Inhibiteurs de SGLT2 – un ajout utile au traitement ?

DiabetesVoice 33
Inhibiteurs de SGLT2
un ajout utile
au traitement ?
Rhys Williams et Jeff Stephens
L'idée de traiter le diabète en augmentant la
perte de glucose dans l'urine peut paraître
étrange, pour ne pas dire absurde. La pré-
sence de glucose dans l'urine des personnes
atteintes de diabète a toujours été considérée
comme anormale et est l'un des symptômes
classiques associés à la condition. Pourtant,
le principe de cette classe de médicament
consiste à accentuer cette anomalie afin
de diminuer la concentration de glucose
dans le sang. Il est clair que la diminution
de la glycémie, ainsi que la réduction de la
pression artérielle et des lipides sanguins,
sont bénéfiques, puisqu'elles réduisent, ou
au moins retardent les problèmes à long
terme associés au diabète. Mais un taux de
glucose élevé dans l'urine pourrait-il avoir
des effets indésirables ?
Une série d'avantages
La dapagliflozine, qui appartient à cette classe
de médicament, a été testée dans le cadre
d'essais en Phase 3 en tant que monothéra-
pie et que complément à un traitement oral
existant
1,2,3
et à l'insuline
4
chez des personnes
Le SGLT2, ou transporteur sodium-glucose de type 2, est une
protéine des tubules rénaux qui régule la réabsorption du glucose
dans les reins. Il existe également une protéine SGLT1, présente
à la fois dans les reins et l'intestin. Dans des conditions normales,
la quasi-totalité du glucose qui passe du sang dans l'urine est
réabsorbée par l'action du SGLT2 dans les reins. En cas de diabète,
les concentrations anormalement élevées de glucose dans le sang
font que ce mécanisme de réabsorption est submergé, de sorte
que du glucose passe dans l'urine, et provoque une glycosurie
(glucose dans l'urine), l'une des caractéristiques fondamentales
du diabète (et souvent le moyen permettant de le détecter
pour la première fois). Une nouvelle classe de médicaments
– les inhibiteurs de SGLT2 – commence à s'imposer en
tant qu'antidiabétique oral pouvant être utilisé seul
ou en combinaison avec d'autres médicaments
oraux (metformine ou
sulfonylurées, par exemple)
ou l'insuline chez les
personnes atteintes de
diabète de type 2.
Pratique clinique
Avril 2013 Volume 58 Numéro 1
DiabetesVoice Avril 2013 Volume 58 Numéro 1
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PRATIQUE CLINIQUE
ENCADRÉ 1 : LES DIFFÉRENTES
PHASES DES ESSAIS CLINIQUES
Les essais de Phase 1 correspondent au pre-
mier test d'un nouveau médicament sur des
personnes. Il s'agit d'essais de petite envergure
(généralement de 30 personnes au maximum)
dans le cadre desquels les participants sont
surveillés de très près, généralement dans
un environnement de laboratoire. Ils visent
principalement à établir la dose la plus active
du médicament et à identifier les effets in-
désirables à court terme (effets secondaires)
susceptibles d'affecter la sécurité.
Les essais de Phase 2 impliquent un plus grand
nombre de participants et visent principale-
ment à établir l'efficacité du nouveau médica-
ment : remplit-il le rôle que l'on attend de lui
dans les meilleures conditions possibles (sur-
veillance stricte du dosage et de l'adhérence,
ainsi que poursuite de la surveillance des effets
indésirables et de la tolérance) ?
Les essais de Phase 3 sont des essais en-
core plus importants visant à confirmer
l'efficacité du nouveau médicament : a-t-il
les effets requis en cas d'utilisation dans des
conditions proches de la vie réelle ? Souvent,
le médicament est comparé avec un traite-
ment existant ou un placebo. Les aspects
économiques du nouveau traitement sont
également étudiés, et la surveillance des
effets indésirables à plus long terme, par
rapport aux essais de Phase 1 et Phase 2,
se poursuit.
Les essais de Phase 4 sont parfois connus
sous le nom d'"essais post-marketing". Ils se
déroulent après l'autorisation d'un nouveau
médicament et se concentrent principale-
ment sur les effets indésirables, en particulier
lorsque ceux-ci sont rares (d'où la nécessi
de recruter de très nombreux participants)
ou à long terme (ces essais peuvent durer
des années).
atteintes de diabète de type 2. (Pour une
explication des phases des essais cliniques,
voir l'encadré 1.) Aucun essai n'a encore été
rapporté sur l'utilisation de cette classe de
médicament pour le diabète de type 1. Ces
essais ont mis en évidence une amélioration
du contrôle de la glycémie, ainsi qu'une perte
modeste de poids. Un léger effet bénéfique sur
la pression artérielle a par ailleurs été constaté,
tandis qu'aucun risque appréciable d'hypo-
glycémie, par rapport au traitement à base de
sulfonylurées, n'a été enregistré. La dapagliflo-
zine est autorisée en Australie, au Danemark,
en Allemagne et au Royaume-Uni. Son prix
varie d'un pays à l'autre mais devrait être
comparable (voire légèrement inférieur) à
celui des gliptines – ou inhibiteurs de DPP-IV.
Les essais cliniques en Phase 3 ont toutefois
fait apparaître une réduction significative du
dosage d'insuline en cas d'association avec la
dapagliflozine, ce qui pourrait conduire à des
économies considérables. En outre, compte
tenu de la diminution de la fréquence des
hypoglycémies associée à ce produit, il pour-
rait également y avoir des avantages pour le
patient et des économies concomitantes sur
les coûts des soins de santé. Aux États-Unis,
un autre médicament de la classe des inhibi-
teurs de SGLT2, la canaglifozine, a récemment
été recommandé à des fins d'autorisation,
mais n'est pas encore disponible.
La perte de glucose dans l'urine entraîne
une perte d'énergie par l'organisme (évaluée
à l'équivalent de deux cannettes de coca de
330 ml par jour). Ce phénomène est évi-
demment associé à une perte de poids –
quoique modeste, ainsi que précisé ci-avant.
La réduction du risque d'hypoglycémie est le
résultat de la diminution de la glycémie par
le médicament "en fonction du glucose". En
d'autres termes, l'effet est maximum lorsque
la glycémie est élevée et s'estompe à mesure
que la glycémie diminue.
Ces effets sont bénéfiques et contrastent de
façon marquée avec d'autres traitements.
Tant les traitements oraux (sulfonylurées et
pioglitazone, par exemple) que l'insulino-
thérapie entraînent généralement un gain
de poids, de sorte que toute thérapie com-
plémentaire associée à une perte de poids,
même modeste, se doit d'être prise en consi-
dération. De même, les traitements à base de
sulfonylurées et d'insuline peuvent accroître
le risque d'hypoglycémie. L'inhibiteur de
SGLT2 peut lui aussi être associé à un risque
d'hypoglycémie en cas d'utilisation en com-
binaison avec des sulfonylurées ou de l'insu-
line. Ce problème peut toutefois être évité
en réduisant les dosages de sulfonylurées ou
d'insuline. L'encadre 2 propose le profil d'une
personne type susceptible de bénéficier de
l'ajout d'un inhibiteur de SGLT2 à son trai-
tement antidiabétique actuel.
Des avantages sans contrepartie ?
Où est donc le piège ? Tout se paie, si l'on en
croit le dicton. Quels sont les effets indési-
rables du traitement et disposons-nous de
preuves suffisantes de son innocuité ?
On pourrait s'attendre à ce que l'augmen-
tation de l'excrétion de glucose dans l'urine
provoque une hausse de la fréquence de
miction et des infections des voies urinaires
et des organes génitaux. À ce jour, aucune
augmentation de la fréquence de miction
n'a pas été signalée dans les essais publiés en
tant qu'effet secondaire majeur – en tout cas
pas au point de voir des participants sou-
haiter interrompre le traitement. En ce qui
concerne les infections des voies urinaires
et génitales fongiques, une augmentation
de leur fréquence a été constatée chez les
participants (en particulier chez les femmes
pour ce qui est des infections fongiques).
Un traitement standard permet toutefois
de les traiter. Les interruptions de traite-
ment à cause de ces infections ont été rares
dans les essais. Il est par ailleurs apparu
que les infections génitales fongiques ne
réapparaissent pas après le traitement ini-
tial. Reste à voir si ces effets indésirables
s'avéreront plus pénibles dans la pratique
de tous les jours.
Toute thérapie
complémentaire
associée à une perte de
poids, même modeste,
se doit d'être prise
en considération.
DiabetesVoice
Avril 2013 Volume 58 Numéro 1 35
Rhys Williams et Jeff Stephens
Rhys Williams est professeur émérite
d'épidémiologie clinique à l'Université
de Swansea, au Royaume-Uni, et
rédacteur en chef de Diabetes Voice.
Jeff Stephens est professeur de médecine
(diabète et métabolisme) à l'Universi
de Swansea et consultant en diabète et
en endocrinologie à l'hôpital Morriston,
Abertawe Bro Morgannwg Health Board, dans
le Sud du pays de Galles, au Royaume-Uni.
Références
1 Bailey CJ, Gross JL, Pieters A, et al. Effect of
dapagliflozin in patients with type 2 diabetes
who have inadequate glycaemic control with
metformin: a randomised, double-blind, placebo-
controlled trial. Lancet 2010; 375: 2223-33.
2
Nauck MA, Del Prato S, Meier JJ, et al.
Dapagliflozin versus glipizide as add-on
therapy in patients with type 2 diabetes
who have inadequate glycaemic control
with metformin: a randomised, 52-week,
double-blind, active controlled noninferiority
trial. Diabetes Care 2011; 34: 2015-22.
3.
Strojek K, Yoon K, Hruba V, et al. Effect of
dapagliflozin in patients with type 2 diabetes
who have inadequate glycaemic control
with glimepride: a randomised 24-week,
double-blind, placebo-controlled trial.
Diabeets Obes Metab 2011; 13: 928-38.
4.
Wilding JPH, Woo V, Norman G, et al., for
the Dapagliflozin 006 Study Group. Long-
term efficacy of dapagliflozin in patients
with type 2 diabetes mellitus receiving
high doses of insulin: a randomised trial.
Ann Intern Med 2012; 156: 405-15.
Pratique clinique
ENCADRÉ 2 : PERSONNE SUSCEPTIBLE DE BÉNÉFICIER D'UN INHIBI
TEUR DE SGLT2 EN COMPLÉMENT DE SON TRAITEMENT EXISTANT
M. A est un homme de 45 ans dont le diabète de type 2 a été diagnostiqué il y a 10 ans et auquel
s'ajoutent des problèmes d'obésité et de pression artérielle et de cholestérol élevés. Durant les
trois premiers mois, il a suivi un régime et reçu des conseils en matière de style de vie, mais est
rapidement passé à un traitement à base de metformine et de sulfonylurées. Ces 12 derniers
mois, il n'a pas réussi à contrôler correctement sa glycémie et a pris du poids. Pour améliorer sa
glycémie, de l'insuline lui a été prescrite, en plus de la metformine. Malgré des hausses régulières
de sa dose d'insuline, il y a eu peu d'effets sur sa glycémie. Par contre, il a pris beaucoup de poids.
Lors de sa dernière visite de contrôle, sa glycémie aléatoire était de 14,9 mmol/l (269 mg/dl) ; son
HbA1c de 8,0 % ; sa pression artérielle de 140/70 et son cholestérol de 3,9 mmol/l (150 mg/dl).
En quoi l'ajout d'un inhibiteur de SGLT2 à son traitement existant pourrait-il être profitable à M. A ?
Il a été démontré4 qu'une réduction supplémentaire de l'HbA1c de 0,6 % pouvait être obtenue
par l'ajout d'un médicament de cette classe à l'insulinothérapie.
Cette combinaison est associée à des doses d'insuline inférieures et à des hausses moins fré-
quentes de la dose d'insuline.
Une diminution de la pression artérielle est par ailleurs parfois constatée.
L'excrétion de l'excès de glucose dans l'urine peut conduire à une perte de poids.
Les hypoglycémies ont été plus fréquentes
chez les participants traités avec l'inhibiteur
de SGLT2 dans le cadre de ces essais, mais,
ainsi que mentionné ci-dessus, cela pourrait
s'expliquer par le fait que les dosages d'insu-
line et/ou de médicaments oraux n'ont pas
été diminués suffisamment rapidement pour
compenser la chute de glycémie provoquée.
Soit dit en passant, la chute moyenne de la
glycémie de 0,6 % de l'HbA1c indiquée dans
l'encadré 2 peut paraître peu importante.
Il s'agit toutefois d'une moyenne et les per-
sonnes affichant des taux de glycémie supé-
rieurs au début du traitement sont celles qui
ont le plus de chances d'en profiter. D'un autre
côté, il s'agit d'une diminution moyenne, ce
qui signifie que tout le monde n'en bénéficie
pas. Certaines personnes n'ont enregistré
aucune diminution – et une hausse a même
été observée dans certains cas.
L'utilisation de cette classe de médicaments
est déconseillée chez certaines personnes.
C'est notamment le cas des personnes
souffrant d'un dysfonctionnement rénal
majeur. Par ailleurs, si une personne est
à l'éventail actuellement disponible de médi-
caments pour le diabète, le plus souvent en
complément d'un traitement oral ou à base
d'insuline existant. Il ne s'agit cependant
pas de médicaments miracles et davantage
d'informations sur la sécurité à long terme
sont requises. Par ailleurs, les personnes trai-
tées doivent comprendre que, contrairement
à ce qu'elles ont appris, un peu de glucose
dans l'urine n'est pas nécessairement une
mauvaise chose.
sous diurétique pour le traitement de sa
pression artérielle (furosémide ou bendro-
fluméthazide, par exemple), elle doit savoir
que ces médicaments peuvent interagir et
provoquer une perte d'eau excessive et une
possible déshydratation. Ces dernières an-
nées, les risques cardiovasculaires (crise car-
diaque ou accident cérébrovasculaire lié à de
nouveaux traitements pour le diabète) ont
suscité une vive inquiétude. Aucun risque
cardiovasculaire n'a toutefois été observé à
ce jour avec ce groupe de médicaments, ce
qui est rassurant. Il faudra toutefois attendre
les résultats d'essais en Phase 4 (voir l'enca-
dré 1) pour apporter une réponse définitive
à ces questions.
La réponse est...
Quelle est donc la réponse à la question
posée dans le titre ? Oui, les inhibiteurs de
SGLT2 pourraient constituer un apport utile
Aucun risque
cardiovasculaire n'a été
observé à ce jour avec ce
groupe de médicaments.
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