La Lettre du Cardiologue - n° 297 - juin 1998
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INFORMATIONS
e XIIIeCongrès mondial de cardiologie a réuni
12 000 participants dont environ 70 % originaires
d’Amérique latine et 30 % également répartis entre
Européens, Nord-Américains et Asiatiques. Cinq mille commu-
nications scientifiques ont été présentées, dont plusieurs lectures
de synthèse (state of the art), 40 symposiums satellites ont été
organisés, et les sessions de posters ont regroupé 2 000 abstracts.
Le comité d’organisation a décerné trois prix pour individualiser les
dernières grandes avancées épidémiologiques (l’importance de la pré-
vention des maladies cardiovasculaires par le contrôle des facteurs de
risque), fondamentales (l’essor de la génétique dans la compréhen-
sion de certaines cardiopathies ou dans l’hypertension artérielle) et
thérapeutiques (chirurgie réparatrice des cardiopathies congénitales).
Le serveur Internet <http://www.wcc98.com/wcc98/english> propose
les interviews des auteurs des principales lectures ainsi que le pro-
gramme scientifique exhaustif.
Ce compte-rendu met l’accent sur des particularités cardiolo-
giques sud-américaines (intervention de Batista, maladie de Cha-
gas) et reflète l’importance des communications consacrées à
l’athérosclérose, de la physiopathologie jusqu’à la thérapeutique
des syndromes coronaires aigus.
INTERVENTION DE BATISTA
Batista Randas a fait le point sur l’intervention de ventriculec-
tomie partielle dont il a été le pionnier en Amérique du Sud. Ima-
ginée il y a 14 ans comme une intervention d’attente de la trans-
plantation cardiaque pour des patients en insuffisance cardiaque
terminale, cette reconstruction géométrique du ventricule gauche
est devenue depuis 4 ans, dans certains centres, une option thé-
rapeutique alternative à la transplantation. Le principe physio-
pathologique de base qui a présidé au développement de cette
stratégie chirurgicale est la réduction de la dilatation ventricu-
laire gauche dans le but d’améliorer l’efficacité de la contraction.
Le plus grand bénéfice de l’intervention est obtenu chez les
patients atteints des plus grandes dilatations cavitaires (diamètre
télédiastolique ventriculaire gauche compris entre 70 et 80 mm)
par surcharge volumétrique en rapport avec une valvulopathie
évoluée (insuffisance aortique ou insuffisance mitrale). La mala-
die de Chagas, très fréquente en Amérique du Sud, conduit à une
dysfonction systolique sur un ventricule gauche peu dilaté et ne
représente pas une bonne indication de l’intervention de Batista.
Les taux de survie sont de 95 % en postopératoire immédiat, de
85 % à la sortie de l’hôpital, de 66 % à un an, de 60 % à deux ans
et de 57 % à trois ans.
MALADIE DE CHAGAS
Véritable fléau sur le continent sud-américain et l’un des princi-
paux problèmes économiques de santé publique, cette parasitose
atteint 20 millions d’individus et menace 100 millions de per-
sonnes. Une réunion d’experts brésiliens et argentins devant une
audience étonnamment restreinte a comparé l’évaluation écono-
mique de deux stratégies de prise en charge, l’une curative des
formes diagnostiquées, l’autre préventive par l’éducation des
populations aux risques de contamination. Si l’approche préven-
tive paraît préférable, elle se heurte au problème majeur de la
réceptivité d’une campagne d’information au sein d’une popula-
tion à près de 30 % analphabète.
ATHÉROSCLÉROSE
Physiopathologie des syndromes coronaires aigus
V. Fuster, devant une audience captivée, a fait le point sur la phy-
siopathologie des syndromes coronariens aigus et a précisé les
caractéristiques de la plaque athéroscléreuse vulnérable. Le plus
souvent responsable d’une sténose peu importante, elle est expo-
sée “passivement” à la rupture, en raison de la richesse de son
noyau lipidique et de la finesse de sa cape fibreuse. L’ulcération
induite déclenche la thrombose coronaire, et il est légitime de
parler alors d’athéro-thrombose coronaire. Ce phénomène de rup-
ture implique l’intervention des macrophages dérivés des mono-
cytes sanguins après leur adhésion à l’endothélium pathologique
et leur migration dans l’intima par diapédèse. Toutefois, certaines
plaques à faible densité lipidique mais riches en matrice extra-
cellulaire et en cellules musculaires lisses peuvent être le siège
Congrès mondial de cardiologie
Rio de Janeiro*
L
* 26-30 avril 1998.
La Lettre du Cardiologue - n° 297 - juin 1998
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d’érosions superficielles ou de fissurations, source de thrombose
endocoronaire. Lors de la rupture pariétale, des facteurs pro-
thrombogènes locaux et sytémiques peuvent influencer la taille
et la durée de la formation du thrombus. Parmi ceux-ci intervient
le facteur tissulaire du noyau lipidique qui dispose de la plus haute
thrombogénicité. L’étude de prélèvements d’athérectomie réali-
sée au cours de syndromes coronaires aigus montre l’étroite rela-
tion qui existe entre le contenu en facteur tissulaire du cœur lipi-
dique et l’activité des macrophages. Les monocytes sanguins
peuvent moduler l’expression de facteur tissulaire et modifier la
thrombogénicité d’une plaque non rompue mais seulement le
siège d’érosions superficielles. Les traitements médicamenteux
abaissant les niveaux élevés de LDL cholestérol concourent à
modifier la composition du cœur lipidique ; les “sorties” d’esters
de cholestérol et leur hydrolyse en cristal de cholestérol prédo-
mineraient alors sur les dépôts de LDL cholestérol.
MÉTHODES D’ÉTUDE DE LA PLAQUE ATHÉROSCLÉREUSE
VULNÉRABLE
J. Willerson (États-Unis) a fait le point sur la thermographie
infrarouge capable de détecter le réchauffement de 1 à 2°C des
plaques vulnérables. Cette modification est étroitement corrélée
à l’activité cellulaire et en premier lieu à l’afflux de macrophages,
dont l’exposition à 40°C pendant plus de 15 minutes peut conduire
à l’apoptose. Des caméras infrarouges miniaturisées permettent
déjà une application de recherche clinique sur les artères caro-
tides humaines.
G. Pohost (Boston, États-Unis) a décrit les différents apports de
la résonance magnétique nucléaire. Outre l’imagerie des plaques,
cette méthode permet l’étude de leur composition (caractérisa-
tion tissulaire) et des vélocités sanguines. On peut ainsi diffé-
rencier avec précision la cape fibreuse et le noyau lipidique.
L’étude du coefficient de diffusion dans l’eau par RMN permet-
trait de distinguer également les thrombus frais des thrombus
anciens et des caillots semi-récents (J.F. Toussaint). La mesure
des vélocités sanguines ouvre la voie de la quantification in vivo
des forces de cisaillement exercées au niveau des plaques.
Ces techniques, encore du domaine de la recherche, voient leurs
applications limitées par leur faible diffusion et ne doivent pas
faire omettre l’intérêt pratique de la valeur prédictive du dosage
sensible de la C reactive protein en quartiles de risque croissant
(> 0,5, 0,5-1, 1,1-2,1, > 2,1 ng/ml).
Prévention de l’athérosclérose par la diététique
D. Ornish (États-Unis), médecin du président Bill Clinton, a pro-
noncé une conférence sur l’effet du régime alimentaire et de
l’exercice physique dans la prévention cardiovasculaire. Il a
insisté sur la récente publication dans le New England Journal of
Medicine d’une étude de prévention secondaire faisant état du
bénéfice d’un petit déjeuner comportant des céréales riches en
acide folique et susceptible de diminuer l’hyperhomocystéiné-
mie. Aux Français de savoir s’ils souhaitent cultiver le “French
paradox” ou bien s’ils préfèrent suivre les recommandations nord-
américaines de consommation quotidienne d’au moins 400 mg
d’acide folique en comprimés... ou sous la forme de camembert,
de rognons, de haricots, d’épinards ou d’abricots.
HTA SYSTOLIQUE DU SUJET ÂGÉ
M.A. Weber (États-Unis) a fait le point sur les avancées les plus
marquantes dans la stratégie thérapeutique de l’hypertension arté-
rielle du sujet âgé. Une évaluation rigoureuse et complète du
risque cardiovasculaire global de chaque patient est indispensable
avant toute décision d’intervention médicamenteuse. La prise en
charge doit être personnalisée et adaptée en prenant en compte
les recommandations actuelles et le niveau de preuve des diffé-
rentes classes d’antihypertenseurs.
L’HTA sévère doit être individualisée en raison de la mise en jeu
à court terme (6 mois) du pronostic vital et fonctionnel (accident
vasculaire cérébral constitué). L’HTA sévère n’est pas seulement
un facteur de risque cardiovasculaire à long terme, c’est aussi la
principale cause d’accident vasculaire cérébral mortel.
L’HTAdu sujet âgé présente une sévérité particulière liée à la forte
prévalence d’une athérosclérose associée. L’épaississement parié-
tal artériel est responsable d’une majoration des chiffres systo-
liques et d’une diminution des chiffres diastoliques. Ce phéno-
mène détermine l’HTAsystolique isolée du sujet âgé, entité à haut
risque. Il est bien démontré que la normalisation des chiffres ten-
sionnels systoliques du sujet âgé réduit la morbi-mortalité car-
diovasculaire. L’étape ultérieure est une action directe sur l’athé-
rosclérose associée. Les données physiopathologiques en faveur
du rôle délétère de l’angiotensine dans l’évolution de l’athéro-
sclérose expliquent l’intérêt particulier porté aux classes théra-
peutiques interférant avec le système rénine-angiotensine-aldos-
térone.
N.M. Kaplan a précisé que l’HTA systolique est plus fréquente
chez la femme que chez l’homme et affecte plus de 50 % des indi-
vidus de plus de 65 ans. Une athérosclérose associée, en parti-
culier rénale, peut aggraver l’HTAet précipiter son évolution vers
une forme sévère, voire maligne. La prise en charge thérapeu-
tique doit intégrer la fréquence élevée (20-30 % des sujets âgés)
d’une hypotension posturale et post-prandiale et une éventuelle
insuffisance rénale, qui nécessite une plus grande restriction de
l’apport sodé et le recours aux diurétiques.
ESSAIS THÉRAPEUTIQUES DANS L’INFARCTUS DU MYO-
CARDE AIGU
F. van de Werf (Belgique) a présenté les résultats préliminaires
de l’étude TIMI 14Aqui a randomisé des patients à la phase aiguë
de l’infarctus du myocarde en quatre bras thérapeutiques : alté-
plase (tPA) accéléré seul, abciximab et petites doses de tPA,
abciximab et petites doses de streptokinase, abciximab seul sans
thrombolytique associé. La stratégie combinée altéplase faible
dose et abciximab améliore significativement la reperfusion coro-
naire à 90 minutes (79 % de patients ont un flux TIMI 3) com-
parativement au tPA accéléré seul (58 % de patients avec flux
TIMI 3). Un taux de reperfusion voisin est obtenu par l’associa-
tion streptokinase et abciximab, mais au prix d’un excès d’évé-
nements hémorragiques rédhibitoire. L’association tPAfaible
dose
et abciximab sera évaluée à plus large échelle dans TIMI 14B.
Dr F. Philippe,
Institut mutualiste Montsouris, Paris
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