Soins Libéraux 37 Dépression du “senior” Une maladie curable Parce qu’ils ne sont pas toujours caractéristiques, les symptômes faisant soupçonner un début de maladie d’Alzheimer doivent, certes, interpeller le médecin, mais sans inquiéter inutilement l’entourage. En effet, beaucoup plus fréquente que l’Alzheimer est la dépression. L a dépression touche de une personne sur trois à une sur deux après 65 ans. Méconnus, les premiers symptômes inquiètent l’entourage, qui pense tout de suite à la maladie d’Alzheimer, fortement médiatisée ces derniers temps. La mémoire qui flanche Il est vrai que les deux maladies commencent souvent de la même façon : essentiellement une perte de mémoire. Ainsi, oublier un événement récent tout en se souvenant parfaitement de choses beaucoup plus anciennes. Par ailleurs, qui, sans réfléchir, sans prêter attention, ne fait pas certains gestes machinaux comme poser des clés, ranger des papiers et les oublier au point d’avoir ensuite des difficultés à les retrouver ? Jusque-là, rien de franchement anormal. La situation devient plus préoccupante si cela s’aggrave jusqu’à en oublier le prénom de ses petits enfants, par exemple. Là, il faut se poser des questions, les poser au médecin traitant en se gardant bien de réponses toutes faites. Perdre la mémoire ne signifie pas systématiquement démence de type Alzheimer. Même si, à ce trouble, s’ajoute une perte d’intérêt, une absence d’envie. En ce cas, une dépression doit être envisagée, car la maladie est fréquente (30 à 50 % des personnes de plus de 65 ans). Elle peut survenir spontanément, sans raison connue, comme après un choc affectif. Le trouble de la mémoire n’est pas lié ici à un trouble cérébral, mais à une perte de concentration, à un désintérêt portant sur les choses et les êtres. Sont aussi fréquemment présents une fatigue, qui débute le matin au lever et dure toute la journée, ou encore une perte de l’appétit, un trouble du sommeil, qui sont autant de signes de la dépression qui menace ou plutôt qui s’installe déjà. Le danger pour la personne est alors de se laisser glisser, de s’isoler du monde. Pour le Dr Duguay, gériatre : « La dépression guette particulièrement les adolescents, mais aussi les seniors, à ces deux moments charnières de la vie, souvent difficiles à aborder. Ainsi, sur le nombre de malades diagnostiqués, on considère qu’une personne de plus de 65 ans sur 6 vivant chez elle fait un état dépressif, une personne sur trois, si elle est à l’hôpital et une sur deux, si elle se trouve en maison de retraite ». Le Dr Duguay poursuit : « À son arrivée en institution, lorsque je constate que la personne a des difficultés d’adaptation, j’envisage d’emblée le diagnostic de dépression et la traite comme telle ; les résultats sont souvent excellents et relativement rapides, favorisant l’adaptation à de nouvelles conditions de vie ». allopathiques. Si les premiers médicaments existants de cette classe thérapeutique étaient plus ou moins dangereux, au point d’en limiter l’utilisation, ce n’est plus le cas des nouveaux, qui sont efficaces et ont un minimum d’effets secondaires. Ils aident à rétablir un équilibre au niveau de la transmission entre les neurones, faussée par la maladie. Ne causant que peu d’effets secondaires, ils peuvent être utilisés à tout âge. Il faut seulement bien suivre les indications énoncées par le praticien : les médicaments doivent être pris régulièrement en respectant les doses prescrites. Ils ne doivent jamais être arrêtés sans avis médical. Le traitement peut être long, parfois de plusieurs années, rarement moins d’une sans risque de rechute. Il est possible que, malgré toutes les précautions prises, un effet indésirable apparaisse, comme des vertiges, des tremblements, des sueurs, signes qui vont le plus souvent disparaître après quelques jours, et qui ne doivent jamais entraîner un arrêt médicamenteux spontané. Un traitement pris correctement, à doses efficaces et suffisamment longtemps permet de guérir d’une dépression. Alors que, conclut le Dr Duguay, « non traitée, la dépression peut conduire à des états suicidaires ». Jacques Bidart Diagnostic Le diagnostic doit être fait grâce à l’interrogatoire du patient. Tous les maux (mêmes petits) sont importants. Le repliement sur soi peut être lent et faussement attribué à la vieillesse. Ne rien faire par crainte d’un Alzheimer, c’est risquer de passer à côté d’une dépression, pour laquelle des traitements efficaces existent. Quels traitements ? D’abord et avant tout, la psychothérapie, qui sera fondée sur l’écoute. Parler, c’est faire le premier pas vers la guérison. Si les résultats ne sont pas suffisants, on peut alors s’aider de traitements antidépresseurs Êtes vous plutôt Alzheimer ? Un test simple à faire L’entourage demande à la personne de prendre connaissance de 5 noms communs écrits en majuscule sur une feuille de papier, comme : rose, camion, girafe, bonbon... La personne doit les lire, puis les répéter sans lire la feuille. Pour l’aider, on peut lui suggérer un indice : il s’agit d’une fleur ou d’un animal. Si ce test est mauvais, comportant plus de deux erreurs, il faut en parler à son médecin. Professions Santé Infirmier Infirmière N° 59 • novembre 2004