Mise au point Point de vue sur la prise en charge clinique de l’impuissance érectile J. Weber*, J.M. Cléret*, J.M. Kuhn* ✎ Le dysfonctionnement sexuel est un symptôme dont la fréquence augmente avec l’âge et dont le risque est corrélé au risque cardio-vasculaire, au diabète, à l’hypertension et au traitement de ces maladies. ✎ La dépression et les traitements de celle-ci sont souvent associés à la dysfonction érectile. ✎ La prise en charge des troubles sexuels liés à une maladie neurologique ou métabolique doit s’intégrer dans la prise en charge globale de cette maladie. ✎ Il faut faire la différence entre impuissance, éjaculation précoce, anomalie locale (phimosis, maladie de La Peyronie), difficultés du patient Nous avons mis en place, depuis plus de quinze ans, une consultation multi-disciplinaire de prise en charge des difficultés sexuelles de l’homme. Elle regroupe les compétence d’un neurologue (J. Weber), d’un urologue (J.M. Cléret) et d’un endocrinologue (J.M. Kuhn). Cette consultation a évolué dans le temps. Elle était initialement à portes d’entrée multiples. Les patients sont désormais vus en consultation de première intention par le neurologue. Ils sont secondairement adressés à l’urologue s’il y a nécessité d’un bilan urologique associé, d’un apprentissage des injections intra-caverneuses, ou d’un traitement chirurgical. L’endocrinologue n’intervient à reconnaître ses vrais désirs sexuels (comme l’homosexualité). ✎ La dysfonction érectile isolée nécessite une prise en charge particulière en trois temps : ➮ la première consultation sert à analyser la plainte ; ➮ le bilan est indispensable au discours thérapeutique ; ➮ la deuxième consultation permet au patient de se situer d’un point de vue global et de décider ou non d’une thérapeutique. ✎ Les possibilités thérapeutiques sont importantes, et permettent au patient de décider sereinement de la poursuite ou non de sa vie sexuelle. que s’il existe un dysfonctionnement hormonal ou métabolique sous-jacent ou associé au trouble érectile. Au fil des années passées et de l’expérience acquise, l’abord des malades se plaignant d’un trouble sexuel a été très sensiblement modifié. L’évolution s’est faite d’une approche initialement très technique, centrée sur les éléments d’un bilan systématique, vers une consultation beaucoup plus globale où le symptôme d’impuissance est désormais placé dans le parcours de vie du malade. Cette évolution a été facilitée par une meilleure connaissance des mécanismes physiopathologiques de l’érection et de l’éjaculation et par une meilleure efficacité * Service d’endocrinologie et maladies métaboliques, CHU de Rouen. des thérapeutiques disponibles pour le patient, mais ce ne sont pas les explications principales. En effet, parallèlement à cette consultation centrée sur les troubles sexuels de l’homme, le consultant spécialisé de première ligne qu’est notre neurologue, a eu à prendre en charge une consultation plus spécifiquement orientée sur les troubles fonctionnels intestinaux (et principalement les malades atteints de côlon irritable) puis sur les troubles du sommeil (l’insomnie en particulier). Ces trois types de manifestations cliniques concernent des malades très comparables. Ils ont un symptôme très gênant, qui altère de manière importante leur qualité de vie, mais ils ne sont pas atteints d’une maladie potentiellement mortelle. Ils ont le plus souvent un bilan clinique et paraclinique normal et courent le risque de ne pas être pris au sérieux. L’origine de leurs problèmes est souvent un “accident de vie” qu’ils ne veulent surtout pas aborder d’emblée mais qui est la raison profonde de leur consultation. Enfin, ils ont le plus souvent une personnalité normale et ne désirent pas être envoyés en consultation vers un psychiatre ou un psychologue, au moins dans un premier temps. La première consultation Tous les auteurs insistent sur l’importance de cette première consultation (1). La plupart des malades vus pour la première fois on déjà consulté leur médecin traitant. C’est lui qui a adressé le patient à une consultation spécialisée. Il n’est cependant pas nécessaire d’être spécialiste pour mener à bien une première consultation centrée sur les difficultés sexuelles. Quelles sont les conditions nécessaires ? • le temps nécessaire à une bonne consultation (trente à quarante cinq minutes par entretien) ; 252 Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 6, novembre-décembre 2001 Mise au point • une connaissance suffisante des mécanismes physiologiques de l’érection et de l’éjaculation ; • savoir poser les questions clés qui permettront de comprendre le problème et d’orienter le bilan ; • avoir la motivation nécessaire pour s’occuper de ce problème et n’avoir aucun a priori sur ce que va décrire le patient quant à son fonctionnement sexuel. Un malade se plaignant de dysfonctionnement sexuel pourra évoquer ce problème à son médecin traitant, même s’il s’agit d’une femme, mais il répondra difficilement à des questions précises. Il vaut donc mieux que ce soit un homme qui mène l’entretien. L’intitulé de la consultation (consultation de troubles sexuels) facilite l’approche des patients qui n’ont ainsi pas de nécessité à donner le motif de consultation. Il est essentiel d’être seul avec le patient pour la qualité du dialogue même si en un centre hospitalier universitaire cela représente une limite à l’apprentissage des étudiants en médecine, et donc à la formation des futurs généralistes dans ce domaine. La consultation est ponctuée de temps incontournables : Le recueil de l’histoire médicale du patient • les différentes maladies et les traitements actuels ; • l’existence d’une hypertension traitée ou non ; • l’existence d’une maladie neurologique traitée ou non ; • l’existence d’une hypercholestérolémie traitée ou non ; • l’existence d’un diabète traité ou non ; • le tabagisme et l’alcoolisme ; • un antécédent de traumatisme pelvien, périnéal ou pénien. Commencer par l’histoire médicale rassure le patient qui est alors placé dans une démarche médicale usuelle. Il sera ensuite plus à l’aise pour préciser ses symptômes. L’analyse des symptômes Pour éviter toute confusion, il est préférable de commencer par la description des troubles érectiles. Le patient n’a pas toujours une idée exacte de la signification des mots érection, éjaculation, libido. Il est nécessaire de s’assurer qu’il a compris et il ne faut pas hésiter à employer des termes familiers ou argotiques qui présentent l’avantage d’être compris de tout le monde. Il faut faire préciser s’il existe une érection suffisante ou non, molle ou rigide, s’il s’agit d’une difficulté à installer l’érection ou à la maintenir, si la pénétration est possible ou non. Parfois l’érection cesse juste après la pénétration parce qu’il y a une éjaculation précoce, ce que le patient ne précise pas toujours spontanément. De même, le patient parle parfois d’impuissance alors qu’il existe seulement une éjaculation précoce (c’est très souvent le cas chez le sujet jeune). La plupart du temps l’insuffisance érectile est situationnelle. En effet, les érections matinales ou nocturnes (dont l’existence et la fréquence sont à faire préciser) sont conservées et l’impuissance ne se manifeste que lors du coït. Il faut demander au patient si la masturbation permet une érection de meilleure qualité. Il s’agit d’un moment délicat de l’entretien ! En raison de l’éducation, des tabous sociaux, moraux et religieux, beaucoup de patients n’aiment pas parler de cette pratique, alors que selon les rapports sur la sexualité masculine, la masturbation est pratiquée quasiment par tous les hommes, et ce tout au long de leur vie ! Il faut expliquer ce point et demander au patient s’il a pratiqué cette manoeuvre dans un but de vérification du fonctionnement sexuel. On obtient alors toujours une réponse claire. Le caractère progressif ou brutal des troubles est important à connaître. Cela permet d’aborder les conditions psychosociologiques dans lesquelles le dysfonctionnement érectile s’est installé. La forme des questions à ce moment est très importante. Il faut poser des questions ouvertes auxquelles le patient n’est pas obligé de répondre par oui ou par non. Lors d’une première consultation, le patient ne souhaite pas entendre que ses problèmes ont une origine psychologique. Il veut que le médecin fasse l’analyse complète du problème. Dans ce cadre, il est indispensable de savoir, par exemple, si le patient souffre de dépression ou non, car dépression et dysfonction érectile sont souvent associées (2), mais il ne faut pas y voir la cause immédiate du problème et interrompre le déroulement de la consul- tation en proposant une thérapeutique qui, même si elle est la bonne, sera systématiquement refusée par le patient. L’explicitation de la raison de la consultation est un moment fort de l’entretien avec le patient. Les motifs sont très différents en fonction de l’âge et de l’histoire personnelle. Chez les sujets jeunes, les motifs non exprimés spontanément, sont une difficulté à communiquer sur le plan sexuel, une éjaculation précoce, une incertitude quant au type de sexualité (hétéro- ou homosexualité), une inquiétude liée à l’existence d’une maladie associée (séropositivité, maladie neurologique risquant de compromettre la paternité ou le mariage). Chez les sujets âgés de plus de 50 ans, il existe plutôt une lassitude sexuelle (même partenaire depuis des années, disparition de l’envie sexuelle de la partenaire) ou bien une répétition des pannes sexuelles avec angoisse de performance, (mésentente conjugale, reprise de la sexualité après un divorce ou un deuil, relations ratées avec une nouvelle maîtresse) et, surtout, une peur du vieillissement. Il est rare que l’on obtienne ces éléments lors de la première consultation. Il faut juste noter les indices pour pouvoir revenir sur cet aspect du problème lorsque le bilan aura été fait. En effet, le patient considère souvent son pénis comme une personne à part entière, différente du reste de son corps et qui ne lui obéit pas forcément. Une des phrases les plus fréquentes est “elle ne veut plus fonctionner”. L’examen physique du patient Il n’a pas pour objectif princeps de chercher la cause du dysfonctionnement érectile mais il permet d’éliminer quelques pathologies méconnues. Chez un sujet jeune, il faudra systématiquement rechercher un phimosis (ou une autre malformation), apprécier la taille du pénis au repos et demander ses dimensions en érection. Il faut palper les testicules et la verge (rechercher par exemple une plaque de fibrose liée à une maladie de La Peyronie). Il faut vérifier la répartition de la graisse, de la pilosité, l’existence d’une gynécomastie pour ne pas méconnaître une pathologie hormonale sous-jacente. Un toucher rectal est utile chez le sujet plus âgé. Un examen neurologique est utile si l’on 253 Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 6, novembre-décembre 2001 Mise au point soupçonne une atteinte neurologique sousjacente. Il est cependant plus important de demander s’il existe des troubles urinaires ou ano-rectaux associés au dysfonctionnement érectile. En effet, ceux-ci sont systématiquement présents lors de maladies neurologiques telles que la sclérose en plaques, les atrophies multi-systématisées ou les syndromes parkinsoniens (3). Les points à préciser dans ce domaine sont : • pour les troubles urinaires, le nombre de mictions diurnes et nocturnes, l’impériosité mictionnelle, le délai mictionnel, la qualité du jet, la sensation de vidange complète ou non, les antécédents d’infection urinaire ; • pour les troubles ano-rectaux, l’existence d’une constipation, de difficultés d’évacuations, de diarrhée, d’incontinence anale pour les selles liquides et surtout pour les gaz. Il faut bien sûr que ces troubles soit apparus en même temps ou plus rarement après le début des troubles sexuels. Le bilan Même si, à l’issue de l’entretien, le médecin a une quasi certitude quant à l’origine des troubles, il est indispensable de pratiquer un bilan complémentaire du dysfonctionnement érectile pour les raison suivantes : • le patient est venu en consultation pour que ce bilan soit fait et il n’acceptera aucune proposition thérapeutique tant que celuici n’aura pas été effectué ; • les résultats du bilan serviront de trame à la consultation suivante ; • des résultats du bilan peuvent découler les propositions thérapeutiques ; • enfin, le bilan permet parfois de faire un diagnostic ! Les causes susceptibles d’induire un dysfonctionnement érectile étant neurologiques, hormonales ou métaboliques, vasculaires et comportementales, le bilan devra comprendre des investigations dans tous ces domaines. Dans chacun d’entre eux, un consensus international permet de choisir les examens à réaliser en première intention (1). ❒ Le bilan vasculaire comprend un échodoppler des artères à destinée pénienne avec, si possible, un test pharmacologique inducteur d’érection. La cavernographie ou l’artériographie sont des examens aux indications désormais exceptionnelles et ne doivent pas faire partie du bilan de première intention. ❒ L’enregistrement des érections nocturnes n’a d’intérêt que si le patient ne sait pas s’il a des érections nocturnes, ou si, par masturbation, il n’a pas d’érection de bonne qualité. Cet examen permet alors d’apprécier la qualité et la durée de l’érection, et de vérifier que le dysfonctionnement érectile est bien situationnel. ❒ Le bilan neurologique est utile pour apprécier le retentissement neurologique d’une maladie connue. Il est en effet exceptionnel qu’une maladie neurologique se manifeste, au départ, par des troubles sexuels isolés. Par contre, il est essentiel de s’occuper des troubles urinaires et ano-rectaux d’un patient si l’on veut que la prise en charge des troubles sexuels soit efficace. Ceci est particulièrement vrai chez les sujets jeunes atteints de sclérose en plaques (3). Il est aussi utile d’apprécier l’importance d’une neuropathie diabétique. Les examens comprennent, au minimum, une débitmétrie avec mesure échographique du résidu postmictionnel (pour éviter le risque d’infection urinaire lié au sondage) et des tests électrophysiologiques (mesure de la latence des réflexes bulbo-caverneux, sensibilité anale, mesure de conduction du nerf dorsal de la verge, ou potentiels évoqués somesthésiques corticaux des membres inférieurs lorsque ce sont les seuls examens disponibles). ❒ Le bilan hormonal et métabolique comprend une détermination de la glycémie à jeun, un profil lipidique, un dosage de la testostérone totale et/ou de la fraction biodisponible, et un dosage de la LH (voir article de JM Kuhn). ❒ Le bilan psychologique n’est pas indispensable mais il est intéressant de pouvoir apprécier l’existence d’une dépression associée, d’une angoisse ou d’un état névrotique. Nous demandons donc à nos patients d’effectuer une évaluation psychométrique sous une forme informatisée : le MMPI ou Multi Phasic Personnality Inventory. Ce test, élaboré au cours des années 1950, et qui était antérieurement utilisé pour le diagnostic des maladies psychiatriques, a l’avantage d’alerter un non psychiatre sur la possibilité d’une pathologie mentale et, surtout, de convaincre le patient qu’il a une personnalité normale. La deuxième consultation Lorsque le dysfonctionnement érectile s’intègre dans le cadre d’une maladie connue pour être responsable d’impuissance, la deuxième consultation est simple car il suffit de confirmer au malade que ses troubles sexuels sont bien liés au diabète, à la sclérose en plaques, à la dépression ou au traitement de celle-ci. Les résultats du bilan permettent d’appuyer le discours et il est rapidement possible de passer à l’étape thérapeutique en expliquant au patient quels sont les traitements envisageables. La gamme de ces traitements est aujourd’hui assez vaste et on peut proposer, la plupart du temps, un traitement efficace, qu’il soit médicamenteux, chirurgical, ou qu’il fasse appel à des moyens techniques comme les pompes à vide (ref 4 pour une revue). Il est plus difficile de mener l’entretien lorsqu’aucune cause organique n’est retrouvée au dysfonctionnement sexuel et que le bilan est normal. Dire au patient que ses troubles sont d’origine psychologique paraît insatisfaisant pour au moins deux raisons : • nous ne sommes pas sûrs que le dysfonctionnement érectile ne soit pas dû à un problème non reconnu et non accessible au bilan ; • affirmer que les troubles du patient sont d’origine exclusivement psychogène le renforce dans sa crainte et son manque de confiance en lui. Après des années de pratique (et de multiples essais plus ou moins couronnés de succès), il nous paraît pertinent de procèder de la manière suivante : • expliquer les résultats du bilan au patient sous la forme “vous n’avez pas d’atteinte vasculaire décelable à l’examen doppler, et d’ailleurs votre verge est capable d’entrer en érection dans certaines circonstances puisque la nuit où vous avez été enregistré, vous avez eu 3 (ou 4) érections de qualité et de durée normale” ; “vous n’avez pas d’atteinte neurologique puisque le bilan électro- 254 Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 6, novembre-décembre 2001 Mise au point physiologique est normal et que votre miction l’est également” ; “vous n’avez pas de diabète, de trouble métabolique, ni de déficience hormonale puisque les résultats de vos examens sanguins sont normaux” ; “vous avez une personnalité normale comme définie par le test qui montre seulement (par exemple) un niveau d’anxiété inconsciente un peu élevé”. Ensuite il faut attendre, cois, la réaction du patient ! La question inévitable du patient après un moment de silence est : “alors qu’est ce que j’ai ?”. La réponse doit se concrétiser par une autre question “quelle est votre idée à ce sujet ?”. Là encore, la réponse du patient est intangiblement : “ça doit dépendre de moi, ça doit être dans ma tête !”. Il est plus facile, lorsque le patient a verbalisé lui-même le problème, de conduire le reste de l’entretien. Il est alors possible d’aborder le sujet de l’événement de vie qui a coïncidé avec le début des troubles (fatigue professionnelle, lassitude du couple ou véritable mésentente, adultère vécu comme culpabilisant, etc.). Le patient qui se plaignait, au départ, d’une impuissance totale évoque maintenant la survenue de pannes sexuelles de plus en plus fréquentes qui ont entraîné une perte progressive de sa confiance en lui. Les sujets de plus de 50 ans évoquent très fréquemment le rejet psychologique qu’ils ont de voir leur corps vieillir ! La phrase la plus fréquente à ce sujet est “docteur à mon âge ça doit être encore possible d’avoir une activité sexuelle, je ne dois pas être tout seul dans ce cas là !”. À ce moment de l’entretien il est important de donner au malade des notions épidémiologiques. Il existe des données précises de la littérature à ce sujet. La fréquence des dysfonctionnements sexuels augmente avec l’âge (5). La prévalence d’une dysfonction sexuelle minime, modérée ou complète est de 52 % au total et triple de 5 à 15 % entre 40 et 70 ans (6). Enfin le risque de dysfonction sexuelle est de 26 cas pour 1 000 chaque année aux États-Unis, augmente avec l’âge, une faible éducation, le diabète, les problèmes cardiovasculaires et l’hypertension. Nanti de ces explications (données dans un langage accessible à chacun), le patient peut replacer son trouble dans un contexte plus global et forcément beaucoup moins dévalorisant. Il est alors nécessaire de demander à nouveau au patient quel était le motif initial de la consultation. En effet, beaucoup de patients de plus de 50 ans n’ont plus le désir d’avoir une sexualité très active, mais ils expriment une inquiétude parfois fortement suggérée par leur partenaire. C’est dans ce contexte qu’il est souvent utile, lors des consultations ultérieures, de discuter aussi avec la partenaire. Il est également nécessaire de convaincre le patient que l’entretien de la fonction sexuelle est le meilleur moyen de limiter les pannes sexuelles et d’éviter l’aggravation du dysfonctionnement sexuel. On peut même envisager, comme certains auteurs, que le rôle physiologique des érections nocturnes est d’entretenir le fonctionnement des corps érectiles la nuit. La perte de confiance secondaire aux pannes sexuelles étant le mécanisme psychologique le plus évident à l’origine du dysfonctionnement sexuel, il devient assez facile de proposer au patient un médicament qui, tel une béquille sexuelle, lui permettra de retrouver plus facilement des érections et de manière plus durable, pour aboutir au coït s’il désire en avoir un. L’apparition sur le marché du Sildénafil® et, plus récemment, de l’apomorphine, a transformé la prise en charge de ces patients. En effet, l’efficacité thérapeutique dépasse 80 % des cas (7) et permet au patient une reprise de confiance dans ses capacités érectiles. La poursuite du traitement et/ou la restauration ad integrum du fonctionnement sexuel (avec ou sans traitement ultérieur) dépend alors essentiellement des conditions psychosociales du patient (récupération d’une bonne entente au sein du couple, changement de partenaire, diminution de la pression psychologique exercée par le problème de vie causal). Le facteur le plus péjoratif semble être l’existence d’une dépression associée qu’il faut alors traiter de manière concomitante. Une thérapie comportementale peut aussi être utile pour aider le patient à gérer ses difficultés de vie. Conclusion Il est à l’évidence nécessaire de s’intéresser aux troubles sexuels car c’est un symptôme fréquent qui altère la qualité de la vie et dont la fréquence augmente avec l’âge. C’est une maladie du vieillissement qui peut être améliorée par une prise en charge spécifique. Une consultation multi-disciplinaire permet de disposer de toute la palette des modalités de diagnostic et de traitement. Lorsque le dysfonctionnement érectile survient dans le cadre d’une maladie neurologique, cardio-vasculaire, métabolique ou hormonale, le traitement spécifique des troubles sexuels doit s’intégrer dans le cadre global de la maladie. Lorsque le dysfonctionnement est isolé, il nécessite un abord particulier. Il faut une consultation spécialisée, mais il n’est pas nécessaire d’être un spécialiste pour la mener à bien. Les traitements du dysfonctionnement érectile permettent, à l’heure actuelle, une restauration satisfaisante de la fonction dans une grande majorité des cas et offrent la possibilité au patient de décider s’il désire ou non continuer sa vie sexuelle, en fonction de ses contraintes psycho-sociales. ● Références 1. Meuleman E, Broderick G, Meng Tan H et al. Clinical evaluation and the doctor-patient dialogue. In Erectile dysfunction, Jardin A, Wagner G, Khoury S et al. United Kingdom : Plymbridge Distributors ltd, 1999 ; 116-38. 2. Shabsigh R, Klein LT, Seidman S et al. Increased incidence of depressive symptoms in men with erectile dysfunction. Urology, 1998 ; 52 : 848-52. 3. Betts CD, Jones SJ, Fowler CG, Fowler CJ. Erectile dysfunction in multiple sclerosis. Associated neurological and neurophysiological deficits, and treatment of the condition. Brain 1994 ; 117 : 130310. 4. Oakley N, Moore KT. Vacuum devices in erectile dysfunction : indications and efficacy. Br J Urol 1998 ; 82 : 673-81. 5. Feldman HA, Goldstein I, Hatzichristou DG et al. Impotence and its medical and psychosocial correlates : results of the Massachusetts Male Aging Study. J Urol 1994 ; 151 : 54-61. 6. Johannes CB, Araujo AB, Feldman HA et al. Incidence of erectile dysfunction in men 40 to 69 years old : longitudinal results from the Massachusetts male aging study. J Urol 2000 ; 163 : 460-3. 7. Karydis I, Asvestis C, Tolis G. Place du sildénafil dans le traitement de la dysfonction érectile. Médecine Thérapeutique 2001 ; 7 : 386-392. 255 Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 6, novembre-décembre 2001