La Lettre du Cardiologue - n° 297 - juin 1998
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d’érosions superficielles ou de fissurations, source de thrombose
endocoronaire. Lors de la rupture pariétale, des facteurs pro-
thrombogènes locaux et sytémiques peuvent influencer la taille
et la durée de la formation du thrombus. Parmi ceux-ci intervient
le facteur tissulaire du noyau lipidique qui dispose de la plus haute
thrombogénicité. L’étude de prélèvements d’athérectomie réali-
sée au cours de syndromes coronaires aigus montre l’étroite rela-
tion qui existe entre le contenu en facteur tissulaire du cœur lipi-
dique et l’activité des macrophages. Les monocytes sanguins
peuvent moduler l’expression de facteur tissulaire et modifier la
thrombogénicité d’une plaque non rompue mais seulement le
siège d’érosions superficielles. Les traitements médicamenteux
abaissant les niveaux élevés de LDL cholestérol concourent à
modifier la composition du cœur lipidique ; les “sorties” d’esters
de cholestérol et leur hydrolyse en cristal de cholestérol prédo-
mineraient alors sur les dépôts de LDL cholestérol.
MÉTHODES D’ÉTUDE DE LA PLAQUE ATHÉROSCLÉREUSE
VULNÉRABLE
J. Willerson (États-Unis) a fait le point sur la thermographie
infrarouge capable de détecter le réchauffement de 1 à 2°C des
plaques vulnérables. Cette modification est étroitement corrélée
à l’activité cellulaire et en premier lieu à l’afflux de macrophages,
dont l’exposition à 40°C pendant plus de 15 minutes peut conduire
à l’apoptose. Des caméras infrarouges miniaturisées permettent
déjà une application de recherche clinique sur les artères caro-
tides humaines.
G. Pohost (Boston, États-Unis) a décrit les différents apports de
la résonance magnétique nucléaire. Outre l’imagerie des plaques,
cette méthode permet l’étude de leur composition (caractérisa-
tion tissulaire) et des vélocités sanguines. On peut ainsi diffé-
rencier avec précision la cape fibreuse et le noyau lipidique.
L’étude du coefficient de diffusion dans l’eau par RMN permet-
trait de distinguer également les thrombus frais des thrombus
anciens et des caillots semi-récents (J.F. Toussaint). La mesure
des vélocités sanguines ouvre la voie de la quantification in vivo
des forces de cisaillement exercées au niveau des plaques.
Ces techniques, encore du domaine de la recherche, voient leurs
applications limitées par leur faible diffusion et ne doivent pas
faire omettre l’intérêt pratique de la valeur prédictive du dosage
sensible de la C reactive protein en quartiles de risque croissant
(> 0,5, 0,5-1, 1,1-2,1, > 2,1 ng/ml).
Prévention de l’athérosclérose par la diététique
D. Ornish (États-Unis), médecin du président Bill Clinton, a pro-
noncé une conférence sur l’effet du régime alimentaire et de
l’exercice physique dans la prévention cardiovasculaire. Il a
insisté sur la récente publication dans le New England Journal of
Medicine d’une étude de prévention secondaire faisant état du
bénéfice d’un petit déjeuner comportant des céréales riches en
acide folique et susceptible de diminuer l’hyperhomocystéiné-
mie. Aux Français de savoir s’ils souhaitent cultiver le “French
paradox” ou bien s’ils préfèrent suivre les recommandations nord-
américaines de consommation quotidienne d’au moins 400 mg
d’acide folique en comprimés... ou sous la forme de camembert,
de rognons, de haricots, d’épinards ou d’abricots.
HTA SYSTOLIQUE DU SUJET ÂGÉ
M.A. Weber (États-Unis) a fait le point sur les avancées les plus
marquantes dans la stratégie thérapeutique de l’hypertension arté-
rielle du sujet âgé. Une évaluation rigoureuse et complète du
risque cardiovasculaire global de chaque patient est indispensable
avant toute décision d’intervention médicamenteuse. La prise en
charge doit être personnalisée et adaptée en prenant en compte
les recommandations actuelles et le niveau de preuve des diffé-
rentes classes d’antihypertenseurs.
L’HTA sévère doit être individualisée en raison de la mise en jeu
à court terme (6 mois) du pronostic vital et fonctionnel (accident
vasculaire cérébral constitué). L’HTA sévère n’est pas seulement
un facteur de risque cardiovasculaire à long terme, c’est aussi la
principale cause d’accident vasculaire cérébral mortel.
L’HTAdu sujet âgé présente une sévérité particulière liée à la forte
prévalence d’une athérosclérose associée. L’épaississement parié-
tal artériel est responsable d’une majoration des chiffres systo-
liques et d’une diminution des chiffres diastoliques. Ce phéno-
mène détermine l’HTAsystolique isolée du sujet âgé, entité à haut
risque. Il est bien démontré que la normalisation des chiffres ten-
sionnels systoliques du sujet âgé réduit la morbi-mortalité car-
diovasculaire. L’étape ultérieure est une action directe sur l’athé-
rosclérose associée. Les données physiopathologiques en faveur
du rôle délétère de l’angiotensine dans l’évolution de l’athéro-
sclérose expliquent l’intérêt particulier porté aux classes théra-
peutiques interférant avec le système rénine-angiotensine-aldos-
térone.
N.M. Kaplan a précisé que l’HTA systolique est plus fréquente
chez la femme que chez l’homme et affecte plus de 50 % des indi-
vidus de plus de 65 ans. Une athérosclérose associée, en parti-
culier rénale, peut aggraver l’HTAet précipiter son évolution vers
une forme sévère, voire maligne. La prise en charge thérapeu-
tique doit intégrer la fréquence élevée (20-30 % des sujets âgés)
d’une hypotension posturale et post-prandiale et une éventuelle
insuffisance rénale, qui nécessite une plus grande restriction de
l’apport sodé et le recours aux diurétiques.
ESSAIS THÉRAPEUTIQUES DANS L’INFARCTUS DU MYO-
CARDE AIGU
F. van de Werf (Belgique) a présenté les résultats préliminaires
de l’étude TIMI 14Aqui a randomisé des patients à la phase aiguë
de l’infarctus du myocarde en quatre bras thérapeutiques : alté-
plase (tPA) accéléré seul, abciximab et petites doses de tPA,
abciximab et petites doses de streptokinase, abciximab seul sans
thrombolytique associé. La stratégie combinée altéplase faible
dose et abciximab améliore significativement la reperfusion coro-
naire à 90 minutes (79 % de patients ont un flux TIMI 3) com-
parativement au tPA accéléré seul (58 % de patients avec flux
TIMI 3). Un taux de reperfusion voisin est obtenu par l’associa-
tion streptokinase et abciximab, mais au prix d’un excès d’évé-
nements hémorragiques rédhibitoire. L’association tPAfaible
dose
et abciximab sera évaluée à plus large échelle dans TIMI 14B.
Dr F. Philippe,
Institut mutualiste Montsouris, Paris