La toxine botulique est-elle un traitement utile
de la spasticité ?
Is the botulinum toxin helpful in the treatment of spasticity?
● D. Ben Smail*
L
a première publication concernant l’utilisation de la
toxine botulique (TB) dans la spasticité date de 1989.
Seize ans plus tard, plusieurs questions restent débat-
tues : est-il utile de traiter la spasticité ? Qu’apporte le traitement
de la spasticité par la TB ?
A
u vu des données de la littérature, il semble utile dans de nom-
breuses situations de réduire la spasticité. Il a en effet été montré
que le traitement par TB pouvait faciliter l’accès au périnée pour
la toilette et le sondage vésical, améliorer l’hygiène de la main,
faciliter l’habillage, réduire les positions gênantes et les douleurs
associées aux spasmes. L’effet bénéfique sur la fonction dite
“passive” (réalisée par une tierce personne) est admis de tous.
L’effet sur la fonction dite “active” est plus difficile à prouver. Il
a été montré que la détérioration de la fonction dite passive était
corrélée à l’hypertonie et à la limitation des amplitudes articu-
laires. La relation entre fonction active et tonus est, quant à elle,
beaucoup moins évidente. Le médecin et son patient espèrent
toujours améliorer la fonction active. Cela a été démontré dans
des essais ouverts ou des cas cliniques. Les essais randomisés
contrôlés ne mettent pas en évidence une amélioration qui soit
incontestable de la fonction dite “active”, que ce soit aux membres
inférieurs ou aux membres supérieurs. Deux facteurs peuvent
expliquer ces résultats :
– soit la TB ne peut pas améliorer la fonction “active” ;
– soit les études cliniques n’ont pas réussi à détecter cette amé-
lioration, pour des raisons méthodologiques.
La TB est-elle capable d’améliorer la fonction active en réduisant
la spasticité ?
Il faudrait pour l’affirmer montrer que la spasticité détériore le
mouvement et qu’ainsi la réduction de la spasticité améliore le
mouvement volontaire. Cela n’est pas clairement établi actuelle-
ment.
L
a relation spasticité-atteinte motrice a été abordée sous divers
angles dans la littérature.
Tout d’abord, l’hypertonie n’est pas toujours la conséquence de
la spasticité. Les modifications biomécaniques du muscle et des
structures associées suffisent à expliquer certaines hypertonies et
limitent ainsi les amplitudes des mouvements actifs. Le traite-
ment de la spasticité, quel qu’il soit, n’a alors aucun effet sur la
fonction motrice.
D’autre part, il n’a pas été clairement démontré qu’un réflexe
d’étirement survienne à la vitesse usuelle des mouvements actifs
et gêne par conséquent ceux-ci.
Enfin, il n’y a pas de corrélation claire entre le degré de spasti-
cité et la sévérité du déficit moteur.
S
i la spasticité n’est pas corrélée à la déficience de la fonction
motrice volontaire, d’autres éléments, appartenant à ce que les
Anglo-Saxons nomment l’upper motor neurone syndrome et res-
ponsables d’une hyperactivité musculaire, pourraient participer à
cette déficience (cocontractions, clonus, réactions posturales). La
TB peut-elle, en agissant sur ces symptômes, améliorer la fonc-
tion ? Certaines études ouvertes constatent une amélioration de
la fonction liée au traitement de ces symptômes.
Si la TB peut améliorer la fonction active, pourquoi les essais cli-
niques contrôlés ont-ils des difficultés à le montrer ?
Plusieurs éléments peuvent expliquer ce manque de résultats
convaincants :
– Outils de mesure de l’effet inappropriés, soit parce qu’ils sont
non sensibles aux changements, soit parce qu’ils ne mesurent pas
ce que l’on est censé mesurer, soit parce que des objectifs indi-
viduels personnalisés sont nécessaires.
– Sélection de patients inappropriée : hétérogénéité +++. Le cri-
tère d’inclusion est souvent le score d’Ashworth et non le poten-
tiel d’amélioration de la fonction. Cela conduit à un biais de
recrutement (patients très spastiques mais avec peu de perspec-
tives d’amélioration de la fonction active).
– Protocole d’injection de TB inapproprié : injections non adap-
tées aux patients, avec des doses fixées à l’avance.
– Schéma des études : le bénéfice fonctionnel pourrait survenir
plus tardivement que l’effet sur la spasticité (études sur 3 mois le
plus souvent). L’effet des traitements adjuvants n’est pas non plus
étudié.
P
lusieurs études ont montré une amélioration de la fonction
“passive” après injection de TB. Les médecins et les patients
constatent au quotidien l’efficacité et l’utilité de la TB dans le
traitement de la spasticité lorsque les objectifs sont correctement
fixés initialement. Les études ayant montré une amélioration
ÉDITORIAL
La Lettre du Neurologue - vol. X - n° 4 - avril 2006 119
* Service de médecine physique et de réadaptation,
groupe hospitalier Raymond-Poincaré, Garches.