a population féminine a eu en France un accès libre
à la mammographie et cet examen a été largement
prescrit dans un cadre individuel, en particulier après
50 ans.
Le programme de dépistage actuel invite les femmes de 50 à
74 ans tous les 2 ans et doit être généralisé en 2004. Entre 1989
et 2000, 32 départements ont participé au programme national.
Le protocole de dépistage comprenait une seule incidence
oblique par sein tous les 3 ans, avec double lecture systématique.
L’efficacité de la mammographie est fonction de la qualité des
clichés, de la qualité de la lecture mais aussi de la densité des
seins. Sa sensibilité est moins bonne dans les seins denses, en
particulier chez les jeunes femmes. Le traitement hormonal
substitutif (THS) modifie la densité des seins et peut donc avoir
un impact sur les performances du dépistage radiologique.
En France, ce traitement a été prescrit surtout depuis une quin-
zaine d’années et, en 1998, une enquête de l’industrie pharma-
ceutique montrait qu’il était prescrit à environ 30 % de la popu-
lation entre 50 et 64 ans. Le THS comprend de l’estradiol naturel
associé à des progestatifs en continu ou en mode cyclique.
L’utilisation de ces traitements s’est encore accentuée ces der-
nières années entre 50 et 60 ans, et il est apparu nécessaire de
mieux connaître leur impact en termes de résultats sur le pro-
gramme de dépistage. En effet, les indicateurs d’efficacité uti-
lisés pour le pilotage sont fondés sur les résultats obtenus en
Suède avant 1980, lorsque ce traitement était rarement prescrit.
Le taux acceptable de cancers de l’intervalle à 12 ou 24 mois doit
être revu en tenant compte de ces données dans des pays comme
la France où une large partie de la population est concernée et
où le type des produits utilisés est différent des États-Unis.
Cependant, aucune analyse épidémiologique détaillée n’a encore
été conduite en France pour comparer l’effet des produits et de
leur dosage.
Dans les Bouches-du-Rhône, un programme de dépistage a
démarré en 1989. À partir de 1993, l’interrogatoire de la femme
mentionnait aussi la prise de THS au moment de l’examen sans
plus de précision. Cent dix centres de radiologie ont participé à
ce programme et tous ont été soumis à un contrôle de qualité. La
mise en place dès 1989 d’un recueil histosénologique départe-
mental permet une évaluation des cancers de l’intervalle, malgré
l’absence de registre des cancers. Deux études ont été conduites
et publiées en 1999 et 2002. La première mesurait l’efficacité de
la mammographie de dépistage dans la population traitée et dans
la population non traitée. La seconde comparait les facteurs de
pronostic des cancers diagnostiqués dans le programme sous
THS à ceux des cancers sans THS. Ces deux études contribuent
à mieux connaître l’impact du THS sur l’efficacité du dépistage
du cancer du sein à court et à long terme. Nous rapportons ici
les conclusions de ces deux publications (1, 2). Les méthodo-
logies statistiques et la bibliographie complète peuvent y être
consultées.
ANALYSE DES RÉSULTATS DU PROGRAMME :
EFFICACITÉ DE LA MAMMOGRAPHIE DE DÉPISTAGE
(1)
Entre 1993 et 1996, 41 062 femmes ont passé une première mam-
mographie dans le programme et 48 275 femmes une seconde
ou une troisième mammographie. Au total, 74 507 femmes
n’utilisaient pas de THS au moment du test, et 14 830 étaient
sous THS. En 1998, 27 % des femmes de 50 à 69 ans étaient
traitées parmi les répondantes.
Après 12 mois de suivi, le calcul de la sensibilité montre qu’elle
est plus élevée chez les femmes non traitées (92 %) que chez
les femmes traitées (71 %) : il y a cinq fois plus de chances
qu’un cancer soit détecté par la mammographie de dépistage
plutôt qu’il soit diagnostiqué comme un cancer d’intervalle chez
les femmes non traitées par rapport aux femmes sous THS (odd
ratio : 5,14 [IC 95 % : 2,5-11,8]). L’effet sur la sensibilité existe,
quels que soient l’âge ou l’examen (prévalent ou incident).
La spécificité n’est pas différente entre les deux groupes pour
les examens prévalents, elle est légèrement inférieure chez les
femmes traitées pour les examens incidents.
Le taux de cancers de l’intervalle est très significativement aug-
menté chez les femmes traitées : il y a 2,3 fois plus de cancers
d’intervalle durant les 36 mois après le dépistage, mais c’est
pendant les 12 premiers mois que le taux est le plus élevé
(1,28 ‰ contre 0,37 ‰). Trente-neuf pour cent des cancers
d’intervalle surviennent dans des seins très denses sous THS.
Impact du THS sur le dépistage du cancer du sein
HRT and breast cancer screening
B. Séradour*, J. Estève**, J. Jacquemier***
* ARCADES (Association pour la recherche et le dépistage des cancers du sein),
hôpital de La Timone, Marseille.
** Site Lacassagne, service de biostatistiques, Lyon.
*** Institut Paoli-Calmettes, service d’anatomie pathologique, Marseille.
L
DOSSIER
14
La Lettre du Sénologue - n° 21 - juillet/août/septembre 2003
ANALYSE DES FACTEURS PRONOSTIQUES
DES CANCERS DU SEIN EN FONCTION DU THS
(2)
L’étude a porté sur l’ensemble des 1 264 cancers invasifs dia-
gnostiqués entre avril 1993 et février 2000 chez les participantes
au programme, 860 cancers détectés et 404 cancers de l’inter-
valle. Le recueil histologique permet de connaître la taille, le
grade et le statut ganglionnaire de ces cancers. La présence d’un
traitement hormonal au moment du diagnostic est aussi signalée.
La densité des seins a été classée par un second lecteur selon
trois catégories : seins graisseux (moins de 5 % de glande), seins
très denses (plus de 75 % de glande) et seins intermédiaires.
Quarante-sept pour cent des cancers invasifs sous THS ont été
détectés par mammographie, contre 71 % chez les femmes non
traitées. Pour évaluer les conséquences de cette diminution de
sensibilité de la mammographie, nous avons analysé la taille, le
statut ganglionnaire, le grade et la densité des seins en fonction du
mode de détection (cancer détecté/cancer intervalle) et du THS.
La taille
Les tumeurs détectées par le dépistage sont en moyenne de
la même taille avec ou sans THS. Les cancers d’intervalle en
revanche sont significativement de plus petite taille chez les
femmes traitées : 31 % des tumeurs mesurent plus de 2 cm sous
THS, contre 45 % sans THS. Cette différence est retrouvée quelle
que soit la durée de l’intervalle 12, 24 ou 36 mois.
Le statut ganglionnaire
Le pourcentage des tumeurs N+ était de 33 % chez les femmes
traitées et de 29 % chez les non-traitées, cette différence n’était pas
significative, même après ajustement pour l’âge. De plus, le pour-
centage de ganglions envahis ne dépend pas du mode de détection.
Le grade histopronostique
Le grade est plus favorable chez les femmes sous THS quel que
soit le mode de détection : cancers dépistés ou cancers d’inter-
valle. La proportion de grade 2 est la même (48 %) avec ou sans
THS, mais il y a une nette diminution des grades 3 chez les
femmes traitées : 10 % contre 32 % pour les cancers dépistés, et
18 % contre 32 % pour les cancers d’intervalle. Les cancers
lobulaires ne sont pas plus nombreux sous THS (12 %) mais de
meilleur pronostic.
La densité des seins
L’information sur la densité des seins et le THS a été connue pour
872 participantes : 42 % des femmes sous THS ont été classées
en seins denses et 24 % seulement sans THS. Dans les seins
denses, sous THS, le risque de cancer d’intervalle est plus élevé
et la taille des cancers détectés est plus volumineuse que sans
THS. À l’opposé, dans les seins graisseux, la taille des tumeurs
détectées est inférieure sous THS.
Enfin, une dernière étude publiée en 2003 (3) a mis en évidence
les liens entre la fréquence des hyperplasies atypiques et le THS
chez les femmes dépistées dans notre programme.
CONCLUSION
Nos études ont confirmé la diminution de sensibilité de la mam-
mographie de dépistage sous THS en France. Ces résultats
avaient déjà été obtenus avec des produits différents aux États-
Unis, par Laya, en 1996 (4), avec une mammographie à deux
incidences et un examen clinique. La densité accentuée des seins
sous THS explique en partie ces résultats, et les indicateurs de
qualité utilisés dans le pilotage des programmes doivent prendre
en compte ces modifications si une proportion importante des
femmes dépistées est traitée.
La sensibilité plus faible de la mammographie sous THS est
en partie compensée par un meilleur pronostic des cancers
diagnostiqués sous traitement, en particulier un grade plus favo-
rable. Une meilleure surveillance des femmes sous THS ne
suffit pas à expliquer cette modification.
Il est donc très difficile actuellement, en l’absence d’étude épi-
démiologique spécifique, de mesurer exactement l’impact du
THS sur l’efficacité d’un programme de dépistage et, à long
terme, l’effet sur la mortalité.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Séradour B, Estève J, Heid P, Jacquemier J. Hormone replacement therapy
and screening mammography : analysis of the results in the Bouches-du-Rhône
programme. J Med Screen 1999 ; 6 : 99-102.
2. Estève J, Séradour B, Jacquemier J, Remontet L. Does a better grade of
tumour occurring in women under hormone replacement therapy compensate
for their lower probability of detection by screening mammography. J Med
Screen 2002 ; 9 : 70-3.
3. Gayet A, Estève J, Séradour B et al. Does hormone replacement therapy
increase the frequency of breast atypical hyperplasia in postmenopausal women ?
Results from the Bouches-du-Rhône district screening campaign. Eur J Cancer
2003 ; 39 : 1738-45.
4. Laya MB, Larson EB, Taplin SH et al. Effect of oestrogen replacement therapy
on the specificity and sensitivity of screening mammography. J Natl Cancer Inst
1996 ; 88 : 643-9.
Le dépistage du cancer du sein :
un enjeu de santé publique
Le cancer du sein est la cause de 11 600 décès par an en
France. Alors que le taux de mortalité reste stable depuis ces
dernières années, le nombre de cancers du sein a augmenté
de 60 % en 20 ans.
Le dépistage par mammographie réalisé chez les femmes de
plus de 50 ans selon des normes de qualité, a entraîné une
diminution de la mortalité d’environ 30 % dans les pays où ces programmes
ont été initiés. En France, depuis plus de 10 ans, des expériences dépar-
tementales ont permis d’élaborer un dispositif original, faisant appel aux
centres de radiologie publics et privés. La qualité a été placée au centre de
ce programme.
À partir de 2004, ce dépistage sera généralisé à toute la France selon un
protocole réactualisé visant à améliorer la participation des femmes et
l’adhésion des professionnels.
Cet ouvrage détaille les différents aspects du dépistage du cancer du sein et
l’évolution des concepts : l’histoire de la maladie, l’épidémiologie, les points
radiologiques et techniques, les problèmes médico-légaux. Les difficultés de
communication et d’évaluation sont également abordées. Les modalités de
l’organisation du dépistage hors de France et l’historique du dépistage dans
notre pays permettent de mieux comprendre les enjeux majeurs de cet ambi-
tieux programme de santé publique.
Livre Auteur : B. Séradour
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