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Rubrique coordonnée par T.Thomas, Saint-Étienne
Ostéoporose des transplantés
Post-transplantation osteoporosis
e développement des greffes d’organe
ou de moelle osseuse a révolutionné la
prise en charge des patients atteints d’insuf-
fisance viscérale terminale ou d’hémo-
pathie. L’utilisation de puissants immuno-
suppresseurs a très largement amélioré le
pronostic vital et la qualité de vie de ces
patients, mais au prix de pathologies secon-
daires telles que l’ostéoporose.
DES PERTES OSSEUSES QUI VARIENT
SELON LES INDIVIDUS
La prévalence de l’ostéoporose chez les
receveurs de greffe allogénique est diverse-
ment rapportée dans la littérature (28 à
74 % indépendamment du sexe), avec des
fractures vertébrales ou périphériques
(cadre obturateur, côtes et col fémoral par
ordre décroissant), dans 8 à 65 % des cas.
La perte osseuse postgreffe varie selon le
patient, la maladie initiale, l’organe trans-
planté et l’agressivité des immunosuppres-
seurs, et atteint, par ordre décroissant, les
transplantés cardiaques, hépatiques, pul-
monaires et rénaux ; l’incidence des frac-
tures paraît également être la plus faible
chez les transplantés rénaux, alors qu’elle
est la plus élevée chez les greffés hépa-
tiques pour cirrhose biliaire primitive.
Avant transplantation, la densité minérale
osseuse est souvent déjà diminuée, du fait
de facteurs de risque multiples : facteurs de
risque habituels de l’ostéoporose (âge,
sexe, statut hormonal), retentissement
osseux de la pathologie en cause (organe
défaillant et durée de l’insuffisance viscé-
rale) et traitements antérieurs (corticoïdes,
chimiothérapie).
Après la greffe, la perte osseuse prédomine
sur le secteur trabéculaire vertébral pour les
greffes d’organes solides et sur le secteur
cortical pour les transplantations de moelle
osseuse. Cette perte osseuse rapide et les
complications fracturaires surviennent par-
ticulièrement durant la première année. Le
découplage du remodelage osseux, reflété
par l’augmentation des marqueurs de
résorption osseuse et, le plus souvent, par la
diminution des marqueurs d’ostéoforma-
tion, est responsable en partie de la rapidité
de cette perte osseuse. Malgré la variabilité
des résultats des études, les facteurs de
risque les mieux corrélés à l’intensité de
cette perte osseuse, tous organes confondus,
semblent être un âge élevé, le sexe mas-
culin, la survenue d’un hypogonadisme
iatrogène prématuré (dans les deux sexes)
et la dose cumulée de corticoïdes. Le rôle
synergique des autres immunosuppresseurs
est moins clairement démontré, même s’il
existe des arguments expérimentaux et cli-
niques suggérant l’induction par la ciclo-
sporine ou le tacrolimus (FK506) d’une
ostéopénie à haut niveau de remodelage.
LA PRÉVENTION
La prévention de l’ostéoporose induite par
les transplantations doit être envisagée
avant la greffe. L’évaluation du capital
osseux est indispensable, reposant sur l’ostéo-
densitométrie, des radiographies du rachis
dorso-lombaire et des paramètres biolo-
giques pertinents (fonction thyroïdienne,
dosages sériques du calcium, de la vitami-
ne D, de la PTH et de la testostérone chez
l’homme). Elle permet d’identifier des
causes réversibles de perte osseuse, telles
que l’existence de carences nutritionnelles
ou hormonales, et de traiter une éventuelle
ostéoporose.
La prévention de la perte osseuse doit se
poursuivre en période de postgreffe immé-
diate, notamment lors des 6 premiers mois.
Aucun marqueur clinique, biochimique ou
densitométrique ne reflétant clairement le
risque fracturaire à l’échelon individuel, la
majorité des patients doit bénéficier d’une
prévention de la perte osseuse et des frac-
tures, avec des mesures simples : diminu-
tion des immunosuppresseurs aux doses
minimales efficaces, maintien d’une activité
physique régulière (adaptée à l’état physio-
logique), apports en vitamine D (400-
800 UI/j) et en calcium (1 g/j) suffisants. En
l’absence de contre-indication, une hormono-
thérapie substitutive doit être proposée à
toutes les femmes ménopausées.
Il existe peu d’études contrôlées évaluant
l’efficacité des traitements préventifs ou
curatifs de l’ostéoporose chez les transplan-
tés, avec des résultats contradictoires selon
les essais et l’organe transplanté. Les
quelques études disponibles semblent
confirmer l’efficacité des bisphosphonates.
CONCLUSION
La perte osseuse associée aux transplanta-
tions est une complication tardive fréquente,
constituant un véritable problème de
santé publique. Elle pose également un
problème thérapeutique majeur chez des
patients déjà polymédicamentés. Il est donc
nécessaire de dépister, de prévenir et de
traiter précocement l’ostéoporose de ces
patients afin de leur offrir une meilleure
qualité de vie après la transplantation.
P. Orcel,
M. Rousière,
Fédération de rhumatologie,
hôpital Lariboisière,
2, rue Ambroise-Paré,
75010 Paris.
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