ANALYSE DES FACTEURS PRONOSTIQUES
DES CANCERS DU SEIN EN FONCTION DU THS
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L’étude a porté sur l’ensemble des 1 264 cancers invasifs dia-
gnostiqués entre avril 1993 et février 2000 chez les participantes
au programme, 860 cancers détectés et 404 cancers de l’inter-
valle. Le recueil histologique permet de connaître la taille, le
grade et le statut ganglionnaire de ces cancers. La présence d’un
traitement hormonal au moment du diagnostic est aussi signalée.
La densité des seins a été classée par un second lecteur selon
trois catégories : seins graisseux (moins de 5 % de glande), seins
très denses (plus de 75 % de glande) et seins intermédiaires.
Quarante-sept pour cent des cancers invasifs sous THS ont été
détectés par mammographie, contre 71 % chez les femmes non
traitées. Pour évaluer les conséquences de cette diminution de
sensibilité de la mammographie, nous avons analysé la taille, le
statut ganglionnaire, le grade et la densité des seins en fonction du
mode de détection (cancer détecté/cancer intervalle) et du THS.
La taille
Les tumeurs détectées par le dépistage sont en moyenne de
la même taille avec ou sans THS. Les cancers d’intervalle en
revanche sont significativement de plus petite taille chez les
femmes traitées : 31 % des tumeurs mesurent plus de 2 cm sous
THS, contre 45 % sans THS. Cette différence est retrouvée quelle
que soit la durée de l’intervalle 12, 24 ou 36 mois.
Le statut ganglionnaire
Le pourcentage des tumeurs N+ était de 33 % chez les femmes
traitées et de 29 % chez les non-traitées, cette différence n’était pas
significative, même après ajustement pour l’âge. De plus, le pour-
centage de ganglions envahis ne dépend pas du mode de détection.
Le grade histopronostique
Le grade est plus favorable chez les femmes sous THS quel que
soit le mode de détection : cancers dépistés ou cancers d’inter-
valle. La proportion de grade 2 est la même (48 %) avec ou sans
THS, mais il y a une nette diminution des grades 3 chez les
femmes traitées : 10 % contre 32 % pour les cancers dépistés, et
18 % contre 32 % pour les cancers d’intervalle. Les cancers
lobulaires ne sont pas plus nombreux sous THS (12 %) mais de
meilleur pronostic.
La densité des seins
L’information sur la densité des seins et le THS a été connue pour
872 participantes : 42 % des femmes sous THS ont été classées
en seins denses et 24 % seulement sans THS. Dans les seins
denses, sous THS, le risque de cancer d’intervalle est plus élevé
et la taille des cancers détectés est plus volumineuse que sans
THS. À l’opposé, dans les seins graisseux, la taille des tumeurs
détectées est inférieure sous THS.
Enfin, une dernière étude publiée en 2003 (3) a mis en évidence
les liens entre la fréquence des hyperplasies atypiques et le THS
chez les femmes dépistées dans notre programme.
CONCLUSION
Nos études ont confirmé la diminution de sensibilité de la mam-
mographie de dépistage sous THS en France. Ces résultats
avaient déjà été obtenus avec des produits différents aux États-
Unis, par Laya, en 1996 (4), avec une mammographie à deux
incidences et un examen clinique. La densité accentuée des seins
sous THS explique en partie ces résultats, et les indicateurs de
qualité utilisés dans le pilotage des programmes doivent prendre
en compte ces modifications si une proportion importante des
femmes dépistées est traitée.
La sensibilité plus faible de la mammographie sous THS est
en partie compensée par un meilleur pronostic des cancers
diagnostiqués sous traitement, en particulier un grade plus favo-
rable. Une meilleure surveillance des femmes sous THS ne
suffit pas à expliquer cette modification.
Il est donc très difficile actuellement, en l’absence d’étude épi-
démiologique spécifique, de mesurer exactement l’impact du
THS sur l’efficacité d’un programme de dépistage et, à long
terme, l’effet sur la mortalité. ■
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Séradour B, Estève J, Heid P, Jacquemier J. Hormone replacement therapy
and screening mammography : analysis of the results in the Bouches-du-Rhône
programme. J Med Screen 1999 ; 6 : 99-102.
2. Estève J, Séradour B, Jacquemier J, Remontet L. Does a better grade of
tumour occurring in women under hormone replacement therapy compensate
for their lower probability of detection by screening mammography. J Med
Screen 2002 ; 9 : 70-3.
3. Gayet A, Estève J, Séradour B et al. Does hormone replacement therapy
increase the frequency of breast atypical hyperplasia in postmenopausal women ?
Results from the Bouches-du-Rhône district screening campaign. Eur J Cancer
2003 ; 39 : 1738-45.
4. Laya MB, Larson EB, Taplin SH et al. Effect of oestrogen replacement therapy
on the specificity and sensitivity of screening mammography. J Natl Cancer Inst
1996 ; 88 : 643-9.
Le dépistage du cancer du sein :
un enjeu de santé publique
Le cancer du sein est la cause de 11 600 décès par an en
France. Alors que le taux de mortalité reste stable depuis ces
dernières années, le nombre de cancers du sein a augmenté
de 60 % en 20 ans.
Le dépistage par mammographie réalisé chez les femmes de
plus de 50 ans selon des normes de qualité, a entraîné une
diminution de la mortalité d’environ 30 % dans les pays où ces programmes
ont été initiés. En France, depuis plus de 10 ans, des expériences dépar-
tementales ont permis d’élaborer un dispositif original, faisant appel aux
centres de radiologie publics et privés. La qualité a été placée au centre de
ce programme.
À partir de 2004, ce dépistage sera généralisé à toute la France selon un
protocole réactualisé visant à améliorer la participation des femmes et
l’adhésion des professionnels.
Cet ouvrage détaille les différents aspects du dépistage du cancer du sein et
l’évolution des concepts : l’histoire de la maladie, l’épidémiologie, les points
radiologiques et techniques, les problèmes médico-légaux. Les difficultés de
communication et d’évaluation sont également abordées. Les modalités de
l’organisation du dépistage hors de France et l’historique du dépistage dans
notre pays permettent de mieux comprendre les enjeux majeurs de cet ambi-
tieux programme de santé publique.
Livre –Auteur : B. Séradour