12 | La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXVI - n° 1 - janvier-février 2011
CONGRÈS
RÉUNION
concomitamment à l’augmentation de la consomma-
tion de graisses, aux modifications comportementales
(tabagisme, sédentarité) et environnementales (urba-
nisation) : l’exposition aux facteurs de risque cardio-
vasculaires se majore. Les pathologies de surcharges
métaboliques se développent, comme en témoigne
l’augmentation de la prévalence de l’hypertension
artérielle (HTA) entre 1994 et 2005. Or, en Afrique,
40 % de personnes hypertendues ne sont pas dépistées,
30 % sont traitées et seules 0,4 à 16,8 % sont suivies
et contrôlées. S’ajoute à cela le facteur de stress social
(ex. : le pic significatif d’infarctus en septembre/octobre
2002 après la déclaration de guerre en Côte d’Ivoire).
Concomitamment, les grandes pandémies (VIH, tuber-
culose, fièvre jaune, paludisme) se poursuivent voire
réaugmentent. Les cardiopathies dans le contexte
africain regroupent celles d’étiologies cosmopolites :
hypertensive (première grande cause cardio-vasculaire
en Afrique), ischémique (en augmentation), rhumatis-
male (en régression), cardiomyopathie dilatée, etc. et
celles plus spécifiques liées au VIH, aux infections para-
sitaires (maladie de Chagas, bilharziose), aux carences
(béribéri, anémie) et à l’éthylisme. Le VIH provoque plus
spécifiquement des atteintes myocardiques (significa-
tivement associées à un taux bas de CD4, compliquées
d’infections opportunistes parasitaires), des atteintes
péricardiques dominées par la tuberculose, des endo-
cardites marastiques ou infectieuses, des coronaropa-
thies s’ajoutant aux facteurs de risque cardio-vasculaire
connus et des hypertensions artérielles pulmonaires.
Évaluation des traitements
antirétroviraux
Pierre-Marie Girard (IMEA, hôpital Saint-Antoine,
Paris) présente les résultats de la cohorte LIPOAFRI :
elle a concerné 245 patients naïfs d’origine afri-
caine (69 patients dans 4 hôpitaux franciliens, 176 à
Abidjan), suivis trimestriellement pendant 3 ans et mis
sous traitement ARV après la première visite ayant eu
lieu entre mai 2005 et janvier 2007. Les traitements
ARV étaient à la discrétion des cliniciens. Les objectifs
étaient de déterminer les facteurs de risque et l’inci-
dence de la lipodystrophie et du syndrome métabo-
lique. La lipodystrophie survient plus fréquemment
en Île-de-France qu’à Abidjan (15,1/100 patients/
année versus 4,6/100 patients/ année) [p < 0,01]. Le
syndrome métabolique survient chez 9,6/100 patients/
année en Île-de-France, tandis qu’il survient chez
4,6/100 patients/année à Abidjan (p = 0,04). Les
facteurs de risque identifiés de lipodystrophie sont
le traitement par stavudine et/ou par inhibiteur de
protéase (pas de différence faite entre lipoatrophie
ou lipohypertrophie). La lipodystrophie est corrélée à
l’absence de pratique sportive et à la vie francilienne.
Mar Pujades-Rodriguez (MSF, Épicentre, Paris)
fait part de l’évaluation des traitements antiré-
troviraux de seconde ligne dans 14 pays d’Afrique
et d’Asie, en comparant les patients en échec
(CV > 1 000 copies/ ml) après au moins 6 mois
de traitement de seconde ligne, par rapport à des
patients en succès de seconde ligne. Les facteurs
de risque d’échec sont de commencer le traitement
de seconde ligne avec un taux de CD4 inférieur à
100/ mm
3
versus supérieur ou égal à 200/mm
3
(ratio
d’incidence ajusté [RIA] = 3 ; p < 0,001), tandis qu’avec
un taux de CD4 compris entre 100 et 200/mm3, le
RIA est de 1,59 (p < 0,001) d’avoir un traitement à
base de nelfinavir et d’être pris en charge en centre
hospitalier par rapport au centre de santé (ce dernier
favorisant l’observance). Le risque de décès est trois
fois plus important en cas d’échec de seconde ligne
qu’en l’absence d’échec.
Roland Landman (IMEA, hôpital Bichat, Paris) analyse
la possibilité de troisième ligne d’ARV en Afrique. Les
pays ayant instauré les ARV dans les années 1990 sont
confrontés actuellement à la mise sous traitement de
seconde ligne des patients en échec. Or, la mortalité
à 1 an des patients en échec de première ligne avec
néanmoins maintien de la première ligne (11,7 %) est
plus importante que celle des patients en succès de
première ligne (2,2 %), et que celle des patients mis en
seconde ligne d’ARV (4,2 %) [différence non expliquée
par l’âge, le nadir de CD4 ou par les patients perdus
de vue ; p < 0,001). Le risque d’échec de seconde ligne
est d’autant plus élevé que les critères d’échec de
première ligne sont fondés sur la clinique et sur le
taux de CD4 (et non pas sur la charge virale), et que
le taux de CD4 est bas à son instauration. S’ajoutant
au retard de diagnostic de l’échec et à la moindre
observance, la prescription d’une seconde ligne subop-
timale par défaut de disponibilité d’ARV provoque
l’accumulation de résistances virales objectivées dans
plusieurs études. L’OMS a donc recommandé en 2009
la mise à disposition d’ARV de troisième ligne efficaces
sur les résistances décrites, à moindre coût, et bien
tolérés. Or, le coût actuel d’une troisième ligne par
darunavir/ritonavir, raltégravir et étravirine est 23 fois
supérieur à celui de la première ligne (zidovudine/
lamivudine/névirapine). Les brevets pour l’exploitation
du darunavir seront disponibles en 2013, de l’atazanir
en 2017, de l’étravirine et du maraviroc en 2019 et du
raltégravir en 2022. Les mobilisations associatives et
scientifiques ont commencé, mais des mobilisations
politiques sont également nécessaires.