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N F O R M A T I O N S
Les syndromes
coronaires aigus
● G. Rosey*
L a première session des “Débats du 20 heures” s’est déroulée à Paris au début de l’année autour de deux
questions sur le thème des syndromes coronaires aigus (SCA) : faut-il traiter tous les SCA par un inhibiteur des
GPIIb/IIIa ? Faut-il commencer immédiatement, sans dosage, un traitement par statine dans les SCA ?
Chacune de ces questions fut traitée par deux protagonistes, dont les opinions se voulaient délibérément extrêmes.
Ces deux controverses, ainsi que les nombreuses questions de l’auditoire, furent modérées par les
professeurs Ariel Cohen et Gilles Montalescot.
S C A et i nh i b it e urs d e s G P I I b/ I I I a
LES INHIBITEURS DES GPIIb/IIIa DANS LES SYNDROMES
CORONAIRES AIGUS : CHEZ PRESQUE PERSONNE
(B. Chevalier, CCN, Saint-Denis)
Tableau I. Méta-analyse sur les essais avec les anti-GPIIb/IIIa.
La plaque d’athérome des SCA est une plaque rompue ou en passe
de l’être, associée à des degrés de thrombose très variables d’un
patient à l’autre. La quantité de thrombus détermine le pronostic
du patient. En cas de thrombus volumineux, on aboutit à l’infarctus du myocarde par deux mécanismes : obstruction de la
lumière artérielle et microembolies distales.
Méta-analyse de Boersma
Parmi les différentes voies pour agir sur la thrombose dans le
SCA, nous disposons depuis environ huit ans des inhibiteurs des
GPIIb/IIIa. Qu’en est-il de leur efficacité ?
En regroupant l’ensemble des essais concernant les antiGPIIb/IIIa, avec 31 402 patients dans la méta-analyse de Boersma
publiée dans le Lancet en 2002, on trouve un effet significatif très
positif en faveur des anti-GPIIb/IIIa, avec 9 % de réduction du
risque relatif sur le critère combiné décès + infarctus du myocarde à 30 jours. Néanmoins, cette méta-analyse regroupe des
essais concernant des patients avec un SCA, mais aussi avec des
angioplasties programmées en dehors de tout SCA. L’analyse de
sous-groupe trouve que les patients bénéficiant le plus des antiGPIIb/IIIa sont ceux dont la troponine Ic est positive ou qui bénéficient d’une angioplastie (PCI) (tableau I).
* Institut de cardiologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
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Dans le cas d’une stratégie conservatrice avec traitement médical seul, en l’absence d’angioplastie, on ne retrouve pas de bénéfice à l’usage des anti-GPIIb/IIIa pour les SCA sur le critère combiné décès et infarctus du myocarde, aussi bien dans l’étude
PURSUIT avec l’eptifibatide que dans l’étude PRISM-PLUS avec
le tirofiban.
Néanmoins, la stratégie conservatrice ne concerne que peu de
patients en France. On retrouve dans le registre français OSCAR
une nette prédominance de la stratégie invasive, avec un taux de
coronarographie à 88 % et d’angioplastie à 65 % dans les SCA.
L’intérêt majeur des anti-GPIIb/IIIa est de diminuer le risque initial d’infarctus du myocarde lié à l’intervention percutanée (données des études TACTICS et FRISC). On sait que les infarctus
La Lettre du Cardiologue - n° 365 - mai 2003
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survenant avant l’intervention percutanée ont un impact majeur
sur la mortalité à long terme et sont d’autant moins fréquents que
la date de l’intervention est précoce. On retrouve 2,2 % d’infarctus
avant angioplastie (ATC) pour une angioplastie programmée dans
les 24 heures versus 8,9 % pour une ATC prévue dans les 2 à
3 jours.
Recommandations de l’ESC
En se basant sur les recommandations actuelles de l’European
Society of Cardiology, on peut donc conclure que les patients à
haut risque (tableau II) qui bénéficient d’une stratégie invasive
précoce dans les trois jours sont de bons candidats aux antiGPIIb/IIIa ; ces patients représentent en pratique 60 % des patients
hospitalisés pour SCA.
On ajoutera les patients diabétiques, qui, comme le montre la
méta-analyse de Boersma, bénéficient le plus des anti-GPIIb/IIIa.
La mortalité au 30e jour avec les anti-GPIIb/IIIa versus placebo
est respectivement de 4,6 % versus 6,2 % chez les diabétiques
(p = 0,007) et de 3% versus 3 % chez les non-diabétiques.
Tableau II. Recommandations de l’ESC pour les anti-GPIIb/IIIa dans
les SCA sans sus-décalage du segment ST (non ST sus).
Haut risque
➣ sous-décalage du segment ST
➣ élévation transitoire du segment ST
➣ troponine Ic +
➣ patient réfractaire au traitement médical
➣ patient avec altération de la fonction VG
et instabilité hémodynamique
➣ les diabétiques
Le registre OPEN
Dans la pratique, le registre français OPEN (Observatoire de la
prise en charge et des complications après angioplastie coronaire
avec ou sans pose d’endoprothèse) nous offre une photographie
de la prise en charge des SCA traités par angioplastie en l’an 2000
avec 1 495 SCA sur 3 109 patients. Cette cohorte épidémiologique nationale, ayant fait intervenir 130 cardiologues interventionnels, vise à décrire les pratiques et à enregistrer les accidents
hémorragiques et thrombotiques au 30e jour liés à l’angioplastie
(tableau III).
Dans le sous-groupe des SCA non ST sus (n = 1 164), les antiGPIIb/IIIa sont utilisés dans 12,4 % des cas avec un taux de succès de l’angioplastie de 98 % et un taux d’événements de 1,59 %.
Tableau III. Registre OPEN.
Registre OPEN
SCA (non ST sus)
IDM aigu
Nombre de patients
1 164
325
GPIIb/IIIa (%)
12,4
44
Nombre de stents/patient
1,59
1,56
Succès (%)
98
90,5
Événements (%)
1,5
11,8
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Au 30e jour, pour les 1 495 patients, on retrouve un taux de 2,4 %
infarctus, 2,1 % événements cardiovasculaires, et de 4,9 % événements combinés cardiovasculaires, revascularisation ou accident cardiovasculaire.
L’étude TACTICS-TIMI-18 retrouve la supériorité d’une stratégie invasive précoce avec réalisation d’une coronarographie dans
les 4 à 48 heures après l’admission d’un SCA non ST sus versus
une stratégie conservatrice, avec respectivement 7,4 % et 10,5 %
d’événements sur le critère principal (décès, infarctus non fatal,
réhospitalisation pour SCA ; p = 0,025). Le taux de décès ou d’infarctus non fatal s’abaisse à 6 mois dans la stratégie invasive
(7,3 % versus 9,5 %, p < 0,05).
On peut constater que les résultats du registre OPEN sont
meilleurs que ceux de l’étude TACTICS-TIMI-18, alors que les
anti-GPIIb/IIIa étaient utilisés chez 100 % des patients dans
TACTICS contre seulement 12,4 % dans le registre OPEN. Le
registre OPEN aboutit à des résultats étonnament bons malgré un
taux très faible d’utilisation des anti-GPIIb/IIIa.
Parmi les facteurs prédictifs de complications hémorragiques, le
registre retrouve l’âge, la persistance de la prescription d’héparine, le sexe féminin et le tabac.
Ce registre pose deux questions : quelles sont les raisons de
cette discordance de pratique ? Quelles sont les raisons de la
discordance des résultats ?
Une pratique discordante
En termes de pratique, le faible taux d’utilisation des antiGPIIb/IIIa en France par rapport à celui des études américaines
peut s’expliquer par quatre facteurs : un surcoût thérapeutique,
une fréquence élevée de la stratégie invasive précoce, une faible
conviction des cardiologues, un risque hémorragique accru. Ces
deux derniers facteurs nécessitent une explication.
Une faible conviction des cardiologues. On est surpris, dans la
méta-analyse de Boersma en 2002 (31 402 patients traités pour
SCA issus des études PRISM, PRISM+, PARAGON A et B,
PURSUIT et GUSTO IV), par la faible réduction du risque relatif de 9 % sur le critère composite décès et infarctus à 30 jours
(10,8 % versus 11,8 %, p = 0,015).
Trente et un mille quatre cent deux patients ont été nécessaires
pour obtenir un résultat positif, avec par ailleurs un bénéfice positif uniquement chez les hommes (19 % de réduction), et avec
même une tendance à un risque plus élevé chez la femme (augmentation de 10 %). Néanmoins, cette différence entre les sexes
disparaît si l’on s’intéresse au sous-groupe de patients avec
troponine positive.
Un risque hémorragique accru. Il s’agit d’un réel problème de
pratique quotidienne, avec une augmentation des hémorragies
mineures quelles que soient les études. Dans la méta-analyse de
Boersma, on observe une augmentation des complications hémorragiques majeures sous anti-GPIIb/IIIa (2,4 % versus 1,4 %,
p < 0,0001) sans augmentation des hémorragies intracrâniennes
(0,09 % versus 0,06 %, p = 0,40).
Les études avec l’eptifibatide (ESPRIT et PURSUIT) aboutissent
aux mêmes conclusions.
L’étude GUSTO IV ACS retrouve avec l’abciximab une augmentation des saignements mineurs et majeurs ainsi qu’une augmentation des thrombopénies (tableau IV).
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Tableau IV. Tolérance de l’abciximab dans GUSTO IV ACS.
Placebo
Abciximab
Abciximab
(n = 2 598) durée 24 heures durée 48 heures
(n = 2 590)
(n = 2 612)
Saignement majeur
0,3
0,6
1,0**
Saignement mineur
1,5
2,5*
3,6**
Saignement fatal
0,23
0,27
0,19
Transfusion > 2 CG
0,7
0,8
1,3*
Plaquettes < 50 000
0,04
1,6*
1,4**
* p < 0,05
** p < 0,001
Des résultats discordants
En termes de résultats, la discordance entre les études américaines et le registre français peut s’expliquer par deux facteurs :
quelle est la réelle nature du bénéfice des anti-GPIIb/IIIa, et quelle
est la part du rôle des thiénopyridines ?
La nature du bénéfice des anti-GPIIb/IIIa. C’est la question
principale à laquelle la méta-analyse de Boersma répond. Le
bénéfice apporté par les anti-GPIIb/IIIa est représenté par la
réduction des infarctus avant et après angioplastie.
Réduction des infarctus préangioplastie. L’étude ISAR-COOL,
présentée à l’AHA en novembre 2002, nous apporte la réponse
(tableau V et VI). Cette étude utilisant le tirofiban (associé à l’aspirine, au clopidogrel et à l’héparine) compare deux types de prise
en charge des SCA sans sus-décalage de ST : une stratégie invasive précoce avec passage en salle de coronarographie dans un
délai moyen de 2,4 heures, et une stratégie invasive retardée
(cooling off) avec un passage en salle dans un délai de 86 heures.
Dans la stratégie d’attente, où l’utilisation des anti-GPIIb/IIIa est
censée “passiver” la plaque et éviter les récidives ischémiques,
on retrouve une augmentation des infarctus sans onde Q non
létaux en rapport avec une augmentation des infarctus préangioplastie. Cette étude montre qu’une intervention précoce, sans
attendre l’effet des antithrombotiques, est la meilleure façon de
limiter les infarctus préangioplastie, et ne repose donc pas sur
l’utilisation des anti-GPIIb/IIIa.
Tableau V. ISAR-COOL : résultats majeurs à 30 jours.
Intervention
précoce
Intervention
retardée
p
Décès + IDM (%)
5,9
11,6
0,04
Décès (%)
0
1,5
NS
Tableau VI. ISAR-COOL : événements avant et après ATC.
Intervention
précoce
Intervention
retardée
p
IDM avant ATC (*)
1
13
0,002
IDM après ATC (*)
11
11
NS
* nombre d’événements
8
Réduction des infarctus postangioplastie. Le bénéfice des antiGPIIb/IIIa se fait sur la réduction des infarctus en postangioplastie, dont la définition varie selon les études. Dans l’étude
PURSUIT, l’infarctus postangioplastie correspond à une élévation très modeste des CPK à 1,5 fois la normale.
Par ailleurs, la relation entre la mortalité à long terme et l’élévation
des CPK postangioplastie est controversée. Le risque de mortalité
semble augmenter uniquement pour une élévation de CPK à plus
de cinq fois la normale. Le bénéfice concernant la réduction des
élévations de CPK inférieures à cinq fois la normale n’est pas connu.
Méthodologie statistique. Une approche assez populaire chez les
statisticiens aux États-Unis consiste à critiquer les méthodes statistiques utilisées dans les études sur les anti GPIIb/IIIa; pour le
Dr Kaul, les anti-GPIIb/IIIa sont “les placebos les plus chers de
la médecine cardiovasculaire”.
Différences géographiques. Dans l’étude PURSUIT, l’eptifibatide, efficace aux États-Unis, sans effet en Europe de l’Ouest,
devient même délétère en Amérique du Sud et en Europe de l’Est,
avec une tendance à l’augmentation des événements cardiovasculaires au 30e jour (décès + infarctus).
Rôle des thiénopyridines
Le problème majeur est l’impact réel du clopidogrel dans le traitement des SCA. En effet, toutes les études cliniques avec les antiGPIIb/IIIa ont été réalisées avant l’utilisation systématique du clopidogrel dans les syndromes coronaires sans sus-décalage de ST.
Depuis l’analyse d’un sous-groupe de l’étude EPISTENT, on
savait qu’un prétraitement avant angioplastie par ticlopidine était
équivalent à un prétraitement par abciximab.
Dans la sous-analyse de l’étude TARGET, on a les mêmes résultats avec le clopidogrel en prétraitement versus le tirofiban sur le
critère décès + infarctus à 30 jours.
L’étude CURE a démontré que l’utilisation du clopidogrel associé à l’aspirine réduit les événements dans les SCA sans sus-décalage de ST avec 9,3 % d’événements dans le bras clopidogrel versus 11,4 % dans le bras placebo (critère combiné mortalité
cardiovasculaire, infarctus non fatal et AVC, p < 0,001).
L’étude PCI-CURE a permis d’établir le bénéfice d’un prétraitement par clopidogrel avant une angioplastie versus placebo dans
les SCA. On retrouve dès la 48e heure un bénéfice précoce qui se
poursuit au 30e jour avec une diminution du critère composé décès,
infarctus, revascularisation urgente (4,5 % versus 6,4 %, p = 0,003).
L’étude CREDO (Clopidogrel for Reduction of Events During
Observation) sur 1 815 patients angineux traités par angioplastie randomise d’une part la présence ou non d’un prétraitement
par clopidogrel, d’autre part la durée de la prescription du clopidogrel un mois versus 12 mois. Dans cette étude américaine, on
retrouve environ 50 % de SCA sans sus-décalage de ST et une
prescription d’anti-GPIIb/IIIa dans 50 % des cas. Le prétraitement par clopidogrel au moins 6 heures avant l’angioplastie réduit
de 38,6 % à un an le critère combiné décès, IDM, revascularisation en urgence. Le post-traitement réduit de 26,9 % le critère
combiné décès, IDM et accident vasculaire cérébral à un an.
L’analyse en sous-groupe constate que seuls les non-diabétiques
et les patients stentés bénéficient significativement de l’association à un an.
La Lettre du Cardiologue - n° 365 - mai 2003
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Les études PCI-CURE et CREDO confirment l’intérêt d’un
prétraitement par clopidogrel, au moins 6 heures avant ATC, avec
poursuite de l’association clopidogrel + aspirine au moins un an.
L’étude CREDO comme l’étude CURE montrent que la présence
d’un anti-GPIIb/IIIa ne retire pas le bénéfice du clopidogrel ; cela
explique la notion d’une complémentarité et d’une possible
compétitivité de ces deux antithrombotiques, qui, en association,
ont montré une bonne tolérance, sans élévation significative des
hémorragie majeures ou mineures (tableau VII).
Tableau VII. Tolérance : événements indésirables majeurs à 28 jours
en intention de traitement.
Hémorragies
majeures
Prétraitement
par clopidogrel*
(n = 1 053)
Pas de prétraitement*
(n = 1 063)
p
Toutes
51 (4,8 %)
40 (3,8 %)
0,24
Non liées
à la procédure
1 (0,1 %)
4 (0,4 %)
0,37
Liées à la procédure
50 (4,7 %)
36 (3,4 %)
0,12
Anti-GPIIb/IIIa
(PP uniquement)
Oui (n = 823)
Non (n = 991)
9 (2,1 %)
11 (2,3 %)
9 (2,3 %)
7 (1,3 %)
> 0,99
0,34
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B. Chevalier fait une proposition personnelle de profils de risques
élevés, pour lesquels l’utilisation d’anti-GPIIb/IIIa sera conservée. Cette zone de prescription serait représentée par l’intersection des ensembles des sous-groupes à risque : diabétique, troponine Ic positive et sous-décalage du segment ST ou altération
de la fonction ventriculaire gauche (figure 1).
LES INHIBITEURS DES GPIIB/IIIA DANS LES SYNDROMES
CORONAIRES AIGUS : CHEZ PRESQUE TOUT LE MONDE
(G. Montalescot, Pitié-Salpêtrière, Paris)
Dans les SCA sans sus-décalage de ST, si l’on additionne “simplement” les patients pour lesquels une indication aux antiGPIIb/IIIa est retenue (troponine positive, angioplasties, patients
diabétiques et bail out) on obtient 100 % d’utilisation des antiGPIIb/IIIa (tableau VIII).
Dans les SCA avec sus-décalage persistant de ST, on
retrouve cinq études randomisées (RAPPORT, ISAR-2, ADMIRAL, CADILLAC, ACE). Une méta-analyse n’est pas nécessaire, car chaque étude est significativement positive pour le
critère combiné décès, infarctus et revascularisation en urgence,
y compris l’étude controversée CADILLAC, dont une sousanalyse dans ce sens sortira prochainement dans Circulation
(figure 2).
PP : population per protocole ; * en plus du traitement standard incluant de l’aspirine.
Conclusion
Selon les recommandations de la Société européenne de cardiologie, la stratification du risque des SCA devrait amener à prescrire des anti-GPIIb/IIIa pour un profil moyen de risque chez
environ 50 % des patients. Selon B. Chevalier, les nouvelles
recommandations concernant l’utilisation systématique du clopidogrel dans les SCA vont déplacer la prescription des antiGPIIb/IIIa vers un profil de risque encore plus élevé.
Figure 1. Zone de prescription minimale des anti-GpIIb/IIIa : à l’aire de l’utilisation systématique des thiénopyridines (zone d’intersection des ensembles).
La Lettre du Cardiologue - n° 365 - mai 2003
Tableau VIII. Indications des anti-GPIIb/IIIa dans les SCA sans susdécalage de ST.
Indication anti-GPIIb/IIIa
Pourcentage de patients concernés
Troponine +
Angioplastie
Diabétiques
Bail out
40 %
35 %
20 %
5%
Total
100 %
Figure 2. Abciximab versus placebo dans les études randomisées concernant le SCA avec sus-décalage persistant de ST sur le critère combiné
(décès/ infarctus/ revascularisation urgente à J30).
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Probabilité de décès ou d’IDM
Questions-réponses
Pour G. Montalescot, les données ci-dessus suffisent à clore un
débat qui ne devrait plus exister. Malgré cela, il s’est proposé de
répondre à dix questions récurrentes mettant en péril la validité
de ces données.
1. “Les anti-GPIIb/IIIa ne sont efficaces que s’il y a une angioplastie”
Les inhibiteurs des GpIIb/IIIa marchent aussi s’il n’y a pas d’angioplastie. En premier lieu, il faut souligner l’efficacité des antiGPIIb/IIIa dans les angioplasties programmées, malgré le plus
faible risque de ces angioplasties par rapport aux angioplasties
primaires (EPIC, EPILOG, RAPPORT, IMPACT-II, etc.).
En second lieu, dans le cadre des SCA sans sus-décalage de ST,
deux études aboutissant à une AMM ont montré que l’action des
anti-GPIIb/IIIa n’est pas dépendante de l’angioplastie : dans l’étude
PRISM-PLUS avec le tirofiban (figure 3), et dans l’étude PURSUIT avec l’eptifibatide (figure 4), on ne retrouve respectivement
que 25 % et 30 % de patients traités par angioplastie coronaire.
0,18
0,16
0,14
0,12
0,10
0,08
0,06
0,04
0,02
0,00
héparine
tirofiban plus héparine
0
30
60
90
120
150
Jours après randomisation
180
Figure 3. Courbe de Kaplan-Meier : tirofiban versus placebo (PRISMPLUS).
20
Incidence cumulée
placebo
15,7 %
15
14,2 %
10
eptifibatide
p = 0,03 (log-rank test)
5
0
0
10
20
Jours après randomisation
30
Figure 4. Courbe de Kaplan-Meier : eptifibatide versus placebo (PURSUIT).
2. “Les anti-GPIIb/IIIa n’agissent que s’il y a une angioplastie
et je ne sais même pas s’il va y avoir une angioplastie ou non !”
Dans la phase précédant un éventuel cathétérisme, où l’on dispose de l’interrogatoire du patient, de son électrocardiogramme
10
et du dosage de la troponine Ic, on retrouve un bénéfice de la prescription d’un anti-GPIIb/IIIa indépendamment d’un geste invasif. En effet, dans l’étude PURSUIT, on retrouve un bénéfice
significatif dès la 96e heure, qui est conservé à un mois (15,08 %
versus 16,79 %, critère combiné décès, infarctus non fatal au
30e jour, p = 0,035).
L’analyse de Boersma faite en 1999 sur trois études, CAPTURE,
PURSUIT et PRISM-PLUS, a montré un bénéfice des antiGPIIb/IIIa lors de la phase de traitement médical précédant toute
entrée en salle de cathétérisme pour les SCA non ST
(12 296 patients, anti-GPIIb/IIIa versus placebo, p = 0,01).
Le bénéfice des anti-GpIIb/IIIa est encore plus important en salle
de cathétérisme en diminuant le risque d’infarctus per-procédure.
3. “Les anti-GPIIb/IIIa n’agissent que s’ils sont donnés très
tôt, mais tous mes patients sont dilatés immédiatement”
Dans l’étude PURSUIT (eptifibatide versus placebo), le bénéfice
des anti-GPIIb/IIIa est majeur sur le critère combiné décès et
infarctus au 30e jour pour les patients qui vont rapidement en salle
de cathétérisme : majeur au premier jour (9,2 versus 15,9,
p = 0,01), il diminue entre 2 et 3 jours (14 versus 17,7), pour disparaître au-delà de 3 jours.
Les résultats de l’étude ISAR-COOL montrent un bénéfice important de l’angioplastie précoce (délai moyen de 2,4 heures) versus
une angioplastie différée (délai moyen de 86 heures). La diminution du critère combiné décès + IDM (5,9 versus 11,6, p = 0,04)
est obtenue grâce à la prescription de tirofiban.
Dans la vie réelle, on retrouve dans un registre nord-américain
un bénéfice de la prescription précoce des anti-GPIIb/IIIa chez
6 000 patients versus 14 892 (46 % de réduction du risque relatif, p < 0,0001, étude CRUSADE, présentation à l’AHA en
novembre 2002).
4. “Les anti-GPIIb/IIIa n’agissent que si la troponine est élevée”
Les anti-GPIIb/IIIa sont efficaces si la troponine Ic est positive,
mais pas uniquement. Dans l’étude PRISM, le tirofiban est significativement efficace lorsque la troponine est positive, aussi bien
dans le groupe traitement médical que dans le groupe revascularisation.
Les anti-GPIIb/IIIa sont efficaces indépendamment de la troponine dans d’autres sous-groupes : tous les groupes à haut
risque (angioplasties, patients pontés, diabétiques, insuffisants
rénaux, sujets âgés) tirent un bénéfice de la prescription des antiGPIIb/IIIa.
Les patients pontés. Les anti-GPIIb/IIIa sont sous-utilisés chez
les pontés. Le sous-groupe de patients pontés de l’étude PURSUIT nous montre l’important effet de l’eptifibatide, avec un effet
significatif sur le critère combiné décès et infarctus à un et 6 mois.
Ce bénéfice est d’autant plus important que les patients sont pontés dans l’urgence (< 72 heures), résultat directement en rapport
avec la diminution des infarctus pré-, per- et postchirurgie.
Par ailleurs, dans une analyse multivariée, l’eptifibatide est
meilleur que les bêtabloquants pour prévenir les événements
ischémiques (respectivement p < 0,001 versus p = 0,05).
Les patients diabétiques. Il faut utiliser les anti-GPIIb/IIIa chez
les diabétiques. Sur les 1 570 patients de l’étude PRISM-PLUS
présentant un SCA sans sus-décalage de ST, traités par tirofiLa Lettre du Cardiologue - n° 365 - mai 2003
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ban + héparine (n = 5 773) ou héparine seule (n = 5 797), 23 %
étaient diabétiques dans chaque groupe. Dans le sous-groupe de
diabétiques, le tirofiban est associé à une diminution du critère
composite décès + infarctus à 2, 7, 30 et 180 jours (0,0 %
versus 3,1 %, p = 0,03 ; 1,2 % versus 9,3 %, p = 0,005 ; 4,7 %
versus 15,5 %, p = 0,002 ; 11,2 % versus 19,2 %, p = 0,03).
Les insuffisants rénaux. On remarque souvent une diminution de
la prescription, avec comme principale raison l’augmentation du
risque hémorragique liée à l’élimination rénale de ces molécules.
Chez les insuffisants rénaux sévères ayant une clairance de la créatinine < 30 ml/mn, on retrouve un bénéfice important dans PRISMPLUS, à la condition de réduire la dose d’eptifibatide de 50 %.
Les patients âgés. Les patients de plus de 75 ans trouvent un bénéfice dans la prescription de tirofiban dans l’étude PRISM.
5. “Les anti-GPIIb/IIIa limitent juste les ascensions de troponine
après angioplastie” (sous-entendu : ascensions sans intérêt !)
Les études ayant analysé les ascensions enzymatiques postprocédures retrouvent une relation avec la mortalité, y compris
pour des élévations modérées des CPK de 1,5 fois la normale
(Kugelmass, Harrington, Abdelmeguid, Kong, Tardiff, Saucedo).
La classe des inhibiteurs de GPIIb/IIIa permet une réduction de
la libération enzymatique postangioplastie avec une diminution
de la mortalité à un an (étude ESPRIT).
6. “Les anti-GPIIb/IIIa n’ont pas d’effet sur la mortalité”
Une méta-analyse portant sur 9 290 patients publiée par Anderson dans le JACC en 2001 retrouve un effet significatif sur la
mortalité en faveur de l’abciximab versus le placebo avec un
p = 0,006.
Ce nombre de 9 290 patients est inférieur à une simple étude de
thrombolyse et nettement inférieur à la première méta-analyse qui
nous a convaincus de donner de l’aspirine aux patients coronariens. Un effet aussi significatif sur la mortalité dans les SCA se
retrouve pour l’aspirine et les anti-GPIIb/IIIa, mais pas pour la
ticlopidine, le clopidogrel ou les HBPM. Pourquoi, dans ce cas,
ne pas avoir la même conviction pour les inhibiteurs de
GPIIb/IIIa que celle que nous avons pour l’aspirine dans les SCA ?
7. “Les anti-GPIIb/IIIa font juste saigner les malades”
Une augmentation du risque hémorragique lié aux anti-GPIIb/IIIa
n’est pas retrouvée chez les patients traités ou non par clopidogrel dans les données récentes de l’étude CREDO. Le seul groupe
ayant une faible réduction des accidents hémorragiques est le
groupe sans clopidogrel ni anti-GpIIb/IIIa ; qui est prêt aujourd’hui à pratiquer des angioplasties sans clopidogrel ni antiGPIIb/IIIa ?
8. “Les anti-GPIIb/IIIa ne servent à rien puisque je prétraite
tous mes patients par du clopidogrel”
Sur le plan biologique, l’étude PEACE montre que l’expression
du récepteur IIb/IIIa conserve un niveau élevé sous aspirine et
énoxaparine ; après dose de charge de clopidogrel, ce niveau diminue de manière significative, et cette baisse est encore plus significative lorsque l’on ajoute un anti-GpIIb/IIIa au clopidogrel.
Sur le plan clinique, dans l’étude TARGET, tous les patients recevaient un anti-GpIIb/IIIa, tirofiban ou abciximab ; l’association
à un prétraitement par clopidogrel dans une analyse de sousLa Lettre du Cardiologue - n° 365 - mai 2003
N F O R M A T I O N S
groupe modifie significativement le critère combiné décès, infarctus et revascularisation urgente à J30.
Les effets de ces médicaments sont additifs. Cette analyse de
sous-groupe est confirmée par l’étude randomisée TOPSTAR,
publiée en 2002, qui confirme l’important effet additif du tirofiban sur le prétraitement par clopidogrel. Le critère combiné décès,
infarctus et revascularisation urgente à 9 mois est de 2,3 % pour
l’association tirofiban + clopidogel (aspirine + héparine non fractionnée + prétraitement par clopidogrel) versus 13,04 % pour le
groupe placebo + clopidogrel (p < 0,05).
9. “Les anti-GPIIb/IIIa ne sont utiles qu’en bail out”
Cet item concerne les médecins les plus sceptiques, ne prescrivant les anti-GPIIb/IIIa que dans une indication très restreinte
après une complication en salle de cathétérisme : il n’existe aucune
étude et tout reste à démontrer concernant le sauvetage (bail out)
versus une stratégie de prévention par les anti-GPIIb/IIIa.
10. “Les anti-GPIIb/IIIa sont maintenant inutiles avec le clopidogrel, les filtres, les systèmes de thrombectomie, les stents
actifs...”
Selon G. Montalescot, le bénéfice des stents actifs sur la mortalité ne sera pas aussi important que celui des anti-GPIIb/IIIa.
DISCUSSION
Il n’y a pas de controverse pour les SCA avec sus-décalage de
ST, où les anti-GPIIb/IIIa doivent être prescrits dans tous les cas
avant angioplastie.
À 8 ans de la première utilisation des anti-GPIIb/IIIa, on retrouve
seulement 12,4 % d’utilisation dans le registre français GRACE
alors que la prescription d’anti-GPIIb/IIIa concerne un minimum
de 60 % des patients présentant un SCA sans sus-décalage de ST
associé à un haut risque et 100 % des SCA avec sus-décalage de
ST survenant dans un centre avec angioplastie primaire.
Néanmoins, la population des diabétiques a bien été identifiée
comme une population à haut risque, comme le montre l’étude
Euro Heart Survey avec une prescription d’anti-GPIIb/IIIa plus
importante chez les diabétiques (43 %) que chez les non-diabétiques (32 %). Par ailleurs, malgré la nécessité de la prescription
d’anti-GpIIb/IIIa, la progression de ces molécules est limitée par
leur surcoût, avec de grandes disparités régionales de prescription, comme le montre ce registre.
Pour le promoteur de l’étude ADMIRAL, les anti-GPIIb/IIIa doivent remplacer la thrombolyse dans les camions de SAMU pour
les phases aiguës d’infarctus du myocarde ; mais les habitudes
restent tenaces…
Pour A. Castaigne, les études PRISM et PURSUIT n’ont pas fait
part d’un suivi à moyen terme ni à long terme et l’absence de données sur la mortalité au-delà de 6 mois est un point important qui
doit amener à réfléchir.
Le clopidogrel a déplacé le seuil de prescription des anti-GPIIb/IIIa,
amenant B. Chevalier à proposer une étude comparative entre
prétraitement par clopidogrel versus anti-GpIIb/IIIa. Cette proposition a été amicalement repoussée par G. Montalescot, pour
deux raisons : l’inertie du clopidogrel par opposition à la rapidité
d’action des anti-GpIIb/IIIa, et, surtout, l’effet complémentaire
de ces deux traitements.
11
I
N F O R M A T I O N S
St atines et SC A
LES STATINES À L’ÉPREUVE DANS LES SYNDROMES
CORONAIRES AIGUS : IMMÉDIATEMENT ET SANS
DOSAGE (G. Steg, hôpital Bichat, Paris)
Dans ce débat académique où la position des protagonistes se
devait d’être extrême, G. Steg a dû traiter de la prescription immédiate de statines dans les SCA et sans dosage. Cette position correspond à sa pratique quotidienne dans 95 % des cas : il faut prescrire une statine d’emblée pour tous les SCA. Un dosage à
l’admission pourra précéder la prescription, mais son intérêt est
limité.
Ce sujet difficile répond à un constat simple
✓ Efficacité majeure des statines en prévention secondaire. La
prescription de statines au long cours présente un bénéfice majeur
sur la mortalité toute cause en prévention secondaire de l’infarctus du myocarde. L’étude 4S, suivie par l’étude CARE, a été la
première à le démontrer, avec une réduction de 30 % sur la mortalité globale (p = 0,0003) et de 42 % sur la mortalité coronaire.
L’étude LIPID confirme cet effet pour les SCA sans sus-décalage
de ST, représentant 36 % des patients de l’étude LIPID.
✓ Sous-prescription des statines dans les SCA. Les statines,
malgré la preuve de leur efficacité en prévention secondaire,
sont insuffisamment prescrites dans les SCA. Les taux de prescription de statines à la sortie de l’hôpital après un SCA sont
de 53,1 % dans le registre européen de l’année 2001 (Euro
Heart Survey ACS) et de 46 % dans un registre international
(GRACE).
Le registre EUROASPIRE nous apporte des données plus
détaillées sur le traitement de l’hypercholestérolémie dans les
SCA : un contrôle correct de la dyslipidémie (cholestérol
< 5 mmol) n’est retrouvé que chez 50 % des SCA traités par statine, et chez 44 % des patients du centre français de l’étude.
Une statine immédiatement, pourquoi ?
Dosage fiable : difficile à obtenir en aigu
À la phase aiguë d’un SCA, l’inflammation et la nécrose entraînent une chute artéfactuelle du taux de cholestérol total, de LDLcholestérol, de HDL-cholestérol, des apolipoprotéines et une augmentation artéfactuelle des triglycérides. Il faut attendre plus de
deux mois pour avoir une normalisation des ces dosages. Le
dosage initial est souvent faux, avec une sous-estimation du taux
de cholestérol total et de LDL et une surestimation du taux de triglycérides. Faut-il alors attendre deux mois un dosage fiable avant
de traiter ?
La compliance
Repousser la prescription de deux mois entraîne un risque de
perte de vue du patient, d’oubli de la prescription du bilan lipidique et, parfois, d’oubli d’interprétation du dosage, avec absence
de prescription de statine. Le registre PREVENIR confirme une
augmentation de l’observance, de la compliance et du taux de
prescription à long terme lors d’une prescription dès la phase
aiguë.
12
Bénéfice immédiat des statines
Le bénéfice immédiat des statines a été suggéré par le registre
suédois RISC, où la prescription précoce de statine dès l’admission aux soins intensifs permet un bénéfice sur la mortalité à un
an. Un autre registre similaire, issu des patients de l’étude SYMPHONY, ne montre pas d’amélioration de la survie après prescription précoce de statine. Les données des registres sont discordantes. Pour tester l’intervention thérapeutique précoce des
statines, il faudrait une étude randomisée prospective.
La principale étude randomisée prospective disponible est l’étude
MIRACL, qui a randomisé les patients après SCA entre atorvastatine à forte dose versus placebo. L’atorvastatine à la dose de
80 mg/jour, instaurée moins de 96 heures après hospitalisation
pour SCA, réduit dès la 16e semaine de traitement le critère combiné (décès, infarctus non mortel, arrêt cardiaque récupéré, angor
aggravé avec ischémie documentée nécessitant une réhospitalisation urgente) de 17,4 % à 14,8 % (p = 0,048). Il est important
de remarquer que ce bénéfice, bien que légèrement significatif et
acquis au prix d’un critère combiné, est obtenu pour seulement
16 semaines de traitement.
Une seconde étude, PACT, a été interrompue précocement pour
des raisons de financement. Elle comparait la prescription précoce
de pravastatine dans les SCA versus placebo. On retrouvait une
réduction relative de 6,4 % des événements par la statine quelle
que soit la dose prescrite (20 ou 40 mg). En cas de prescription à
la dose de 40 mg, on atteint une réduction de 10 % des événements.
L’étude PRINCESS, évaluant la cérivastatine, a été interrompue
dès l’annonce des effets indésirables de cette molécule.
Pour confirmer ces données issues de critères combinés sur un
faible nombre de patients, on attend les résultats de deux grandes
études qui vont tester l’initiation précoce des statines : l’étude A
to Z (Aggrastat to Zocor), qui doit définir l’intérêt d’une prescription précoce de simvastatine, et l’étude PROVE-IT (TIMI 22),
qui compare dans les SCA la prescription précoce de la pravastatine versus l’atorvastatine.
Prescription de statines sans dosage
Absence de seuil entre cholestérol et mortalité
L’étude MRFIT (Multiple Risk Factor Intervention Trial), portant sur 356 222 patients, publiée dans Circulation en 1998, a
permis de démontrer l’absence d’effet seuil entre l’élévation du
taux du cholestérol plasmatique et le risque cardiovasculaire. En
effet, la relation est curvilinéaire ; plus le cholestérol total est bas,
plus la mortalité cardiovasculaire est basse, sans aucune valeur
normale basse du cholestérol.
Le bénéfice des statines est indépendant du bilan lipidique :
HPS
L’étude HPS (Heart Protection Study) est la plus grande étude
sur les statines en nombre de patients inclus, soit 20 536 patients.
Cette étude teste la simvastatine à la dose de 40 mg versus placebo sur des critères de mortalité et de morbidité chez des patients
à niveau de risque élevé : coronarien avéré, diabétique, artériLa Lettre du Cardiologue - n° 365 - mai 2003
I
tique, AVC. Le profil lipidique des patients de HPS correspond
à celui des patients de la vie réelle. Le bilan lipidique ne constituait pas un critère d’inclusion, et le seul critère d’exclusion lié
au bilan lipidique était un taux de cholestérol total inférieur à
1,35 g/dl.
Le tableau IX représente la répartition des patients de HPS en
fonction de leur profil lipidique.
Tableau IX. Étude HPS (n = 20 536) : répartition des patients en fonction du bilan lipidique.
Bilan lipidique des patients de HPS
HDL < 0,35
HDL 0,35-0,44
HDL > 0,44
LDL < 1
LDL 1-1,3
LDL > 1,3
TG < 1,77
Patients (%)
35,2
27
38
16,7
34
48
58
Le traitement par statine permet une réduction relative de 13 %
de la mortalité toute cause et de 17 % de la mortalité cardiovasculaire, sans excès de mortalité non cardiovasculaire.
Sur le critère morbidité, une réduction statistiquement significative est retrouvée sur le risque d’infarctus non mortel (diminution de 38 %) et sur le critère combiné infarctus coronaire
+ accident vasculaire + décès coronarien + revascularisation.
On a la même amplitude de bénéfice dans les trois tertiles de
LDL-cholestérol, de HDL-cholestérol ou de triglycérides. Le
bénéfice cardiovasculaire est donc indépendant du profil lipidique
à l’admission.
Les résultats de l’étude HPS nous montrent que les statines diminuent la mortalité et la morbidité cardiovasculaires indépendamment du niveau de cholestérol chez les patients hospitalisés pour
SCA.
Pourquoi donc attendre un bilan lipidique, qui sera probablement
faux et ne changera rien à la décision finale puisque, quel que soit
le résultat de ce bilan, on prescrira une statine ?
Effets pléiotropes des statines
De nombreux bénéfices des statines sont décrits dans la littérature indépendamment de leur effet hypocholestérolémiant et
demandent à être confirmés : rôle sur l’agrégation plaquettaire,
l’angiogenèse, l’inhibition de l’accumulation macrophagique,
l’inhibition de la prolifération des cellules musculaires lisses,
l’oxydation des LDL, l’hémostase.
En conclusion, on retiendra les bénéfices cliniques majeurs de
cette classe thérapeutique :
– la meilleure compliance d’une prescription précoce ;
– le bénéfice immédiat fort probable (sans attendre le délai de
trois mois pour avoir un bilan lipidique interprétable) ;
- le bénéfice quasi universel, quel que soit le bilan lipidique initial, bénéfice qui est probablement en partie indépendant de leur
effet hypocholestérolémiant.
La Lettre du Cardiologue - n° 365 - mai 2003
N F O R M A T I O N S
LES STATINES À L’ÉPREUVE DANS LES SYNDROMES
CORONAIRES AIGUS : SECONDAIREMENT APRÈS
DOSAGE (A. Castaigne, hôpital Henri-Mondor, Créteil)
A. Castaigne a contourné la question des statines dans les SCA
pour parler d’un problème plus important selon lui : la prévention secondaire dans sa globalité. Partant du constat que les études
rétrospectives non randomisées donnent des résultats opposés,
seul un essai spécifique pourrait répondre à la question posée.
Cet essai n’est plus réalisable éthiquement, car l’efficacité des
statines est si importante que l’étude randomisant le délai de prescription des statines ne sera jamais effectuée.
Par ailleurs, l’étude MIRACL ne répond pas à la question. L’objectif principal de cette étude repose sur un critère composite associant trois critères. Le résultat significatif est obtenu grâce au critère réhospitalisation, et non au critère de mortalité ; la commission
d’AMM n’a pas pris en compte cette étude pour changer l’AMM
de l’atorvastatine.
La vraie question est : de quoi va mourir le malade ayant fait
un SCA sans sus-décalage de ST ?
Une méta-analyse réalisée sur 61 études épidémiologiques prospectives, regroupant un million de patients, a été publiée dans le
Lancet en décembre 2002. Dans cette population sans antécédent
d’accident coronarien ni d’AVC et ne présentant aucune manifestation d’athérosclérose, on retrouve une mortalité de 12 % sur
12 ans, soit de 1 % par an. La mortalité cardiovasculaire dans
cette étude est égale à la mortalité non cardiovasculaire, ce qui
permet un premier constat : les cardiologues prennent en charge
la moitié des morts de la planète.
Cette méta-analyse retrouve que la mortalité cardiovasculaire est
reliée de façon linéaire forte à la pression artérielle ; une différence de 20 mmHg de la pression artérielle systolique ou de
10 mmHg de la pression artérielle diastolique entraîne une réduction de 33 % à 66 % des décès cardiovasculaires. Cette réduction
est moins importante avec l’âge.
Dans l’étude de cohorte HPS (Heart Protection Study), regroupant 20 536 patients à très haut risque d’infarctus du myocarde,
la mortalité à 5 ans est de 15 %. La mort cardiovasculaire est alors
deux fois plus importante que la mort non cardiovasculaire.
En fonction du patient que l’on traite, les probabilités de mort
cardiovasculaire sont extrêmement différentes. L’effet très net des
statines se retrouve chez les patients à forte mortalité cardiovasculaire.
Dans la cohorte de 6 000 patients écossais à faible risque cardiovasculaire, âgés de plus de 70 ans (étude PROSPER), la mortalité à 3 ans est de 10 %. Ces patients meurent moins que dans
l’étude HPS, alors qu’ils sont plus âgés et ont une mortalité non
cardiovasculaire supérieure à la mortalité cardiovasculaire. Les
patients âgés “en bonne santé” ont le plus souvent une mort non
cardiovasculaire. La pravastatine n’agit en rien sur leur mortalité
toute cause, car elle n’influence pas la mortalité non cardiovasculaire, qui est au premier plan chez ces patients.
Dans l’étude ALLHAT (Antihypertensive and Lipid Lowering
Treatment to Prevent Heart Attack Trial), les 42 418 patients
hypertendus, avec un âge moyen de 67 ans et un haut risque
cardiovasculaire, ont une mortalité à 6 ans de 17 %.
13
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N F O R M A T I O N S
En revanche, dans l’étude LIFE, les 9 000 patients hypertendus
avec hypertrophie ventriculaire gauche, âgés de 67 ans en
moyenne, affichent une mortalité totale à 5 ans de 9 %. La mortalité des hypertendus du même âge passe du simple au double
s’ils présentent soit une hypertension artérielle avec hypertrophie
ventriculaire gauche, soit des facteurs de risque cardiovasculaires.
Les patients hypertendus plus âgés, de 76 ans en moyenne, sans
facteurs de risque cardiovasculaires, représentés par les
5 000 patients de l’étude SCOPE, n’ont une mortalité totale à
5 ans que de 10 %. Il est donc important de stratifier les différents patients avec SCA en fonction de leur risque.
De quoi meurent les cinq pour cent de patients qui décèdent
dans l’année qui suit un SCA ?
Dans l’année qui suit un SCA, les patients meurent essentiellement de maladie coronaire, mais peu d’études détaillent la cause
du décès : dysfonction ventriculaire gauche, mort subite ou
atteintes polyartérielles (accident vasculaire cérébral et rétrécissement aortique) ?
L’organisation hospitalière nous permet-elle de prendre en
charge correctement les SCA ?
La durée moyenne de séjour pour les SCA sans sus-décalage de
ST est actuellement de 2 à 3 jours. L’expertise des facteurs de
risque, la prévention secondaire et la prise en charge des localisations polyvasculaires de la maladie athéromateuse sont difficiles à réaliser dans ce délai.
Que devient le patient après SCA : qu’en est-il de sa prévention secondaire ?
Il faut faire la différence entre une élévation modérée du LDLcholestérol et une dyslipidémie athérogène familiale. La plu-
part des patients ont une élévation modérée du LDL, mais une
prise en charge par statine à la dose de 40 mg ne suffirait pas
dans le second cas : il faut expliquer les règles hygiéno-diététiques, augmenter les doses de statines, et bientôt leur associer
un nouvel antihypocholestérolémiant de la classe des inhibiteurs de l’absorption du cholestérol biliaire et alimentaire :
l’ézétimibe.
Pour se donner les moyens de dépister une dyslipidémie athérogène familiale, il convient de faire un dosage à l’entrée aux soins
intensifs avant traitement, permettant d’avoir ainsi un chiffre de
départ pour estimer l’efficacité des statines.
Les autres facteurs de risque cardiovasculaires doivent être pris
en compte. Le patient est-il un hypertendu léger, moyen ou
sévère ? Une hospitalisation courte entraîne une période d’arrêt
du tabac brève avec une reprise plus fréquente de la consommation. Cette prévention secondaire, difficile à réaliser lors de l’hospitalisation, nécessite d’être évaluée au cours de consultations à
distance.
CONCLUSION
En prévention secondaire, il faut prescrire une statine immédiatement, sans attendre le résultat d’un éventuel bilan lipidique, car
les statines sont bénéfiques quel que soit le profil lipidique du
patient. Le dosage du bilan lipidique à l’admission pour un SCA
fait partie des critères d’accréditation des hôpitaux américains. Il
permet de dépister une hypercholestérolémie ou une hypertriglycéridémie majeure, amenant à une prise en charge par les
endocrinologues.
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