en orthographe et bénéficiait d’un
soutien orthophonique. De plus, il
m’était décrit comme un garçon plutôt
inhibé et anxieux. Il reçut donc 10 mg
de thioridazine et commença un traite-
ment antidépresseur avec 10 mg par
jour de clomipramine.
Le père, également choqué et se décri-
vant lui-même comme introverti, reçut
100 mg par jour d’oxazépam, un com-
primé de zopiclone au coucher et
20 mg par jour de paroxétine ; exploi-
tant agricole, il n’eut pas besoin que je
lui fasse un arrêt de travail, mais je lui
conseillais de faire une pause dans ses
activités. Le lendemain, les symp-
tômes “physiques” de l’état de stress
aigu avaient bien rétrocédé, notam-
ment au niveau du sommeil, de l’ano-
rexie et ce, pour le père et son fils.
Celui-ci put se projeter dans l’avenir
– qui était de reprendre l’exploitation
agricole de son père – et, après l’en-
tretien, il se sentait moins culpabilisé.
Originaire du secteur de la Châtre, je
leur conseillais de prendre contact dès
le lundi avec le psychiatre du CMP le
plus proche de leur domicile à qui je
laissai le dossier.
◗
◗ En avril 2002, un accident du travail
se produit dans une usine de confec-
tion des environ de Châteauroux.
Une jeune employée de 27 ans perd le
contrôle de son chariot élévateur, qui
l’écrase, et celle-ci meurt sur le coup.
L’accident se produit un vendredi et,
peu à peu, des collègues de travail
l’apprennent. Ils essaient de reprendre
le travail le lundi matin, mais beau-
coup présentent une phobie vis-à-vis
de la reprise et les symptômes d’un
état de stress aigu. Certains d’entre
eux, qui étaient plus proches de la vic-
time, sont sous le choc, et contactent
le SAMU dès le lundi.
Nous rencontrons plusieurs patients
souffrant d’un état de stress aigu.
❙Mme A.S., 30 ans, mariée et mère de
deux enfants n’a pas assisté à l’acci-
dent mais se sentait très proche de la
victime. Elle arrive dans le service en
état de trémulations pithiatiques de
tout le corps, notamment des quatre
membres. Elle est mutique, très
angoissée, en sueur. Elle a reçu aux
urgences 0,50 mg d’alprazobam asso-
cié à une injection intramusculaire de
50 mg de clorazépate dipotassique.
Cependant elle mettra une dizaine de
minutes avant de pouvoir s’exprimer :
“C’était une bonne vivante, nous nous
aimions bien” répète-t-elle à propos de
la victime. Elle parvient à raconter les
circonstances dans lesquelles elle a
appris, le samedi, le décès de sa col-
lègue. Elle exprime des sentiments de
rancœur vis-à-vis de l’entreprise qui
ne pense selon elle qu’à la productivi-
té et dit que c’est trop injuste de mou-
rir ainsi pour son travail. Il faut la sol-
liciter pour qu’elle réponde. Elle
craint de ne plus pouvoir travailler,
que ce qui s’est passé le matin même
ne se reproduise, c’est-à-dire d’avoir
une phobie de la réembauche. Peu à
peu, le syndrome spasmophilique s’est
amendé, mais elle reste sous le choc.
Nous lui proposons donc une brève
hospitalisation, qu’elle accepte, et
durant laquelle elle reçoit une perfu-
sion de 50 mg de clorazépate dipotas-
sique et 10 mg de cyamémazine au
coucher. Elle sort 48 heures plus tard,
mais revient se faire hospitaliser après
avoir assisté aux obsèques de son
amie, le mercredi suivant ; elle est
admise dans le même tableau sympto-
matologique que lors de la première
hospitalisation. Nous décidons donc
l’adjonction d’un antidépresseur séro-
toninergique, soit 20 mg par jour de
citalopram. Un arrêt de travail pour
quinze jours est prescrit, après entente
avec le médecin conseil, sur un formu-
laire d’accident du travail.
Les autres personnes en souffrance
sont d’abord reçues par des infirmiers
et un psychologue en thérapie de grou-
pe de parole, puis la psychologue
m’adresse certains de ces patients.
❙M. F.A., 35 ans, syndicaliste et
membre du Comité d’hygiène et de
sécurité de l’entreprise, ne veut pas
s’arrêter de travailler pour pouvoir
continuer à défendre ses collègues. Il
était présent au moment des faits, a vu
le corps de la victime et a même aidé
les pompiers à nettoyer les lieux du
drame. Apparemment non anxieux, il
dit ne presque plus dormir et craindre
d’assister aux funérailles de la victime,
car chaque enterrement lui rappelle
celui de son père, décédé accidentelle-
ment à l’âge de 42 ans. Il reçoit donc
une prescription de 50 à 100 mg
d’oxazépam, et au coucher deux com-
primés de zopiclone à diminuer rapi-
dement à un seul comprimé. Revu une
semaine plus tard, son état s’était net-
tement amélioré.
❙Mme C.G., 32 ans, n’était qu’indi-
rectement présente au moment des
faits. Elle dit se réveiller à 2 h 00 du
matin chaque nuit et s’autodéprécie :
“je suis une esclave”, dit-elle. Elle
reçoit un arrêt de travail de 15 jours et
une prescription d’hypnotique (un
comprimé de zopiclone au coucher).
❙Mme R.J., 30 ans, était présente le
jour de l’accident mais n’a pas assisté
à la scène. Il s’agit néanmoins d’une
proche de la victime. Elle présente une
certaine fragilité prémorbide à type de
trouble de l’adaptation avec humeur
anxieuse (DSM IV : F-300.02) et a reçu
par le passé 25 mg d’hydroxyzine. Son
anxiété est très somatisée, faite de
maux de tête (sensation de poids au
niveau de la nuque), d’insomnie, d’en-
dormissement, etc. Elle reçoit donc
une prescription de zolmitriptan à la
demande, bromazépam, et zopiclone
au coucher. Revue une semaine plus
tard, ses symptômes s’étaient amendés.
❙M. S.S., 32 ans, a vu le corps de la
victime et avait, en outre, des liens pri-
vilégiés avec elle au travail. Il présen-
te une insomnie totale, le visage défor-
mé de la victime lui revient. Il dit
trembler “de partout” et présente une
hypertension artérielle à 18/6. Il lui est
donc conseillé de s’arrêter de tra-
vailler pendant un mois. Il reçoit une
prescription de deux comprimés de
zopiclone au coucher pendant 8 jours
puis un par jour, 2 mg par jour d’al-
prazolam et un comprimé de paroxétine
le matin.
❙Mlle L.S., 25 ans, a vu la scène et les
cheveux de la victime. Depuis, elle
vomit, n’arrive plus à s’alimenter, voit
partout le visage de la victime. Elle est
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Act. Méd. Int. - Psychiatrie (20), n° 4, mai 2003
Les mots et les hommes
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