Le BNP peut-il remplacer l’échocardiographie dans le diagnostic de l’insuffisance cardiaque ? M

La Lettre du Cardiologue - n° 350 - décembre 2001
31
e diagnostic de l’insuffisance cardiaque (IC) est
fondé sur la conjonction de signes cliniques (conges-
tion, bas débit) et de la présence d’une pathologie
cardiaque à l’origine de ces signes. Le diagnostic, classiquement
simple, est en fait plus difficile quand les signes sont frustes,
notamment chez le sujet âgé, ou chez l’insuffisant respiratoire.
Différentes affections (BPCO, anémie, déconditionnement,
œdèmes veineux) peuvent mimer les signes de l’insuffisance car-
diaque. L’échocardiographie doppler aide énormément au
diagnostic positif et surtout étiologique d’une IC ; cet examen
reste néanmoins d’interprétation délicate, et doit inclure toutes
les finesses d’analyse du remplissage (flux mitral, flux des veines
pulmonaires...) ; l’existence d’une altération de la fonction sys-
tolique n’est pas suffisante, chez un patient dyspnéique ou œdé-
mateux, pour affirmer une IC. Une fonction systolique conser-
vée à l’échographie, à l’inverse, ne permet pas de récuser une IC :
on connaît la prévalence croissante des IC à fonction systolique
conservée, notamment chez le sujet âgé.
Les néphrologues, les diabétologues, les hépatologues ont depuis
longtemps un paramètre biologique simple qui leur permet d’af-
firmer sur un prélèvement sanguin que l’organe de leur spécia-
lité est malade ou non. Les cardiologues disposent de tels para-
mètres biologiques pour affirmer l’infarctus, mais pas pour
diagnostiquer l’IC.
Les peptides natriurétiques se sont positionnés depuis plusieurs
années déjà comme des paramètres biologiques diagnostiques de
l’IC. Parmi ceux-ci, le brain natriuretic peptide (BNP) s’est
imposé comme le plus sensible et le plus spécifique. Divers argu-
ments suggèrent que ce peptide pourrait sortir du cadre de la
recherche et entrer dans la routine du diagnostic. Remplacera-t-
il, à court ou moyen terme, l’échocardiographie doppler ?
RAPPEL SOMMAIRE
1. Les peptides natriurétiques forment une famille composée
actuellement de trois peptides : ANP, BNP, CNP. Le BNP est
essentiellement sécrété par les ventricules, ce qui le rend d’em-
blée plus intéressant que l’ANP, sécrété par les oreillettes et les
ventricules, à partir du clivage d’un préproBNP en BNP32, seul
actif, et N-terminal proBNP. À la différence de l’ANP, le BNP
n’est pas stocké et la régulation à court terme de la synthèse et
de l’excrétion du BNP se situe au niveau de l’expression des
gènes. Le stimulus de la sécrétion est la contrainte pariétale, c’est-
à-dire l’étirement radial des myocytes dans la paroi ventriculaire.
En revanche, une hyperpression sans étirement, une dilatation par
allongement mais sans étirement des sarcomères augmentent peu
le BNP (1, 2). Le BNP agit à deux niveaux : au niveau rénal, en
stimulant l’excrétion de sodium par le tubule, mais son action est
MISE AU POINT
Le BNP peut-il remplacer
l’échocardiographie dans le diagnostic
de l’insuffisance cardiaque ?
A. Cohen-Solal, D. Logeart *
* Service de cardiologie, hôpital Beaujon, 100, bd du Général-Leclerc,
92110 Clichy.
Le brain natriuretic peptide (BNP) plasmatique ou
sanguin est un assez bon reflet des pressions de rem-
plissage des ventricules.
Le BNP est plus stable que l’ANP, et donc plus facile à
doser en routine. Il existe maintenant des kits à réponse
rapide sur sang total donnant des résultats en 15 minutes.
La valeur diagnostique, notamment en ce qui concerne
la valeur prédictive négative de l’insuffisance cardiaque
gauche, semble bonne.
La spécificité d’un taux élevé de BNP reste à préciser
un peu mieux qu’à l’heure actuelle.
Le dosage du BNP pourrait également aider à mieux
trier les patients à risque, justifiant d’une évaluation de
la fonction cardiaque par échocardiographie, et peut-
être à mieux adapter le traitement.
Néanmoins, le BNP n’apporte pas les informations
d’ordre étiologique fournies par l’échographie.
Mots-clés : BNP - Insuffisance cardiaque - Diagnostic.
Résumé
L
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émoussée, plus du fait d’une baisse de la perfusion rénale que
d’une down-regulation du récepteur rénal ; au niveau vasculaire,
par une action vasodilatatrice. Il est inactivé par une endopepti-
dase neutre (NEP) non spécifique.
2.De très nombreuses études ont ainsi montré que le BNP était aug-
menté dans l’insuffisance cardiaque et que ses taux étaient corré-
lés à la gravité de l’état hémodynamique et au pronostic. Ces cor-
rélations ont été rappelées dans plusieurs articles de synthèse (3-5).
Néanmoins, les choses ne sont pas aussi simples
qu’il y paraît !
1.
Le BNP est sécrété par les deux ventricules : il peut ainsi être
augmenté dans les pathologies aiguës et chroniques qui aug-
mentent les contraintes ventriculaires droites par le biais d’une
hypertension artérielle pulmonaire : BPCO, emphysème, embo-
lie pulmonaire (6-8). Toutefois, les taux plasmatiques retrouvés
sont, en général, moins élevés que dans la dysfonction systolique
ventriculaire gauche, surtout quand elle est décompensée (9).
Mais ils peuvent être du même niveau que ceux observés dans
une dysfonction ventriculaire gauche diastolique. Nous avons
également trouvé des taux élevés de BNP dans la cirrhose du foie
(du fait de la surcharge volumique qui dilate les ventricules) (8)
(figure 1). L’insuffisance rénale augmente également modéré-
ment les taux de BNP. La spécificité n’est donc pas parfaite.
2.
Les taux plasmatiques de BNP sont mieux corrélés à des indices
de fonction diastolique ou de remplissage (pression capillaire
pulmonaire, pression artérielle pulmonaire, rapport E/A ou temps
de décélération de l’onde E au doppler mitral) qu’à des indices
de fonction systolique ou d’éjection (FE) (8, 10, 11), ce qui n’est
pas surprenant, vu les mécanismes de sécrétion (figures 2 et 3).
On peut donc observer des taux élevés sur des cœurs à FE peu
altérée mais peu compliants et, à l’inverse, des taux modérément
augmentés sur des ventricules dilatés à FE basse, mais bien remo-
delés, distensibles, à pressions de remplissage peu augmentées.
Le BNP est également augmenté chez le transplanté cardiaque
(8, 12). Le BNP plasmatique n’est donc pas un bon reflet de la
FEVG.
3.
Le mécanisme précis de la libération de BNP dans le plasma
n’est pas entièrement élucidé. En effet, des variations des taux de
BNP sous l’effet des médicaments peuvent êtres observées dans
des délais de 15 minutes (sous l’action de diurétiques ou de nitrés
par exemple), ce qui suggère soit un mécanisme de synthèse très
rapide avec une production très rapide d’ARN messager, soit un
pool de BNP stocké et immédiatement libérable (figure 4).
4.
Le BNP semble suivre un cycle circadien, et le rôle éventuel
joué par l’heure du prélèvement, le repos strict ou non, la posi-
tion couchée ou debout reste à préciser.
MISE AU POINT
2 250
2 000
1 750
1 500
1 250
1 000
750
500
250
0
– 250
Cirr IVG Tr C IRC IC diast Témoins
BNP (pg/ml)
Résultats
Figure 1. Taux de BNP (dosé par radio-immunologie) chez des patients
avec insuffisance ventriculaire gauche systolique (IVG), cirrhose du foie
(Cirr), insuffisance respiratoire chronique (IRC), insuffisance cardiaque
à fonction systolique conservée (IC diast) et transplantés cardiaques
(Tr C) [d’après (8)].
800
700
600
500
400
300
200
100
0
– 100
– 200
1234
BNP (pg/ml)
BNP et NYHA
Figure 2. Relation entre le taux plasmatique de BNP, dosé par radio-
immunologie, et la classe NYHA [d’après (8)].
1 000
900
800
700
600
500
400
300
200
100
01
E/A < 1
2
E/A > 2
Groupe
3
E/A 1-2
BNP (pg/ml)
BNP et remplissage mitral
Figure 3. Relation entre le taux plasmatique de BNP, dosé par radio-
immunologie, et le rapport E/A en doppler cardiaque [d’après (8)].
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33
5.
L’action des médicaments sur les taux de BNP reste mal
connue, sans que l’on sache non plus s’il s’agit d’action :
directe des médicaments sur la sécrétion du BNP ou sur la NEP ;
indirecte par le biais d’une interrelation hormonale (endothé-
line et angiotensine II semblent interférer avec la sécrétion ou le
métabolisme du BNP) ;
plus indirecte encore, par le simple biais des modifications
hémodynamiques, modifiant les contraintes ventriculaires et le
profil neurohormonal.
Les IEC, les diurétiques tendent à diminuer les taux de BNP.
L’action des bêtabloquants est moins claire : le BNP ne semble
pas baisser au cours des six premiers mois, peut-être du fait de
l’action inotrope négative initiale des bêtabloquants et de la
bradycardie qui tend à dilater le ventricule. Logiquement, les taux
devraient diminuer ensuite avec la baisse des pressions de rem-
plissage et l’effet favorable sur le remodelage ventriculaire, ce
que semblent montrer les dernières études.
MÉTHODES DE DOSAGE
Le BNP est classiquement dosé par méthode radio-immunolo-
gique (kit Shionogi-Shionoria®,actuellement commercialisé par
CIS-BIO). Le BNP doit être prélevé sur tubes EDTA (13), qu’ils
contiennent ou non de l’aprotinine. La stabilité des peptides
natriurétiques après prélèvement a fait l’objet de controverses ;
il est souvent d’usage de placer le plasma à – 20 °C immédiate-
ment après le prélèvement, mais différentes études montrent que
le BNP est plus stable que l’ANP (14), et une étude récente montre
qu’il est stable 12 heures dans le sang total, quelle que soit la tem-
pérature des échantillons, et même en absence d’aprotinine (15).
Malheureusement, comme pour tous les autres dosages neuro-
hormonaux, le dosage reste cher, de l’ordre de 200-300 F l’unité,
et les tubes ne sont “techniqués” que lorsqu’un nombre impor-
tant d’examens (trousseaux de 50 tubes) est à réaliser. Il est donc
peu probable que l’on puisse à l’avenir avoir, avec cette tech-
nique, des résultats dans la journée ou a fortiori immédiats.
Récemment, un kit (Triage®)de la société Biosite a été com-
mercialisé (en France, par la société BMD, Croissy Beaubourg,
France) ; il a le double intérêt de donner des résultats en
15 minutes, et cela sur sang total. Il utilise une technique par
immunofluorescence “froide” de dosage sur sang total
(250 microlitres
suffisent) . Son coût est actuellement de 170 F.
On voit d’emblée l’intérêt potentiel de ce kit, non seulement pour
le diagnostic positif dans des services d’urgence, des USIC ou
des SMUR, mais aussi dans le suivi du traitement. Les valeurs
normales selon les données du laboratoire sont de 0 à 50 pg/ml
(médiane 12,3 ; 95epercentile 39,6, n = 1 236, hommes 610,
femmes 676) [les résultats des témoins sont exprimés par tranche
d’ âge]. Il existe une bonne corrélation entre les résultats obte-
nus avec le kit Triage®et ceux obtenus avec la technique de Shio-
nogi dans deux articles récents : r = 0,963 ; Triage BNP = 1,579 ;
Shionoria BNP – 2, 947 (16) ; r = 0,935 ; Triage BNP = 1,52 x
Shionoria – 7 (17). La limite maximale de mesure est
1300 ng/ml.
VALEUR DIAGNOSTIQUE DU BNP
Les travaux les plus intéressants sur le BNP dans l’insuffisance
cardiaque avec le kit Biosite®sont ceux réalisés par l’équipe de
A. Maisel à San Diego dans quatre études.
1.
Ces auteurs ont dosé le BNP aux urgences chez 250 patients
(94 % d’hommes) suspects d’IC (droite, gauche ou globale) pour
de la dyspnée (9). Les dosages ont été faits dans les 24 heures.
Ces auteurs montrent que le BNP avec une valeur seuil de
80 pg/ml a une valeur prédictive négative (VPN) de 98 % et une
valeur prédictive positive (VPP) de 95 % pour le diagnostic d’IC.
Le BNP se révélait supérieur au sens clinique de l’urgentiste :
29 des 30 erreurs de diagnostic auraient été corrigées par le dosage
du BNP (figure 5).
MISE AU POINT
1 600
1 400
1 200
1 000
800
600
400
200
0J1 J2 J3 J8
BNP
E/A
BNP
pg/ml
BNP ultrarapide et doppler mitral :
aspect évolutif dans l'OAP
E/A m/sec
Figure 4. Exemple d’évolution du BNP dosé par technique rapide et du
rapport E/A au doppler mitral (reflet de la pression auriculaire gauche)
dans le traitement d’une poussée d’IC.
1 400
38 ± 4
141 ± 31
1 076 ± 138
1 200
1 000
800
600
400
200
0
Pas d'IC
n = 139 Dysfonction VG
Sans insuffisance
cardiaque
décompensée
n = 14
Insuffisance
cardiaque
décompensée
n = 97
BNP (pg/ml)
Diagnostic
Figure 5. Valeur du BNP dans le diagnostic positif d’une IC aux
urgences [d’après (9)].
34
2.
Ces mêmes auteurs ont montré que le taux de BNP avait une
bonne valeur prédictive des données de fonction VG tirées de
l’écho-doppler : une valeur de 75 pg/ml a une VPN de 89 % et
une VPP de 98 % de dysfonction VG, systolique ou diastolique.
Des taux > 80 pg/ml étaient observés chez 1 % seulement des
200 patients examinés (18). L’analyse de l’aire sous la courbe
ROC donne une valeur de 0,96 comparée à l’échographie.
3.
Chez 72 patients hospitalisés pour décompensation de leur
insuffisance cardiaque, un dosage répété de BNP permet de noter
que le taux moyen augmente durant l’hospitalisation chez les
patients décédés ou réhospitalisés par la suite, alors qu’il baisse
chez les autres. Le BNP à la sortie de l’hôpital se révèle un puis-
sant critère pronostique (19).
4.
Enfin, ils montrent qu’une baisse de 33 ± 5 pg/ml du BNP sur
les 24 heures est corrélée avec une baisse de 0,74 ± 0,12 mmHg
par heure (sur 24 heures) de la pression capillaire pulmonaire
(PCP) chez des patients traités pour IC gauche et suivis sur le
plan hémodynamique avec une sonde de Swan-Ganz (20). Néan-
moins, il s’agit de données statistiques sur l’ensemble de la popu-
lation, et l’on manque de données à l’échelon individuel. Il serait
utile de connaître, si cela était possible, les valeurs de baisse de
BNP, en valeur absolue ou relative, qu’il faut obtenir pour reflé-
ter une baisse de PCP de 20 % en valeur relative ou de 5 mmHg
sur une heure, par exemple, afin d’envisager une extension du
dosage rapide du BNP dans cette indication.
D’autres travaux avec ce kit sont nécessaires afin de préciser
ces données. Un travail récent présenté par les auteurs néo-zélan-
dais montre que le dosage du BNP se révèle tout aussi fiable et
reproductible, mais bien plus rapide par la méthode froide, que
celui du NT-proBNP (r = 0,90) (21).
D’autres études réalisées avec la technique radio-immunolo-
gique sur des populations différentes ou plus larges, non sélec-
tionnées, montrent néanmoins des résultats moins favorables, avec
des zones de chevauchement plus larges et une moins bonne
valeur prédictive à l’échelon individuel (22). L’insuffisance res-
piratoire ou rénale et la cirrhose du foie augmentent le BNP (8).
Les valeurs normales du BNP plasmatique augmentent également
légèrement avec l’âge, peut-être du fait de l’altération des pro-
priétés diastoliques du cœur et de la réduction néphronique avec
le vieillissement. Il faut donc prendre en compte l’âge et la fonc-
tion rénale dans les valeurs de normalité.
De ce fait, les valeurs seuil avec chacune des deux techniques
ne sont pas définitivement arrêtées. Ce n’est que lorsque celles-
ci auront été clairement définies, comme cela a été fait avec la tro-
ponine, que le dosage du BNP pourra être utilisé en toute confiance.
Notons néanmoins que les recommandations de la Société euro-
péenne de cardiologie en 2001 considèrent qu’un taux normal d’ANP
ou de BNP rend très improbable un diagnostic d’IC, mais n’abor-
dent pas encore la question de la VPP du dosage de ces peptides.
COMPARAISON BNP/ÉCHOCARDIOGRAPHIE
DOPPLER
L’échocardiographie, surtout couplée au doppler, apporte des ren-
seignements sur le diagnostic étiologique que n’apporte pas le BNP.
Le doppler permet d’apprécier la PCP et la PAP comme le vou-
drait le dosage du BNP. Néanmoins, les limites de l’écho-doppler
sont également nombreuses : échogénicité, expérience de l’écho-
graphiste, fibrillation auriculaire, disponibilité imparfaite bien que
meilleure qu’au Royaume-Uni, où le dosage du BNP tend à se
développer plus vite du fait de la difficulté d’accès à l’échographie
(23, 24), avec une valeur diagnostique variable selon les auteurs
(22, 25) ; difficulté à répéter fréquemment l’examen... (tableau).
Ainsi, le dosage du BNP ne peut, à notre sens, remplacer
actuellement l’échocardiographie doppler dans le diagnostic
de l’IC pour les raisons suivantes :
Il reste relativement cher, certes moins qu’une échocardio-
graphie doppler, mais bien plus qu’une créatininémie ou une
glycémie.
Avec la technique radio-immunologique, les résultats ne sont
disponibles que dans un long délai, incompatible avec la néces-
sité d’un diagnostic rapide (ce n’est pas le cas avec le kit Triage®).
Il ne sépare pas IC droite ou gauche, par dysfonction systo-
lique ou diastolique.
Les valeurs seuil sont encore imparfaitement définies.
Surtout, il n’offre pas toute la richesse de renseignements don-
nés par l’échocardiographie doppler (étiologie, FEVG, fuite
mitrale, géométrie ventriculaire, niveau de PAP...).
Toutefois, si les résultats préliminaires se confirment avec les kits
à réponse rapide, la situation pourrait changer pour les rai-
sons suivantes :
Le prix diminuerait avec la généralisation de la technique.
Le dosage pourrait être généralisé au dépistage de l’IC chez
tous les sujets âgés, ou plutôt – ce qui apparaît plus réaliste en
termes économiques – à risque (HTA, coronarien, diabétique...) :
il pourrait ainsi avantageusement remplacer les dosages de cal-
cémie, uricémie, PSA... dans le bilan sanguin “standard”, censés
dépister des pathologies bien moins fréquentes et moins graves
que l’IC.
MISE AU POINT
Tableau. Comparaison des avantages et des limites respectifs de
l’échocardiographie doppler et du BNP dans l’insuffisance cardiaque.
Échocardiographie BNP
doppler
Coût approximatif 600 F 170 F
Accès ++ + (potentiel +++)
Opérateur-dépendance ++ -
Rapidité des résultats 30 mn 15 mn à 24 h
Reproductibilité ++ +++
Répétabilité dans le temps + +++
Valeur pronostique +++ ++
Apport dans le suivi +++ ++ ?
thérapeutique
La Lettre du Cardiologue - n° 350 - décembre 2001
La Lettre du Cardiologue - n° 350 - décembre 2001
35
Le dosage serait disponible pour tous, cardiologues, généra-
listes, infirmières, en plus des biologistes, sans qu’une expertise
échographique ou biochimique soit nécessaire. Il deviendrait vite
indispensable dans les services d’urgence et les unités mobiles
de réanimation, où il faciliterait l’orientation des patients.
Le dosage pourrait très rapidement se révéler générateur d’éco-
nomies s’il permettait d’éviter des échographies ou des investi-
gations – a fortiori des hospitalisations – inutiles.
Il pourrait permettre de guider le traitement : on peut imagi-
ner ainsi de suivre l’efficacité du traitement d’un OAP ou d’une
décompensation d’IC globale sur des dosages bi- ou triquotidiens
du BNP (en plus de la réponse clinique). Le BNP pourrait encore
limiter le recours à la sonde de Swan-Ganz. De même, comme le
suggèrent des travaux préliminaires (figure 6), il pourrait per-
mettre d’adapter le traitement au long cours de l’IC chronique,
facilitant la titration des doses de diurétiques, actuellement faite
sur la clinique et selon les recommandations des sociétés savantes.
D’autres études sont nécessaires pour confirmer l’observation des
auteurs écossais (26) ou néo-zélandais (27) d’après laquelle une
titration du traitement selon les valeurs de BNP serait plus effi-
cace sur les réhospitalisations, que selon la réponse clinique.
CONCLUSION
Les échographistes peuvent dormir tranquilles : l’échocardio-
graphie doppler, notamment avec les progrès techniques conti-
nuels qui l’accompagnent, garde une place essentielle dans le
diagnostic de l’IC et est toujours indispensable dans son bilan.
Néanmoins, si les résultats actuels obtenus avec le BNP, notam-
ment avec le dosage ultrarapide, se confirment, on peut prédire
que le dosage du BNP aura probablement une place importante
dans le bilan diagnostique, pronostique et thérapeutique d’une IC
et qu’il deviendra un examen de routine répétable (28). D’ores et
déjà, on peut considérer qu’un taux plasmatique normal de BNP
exclut une IC cardiaque décompensée. Mais pour que le BNP
devienne “la créatinine des cardiologues” ou rivalise en valeur
diagnostique avec la troponine, il faudra des données plus consis-
tantes que celles dont nous disposons actuellement.
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MISE AU POINT
100
90
80
70
60
50
0
Événement cardiovasculaire
100
90
80
70
60
50
0
0
Insuffisance cardiaque ou décès
p = 0,034
BNP
BNP
clinique
clinique
p = 0,049
Pourcentage de patients
sans événement
Pourcentage de patients
sans événement
Nombre de patients à risque
BNP
Clinique
33 31 29 28 26 24 22
36 33 29 25 21 17 15
Nombre de patients à risque
BNP
Clinique
33 31 29 28 26 25 24
36 34 31 27 23 21 17
30 60 90 120 150 180
Temps après randomisation (semaines)
Figure 6. Pronostic des patients dont le traitement est adapté selon les
taux de BNP ou selon la réponse clinique [d’après (27)].
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