La Lettre du Cardiologue - n° 316 - septembre 1999
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CŒUR ET CERVEAU
le risque relatif d’accident embolique de 49 % par rapport au pla-
cebo. L’essai SPAF II a évalué l’efficacité préventive de l’aspi-
rine et de la warfarine avec des résultats voisins pour les deux
drogues. Toutefois, le risque hémorragique fut inférieur chez les
patients de plus de 75 ans. L’aspirine peut être une solution rai-
sonnable chez les patients à risque hémorragique d’âge avancé.
En regroupant les résultats des essais, l’aspirine réduit le taux
d’AVC de 30 % et le taux de décès de 18 %. Chez les hyperten-
dus, le risque d’AVC est réduit de 59 %.
L’h éparine
En dehors de la phase aiguë d’un accident embolique, l’héparine
non fractionnée n’est pas utilisable au long cours. Aucun essai
n’a évalué l’efficacité des HBPM.
RISQUE DE DYSFONCTION VENTRICULAIRE
Les cardiologues portent actuellement beaucoup d’intérêt à
quelques formes de dysfonction ventriculaire réversibles induites
par les tachycardies atriales chroniques et la fibrillation auricu-
laire. Cette relation arythmie-dysfonction ventriculaire, décrite
pour la première fois en 1949 par Philips et Levine, pose le pro-
blème des cardiomyopathies rythmiques. La fibrillation en elle-
même peut produire une dilatation cardiaque progressive, avec
des altérations anatomiques qui prédisposent à l’insuffisance car-
diaque. Le dilemme classique est de discerner le facteur initial,
le point de départ : l’arythmie ou une atteinte myocardique latente
sous-jacente ? Les conséquences de la fibrillation doivent être
envisagées à deux stades : conséquences immédiates, consé-
quences tardives.
Conséquences immédiates
La perte de la systole auriculaire diminue le débit cardiaque de
15 à 20 % chez les sujets présentant un cœur normal, et entraîne
une baisse supérieure chez les sujets présentant une hypertrophie
myocardique ou des lésions ventriculaires. L’apparition de
l’arythmie complète prédispose aux insuffisances cardiaques
aiguës au cours des dysfonctions diastoliques, des cardiomyopa-
thies hypertrophiques, hypertensives, ischémiques ou restrictives.
Plusieurs éléments interviennent : la perte de la systole auricu-
laire, l’accélération de la fréquence cardiaque et l’irrégularité des
cycles cardiaques. Le coup de pompe induit par la systole auri-
culaire complète le remplissage ventriculaire en télédiastole et
contribue au maintien des pressions de remplissage à leur niveau
optimal. Il assure aussi la fermeture présystolique des valves auri-
culoventriculaires. L’accélération de la fréquence cardiaque a
pour conséquence un raccourcissement portant électivement sur
la diastole, et réduit le remplissage passif lent. La suppression de
la systole auriculaire augmente les anomalies hémodynamiques
et détermine une accélération inappropriée de la fréquence car-
diaque traduisant probablement une stimulation réflexe à point
de départ atrial. Il est aujourd’hui classique de souligner que le
retentissement d’une fibrillation auriculaire dépend de l’accélé-
ration de la fréquence cardiaque moyenne, mais aussi de l’irré-
gularité des cycles. Des travaux expérimentaux ont montré que
la perte de la contribution atriale est aggravée par l’irrégularité
du rythme stimulé, accentuant la baisse du débit cardiaque et fai-
sant apparaître des insuffisances mitrales. Tous ces facteurs inter-
viennent dans les insuffisances cardiaques rapides qui survien-
nent lors de l’installation de la FA dans les cardiopathies hyper-
tensives, ischémiques, hypertrophiques ou dilatées.
Conséquences tardives
Il est démontré que les modifications hémodynamiques induites
par la fibrillation déterminent un remodelage auriculaire et ven-
triculaire. L’augmentation des pressions favorise une dilatation
des oreillettes, qui a des conséquences hémodynamiques impor-
tantes et qui est associée à la dilatation et à des altérations ventri-
culaires. Une tachycardie chronique altère tous les indices de fonc-
tion systolique et diastolique, réduit la pression de perfusion
coronaire et l’apport en oxygène au myocarde. Quand la tachy-
cardie est prolongée, les taux plasmatiques de catécholamines aug-
mentent, participant ainsi à l’altération myocardique du fait d’une
toxicité directe. Des travaux expérimentaux ont montré, à l’éche-
lon cellulaire, plusieurs types d’anomalies myocytaires : diminu-
tion de la densité cellulaire mitochondriale, altération de l’ultra-
structure du myocyte et développement de la fibrose. On constate
une réduction de la réserve en phosphates de haute énergie. Une
tachycardie ou une fibrillation auriculaire prolongée entraîne
l’augmentation des volumes ventriculaires gauches et la réduc-
tion de la fraction d’éjection. En fait, si un lien de cause à effet
direct fut établi et prouvé pour les tachycardies atriales ou jonc-
tionnelles incessantes de l’enfant, ce lien est beaucoup plus diffi-
cile à retrouver dans le cas des arythmies atriales de l’adulte, où
une altération myocardique infraclinique sous-jacente peut avoir
favorisé la dysfonction ventriculaire gauche. Les effets bénéfiques
de la restauration du rythme sinusal sur la dysfonction ventricu-
laire gauche ont été démontrés dans le cadre d’une étude multi-
centrique française. Une surveillance échocardiographique pros-
pective avait été réalisée chez des patients considérés comme
atteints de cardiomyopathie dilatée avec arythmie complète et
hypocinésie diffuse. La réduction de l’arythmie complète chez les
patients en fibrillation auriculaire avait déterminé une réduction
des diamètres télédiastolique et télésystolique et l’augmentation
significative de la fraction d’éjection. Le grand problème est de
savoir s’il s’agit de fibrillation auriculaire idiopathique créant une
tachycardiomyopathie ou d’une cardiomyopathie associée à une
fibrillation auriculaire. Le diagnostic de tachycardiomyopathie ne
peut être que rétrospectif, fondé sur la régression de la dysfonc-
tion myocardique après traitement du trouble du rythme, régres-
sion qui peut être tardive. En l’absence d’argument formel pour
retenir ce diagnostic, la présence d’une FA associée à une dys-
fonction ventriculaire gauche incite à toujours tenter de restaurer
le rythme sinusal et à suspecter une atteinte myocardique latente,
dont la réalité sera difficile à prouver.
CONCLUSION
Les effets délétères et les risques de la fibrillation auriculaire sont
aujourd’hui démontrés. Par sa fréquence, la fibrillation auricu-
laire est un problème de santé publique, et elle implique des
mesures thérapeutiques strictes dans la prévention des accidents
thromboemboliques et de l’insuffisance cardiaque. Les indica-
tions admises des anticoagulants sont les patients ayant une car-
diopathie valvulaire rhumatismale opérée ou non, que la fibrilla-
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