I N F O R M A T I O N S Congrès mondial de cardiologie ❏ Rio de Janeiro* L e XIIIe Congrès mondial de cardiologie a réuni 12 000 participants dont environ 70 % originaires d’Amérique latine et 30 % également répartis entre Européens, Nord-Américains et Asiatiques. Cinq mille communications scientifiques ont été présentées, dont plusieurs lectures de synthèse (state of the art), 40 symposiums satellites ont été organisés, et les sessions de posters ont regroupé 2 000 abstracts. Le comité d’organisation a décerné trois prix pour individualiser les dernières grandes avancées épidémiologiques (l’importance de la prévention des maladies cardiovasculaires par le contrôle des facteurs de risque), fondamentales (l’essor de la génétique dans la compréhension de certaines cardiopathies ou dans l’hypertension artérielle) et thérapeutiques (chirurgie réparatrice des cardiopathies congénitales). Le serveur Internet <http://www.wcc98.com/wcc98/english> propose les interviews des auteurs des principales lectures ainsi que le programme scientifique exhaustif. Ce compte-rendu met l’accent sur des particularités cardiologiques sud-américaines (intervention de Batista, maladie de Chagas) et reflète l’importance des communications consacrées à l’athérosclérose, de la physiopathologie jusqu’à la thérapeutique des syndromes coronaires aigus. INTERVENTION DE BATISTA Batista Randas a fait le point sur l’intervention de ventriculectomie partielle dont il a été le pionnier en Amérique du Sud. Imaginée il y a 14 ans comme une intervention d’attente de la transplantation cardiaque pour des patients en insuffisance cardiaque terminale, cette reconstruction géométrique du ventricule gauche est devenue depuis 4 ans, dans certains centres, une option thérapeutique alternative à la transplantation. Le principe physiopathologique de base qui a présidé au développement de cette stratégie chirurgicale est la réduction de la dilatation ventriculaire gauche dans le but d’améliorer l’efficacité de la contraction. Le plus grand bénéfice de l’intervention est obtenu chez les patients atteints des plus grandes dilatations cavitaires (diamètre télédiastolique ventriculaire gauche compris entre 70 et 80 mm) par surcharge volumétrique en rapport avec une valvulopathie évoluée (insuffisance aortique ou insuffisance mitrale). La maladie de Chagas, très fréquente en Amérique du Sud, conduit à une dysfonction systolique sur un ventricule gauche peu dilaté et ne représente pas une bonne indication de l’intervention de Batista. Les taux de survie sont de 95 % en postopératoire immédiat, de 85 % à la sortie de l’hôpital, de 66 % à un an, de 60 % à deux ans et de 57 % à trois ans. MALADIE DE CHAGAS Véritable fléau sur le continent sud-américain et l’un des principaux problèmes économiques de santé publique, cette parasitose atteint 20 millions d’individus et menace 100 millions de personnes. Une réunion d’experts brésiliens et argentins devant une audience étonnamment restreinte a comparé l’évaluation économique de deux stratégies de prise en charge, l’une curative des formes diagnostiquées, l’autre préventive par l’éducation des populations aux risques de contamination. Si l’approche préventive paraît préférable, elle se heurte au problème majeur de la réceptivité d’une campagne d’information au sein d’une population à près de 30 % analphabète. ATHÉROSCLÉROSE Physiopathologie des syndromes coronaires aigus V. Fuster, devant une audience captivée, a fait le point sur la physiopathologie des syndromes coronariens aigus et a précisé les caractéristiques de la plaque athéroscléreuse vulnérable. Le plus souvent responsable d’une sténose peu importante, elle est exposée “passivement” à la rupture, en raison de la richesse de son noyau lipidique et de la finesse de sa cape fibreuse. L’ulcération induite déclenche la thrombose coronaire, et il est légitime de parler alors d’athéro-thrombose coronaire. Ce phénomène de rupture implique l’intervention des macrophages dérivés des monocytes sanguins après leur adhésion à l’endothélium pathologique et leur migration dans l’intima par diapédèse. Toutefois, certaines plaques à faible densité lipidique mais riches en matrice extracellulaire et en cellules musculaires lisses peuvent être le siège * 26-30 avril 1998. 16 La Lettre du Cardiologue - n° 297 - juin 1998 d’érosions superficielles ou de fissurations, source de thrombose endocoronaire. Lors de la rupture pariétale, des facteurs prothrombogènes locaux et sytémiques peuvent influencer la taille et la durée de la formation du thrombus. Parmi ceux-ci intervient le facteur tissulaire du noyau lipidique qui dispose de la plus haute thrombogénicité. L’étude de prélèvements d’athérectomie réalisée au cours de syndromes coronaires aigus montre l’étroite relation qui existe entre le contenu en facteur tissulaire du cœur lipidique et l’activité des macrophages. Les monocytes sanguins peuvent moduler l’expression de facteur tissulaire et modifier la thrombogénicité d’une plaque non rompue mais seulement le siège d’érosions superficielles. Les traitements médicamenteux abaissant les niveaux élevés de LDL cholestérol concourent à modifier la composition du cœur lipidique ; les “sorties” d’esters de cholestérol et leur hydrolyse en cristal de cholestérol prédomineraient alors sur les dépôts de LDL cholestérol. MÉTHODES D’ÉTUDE DE LA PLAQUE ATHÉROSCLÉREUSE VULNÉRABLE J. Willerson (États-Unis) a fait le point sur la thermographie infrarouge capable de détecter le réchauffement de 1 à 2°C des plaques vulnérables. Cette modification est étroitement corrélée à l’activité cellulaire et en premier lieu à l’afflux de macrophages, dont l’exposition à 40°C pendant plus de 15 minutes peut conduire à l’apoptose. Des caméras infrarouges miniaturisées permettent déjà une application de recherche clinique sur les artères carotides humaines. G. Pohost (Boston, États-Unis) a décrit les différents apports de la résonance magnétique nucléaire. Outre l’imagerie des plaques, cette méthode permet l’étude de leur composition (caractérisation tissulaire) et des vélocités sanguines. On peut ainsi différencier avec précision la cape fibreuse et le noyau lipidique. L’étude du coefficient de diffusion dans l’eau par RMN permettrait de distinguer également les thrombus frais des thrombus anciens et des caillots semi-récents (J.F. Toussaint). La mesure des vélocités sanguines ouvre la voie de la quantification in vivo des forces de cisaillement exercées au niveau des plaques. Ces techniques, encore du domaine de la recherche, voient leurs applications limitées par leur faible diffusion et ne doivent pas faire omettre l’intérêt pratique de la valeur prédictive du dosage sensible de la C reactive protein en quartiles de risque croissant (> 0,5, 0,5-1, 1,1-2,1, > 2,1 ng/ml). Prévention de l’athérosclérose par la diététique D. Ornish (États-Unis), médecin du président Bill Clinton, a prononcé une conférence sur l’effet du régime alimentaire et de l’exercice physique dans la prévention cardiovasculaire. Il a insisté sur la récente publication dans le New England Journal of Medicine d’une étude de prévention secondaire faisant état du bénéfice d’un petit déjeuner comportant des céréales riches en acide folique et susceptible de diminuer l’hyperhomocystéinémie. Aux Français de savoir s’ils souhaitent cultiver le “French paradox” ou bien s’ils préfèrent suivre les recommandations nordaméricaines de consommation quotidienne d’au moins 400 mg d’acide folique en comprimés... ou sous la forme de camembert, de rognons, de haricots, d’épinards ou d’abricots. La Lettre du Cardiologue - n° 297 - juin 1998 HTA SYSTOLIQUE DU SUJET ÂGÉ M.A. Weber (États-Unis) a fait le point sur les avancées les plus marquantes dans la stratégie thérapeutique de l’hypertension artérielle du sujet âgé. Une évaluation rigoureuse et complète du risque cardiovasculaire global de chaque patient est indispensable avant toute décision d’intervention médicamenteuse. La prise en charge doit être personnalisée et adaptée en prenant en compte les recommandations actuelles et le niveau de preuve des différentes classes d’antihypertenseurs. L’HTA sévère doit être individualisée en raison de la mise en jeu à court terme (6 mois) du pronostic vital et fonctionnel (accident vasculaire cérébral constitué). L’HTA sévère n’est pas seulement un facteur de risque cardiovasculaire à long terme, c’est aussi la principale cause d’accident vasculaire cérébral mortel. L’HTA du sujet âgé présente une sévérité particulière liée à la forte prévalence d’une athérosclérose associée. L’épaississement pariétal artériel est responsable d’une majoration des chiffres systoliques et d’une diminution des chiffres diastoliques. Ce phénomène détermine l’HTA systolique isolée du sujet âgé, entité à haut risque. Il est bien démontré que la normalisation des chiffres tensionnels systoliques du sujet âgé réduit la morbi-mortalité cardiovasculaire. L’étape ultérieure est une action directe sur l’athérosclérose associée. Les données physiopathologiques en faveur du rôle délétère de l’angiotensine dans l’évolution de l’athérosclérose expliquent l’intérêt particulier porté aux classes thérapeutiques interférant avec le système rénine-angiotensine-aldostérone. N.M. Kaplan a précisé que l’HTA systolique est plus fréquente chez la femme que chez l’homme et affecte plus de 50 % des individus de plus de 65 ans. Une athérosclérose associée, en particulier rénale, peut aggraver l’HTA et précipiter son évolution vers une forme sévère, voire maligne. La prise en charge thérapeutique doit intégrer la fréquence élevée (20-30 % des sujets âgés) d’une hypotension posturale et post-prandiale et une éventuelle insuffisance rénale, qui nécessite une plus grande restriction de l’apport sodé et le recours aux diurétiques. ESSAIS THÉRAPEUTIQUES DANS L’INFARCTUS DU MYOCARDE AIGU F. van de Werf (Belgique) a présenté les résultats préliminaires de l’étude TIMI 14A qui a randomisé des patients à la phase aiguë de l’infarctus du myocarde en quatre bras thérapeutiques : altéplase (tPA) accéléré seul, abciximab et petites doses de tPA, abciximab et petites doses de streptokinase, abciximab seul sans thrombolytique associé. La stratégie combinée altéplase faible dose et abciximab améliore significativement la reperfusion coronaire à 90 minutes (79 % de patients ont un flux TIMI 3) comparativement au tPA accéléré seul (58 % de patients avec flux TIMI 3). Un taux de reperfusion voisin est obtenu par l’association streptokinase et abciximab, mais au prix d’un excès d’événements hémorragiques rédhibitoire. L’association tPA faible dose et abciximab sera évaluée à plus large échelle dans TIMI 14B. Dr F. Philippe, Institut mutualiste Montsouris, Paris [email protected] 17