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La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIV - n° 10 - décembre 1999
ICAAC 99
BACTÉRIURIE ASYMPTOMATIQUE CHEZ LES FEMMES
DIABÉTIQUES
La bactériurie asymptomatique (BA), définie par la présence
d’au moins 105UFC/ml d’une espèce bactérienne chez un indi-
vidu, en l’absence de toute symptomatologie clinique, est fré-
quente chez les personnes âgées mais aussi chez les femmes
diabétiques. S.E. Geerlings et coll. (Utrecht, Pays-Bas [607])
ont trouvé une prévalence de BA quatre fois plus élevée chez
la femme diabétique (tableau I).
Dans cette étude prospective, multicentrique, 636 femmes dia-
bétiques (type 1, diabète insulinodépendant [DID] et 2, diabète
non insulinodépendant [DNID]) âgées de 18 à 75 ans étaient
comparées à 153 femmes non diabétiques. Les critères d’ex-
clusion étaient les mêmes pour les deux groupes : grossesse,
hospitalisation ou intervention chirurgicale datant de moins de
trois mois, malformation des voies urinaires, infection urinaire
symptomatique, utilisation d’antibiotiques dans les deux
semaines qui précédaient. Les auteurs ont pu ensuite dégager
des facteurs de risque de présenter une BA en comparant les
femmes diabétiques avec ou sans BA (tableau II) : ces facteurs
de risque de BA chez la femme diabétique sont l’âge, la durée
d’évolution du diabète, la présence d’une rétinopathie et d’une
macroalbuminurie, un indice de masse corporelle plus bas, et
une infection urinaire symptomatique au cours de l’année pré-
cédente. La distinction entre les deux types de diabète fait appa-
raître des différences : les mêmes facteurs de risque sont retrou-
vés pour les femmes ayant un diabète de type 2 (DNID), mais
dans le diabète de type 1 DID, ce sont la durée de l’évolution
du diabète, la neuropathie diabétique et la présence d’une
macro-albuminurie qui sont significativement associées à
l’apparition d’une BA.
Les mêmes auteurs vont suivre ensuite (604) ces femmes dia-
bétiques pendant une période de 18 mois, et évaluer les consé-
quences de la BA. Vingt pour cent d’entre elles vont présenter
une infection urinaire symptomatique au cours du suivi (14 %
des DID, 23 % des DNID) et principalement des infections uri-
naires basses : 111 cystites, pour 3 pyélonéphrites et 1 bacté-
riémie. Le risque de développer une infection urinaire symp-
tomatique est significativement plus élevé (p = 0,02) chez la
femme diabétique, lorsqu’elle présente une BA. La distinction
entre les deux types de diabète fait apparaître un risque signi-
ficatif pour les femmes atteintes de DNID, alors qu’il n’est plus
significatif en cas de DID. Dans cette étude, la fonction rénale
et le risque de complications micro- ou macrovasculaires ne
sont pas influencés par la présence d’une BA, au terme des
18 mois de suivi.
G.G. Zhanel et coll. (Manitoba, Canada [609]) ont rapporté
une incidence élevée de pyélonéphrites chez les femmes diabé-
tiques ayant une BA non traitée, et ont montré l’effet favorable
Infections urinaires
Tableau I. Prévalence d’une bactériurie asymptomatique chez les
femmes avec ou sans diabète.
Nombre de bactériuries asymptomatiques (%)
Femmes Diabète Diabète Femmes
diabétiques type 1 type 2 non diabétiques
(n = 636) (n = 258) (n = 378) (n = 153)
163 (23 %) 53 (21 %) 110 (29 %) 9 (6 %)*
*p < 0,001.
Tableau II. Facteurs de risque de bactériurie asymptomatique (BA) chez les femmes diabétiques.
Facteur de risque Femme diabétique p Diabète de type 1 p Diabète de type 2 p
(n = 636) (n = 258) (n = 378)
BA- BA+ BA- BA+ BA- BA+
(n = 473) (n = 163) (n = 205) (n = 53) (n = 268) (n = 110)
Âge moyen (ans) 50,3 56,6 < 0,001 40,3 43,1 0,82 58 63 < 0,001
Durée du diabète (ans) 13,1 14,9 0,07 17,9 22,4 0,02 9,3 11,3 0,05
Rétinopathie 119 (26 %) 57 (36 %) 0,05 56 (21 %) 34 (31 %) 0,04
Macroalbuminurie 18 (6 %) 18 (16 %) 0,002 8 (5 %) 7 (16 %) 0,02 10 (6 %) 11 (15 %) 0,03
Neuropathie périphérique 44 (23 %) 20 (40 %) 0,03
Indice masse corporelle 27,8 26,8 0,004 29,9 28,3 0,04
IU au cours de l’année 48 (18 %) 30 (27 %) 0,02
Groupe sanguin AB 4 (4 %) 5 (12 %) 0,07
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du traitement des BA sur la survenue de pyélonéphrites aiguës
et sur le nombre d’hospitalisations. Il s’agit d’une étude
prospective randomisée en double aveugle contre placebo, menée
chez 109 femmes diabétiques âgées de plus de 16 ans, ayant
présenté une BA sur deux prélèvements. Cinquante-sept d’entre
elles (groupe 2) ont été traitées par cotrimoxazole ou cipro-
floxacine pendant 15 jours et, par la suite, chaque nouvel
épisode de BA a été traité. Cinquante-deux femmes (groupe 1)
ont reçu un placebo pendant 15 jours, puis n’ont plus été trai-
tées, sauf en cas d’infection urinaire symptomatique. Un suivi a
été réalisé à J3, J14, J28, J42 puis les 3 mois pendant 36 mois.
Les deux groupes sont similaires en termes de moyenne d’âge,
type de diabète (DID et DNID), durée de suivi, nombre de
patientes évaluées à 12 mois, 24 mois et au-delà. Parmi les
52 femmes non traitées, 27 épisodes d’infection urinaire haute
sont à déplorer, contre un seul dans le groupe de femmes
traitées initialement puis lors de chaque épisode de BA. Les
femmes traitées ont donc moins de pyélonéphrites et sont moins
souvent hospitalisées que les femmes non traitées (tableau III).
La fonction rénale n’a pas été affectée, quel que soit le groupe.
L’incidence élevée des pyélonéphrites chez les femmes diabé-
tiques ayant une BA non traitée, résultat totalement différent
de celui de l’étude précédente, peut éventuellement s’expliquer
par une durée de suivi plus longue (36 vs 18 mois).
À la question de savoir s’il faut ou non traiter les BA de la
femme diabétique, cette étude permet de répondre par l’affir-
mative.
INFECTION URINAIRE SUR SONDE EN RÉANIMATION
L’infection urinaire est la troisième infection en réanimation.
Elle est associée à une cathétérisation des voies urinaires dans
à peu près 80 % des cas. E. Tissot et coll. (Besançon, France
[722]) ont suivi 149 patients hospitalisés consécutivement en
réanimation entre février et octobre 1998, et porteurs d’une
sonde urinaire. Le sex-ratio est de 1,9, l’âge moyen de 56 ± 18 ans,
le score de gravité simplifié (IGS2) de 43 ± 18 points, la durée
d’hospitalisation de 14 ± 13 j, la durée de cathétérisation de
15 ± 13 j. L’infection urinaire est définie par une bactériurie
105UFC/ml et < 2 espèces. L’incidence de l’infection urinaire
sur sonde a été de 29 %. Les germes en cause ont été Escheri-
chia coli (34 %), Pseudomonas sp (16 %), Enterococcus sp
(16 %),Candida sp (14 %), Staphylococcus coagulase négative
(6 %), Proteus sp (6 %), Klebsiella pneumoniae (2 %), Staphy-
lococcus aureus (2 %), Enterobacter cloacae (2 %), Strepto-
coccus sp (1 %) et Morganella morganii (1 %). En analyse mul-
tivariée, seuls une durée de cathétérisation supérieure à 11 jours
et le sexe féminin sont des facteurs de risque d’infection uri-
naire sur sonde (tableau IV). Une prise antérieure d’antibio-
tiques est un facteur très protecteur. L’âge, la durée d’hospita-
lisation en unité de soins intensifs, la sévérité de la maladie,
l’existence d’un déficit immunitaire, d’un diabète ou de troubles
neurologiques ne sont pas dans cette étude des facteurs de risque.
L’ablation précoce de la sonde urinaire doit être réalisée dès que
l’état du patient le permet.
P. Lecocq
Tableau III. Évolution comparative des infections urinaires en
fonction du traitement.
Paramètre Nombre (%) RR p
Groupe 1 Groupe 2
(n = 52) (n = 57)
Guérison à J42 4 (8) 37 (65) 10,51 0,0001
IU symptomatique
basse 21 21 1,07 0,8
haute 27 1 19,02 0,000003
IU symptomatique
1000 patients-jour
basse 0,47 0,43 1,20 0,39
haute 0,61 0,02 33,06 0,0001
Hospitalisation
pour IU 8 1 7,73 0,018
IU : infection urinaire ; RR : risque relatif.
Tableau IV. Facteurs de risque d’IU sur cathéter en réanimation,
étude multivariée.
Facteur de risque Odds-ratio IC
95
p
Durée de cathétérisation > 11 j 19,4 5,5-68,7 0,0001
Prise d’antibiotique antérieure 0,06 0,019-0,21 0,0001
Sexe féminin 5,1 1,86-13,5 0,001
IC : intervalle de confiance 95 %.
1 / 2 100%
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