvain et de Diest, de chacune desquelles elle est à une distance de LA TRAGÉDIE d'AERSCHOT 210 quinze kilomètres. C'est un avec justice de paix inspection scolaire. Elle et chef-lieu de canton, possède une belle grande église gothique en grès ferrugineux de Diest, un collège épiscopal, un asile de vieillards tenu par trois sœurs de l'hô- un hospice, un couvent des Pères de Picpus, un béguinage, aujourd'hui sécularisé, mais reconnaissable à son humble et touchante archipital, tecture. champs Alentour : règne la profonde paix des séjour idyllique et plein de beaux vieux arbres, de prés verts et de superbes moissons, l'on rêverait de couler où une existence de paix, loin des fumées de l'industrie et des bruits de la ville, au milieu d'une population religieuse paisible. Aerschot, écartée des voies circulation, même de un peu ignorée en était la et grande Belgique, des historiens, car, ainsi que les peuples heureux, elle n'avait pas d'histoire. Les archives ayant péri dans l'invasion, elle n'en aura jamais, sinon celle de ses jours suprêmes que je raconte aujourd'hui. Aerschot, depuis le commencement de la guerre, partageait les angoisses patriotiques de toute la population belge. Il s'y trouvait trois ambulances: l'une à l'hospice, l'autre chez les sœurs des écoles, une troisième chez les Pères de Picpus. Son bourg- mestre, M. Tielemans, sénateur suppléant, avait tout fait pour maintenir la tranquillité. M. Tiele- LA TRAGÉDIE D'AERSCHOT mans était dévoué corps âme et 211 à sa ville. C'était, au témoignage de tous ceux qui m'ont homme irréprochable, administrateur parfait. un modèle, un un chrétien La proclamation 5 août peut être considérée le de dignité trés et de prudence. au calme, tâche de les Il parlé, qu'il lança comme un modèle y exhorte ses adminis- rassurer et ne prononce pas une parole blessante pour l'ennemi. Lisez ces dernières paroles de l'homme de bien à ses concitoyens (( La : L'Allemagne est en guerre avec notre patrie. situation est grave, mais peut-être moins in- quiétante pour notre ville que pour d'autres localités. Restez donc courageux, calmes et dignes, mais aussi prudents, afin une situation « d'éviter à notre ville pire. Pas d'actes hostiles, pas de cris hostiles, pas de démonstrations hostiles contre l'étranger! « Facilitez et soutenez la tâche des autorités, de du bourgmestre. « Tous, la main dans la main et les cœurs pour l'ordre public et pour la paix! la police, « Montrez-vous aussi pourraient tomber dans ficiel est déjà créé Tous unis, tous (( Vive Le 10 la généreux envers ceux qui le besoin; un comité pour leur venir en « unis, of- aide. frères, tous patriotes! Belgique! » août, le bourgmestre revenait à la charge LA TRAGÉDIE D'AERSCHOT 212 par une seconde proclamation. La situation avait empiré; mais ses recommandations mêmes: « restent les Reprenez vos occupations, défiez-vous des faux bruits et ne croyez que les nouvelles offi- Abstenez-vous de toute hostilité contre cielles. troupes étrangères, si elles passent ici; les l'armée seule a le doit de se servir des armes contre l'en- nemi. » Ces deux proclamations furent distribuées à domicile purent et affichées les lire quand convaincre que le dans ils les rues; les entrèrent à Aerschot et se bourgmestre de créerait pas d'ennui tout en étant Le 13 ils Allemands cette ville bon ne lui patriote. août, les Belges vinrent à Aerschot; le 18, reçurent du renfort, mais il était impossible de tenir et déjà passait la triste procession des fugitifs; quelles il racontaient des scènes de violence aux- ils on ne voulait pas croire. Le lendemain y eut un combat après lequel les Belges, 19, se voyant débordés, se retirèrent en bon ordre en continuant le feu. la ville vers Les Allemands pénètrent dans huit heures; Pères de Picpus, les ils font prisonniers les rangent au mur et semblent vouloir les fusiller, lorsqu'arrive une automobile belge blindée qui tua beaucoup de nemi monde à l'en- le 9® et le 24^ de ligne campés Longdorf Dans la confusion qui s'ensuivit, l'ennemi oublia les Pères de Picpus. Cet et dégagea entre Aerschot et . 213 LA TRAGÉDIE d'AERSCHOT intermède a duré une dizaine de minutes; Tauto se retire, les Allemands reviennent, selon leur et, habitude, font payer cher aux habitants la résistance des soldats belges. Le premier qu'ils trou- un simplot sourd-muet, qu'ils tuent; puis, dans la rue du Chantier, ils arrêtent encore six autres hommes. Ils les emmènent, tandis que les femmes les suivent vèrent devant sa porte est en pleurant, et enfoncent Ils de la le drapeau belge et qu'on a tiré sur les ils ; en font sortir maisons en l'église eux; en pleine rue (1). tue les coups à de tour on hache de où ils vont envahissent les ils les la porte arracher toutes les hommes, prétendant poussent devant eux, forçant de tenir les mains levées, jusqu'au bord du Démer, où quinze cents. On ils nombre d'environ on les menace, on les sont au les injurie, force à lever, puis à baisser les mains, à vider leurs poches, à y remettre ce qu'ils en ont retiré; on leur chante Un la gloire vieillard reçoit de la grande Allemagne. un coup de crosse et tombe.Les malheureux sont tenus ainsi jusqu'à une heure et demie du matin. Les soldats semblaient des valets de bourreaux. Finalement arrive le bourgmestre, M. Tiele- mans, accompagné de deux officiers supérieurs. (1) Vers onze heures, dit M. le doyen. Il 214 LA TRAGÉDIE D'AERSCHOT exhorte les gens à livrer leurs armes, à ne pas former de rassemblements, à être bien tranquilles; après quoi, on lâche les prisonniers. S'il n'y avait pas eu sept victimes innocentes massacrées dès le début, et si les soldats n'avaient déployé ce zèle féroce, on aurait but des Allemands pu croire que le était d'intimider la population par ce déploiement de menaces de rigueurs. Mais l'impunité des outrages subis par la population des épisodes laissait carte de pillage montrent qu'on isolés blanche à la soldatesque. Tout resta calme jusqu'à la soirée. heures, la place du Marché présentait inaccoutumé: et Vers six un aspect remplie de plus de deux elle était mille soldats, de chariots et de caissons, de che- vaux; trois officiers se tenaient sur maison du bourgmestre et le balcon de la regardaient les soldats qui, encouragés par les officiers, tiraient en l'air et faisaient un grand vacarme, pendant que bourgmestre, sur son cigares. Mme Comme les seuil, leur officiers distribuait des le regardaient, Tielemans persuada à son mari de rentrer. La pétarade continuait sur la place, lorsque sou- dain l'un des trois officiers s'affaissa: d'être atteint Que A le il venait par une balle et était tombé roide mort. s'était-il passé? première vue, mettre qu'une balle il semble tout naturel d'ad- — une des innombrables balles LA TRAGÉDIE d'AERSCHOT que les soldats perdue à un coup de feu d'aucun Allemands s'était venue frapper Tofficier. De sup- c'était l'esprit — envoyaient dans les airs et était poser que 215 l'ont homme dit, ne viendra belge, de bon sens. Si les parce qu'ils voulaient c'est éviter le reproche de cette indiscipline: il ne fallait pas qu'on pût dire qu'ils se canardaient mutuel- comme lement, ils l'ont fait Le coup de feu absurde de est nommer à Louvain.. donc parti de chez eux ici le fils ; est il du bourgmestre, enfant de quinze ans, frêle, délicat, qui n'avait jamais manié d'armes. Mais l'explication vraie est moins simple. M. Tuerlinx, imprimeur et papetier, demeure sur la place du Marché, à peu près en face de maison du bourgmestre, qui occupe un des était Il dans son atelier lorsque le fusillade l'attira dans son magasin. six ou leur sept soldats qui avaient fusil sur direction de la pelle appuyé il vit le canon de avait reçu dans son entretenus amicalement avec lui et qui, main. Etait-ce eux qu'il voyait tirer? cas semblable est cité par s'étaient en tant, l'avaient appelé frère et lui avaient (Officier tué alors Il un chariot et tiraient dans la maison du bourgmestre. Il se rap- que peu auparavant Un coins. bruit de la magasin plusieurs soldats polonais qui (1) la le quit- donné (1) Waxweiler, par un soldat allemand). la p. 171 LA TRAGÉDIE D'AERSCHOT 216 II La mort du major fut le signal d'un déchaînement subit. Soit qu'on ait donné le mot d'ordre, soit qu'ils aient agi spontanément, débandent pour brûler, détruire Pendant que toute saccagée, hommes la ville massacrer. et d'Aerschot était ainsi incendiée, pillée, les soldats se on arrachait des maisons, on les accablait de coups et d'injures. Ils furent réunis sur la place on ché, et de là le dos, les hors les ville, mena, pour les mains du mar- liées derrière être fusillés. Il y eut deux fournées de victimes. La première était composée de soixante-dix-huit personnes, placées sur plusieurs rangs. fossé et on comme cela On force les premiers à sauter le les fusille à travers le pendant prend beaucoup de tas'. tempis, on fusille Trois parviennent à s'échapper nommé Paul Verlinden, un autre troisième, qu'ils sautent; mais, un employé : Carette et le des tramv^ays. C'est par ceux-ci que l'on peut être renseigné. Le seconde fournée emmenée plus tard sur la chaussée de Louvain, un peu plus loin que la première. Deux de mes bailleurs de renseignements en faisaient partie, le greffier De Prêter et l'imprimeur Tuerlinx. cédait; il fut Un officier à cheval pré- faisait arrêter les prisonniers maisons incendiées. Il y en avait, devant les au début, qua- LA TRAGÉDIE D'AERSCHOT 217 rante environ; mais de nouveaux arrivants portèrent ce chiffre à plus du double. De Prêter Tuerlinx virent arriver le bourgmestre, son les mains et son frère, qui avaient liées et fils sur le dos avec des cordes de chanvre; le greffier a conservé la sienne et me l'a On montrée. les fit se coucher à terre. Le lendemain au matin arrivent sept officiers; parmi eux un blanc-bec, qui est au courant de tout. Il y a un accusateur; rogé, ainsi Un entendu. cette que son sombre trait le frère, bourgmestre mais est inter- le greffier n'a pas d'une grande noblesse brille sur histoire: Achille Claes élève la voix un du bourgmestre, mais j'affirme sur l'honneur que celui-ci a fait tout ce qui était en son pouvoir pour engager les habitants à déposer leurs armes à la et dit: « Je suis gendarmerie mandes. et à adversaire politique bien recevoir les troupes alle- » Les officiers se retirent et, au bout d'un quart d'heure, viennent dire qu'un sur trois des pri- sonniers sera fusillé, plus le bourgmestre, fils et son frère. On choisit de préférence son les jeunes; on les fait mettre sur trois rangs. Tuerlinx voit avancer son fils Bruno, âgé de dix-huit ans; il fait valoir qu'il est Rouge, lui sert. Aux fait membre de la Croix- montrer sa carte de route rien ne : épargnés, on fait défense de se retour- LA TRAGÉDIE D'AERSCHOT 218 ner; les autres sont une emmenés en haut du champ; puis quelques coups isolés. Des bour- salve, geois survivants sont forcés, de huit à dix heures, à enterrer les victimes. Pendant que périssaient on et les habitants, on pillait brûlait la ville. Quatre cents maisons furent On ne incendiées. épargner telles sait pas les raisons qui ont fait rues et condamner une rue entière qui Parfois, c'est autres. telles détruite est des deux côtés, et une odeur acre de fumée encore au ruines; des ailleurs c'est, sort milieu d'un groupe de maisons sauvées, une, deux, trois maisons détruites. y a eu sans doute ordre d'en détruire Il dès : quatre heures, des officiers avaient pendu des ordres incendiaires au probablement mur du les soldats jardin du juge, et en auront ajouté à leur choix, au gré de leur caprice; c'est ce vu réalisé à Louvain. l'hôtel de ville, bourgmestre Sur mais on a épargné et toutes les autres. Il de préférences dictées par les petits torche du juge est et la place, ont été traités égalitaire. On les la a. j'ai détruit maison du n'y a pas eu conditions sociales: comme a on que les détruit grands; la la maison de l'inspecteur; on a épargné celle du greffier et le presbytère. La rapidité de l'incendie et la destruction radi- cale de tout le contenu des maisons aurait quel- LA TRAGÉDIE D'AERSCHOT que chose qui que tient les incendiaires du prodige, si 219 Ton ne savait pratiquaient leur métier avec une éducation une dextérité attestant Des acides, des pastilles de fulminants, des infu- spéciale. sions de benzine et autres matières inflammables sont dans lancées meubles mis en tout flambe que lorsqu'il J'ai vu subitement ne me l'armée souvent les tas et les tentures jetées dessus lui et ne feu le reste plus : s'éteint rien à dévorer. Termonde cela à Louvain, à partout je de maisons, les et ailleurs, et suis convaincu de la supériorité allemande dans l'accomplissement d'une besogne qui semblait réservée aux brigands de grand chemin. L'incendie a épargné une partie de la ville; le pillage n'a rien épargné. Je suis entré dans plu- sieurs maisons à la flamande: il ne s'y trouve plus rien que des meubles de première nécessité, achetés à la hâte, vu le coffre-fort où Au presbytère, j'ai totalement détruit; on en a volé les titres et détruit la paroisse. l'on a pu. ou lacéré les belles archives Le doyen n'a plus ni meubles, ni rien. Dans la de linge, ni livres, ni maison du beaux meubles réduits en morceaux; greffier, de les tableaux arrachés de leurs cadres et enlevés. Chez l'impri- meur Tuerlinx toutes les marchandises qu'on n'a pas cru devoir voler ont été lacérées, souillées, jetées en un tas et, pour qu'il n'en échappât rien. LA TRAGÉDIE D'AERSCHOT 220 on la les a inondées de l'encre qui se trouvait dans Au boutique. ment détruit; collège, le coffre-fort a été égale- tabernacle le forcé, pierre la d'autel de la chapelle cassée. Quant aux femmes, enfants a laissés vivre, on a commencé par dont on a brûlé l'église, et vieillards les trois qu'on enfermer à les massives portes. Là, toute cette population fut entassée pêle-mêle, du 21 au 27 (1), dans des conditions de promis- cuité et de malpropreté sur lesquelles il est préfé- rable de ne pas insister. L'église était souillée comme une écurie. Le 26, y fut amené le curé de Gelrode, M. Degout, fusillé le lendemain au coin d'une maison. tyr (2)i. Le Le l'église. 27, 28, Il passe pour être mort en mar- on tira des coups de fusil dans on conduisit tous les prisonniers par rangées de cinq à Louvain, pour voir brûler la Ce ville. les même jour, Pères de Picpus veau la et on emprisonne dans l'église quatre prêtres, puis de nou- population. Le 6 septembre, on emmène les Pères en Allemagne (3) avec cent^ vingt et un (1) Les plus jeunes furent emmenés en AUemagne, le 23 août. Voir la première lettre pastorale de S. E. (2) le car- dinal Mercier. (3) born. on Nous les retrouvons au Sennelager près de PaderUne relation allemande essaie d'expliquer pourquoi les a emmenés, mais ne parvient qu'à souligner l'odieuse iniquité de la mesure. (Voir Duhr, p. 48.) LA ÎRAGÉDIE D^AERSGHOT 2^1 bourgeois; on met en liberté les gens au-dessus de quarante-cinq ans au-dessous de quatorze. et Les soldats belges reprirent Aerschot 10 sep- le tembre, mais durent de nouveau Févacuer on cette fois, et, l'hospice insista partissent pour que Elles aussi. le sœurs de les décidèrent s'y après une longue hésitation: puisque les mands ont tout pillé et brûlé, maintenant? Et cidées. les Une c'est cette réflexion d'elle, tO'Utefois, Alle- vont-ils faire qui les a dé- voulut demeurer avec malades: sœur Ludovica; tint la que 13; elle demanda et ob- permission de rester. Quand les Allemands revinrent, encore des maisons, mais ils ne tuèrent personne. Pourquoi? La bonne sœur nous charmante simplicité: brûlèrent ils « C'est le avec sa dit que tout le monde s'était sauvé. » Aerschot est resté désert. L'hospice a été pillé cette fois; bière, on a pris le bien des malades le vin, la : quatre des plus belles vaches de l'étable. Quelques Aerschotois,qui s'avisent de rentrer, sont saisis comme espions et enfermés pendant huit jours, au pain et à l'eau, à Bruxelles. un père de Picpus ait été dite depuis célèbre la le Le 23 octobre, première messe qui 13 septembre, et le 6 décem- bre, le cardinal vient réconcilier l'église. 16 LA TRAGÉDIE D*AERSCHOT 222 Cet exposé ne serait pas complet d'ensemble, je n'ajoutais comme si, au tahleau épisode les des- tinées de quelques Aerschotois. Le doyen. — a passé la journée Il du 19 bulance des sœurs rue de l'Eternité; nuit chez lui sans être molesté et il à l'am- rentra la sans savoir ce qui se passait, sauf l'incendie. Les vicaires. — On vient lance, sans doute pour les chercher à l'ambu- les fusiller, dans la nuit du 19 au 20; ils passent la nuit dans la citerne d'une maison en construction, où l'on est au nombre de seize personnes; le doyen vient les rejoindre lendemain matin. Les quatre prêtres le s'y trouvent donc réunis; les laïques en soTtent le 20 pour fuir. Le juge. chez lui, — Plusieurs personnes dans l'espoir que sa position officielle les protégerait. à manger voyer s'étaient retirées Les Prussiens arrivent, demandent et à boire. les enfants, Un officier lui dit de ren- ce qu'il fait. A deux heures arrivent trois autres officiers. L'un d'eux lui dit « Quelle idée a de passer un ? eu votre roi de nous empêcher Nous aurions sous-officier lui dit perdu que : tout payé. » Plus tard, « Est-ce la tête? S'attaquer à la nôtre? » : Un que votre roi a une armée aussi forte autre vient lui réclamer du vin en lui mettant son browning au visage et part avec quatre bouteilles. Envoyé par cdui-ci, 223 LA TRAGÉDIE d'AERSCHOT un autre ou huit sous-officier arrive avec sept soldats, colle le juge que pendant revolver au mur en le menaçant du hommes les vident la cave. Puis les trois officiers reviennent en lui reprochant d'avoir donné de Talcool à leurs sol- Le dats. au moment où soir, les enfants allaient se coucher, ils voient l'incendie, puis la fusillade; pénètrent dans la maison les soldats le hommes juge avec trois extérieur, mains les einem mit geschossen en et saisissent qu'ils adossent au mur « Sie haben l'air : Mauser. Wir werden Sie todschiessen, Schweinhunde. » Ils les couchent en joue et leur lancent la baïonnette à de la poitrine. Bastiaens, l'un des trois un doigt hommes, parvient à s'échapper. Puis des soldats entraînent le juge; et les autres, armés de mèches spéciales, mettent une le feu aux quatre coins de la maison, avec dextérité telle que celle-ci flambe en moins de quatre minutes. Le juge est entraîné en l'air, macadam rière, dans un Sie crevassé; en route, un soldat, par der- porte trois violents coups de crosse le dos. officier Après vingt minutes, arrive à cheval : « frei. Wir haben » Et passent la nuit dans voisin. bras avec ses enfants sans souliers sur le lui sind les Le zu viel Gefangen ; le juge avec ses enfants un carré de pois, chez le lendemain matin, on vint le re- LA TRAGÉDIE d'AERSCHOT 224 prendre, disant qu'il a tiré siller; on l'emmène, on relâche. on qu'on va et enfin on le maltraite, s'en va à la recherche d'un Il une troisième l'arrête fois et le fu- est il le médecin; emmené dans un champ où se trouvent une cinquantaine de prisonniers, notamment son fils qui se jette h son cou en pleurant. Ce spectacle attendrit un chaudes larmes; peut-être officier qui pleure à pensait-il à ses propres enfants et à un sort sem- blable que pouvait leur réserver la guerre; les autres officiers semblaient s'intéresser à lui; comme fut envoyé au pain sec otage dans et à l'eau, une maison, nourri avec menace d'être fusillé à la première balle tirée par des civils militaires. Puis grandeur Le 21, et la il on le régala de discours sur la suprême recommandations à arrivée; champ, où pour le dans l'éternel repos. les le On vais traitement, et le soir ses fait subir on les main 22, le part aucun mau- ramène à l'église, deux autres enfants à moitié soldat apporte à boire et à larmes lui coulent et retient avec d'autres, l'y habillés. L'église fut bientôt bondée. un fait bourgmestre dormait déjà y nourrit, on ne leur où le juge retrouve il ses enfants, leur remet un portefeuille contenant 550 francs on ou des puissance de l'empire allemand. croit l'heure ses dernières il Vers minuit, manger; de grosses long des joues. Le lende- on renvoie d'abord les femmes et les LA TRAGÉDIE d'AERSCHOT 225 hommes enfants à dix heures, puis les au-dessus de cinquante-sept ans. Les autres devaient être emmenés en Allemagne. Une dame le juge veuf « Il est : et intercède pour père de trois enfants qui n'ont que lui. » Alors, rofficier le relâche. Le juge d'amis, et, 2S dans une maison reste jusqu'au l'après-midi de ce jour, il part avec «es enfants pour Louvain, sa ville natale, où demeure son frère. Louvain heures, matin, y arrivent à quatre heures; à huit Ils ils A flambait. du deux heures sont de nouveau arrêtés, mais sur l'af- firmation d'un soldat qu'ils sont des gens pai- on sibles, les laisse libres. Au matin, dans une bande de fuyards chassés au poing, vers le se jettent ils canal de Malines: revolver le ils étaient sauvés. ^ lène est la tragédie d'Aerschot. résumé, les destinées Une population mois. Hé- de la On y voit, en Belgique pendant des paisible, inoffensive, sans armes, se voit envahie par l'ennemi. Elle n'a'pré- paré que vivres, des mais ambulances; elle a le elle distribue malheur d'avoir été défen- due, et c'est ce qu'on ne pardonne pas. « Si civil ou un militaire L'exaspération de voir met de résister à la tire, un des un vous serez fusillés.» petit peuple qui se per- grande Allemagne; <( Etes-voiis LA TRAGÉDIE d'AERSCHOT 226 fous?» Puis, la platitude incroyable: ((Nous Les payé!» tout arbitraires: sévices aurions personnes égorgées, la plupart parce qu'un officier est tombé, sans qu'il y ait la moindre preuve contre les Belges. La discipline dans La le masquer un manque de en accusant les habitants. La férocité nécessité de supplice de cent quarante-neuf personnes. dans l'incendie. Le férocité enfin, pillage, qui ne laisse plus rien subsister. Tel est, d'après des témoignages nombreux, concordants et irréfragables, l'œuvre de la Elle est exemplative et vieil adage (( culture allemande on peut lui appliquer ». le : Ab uno disce omnes. Aerschot se relèvera de ses ruines et les pardonneront à leurs bourreaux. Mais victimes la tache infligée au blason de l'Allemagne n'en disparaîtra pas de tistes, sitôt. Travaillez, rhéteurs, professeurs, ar- à la laver vous n'y parviendrez pas. Les mains de l'Allemagne sont comme Macbeth : elles gardent celles la tache sanglante. de lady TABLE DES MATIÈRES Pages. Avertissement Préface de S, E, le cardinal Mercier Archevêque de Malines vu Avant-propos de Georges Goyau xv ^ Introduction Chapitre I. Chapitre II. xi 1 La neutralité beige depuis 1831. La Belgique à la veille de Tattentat. . 7 23 Chapitre IIL L* « ultimatum » allemand et la ré- ponse de Chapitre IV. la Belgique Comment les 38 Prussiens essaient de 52 justifier l'attentat Chapitre V. La résistance de la Belgique à l'attentat prussien 91 120 Conclusion Appendices I. : Comment TAllemagne a calomnié le Gou- vernement belge IL Comment r Allemagne a Nécrologe des Ilï. Comment 129 traité la Belgique. 161 de Belgique 176 villes et villages l'Allemagne a traité belge La tragédie d'Aerschot le clergé 191 207 En vente chez mêmes les — éditeurs : Bellemans (Alphonse). Victor-Jdcohs 1838-1891, Avec une préface de M. Woeste. ministre d'Etat. Gr. iA-8° de xvi-763 p fr. BuFFiN (Baron Camille). Documents inédits sur Id Révolution Belge, — — — ln-8** de 500 pages Chastel (Comte Adolphe du). i. — fr. 10 8 Les Hollandais ava/nt, peiidant et après la Révolution, D'après des souvenirs de — ~ In-12 Cinquante mois d'occupation allemande, par Louis famille. . Grille, phonse Ooms et Paul Delandsheere : Tome I, 1914-1915, 1 beau vol. in-8<» de 600 pages Tome II, 1916, 1 beau vol. in-8<* de 600 pages . Tome Tome fr. . . fr. . >. fr. 6 6 III, 1917, sous presse. IV, 1918, en préparation. Jules). Les derniers jours de Duffeh De Duffel à la Clinge. In-12 avec gravure ./ .fr. Henry (Albert). retour Un à la barbarie. La déportation des Ouvriers belges en Allemagne, In-8° fr. KuRTH (Godefroid). Les Origines de la Civilisation moderne,— 6* édition, 1912, 2 vol. in-8° de XL-340 et 304 p.,fr. Martinet (André). Léopold P^ et V Intervention française en 1831, Grand in-8^ de 315 pages fr. La seconde Intervention française et le siège d'Anvers 1832. Grand in-8« de 300 pages fr. La Mort et les Funérailles du roi Léopold II;' l'Avènement au trône du roi Albert, Quelques documents. I vol. in-4** de 244 pages, avec portraits hors texte fr. PouLLET (P.). Les Institutions frariçaises de 1795 à 1814, «Essai sur les origines des Institutions belges contemporaines». Grand in-8" de xii-976 pages fr. RoBiANO (Comte André de). Le Baron Lambermont, sa vie et son œuvre, Grand in-8'* de 246 pages, avec portrait, f r. Teronden (Ch.). Guillaume P', roi des Pays-Bas, de l'Eglise catholique en Belgique 1814-1830. 2 vol. in-8*'.de xxii-528 et 470 pages fr. Trannoy (Baron de), docteur en sciences politiques et commerciales. Jules Malou 1810-1810, In 8** de xvi-590 pages, avec portrait fr. T'Serclaes de Wommerson (Comte), général-major de l'armée belge et le colonel F. De Bas. La Campagne de 1815 auœ Pays-Ba^, d'après les néerlandais. officiels rapports Tome I : «Quatre-Bras» ; tome II «Waterloo»; tome III : ((Notes et plans». 3 vol. in 8® de 600 à 600 pages chacun, fr. avec cartes Gernaert (Lieutenant — — — 6 Al- — — . — — — . ...... • 1.75 2.50 10 5 5 — ..... — — — — 10 10 5 — .......... 10 — — . 8 — — : 25