CAS CLINIQUE
Figure 3. Large cervicotomie avec issue du pus.
Figure 4. Zone de nécrose noirâtre.
La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 324 - janvier-février-mars 2011 | 31
du pus. Les lames ont été retirées progressivement. L’amélioration
de l’état général, avec baisse de la température, a été nette dès
le troisième jour. Les incisions se sont cicatrisées vers le huitième
jour, et l’antibiothérapie a été poursuivie per os. Ce patient a été
suivi régulièrement depuis. Il a bénéficié de soins dentaires, et il n’a
pas présenté de récidive de cette cellulite avec un recul de 3 ans.
Discussion
Le terme de cellulite cervicale regroupe des entités anatomo-
pathologiques variées allant de l’atteinte du derme superficiel
jusqu’à celle des muscles. La dermo-hypodermite bactérienne
avec atteinte nécrosante de l’aponévrose et parfois des muscles
sous-jacents est la forme la plus grave (fasciite nécrosante). C’est
une urgence ORL de pronostic parfois péjoratif (2). On retrouve
souvent à l’interrogatoire la notion d’une infection récente,
dentaire (abcès) ou pharyngée (angine, phlegmon périamygdalien),
et mal prise en charge (automédication, AINS, corticoïdes). Les
signes fonctionnels sont dominés par les douleurs cervicales,
souvent diffuses, accompagnées ou non d’une dysphagie. La
dyspnée survient à un stade tardif. Elle est liée à une infiltration
œdémateuse de la base de langue et de la filière laryngée. L’examen
physique est souvent pauvre, et contraste avec l’intensité des
signes fonctionnels. Cet examen révèle une tuméfaction inflamma-
toire à type d’empâtement cervical, uni- ou bilatéral, associée à une
fièvre supérieure à 38,5 °C. La palpation cervicale d’un emphysème
sous-cutané évoque la responsabilité de germes anaérobies, de
mauvais pronostic. En cas de porte d’entrée dentaire, on peut
retrouver un trismus, et, en cas d’atteinte de l’espace prévertébral,
on peut observer un torticolis (2, 3). La tomodensitométrie (TDM)
cervico-thoracique doit être réalisée dans les plus brefs délais. Elle
a pour but de confirmer le diagnostic de cellulite, de rechercher
le point de départ de l’infection et de guider le traitement chirur-
gical, en montrant l’extension de l’infection au niveau cervical
et médiastinal. Enfin, cette TDM recherche des complications
telles qu’une thrombose jugulaire et une compression des voies
aériennes supérieures (4).
En l’absence d’un traitement chirurgical précoce et bien conduit,
l’infection va se propager vers le médiastin dans plus de 20 % des
cas. Cette évolution est favorisée par la localisation pharyngée
initiale de l’infection et la prise de corticoïdes oraux, et elle est
plus fréquente lorsqu’il y a présence de gaz sur l’imagerie initiale.
L’atteinte médiastinale est responsable d’une augmentation du
taux de morbidité, sans élévation du taux de mortalité. À ces
conséquences tissulaires locales s’ajoutent les effets d’un sepsis
menaçant (3, 5).
Le traitement doit être réalisé en urgence et associer chirurgie
et antibiothérapie. Le foyer infectieux doit être abordé par une
large incision cervicale, souvent bimastoïdienne. Le médiastin
est drainé par des lames descendues à partir de la cervicotomie,
mais, si l’extension est plus profonde, il faut faire une sternotomie
ou une thoracotomie. Il faut éviter un traitement trop conser-
vateur ne permettant pas d’éliminer tous les tissus nécrosés et
infectés. L’extrême rapidité d’extension des lésions oblige souvent
à réopérer les patients pour compléter l’excision des tissus infectés
et nécrosés. Il ne faut pas oublier de traiter la porte d’entrée. Une
trachéotomie transitoire est également parfois nécessaire, surtout
en cas de médiastinite associée (2, 6). La place de l’oxygénothé-
rapie hyperbare n’a pas été évaluée de façon randomisée (7).
L’identification des germes responsables est indispensable. Les
prélèvements les plus fiables sont ceux faits en peropératoire,
en précisant que l’on recherche des germes aérobies mais aussi
anaérobies. En attendant les résultats, le patient reçoit une
antibiothérapie probabiliste active sur les germes communautaires
aérobies et anaérobies de la sphère ORL, qui associe généralement
une amoxicilline, une céphalosporine de troisième génération et
un imidazole, administrés par voie intraveineuse pour une durée
moyenne de 10 à 14 jours (6). Cette antibiothérapie est ensuite
adaptée en fonction de l’antibiogramme. Dans la plupart des cas,
l’infection est mixte et comporte des bactéries aérobies et des
bactéries anaérobies. On retrouve principalement des strepto-
coques du groupe milleri (anginosus, constellatus, intermedius), des
Streptococcus pyogenes, des staphylocoques dorés ou à coagulase
négative et des Prevotella.