Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 6, novembre-décembre 2001
physiologique est normal et que votre mic-
tion l’est également” ; “vous n’avez pas de
diabète, de trouble métabolique, ni de défi-
cience hormonale puisque les résultats de
vos examens sanguins sont normaux” ;
“vous avez une personnalité normale
comme définie par le test qui montre seule-
ment (par exemple) un niveau d’anxiété
inconsciente un peu élevé”.
Ensuite il faut attendre, cois, la réaction du
patient ! La question inévitable du patient
après un moment de silence est : “alors
qu’est ce que j’ai ?”. La réponse doit se
concrétiser par une autre question “quelle
est votre idée à ce sujet ?”. Là encore, la
réponse du patient est intangiblement : “ça doit
dépendre de moi, ça doit être dans ma tête !”.
Il est plus facile, lorsque le patient a verbali-
sé lui-même le problème, de conduire le
reste de l’entretien. Il est alors possible
d’aborder le sujet de l’événement de vie qui
a coïncidé avec le début des troubles
(fatigue professionnelle, lassitude du couple
ou véritable mésentente, adultère vécu
comme culpabilisant, etc.).
Le patient qui se plaignait, au départ, d’une
impuissance totale évoque maintenant la
survenue de pannes sexuelles de plus en
plus fréquentes qui ont entraîné une perte
progressive de sa confiance en lui. Les sujets
de plus de 50 ans évoquent très fréquemment
le rejet psychologique qu’ils ont de voir leur
corps vieillir ! La phrase la plus fréquente à
ce sujet est “docteur à mon âge ça doit être
encore possible d’avoir une activité sexuelle,
je ne dois pas être tout seul dans ce cas là !”.
À ce moment de l’entretien il est important de
donner au malade des notions épidémiologiques.
Il existe des données précises de la littérature
à ce sujet. La fréquence des dysfonctionnements
sexuels augmente avec l’âge (5). La préva-
lence d’une dysfonction sexuelle minime,
modérée ou complète est de 52 % au total et
triple de 5 à 15 % entre 40 et 70 ans (6).
Enfin le risque de dysfonction sexuelle est
de 26 cas pour 1 000 chaque année aux
États-Unis, augmente avec l’âge, une faible
éducation, le diabète, les problèmes cardio-
vasculaires et l’hypertension. Nanti de ces
explications (données dans un langage
accessible à chacun), le patient peut replacer
son trouble dans un contexte plus global et
forcément beaucoup moins dévalorisant.
Il est alors nécessaire de demander à nou-
veau au patient quel était le motif initial de
la consultation. En effet, beaucoup de
patients de plus de 50 ans n’ont plus le désir
d’avoir une sexualité très active, mais ils
expriment une inquiétude parfois fortement
suggérée par leur partenaire. C’est dans ce
contexte qu’il est souvent utile, lors des
consultations ultérieures, de discuter aussi
avec la partenaire.
Il est également nécessaire de convaincre le
patient que l’entretien de la fonction sexuelle
est le meilleur moyen de limiter les pannes
sexuelles et d’éviter l’aggravation du dysfonc-
tionnement sexuel. On peut même envisager,
comme certains auteurs, que le rôle physio-
logique des érections nocturnes est d’entretenir
le fonctionnement des corps érectiles la nuit.
La perte de confiance secondaire aux
pannes sexuelles étant le mécanisme psy-
chologique le plus évident à l’origine du
dysfonctionnement sexuel, il devient assez
facile de proposer au patient un médicament
qui, tel une béquille sexuelle, lui permettra
de retrouver plus facilement des érections et
de manière plus durable, pour aboutir au
coït s’il désire en avoir un. L’apparition sur
le marché du Sildénafil®et, plus récemment,
de l’apomorphine, a transformé la prise en
charge de ces patients. En effet, l’efficacité
thérapeutique dépasse 80 % des cas (7) et
permet au patient une reprise de confiance
dans ses capacités érectiles.
La poursuite du traitement et/ou la restaura-
tion ad integrum du fonctionnement sexuel
(avec ou sans traitement ultérieur) dépend
alors essentiellement des conditions psycho-
sociales du patient (récupération d’une
bonne entente au sein du couple, change-
ment de partenaire, diminution de la pres-
sion psychologique exercée par le problème
de vie causal). Le facteur le plus péjoratif
semble être l’existence d’une dépression
associée qu’il faut alors traiter de manière
concomitante. Une thérapie comportemen-
tale peut aussi être utile pour aider le patient
à gérer ses difficultés de vie.
Conclusion
Il est à l’évidence nécessaire de s’intéresser
aux troubles sexuels car c’est un symptôme
fréquent qui altère la qualité de la vie et
dont la fréquence augmente avec l’âge.
C’est une maladie du vieillissement qui peut
être améliorée par une prise en charge spé-
cifique. Une consultation multi-disciplinaire
permet de disposer de toute la palette des
modalités de diagnostic et de traitement.
Lorsque le dysfonctionnement érectile sur-
vient dans le cadre d’une maladie neurolo-
gique, cardio-vasculaire, métabolique ou
hormonale, le traitement spécifique des
troubles sexuels doit s’intégrer dans le cadre
global de la maladie.
Lorsque le dysfonctionnement est isolé, il
nécessite un abord particulier. Il faut une
consultation spécialisée, mais il n’est pas
nécessaire d’être un spécialiste pour la
mener à bien.
Les traitements du dysfonctionnement érec-
tile permettent, à l’heure actuelle, une res-
tauration satisfaisante de la fonction dans
une grande majorité des cas et offrent la
possibilité au patient de décider s’il désire
ou non continuer sa vie sexuelle, en fonc-
tion de ses contraintes psycho-sociales.
●
Références
1. Meuleman E, Broderick G, Meng Tan H et al.
Clinical evaluation and the doctor-patient dialogue.
In Erectile dysfunction, Jardin A, Wagner G, Khoury
S et al. United Kingdom : Plymbridge Distributors
ltd, 1999 ; 116-38.
2. Shabsigh R, Klein LT, Seidman S et al. Increased
incidence of depressive symptoms in men with erec-
tile dysfunction. Urology, 1998 ; 52 : 848-52.
3. Betts CD, Jones SJ, Fowler CG, Fowler CJ.
Erectile dysfunction in multiple sclerosis. Associated
neurological and neurophysiological deficits, and
treatment of the condition. Brain 1994 ; 117 : 1303-
10.
4. Oakley N, Moore KT. Vacuum devices in erectile
dysfunction : indications and efficacy. Br J Urol
1998 ; 82 : 673-81.
5. Feldman HA, Goldstein I, Hatzichristou DG et
al. Impotence and its medical and psychosocial cor-
relates : results of the Massachusetts Male Aging
Study. J Urol 1994 ; 151 : 54-61.
6. Johannes CB, Araujo AB, Feldman HA et al.
Incidence of erectile dysfunction in men 40 to 69
years old : longitudinal results from the
Massachusetts male aging study. J Urol 2000 ;
163 : 460-3.
7. Karydis I, Asvestis C, Tolis G. Place du sildénafil
dans le traitement de la dysfonction érectile.
Médecine Thérapeutique 2001 ; 7 : 386-392.
255
Mise au point