Ruptures massives de la coiffe des rotateurs
Ruptures massives de la coiffe des rotateurs
Figure 1.
Nettoyage articulaire. A/ Acromioplastie. B/ Ténotomie
de la longue portion du biceps.
La Lettre du Rhumatologue - Supplément au n° 329 - février 2007
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Massive tears of the rotator cuff
Traitement chirurgical palliatif des ruptures de coiffe
Palliative surgical treatment of tears of the rotator cuff
IP G. Walch, E. Noël, J.P. Liotard, L. Nové-Josserand, A. Godeneche*
* Centre orthopédique Santy, Lyon.
POINTS FORTS
Le traitement palliatif, qui s’oppose au traitement curatif
(réparation tendineuse), est indiqué en cas déchec du trai-
tement médical et face à une rupture non réparable, dénie
par l’une des trois situations suivantes : patient trop âgé ou
pas assez motivé pour mener à bien une rééducation cor-
recte ; taille de la rupture trop importante ; présence d’une
inltration graisseuse musculaire supérieure au stade II de
Goutallier.
Les traitements palliatifs comprennent le nettoyage arti-
culaire sous arthroscopie, les transferts tendineux, les plasties
musculaires et les prothèses inversées.
Le nettoyage articulaire comporte l’acromioplastie et la
ténotomie-ténodèse de la longue portion du biceps ; celle-
ci est un traitement palliatif ecace sur la douleur, proposé
en cas d’échec du traitement médical pour une rupture non
réparable, et associé à une acromioplastie lorsque l’espace
sous-acromial préopératoire est supérieur à 6 mm.
Mots-clés : Traitement chirurgical palliatif Rupture de la
coie des rotateurs Ténotomie de la longue portion du
biceps.
Keywords: Palliative surgical treatment – Rotator cuff
tear – Tenotomy of the long head of the biceps.
L
e traitement palliatif soppose par définition au traitement
curatif, qui correspond à la réparation tendineuse. Il est
indiqué en cas d’échec du traitement médical et face à
une rupture non réparable, définie par l’une au moins des trois
situations suivantes :
Le patient est trop âgé ou pas assez motivé pour mener une
rééducation correcte. Il ny a pas de limite d’âge pour réparer une
coiffe, c’est pourquoi il faut toujours l’associer à la motivation ;
néanmoins, au-delà de 75 ans, les indications sont rares.
La taille de la rupture est trop importante, notamment lorsque
le moignon tendineux est rétracté au niveau de la glène.
Une infiltration graisseuse musculaire supérieure au stade II
(autant de graisse que de muscle) d’après Goutallier (1) ne peut
que s’aggraver malgré la réparation tendineuse et s’accompagne
d’un taux de re-rupture très élevé.
Les traitements palliatifs comprennent le nettoyage articulaire
sous arthroscopie, les transferts tendineux, les plasties musculaires
et les prothèses inversées. Nous insisterons sur les indications
et les résultats du nettoyage articulaire, qui comporte lacromio-
plastie et la ténotomie-ténodèse de la longue portion du biceps
(figure 1). Lexpérience clinique démontre en effet que la rupture
de ce tendon dans les ruptures anciennes de la coiffe est souvent
salvatrice, s’accompagnant de la disparition dune grande partie
des douleurs ; elle est bien acceptée sur le plan esthétique après
60 ans et na pas de conséquence fonctionnelle.
Nous proposons la ténotomie-ténodèse aux ruptures de coiffe
non réparables, douloureuses en particulier la nuit, et avec
des mobilités passives et actives symétriques. Lobjectif est de
supprimer les phénomènes douloureux, mais la ténotomie ne
peut redonner ni la mobilité passive (rééducation), ni la mobilité
active lorsqu’elle est perdue (épaule pseudo-paralytique).
Entre 1988 et 1999, nous avons traité 1 469 ruptures de la coiffe
des rotateurs (2) ; 1 079 ont eu une réparation à ciel ouvert et
390 (26,5 %) ont eu un traitement palliatif avec ténotomie de la
longue portion du biceps sous arthroscopie plus ou moins asso-
ciée à une acromioplastie ; 307 patients ont été revus, avec un
recul moyen de 57 mois (24-168). Lâge moyen était de 64,3 ans,
les femmes étaient majoritaires (56,7 %). Un tiers (110) ont eu
une acromioplastie associée. Le bilan préopératoire comportait
un score de Constant (3), le recueil des mobilités actives et
passives, des radiographies simples dans les trois rotations, et
74 % ont eu un arthroscanner ou une IRM pour évaluer l’infil-
tration graisseuse musculaire. Lors de la révision, le même bilan
(à l’exception du scanner et de l’IRM) était pratiqué.
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Ruptures massives de la coiffe des rotateurs
3,4
11
7,3
15
31,5
35,3
6
6,4
48,4
67,6
Figure 2.
Score de Constant.
18 % perdent 1 stade
Stade I Stade II Stade III
Stade IV a Stade IV b Stade V
5 % perdent 2 stades
1,3 % perdent 3 stades
0,7 % perdent 4 stades
Pas d'évolution dans 75 % des cas
2 % 7 % 0 % 2 %
7 % 12 %37 % 39 %54 % 40 %
Figure 3.
Arthrose selon la classication de Hamada : préopératoire
postopératoire.
La Lettre du Rhumatologue - Supplément au n° 329 - février 2007
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Avec un recul moyen de 57 mois, 9 cas (2,9 %) ont été réopérés,
3 pour une réparation de la coiffe, 6 pour une arthrose gléno-
humérale douloureuse justifiant la mise en place d’une prothèse
inversée : il s’agissait de 6 femmes d’âge moyen 75,6 ans au
moment de la ténotomie et réopérées en moyenne 4,5 ans
après celle-ci. Pour les malades non opérés, le score de
Constant est passé de 48,4 à 67,6 (p < 0,0001) [figure 2]. Le
score douleur (15 points) est passé de 3,4 à 11 et le score activité
de la vie quotidienne (20 points) de 7,3 à 15 (statistiquement
significatif). En revanche, les scores pré- et postopératoires
de mobilité et force n’étaient pas statistiquement différents.
Sur le plan subjectif, 86,5 % des patients se déclaraient “très
contents” etcontents”, 9,5 % étaient déçus et 3,9 % (incluant les
réopérations) se disaient “mécontents”. Lespace sous-acromial
est passé en moyenne de 6,6 mm en préopératoire à 5,3 mm en
postopératoire (p < 0,0001), diminution directement corrélée au
recul : 6,1 mm en moyenne pour un recul de 2 à 4 ans ; 5,2 mm
pour un recul de 4 à 6 ans et 3,9 mm au-delà de 6 ans de recul
(p < 0,0001) ; il n’y a jamais eu d’ascension rapide de la tête
humérale, le score de Constant et le résultat subjectif restaient
stables. Pour l’arthrose glénohumérale, analysée selon la clas-
sification de Hamada (4), il n’y a pas eu d’évolution dans 75 %
des cas ; 18 % ont perdu un stade, 5 % en ont perdu 2, 1,3 % 3
et 0,7 % 4 (figure 3).
Les résultats cliniques et radiologiques étaient fortement corrélés
à l’infiltration graisseuse musculaire préopératoire des muscles
de la coiffe. En particulier, l’infra-épineux apparaît comme étant
le dépresseur essentiel de la tête humérale (5) : l’espace sous-
acromial moyen passait de 10,5 mm en l’absence d’infiltration
graisseuse à 3,5 mm lorsqu’elle était de stade 4 (plus de graisse
que de muscle). Concernant l’acromioplastie associée, lorsque
l’espace sous-acromial préopératoire était supérieur à 6 mm,
les scores douleurs (p = 0,009), activité de la vie quotidienne
(p = 0,001), mobilité (p = 0,003), force (p < 0,0001) étaient
meilleurs en cas d’acromioplastie ; lorsque l’espace sous-acro-
mial préopératoire était inférieur à 6 mm, lacromioplastie avait
un effet néfaste sur la mobilité (p = 0,04), en particulier sur
l’élévation antérieure active (p = 0,003).
La ténotomie arthroscopique du biceps permet d’obtenir des
sultats cliniques très favorables en cas de rupture non réparable
de la coiffe des rotateurs. Le taux de complication et darthrose
secondaire est faible (2 %), avec un recul moyen de 5 ans. Les
résultats cliniques se maintiennent au-delà de 10 ans, même si
cette opération ne stoppe pas l’évolution arthrosique propre aux
ruptures anciennes de la coiffe des rotateurs. La déformation du
biceps en boule, observée chez 50 % des patients, na jamais été
une plainte chez ces malades dâge opératoire moyen de 64 ans.
La facilité de réalisation des ténodèses arthroscopiques permet
de réaliser une ténodèse chez les gens de moins de 60 ans pour
éviter cet inconvénient esthétique.
En conclusion, la ténotomie-ténodèse arthroscopique de la
longue portion du biceps constitue un traitement palliatif efficace
en cas de ruptures douloureuses de la coiffe (2) qui sera proposé
en cas d’échec du traitement médical pour une rupture jugée
non réparable, et associé à une acromioplastie lorsque l’espace
sous-acromial préopératoire sera supérieur à 6 mm.
références bibliographiques
1.
Goutallier D, Postel JM, Bernageau J, Lavau L, Voisin MC. Fatty muscle dege-
neration in cuff ruptures: pre and postoperative evaluation by CT-scan. Clin
Orthop 1994;304:78-83.
2.
Walch G, Edwards TB, Boulahia A et al. Arthroscopic tenotomy of the long
head of the biceps in the treatment of rotator cuff tears. Clinical and radiological
results about 307 cases. J Shoulder Elbow Surg 2005;14(3):238-46.
3. Constant CR, Murley AHG. A clinical method of functional assessment of the
shoulder. Clin Orthop 1987;214:160-4.
4. Hamada K, Fukuda H, Mikasa M, Kobayashi Y. Roentgenographic findings in
massive rotator cuff tears: a long term observation. Clin Orthop 1990;254:92-6.
5. Nové-Josserand L, Lévigne C, Noël E, Walch G. Lespace sous-acromial : étude
des facteurs influençant sa hauteur. Rev Chir Orthop 1996;82:379-85.
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