BILLET (1) Rares sont ceux qui, au 21e siècle, sont encore de purs

BILLET (1)
Rares sont ceux qui, au 21e siècle, sont encore de purs scientistes,
tenants de cette idéologie qui pose que le seul accès valable à la vérité
est dans la science officielle, celle qu’on enseigne dans les universités. Il
faut que ces esprits soient singulièrement bornés et qu’ils se refusent
obstinément à regarder toutes sortes de faits que ladite science ne
pourra jamais expliquer de manière satisfaisante. En fait, les scientistes
nient qu’il y ait du mystère dans l’univers, et surtout dans l’existence
humaine, et ils se disent : « Ce qu’on appelle mystère aujourd’hui,
demain ne le sera plus, car nous aurons découvert les lois qui expliquent
ces phénomènes. » C’est ce qu’ils « croient », bien que la présence de
lois dans le monde ou la nature posent un problème qu’ils ne pourront
jamais résoudre rationnellement, puisque les lois supposent une pensée.
Comme le mystère ouvre une porte à la religion ou si l’on veut au
religieux , les scientistes veulent la tenir fermée et ils interdisent à
quiconque de l’ouvrir, sous peine de passer pour un hurluberlu, un esprit
mou, étroit, faible, une sorte de handicapé de l’intelligence. Ceux qui
l’ouvrent quand même et entrent découvrent souvent un domaine de
réalités qui donnent un sens à leur existence ; un sens tout à fait autre
que celui proposé par les idéologues scientistes et devenu la norme dans
les médias, à savoir le plaisir de vivre tout simplement. Ce sens, on le sait
maintenant, conduit à une société de consommation plus ou moins
frénétique, laquelle, avec la mondialisation, est en train d’étrangler la
planète. Certes, beaucoup de scientistes, dans les universités, vivent
pour autre chose que le plaisir de vivre, ils vivent pour la recherche de la
vérité scientifique sur l’univers et tout ce qui pour eux existe. De cela ils
tirent cependant grand plaisir, et c’est encore le plaisir qui donne sens à
leur existence, mais un plaisir raffiné que seuls les plus beaux esprits
peuvent espérer atteindre. Quant à la masse, est-elle perdue ? Elle a
tendance à s’intéresser au mystère.
Derrière la porte du mystère que trouve-t-on ? Un véritable bazar, un
capharnaüm de doctrines, d’enseignements, de philosophies, de
traditions, avec des récits de témoignages sur des faits extraordinaires
de toute nature. Comment s’y reconnaitre ? À qui faire confiance ? Par
quoi commencer ? Là règnent en monarques les grandes religions, et des
petites, innombrables, qui n’en portent pas le nom, mais en sont
néanmoins, car elles rassemblent des hommes et des femmes et les
unissent dans l’adhésion à certaines idées, croyances, dogmes qui leur
paraissent parfaitement vrais. Et qui peut-être le sont ! On y trouve aussi
l’examen et l’étude de faits paranormaux, qui peuvent n’avoir aucun lien
avec les religions, mais se situent tout de même dans un domaine où les
religions se tiennent et œuvrent depuis les origines de l’humanité.
Je fais référence ici à ces phénomènes qui nous obligent à penser qu’il y
a dans l’homme un esprit ou une âme, dont les attaches avec le corps
sont plutôt lâches. Certains de ces faits donnent à penser qu’il peut y
avoir une survivance du moi conscient, du noyau spirituel de la
personne, dans une autre sphère de réalité que celui que nous
connaissons et désignons avec le terme « monde ». On peut appeler
cette autre sphère l’ « au-delà ». L’une des expériences les plus fortes de
cet au-delà et de la survivance possible du Moi est ce qu’on appelle les
« expériences de mort imminente, ou provisoire », vécue par de
nombreux comateux. Mais il y en a beaucoup d’autres moins
spectaculaires. Par exemple, je connais personnellement quelques
personnes qui m’affirment avoir parlé avec des proches décédés, et
même parfois les avoir vues sous des formes fantomatiques.
Comment s’y retrouver ? Comment discerner le vrai du faux ? Car il y a
ici des fraudeurs et des menteurs, qui abusent de la crédulité des gens.
Tout refuser en bloc est intellectuellement malhonnête ; tout prendre
sans discernement est pure faiblesse, voire maladie de l’esprit. Il me
semble qu’on peut utiliser deux critères : la vérité et la liberté. Tout être
humain ressent l’exigence de faire la vérité en lui-même et dans son
discours, et d’atteindre ainsi une liberté qui s’articule à la vérité et lui
permet une existence authentiquement humaine. Pas nécessairement
heureuse toutefois. Ce pourrait même être le contraire. Ce qui est
évident aussi, c’est qu’on n’atteint ni la vérité, ni la liberté, ni les deux,
tout seul. Il faut la rencontre d’autres personnes et la liaison avec elles.
On ne peut accéder au vrai qu’avec l’aide de maitres qui nous y initient,
et vivre dans la liberté qu’au milieu de personnes qui sont libres. À cause
de notre solidarité avec elles. Or parler de ces exigences de vérité, de
liberté, de solidarité, c’est déjà considérer l’être humain comme autre
chose qu’un objet de la nature, une fabrication du cosmos. C’est lui
reconnaitre un statut spécial au sein de l’univers et une ouverture sur le
mystère qui troue la nature.
Inutile de dire que la vérité dont il est question ici n’est pas celle de la
science, et la liberté, celle qui nous procure le plaisir de faire ce qu’on
désire. Ce n’est pas celle qui permet de satisfaire ses instincts ou même
ses volontés, quelles qu’elles soient. Il faut bien dire que la vraie liberté
est celle qui nous permet de faire les seuls actes qui enrichissent
l’humanité au complet, et non pas seulement notre petite personne.
Tout comme la vérité ici en cause n’est pas celle qui nous découvre les
lois du monde, mais la vraie essence de l’homme, cet être doté d’une
transcendance et d’une capacité d’entrer en relation avec les réalités qui
se trouvent derrière la porte du mystère.
BULLET (II)
Contrairement à ce que plusieurs pensent, la foi n’est pas un moyen de
connaitre ce que nous ne pouvons pas connaitre par la raison ou la
science. Ou pire, une supposée connaissance dont l’objet est un dogme
absolument indémontrable et rien moins qu’évident. Elle est plutôt un
moyen d’être différemment. Et cela est vrai déjà de la foi purement
profane en soi-même. Comme aussi de celles en ses parents, ses amis,
son conjoint, ses maitres, ses dirigeants, ses partenaires d’affaires, etc.,
lesquelles structurent notre identité et rendent possible la vie en
société. La foi religieuse ne fait que s’ajouter à ces fois-là et elle les
complète. À condition que Dieu ne soit pas une pure idée ou une
abstraction, mais l’Être même synonyme de Vie et d’Amour. Or, pour
cela, il faut un Dieu unique et transcendant, qu’on ne connaitrait pas s’il
ne s’était manifesté ou révélé à nous.
Pour plusieurs, Dieu est un Dieu de puissance et d’intelligence, qui
explique l’ordre du monde et les lois qui le régissent. Ce Dieu peut être
immanent et la philosophie alors suffit pour nous le faire connaitre ; le
spinozisme est ici un bel exemple. Mais ce Dieu n’est connu que des
intellectuels, des savants, des plus brillants des hommes, qui s’adonnent
sérieusement à la réflexion. Pour eux la Bible est un livre de littérature,
rempli de merveilleux, comme on en trouve plusieurs autres à l’origine
des grandes civilisations, là où les religions ont joué un rôle structurant
jusqu’à une période récente, qu’on appelle « modernité ».
La foi a ainsi une dimension ontologique. Elle nait de la faiblesse de
l’individu, qui se sait voué à la mort, qui est constamment menacé par
l’accident et la maladie, par l’échec de ses projets, la ruine de ses
espérances. Il veut être plus, mieux, plus solidement assuré dans son
être. Ce n’est pas de savoir la taille de l’univers ou le nombre des
synapses de son cerveau qui le préoccupe. Il veut être mieux assuré dans
son être, et pour cela il doit entrer en relation avec l’Être lui-même, à
savoir Dieu, ou la Vie en personne, l’Amour en personne. Or, c’est la
religion qui le lui permet et le lui promet. Que chacun soit déficient dans
son être propre est une expérience évidente chez ceux qui ont atteint un
certain âge et chez une grande partie de tous les autres ; et ce ne sont
pas tous qui peuvent compter sur de nombreuses fois profanes pour se
solidifier dans l’existence. De toute façon, il y a quelque chose de factice
et de théâtral dans cette foi profane, quelque chose d’instable,
d’aléatoire. À tout moment, un coup de vent peut faire tout chavirer.
On comprendra que la recherche de l’homme se porte vers un être
transcendant, qui est pur être, avec lequel il peut faire alliance. Tel est le
Christ et telle est l’Église, pour le chrétien, le vrai chrétien, qui « croit »
en la divinité de Jésus et en la vérité de ses paroles. Mais cette
« croyance » n’est pas irrationnelle, elle est fondée sur les témoignages
qui sont à l’origine des textes de l’Écriture que nous possédons et sur la
tradition ininterrompue de l’Église qui les conserve et les commente.
L’agnostique passera à l’attaque : « Vous ne serez jamais sûr que Jésus-
Christ est Dieu, le Fils du Père auquel les juifs croient sans pourtant
croire au Christ. Et ce Père, ce Yahvé, n’est peut-être rien d’autre qu’une
idée de leur esprit, une structure neuronale collective qui s’est
développée au fil des siècles dans ce groupe social très particulier. »
Cet argument n’est pas décisif, mais il est fort. On peut cependant lui
opposer les expériences troublantes, bien que très rares, de ceux qu’on
appelle les « mystiques ». En effet, il y a des personnes qui affirment
avoir eu une « rencontre avec Dieu », autrement dit une expérience
directe de sa présence. Ils sont rares, mais il s’en trouve, et à toutes les
époques. Souvent d’ailleurs elles écrivent le récit de ces rencontres,
qu’on appelle aussi « extases », ou le font écrire à d’autres. Ces
témoignages, quoique très différents, concordent : Dieu lui-même se fait
connaitre en personne et rien apparemment ne peut exister en ce
monde qui ressemble ou seulement approche de cette expérience, tant
en qualité qu’en intensité.
La contrattaque dira qu’il s’agit vraisemblablement d’une expérience
hystérique à base de sexualité refoulée, que la psychologie connait bien,
mais qu’il est interdit de prendre au sérieux. Contre cela il faut dire que
plusieurs mystiques ont eu une vie sexuelle normale, dont l’une des plus
grandes, bien connue au Québec : Marie de l’Incarnation. Il y a de plus
d’innombrables personnes sensées, bien renseignées, qui honnêtement
affirment que ces récits méritent créance. Parmi eux un penseur
renommé et dont l’esprit était tout imprégné de science et de l’esprit de
la science, Henri Bergson. Dans son dernier livre, où il s’attache à
découvrir l’origine de la morale et de la religion, il en vient à la
conclusion que ce sont ces expériences des mystiques qui donnent
solidité aux religions, et cela l’entraine personnellement de son judaïsme
(non pratiqué), vers le catholicisme. S’il ne se convertit pas, ce fut par
solidarité avec son peuple dans cette période de l’avant-guerre et du
début de la Seconde Guerre mondiale où il était sauvagement persécuté.
L’Église catholique pourtant, on le sait, manifeste une certaine méfiance
à l’endroit des mystiques, comme elle le fait à l’endroit des miracles, des
apparitions de la Vierge ou du Christ, des guérisons inexplicables dans
des lieux de pèlerinage, etc. Elle préfèrerait que nous venions à la foi par
une démarche « rationnelle », en reconnaissant notre faiblesse
congénitale et surtout notre nature pècheresse, qui nous voue
inexorablement à la mort. Pour ensuite ouvrir notre « cœur » à l’appel
de Dieu (ou du Christ) que chacun ressent un jour ou l’autre au fond de
sa conscience. À condition qu’il connaisse un peu Dieu déjà, qu’il en ait
entendu parler…
L’autre question qui se pose ensuite et qui ne vient pas de l’athée ou de
l’agnostique est celle de la multiplicité des expériences mystiques. Il s’en
trouve chez les hindous, les bouddhistes, les musulmans, etc. Renvoient-
elles toutes à un même Dieu transcendant, ou à plusieurs « Dieu » ? Y a-
t-il une seule vraie mystique et plusieurs fausses ? Comment concilier la
1 / 23 100%

BILLET (1) Rares sont ceux qui, au 21e siècle, sont encore de purs

La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !