ÉDITORIAL
posées sont bénéfiques sur le plan cardiovasculaire même si le
bilan lipidique ne s’améliore pas de façon sensible. C’est tout le
domaine d’une nutrition préventive cardiovasculaire,qu’il
convient d’ailleurs de mieux explorer dans l’avenir. D’autres
études d’intervention nutritionnelle doivent ainsi être program-
mées pour confirmer le bénéfice de l’étude lyonnaise et affiner
les mesures diététiques à proposer en prévention secondaire.
QUEL TYPE DE RÉGIME EST BÉNÉFIQUE EN PRÉVENTION
SECONDAIRE ?
Il existe de nombreux mécanismes d’action de la nutrition : en
dehors de l’action sur les taux de lipides plasmatiques, des effets
favorables sont possibles sur l’oxydabilité des lipoprotéines, sur
l’agrégation plaquettaire, et même directement sur la fonction
endothéliale et la relaxation vasculaire. Si des facteurs
défavorables sont bien individualisés, comme une
consommation excessive d’acides gras saturés
et trans, les facteurs protecteurs potentiels
sont nombreux : acides gras mono et poly-
insaturés, surtout de la série Ω-3, anti-
oxydants, fibres et protéines végétales,
polyphénols... La nutrition préventive
cardiovasculaire idéale reste à définir,
mais des mesures simples doivent être
proposées dès maintenant. Il faut dans
ce domaine établir une stratégie de prio-
rités, et les priorités essentielles sont cer-
tainement :
–de réduire la consommation de graisses
saturées (suppression du beurre, de la crème,
réduction des fromages gras et des viandes rouges),
–d’augmenter la consommation de graisses mono- et poly-
insaturées, surtout de la série Ω-3 (intérêt de l’huile d’olive, de
l’huile de colza ou de margarines apparentées),
–de privilégier la consommation de fruits, de légumes frais et
secs, de céréales, sans oublier de consommer du poisson au moins
deux fois par semaine...
Il est important de faire comprendre aux patients que ces simples
modifications des habitudes alimentaires pour se rapprocher d’un
modèle crétois ou méditerranéen peuvent être très bénéfiques en
prévention secondaire, sans que cela soit lié à des améliorations
importantes de leur taux de cholestérol.
QUELLE STRATÉGIE PRATIQUE ADOPTER À L’HEURE ACTUELLE ?
EN PARTICULIER FAUT-IL UNE PÉRIODE DIÉTÉTIQUE SEULE
AVANT DE COMMENCER UN TRAITEMENT PAR STATINE ?
Il n’est pas possible de répondre formellement à cette question
dans l’état actuel des connaissances : dans les études de préven-
tion secondaire par les statines, le traitement a été entrepris à dis-
tance de l’événement coronaire. Par ailleurs, au moment d’un
accident coronaire aigu, les paramètres lipidiques sont difficiles
à évaluer. Toutefois, un argument important pour entreprendre un
traitement par statine dès que les mesures diététiques sont pro-
posées est le fait que, ultérieurement, les patients risquent d’être
perdus de vue ; un grand nombre de patients échappe encore à un
traitement hypolipémiant en prévention secondaire, si celui-ci
n’est pas instauré dès la phase de l’hospitalisation. Une étude
récente, présentée au dernier congrès de l’EAS et réalisée par
l’investigateur principal de l’étude 4S, Pedersen (5), a comparé
de façon pragmatique deux stratégies en prévention secondaire :
une stratégie avec mesures diététiques seules pendant trois mois
puis traitement par simvastatine 40 mg si le taux de LDL cho-
lestérol reste supérieur à 3 mmol/l, et une stratégie combinant
d’emblée les mesures diététiques calquées sur celles de l’étude
lyonnaise et le traitement par simvastatine 40 mg. Cette étude
montre que très peu de patients (environ 5 %) avaient atteint les
objectifs sur le LDL cholestérol par le seul régime et évité ainsi
le traitement par statine. Par contre, dans le groupe régime plus
simvastatine, en dehors d’une excellente compliance, 90 % des
patients environ avaient atteint l’objectif fixé d’un
LDL cholestérol inférieur à 3 mmol/l. Au terme de
six mois, aucune différence entre les taux de
LDL cholestérol n’apparaissait entre les
deux groupes. Cette étude pilote est en
faveur d’une attitude thérapeutique asso-
ciant mesures diététiques et traitement
par statine dès le moment de l’hospita-
lisation.
CONCLUSION
Des mesures diététiques simples corres-
pondant à une alimentation de type médi-
terranéen permettent d’assurer une prévention
cardiovasculaire efficace. Il est important d’in-
sister sur la nécessité d’instaurer rapidement ces
mesures en complément d’un traitement médicamenteux,
car elles se révèlent efficaces, même s’il n’existe pas d’effet net
sur les paramètres lipidiques.
Bien que la preuve formelle du bénéfice d’un traitement médi-
camenteux débuté dès un événement cardiovasculaire n’ait pas
encore été fournie, pour des raisons de compliance essentielle-
ment, il ne peut être reproché d’instaurer, en prévention secon-
daire et de façon simultanée, les mesures diététiques préventives
et un traitement par statine.
Enfin, il est important d’apprécier régulièrement le suivi des
mesures diététiques nécessaires à une bonne nutrition préventive
cardiovasculaire. ■
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Monnier L., Avignon A., Colette C., Lapinski H. Alimentation et athérosclérose.
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2.
Lecerf J.M. Y a-t-il des preuves de l’efficacité de la prévention des maladies
cardiovasculaires par la nutrition ? STV 1994 ; 6 : 603-11.
3.
De Lorgeril M., Renaud S., Mamelle N. et coll., Mediterranean alpha-linole-
nic acid-rich diet in secondary prevention of coronary heart disease. Lancet
1994 ; 343 : 1454-9.
4.
De Lorgeril M., Salen P., Martin J.L. et coll. Mediterranean Diet, Traditional
Risk Factors, and the Rate of Cardiovascular Complications After Myocardial
Infarction. Final Report of the Lyon Diet Heart Study 1999; 99 : 779-85
5.
Pedersen T.R., Jahnsen K.E., Vatn S. et coll. Lipid intervention strategies in
acute coronary syndromes : A randomised trial with simvastatin. Atherosclerosis
1999 ; 144 (Suppl. 1) : 198.
La Lettre du Cardiologue - n° 324 - février 2000
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