Cas clinique C as clinique Combiner des stratégies pour obtenir le sevrage tabagique IP P. Guichenez*, A. Stoebner-Delbarre**, G. Germaini***, X. Quantin****, P. Godard**** N ous rapportons un cas de sevrage tabagique permettant d’analyser les différents outils validés qui sont à la disposition des tabacologues et qui permettent une prise en charge individualisée et optimisée. OBSERVATION Une femme de 43 ans, ayant commencé à fumer à 16 ans, consulte pour un sevrage tabagique. Elle est au stade de contemplation selon Prochaska et Diclémente. Elle a des antécédents de dépression traités par inhibiteur de recapture de la sérotonine (IRS). L’évaluation tabacologique : test de Fager ström = 6 ; HAD (hospital anxiety depression scale) = 14/5 ; Q-Mat de Legeron et Lagrue = 13/20 ; CO dans l’air expiré = 55 ppm. Elle a fait récemment une tentative d’arrêt d’un mois sous bupropion, avec une rechute liée à des troubles du sommeil, des troubles de l’humeur de la lignée dépressive et une prise de poids. Nous instaurons une stratégie thérapeutique qui comprend : – la réduction de la consommation par substituts nicotiniques oraux ; – l’augmentation de la motivation par la technique de la balance motivationnelle (avantages et inconvénients à continuer, à arrêter à court terme, et avantages à continuer à court terme versus inconvénients à continuer à long terme), par la technique de la mise en évidence des cercles vicieux et de la mise en place des cercles constructifs, ainsi que par le désamorçage des “je dois”, “il faut” et de la précipitation dans l’urgence ; – parallèlement, au vu des antécédents de dépression, il est nécessaire de prescrire un IRS quatre semaines avant le sevrage. La patiente est vue régulièrement une fois par semaine, la mesure du CO dans l’air expiré diminuant progressivement. Il est ensuite procédé à un sevrage avec un patch de 30 cm2 et des substituts nicotiniques à la demande ; – la poursuite du suivi régulier. Le sevrage est obtenu, et validé par le CO dans l’air expiré à 2 ppm à trois mois, six mois et un an. * Centre de tabacologie, centre hospitalier, Béziers. ** Épidaure-département de prévention, CRLC Val-d’Aurelle, Montpellier. *** Centre soleil Cerdan, Osseja. **** Service des maladies respiratoires, CHU de Montpellier. La Lettre du Pneumologue - Vol. X - n° 1 - janvier-février 2007 LPN 7-2007.indd 17 DISCUSSION Cette observation provoque une discussion quant aux outils à la disposition des tabacologues. Actuellement, la réduction de la consommation par substituts nicotiniques oraux permet une baisse du CO dans l’air expiré et une aide motivationnelle. Soixante-sept pour cent des fumeurs “réducteurs” sont plus intéressés par l’arrêt total au cours de la deuxième année (1). Quatre techniques sont décrites par C. Cungi pour augmenter la motivation : – la technique de la balance ; – la mise en évidence des cercles vicieux et la mise en place de cercles constructifs ; – l’histoire de la vie du patient et l’évaluation court terme versus long terme ; – le désamorçage des “je dois”, “il faut”, et de la précipitation dans l’urgence (2). Ces techniques ont permis chez notre patiente de passer au stade de la décision. La place des IRS dans le cadre du sevrage tabagique est actuellement validée dans des arbres décisionnels qui permettent le plus souvent un sevrage confortable (3) [dans notre cas, l’association d’antécédents de dépression et de troubles de l’humeur lors des sevrages précédents a permis de valider cette prescription]. Au stade de la décision, la substitution nicotinique doit être adaptée, l’association de plusieurs substituts (patch plus substituts nicotiniques oraux à la demande chez notre patiente), et doit être suffisamment prolongée en informant les patients des signes de sous-dosage (très fréquents) et de surdosage (4). Enfin, le suivi doit être maintenu pendant un an, avec possibilité d’appel téléphonique en cas de problème, notamment de “chute”, car, comme le dit G. Lagrue “il n’y a pas d’échecs mais des succès différés”. n références BIBLIOGRAPHIques 1. Wennicke P, Danielsson T, Landfelt B, Westin A, Tonnesen P. Smoking reduction promotes smoking cessation: results from a double blind, randomized, placebo-controlled trial of nicotine gum with 2-year follow up. Addiction 2003;98(10):1395-402. 2. Cungi C. Faire face aux dépendances. Paris : Retz, 2005. 3. Perriot J, Llorca PM, Boussiron D, Schawn R. Tabacologie et sevrage tabagique. Montrouge : John Libbey, 2003. 4. Lagrue G, Cormier S, Mautrait C. Les substituts nicotiniques, de la théorie à la pratique. Alcoologie Addictologie 2005;27:125–30. 17 16/02/07 10:22:52