Inhibiteurs de SGLT2 – un ajout utile au traitement ?

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Pratique clinique
Inhibiteurs de SGLT2 –
un ajout utile
au traitement ?
Rhys Williams et Jeff Stephens
Le SGLT2, ou transporteur sodium-glucose de type 2, est une
protéine des tubules rénaux qui régule la réabsorption du glucose
dans les reins. Il existe également une protéine SGLT1, présente
à la fois dans les reins et l'intestin. Dans des conditions normales,
la quasi-totalité du glucose qui passe du sang dans l'urine est
réabsorbée par l'action du SGLT2 dans les reins. En cas de diabète,
les concentrations anormalement élevées de glucose dans le sang
font que ce mécanisme de réabsorption est submergé, de sorte
que du glucose passe dans l'urine, et provoque une glycosurie
(glucose dans l'urine), l'une des caractéristiques fondamentales
du diabète (et souvent le moyen permettant de le détecter
pour la première fois). Une nouvelle classe de médicaments
– les inhibiteurs de SGLT2 – commence à s'imposer en
tant qu'antidiabétique oral pouvant être utilisé seul
ou en combinaison avec d'autres médicaments
oraux (metformine ou
sulfonylurées, par exemple)
ou l'insuline chez les
personnes atteintes de
diabète de type 2.
L'idée de traiter le diabète en augmentant la
perte de glucose dans l'urine peut paraître
étrange, pour ne pas dire absurde. La présence de glucose dans l'urine des personnes
atteintes de diabète a toujours été considérée
comme anormale et est l'un des symptômes
classiques associés à la condition. Pourtant,
le principe de cette classe de médicament
consiste à accentuer cette anomalie afin
de diminuer la concentration de glucose
dans le sang. Il est clair que la diminution
de la glycémie, ainsi que la réduction de la
pression artérielle et des lipides sanguins,
sont bénéfiques, puisqu'elles réduisent, ou
au moins retardent les problèmes à long
terme associés au diabète. Mais un taux de
glucose élevé dans l'urine pourrait-il avoir
des effets indésirables ?
Une série d'avantages
La dapagliflozine, qui appartient à cette classe
de médicament, a été testée dans le cadre
d'essais en Phase 3 en tant que monothérapie et que complément à un traitement oral
existant1,2,3 et à l'insuline4 chez des personnes
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atteintes de diabète de type 2. (Pour une
modeste de poids. Un léger effet bénéfique sur
pioglitazone, par exemple) que l'insulino-
explication des phases des essais cliniques,
la pression artérielle a par ailleurs été constaté,
thérapie entraînent généralement un gain
voir l'encadré 1.) Aucun essai n'a encore été
tandis qu'aucun risque appréciable d'hypo-
de poids, de sorte que toute thérapie com-
rapporté sur l'utilisation de cette classe de
glycémie, par rapport au traitement à base de
plémentaire associée à une perte de poids,
médicament pour le diabète de type 1. Ces
sulfonylurées, n'a été enregistré. La dapagliflo-
même modeste, se doit d'être prise en consi-
essais ont mis en évidence une amélioration
zine est autorisée en Australie, au Danemark,
dération. De même, les traitements à base de
du contrôle de la glycémie, ainsi qu'une perte
en Allemagne et au Royaume-Uni. Son prix
sulfonylurées et d'insuline peuvent accroître
varie d'un pays à l'autre mais devrait être
le risque d'hypoglycémie. L'inhibiteur de
comparable (voire légèrement inférieur) à
SGLT2 peut lui aussi être associé à un risque
celui des gliptines – ou inhibiteurs de DPP-IV.
d'hypoglycémie en cas d'utilisation en com-
Les essais cliniques en Phase 3 ont toutefois
binaison avec des sulfonylurées ou de l'insu-
fait apparaître une réduction significative du
line. Ce problème peut toutefois être évité
dosage d'insuline en cas d'association avec la
en réduisant les dosages de sulfonylurées ou
dapagliflozine, ce qui pourrait conduire à des
d'insuline. L'encadre 2 propose le profil d'une
économies considérables. En outre, compte
personne type susceptible de bénéficier de
tenu de la diminution de la fréquence des
l'ajout d'un inhibiteur de SGLT2 à son trai-
hypoglycémies associée à ce produit, il pour-
tement antidiabétique actuel.
Encadré 1 : Les différentes
phases des essais cliniques
Les essais de Phase 1 correspondent au premier test d'un nouveau médicament sur des
personnes. Il s'agit d'essais de petite envergure
(généralement de 30 personnes au maximum)
dans le cadre desquels les participants sont
surveillés de très près, généralement dans
un environnement de laboratoire. Ils visent
principalement à établir la dose la plus active
du médicament et à identifier les effets indésirables à court terme (effets secondaires)
susceptibles d'affecter la sécurité.
Les essais de Phase 2 impliquent un plus grand
nombre de participants et visent principalement à établir l'efficacité du nouveau médicament : remplit-il le rôle que l'on attend de lui
dans les meilleures conditions possibles (surveillance stricte du dosage et de l'adhérence,
ainsi que poursuite de la surveillance des effets
indésirables et de la tolérance) ?
Les essais de Phase 3 sont des essais encore plus importants visant à confirmer
l'efficacité du nouveau médicament : a-t-il
les effets requis en cas d'utilisation dans des
conditions proches de la vie réelle ? Souvent,
le médicament est comparé avec un traitement existant ou un placebo. Les aspects
économiques du nouveau traitement sont
également étudiés, et la surveillance des
effets indésirables à plus long terme, par
rapport aux essais de Phase 1 et Phase 2,
se poursuit.
Les essais de Phase 4 sont parfois connus
sous le nom d'"essais post-marketing". Ils se
déroulent après l'autorisation d'un nouveau
médicament et se concentrent principalement sur les effets indésirables, en particulier
lorsque ceux-ci sont rares (d'où la nécessité
de recruter de très nombreux participants)
ou à long terme (ces essais peuvent durer
des années).
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rait également y avoir des avantages pour le
patient et des économies concomitantes sur
Des avantages sans contrepartie ?
les coûts des soins de santé. Aux États-Unis,
Où est donc le piège ? Tout se paie, si l'on en
un autre médicament de la classe des inhibi-
croit le dicton. Quels sont les effets indési-
teurs de SGLT2, la canaglifozine, a récemment
rables du traitement et disposons-nous de
été recommandé à des fins d'autorisation,
preuves suffisantes de son innocuité ?
mais n'est pas encore disponible.
Toute thérapie
complémentaire
associée à une perte de
poids, même modeste,
se doit d'être prise
en considération.
On pourrait s'attendre à ce que l'augmentation de l'excrétion de glucose dans l'urine
provoque une hausse de la fréquence de
miction et des infections des voies urinaires
et des organes génitaux. À ce jour, aucune
augmentation de la fréquence de miction
n'a pas été signalée dans les essais publiés en
tant qu'effet secondaire majeur – en tout cas
La perte de glucose dans l'urine entraîne
pas au point de voir des participants sou-
une perte d'énergie par l'organisme (évaluée
haiter interrompre le traitement. En ce qui
à l'équivalent de deux cannettes de coca de
concerne les infections des voies urinaires
330 ml par jour). Ce phénomène est évi-
et génitales fongiques, une augmentation
demment associé à une perte de poids –
de leur fréquence a été constatée chez les
quoique modeste, ainsi que précisé ci-avant.
participants (en particulier chez les femmes
La réduction du risque d'hypoglycémie est le
pour ce qui est des infections fongiques).
résultat de la diminution de la glycémie par
Un traitement standard permet toutefois
le médicament "en fonction du glucose". En
de les traiter. Les interruptions de traite-
d'autres termes, l'effet est maximum lorsque
ment à cause de ces infections ont été rares
la glycémie est élevée et s'estompe à mesure
dans les essais. Il est par ailleurs apparu
que la glycémie diminue.
que les infections génitales fongiques ne
réapparaissent pas après le traitement ini-
Ces effets sont bénéfiques et contrastent de
tial. Reste à voir si ces effets indésirables
façon marquée avec d'autres traitements.
s'avéreront plus pénibles dans la pratique
Tant les traitements oraux (sulfonylurées et
de tous les jours.
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à l'éventail actuellement disponible de médiEncadré 2 : Personne susceptible de bénéficier d'un inhibi-
caments pour le diabète, le plus souvent en
teur de SGLT2 en complément de son traitement existant
complément d'un traitement oral ou à base
M. A est un homme de 45 ans dont le diabète de type 2 a été diagnostiqué il y a 10 ans et auquel
s'ajoutent des problèmes d'obésité et de pression artérielle et de cholestérol élevés. Durant les
trois premiers mois, il a suivi un régime et reçu des conseils en matière de style de vie, mais est
rapidement passé à un traitement à base de metformine et de sulfonylurées. Ces 12 derniers
mois, il n'a pas réussi à contrôler correctement sa glycémie et a pris du poids. Pour améliorer sa
glycémie, de l'insuline lui a été prescrite, en plus de la metformine. Malgré des hausses régulières
de sa dose d'insuline, il y a eu peu d'effets sur sa glycémie. Par contre, il a pris beaucoup de poids.
Lors de sa dernière visite de contrôle, sa glycémie aléatoire était de 14,9 mmol/l (269 mg/dl) ; son
HbA1c de 8,0 % ; sa pression artérielle de 140/70 et son cholestérol de 3,9 mmol/l (150 mg/dl).
d'insuline existant. Il ne s'agit cependant
pas de médicaments miracles et davantage
d'informations sur la sécurité à long terme
sont requises. Par ailleurs, les personnes traitées doivent comprendre que, contrairement
à ce qu'elles ont appris, un peu de glucose
dans l'urine n'est pas nécessairement une
mauvaise chose.
En quoi l'ajout d'un inhibiteur de SGLT2 à son traitement existant pourrait-il être profitable à M. A ?
■ Il a été démontré4 qu'une réduction supplémentaire de l'HbA1c de 0,6 % pouvait être obtenue
par l'ajout d'un médicament de cette classe à l'insulinothérapie.
■ Cette combinaison est associée à des doses d'insuline inférieures et à des hausses moins fréquentes de la dose d'insuline.
■ Une diminution de la pression artérielle est par ailleurs parfois constatée.
■ L'excrétion de l'excès de glucose dans l'urine peut conduire à une perte de poids.
Les hypoglycémies ont été plus fréquentes
sous diurétique pour le traitement de sa
chez les participants traités avec l'inhibiteur
pression artérielle (furosémide ou bendro-
de SGLT2 dans le cadre de ces essais, mais,
fluméthazide, par exemple), elle doit savoir
ainsi que mentionné ci-dessus, cela pourrait
que ces médicaments peuvent interagir et
s'expliquer par le fait que les dosages d'insu-
provoquer une perte d'eau excessive et une
line et/ou de médicaments oraux n'ont pas
possible déshydratation. Ces dernières an-
été diminués suffisamment rapidement pour
nées, les risques cardiovasculaires (crise car-
compenser la chute de glycémie provoquée.
diaque ou accident cérébrovasculaire lié à de
Soit dit en passant, la chute moyenne de la
nouveaux traitements pour le diabète) ont
glycémie de 0,6 % de l'HbA1c indiquée dans
suscité une vive inquiétude. Aucun risque
l'encadré 2 peut paraître peu importante.
cardiovasculaire n'a toutefois été observé à
Il s'agit toutefois d'une moyenne et les per-
ce jour avec ce groupe de médicaments, ce
sonnes affichant des taux de glycémie supé-
qui est rassurant. Il faudra toutefois attendre
rieurs au début du traitement sont celles qui
les résultats d'essais en Phase 4 (voir l'enca-
ont le plus de chances d'en profiter. D'un autre
dré 1) pour apporter une réponse définitive
côté, il s'agit d'une diminution moyenne, ce
à ces questions.
qui signifie que tout le monde n'en bénéficie
pas. Certaines personnes n'ont enregistré
aucune diminution – et une hausse a même
été observée dans certains cas.
L'utilisation de cette classe de médicaments
Aucun risque
cardiovasculaire n'a été
observé à ce jour avec ce
groupe de médicaments.
est déconseillée chez certaines personnes.
La réponse est...
C'est notamment le cas des personnes
Quelle est donc la réponse à la question
souffrant d'un dysfonctionnement rénal
posée dans le titre ? Oui, les inhibiteurs de
majeur. Par ailleurs, si une personne est
SGLT2 pourraient constituer un apport utile
Avril 2013 • Volume 58 • Numéro 1
Rhys Williams et Jeff Stephens
Rhys Williams est professeur émérite
d'épidémiologie clinique à l'Université
de Swansea, au Royaume-Uni, et
rédacteur en chef de Diabetes Voice.
Jeff Stephens est professeur de médecine
(diabète et métabolisme) à l'Université
de Swansea et consultant en diabète et
en endocrinologie à l'hôpital Morriston,
Abertawe Bro Morgannwg Health Board, dans
le Sud du pays de Galles, au Royaume-Uni.
Références
1 Bailey CJ, Gross JL, Pieters A, et al. Effect of
dapagliflozin in patients with type 2 diabetes
who have inadequate glycaemic control with
metformin: a randomised, double-blind, placebocontrolled trial. Lancet 2010; 375: 2223-33.
2 N
auck MA, Del Prato S, Meier JJ, et al.
Dapagliflozin versus glipizide as add-on
therapy in patients with type 2 diabetes
who have inadequate glycaemic control
with metformin: a randomised, 52-week,
double-blind, active controlled noninferiority
trial. Diabetes Care 2011; 34: 2015-22.
3. S trojek K, Yoon K, Hruba V, et al. Effect of
dapagliflozin in patients with type 2 diabetes
who have inadequate glycaemic control
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double-blind, placebo-controlled trial.
Diabeets Obes Metab 2011; 13: 928-38.
4. W
ilding JPH, Woo V, Norman G, et al., for
the Dapagliflozin 006 Study Group. Longterm efficacy of dapagliflozin in patients
with type 2 diabetes mellitus receiving
high doses of insulin: a randomised trial.
Ann Intern Med 2012; 156: 405-15.
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